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LA MUSIQUE ARABO-ANDALOUSE
Mostafa Chebbak
2017/2 N° 2 | pages 70 à 79
ISSN 0035-3809
DOI 10.3917/rn.172.0070
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-nouvelle-2017-2-page-70.htm
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et, plus tard, de sa disparition pure et une nouvelle société exigeait la forma-
simple. Cela étant précisé, il était dans tion d’un nouveau type d’individualité
la nature des choses que la multipli- humaine. C’est tout naturellement
cité encouragée par les gouvernants que la musique arabo-andalouse se voit
andalous se manifeste concrètement assigner une fonction psychologique
dans les mœurs et dans les différentes et sociale où prédominent les valeurs
formes d’activité culturelle. La mu- d’ouverture aux autres, les règles de
sique arabo-andalouse en sera une des discipline, de silence et d’écoute. Seules
expressions les plus marquantes (Mar- ces valeurs et ces règles confèrent
tinez-Gros, 1997 ; Sénac, 2000). à celle ou à celui qui les assimile cet
instant unique d’effervescence émotive.
Une musique et ses figures
Mais cet instant d’émoi est forcément
Une société aisée, prospère, cherche
partagé avec les autres qui assistent in
nécessairement à fuir l’ennui, l’iner-
vivo à une nouba (partition) offerte par
tie, l’abattement déprimant. Elle veut
un orchestre. C’est dans ce cadre qu’il
vivre. Elle veut sentir, et sentir pro-
faut inscrire l’apparition de ce genre
fondément, l’air pur et vivifiant que lui
musical dans l’Andalousie umayyade.
offrent les élixirs frais et envoutants
des arts. Ces arts, cette société a su Mais qu’entend-on par « musique arabo-
les créer et les magnifier : des villes andalouse » ? La musique arabo-anda-
luxuriantes, une architecture monu- louse est le résultat d’un métissage entre
mentale et signifiante, des jardins doux la musique arabe venue de l’Orient, la
et verdoyants destinés au repos et à la musique afro-berbère du Maghreb et
méditation loin du charivari quotidien, la musique pratiquée dans la Péninsule
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que Ziryab arriva dans la cour d’Abd celler dans un autre domaine auprès de
al-Rahman II à Cordoue en 822. son maitre Ishaq al-Mawsili (767-850),
lui aussi kurde, originaire de Mossoul, fils
Abu Al-Hassan Ali ben Nafi, dit aussi
d’Ibrahim Al-Mawsili qui avait introduit
Ziryab, est né dans un village kurde de
la musique à la cour du calife. Ainsi il
Mossoul en 789 et mort à Cordoue en
avait fondé à Bagdad le premier conser-
857. Il incarne à lui seul toute l’origina-
vatoire de ce qui allait ensuite être
lité de la musique arabo-andalouse. Il
appelé « musique arabo-musulmane ».
fut incontestablement à l’origine et de
sa naissance et de son développement On raconte qu’à l’âge de douze ans,
en al-Andalus. Selon les musicologues Ziryab savait déjà chanter à merveille et
qui font le plus autorité dans le domaine jouer de l’oud. À dix-neuf ans, il amé-
des études musicologiques arabes et liora cet instrument d’origine persane,
musulmanes (Poché, 1995 ; Shiloah, le « barbat », en lui ajoutant une cin-
1995), il existe deux approches de quième corde et des barrettes. Ce luth
Ziryab. La première approche est tardive à cinq cordes, à manche court, sans
puisqu’elle date du XVIIe siècle seule- touche, à la caisse en forme d’amande
ment et fut élaborée par le biographe fut considéré dans tout l’Orient comme
et littérateur al-Maqqari (1591-1632), le roi des instruments de la musique
l’autre fut l’œuvre d’un lexicographe tu- savante. Le monarque séduit par sa
nisien nommé Ahmed al-Tifashi (1184- belle voix et ses mélodies originales,
1253). Cette dernière approche semble, le combla de cadeaux somptueux. En
aux dires de Poché et de Shiloah, plus quelques années, le prestige du jeune
réaliste et donc plus crédible. Seulement chanteur surpassa celui de tous ses
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pour chanter devant le calife. Indis- gobelets d’or ou d’argent par les coupes
sociable de la danse, la nouba est une de cristal. Il apporta également dans une
suite de pièces vocales et instrumen- société musulmane réputée austère et
tales dont le nombre de mouvements fermée, surtout celle des femmes, et
et de pièces, basé sur les modes, s’est plus particulièrement aux recluses des
enrichi au fil des siècles. Ziryab intro- harems et à leurs eunuques, les recettes
duisit dans les chœurs de la nouba des secrètes de la magie et de la divination
« chanteurs n’ayant pas mué », ces chaldéenne (Poché, 1995 ; Greus, 1993).
fameux castrats dont la voix charmera
Après Ziryab, l’Andalousie ne puise plus
les mélomanes jusqu’à Rome, dans la
son inspiration en Orient. Elle se tourne
chapelle pontificale (Greus, 1993).
vers son propre génie, ce qui engendre
Technicien précis, Ziryab codifia le chant une transformation capitale des formes
et limita les improvisations. Il inventa la poético-musicales et la création du
séquence « nashid-basit-ahzadj » (impro- Muwashshah et du Zajal qui donnent une
visation vocale-mouvement lent mesu- dynamique nouvelle à la composition
ré-final rapide). Pédagogue particulière- musicale. Ces formes connaissent un
ment soucieux de l’instruction musicale grand essor avec des poètes comme
des jeunes générations, il officialise Yahyâ Ibn Baqqî, Al-’A’mâ at-Tutayli,
l’éducation musicale en al-Andalus en Ibn Hazmûn, Abu Bakr Al-Abyad. Dans
fondant une école de musique qui avait le domaine musical proprement dit, Ibn
un certain prestige. On soutient aussi Baja (Avempace des Latins, Saragosse
que Ziryab n’a pas hésité à explorer et 1070-Fès 1138) est sans conteste la
à tenter d’assimiler les musiques du personnalité la plus marquante. Il réussit
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Encyclopédies
• Encyclopédie de l’Islam, 2e éd., Leyde/Paris,
Brill/Maisonneuve, 1960-1990, entrées :
« Al-Andalus », « Musîkî », « Ghina’ »,
« Sama’ », « Ibn Bâjjâ », « Ziryâb »…
• Encyclopædia Universalis, 1985, entrée :
« Andalousie ».
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