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L’ART ET LE LANGAGE
© J.-P. DELANGE
2019-2020
PHILOSOPHIE DE L’ART 1
INTRODUCTION
La question de l’Art
« La question de l’Art » est une tournure assez malvenue, car elle embrasse
diverses thématiques et de nombreux enjeux qui font signe vers des distinctions
comme celles qui concernent les différences entre le travail et l’œuvre, entre
l’usage, le besoin et le désir de représenter, entre l’image et l’irreprésentable,
entre le besoin et le plaisir esthétique, etc. La première grande thématique in-
terroge la création (ou la production) de l’Art et ses justifications : pourquoi
existe-t-il quelque chose que l’on appelle Art ? La question suivante, articulée
à la première, relève de la production de l’Art lui-même dans son rapport au
travail. L’Art, il faut le rappeler est la mise en forme d’un matériau et engage de
ce fait à la fois l’habileté et le savoir-faire ainsi que les connaissances nécessaires
du matériau qu’il s’agit de mettre en forme et, partant, il engage une pratique
dont il s’agit de comprendre ses rapports à la connaissance (à la science) et à la
pratique (par le biais du travail). La seconde grande thématique porte sur les
« effets » de l’Art, sur la réceptivité de l’œuvre par le spectateur. Cette théma-
tique fait l’objet d’une réflexion de la part de ce qu’on appelle les philosophies
de l’Art. Une part importante de ces philosophies est consacrée à l’esthétique, do-
maine qui porte sur la manière dont les spectateurs appréhendent l’objet d’art
(ou le spectacle qui s’offre à eux).
Si on jette un coup d’œil général mais attentif sur ce qu’on appelle l’Art,
on remarquera qu’il se révèle aujourd’hui sous différents aspects plus ou moins
institutionnels : il sature l’espace de la vie quotidienne de manière très visible,
qu’il s’agisse de la musique à la radio, du cinéma, de l’opéra, des grands mo-
numents urbains (pensons à la gigantesque statue de la Liberté ouvrant sur le
port et la ville de New York), de la danse, ou des pratiques privées et publiques,
comme le dessin et la peinture. Cette saturation est d’abord politique, puisque
la vie collective contemporaine, dans les régimes libéraux républicains démo-
cratiques, l’art fait non seulement l’objet d’un enseignement public et privé,
mais il est aussi soutenu dans ses pratiques par des institutions publiques et
2 LA QUESTION DE L’ART
privées (cf. le mécénat). Aussi, est-il devenu l’objet d’un métier et de profes-
sions (comme par exemple « éclairagiste de théâtre »), tout comme il est aussi
devenu un loisir et un objet commercial : on voit un marché de l’Art (et des
investisseurs économiques sur ce marché1), tout comme l’Art est devenu l’objet
de pratiques privées au titre du divertissement (ce que les anglo-saxons dési-
gnent par entertainment), générant une économie et une industrie de l’Art. Sur
ce dernier point, les Anglo-saxons restent fidèles au réalisme et au pragmatisme
que les Européens perçoivent en eux. En France, il n’est nullement question
de désigner par industrie des activités de fabrication d’objets d’art, qui restent
pourtant des produits commerciaux destinés à la consommation du grand pu-
blic. On préférera jouer avec plus ou moins de sincérité la carte de l’indignation
— il existe une noblesse inhérente à l’Art qui ne saurait déchoir — pendant
que, outre-Atlantique, on forme des acteurs et des techniciens, des scénographes,
des réalisateurs et des scénaristes, des musiciens et des compositeurs dans les
Universités, afin de commercialiser sur le marché mondial des produits culturels
adaptés aux marchés locaux, non sans succès. Ce qui est vrai du cinéma (ou des
séries diffusées par l’opérateur de réseaux câblés Netflix) est tout aussi vrai de
la scène musicale américaine, qui a su trouver son public all over the world, avec
le même sens commercial que celui qui a permis aux sodas vendus par la firme
Coca-Cola de régner partout. Le phénomène des soap opera — ces séries télévisées
qui à l’origine étaient financées par les compagnies faisant commerce de lessives
— apporte avec lui la question de l’art de masse, au même titre que les romans
policiers, ou les romans de gare à connotation sentimentale2, dont le format, les
modalités de vente et la promotion appartiennent au monde du marketing. L’art
de masse semble ainsi être tributaire de techniques de commercialisation qui
autorisent la mise en rayon des multiples produits dont la diffusion rencontrera
1
La vente aux enchères dans les années 80 du XXe siècle de plusieurs toiles de Van Gogh
représentant des tournesols et leur achat par un consortium de banques japonaises pour des
montants astronomiques, a durablement marqué les esprits. La peinture est ainsi entrée de plain-
pied dans le cercle des enjeux financiers internationaux au titre de moyen d’investissement, de
la même manière que les investissements immobiliers ou les junk bonds.
2
Les romans sentimentaux désignent un genre de littérature stéréotypée dit «à l’eau de rose», dont
le grand succès est dû à un lectorat essentiellement féminin.
3
Cf. L’ouvrage de Nathalie Heinich sur l’émergence de l’artiste dans le monde démocratique
moderne : Heinich, N. (2005). L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique.
Paris: Gallimard. Concernant la thématique de l’Art et du génie, j’en donnerai plus bas des
développements spécifiques.
4 LA QUESTION DE L’ART
d’une way of life (cf. la lettre au lecteur des Essais de Montaigne, l’adresse au
lecteur des Confessions de Rousseau, ou encore le propos de Nietzsche qui veut
faire de chacun un artiste).
c. Le langage de l’Art
L’Art et la technique
Aux origines
Mélancolie et Acédie
La Mélancolie
4
Cf. Aristote (2019). L’homme de génie et la mélancolie (J. Pigeaud, Éditeur) (J. Pigeaud, Traduc-
teur). (Jackie Pigeaud édition). Paris: Payot-Rivages.
5
La mélancolie a fait l’objet d’une étude assez développée en esthétique, notamment sur l’œuvre
d’Albrecht Dürer, Mélencholia I. Cf. Klibansky, R., Panovsky, E., & Saxl, F. (1989). Saturne et la
mélancolie (F. Durand-Bogaert & L. Évrard, Traducteur). Paris: Gallimard.
6 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
« Il reste à parler d’un état de l’âme qui, ce nous semble, n’a pas encore été bien
observé ; c’est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés,
jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans
but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des
passions augmente […] On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et
l’on n’a plus d’illusions […] On habite, avec un cœur plein, un monde vide ; et, sans
avoir usé de rien, on est désabusé de tout. »6.
6
Cf. Chateaubriand, F. R. (1993). Le Génie du Christianisme. Paris: Flammarion. Deuxième partie.
sources intellectuelles et psychologiques7. C’est ce qui est déjà noté par Rousseau
dans le Discours sur l’Origine et les Fondements de l’Inégalité parmi les Hommes,
lorsqu’il distingue l’homme de la nature de l’homme des villes, en insistant
sur le fait que « le sauvage robuste [...] se porte tout entier lui-même ». Cette
dimension de la fragilité de l’homme, soulignée à gros traits par Rousseau chez
l’homme socialisé et urbanisé, quelle qu’en soit l’origine et quelle que soit la
manière dont on l’aborde, avait déjà été notée de manière un peu différente par
Blaise Pascal : « l’homme est un roseau pensant » :
« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant.
Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau
suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble
que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui,
l’univers n’en sait rien »8.
« C’est une des singularités du cœur humain, que, malgré le penchant qu’ont tous les
hommes à juger favorablement d’eux-mêmes, il y a des points sur lesquels ils s’estiment
encore plus méprisables qu’ils ne le sont en effet. Tel est l’intérêt, qu’ils regardent comme
7
E. Kant remarque dans un propos non dénué de sarcasmes — dans son opuscule l’Anthropologie
au point de vue pragmatique, § LX. — en citant le cas de Lord Mordaunt que « les Anglais se
pendent pour passer le temps ».
8
Cf. Pascal, B. (2004). Pensées (M. L. Guern, Éditeur). Paris: Gallimard. Pensée 186.
8 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
leur passion dominante, quoiqu’ils en aient une autre plus forte, plus générale et plus
facile à rectifier, qui ne se sert de l’intérêt que comme d’un moyen pour se satisfaire,
c’est l’amour des distinctions. On fait tout pour s’enrichir, mais c’est pour être considéré
qu’on veut être riche. Cela se prouve en ce que, au lieu de se borner à cette médiocrité
qui constitue le bien-être, chacun veut parvenir à ce degré de richesse qui fixe tous les
yeux, mais qui augmente les soins et les peines et devient presque aussi à charge que
la pauvreté même.9 »
9
Rousseau, J. J. (1964, 10). Rousseau : Œuvres complètes, tome 3. (Volume 3). Gallimard. Fragments
politiques, V : De l’honneur et de la vertu, pp.501-502.
10
Je fais référence ici, dans l’ordre, aux ouvrages de Rousseau suivants : Rousseau, J. J. (1989).
Discours sur l’Origine et les Fondements de l’Inégalité parmi les Hommes (J. Starobinsky, Éditeur). (No
18). Paris: Gallimard.; Rousseau, J. J. (2009). Émile ou de l’Éducation (A. Charrak, Éditeur). (No
1428). Paris: Flammarion.; Rousseau, J. J. (2001). Les Rêveries du Promeneur solitaire (M. Crogiez,
Éditeur). Paris: Le Livre de Poche.; Rousseau, J. J. (1993). Essai sur l’Origine des Langues (C.
Kintzler, Éditeur). (Volume 682). Paris: Flammarion. On peut trouver une analyse pénétrante
(mais rapide) de la mélancolie de J.-J. Rousseau dans Juranville, A. (1993). La femme et la
mélancolie. Paris: P.U.F.. pp. 43-46.
11
Rousseau, J. J. (1989). Discours sur l’Origine et les Fondements de l’Inégalité parmi les Hommes (J.
Starobinsky, Éditeur). (No 18). Paris: Gallimard. Première partie. C’est moi qui souligne.
La solitude exaltée par Rousseau est tout à la fois celle de l’Âge d’Or de
l’être humain (vivant au hasard et seul) dans la situation des origines (« qui
n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais,
et dont il est pourtant nécessaire d’avoir des notions justes ... »), où seule la loi
d’une Nature généreuse sert de guide instinctif12. Elle est aussi la solitude que
Jean-Jacques a choisie, dans la posture tragique de « celui qui est rejeté par la
société », rejeté par ses amis, rejeté par tous :
« Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frere, de prochain, d’ami, de société
que moi-même. Le plus sociable & le plus aimant des humains en a été proscrit par
un accord unanime. Ils ont cherché dans les rafinemens de leur haine quel tourment
pouvoit être le plus cruel à mon ame sensible, & ils ont brisé violemment tous les liens
qui m’attachoient à eux. J’aurois aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes. Ils n’ont pu
qu’en cessant de l’être se dérober à mon affection. Les voilà donc étrangers, inconnus,
nuls enfin pour moi puisqu’ils l’ont voulu. Mais moi, détaché d’eux & de tout, que
suis-je moi-même ?13 »
12
Il faut rappeler que la conscience pour Rousseau est un «guide instinctif et sûr», car elle n’est
pas nourrie par le raisonnement et la délibération, qui eux, en revanche, deviennent la cause de
la dénaturation morale de l’homme.
13
Rousseau, J. J. (2001). Les Rêveries du Promeneur solitaire (M. Crogiez, Éditeur). Paris: Le Livre
de Poche. Première promenade.
14
Cf. Rousseau, J. J. (1996). Discours sur les Sciences et les Arts (J. Berchtold, Éditeur). (No 304).
Paris: Gallimard. Première Partie.
10 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
« Le précieux farniente fut la premiere & la principale de ces jouissances que je voulus
savourer dans toute sa douceur, & tout ce que je fis durant mon séjour ne fut en effet
que l’occupation délicieuse & nécessaire d’un homme qui s’est dévoué à l’oisiveté ».
« De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon
de soi-même & de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même,
comme Dieu. Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-
même un sentiment précieux de contentement & de paix, qui suffirait seul pour rendre
cette existence chère & douce à qui saurait écarter de soi toutes les impressions sensuelles
& terrestres qui viennent sans cesse nous en distraire & en troubler ici-bas la douceur.
Mais la plupart des hommes, agités de passions continuelles, connaissent peu cet état,
& ne l’ayant goûté qu’imparfaitement durant peu d’instants n’en conservent qu’une
idée obscure & confuse qui ne leur en fait pas sentir le charme. Il ne serait pas même
bon, dans la présente constitution des choses, qu’avides de ces douces extases ils s’y
dégoûtassent de la vie active dont leurs besoins toujours renaissants leur prescrivent le
devoir. Mais un infortuné qu’on a retranché de la société humaine & qui ne peut plus
rien faire ici-bas d’utile & de bon pour autrui ni pour soi, peut trouver dans cet état à
toutes les félicités humaines des dédommagements que la fortune & les hommes ne lui
sauraient ôter15. »
15
Rousseau, J. J. (2001). Les Rêveries du Promeneur solitaire (M. Crogiez, Éditeur). Paris: Le Livre
« Je suis né avec un amour naturel pour la solitude, qui n’a fait qu’augmenter à mesure
que j’ai mieux connu les hommes. Je trouve mieux mon compte avec les êtres chimé-
riques que je rassemble autour de moi, qu’avec ceux que je vois dans le monde ; & la
société dont mon imagination fait les frais dans ma retraite, acheve de me dégoûter de
toutes celles que j’ai quittées. Vous me supposez malheureux & consumé de mélancolie.
Oh ! Monsieur, combien vous vous trompez ! C’est à Paris que je l’étois ; c’est à Paris
qu’une bile noire rongeoit mon cœur, & l’amertume de cette bile ne se fait que trop
sentir dans tous les écrits que j’ai publiés tant que j’y suis resté [...] Longtems je me suis
abusé moi-même sur la cause de cet invincible dégoût que j’ai toujours éprouvé dans le
commerce des hommes [...] Quelle est donc enfin cette cause ? Elle n’est autre que cet
indomptable esprit de liberté, que rien n’a pu vaincre, & devant lequel les honneurs, la
fortune, & la réputation même ne me sont rien. Il est certain que cet esprit de liberté
me vient moins d’orgueil que de paresse ; mais cette paresse est incroyable ; tout l’ef-
farouche ; les moindres devoirs de la vie civile lui sont insupportables ; un mot à dire,
une lettre à écrire, une visite à faire, dès qu’il le faut, sont pour moi des supplices [...]
En un mot l’espece de bonheur qu’il me faut, n’est pas tant de faire ce que je veux, que
de ne pas faire ce que je ne veux pas. La vie active n’a rien qui me tente ; je consentirois
cent fois plutôt à ne jamais rien faire, qu’à faire quelque chose malgré moi.17 »
de Poche. 5e Promenade
16
Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, (1721-1794), magistrat, botaniste et homme
d’État français. Directeur de la censure royale (Directeur de la Librairie), il soutint l’Encyclopédie de
Diderot et d’Alembert, ainsi que Jean-Jacques Rousseau, avec lequel il eût une correspondance.
17
Rousseau, J. J. (2003). Lettres philosophiques (J. F. Perrin, Éditeur). Le Livre de Poche. (C’est moi
12 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
qui souligne).
18
La résilience est la capacité de surmonter les situations de traumatisme (qu’il s’agisse des guerres,
des violences subies dans l’enfance, ou des deuils).
19
On peut ajouter au tableau clinique de l’exaltation, dont Rousseau n’est pas avare (en témoigne
la scène du chemin de Vincennes, où Rousseau est pris d’un étourdissement et mouille sa chemise
de larmes, en ayant l’intuition du plan de ce qui deviendra le Discours sur les Sciences et les Arts),
celui de la pathologie néphrétique dont il souffre depuis sa jeunesse et qui a été cause de crises
d’urémie — le délire de persécution des dernières années s’ajoute aux effets de cette maladie
néphrétique. Une vie en somme qui repose sur la compulsion de fuite dans l’imaginaire et le
désir de fusionner avec la Chose, qui est considérée comme un absolu.
20
Cf. Rousseau, J. J. (2009). Émile ou de l’Éducation (A. Charrak, Éditeur). (No 1428). Paris:
Flammarion. Livre IV (Profession de foi du Vicaire savoyard :«Que d’hommes entre Dieu et moi»
« C’est la raison qui engendre l’amour-propre, et c’est la réflexion qui le fortifie ; c’est
elle qui replie l’homme sur lui-même ; c’est elle qui le sépare de tout ce qui le gêne et
l’afflige : c’est la philosophie qui l’isole ; c’est par elle qu’il dit en secret, à l’aspect d’un
homme souffrant : péris si tu veux, je suis en sûreté. Il n’y a plus que les dangers de la
société entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe, et qui l’arrachent de
son lit. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n’a qu’à mettre
ses mains sur ses oreilles et s’argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte
en lui de l’identifier à celui qu’on assassine »21.
21
cf. Rousseau, J. J. (1989). Discours sur l’Origine et les Fondements de l’Inégalité parmi les Hommes
(J. Starobinsky, Éditeur). (No 18). Paris: Gallimard. Première partie.
22
La thématique de la compétition et de l’orgueil est ancienne en philosophie politique. Ce n’est
pas Rousseau qui la met sur le devant de la scène, mais Hobbes, sous l’aspect de la vain glory.
Cf. Hobbes, T. (2000). Leviathan (G. Mairet, Éditeur) (G. Mairet, Traducteur). Paris: Gallimard.
14 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
23
cf. Rousseau, J. J. (1993). Essai sur l’Origine des Langues (C. Kintzler, Éditeur). (Volume 682).
Paris: Flammarion.
24
Cf. Lettres à Malesherbes, Lettre 3 : « Je crois que si j’eusse dévoilé tous les mysteres de la nature,
je me serois senti dans une situation moins delicieuse que cette etourdissante extase à laquelle
mon esprit se livroit sans retenue, et qui dans l’agitation de mes transports me faisait écrier
quelquefois : Ô grand etre ! ô grand etre ! sans pouvoir dire ni penser rien de plus ».
faire le mal en volant le ruban chez Madame de Vercellis, bien que tout vienne
l’accuser : c’est que la vérité réside au fond des cœurs, non dans l’intelligence
des rapports complexes et leur expression, dont il faut toujours se méfier. Nous
pourrions ici très certainement nous tourner vers Blaise Pascal (que nous avons
déjà sollicité plus haut) afin d’interroger ce cœur auquel Rousseau fait référence.
En effet, comme on le sait, il y a dans la pensée de Pascal une opposition très
clairement indiquée entre les vérités du cœur et les vérités de raison : « Le cœur a
ses raisons que la raison ne connaît pas » et
« Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur, c’est
de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que
le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui
n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons
point, quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison ; cette impuissance
ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de
toutes nos connaissances, comme ils le prétendent »25.
Mais il ne s’agit pas ici pour Rousseau de distinguer entre la vérité d’intuition
et l’épreuve de la vérité par le raisonnement. La question des principes premiers
indémontrables à partir desquels on va pouvoir construire l’architecture d’une
logique démonstrative n’intéresse pas le philosophe de Genève. Ce n’est pas ici
le lieu d’entrer dans la délicate et difficile thématique de la rationalité dans la
pensée de Rousseau. Les indices qu’il donne lui-même dans son œuvre et par-
ticulièrement dans les écrits de justification et dans sa correspondance, laissent
à penser que la démonstration et la rigueur logique viennent au second plan de
ses préoccupations26.
25
Pascal, B. (2004). Pensées (M. L. Guern, Éditeur). Paris: Gallimard. Le Guern 101.
26
Dans une lettre à Dom Deschamps, il va même jusqu’à parler de «charlatanerie de raisonnements
pour vous en imposer à vous autres philosophes». Cf. Rousseau, J. J. (2003). Lettres philosophiques
(J. F. Perrin, Éditeur). Le Livre de Poche.
16 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
peu à peu une pensée, celle qui autoriserait la mse en forme et l’exploration de
l’ordre du monde. À rebours de cette attente, la culture apparaît sous la plume
de Rousseau comme une dégradation sans fin du règne originaire de la Chose,
au profit des divisions et des séparations propres aux difficultés de l’existence
sociale. Elle apparaît même être la matrice du mensonge et de l’hypocrisie.
L’Acédie
27
Akèdia [άκηδια], est un mot du grec tardif. Il se construit sur la racine kèd, κηδ, du verbe kèdeuô,
κηδεύω, qui signifie « se soucier de », « s’intéresser à ». Précédé d’un alpha privatif, il se range
parmi les antonymes : ακηδεω, « ne pas prendre soin de », « laisser un mort sans sépulture
» ; άκηδής, « sans souci », « négligent » ; άκήδεστως, « avec indifférence». Le dictionnaire
Bailly propose deux sens pour άκηδια : 1. négligence, indifférence ‖ 2. chagrin. Le dictionnaire
Liddell-Scott fait référence à Hippocrate pour désigner l’indifference, la torpeur et l’apathie.
28
Évagre le Pontique (346-399). Moine originaire de la région de la Mer Noire (Pont Euxin), dans
l’actuelle Turquie. On lui doit un certain nombre de réflexions sur des thèmes qui deviendront
en théologie catholique les 7 péchés capitaux (cf. Évagre le Pontique (1971). Traité pratique ou
Le Moine. (Volume 2, No 170-171). Paris: Le Cerf.)
29
Dans la doctrine évagrienne, l’acédie est une des huit pensées mauvaises (logismoi) : la gourman-
dise (gastrimargia), la fornication (porneia), l’avarice (philargyria), la tristesse (lypè), la colère (orgè),
l’acédie (akèdia), la vaine gloire (kenodoxia) et l’orgueil (hyperèphania). À ces huit pensées mau-
vaises s’opposent la chaîne des huit vertus : l’abstinence (enkrateia), la continence (sophrosynè),
par le contraste entre deux pôles. Dans la mélancolie, c’est l’opposition entre
l’infini et le fini qui est opératoire. Pour ce qui concerne l’acédie, ce sont les
pôles de l’ici et de l’ailleurs qui structurent une tension : on s’ennuie dans les
routines et dans l’espace étriqué de la vie quotidienne. On éprouve le besoin
d’échapper à ce qui est ici et maintenant. Chose apparemment partagée chez
les être humains, si l’on en croit Blaise Pascal, pour qui le divertissement est le
moyen que les hommes ont trouvé pour supporter leur condition :
« J’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de
ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien
pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la
mer ou au siège d’une place ».30.
routines habituelles. Mais, pour une courte période, il a l’illusion d’être plongé
dans un monde différent, entièrement (et sans danger) pris en charge grâce « un
forfait tout compris ».
De la même manière, le divertissement acédique (ou acédiaque) conduit les
individus qui fuient la pesanteur de l’existence à s’adonner à de multiples ac-
tivités qui occupent le temps. Cela va du cadre qui rentre de son bureau tard
le soir, aux diverses tâches que l’on se donne chez soi afin de jouir parfaite-
ment d’un monde réglé. Le bricoleur, quelles que soient ses qualités propres
d’inventivité géniale et de maîtrise des techniques les plus diverses, se montre
incapable de rester en place et de partager une conversation : il a toujours une
urgence qui ne saurait attendre. La cause en est, pour B. Pascal, la pesanteur de
l’existence : « j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le
malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne
peut nous consoler lorsque nous y pensons de près31 ». Si le divertissement est
une conséquence de l’acédie, Pascal nous en donne un signe qui permet d’en
saisir la cause : penser à sa condition est proprement insupportable. C’est pour-
quoi nous nous lançons dans toutes sortes d’actions qui viennent littéralement
meubler notre existence. Même Nietzsche, sagace analyste des choses humaines,
se fait le porte-voix de l’avantage de l’action sur la contemplation :
« L’homme supérieur devient toujours en même temps plus heureux et plus malheu-
reux. Mais en même temps une illusion l’accompagne sans cesse : il croit être placé en
spectateur et en auditeur devant le grand spectacle et devant le grand concert qu’est la
vie : il dit que sa nature est une nature contemplative et il ne s’aperçoit pas qu’il est
lui-même le véritable poète et le créateur de la vie, — tout en se distinguant, il est vrai, de
l’acteur de ce drame que l’on appelle un homme agissant mais bien davantage encore
d’un simple spectateur, d’un invité placé devant la scène32 ».
Évagre le Pontique donne des pistes qui permettent de comprendre les mo-
dalités de l’acédie et des cinq manifestations principales de ce mal qui sont : 1°)
l’instabilité corporelle ; 2°) un souci exagéré de soi-même, de sa santé et de son
31
Pascal, Pensées. Le Guern 126 (op.cit.).
32
Cf. Nietzsche, F. (1989). Le Gai Savoir (G. Colli, M. Montinari, & M. B. de Launay, Éditeurs) (P.
Klossowski, Traducteur). Paris: Gallimard. IV, 301 (illusion des contemplatifs). Les italiques sont
de Nietzsche.
confort ; 3°) un dégoût pour son devoir d’état ; 4°) un minimalisme dans ses de-
voirs ; 5°) une forme de désespoir. Bien entendu, les remèdes qu’Évagre donne
sous forme de conseils, apparaissent liés à la tradition stoïcienne des exercices
(ἄσκησις, askèsis, l’exercice, l’entraînement ; donne le terme ascèse en français).
En même temps que ces cinq manifestations, Évagre identifie cinq remèdes très
simples : 1°) pleurer ; 2°) soigner son hygiène de vie ; 3°) utiliser la méthode an-
tirrhêtique33 et, comme le Christ, s’appuyer sur l’Écriture : 4°) penser à la mort ;
et 5°) le plus important : tenir, durer coûte que coûte. L’acédie apparaît ainsi,
pour le Père du Désert qu’est Évagre, le phénomène le plus lié à l’inconfort que
procure l’existence lorsqu’elle est livrée à elle-même, sans ouverture aucune au
domaine spirituel. C’est d’ailleurs du reste l’activité spirituelle de l’homme qui
finit par être touchée par le dégoût et, bientôt, les activités dérivatives que nous
considérons habituellement à la lumière de l’agrément (comme le jeu), et même
certaines occupations dont faisions un loisir, finissent par perdre de leur saveur
et de leur attractivité.
Mélancolie et acédie paraissent ainsi, dans notre perspective, non une pathologie
de la vie quotidienne, mais bien l’espace ténébreux dans lequel se rumine la
méditation sur l’existence. Ce que perçoit bien Dürer lorsqu’il grave Melencholia
I. La finitude humaine s’éprouve dans une lutte de soi avec soi, dans une
dialectique entre le hic et nunc et l’éternité, entre l’épreuve des petites banalités de
la vie quotidienne — d’autant plus insupportables qu’elles constituent la trame
de la nécessité avec laquelle le corps mortel se confronte au sein des vicissitudes
de la vie et de ses bonheurs, mais une nécessité qui reste vouée à disparaître
avec le corps, dans la dialectique entre le sensible et l’intelligible — et une toute
autre épreuve qui est celle de l’ouverture à la transcendance, à commencer par
quelque chose qui annonce cette transcendance, les deux abîmes de l’infini selon
B. Pascal, dans cette Pensée, que je retranscris ici entièrement :
« Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il
éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. Qu’il regarde cette éclatante lumière,
mise comme une lampe éternelle, pour éclairer l’univers, que la terre lui paraisse comme
un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu’il s’étonne de ce que ce vaste
33
Méthode de réfutation.
20 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
tour lui-même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de celui que ces astres qui
roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s’arrête là, que l’imagination
passe outre, Elle se lassera plutôt de concevoir, que la nature de fournir. Tout le monde
visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en
approche : nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables,
nous n’enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C’est une sphère
infinie, dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand
caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans
cette pensée.
Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est, au prix de ce qui est. Qu’il se
regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot,
où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les
villes, et soi-même son juste prix.
Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? Mais pour lui présenter un autre prodige
aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates, qu’un
ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites,
des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des
humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ;
que divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions ; et que
le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours. Il pensera
peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature.
Je veux lui faire voir là-dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement
l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature dans l’enceinte de
ce raccourci d’atome : qu’il y voie un infinité d’univers, dont chacun a son firmament,
ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre des
animaux, et enfin des cirons dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné,
et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos. Qu’il se perde
dans ces merveilles aussi étonnantes dans leur petitesse, que les autres par leur étendue ;
car, qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers,
imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou
plutôt un tout à l’égard du néant où l’on ne peut arriver ? Qui se considérera de la
sorte s’effraiera de soi-même et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui
a donnée entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces
merveilles, et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé
à les contempler en silence, qu’à les rechercher avec présomption.
Car enfin, qu’est-ce qu’un homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un
tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre
les extrêmes. La fin des choses et leurs principes sont pour lui invinciblement cachés
dans un secret impénétrable.
Également incapable de voir le néant d’où il est tiré et l’infini où il est englouti,
que fera-t-il donc, sinon d’apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un
désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties
du néant et portées jusqu’à l’infini. Qui suivra ces étonnantes démarches ? L’auteur de
ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire.34. »
34
Cf. Pascal, Pensées. Le Guern 185, pp. 153-155.
35
Je reviendrai ultérieurement sur cette question du sublime lorsque nous travaillerons sur l’Art.
La théorisation par Kant du sublime mathématique et du sublime dynamique, se trouve dans l’ou-
vrage suivant Kant, E. (2000). Critique de la faculté de juger (A. Renaut, Éditeur) (A. Renaut,
Traducteur). Paris: Flammarion.
36
Platon (2017). Apologie de Socrate (A. Macé, Éditeur) (L. Brisson, Traducteur). Paris: Flammarion.
22 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
saisissons comme vérité. Beaucoup de choses dont nous croyons être certains et
qui peuvent concerner des domaines très divers, sont fondées sur des accords
communs (c’est le cas pour ce qui est tenu comme opératoire dans les sciences
de la vie, par exemple), sont révisables, et parfois ne révèlent tout leur sens
pour nous qu’après une longue période de mûrissement (ce qui au passage
révèle que notre intelligence est susceptible de prendre la mesure des choses
de manière continue et interrogative). Il est parfois très curieux que des choses
familières ne révèlent pas du tout leur sens. Curieux aussi que l’environnement
dans lequel nous vivons produise des signes qui, tantôt font irruption de ma-
nière éclatante, tantôt ne sont absolument pas détectés. Un exemple simple :
un livre que nous avons lu il y a quelques années et qui nous tombait des
mains, se révèle être aujourd’hui d’une lecture passionnante (par exemple, les
descriptions des romans de Balzac). La musique, la peinture, l’art en général
ne suscitent jamais, immédiatement, un engouement extrême. Mais l’Art n’est
pas le seul domaine où les signes importent, signes auxquels l’Homme prête
une plus ou moins grande attention, ce qui ouvre la possibilité d’attribuer un
sens aux objets, qui deviennent alors des choses pour lui, voire qui constituent
un réseau plus ou moins dense et plus ou moins précis d’activités à conduire
avec sérieux. Ces choses deviennent pour lui des affaires (ces fameuses affaires
dont Aristote écrit qu’elles se répètent cycliquement, les anthropina pragmata). Le
rapport de l’homme au monde, son orientation dans l’existence et la construc-
tion de son désir empruntent des chemins qui vont déterminer (et déterminer
souvent négativement, à la manière d’obstacles à franchir) cette même existence
en lui apportant une structure, ainsi que des manières de faire et d’agir qui en
de nombreux aspects, échappent à sa conscience volontaire. Le premier rapport
que l’être humain doit constituer afin de se construire en tant que personne est
celui du « rapport aux choses » ; le second rapport auquel il doit s’attacher est
le « rapport aux autres », à commencer par le rapport à ceux avec qui il est le
plus proche, sa mère et son père. Les choses et les autres ne sont pas spontané-
ment des choses et des êtres qui sont déjà là comme tels : c’est pour moi, dans
un certain type de rapports que j’entretiens avec eux que les choses et les êtres
vont se constituer en un monde. c’est-à-dire dans un ensemble d’interactions où
l’on va trouver de tout, à commencer par de l’utilité et du besoin, mais aussi de
37
Baudelaire, C. (1857). Les Fleurs du Mal (Y. Bonnefoy, Éditeur). Paris: Le Livre de Poche.
Correspondances.
24 MÉLANCOLIE ET ACÉDIE
La parole et l’oubli
J’ai écrit dans l’introduction qu’il s’agissait dans ce cours plus de répertorier des
problèmes et des questions philosophiques, que de se mettre à l’école de Freud.
Freud lui-même, dans son ouvrage de 1905 Le Mot d’esprit et sa relation avec
l’inconscient aborde la question des rapports entre la culture philosophique et le
travail du rêve (plus précisément la croyance en l’hypothèse d’un inconscient
psychique). Ainsi il écrit :
« Je sais que la personne qui a reçu à l’école une bonne formation philosophique,
continue d’être sous le charme ou bien qui est, ne serait-ce qu’un peu, dépendante
de ce qu’on appelle un système philosophique, répugne à admettre un inconsciemment
psychique au sens où Lipps et moi-même l’entendons et qu’elle voudrait en prouver
l’impossibilité en la tirant si possible de la définition du psychique. Mais les définitions
sont choses conventionnelles et elles peuvent être modifiées »38.
38
Freud, S. (1992). Le mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient. Paris: Gallimard. Page 293.
26 LA PAROLE ET L’OUBLI
est chargée d’ambiguïté, puisque ce qui est pensé est présenté (dans le rêve) de
manière transformée et dispersée ... travaillée dit Freud. Raison pour laquelle « ce
qui est pensé » inconsciemment doit faire l’objet d’un travail de la part de l’ana-
lysant (de la part du patient), travail qui consiste à retrouver le fil conducteur au
sein du matériau donné par le rêve. Ce travail va porter sur les rapports et sur les
liens qui ont subi l’épreuve de la condensation et du déplacement. Il existe bien un
travail spirituel — ou une activité de l’âme — qui se produit indépendamment
de la volonté intentionnelle du sujet. Il est d’ailleurs assez malaisé de distinguer
chez Freud ce qui pourrait être une reprise de la tradition antique et aristotéli-
cienne de la disposition : il est bien certain que « ce qui travaille la psyché » est
cet effort continuel dans lequel elle se trouve lorsqu’elle se trouve prise dans la
tension entre l’affectivité et la loi. Dans les termes de Freud, la notion d’affectivité
ou de sensibilité (en grec : πάθος) qui est tributaire dans la pensée grecque d’une
forme de réceptivité et de passivité, en ce que le sujet « subit » cette affectivi-
té, correspondrait au principe de plaisir, à la charge de l’énergie libidinale qui
plonge ses racines dans le principe vital. Et, toujours dans les mêmes termes, ce
que Freud désigne par « surmoi » correspondrait à la loi. Bien entendu, tout
le processus de croissance et d’éducation des êtres humains consiste à disposer
ces êtres au régime de la Loi — de les disposer à la Loi.
L’erreur serait de croire qu’il n’y aurait pas de conaturalité entre la loi et
l’individu, que la loi serait un « fait social extérieur », alors qu’elle inscrit l’in-
dividu dans sa double dimension naturellement rationnelle et secondairement
politique. L’erreur serait de penser que les rapports entre l’énergie libidinale
et la loi seraient nécessairement, irrévocablement et absolument conflictuels (ce
que Freud désigne par le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité).
L’économie libidinale, pour parler la langue de Freud, consiste précisément en
une série « d’investissements » qui s’insèrent dans le destin individuel, lequel
se fait dans une histoire et une aventure qui sont celles des tribulations de sa
petite enfance au sein de sa famille, jusqu’à l’âge mûr. C’est en ce sens d’un
vécu existentiel, pétri d’une diversité de relations aux autres, que vont se nouer
les figures problématiques colorant la psychè de l’individu (son caractère, ses
inclinations, etc.).
L’autre dimension problématique de l’hypothèse de l’inconscient tient à la
que le terme de « vérité » en grec est construit sur l’antonyme de Léthè/Λήθη (cf.
ἀληθής, vrai, réel et ἀλήθεια, ce qui apparaît, se dévoile, sort de l’oubli). Penser
en philosophie serait littéralement faire voir les liens, tandis qu’en psychanalyse,
penser consisterait à faire venir à la mémoire les liens cachés par le refoulement
et la censure, mécanismes de protection pour Freud, mais causes de déséquilibre
psychique. La fonction cathartique de la parole avait déjà été remarquée par
Joseph Breuer et Sigmund Freud dans le traitement des symptômes qui affli-
geaient Bertha Pappenheim (donnée dans la publication de Breuer et Freud
comme Anna O.. Le cas de Bertha Pappenheim est exposé dans les Études sur
l’hystérie39). À la suite du décès de son père, Anna O., âgée de 16 ans, qui a
soutenu son père dans la maladie jusque dans ses derniers moments, est sujette
à des troubles sévères : de la vision, tout d’abord, puis elle est obligée de s’aliter
du fait d’une paralysie d’un bras et d’une jambe. Elle devient hydrophobe (ne
peut pas boire d’eau) et ne parle plus allemand, mais anglais. Traitée par Breuer
et Freud sous hypnose, les symptômes disparaissent, mais incomplètement. On
doit noter que l’étude de ce cas a donné lieu à des polémiques nombreuses dans
le milieu de la psychanalyse40. Mais il y a une limite au parallélisme entre psy-
chanalyse et philosophie : si le rêve est un désir déguisé et si le désir se déguise,
il se montre particulièrement « asocial » (c’est le terme qu’emploie Freud, page
320) et en ce sens n’intéresse personne, sinon la personne qui rêve. En tant
que compromis entre des tensions psychiques de l’individu, non seulement il
n’intéresse pas les autres, mais il demeure à quelque degré assez inintelligible
pour le sujet qui rêve. Et en ce sens, il façonne mystérieusement et partielle-
ment, pour ainsi dire, la personne. Le mot d’esprit est tout le contraire : il est
facteur de sociabilité et son but est explicitement le plaisir partagé. Il a besoin de
39
Cf. Freud, S. & Breuer, J. (2002, 8). Études sur l’hystérie. Paris: P.U.F..
40
Freud, qui est pétri de culture antique et qui par son épouse est le neveu d’un éditeur d’Aristote
(Jakob Bernays), retient de la Poétique d’Aristote la notion de «catharsis». Au livre VI de la
Poétique, Aristote souligne les effets positifs du théâtre tragique sur l’âme des spectateurs, que la
vue du destin tragique des méchants, purge littéralement de leurs passions. La notion de κάθαρσις
(katharsis) désigne la purge, la purification. On la trouve principalement dans le vocabulaire
médical. Aristote souligne le même effet de purification de l’âme par les effets bienfaisants de
la musique
Langage et rêve
41
J.-B. Pontalis indique dans la note liminaire de l’édition française en Folio-Essais, que les
exemples de bons mots donnés par Freud sont plutôt des calembours, des histoires drôles et
des plaisanteries «qui ne brillent pas toujours par leur finesse». Aussi est-on souvent dans cet
ouvrage assez éloigné du trait d’esprit à la française, qui est plutôt «un art de la pointe» (page
34).
42
Il est injuste de dire qu’on ne l’a pas remarqué. Kant s’est intéressé au trait d’esprit, d’une part
dans sa Critique de la Faculté de Juger et d’autre part dans son opuscule tardif l’Anthropologie
au point de vue pragmatique. Notons d’ailleurs à propos de ce dernier ouvrage que les exemples
de mots d’esprit donnés par Kant ne prêtent guère qu’à faire sourire de manière indulgente...
L’histoire de l’homme qui a eu si peur que sa perruque en est devenue blanche déclenche un
sourire poli.
43
Ce qui est vrai d’un autre type de langage, celui de l’art. Par exemple, selon la formule du poète
Le comique
Freud fait remarquer tout d’abord le plaisir que procure le mot d’esprit. Il en
analyse (dans Le Mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient) la provenance et la
modalité. Il remarque la similitude, ou l’analogie entre le travail du rêve (Freud
a publié un peu auparavant son célèbre ouvrage L’interprétation des rêves) et le
mot d’esprit : « condensation », ou raccourcissement (Verkürzung) et « substi-
tution » (ou déplacement) se retrouvent et dans le rêve et dans le mot d’esprit.
Horace, si « la poésie est une peinture parlante, et la peinture une poésie muette», le spectateur
est bien en peine de formuler ce que la peinture énonce, puisque la peinture expose mais ne dit
rien; même dans la peinture d’histoire (par exemple la peinture de Poussin), si le peintre va
plus loin que l’illustration de scènes bibliques ou mythologiques, on peut dire que la valeur de
la peinture consiste à exposer, mais non pas à expliquer ...
44
Le rêve présente en effet des images qui portent une charge libidinale, une charge de désir, portée
par un phénomène double : la condensation, au sens où des images se forment comme signes de
quelque chose. Ces images (en tant qu’elles forment le contenu manifeste du rêve, le scénario du
rêve) représentent autre chose que ce que dit le rêve en réalité. Le déplacement et la condensation
désorganisent toute interprétation directe du rêve, puisque l’ensemble des images et des paroles
contenues dans le rêve constituent des signes qui masquent le contenu latent du rêve.
32 LA PAROLE ET L’OUBLI
Il remarque aussi que les meilleurs traits d’esprit semblent provenir d’un
mélange de sonorités et de décomposition des mots. Le trait d’esprit attribué
à Schleiermacher joue sur la sonorité, mais aussi sur la plasticité de la langue
allemande, qui est une langue agglutinante (on peut assembler les mots) : « Ei-
fersucht ist eine Leidenschaft, die mit Eifer sucht, was Leiden schaft » (la jalousie
[Eifersucht] est une passion [Leidenschaft] qui recherche avec zèle [Eifer] ce qui
crée de la souffrance [Leiden]). Certes, ce mot d’esprit n’est pas frappant, mais
même s’il manque de puissance, souligne Freud, « il est incontestablement spi-
rituel », car il décompose des mots qui possèdent un autre sens. Il faut souligner
cependant que la plupart des mots d’esprits, ceux qui sont répandus (et donc les
plus nombreux car les plus faciles), ne sont que très rarement spirituels ; c’est
le cas des jeux de mots fondés sur le son (sur l’homophonie) qui forment les
« calembours ». L’exemple classique (et assez lourd) est celui-ci : « C’est un jeu
de mots laid ... et ce jeu est beau et mien ! ». Jouer avec les mots et provoquer
un double-sens, ou produire une équivoque laissée à l’interprétation de l’audi-
45
Je suis ici les pages 77 sq. de l’édition française.
teur, favorise des effets procurant du plaisir. Ce plaisir peut être produit par le
comique — s’il s’agit d’imiter des actions en rabaissant ou en moquant (« en
dramatisant le ridicule », dit Aristote) — comme dans la caricature ou dans les
pièces d’Aristophane —, ou bien par le tragique lorsqu’il s’agit d’élever l’es-
prit en proposant, par l’imitation de leurs actions, des personnages meilleurs
(comme dans les pièces de Sophocle)46. Ainsi, il est remarquable de voir que le
début de certaines comédies dramatiques, dont le propos est sérieux et le succès
de nos jours encore assuré, telles Roméo et Juliette de W. Shakespeare, ou les
comédies d’Aristophane, ferait rougir n’importe quelle jeune fille : propos lestes
de soudards et attitudes équivoques contribuent à créer un puissant contraste
entre l’ambiance particulièrement vulgaire du commencement (cf. les propos
salaces que les gardes échangent au début de Roméo et Juliette) et les thèmes
sérieux et élevés de la pièce47.
Cependant, et fort curieusement, les meilleurs traits d’esprit sont ceux qui
s’appuient sur du non-sens. On connaît le goût des Anglais pour le non sense
pour l’absurde (dans la période récente, la troupe des Monty Python en est
l’illustration), goût qui est répandu ailleurs. Freud cite l’anecdote de l’artilleur
Itzig, garçon intelligent, mais peu obéissant et n’ayant aucune disposition pour
les choses militaires. Un de ses supérieurs, bien disposé à son égard, le prend
à part pour lui prodiguer ce conseil : « Itzig ! Ta place n’est pas ici ! Je vais te
donner un conseil : achète-toi un canon et met-toi à ton compte ! ». Formule que
l’on peut rapprocher du conseil de l’oncle banquier à son neveu dans le roman,
le Voleur de Georges Darrien. Le neveu, récemment orphelin, a pris la mauvaise
habitude de se ronger les ongles. Son oncle banquier lui donne ce conseil, alors
que tous deux se recueillent sur la tombe des parents de l’enfant : « Mon fils !
46
Les questions relatives à l’art comme imitation et aux effets produits par les dispositifs poétiques
sont thématisées dans la Poétique d’Aristote. Cf. Aristote (1990). Poétique (M. Magnien, Éditeur)
(M. Magnien, Traducteur). Paris: Le Livre de Poche. Aristote indique, à propos du comique et
du tragique, qu’en l’espèce il s’agit de drames : « De là le nom de drames (δράματα), donné à
leurs oeuvres, parce qu’ils imitent en agissant (δρῶντες) ». op. cit. I,2. Le drame est donc une
imitation d’actions.
47
Cf. Shakespeare, W. (2005). Roméo et Juliette (F. Laroque, Éditeur) (F. Laroque & J. P. Villquin,
Traducteur). Paris: Le Livre de Poche.
34 LA PAROLE ET L’OUBLI
La culture du désir
Freud, dans la section B de son ouvrage, section qui est consacrée à la psychogé-
nèse du mot d’esprit et sa relation avec le plaisir, indique une piste intéressante :
la justification des mots d’esprit n’est pas tant de jouer avec les mots en jonglant
avec eux, mais consiste à dire quelque chose selon une technique qui permet l’as-
souvissement d’un plaisir (d’une tension libidinale), avec une certaine économie
de moyens rhétoriques (l’euphémisme, par exemple) qui autorisent l’expression
masquée par un déplacement. Claude Habib, dans son ouvrage Galanterie fran-
çaise48 donne quelques exemples, notamment le conflit entre les amants qui se
disputent les faveurs de la même femme, conflits qui ne sauraient être ouvertement
violents et scandaleux, mais pourraient bien être âpres et sans pitié. Puisqu’il
s’agit d’obtenir les faveurs de la dame tout en se débarrassant du rival, l’homme
qui fait preuve de galanterie ne saurait apparaître ni violent, ni lâche, ni grossier.
Au contraire, il doit se montrer avec des qualités telles que, spirituel, sérieux et
magnanime, il domine son concurrent uniquement par ces qualités. De la même
manière, on peut dire que la galanterie est une socialisation de l’amour par le
langage mi-sérieux, mi-amusé (l’homme galant parle, pendant que la femme lui
apprend comment lui parler, par l’atténuation, la pudeur et le silence du retrait
mystérieux que doit vaincre l’amant). La galanterie est une culture du désir et
dans ce sens, le langage apparaît comme la médiation par excellence où les di-
vers rôles que jouent les sexes consistent à passer du bas (de la sexualité abrupte
et animale) vers le haut, vers une élévation des relations où les hommes vivent
avec les femmes et non pas séparés d’elles, même si une trop grande proximité
produit des effets négatifs qu’il s’agit d’éviter49. L’Âge classique (le XVIIe fran-
çais) paraît ainsi être l’époque du passage où les femmes ne sont visibles qu’à la
promenade (de loin) ou à l’église (de près), à un moment où la proximité entre
les sexes vient de la visibilité des femmes sur la scène sociale (au XVIIIe siècle).
Certes, la galanterie (qui n’est jamais qu’un apprentissage nécessaire pour faire
vivre ensemble les sexes) est impuissante contre les plaies les plus visibles et les
plus impressionnantes du rapport entre les sexes : contre la passion dévorante
comme la jalousie, contre les diverses violences conjugales ou contre le viol. Et
certes aussi, il faut réaliser que dès les premiers moments de la culture de la
galanterie à l’Âge classique, il existe une possibilité de neutraliser la passion
amoureuse ou l’inclination réciproque violente, différente de l’amour dans la
conjugalité. La fin paradoxale du roman de Madame de Lafayette (la Princesse
de Clèves) est une fin de non-recevoir de l’amour-passion partagé, ou si l’on pré-
fère, une décision lucide à l’égard de la passion amoureuse. Même si Monsieur
48
Habib, C. (2006, 10). Galanterie française. Paris: Gallimard.
49
Depuis 1976 le métro de Mexico n’est plus mixte aux heures de pointe; de même, depuis 2005,
le métro de Tokyo propose de manière facultative des voitures réservées aux femmes.
36 LA PAROLE ET L’OUBLI
50
de la Fayette, M. (2000). La Princesse de Clèves (B. Pingaud, Éditeur). Paris: Gallimard. Dernière
page.
« Je voyais bien que vous m’aimiez ; mais je ne savais pas que vous me crûssiez assez
honnête homme pour être bien avec une Dame de ce mérite et qui se connaît en gens.
Cette pensée m’est si avantageuse qu’elle ne saurait nuire à notre amitié »51
Peut-être faut-il regarder les œuvres poétiques (la poésie, le roman, le théâtre,
les fictions cinématographiques, la peinture, la sculpture, la danse et la musique),
comme les témoins du travail de l’esprit et du désir à la fois participants de la
vie sociale et simultanément comme un besoin qui permet à l’esprit de se saisir
lui-même en s’insérant dans des œuvres en lesquelles il se reconnaît à la mesure
de ses propres forces et de ses propres limitations ?
51
Antoine Gombaud dit le Chevalier de Méré (1997). L’Art de la conversation (J. Hellegouarc’h &
M. Fumaroli, Éditeurs). (No 614). Paris: Garnier. Première conversation.
38 LA PAROLE ET L’OUBLI
Manuels
Philosophie ancienne
Aristote (1990). Poétique (M. Magnien, Éditeur) (M. Magnien, Traducteur). Pa-
ris : Le Livre de Poche.
Platon (2017). Apologie de Socrate (A. Macé, Éditeur) (L. Brisson, Traducteur).
Paris : Flammarion.
Philosophie moderne
Freud, S. & Breuer, J. (2002, 8). Études sur l’hystérie. Paris : P.U.F..
Hobbes, T. (2000). Leviathan (G. Mairet, Éditeur) (G. Mairet, Traducteur). Paris :
Gallimard.
Kant, E. (2000). Critique de la faculté de juger (A. Renaut, Éditeur) (A. Renaut,
Traducteur). Paris : Flammarion.
(1993). Essai sur l’Origine des Langues (C. Kintzler, Éditeur). (Volume
682). Paris : Flammarion.
(1996). Discours sur les Sciences et les Arts (J. Berchtold, Éditeur). (No
304). Paris : Gallimard.
Théologie
Littérature
Baudelaire, C. (1857). Les Fleurs du Mal (Y. Bonnefoy, Éditeur). Paris : Le Livre
de Poche.
Klibansky, R., Panovsky, E., & Saxl, F. (1989). Saturne et la mélancolie (F. Durand-
Bogaert & L. Évrard, Traducteur). Paris : Gallimard.
Shakespeare, W. (2005). Roméo et Juliette (F. Laroque, Éditeur) (F. Laroque &
J. P. Villquin, Traducteur). Paris : Le Livre de Poche.
42 LITTÉRATURE
Index
m r
Malesherbes, Chrétien-Guillaume Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778),
(1721-1794) homme d’état français, écrivain et philosophe français né à
soutien de Jean-Jacques Rousseau 11 Genève 7
n s
Nietzsche, Friedrich (1844-1900) phi- Schleiermacher, Friedrich (1768-1834)
losophe allemand 18 théologien et philosophe allemand, ar-
tisan de l’herméneutique moderne 32
p Shakespeare, William (1576-1616)
Pascal, Blaise (1623-1662) mathémati- dramaturge anglais, considéré comme
cien, philosophe et théologien français le plus grand écrivain de langue an-
17, 19, 21 glaise 33
Platon (427-347 av. J.-C) philosophe Socrate (470 av. J.-C.-399 av. J.-C.)
grec, élève de Socrate 17 philosophe grec athénien,maître de
Poussin, Nicolas (Les Andelys, 1594 Platon et de Xénophon 21
- Rome, 1665) peintre français clas- Sophocle (495-406 av. J.-C.) poète grec
sique 31 auteur de pièces de théâtre tragique,
comme Œdipe-roi 33
INTRODUCTION 0
La question de l’Art 0
L’Art et la technique 5
Aux origines 5
Mélancolie et Acédie 5
La Mélancolie 5
L’Acédie 16
La parole et l’oubli 25
Langage et rêve 29
Le comique 31
La culture du désir 34
Manuels 39
Philosophie ancienne 39
Philosophie moderne 39
Théologie 40
Littérature 40
Index 43