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Un pont entre les deux rives

LA MUSIQUE ARABO-ANDALOUSE

Mostafa Chebbak

Association la Revue nouvelle | « La Revue Nouvelle »

2017/2 N° 2 | pages 70 à 79
ISSN 0035-3809
DOI 10.3917/rn.172.0070
Article disponible en ligne à l'adresse :
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La Revue nouvelle • numéro 2/2017 • article

Un pont entre les deux rives


La musique
arabo-andalouse
Mostafa Chebbak

La musique arabo-andalouse est un phénomène culturel spécifique à un


espace géographique, une durée historique et une esthétique propres à
un peuple soudé par une communauté d’œuvre et de destin. Al-Anda-
lus, cette civilisation raffinée, est un creuset de coexistence ethnique
et de métissage culturel dont la musique est l’une des expressions les
plus remarquables, entre la musique arabe venue d’Orient, la musique
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afro-berbère du Maghreb et celle de la Péninsule ibérique d’avant la
conquête musulmane.
La Méditerranée a toujours été une mer le destin d’une Méditerranée ouverte
de rencontres et d’échanges. Elle n’a et altière. Bien évidemment, il ne s’agit
jamais constitué une frontière qui sépare pas de cogiter dans l’abstrait, mais de
irrémédiablement les communautés qui présenter un fait culturel qui a marqué
peuplent ses rivages. Chaque rive appelle l’histoire et qui montre à quel point l’art
l’autre, constamment, nécessairement, et la culture peuvent constituer des
depuis la haute Antiquité. Et la séduc- ponts de rencontre loin des crispations
tion que son flanc sud exerce sur son identitaires et des fanatismes religieux.
flanc nord, et vice-versa, n’a jamais cessé La musique arabo-andalouse opère dans
malgré les aléas de l’histoire et les aven- ce sillage comme un paradigme dont il
tures souvent belliqueuses et téméraires faut méditer la signification et rappeler
des hommes. Dérives des continents ? la valeur. Ce rappel exige la réhabilita-
Plutôt, affinités des sentiments ; au- tion d’une mémoire souvent occultée.
delà de toutes les postures insulaires.
La mémoire comme repère
Les évènements tragiques que connait
Car, et qu’on le veuille ou non, un lieu
de nos jours le monde arabe, renforcés
commun imprègne aujourd’hui nos
par un flux migratoire que d’aucuns
consciences à l’orée de ce nouveau
jugent intense et inquiétant, créent un
millénaire : le conflit des appartenances
malaise. Ne faut-il pas, pour apaiser ce
et des identités, réelles ou fantasmées,
malêtre, lever le voile sur cette indé-
sape les assises de nos structures sym-
fectible et multiséculaire relation entre
boliques tout autant que les équilibres
les peuples qui a marqué le devenir et

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article • Un pont entre les deux rives. La musique arabo-andalouse

de nos territoires géostratégiques. mémoire, la musique arabo-andalouse


Nous ne savons plus à quel saint nous ne nous serait peut-être pas parve-
vouer, surtout par ces « sombres nue telle quelle et n’aurait pas pu avoir
temps » (Lessing) où le désenchante- le profond effet que l’on sait sur des
ment du monde, dû au retrait du divin, générations depuis plus d’un millénaire.
s’est paradoxalement accompagné Le corpus musicologique andalou est
d’un retour de l’obscurantisme char- en effet l’un des rares au monde qui a
rié par le pathos des replis identitaires su, avec bonheur, maintenir vivante et
et des mémoires hypertrophiées. intempestive la mémoire d’un peuple,
d’une civilisation et d’une terre natale.
Désordre des identités, malentendu
Aussi oscille-t-il constamment entre
des langues et des idiomes, conflits
passé et présent, maintien permanent
des récits et des mémoires résonnent
de la mémoire et du souvenir, et inscrip-
pêlemêle comme un charivari pré-
tion acharnée, frontale dans le monde
sageant, dans l’effroi et l’inquiétude,
actuel quelles qu’en soient les époques,
l’irruption d’un nouveau Babel. Aussi
les conditions et les contraintes.
avons-nous besoin d’un long et laborieux
travail de décryptage de la mémoire. Particulièrement mélancolique, nim-
À condition de partir de l’idée que la bée d’airs et de tonalités qui exhalent
mémoire n’est pas une entité abstraite, la détresse et la douleur d’un peuple
homogène, immuable, mais qu’elle exilé, cette musique est de bout en bout
constitue au contraire un fait palpable une musique de la nostalgie ; nostalgie
qui se manifeste dans la concrétude du sol natal quitté à contrecœur et à
de notre vie. Elle nous étreint et nous jamais ; nostalgie d’une vie heureuse,
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harcèle de toute part : mémoire sainte harmonieuse vécue dans le sérail fœ-
ou séculière, autochtone ou étrangère, tal protecteur d’une Andalousie qui
officielle ou marginale ; mémoire de la fut elle-même axée, comme socié-
culture savante ou de l’âme populaire, té et comme civilisation, sur l’ethos
mémoire délirante des vainqueurs ou d’une coexistence harmonieuse entre
mémoire honteuse et balbutiante des groupes ethniques, communautés
vaincus et des sans-paroles. La mémoire religieuses et formations sociales. D’où
est donc plurielle, multidimensionnelle. la passion sincère et incandescente de
Aussi est-elle constamment zébrée l’Andalousie musulmane pour le gout
de fêlures, de fissures, de griffures qui inimitable du bonheur terrestre. D’où
opèrent comme autant de lignes de aussi la persistance d’une mémoire
fuite qui ouvrent, toujours et de loin en enflammée de ce paradis perdu chez
loin, sur l’ailleurs, le dehors, l’étranger, les générations issues de et dans l’exil
l’altérité, le lointain, tout en révélant, de depuis un millénaire (Chebbak, 2013).
proche en proche, ce qui demeure en
Al Andalus, terre de diversité
nous figé dans les failles de l’impensé.
Espace
Aux origines Al-Andalus, ou l’Andalousie musul-
d’une musique multiséculaire mane, est un territoire géographique
En quoi consistent l’unité et la singulari- bien circonscrit et délimité. Il corres-
té de la musique arabo-andalouse ? Dans pond actuellement au sud-ouest de
le lien solide et indéfectible que cette l’Espagne avec les provinces d’Almeria,
musique entretient depuis toujours avec Malaga, Cadix, Huelva, Séville, Cor-
l’espace et le temps ; autrement dit, la doue, Jaén, Grenade et Murcie. On y
géographie et l’histoire. N’étaient ce distingue trois unités morphologiques :
lien avec le lieu et cet attachement à la au centre la vallée fertile et verdoyante

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La Revue nouvelle • numéro 2/2017 • article

de Guadalquivir ; au nord, la Sierra inhérentes à la structure politique de


Morena, le Piémont méridional de la ce royaume médiéval. Les facteurs
Meseta ibérique, paysage montagneux exogènes, la conquête musulmane
où la population se fait rare ; au sud, les notamment, ne constituent, selon
puissantes montagnes bétiques dont eux, qu’un élément aggravant qui va
l’étendue s’étire de l’emblématique et avoir comme effet de donner le coup
immémorial Gibraltar à l’ouest, jusqu’à de grâce à un système étatique déjà
Cap Nao, à l’est. Les chaines sous-bé- à la dérive. Résumons les faits.
tiques coupent la vallée de Guadalquivir
Le royaume wisigothique était rongé par
d’un ensemble de vallées intérieures
les dissensions et les divisions à partir de
sèches à l’est, vers Guadix et Baza, mais
la deuxième moitié du VIIe siècle déjà.
soigneusement irriguées et forcément
La société hispanique qu’il gouvernait
riches et fertiles du côté de la Vega,
était scindée en deux. Il y avait, d’une
arrière-pays prospère et verdoyant de
part, une classe supérieure restreinte
la sérénissime Grenade. Dans le sud, les
formée par une élite riche et prospère,
hautes chaines de montagnes (Sierra de
essentiellement constituée par l’aris-
Ronda, Sierra Nevada et Sierra de los
tocratie germanique et les descen-
Filabres) mordent sur le rivage ne lais-
dants de la noblesse de l’administration
sant ainsi que peu d’espace à des plaines
ibéro-romaine. Il y avait, d’autre part,
exigües, mais abondamment irriguées.
une population rurale pauvre et inculte,
Notons qu’à l’origine « al-Andalus » et une masse de serfs victimes d’une
désignait toute l’Espagne culturellement exploitation sans limite. Cette situation
arabisée qui s’étendait en plein essor n’a pas manqué d’exacerber les tensions
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de la puissance musulmane, du VIIIe sociales et économiques et s’est tra-
au Xe siècle, sur la plus grande partie duite, de surcroit, par un antijudaïsme
de la péninsule ibérique. En gros, les pétri de réflexes de rejet et de xénopho-
frontières septentrionales de ce vaste bie. Les persécutions devenaient mon-
territoire soumis alors à l’autorité des naie courante, et le désordre commença,
princes musulmans, suivaient bon an lentement mais surement, à faire tache
mal an le cours du Douro, tandis que d’huile. Bien évidemment, le monarque
les Pyrénées constituaient sa frontière était riche, mais il n’avait aucun pouvoir
orientale. La nomenclature dont nous exécutif efficace et il ne disposait pas
allons faire usage tout au long de notre d’une armée régulière organisée. Le
éclairage suit scrupuleusement celle uti- système gothique de monarchie électo-
lisée par les historiens les plus autorisés rale, dont le principe d’éligibilité exigeait
(Évariste Lévi-Provençal, notamment). comme condition la seule appartenance
Ainsi « andalou » est pour nous syno- à la noblesse gothique, était en grande
nyme de « islamo-ibérique » ou « isla- partie responsable de cette situation.
mo-hispanique » alors qu’« Andalousie » En somme, le ver était bel et bien dans
désigne la péninsule ibérique islamisée le fruit. En ce sens que le principe
(Lévi-Provençal, 1950 ; Sénac, 2000). d’éligibilité ouverte a excité les appétits
des membres de la noblesse, ce qui n’a
Temps pas manqué d’accentuer les rivalités
Au seuil du VIIIe siècle, le délitement entre les clans qui avaient chacun ses
du royaume wisigothique ne faisait plus propres prétendants et clients. Chaque
de doute. Jadis puissant et prospère, clan devient de plus en plus sectaire et
il devint subitement faible et chance- autiste ne cherchant au bout du compte
lant. Cette situation s’explique, selon que la défaite à tout prix de ses rivaux.
beaucoup d’historiens, par des causes En 711, les musulmans vont trouver une

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article • Un pont entre les deux rives. La musique arabo-andalouse

société ibérique fragmentée, rongée décoration d’intérieur, bijouterie, poésie,


par la haine et les rivalités. Un fruit musique vont connaitre un rayonnement
mûr à cueillir (Guichard, 2000). jamais atteint dans la péninsule ibé-
rique (Al-Andalus, Anthologie, 2009).
Depuis la conquête de l’Espagne, en
711, par les armées musulmanes sous C’est incontestablement sous le règne
le commandement de Tariq Ibn Ziyad d’Abd al-Rahman III, intronisé calife
jusqu’à la chute du royaume Nasride en 929, que l’Andalousie musulmane
de Grenade, en 1492, sous les coups va connaitre son plus haut essor. Les
des rois catholiques, le sort de ce vaste sciences et la philosophie, la théolo-
territoire, européen par la géographie, gie et la jurisprudence, les arts et les
mais arabo-musulman désormais par lettres, l’architecture et la décoration
la culture, fut fondamentalement lié d’intérieur, l’artisanat et les différents
à celui des Umayyades. En effet, c’est métiers manuels, l’hydraulique et l’art
en al-Andalus que se réfugia en 756 le des jardins, la poésie et la musique…,
prince Umayyade Abd al-Rahman qui toute cette panoplie d’activités de
fut traqué en Orient par les Abbas- la main et de l’esprit va opérer en
sides. Il devint aussitôt émir ouvrant osmose et en harmonie pour mettre
ainsi la voie à une des civilisations les en forme et en sens une certaine façon
plus flamboyantes du Moyen Âge. d’exister, d’agir, de penser et de se
Pendant plus d’un siècle et demi, en délecter esthétiquement des belles
effet, l’émirat Umayyade de Cor- et sublimes choses tant mondaines
doue n’a eu de cesse d’assoir et de que spirituelles (Terrasse, 1957).
pérenniser la présence de la civilisation
Comme toute production humaine,
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arabo-musulmane en Andalousie.
l’Andalousie musulmane n’avait rien d’un
Les Umayyades règneront sur al-An- long fleuve tranquille. Aussi l’essor de
dalus de 756 à 976. Deux siècles en la civilisation Umayyade en al-Andalus
somme. Une durée fructueuse et fut-il bloqué et déstabilisé par des roite-
suffisante pour marquer cette période lets, les fameux Muluk al-Tawa’if (chefs
d’une empreinte indélébile. Les chro- de guerre autoproclamés et sectaires).
niques de l’époque tout autant que les L’apparition de ces princes de guerre
écrits des historiens modernes affirment claniques coïncide avec les débuts de
que l’arrivée des califes Umayyades en la Reconquête chrétienne. Al-Andalus
al-Andalus fut incontestablement à risquait sérieusement l’éclatement, voire
l’origine d’un essor culturel éblouissant. la disparition n’était l’arrivée massive des
Les princes Umayyades étaient parti- Almoravides, dynastie originaire du sud
culièrement ambitieux et cherchaient marocain. La présence almoravide en al-
à mettre en place un paradigme de Andalus s’étend de 1091 à 1145. Malgré
civilisation arabo-musulmane qui dépas- quelques succès notables dans bien
serait en finesse et en raffinement celui des domaines, les Almoravides n’ont
de leurs ennemis jurés, les Abbassides, pas pu mettre fin aux incursions agres-
installés en Orient. Pour les Umayyades, sives et répétitives de la Reconquista
désormais andalous, l’Occident musul- chrétienne. Les Almohades, originaires
man n’avait pas à être une pâle copie du Haut-Atlas marocain, renversent
de l’Orient, ni à se contenter d’être son les Almoravides en 1145. Leur règne
servile vassal. Sous le règne de al-Ha- continue jusqu’à 1269, mais sans pouvoir
kam Ier (796-822) et plus particuliè- redresser la situation. Peut-être est-ce
rement sous celui de Abderrahmân II leur puritanisme et leur attachement
(821-852), architecture, art des jardins, dogmatique aux rudes dogmes d’un

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La Revue nouvelle • numéro 2/2017 • article

islam traditionnel pur et dur qui furent Structures sociétales


à l’origine de leur échec. Toujours est-il et pratiques culturelles
que leur chute en 1269 coïncide avec Nul doute que sur le plan socioéco-
la victoire de la Reconquête catholique nomique et intellectuel, l’Andalou-
sur la totalité du territoire d’al-Andalus, sie musulmane a connu un degré de
à l’exception du royaume nasride de développement et de raffinement
Grenade. Ce royaume va résister vaille remarquable. Bien évidemment, une
que vaille pendant plus de deux siècles. telle réussite s’explique par un style de
Peine perdue ! Des disputes et des gouvernance fondé sur une conception
conflits pour le pouvoir au sein du sérail positive de la diversité. Mais il ne faut
même de la famille nasride causent l’af- pas oublier que l’élément économique a
faiblissement du royaume de Grenade. contribué à rendre plus aisée une telle
D’une manière concomitante, la Recon- démarche. Al-Andalus bénéficiait de
quête entamée par les rois catholiques richesses matérielles inestimables. Son
accumule les succès et les victoires à un agriculture reposait sur un système
rythme effréné. L’unification de l’Aragon complexe d’irrigation, et l’exploitation
et de la Castille, grâce au mariage de des mines était fructueuse. En outre,
Ferdinand et d’Isabelle en 1469, donne une certaine prospérité urbaine due
le coup de grâce à un sultanat déjà à à la stabilité et à la sécurité a favorisé
la dérive. Antequera tombe dès 1410, le développement de l’artisanat et du
Gibraltar et Archidona avant 1464, commerce (Lévi-Provençal, 1947).
Malaga en 1487, Almeria en 1489. Le Les différents groupes de peuplement,
dernier prince nasride, Abu ‘Abd Allah qu’ils soient sociaux, ethniques ou
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Muhammad XII, plus connu par les religieux, ont fini par se fondre dans une
Espagnols sous le surnom de Boabdil, unité certes relative, mais assez ho-
meurtri, quitte définitivement Alhambra mogène pour permettre une meilleure
en janvier 1492 (Guichard, 2000). coexistence. Il va sans dire que la classe
Si l’histoire politique de la présence supérieure n’a pas hésité à imposer sa
musulmane en al-Andalus s’achève religion, sa langue et sa culture. Derrière
avec le départ tragique de Boabdil, son le gouvernement apparemment unitaire
influence culturelle allait cependant et centralisé que furent, à partir de la
rester prégnante pendant des siècles, seconde moitié du VIIIe siècle, l’émirat
non seulement en Afrique du Nord, indépendant puis le califat de Cor-
où le royaume nasride de Grenade doue, une grande diversité de situations
demeure, pour les rares milieux éclai- locales ou régionales, de populations, de
rés, un paradigme de civilisation et de groupes sociaux, de modes d’activité et
culture jusqu’à nos jours, mais aussi et de vie, de courants culturels, constitue la
surtout dans l’Espagne catholique, où mosaïque andalouse. C’est cette diversi-
l’art mudéjar a pu trouver une inépui- té ethno-religieuse et socioéconomique
sable source d’inspiration. S’ensuit une qui est à l’origine de la grande mosquée
sombre période d’intolérance et de de Cordoue, de la Giralda de Séville ou
persécution qui atteint des sommets de l’Alhambra de Grenade. C’est elle qui
d’horreur avec l’Inquisition et finit par a donné naissance à la philosophie d’Ibn
l’éradication définitive de l’islam de Rochd (Averroès pour les Latins), au
la péninsule ibérique avec la promul- panthéisme d’Ibn Arabi ou à la musique
gation des édits d’expulsion de 1609 arabo-andalouse de Ziryab (Marti-
et 1614 (Lévi-Provençal, 1950). nez-Gros, 1997 ; de Prémare, 1985).

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article • Un pont entre les deux rives. La musique arabo-andalouse

L’élément hispanique originel antérieur implantés n’avaient cependant pas une


à la conquête arabo-berbère était lui- unité cohérente : outre les Berbères,
même fort divers dans sa composition et installés plutôt dans les régions mon-
ses origines. Une partie non négligeable tagneuses, il y avait les Arabes du nord
(ceux que l’on appellera les Mozarabes) de l’Arabie (les Hidjaziens : originaires
resta d’appartenance chrétienne tout du Hijaz arabique) et ceux de l’Arabie
en s’arabisant progressivement dans le du sud (les Yéménites). Les éléments
langage et souvent dans les mœurs. Elle de cette population furent installés en
avait son organisation propre sous la sur- feudataires dans les territoires de plaines
veillance du pouvoir islamique et payait à mis en valeur pour leur compte par des
celui-ci l’impôt « par tête » de la dimma. autochtones hispaniques. Al-Andalus a
Une autre partie des autochtones, qui connu par la suite de nouvelles vagues
deviendra même progressivement majo- d’immigration berbère ou arabe, notam-
ritaire en raison du statut social, poli- ment lors de la fondation par Abd-
tique et idéologique plus favorable dont al-Rahmân Ier de l’émirat omeyyade
jouissaient de plein droit les conver- indépendant de Cordoue en 756.
tis, s’islamisa. Au terme de Musâhma
Un autre groupe social va jouer un rôle
(contribution) qui désignait les convertis
non négligeable dans la constitution de
aux premiers temps de la conquête se
la civilisation arabo-andalouse. Ce sont
substitua le terme de Muwalladûn (des-
les esclaves, hommes et femmes, d’ori-
cendants de chrétiens convertis à l’is-
gines diverses, mais surtout de souche
lam) par lequel furent nommés les géné-
européenne, et que l’on nommait les
rations postérieures des musulmans de
esclavons (Saqâliba). Certains étaient
souche européenne, très souvent mêlées
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capturés lors des incursions et des com-
d’ailleurs par le mariage aux éléments
bats en Espagne du nord, en France et
d’origine berbère. Ces Muwalladûn
en Italie. D’autres étaient issus du grand
n’aspiraient en réalité qu’à une meilleure
commerce international des esclaves et
reconnaissance et faisaient tout pour
donc « importés » de Turquie, des pays
prouver leur bonne foi et donc faciliter
slaves, de Hongrie ou d’autres régions
leur intégration. Enfin, la minorité juive.
de l’Europe. Ils pouvaient être affectés
Celle-ci, ayant eu à souffrir du pouvoir
au service de cours princières et des
wisigothique, favorisa la pénétration
maisons aristocratiques dans les cités,
arabo-berbère, et arriva tant bien que
ou aux rudes travaux des champs dans
mal à maintenir sa présence et la cohé-
les grandes exploitations rurales. Les
sion de sa communauté sous le pouvoir
sources littéraires mettent par ailleurs
islamique. Elle était toutefois organisée
en lumière le rôle joué par les esclaves
selon les mêmes principes et avait le
femmes (les jawâri, sorte d’accompa-
même statut de dimmi que la commu-
gnatrices de charme) tant dans la vie
nauté mozarabe (de Prémare, 1985).
domestique que dans la vie culturelle et
À ces éléments originels s’ajoutèrent dans l’imaginaire érotico-sentimental
d’abord les contingents militaires arabes de la haute société urbaine andalouse.
de la conquête (les Baladiyyun : les Elles étaient particulièrement actives
enfants du pays), et les troupes berbères dans le domaine du chant et de la danse.
de Târiq Ibn Ziyâd ; puis les contingents Ibn-Hazm fait allusion à elles dans son
syriens qui intervinrent lors de la révolte joyau, Le collier de la colombe. Précisons
berbère du Maghreb et de l’Espagne du toutefois que l’intenable et inhumaine
milieu du VIIIe siècle, et que l’on nomma condition des esclaves sera, entre
les Chamiyyûn (les originaires du autres facteurs, à l’origine de l’affai-
Cham syro-libanais). Ces conquérants blissement de l’Andalousie musulmane

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La Revue nouvelle • numéro 2/2017 • article

et, plus tard, de sa disparition pure et une nouvelle société exigeait la forma-
simple. Cela étant précisé, il était dans tion d’un nouveau type d’individualité
la nature des choses que la multipli- humaine. C’est tout naturellement
cité encouragée par les gouvernants que la musique arabo-andalouse se voit
andalous se manifeste concrètement assigner une fonction psychologique
dans les mœurs et dans les différentes et sociale où prédominent les valeurs
formes d’activité culturelle. La mu- d’ouverture aux autres, les règles de
sique arabo-andalouse en sera une des discipline, de silence et d’écoute. Seules
expressions les plus marquantes (Mar- ces valeurs et ces règles confèrent
tinez-Gros, 1997 ; Sénac, 2000). à celle ou à celui qui les assimile cet
instant unique d’effervescence émotive.
Une musique et ses figures
Mais cet instant d’émoi est forcément
Une société aisée, prospère, cherche
partagé avec les autres qui assistent in
nécessairement à fuir l’ennui, l’iner-
vivo à une nouba (partition) offerte par
tie, l’abattement déprimant. Elle veut
un orchestre. C’est dans ce cadre qu’il
vivre. Elle veut sentir, et sentir pro-
faut inscrire l’apparition de ce genre
fondément, l’air pur et vivifiant que lui
musical dans l’Andalousie umayyade.
offrent les élixirs frais et envoutants
des arts. Ces arts, cette société a su Mais qu’entend-on par « musique arabo-
les créer et les magnifier : des villes andalouse » ? La musique arabo-anda-
luxuriantes, une architecture monu- louse est le résultat d’un métissage entre
mentale et signifiante, des jardins doux la musique arabe venue de l’Orient, la
et verdoyants destinés au repos et à la musique afro-berbère du Maghreb et
méditation loin du charivari quotidien, la musique pratiquée dans la Péninsule
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des demeures belles et spacieuses, un ibérique avant la conquête musulmane
artisanat subtil et créatif dans tous les en 711. Après l’installation des califes
corps de métier. Pas étonnant que tout umayyades en Andalousie, la vie cultu-
ce raffinement soit accompagné, au relle se développa d’une manière rapide
sens musical, par une belle poésie, une grâce à des rois et des princes épris de
philosophie ingénieuse, une musique belles lettres et de musique raffinée
tout en finesse. Le tout doit contri- qui voulaient y implanter la civilisation
buer à consolider l’édifice d’ensemble. arabo-musulmane qu’ils avaient aban-
Une âme oisive, inoccupée est comme donnée en Orient (Shiloah, 1985).
défunte, annihilée. Mieux vaut l’éveiller, Tout indique en effet que l’émirat
lui offrir des mélodies attendries, des Umayyade de Cordoue s’est confronté
tonalités exquises, des airs salvateurs. au début de son règne à une difficulté
En ce sens la musique arabo-andalouse majeure : l’impossibilité de pouvoir créer
serait un écho, un sublime écho, d’une ex nihilo une civilisation et une culture
totalité sociétale vivant, un art unique d’inspiration arabo-musulmane sur
qui a duré contre vents et marées. une terre déjà habitée par un peuple et
À l’origine, tout fut une affaire de marquée par une religion, une langue et
fondation, celle d’une société presque une culture autres. Cet émirat, dyna-
nouvelle. Tout doit servir pour at- mique et ambitieux, s’est trouvé donc
teindre l’horizon esquissé : l’économie dans l’obligation de se référer à des
et le commerce, l’administration et la apports orientaux et d’y puiser pour
gouvernance, les arts et les métiers. pouvoir un jour innover et créer par
Rien ne devait rester au gré du hasard. soi et sans béquilles. On commença
Le hasard n’est-il pas l’ennemi juré de alors par faire appel à des chanteurs de
toute société organisée ? Construire Syrie ou d’Irak. C’est dans ce contexte

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article • Un pont entre les deux rives. La musique arabo-andalouse

que Ziryab arriva dans la cour d’Abd celler dans un autre domaine auprès de
al-Rahman II à Cordoue en 822. son maitre Ishaq al-Mawsili (767-850),
lui aussi kurde, originaire de Mossoul, fils
Abu Al-Hassan Ali ben Nafi, dit aussi
d’Ibrahim Al-Mawsili qui avait introduit
Ziryab, est né dans un village kurde de
la musique à la cour du calife. Ainsi il
Mossoul en 789 et mort à Cordoue en
avait fondé à Bagdad le premier conser-
857. Il incarne à lui seul toute l’origina-
vatoire de ce qui allait ensuite être
lité de la musique arabo-andalouse. Il
appelé « musique arabo-musulmane ».
fut incontestablement à l’origine et de
sa naissance et de son développement On raconte qu’à l’âge de douze ans,
en al-Andalus. Selon les musicologues Ziryab savait déjà chanter à merveille et
qui font le plus autorité dans le domaine jouer de l’oud. À dix-neuf ans, il amé-
des études musicologiques arabes et liora cet instrument d’origine persane,
musulmanes (Poché, 1995 ; Shiloah, le « barbat », en lui ajoutant une cin-
1995), il existe deux approches de quième corde et des barrettes. Ce luth
Ziryab. La première approche est tardive à cinq cordes, à manche court, sans
puisqu’elle date du XVIIe siècle seule- touche, à la caisse en forme d’amande
ment et fut élaborée par le biographe fut considéré dans tout l’Orient comme
et littérateur al-Maqqari (1591-1632), le roi des instruments de la musique
l’autre fut l’œuvre d’un lexicographe tu- savante. Le monarque séduit par sa
nisien nommé Ahmed al-Tifashi (1184- belle voix et ses mélodies originales,
1253). Cette dernière approche semble, le combla de cadeaux somptueux. En
aux dires de Poché et de Shiloah, plus quelques années, le prestige du jeune
réaliste et donc plus crédible. Seulement chanteur surpassa celui de tous ses
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cette version des faits est contenue confrères. Encouragé par cette renom-
dans un manuscrit récemment décou- mée inespérée, il quitta Bagdad pour
vert et non encore publié. Nous devons un séjour de quelques années à la cour
donc nous contenter de la version des Aghlabides à Kairouan (Tunisie)
forgée par al-Maqqari. En effet, dans où il fut acclamé comme à Bagdad. Il
son Nafh al-tîb min ghusn al-Andalus s’établit ensuite à Cordoue en 822,
al-ratîb (Brises de parfums de la tendre où l’émir omeyade Abd al-Rahman II
arborescente Andalousie), al-Maqqari l’accueillit princièrement et le traita
brosse le profil d’un Ziryab de génie. avec les plus grands honneurs. Ziryab
avait une dotation de deux-cents pièces
Pour al-Maqqari, Ziryab est à l’origine de
d’or par mois, d’abondants dons en
toutes les innovations dans le domaine
nature, des maisons, des jardins et des
de la musique arabo-andalouse. C’est
lots de terre d’une valeur inestimable.
lui qui a introduit l’oud (luth arabe) en
Andalousie après lui avoir ajouté une Chanteur, il mit au point les techniques
cinquième corde. Il est aussi le premier poétiques et vocales tel le muwashshah
à avoir introduit une plume d’aigle à la ou zagal qui donnèrent naissance au
place du plectre d’antan. Ziryab était flamenco. Compositeur, il créa un
également homme de lettres et astro- millier de poèmes mélodiques qui seront
nome. Fils unique d’une famille kurde de joués et chantés en Andalousie et dans
classe plutôt pauvre dont aucun autre tout le bassin méditerranéen. C’est
enfant ne survécut, son père Nafi décida encore Ziryab qui introduit à la cour le
de s’installer à Bagdad alors que Ziryab système des noubas, fondement de la
n’était qu’enfant. Il y étudia la science, la tradition musicale andalouse. Nouba
littérature, la géographie et l’astronomie veut dire « attendre son tour ». Chaque
et fut un élève brillant. Mais il allait ex- musicien, en effet, attendait son tour

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La Revue nouvelle • numéro 2/2017 • article

pour chanter devant le calife. Indis- gobelets d’or ou d’argent par les coupes
sociable de la danse, la nouba est une de cristal. Il apporta également dans une
suite de pièces vocales et instrumen- société musulmane réputée austère et
tales dont le nombre de mouvements fermée, surtout celle des femmes, et
et de pièces, basé sur les modes, s’est plus particulièrement aux recluses des
enrichi au fil des siècles. Ziryab intro- harems et à leurs eunuques, les recettes
duisit dans les chœurs de la nouba des secrètes de la magie et de la divination
« chanteurs n’ayant pas mué », ces chaldéenne (Poché, 1995 ; Greus, 1993).
fameux castrats dont la voix charmera
Après Ziryab, l’Andalousie ne puise plus
les mélomanes jusqu’à Rome, dans la
son inspiration en Orient. Elle se tourne
chapelle pontificale (Greus, 1993).
vers son propre génie, ce qui engendre
Technicien précis, Ziryab codifia le chant une transformation capitale des formes
et limita les improvisations. Il inventa la poético-musicales et la création du
séquence « nashid-basit-ahzadj » (impro- Muwashshah et du Zajal qui donnent une
visation vocale-mouvement lent mesu- dynamique nouvelle à la composition
ré-final rapide). Pédagogue particulière- musicale. Ces formes connaissent un
ment soucieux de l’instruction musicale grand essor avec des poètes comme
des jeunes générations, il officialise Yahyâ Ibn Baqqî, Al-’A’mâ at-Tutayli,
l’éducation musicale en al-Andalus en Ibn Hazmûn, Abu Bakr Al-Abyad. Dans
fondant une école de musique qui avait le domaine musical proprement dit, Ibn
un certain prestige. On soutient aussi Baja (Avempace des Latins, Saragosse
que Ziryab n’a pas hésité à explorer et 1070-Fès 1138) est sans conteste la
à tenter d’assimiler les musiques du personnalité la plus marquante. Il réussit
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Nord, les romanceros profanes, les à assimiler, puis à faire la symbiose entre
musiques religieuses chrétiennes comme les composantes musicales orientale,
le chant grégorien qu’il a transposé maghrébine et chrétienne qu’il découvre
dans le malouf. Grâce à sa prodigieuse en Andalousie. Théoricien et praticien
mémoire, c’est par lui que des milliers de grande qualité, sa renommée et sa
de chansons orientales d’origine gré- production sont immenses. Selon le
co-persane entrèrent en Andalousie. lexicographe tunisien du XIIIe, al-Tifashi,
et l’historien Ibn khaldun, on lui doit
Mais Ziryab se révéla aussi un fin lettré,
la plupart des compositions musicales
un poète précieux, qui perfectionna le
célèbres ; son œuvre dépasse et éclipse
sawf, délicat poème monorime. Il fut un
celle de Ziryab. Ibn Baja restructure
conteur intarissable. Habité par le désir
la nouba en introduisant de nouvelles
viscéral de plaire et d’être préféré, voire
formes poétiques et en créant deux
aimé, il avait un gout prononcé, dit-
nouveaux mouvements al-Istihlal et
on, pour la parure et la mise élégante.
al-Amal. Il développe la conception
Aussi devint-il le symbole de l’élégance
symbolique de la musique ainsi que
d’Al-Andalus. Il révolutionna les mo-
son pouvoir expressif et thérapeutique.
des vestimentaires et la cosmétique. Il
Après la chute de Saragosse en 1118,
imposa à la cour l’art raffiné de la cuisine
Ibn Bâja séjourne à Valence, Séville
irakienne, celle des Mille et Une Nuits,
et Grenade avant de s’installer à Fès
et un ordre protocolaire strict pour
où il finit sa vie. Il laisse à la postérité
l’ornement de la table et l’ordonnan-
plus de vingt-quatre ouvrages dont le
cement des mets. C’est au raffinement
célèbre Tabrir al-Mutawahhid (Le ré-
de Ziryab et à ses préceptes que l’on
gime du solitaire) (Shiloah, 1985).
doit le remplacement des nappes en lin
par celles de cuir ouvragé et celui des

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article • Un pont entre les deux rives. La musique arabo-andalouse

Le legs musical andalou, côté rive sud Bibliographie sélective


Après la promulgation du décret d’ex- Histoire
pulsion par Philippe III, en 1609, la
• Al-Andalus, Anthologie, GF Flammarion,
plupart des Morisques sont contraints 2009.
de quitter l’Espagne pour rejoindre les • Guichard P., Al-Andalus (711-1492), une
côtes maghrébines. Ils seront à l’ori- histoire de l’Espagne musulmane, Ha-
gine de l’implantation de la musique chette, 2000.
arabo-andalouse dont la présence est • Guichard P., Structures « orientales » et
encore de nos jours pérennes tant au « occidentales » dans l’Espagne musul-
Maroc et en Algérie qu’en Tunisie et mane, Mouton, 1977.
en Lybie. Reste à noter que les Mo- • Lévi-Provençal E., Histoire de l’Espagne
risques les plus fidèles à leur terre musulmane, Maisonneuve et Larose,
natale choisiront vaille que vaille de 1950.
rester en Andalousie en prenant soin • Lévi-Provençal E., Séville musulmane au
début du XIIe siècle. Le traité d’Ibn ‘Abdun
toutefois de cacher leur identité. Pour sur la vie urbaine et le corps de métiers,
se mettre à l’abri des persécutions, ils Maisonneuve et Larose, 1947.
décident de s’intégrer à la communau- • Martinez-Gros G., Identité andalouse,
té des gitans. Malgré les conditions Actes Sud, 1997.
de vie qui leur étaient imposées, les • Prémare A. L. de (dir.), « Al-Andalus.
Morisques restés en Andalousie ont pu Culture et société », Revue de l’Occident
exercer une influence considérable sur musulman et de la Méditerranée, n° 40,
le plan musical. On trouve des traces 1985.
de la musique arabo-andalouse dans les • Terrasse H., Islam d’Espagne. Une ren-
chants des troubadours, les romances, contre de l’Orient et de l’Occident, Plon,
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1957.
la chanson andaluza, le flamenco…
(Poché, 1995 ; Guettat, 1980). Musicologie
• Chebbak M. (et alii), La musique anda-
louse au Maroc d’hier à demain, Maroc
Premium Select, 2013.
• Chottin A., Corpus de la musique maro-
caine. Nouba de Ochchâk, Librairie Livre
Service, s.d.
• Greus J., Ziryâb, Phébus, 1993.
• Guettat M., La musique classique du
Maghreb, Sindbad, 1980.
• Poché Chr., La musique arabo-andalouse,
Cité de la musique/Actes Sud, 1995.
• Sénac Ph., La frontière et les hommes
(VIIIe-XIIe siècle), Maisonneuve et Larose,
2000.
• Shiloah A., La musique dans le monde de
l’Islam, Fayard, 1985.

Encyclopédies
• Encyclopédie de l’Islam, 2e éd., Leyde/Paris,
Brill/Maisonneuve, 1960-1990, entrées :
« Al-Andalus », « Musîkî », « Ghina’ »,
« Sama’ », « Ibn Bâjjâ », « Ziryâb »…
• Encyclopædia Universalis, 1985, entrée :
« Andalousie ».

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