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LA RÉGLEMENTATION URBAINE SUR LES PORCS À MEXICO AU

XVIIIE SIÈCLE

Arnaud Exbalin

Presses universitaires de Rennes | « Parlement[s], Revue d'histoire politique »

2022/2 N° HS 17 | pages 143 à 150


ISSN 1768-6520
ISBN 9782753587748
DOI 10.3917/parl2.hs17.0143
Article disponible en ligne à l'adresse :
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LA RÉGLEMENTATION URBAINE
SUR LES PORCS À MEXICO AU XVIIIe SIÈCLE

Arnaud Exbalin
Maître de conférences en histoire moderne
à l’Université Paris-Nanterre, UMR Mondes américains
arnaud.exbalin arobase parisnanterre.fr

Règlement sur les porcs à Mexico du 17 février 1792 du vice-


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roi Revillagigedo

« Don Juan Vicente de Güémez Pacheco de Padilla Horcasitas


y Aguayo, comte de Revilla Gigedo, lieutenant général des armées
royales, vice-roi, gouverneur et capitaine général de la Nouvelle-
Espagne […].

Il est opportun de renouveler les mesures importantes prises


par les commissions de police et des poids et mesures de cette très
noble ville contenues dans les règlements des 22 décembre 1756 et
28 septembre 1778. J’ordonne que soit observé et appliqué ce qui y
est prescrit dans l’un et dans l’autre règlements […].
Le premier est de la teneur suivante : “Les propriétaires des
commerces de charcuterie de cette ville ont fait état à ce tribunal
[Commission municipale de police des poids et mesures] du désordre
total qu’il y a dans la vente de viandes et autres produits dérivés des
porcs et des abus pernicieux consécutifs à leur vente au détail toute
l’année dans les rues, places, couvents, auberges et autres parages où
sont consommés des porcs entretenus dans les ordures, des bouillies
infâmes et autres immondices et dépôts sauvages, se trouvant dans
les rues ou élevés dans les recoins et les faubourgs de cette ville grâce
aux avances faites par les nombreux revendeurs qui abondent dans
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ce commerce illicite ; il en résulte non seulement une tromperie pour


le public et un préjudice pour les marchands de porcs, mais le plus
grave est que cela occasionne des maladies dans le voisinage en raison
de la toxicité de ces viandes et que cela génère des bénéfices parmi
ceux qui introduisent ces produits en sortant sur les chemins pour les
intercepter, les acheter et les stocker dans les auberges ou les entre-
pôts pour les revendre au détail, avec tromperie et sans autre forme de
jugement que de regarder leurs propres intérêts. Tout cela se commet
en totale contravention avec les ordonnances royales et les ordres
supérieurs émis pour le bon gouvernement et le fonctionnement de
ce commerce et contre les lois et les droits qui l’interdisent formel-
lement sous de graves peines. C’est la raison pour laquelle la requête
a été traitée par le Procureur général de cette ville qui ordonne que
ces résolutions soient accomplies et c’est ainsi que le décide ce tribu-
nal après avoir consulté et obtenu l’approbation du très Excellent
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vice-roi, gouverneur et capitaine général de la Nouvelle-Espagne. Le
décret supérieur du 10 décembre (1756) confirme la décision de la
commission des Poids et Mesures et ordonne son observation. Et,
afin d’être appliquée comme elle se doit, les magistrats ont dit qu’à
partir de maintenant, aucune personne, quels que soit son état, sa
qualité et sa condition, ne pourra sortir par les chemins, chaussées
et les alentours pour acheter et revendre aucune viande de porcs ou
de cochons de lait, ni aucun autre produit dérivé de charcuterie,
ni ne pourra les tuer, les commercialiser et les revendre dans cette
ville, dans ses rues, sur les places et les étals, dans les couvents, les
ranchs et les débits ni dans aucun autre parage mais devront égor-
ger les cochons seulement dans les établissements enregistrés dans
le règlement sur les charcuteries. Ceux qui introduisent les porcs
depuis Toluca, Puebla ou d’autres juridictions ne peuvent non plus,
au titre d’encomenderos, avoir des étals publics ou cachés nulle part
étant donné que la vente au détail de viande et de charcuterie doit se
faire précisément au pont du Palais royal, comme de coutume ; et s’il
arrivait qu’il n’y ait pas de place en raison de l’affluence, ils le feront
à côté ou là où le collecteur de la Plaza Mayor leur assignera une
place. Avant de les vendre au détail, les conducteurs de troupeaux de
porcs devront alors d’abord passer au Tribunal des Poids et Mesures
avec un billet délivré par la Douane royale. Tout cela doit être stric-
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tement observé sous les peines contenues dans les ordonnances et


résolutions supérieures avec perte des produits qui seront confisqués
et une amende de 50 pesos qui sera affectée au tribunal et au dénon-
ciateur en plus des peines supplémentaires, selon la contravention.
Et afin que nul n’ignore ces dispositions, ce règlement sera publié et
affiché aux endroits habituels et dans d’autres endroits opportuns, et
les dénonciateurs rendront compte aux magistrats de ce tribunal de
ceux qui contreviendraient à ce règlement”.
Le décret expédié en 1778 par la commission des poids et
mesures est de la teneur suivante : “Étant donné ce qu’a rapporté
Monsieur le Procureur général don Francisco María de Herrera à la
commission de police du 22 août (1778) à propos des préjudices,
ornières, bourbiers et dommages commis dans les rues pavées par
l’abondance de porcs lâchés dans les rues et les parages publics de
cette capitale, la Commission a réitéré et publié à nouveau le règle-
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ment du 23 août 1770. Étant donné que notre principale préoccu-
pation est de veiller à la propreté publique, au dégagement des rues
et d’éviter les dommages préjudiciables à la santé, au bien public et
aux rues nouvellement et soigneusement pavées ; étant donné que
les cochons abondamment lâchés dans les rues avec leurs poux et
leurs tiques saccagent tout sur leur passage en fouissant le pavé ce qui
provoque mares et bourbiers, nous avons consulté le Très Excellent
Vice-roi de ce royaume qui, par son décret supérieur du 2 août, a
émis un règlement qui réitère la législation antérieure et interdit
formellement à quiconque, quels que soient son état, sa qualité et
sa condition, d’avoir des cochons dans les rues et les parages publics
sous peine de perdre ses bêtes et d’une amende de cinq pesos versée
aux travaux publics. Et, afin que le décret soit bien appliqué, tout
habitant pourra librement tuer l’animal et l’emporter sans que le
propriétaire ne puisse récupérer la viande car le fait d’être en dehors
de la maison et de divaguer dans les espaces publics enlève au proprié-
taire tout droit sur l’animal qui appartient au premier qui le trouve.
Et si le propriétaire tentait de le récupérer hardiment avec
insultes et coups auprès de celui qui l’aurait enlevé, cette commis-
sion engagera contre ce dernier une procédure en lui appliquant
une peine dans toute sa rigueur. Les membres du tribunal donnent
commission à tous les habitants et les ministres du tribunal royal afin
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qu’ils surveillent et veillent à ce que cette mesure soit bien appliquée.


Afin qu’elle soit connue de tout un chacun, cette mesure sera impri-
mée et affichée aux endroits habituels dans les rues. Fait à Mexico le
28 septembre 1778”.
Mais étant donné que les circonstances actuelles sont différentes
de celles où les règlements antérieurs ont été publiés, je déclare que
les sites où la vente des produits de charcuterie autorisés en dehors des
établissements enregistrés doit se faire sur la place du Volador comme
cela est signalé dans le nouveau règlement sur les marchés. Par parages
publics, il faut comprendre tous les alentours de cette ville. J’interdis
par conséquent que ces ventes se fassent ensemble ou en masse et,
pas au-delà de ce que pourrait consommer une famille afin d’évi-
ter la revente. La commission confisquera ce qui sera vendu dans les
auberges et tout autre secteur extérieur aux endroits définis. J’interdis
formellement l’élevage de cochons dans cette capitale à l’intérieur de
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l’octroi et dans tout autre parage public où il faut inclure les faubourgs
et les environs. Il sera uniquement permis d’élever ces animaux à
l’extérieur de la limite fiscale dans de petits enclos. Ceux qui seront
appréhendés en train de vagabonder dans la ville pourront être attra-
pés par quiconque. Les propriétaires en perdront la propriété et je
leur ordonne, dans un délai d’un mois, de les vendre ou de les égor-
ger. Afin que le règlement soit connu de tout un chacun, observé et
appliqué, il sera imprimé et affiché aux endroits habituels et des exem-
plaires distribués aux commissions de police et des poids et mesures
pour son application et pour leur connaissance aux magistrats au civil
comme au criminel du Tribunal royal. México 17 février 1792. »
Ce règlement imprimé se trouve en plusieurs exemplaires
dans plusieurs fonds aux Archives Générales de la Nation (AGN)
ainsi qu’aux Archives historiques de la Ville de Mexico (AHCM) 1.
Retranscription et traduction élaborées par Arnaud Exbalin.

******

1 AGN, abasto y panaderías, vol. 8, exp. 16, fs. 260-300. AGN, bandos, vol. 16, exp. 48,
fs. 115. AGN, indiferente virreinal, caja 129, exp. 31, fs. 1. AGN, indiferente virreinal,
caja 1797, exp. 26, fs. 1. AGN, indiferente virreinal, caja 3015, exp. 6, fs. 1. AGN,
indiferente virreinal, caja 6615, exp. 32, fs. 1. AHDF, ayuntamiento, bandos, caja 92,
exp. 66. AHDF, ayuntamiento, policía: salubridad, zahurdas, vol. 3687, exp. 12, fs. 12.
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Inconnu des sociétés précolombiennes, le porc a été introduit


dans les Amériques dès le second voyage de Christophe Colomb
(1493) dans l’île d’Hispaniola. Il proliféra avec une étonnante rapi-
dité dans la Caraïbe et constitua la base carnée du régime alimen-
taire des Européens. Contrairement aux armes à feu, aux chevaux
et aux chiens de guerres, les porcs n’appartiennent pas à la trilogie
victorieuse des chroniques de la conquête du Nouveau Monde où ils
sont rarement cités. Pourtant sans les porcs, les soldats de Cortés et
de Pizarro n’auraient pu subsister. Ils jouèrent un rôle déterminant
– et sous-estimé par les historiens spécialistes de l’époque coloniale –
lors des expéditions militaires, des sièges, des fondations urbaines
et plus généralement pendant toute la colonisation castillane du
Nouveau Monde 2. Le cochon est un animal qui s’acclimate facile-
ment ; omnivore, il se nourrit de ce qu’il trouve en fouissant le sol,
adore le maïs qui abonde grâce au tribut versé par les Indiens et
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a l’avantage de suivre la troupe y compris dans les régions monta-
gneuses. Dans les villes des Indes espagnoles, son abondance fut si
précoce et si commune que les échevins durent légiférer en matière de
police comme en témoignent les comptes rendus des décisions muni-
cipales (Actas de cabildo) de 1526-1527, soit cinq ans après le siège
de Tenochtitlan 3. Cette réglementation, de teneur très comparable à
celle en vigueur dans les Castilles et dans les métropoles européennes
à la même période, a une longue histoire dans les villes des Indes.
Le règlement que nous proposons d’étudier a été émis par le
second comte de Revillagigedo le 17 février 1792. Il vient renouve-
ler deux décrets antérieurs publiés par la commission municipale de
police et des poids et mesures de 1756 et de 1778 qui sont retrans-
crits dans le texte normatif de 1792. Le vice-roi dans les Indes espa-
gnoles est le premier représentant du monarque dans les Amériques,
2 Sur le rôle des cochons pendant la conquête et les premiers temps de la colonisation,
Matesanz José, « Introducción de la ganadería en Nueva España (1521-1535) »,
Historia Mexicana, vol. 14/4, abril-junio de 1965, p. 533-566 ; del Río Moreno José,
« El cerdo. Historia de un elemento esencial de la cultura castellana en la conquista y
colonización de América (siglo XVI) », Anuario De Estudios Americanos, no 53/1, 1996,
p. 13-35 et Gómez Gómez Mauricio Alejandro, « Cerdos y control social de pobres en
la provincia de Antioquia, siglo XVIII », Anuario Colombiano de Historia Social y de la
Cultura, vol. 43, no 1, p. 31-59, 2016.
3 Bejarano Ignacio (ed.), Actas del cabildo de la Ciudad de México, México, edición del
Municipio Libre, 1889, p. 106, 108, 114 et 124.
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ici le royaume de la Nouvelle-Espagne. À partir de la deuxième moitié


du xviiie siècle, il intervient régulièrement dans les attributions poli-
cières de la municipalité et donc des animaux (porcs, chevaux, chiens,
vaches laitières). Ce document confirme le rôle croissant du vice-roi
en la matière, attestant de la percée d’une conception royale de l’ordre
urbain dans une ville traditionnellement gouvernée par les différents
tribunaux des corps constitués.
Le règlement porte sur la présence de cochons gyrovagues dans
les rues de Mexico et sur la vente au détail de produits issus de la
découpe du porc. Pour des raisons de place je me limiterai à aborder
trois aspects du document.
Le premier aspect saillant de la réglementation policière est la
place circonscrite accordée aux suidés dans la ville. Un bon cochon
est un animal enfermé dans les maisons, dans des enclos ou alors un
animal mort découpé prêt à être consommé. Les autorités urbaines
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cherchèrent par tous les moyens à limiter ses déplacements dans les
rues et à interdire la vaine pâture comme dans les villes européennes.
Point d’exotisme, ni de dimension raciale dans cette législation colo-
niale puisque les décrets et les peines (amende et confiscation de l’ani-
mal divagant) s’appliquent à tous les habitants indépendamment de
leur qualité, comprendre leur « race ». Les trois règlements (1756,
1778, 1792) insistent tous sur les désordres occasionnés par les trou-
peaux de porcs : parasites, poux et tiques qui contaminent le voisi-
nage et les autres animaux domestiques (dont les prestigieux chevaux
du Roi), dommages occasionnés sur la voirie et les murs (le règlement
de 1778 insiste sur le pavement neuf des rues), bourbiers créés par les
animaux pour se recouvrir de fanges et pestilences des déjections. Les
cochons vivants devaient être enregistrés à l’entrée des guérites qui
ponctuaient la limite fiscale de l’octroi où les propriétaires payaient
des droits pour être ensuite conduits sur des lieux de vente assignés
et spécifiés dans la réglementation : la Plaza Mayor, le pont du Palais
royal, puis à partir de 1790 la Plaza del Volador ou alors dans les
commerces de charcuterie organisés en corporation, avec ses droits
et privilèges, où la viande était transformée et la graisse récupérée.
Le second aspect important concerne justement le commerce
de la viande. La chose est connue, tout est bon dans le cochon, toute
chair et éléments de ses entrailles est consommée, ses tendons servent
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à faire de la colle, sa peau grillée est consommée, et sa graisse sert


à frire (le saindoux) mais aussi à éclairer (suif ) les maisons et les
très nombreux couvents – près de la moitié du foncier à Mexico
appartenait aux ecclésiastiques à la fin du xviiie siècle. L’élevage et le
commerce de la viande de porc sont donc une donnée essentielle de
l’économie domestique, qui enrôlait une grande quantité de métiers
(conducteurs, pâtres, équarrisseurs, bouchers, saleurs, fondeurs de
graisse, cuisiniers, vendeurs ambulants au détail). Le règlement de
1756 s’en prend aux regatones, c’est-à-dire aux petits revendeurs qui
court-circuitaient l’approvisionnement, captaient les troupeaux de
porcs venant de Toluca et Puebla, régions traditionnelles d’élevage
porcin, les achetaient avant de les introduire dans la ville, les égor-
geaient et les débitaient pour vendre la charcuterie aux coins de rue,
s’affranchissant ainsi à la fois du monopole des charcutiers et des
droits de douane. L’élevage et le commerce des porcs relevaient essen-
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tiellement des populations pauvres de la capitale. Un cochon adulte
de 100 à 120 kg, facile à élever, à nourrir et à garder, peut subvenir à
une famille pendant plusieurs mois. Les cochons gyrovagues, cibles
de la réglementation urbaine, appartenaient en majorité à des familles
vivant dans les faubourgs de la ville, ce qui m’amène à aborder le troi-
sième aspect de la réglementation.
Le règlement de 1792 encourage les populations à faire la police
en éliminant eux-mêmes les cochons divaguant : « tout habitant
pourra librement tuer l’animal et l’emporter sans que le proprié-
taire ne puisse le récupérer ». Cette disposition n’est pas une « inven-
tion biopolitique » des Lumières puisqu’elle apparaît déjà dans les
premières mesures municipales de 1526. Le règlement précise que le
propriétaire perd son pouvoir de domination sur l’animal si celui-ci
divague librement. Il va plus loin que la réglementation du xvie siècle,
en prévoyant de châtier le propriétaire qui chercherait à récupérer
son animal. On imagine sans peine les conflits suscités par une telle
mesure et les excès commis pendant les battues aux porcs gyrova-
gues. Mais dans une ville notoirement sous-dotée en main-forte et en
auxiliaires de police, la solution retenue par le vice-roi fut de repor-
ter l’exercice du contrôle social sur le voisinage en encourageant les
dénonciations puisqu’un tiers des amendes revient aux dénonciateurs
150 ARNAUD EXBALIN

(50 pesos représente quatre mois de salaire d’un garde nocturne) et


en déléguant l’exercice de la violence légitime.
La disparition des cochons du paysage animal n’est finalement
pas une spécificité européenne et les polices municipales des cités
du Nouveau Monde, à l’image de Mexico, participèrent, elles aussi,
via une réglementation policière de plus en plus contraignante, au
processus de contention animale dans les villes.
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