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Le théâtre athénien comme dispositif d’apprentissage de la

citoyenneté
Jean-Noël Allard
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2023/Supplément27 (S 27), pages 89 à 102
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
ISSN 0755-7256
DOI 10.3917/dha.hs27.0089
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Dialogues d’ histoire ancienne, supplément 27, 2023, 89‑102 – CC-BY

Le théâtre athénien comme dispositif d’apprentissage


de la citoyenneté

Jean-Noël Allard
ANHIMA – UMR 8210, France
jeannoallard@yahoo.fr
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Comme le souligne Christian Jacob, la notion de savoirs est très extensive1. Ici,
en me focalisant sur la cité athénienne de l’époque classique et, même, plus précisément
de la fin du ve-début du ive siècle2, je voudrais me pencher spécifiquement sur des
savoirs qu’on pourrait qualifier de savoirs pratiques et qui s’inscrivent dans un lieu
qui n’est pas immédiatement pensé comme un lieu de production ou de transmission
des savoirs : le théâtre. Un tel préjugé sur les liens entre le savoir et le théâtre mérite
néanmoins d’être dépassé. Tout lieu, d’une part, – peu importe sa vocation originelle –
peut devenir un lieu de diffusion des savoirs3. D’autre part, comme l’ont montré Jean-
Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, le théâtre est un espace d’introspection, de
réflexion et, indirectement, de connaissances4. Malgré l’ancienneté de ces travaux, mon
propos voudrait se placer dans leur sillage. En me focalisant sur la comédie – et non la
tragédie –, je voudrais montrer que le théâtre est, entre autres choses, le lieu d’un savoir
politique ou plus exactement d’un « savoir citoyen » entendu comme un ensemble de
savoirs qui aident très concrètement le politès à agir politiquement dans la cité5.

1
Jacob 2014, notamment p. 17-30 ; voir aussi dans ce volume C. Jacob, « Entre études anciennes et
anthropologie des savoirs : qu’est-ce qu’un lieu de savoir ? », p. 31-44.
2
Toutes les dates citées dans cet article se situent avant notre ère.
3
Jacob 2014 et C. Jacob dans ce volume.
4
Vernant, Vidal-Naquet 1972 ; 1986. Plus récemment Carter 2011.
5
Le citoyen est bien l’interlocuteur privilégié du spectacle théâtral, mais on pouvait aussi trouver dans
l’assistance des étrangers – notamment lors des Grandes Dionysies –, ainsi que, vraisemblablement des
femmes et des esclaves. Cf. Roselli 2011.

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Rappelons d’ailleurs ici que le théâtre athénien n’est pas un simple divertissement
réservé à une petite élite de passionnés, mais un évènement civique qui attire foule de
citoyens et qui s’inscrit dans le cadre de fêtes très officielles consacrées à Dionysos : les
Dionysies rurales, les Dionysies urbaines et les Lénéennes. Les premières se tiennent,
chaque année, dans différentes villes et différents hameaux de l’Attique, les deux suivantes,
plus conséquentes, se tiennent à Athènes. L’organisation de ces fêtes, qui comprennent
également des processions, des sacrifices ou d’autres types de représentations comme les
concours de dithyrambe, est confiée à différents magistrats athéniens6.
Après avoir établi que le discours comique participe de la construction d’un
espace public dans la cité athénienne – un espace public qui permet aux citoyens d’être
informés de la nature des débats qui traversent la cité et de se forger des opinions –,
il s’agira de montrer comment, au moyen de la critique, le théâtre comique aide les
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citoyens à remplir les fonctions civiques qu’ils peuvent être amenés à endosser. À cet
effet, l’exemple de la dérision de l’exercice de la justice sera plus spécifiquement analysé
à partir des Guêpes d’Aristophane.

I- Le théâtre dans l’appréhension des débats politiques


La dimension politique de l’ancienne comédie, celle d’Aristophane au premier
chef, est soulignée depuis l’époque hellénistique7. Parmi les éléments qui étayent cette
association entre comédie et politique, il y a la récurrence dans le texte comique même
de ce qui semble s’apparenter à des prises de position politique du poète. La proposition
politique est généralement énoncée par un personnage comique lors de la parabase :
un moment particulier de la comédie au cours duquel un acteur ôte son masque pour
s’adresser directement aux spectateurs8. Ce dispositif qui brise ostensiblement l’illusion
dramatique tend à renforcer l’idée selon laquelle le poète serait en train de formuler un
message politique à destination des spectateurs-citoyens.
Prenons un exemple de ce genre de propositions qui essaiment la comédie
ancienne. Il est tiré des Grenouilles :
Il est juste que le chœur sacré se rende utile à la cité par ses conseils et ses enseignements.
Et d’abord donc nous sommes d’avis qu’il faut rétablir l’égalité entre les citoyens
et supprimer les sujets de crainte. Et si quelqu’un a failli, abusé par les manœuvres de

6
Sur la nature particulière du théâtre grec antique, voir par exemple Csapo, Slater 1995 ; Rehm 2017.
7
Voir notamment Olson 2010. Certains auteurs modernes la récusent néanmoins : Taplin 2003.
8
Sur la parabase, cf. Hubbard 1991, p. 16-40.

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Phrynichos, je prétends qu’il doit être permis à ceux qui ont fait un faux pas, alors, après
s’être mis hors d’état d’inculpation, de faire oublier leurs erreurs passées. Je prétends
ensuite que personne dans la cité ne doit être privé de ses droits. Car c’est une honte, alors
que d’aucuns, pour avoir pris part à un combat naval, soient Platéens tout d’un coup et
d’esclaves deviennent maîtres – non que je puisse nier que cela soit bien ; j’y applaudis au
contraire ; c’est la seule chose sensée que vous ayez faite – mais en outre il convient qu’à
ceux qui tant de fois, eux et leurs pères, combattirent sur mer avec vous et vous sont unis
par le sang, vous fassiez rémission de cet unique accident et cédiez à leurs prières9.
Les Grenouilles sont jouées en 405 dans un contexte extrêmement difficile pour la
cité. La guerre contre Sparte s’éternise et les Athéniens sont de plus en plus affaiblis : en
Attique, la forteresse de Décélie est occupée par les troupes lacédémoniennes tandis que
la ligue de Délos, qui faisait la puissance de la cité, s’est presque entièrement désagrégée.
Le coryphée, dont ce passage retranscrit les paroles, lorsqu’il évoque un « combat naval »
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fait référence à la bataille des îles Arginuses qui s’est déroulée quelques mois avant la
représentation. Menée contre la flotte lacédémonienne, cette bataille navale avait donné
lieu à un vaste enrôlement d’étrangers et d’esclaves et la victoire permit à ces derniers
d’obtenir la citoyenneté athénienne10. Si le coryphée loue clairement cette décision, il
invite néanmoins en parallèle les citoyens à restaurer le droit de cité pour les Athéniens
impliqués dans le renversement oligarchique de 411. Habilement, le coup d’État est
tout entier attribué aux manœuvres d’un seul de ses instigateurs : Phrynicos qui avait
été assassiné en 411 et souffrait depuis lors à Athènes d’une réputation non seulement
d’oligarque, mais de traître. Il avait en effet été accusé d’avoir cherché à s’entendre
directement avec le navarque spartiate Astyochos11. On pourrait donc ici imaginer que
le coryphée – et indirectement le poète lui-même – plaide pour une amnistie destinée à
réunir de la manière la plus large la communauté des Athéniens. Dès lors, nous pourrions
en conclure, comme le faisaient les savants alexandrins et comme l’estiment encore
nombre de commentateurs modernes, qu’Aristophane formule un conseil politique
dont l’objet serait d’influencer les opinions politiques de ses concitoyens12. On pourrait
9
Aristophane, Les Grenouilles, 686-699 (trad. modifiée). Sauf mention contraire, les traductions
des textes grecs insérées dans cet article sont tirées de la CUF. Ici, la traduction reportée tient compte
de l’inflexion légère que Demont 2007, p. 188, a introduite pour mieux rendre compte de la rupture de
construction qui caractérise ce passage et par laquelle le poète signale son adhésion à l’intégration au corps
civique des esclaves qui avaient pris part à la bataille des Arginuses.
10
Tamiolaki 2008.
11
Thucydide, VIII, 45-49 ; Plutarque, Vie d’Alcibiade, 25, 6.
12
Citons à titre d’exemples : Sainte Croix 1972 ; MacDowell 1995 ; Sidwell 2009 ; Rosenbloom
2014, qui, malgré le partage du postulat selon lequel Aristophane est un poète engagé, ne classent pas

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même se dire que le poète est bel et bien parvenu à susciter l’adhésion des spectateurs
puisqu’au lendemain d’Aigos Potamos, en 405, un décret proposé par Patrokleidès avait
restitué les droits de la plupart des citoyens frappés d’atimie13.
Plusieurs éléments invitent en vérité à faire preuve de prudence. Il faut
d’abord voir que l’appel à l’unité lancé par le poète n’a rien d’original et ne dit sans
doute rien d’une opinion politique particulière, propre, du poète. L’unité doit plus
vraisemblablement être rapprochée du genre comique : un genre civique dont l’un des
objets est de souder, de construire la communauté. On retrouve d’ailleurs des appels
à l’unité assez comparable dans des contextes qui n’ont rien à voir avec celui énoncé
dans ce passage. C’est le cas dans Lysistrata : l’héroïne y pense la cohésion de la cité
via la métaphore du tissage et appelle à « réunir dans une corbeille la bonne volonté,
commune et générale, en mêlant et les métèques et, à l’étranger, ceux qui sont amis, et
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les débiteurs du Trésor, les y mêler aussi »14.
Les faits montrent ensuite que, la plupart du temps, les recommandations
politiques des poètes comiques ne trouvent aucune traduction effective au sein de la cité.
Ainsi, en 424, Cléon, malgré les attaques répétées et virulentes qui sont portées contre
lui dans les Cavaliers, est élu, quelques semaines plus tard, à la stratégie. De même, le
discours pacifiste qui traverse les Acharniens, une pièce jouée en 425, en pleine guerre du
Péloponnèse, ne conduit pas à la conclusion rapide de la paix entre Athènes et Sparte.
Il faudra au contraire attendre la mort de Cléon pour que les Athéniens se décident
à faire temporairement la paix avec leur ennemi. Certes, que les citoyens-spectateurs
n’écoutent pas le poète est imaginable, mais l’on peut quand même s’étonner qu’ils lui
aient alors, pour chacune de ces pièces, accordé le premier prix du concours comique.
Certains spécialistes15 s’appuient justement sur ces éléments pour affirmer qu’il n’y a
pas à chercher de messages politiques dans la comédie attique : les propos politiques
ne sont qu’un prétexte qui, en définitive, participent du véritable objet de la comédie :
faire rire16.
Afin de comprendre les propositions politiques qui traversent la comédie
ancienne, il est possible – en faisant un pas de côté – d’explorer une autre piste :

identiquement Aristophane sur le plan politique.


13
Andocide, Sur les Mystères, 77-79.
14
Aristophane, Lysistrata, 579-581. Sur cette métaphore, voir Scheid, Svenbro 1994.
15
Par exemple : Gomme 1938 ; Heath 1987 ; Rosen 2010.
16
Sur ces débats, cf. Olson 2010 ; Allard 2021, p. 215-216.

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l’intervention du poète dans le débat politique peut en effet être conçue simplement
comme une manière d’aider les citoyens à investir les problèmes politiques et à prendre
position. Les spectateurs, en d’autres termes, trouveraient dans ces interventions non
des injonctions, mais des savoirs utiles à la délibération politique. Selon cette grille
interprétative, les embardées politiques d’Aristophane peuvent être lues à l’aune
du concept habermassien d’espace public – ou mieux de sphère publique – qu’il a
développé en particulier dans son ouvrage Strukturwandel der Öffentlichkeit paru pour
la première fois en 196217. D’après Habermas, dont la réflexion s’enracine dans Qu’est-
ce que les Lumières de Kant, la sphère publique n’est rien d’autre que l’usage public
de la raison. De fait, la circulation des idées et des opinions relayées en particulier
par une élite éclairée va permettre à chacun de construire sa pensée et de s’inscrire
réflexivement dans le débat public. Habermas situe l’émergence d’une véritable sphère
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publique au xviie-xviiie siècles dans le cadre de la lutte entre une élite bourgeoise et le
pouvoir absolutiste. Il montre qu’un ensemble d’individus faisant usage de leur raison
et la relayant à travers la presse, les salons ou les cafés s’approprie la sphère publique
contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre
le pouvoir de l’État. Rien n’interdit pour autant la mobilisation de cette notion pour
penser le monde grec antique et les interventions politiques du poète comique18.
Quoiqu’on ne puisse le considérer comme complètement indépendant des rouages
du pouvoir institué dans la mesure où le spectacle était organisé et, en grande partie,
financé par la cité, le discours comique me paraît précisément participer à l’élaboration
d’un « espace public » dans la cité athénienne. Non seulement parce que le théâtre
est, spatialement parlant, un espace public dans la mesure où « il n’y a pas d’obstacles
pour qui que ce soit a la possibilité d’[y] accéder et d’[y] participer » mais surtout parce
que le discours comique constitue un « lieu où s’institue un débat, où les problèmes
acquièrent visibilité et reconnaissance, où leur problématisation mais aussi les conflits
prennent forme publique, d’où peuvent émerger solution et accords »19.
Si l’on s’attarde à nouveau sur l’extrait de la parabase des Grenouilles citée plus
haut à l’aune de ce concept habermassien, on peut imaginer qu’il s’agit pour le poète de
porter es meson un débat relatif à la situation des citoyens qui avaient soutenu le régime
oligarchique en 411.

17
Habermas 1962.
18
Voir en particulier Azoulay 2011.
19
Berdoulay et alii 2004, p. 11-12.

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Pour étayer l’hypothèse d’un discours comique qui contribue à la construction


d’un « espace public », un autre extrait du corpus aristophanesque est intéressant. Il
s’agit d’un passage tiré de l’Assemblée des femmes, une pièce de 392 : on y entend l’héroïne
Praxagora, alors qu’elle s’exerce au discours d’Assemblée, investir très ostensiblement le
débat public :
Autre chose : cette histoire d’alliance ! Quand elle était en débat, on prétendait que, si elle
ne se faisait pas, la cité était perdue. Et, une fois faite, elle devenait détestable ; et, l’orateur,
qui avait fait prendre la décision, ça n’a pas tardé : il a dû gagner le large et disparaître !
La flotte doit-elle prendre la mer ? Le prolétaire est d’avis que oui, les riches et les paysans
sont d’avis que non. Vous détestiez les gens de Corinthe, et eux de même pour vous,
mais maintenant ce sont des gens très bien : à vous de vous conduire bien, maintenant,
avec eux ! L’Argien n’est qu’une buse, Hiéronymos, lui, est sage. Le salut s’est profilé à
l’horizon […] mais Thrasybule est furieux qu’on n’ait pas recours à lui personnellement20.
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Il est question, ici, d’un débat d’actualité. Cette année-là, en effet, les Athéniens
s’interrogent sur le bien-fondé de l’alliance contre Sparte nouée dès 395 avec Thèbes.
Alliance ensuite ralliée par Argos et Corinthe. Le questionnement était d’autant
plus prégnant que l’alliance avait subi deux revers cinglants à Coronée et à Némée en
394. L’idée de faire la paix avec Sparte semble alors traverser l’esprit des Athéniens
tandis que les Argiens s’y montraient hostiles21. Praxagora regrette la paix, mais il n’y
a là rien de très surprenant : c’est une constante de la comédie d’Aristophane que de
défendre la paix. Remarquons surtout que le propos de l’héroïne offre une grille de
lecture de débats politiques en évoquant, d’une part, le rapport entre forces sociales et
opérations navales – les citoyens les plus pauvres, qui en tiraient des revenus, y étant les
plus favorables – et, d’autre part, l’irrésolution problématique des citoyens quant aux
alliances à établir. Ainsi, à sa manière, le discours comique répond à ce statut essentiel
que Périclès attribuait dans la cité athénienne au logos : « La parole n’est pas un obstacle
à l’action ; c’en est un, au contraire, de ne pas s’être d’abord éclairé par la parole avant
d’aborder l’action à mener »22.
À travers cette intervention de Praxagora, les citoyens sont incités à penser
certaines de leurs contradictions et à réfléchir au moyen d’y remédier. Ce savoir pratique
livré ici par le poète trouvera son utilité non seulement à l’Assemblée ou au Conseil, où

20
Aristophane, L’Assemblée des femmes, 193-203 (trad. Debidour légèrement modifiée).
21
Pour plus de précisions, voir Ussher 1986 (1973), p. xxi-xxv.
22
Thucydide, II, 40, 2.

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l’action politique se décide, mais plus largement dans l’ensemble de l’espace social où il
permettra de nourrir la réflexion collective.
Il faut d’ailleurs imaginer un jeu de va-et-vient entre le théâtre et le reste de
l’espace social et en particulier ce qu’on pourrait qualifier d’espace public informel
érigé autour des échoppes, celle du koureus – le barbier – comme celle du cordonnier,
des ateliers artisanaux comme ceux des foulons ou même des salles de banquet23. Il est
clair que les propos que tient Praxagora trahissent et relaient des opinions diverses qui
traversaient la cité24. Le théâtre fait ainsi office de courroie de transmission de l’espace
public en tant qu’il est, comme le définissent François Bastien et Erik Neveu, « un
réseau complexe de forums et d’arènes par lesquels apparaissent (ou non) des problèmes
publics, par lesquels ceux-ci accèdent ou non à des réponses en termes de politiques
publiques »25.
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La comédie traduit, diffuse, alimente les débats qui pourront ou non trouver
une issue dans le cadre formel de l’Assemblée et du Conseil. Cette capacité du discours
comique à nourrir le débat public est d’autant plus grande qu’il repose dans une large
mesure sur la satire et la critique. En prenant pour cible des formes outrancières de
participation à la vie politique, le poète force en effet le citoyen à prendre un recul
critique sur son rôle au sein de la cité et, notamment, celui de juge.

II- Le théâtre et la fabrication du « bon » juge


La comédie ancienne a, semble-t-il, trouvé dans la justice démocratique un
thème de ses intrigues. Trois pièces au moins se sont emparées de ce sujet : Dikastai, une
pièce de Thugènidès, Hubristodikai d’Eupolis et les Guêpes d’Aristophane. La première
pièce date des années 440 tandis que les deux autres sont plus récentes : celle d’Eupolis
remonte, sans qu’on puisse être plus précis, aux années 420-410 tandis que celle
d’Aristophane a été jouée lors des Lénéennes de 422. On ne peut pas tirer beaucoup
de conclusions des deux premières pièces dans la mesure où rien, ou presque, de leur
propos n’a été conservé. La pièce d’Aristophane montre en tout cas que la manière dont
les juges exerçaient leur fonction pouvait être un thème central de comédie.

23
Hunter 1994, p. 96-119 ; Vlassopoulos 2007 ; Azoulay 2011, p. 68-70 ; Gottesman 2014, p. 45-76 ;
dans ce volume L. Fauchier, « Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation
et d’acquisition de savoirs politiques », p. 167-190.
24
Halliwell 1993. Il s’agit d’une idée très ancienne, cf. Jebb 1884.
25
Bastien, Neveu 1999, p. 57.

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Dans les Guêpes en effet, Philocléon, le personnage principal, est présenté dès
l’entame de la pièce comme ayant un rapport pathologique au tribunal. Il est ainsi animé
d’une passion stupéfiante, illimitée, pour l’exercice de la justice. Voici la description
qu’en fait l’un de ses esclaves :
Je vais vous dire la maladie du patron : c’est un cas de judicardite comme on n’en a jamais
vu. C’est ça qui le démange : juger ! Il faut toujours qu’il siège sur le premier banc des
juges, sinon il braille ! Du sommeil ? Il n’en voit pas une miette de toute la nuit. S’il ferme
les yeux seulement un brin, son esprit s’envole quand même là-bas, à longueur de nuit,
tourner autour de l’horloge du tribunal. À force de tenir en main le caillou de vote, par
effet de l’habitude il a le pouce et les deux doigts serrés en se levant, comme quand on offre
une pincée d’encens pour étrenner le mois nouveau. […] Sitôt souper, il gueule pour avoir
ses souliers ; et puis il s’en va là-bas, bien avant l’aube, et pique un somme, en acompte,
collé contre le pilier comme une bernicle26.
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Philocléon présente indubitablement un caractère comique dont l’excès est le
trait le plus notable. La passion de Philocléon est telle que son fils charge des esclaves
de l’empêcher de sortir. Mais le vieil homme grimpe par la cheminée pour échapper à
la vigilance de ses gardiens et rejoindre le tribunal. Il affirme encore que son dernier
souhait serait d’être « enterré sous la barre du tribunal27 ». Le fils, un peu plus loin
dans l’intrigue, est même contraint d’organiser chez lui un procès fictif pour essayer
de contenter son père qui ne tient plus en place28 ! Au-delà du comique de caractère,
ce portrait dressé par Aristophane laisse affleurer des vices dont la portée est politique.
D’abord Philocléon se fonde principalement sur ses émotions pour déterminer son
jugement. Il aime ainsi qu’un accusé lui récite une tirade tragique ou qu’il implore sa
pitié en évoquant sa pauvreté ou en lui présentant ses enfants à la barre29. Ensuite le
vieillard se complaît dans la toute-puissance que lui confère son rôle de juge. Il raconte
par exemple apprécier énormément que des hommes importants viennent le flatter
voire le corrompre aux abords du prétoire30.
Dans cette pièce, plus largement, Aristophane semble assimiler la justice
athénienne à une « justice de classe » : les héliastes sont de pauvres vieillards qui
trouvent là un moyen d’empocher quelques oboles mais surtout de traiter avec la plus

26
Aristophane, Les Guêpes, 87-96 ; 103-105 (trad. Debidour).
27
Aristophane, Les Guêpes, 387.
28
Aristophane, Les Guêpes, 891-998.
29
Aristophane, Les Guêpes, 564 ; 568-569 ; 579-580.
30
Aristophane, Les Guêpes, 554.

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Le théâtre athénien comme dispositif d’apprentissage de la citoyenneté 97

grande sévérité les puissants qui viendraient à être objet de leur jugement31. Le titre de la
pièce rend d’ailleurs compte de cette véhémence des juges puisque la guêpe est l’insecte
auquel le chœur des juges se compare expressément : comme l’explique le coryphée,
« il n’y a pas d’animal plus irascible que nous quand on l’agace, ni plus vindicatif32 ».
Philocléon, par son attitude, incarne à merveille cette nature vindicative et acariâtre des
juges. Ainsi, quand il s’agit de définir la peine des accusés, Philocléon trace les lignes
les plus longues qu’il se puisse pour qu’à chaque fois l’accusé écope de la sanction la
plus lourde33. Il est clair, également, qu’il est incapable de prononcer un acquittement.
Dans le cadre du procès domestique que son fils a organisé, Philocléon, trompé par une
manipulation, acquitte l’accusé, ce qu’il ne supporte pas : d’abord il s’évanouit, puis,
ayant recouvré ses esprits, il se répand dans de grandiloquents remords :
Comment pourrai-je garder ce poids sur ma conscience ? Un homme était poursuivi, et
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je l’ai relaxé ! Quel châtiment me guette ! Ô dieux que je vénère, daignez me pardonner !
Ce que j’ai fait, je ne l’ai pas voulu, tout mon caractère s’y oppose (ἄκων γὰρ αὔτ’ ἔδρασα
κοὐ τοῦ ‘μοῦ τρόπου)34 !
Il est intéressant de remarquer que ces deux critiques adressées aux Athéniens à
travers le personnage de Philocléon correspondent à deux topoi relayés par les milieux
antidémocratiques : celui du dèmos theatès, le peuple qui prend des décisions en fonction
des effets théâtraux des orateurs ou des plaideurs et celui du dèmos tyrannos, le peuple
qui gouverne en écrasant les membres des classes supérieures35. Plusieurs spécialistes,
comme David Konstan, ont par conséquent estimé que le poète caricaturait, pour le
dénoncer, l’activisme exacerbé des citoyens athéniens, confortant ainsi l’idée selon
laquelle Aristophane était un poète conservateur36. Deux raisons essentielles permettent

31
La sociologie des tribunaux telle qu’Aristophane la donne à voir mérite d’être nuancée. Il n’y avait
certainement pas que de pauvres vieillards au sein des tribunaux. Il est fort probable en revanche que les
citoyens des classes sociales les plus élevées étaient sinon absents du moins très minoritaires. Sur le débat
autour de cette question, voir en particulier Markle 1985 et Todd 2007.
32
Aristophane, Les Guêpes, 1 104-1 105. Cf. Jouan 2000.
33
Aristophane, Les Guêpes, 106-108. Dans les procès à estimation, la procédure consistait, en effet, à
tracer, après que l’accusé eut été déclaré coupable, sur une tablette de cire, un trait long ou court selon que
l’on souhaitait lui imposer la peine la plus lourde (celle que réclamait l’accusateur) ou la plus légère. Sur
cette pratique appelée timèsis, voir Todd 1993, p. 133-135.
34
Aristophane, Les Guêpes, 999-1002.
35
Villacèque 2013, p. 187-194.
36
Konstan 1995, p. 27.

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98 Jean-Noël Allard

néanmoins de contredire une telle analyse. En premier lieu l’exercice de la justice à


Athènes – dans le cadre de la politeia démocratique – était assurément l’un des éléments
fondamentaux de la citoyenneté. Dans un très fameux passage de la Politique, Aristote
affirme que le citoyen se définit fondamentalement par sa capacité à commander et à
juger37. Or il est délicat d’imaginer que le poète comique ait cherché à remettre en cause
l’une des prérogatives essentielles du citoyen dans un spectacle organisé par la cité et,
surtout, devant un parterre de citoyens qui, en dernier ressort, désignaient le vainqueur
du concours dramatique. En second lieu, la comédie, comme nous l’avons indiqué tout
à l’heure, est le lieu d’un usage public de la raison qui aide les citoyens à situer et à
penser leur rôle dans la cité. Le poète, du reste, et Aristophane en particulier, ne manque
jamais de se présenter comme un conseiller ou un éducateur pour les spectateurs38.
Pourquoi alors ne pas prendre le poète au sérieux et imaginer que sa comédie
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offrait des outils aux spectateurs pour penser leur rôle de juge en mettant en évidence,
par la caricature, des travers qui pouvaient pervertir l’exercice de la justice ? Ainsi, si le
poète reprend certains topoi antidémocratiques, il ne le fait pas dans la même optique
que les partisans de l’oligarchie : loin de chercher à discréditer le peuple dans sa capacité à
juger et gouverner, le poète entend, dans cette pièce, inciter les spectateurs à s’interroger
sur l’incidence de la théâtralité et sur le poids des rapports de classes dans les jugements
qu’ils pouvaient prononcer dans les tribunaux. L’invention d’un personnage comme
Philocléon s’y prêtait d’ailleurs bien dans la mesure où son caractère outrancièrement
transgressif interdisait toute identification du spectateur et l’obligeait, par conséquent,
à prendre un certain recul face à son comportement. On pourra rétorquer qu’en
pratique, à Athènes, les décisions des juges étaient loin de ne reposer que sur le droit et
les faits. Leur jugement se forgeait dans une large mesure à partir d’arguments qui ne
relevaient absolument pas de l’affaire jugée39. Pour autant, il semble bien qu’il existait
une sorte de pratique idéale de la justice qui dédaignait ces travers et dont le serment
des héliastes pourrait rendre compte. Il était prononcé par les juges avant leur entrée en
fonction dans le sanctuaire du héros Ardettos qui se situait quelque part au sud-est de

37
Aristote, Politique, III, 1275a22-23 et 1275b5-6 ; VI, 1317b25-28 ; Constitution des Athéniens, IX,
1. Platon explique également dans Les Lois, VI, 768b, que « celui qui ne participe pas au pouvoir de juger
s’estime absolument exclu de la cité ».
38
Par exemple : Aristophane, Acharniens, 628-635 ; 646-651 ; Grenouilles, 687. Pour plus de détail,
cf. Allard 2021, p. 235-241.
39
Foxhall, Lewis 1996 ; Lanni 2006, p. 41-74.

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Le théâtre athénien comme dispositif d’apprentissage de la citoyenneté 99

l’Acropole à proximité du Delphinion et du Palladion40. Ce serment qu’on reconstitue


de manière plus ou moins authentique en mettant bout à bout des passages tirés du
corpus des orateurs semble avoir exigé que les juges votent « uniquement sur l’objet
de la poursuite »41. Il laisse ainsi entendre que les considérations relatives à la position
économique ou sociale de l’accusé devaient rester au second plan. Selon ce serment, les
juges devaient également promettre de « voter en [leur] âme et conscience, sans obéir
à la faveur et la haine42 », ce qui exclut, a priori, d’obéir à un désir de vengeance sociale.
Enfin, si le serment des héliastes ne semble pas explicitement s’intéresser au poids de
la théâtralité dans les tribunaux athéniens, on peut imaginer qu’un vote guidé par le
pouvoir d’évocation d’un plaideur n’était guère de ceux qui « portent uniquement sur
l’objet de la poursuite ».
Il est ainsi possible d’imaginer que le spectacle comique prolongeait, à sa façon,
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les recommandations d’un législateur qui espérait, autant que faire se peut, que la justice
instituée fût capable de réaliser la justice en principe en instillant chez les citoyens un
regard critique sur leur propre pratique judiciaire. Par la dérision de la théâtralisation
de la justice, Aristophane incitait les spectateurs à appréhender avec circonspection les
plaideurs qui mobilisaient trop exclusivement ce genre d’appel au pathos des juges43. Par
la dérision de la sévérité des juges, le poète cherchait peut-être à valoriser une clémence
mieux à même de garantir la concorde au sein de la cité. De manière plus déterminante,
cette caricature qui met en scène des juges d’une cruauté inouïe confronte les spectateurs
à une pratique abusive du pouvoir judiciaire qui s’opposait assurément au serment
des héliastes. Il ne servait en effet à rien d’écouter « avec une égale attention les deux
parties44 » comme l’exigeait le serment si le jugement était acquis avant même le début
des plaidoiries. Cette pédagogie comique touchant à l’exercice de la justice se comprend
d’autant mieux qu’à Athènes, rappelons-le, la justice était radicalement démocratique,
c’est-à-dire qu’elle était accomplie par des individus qui n’étaient pas des professionnels
du droit ou de la justice (personne ne l’était vraiment à Athènes) et qui votaient
immédiatement après la plaidoirie sans aucune délibération et qui n’avaient aucun
40
Sur ce serment, voir Harris 2013, p. 101-135 ; Sommerstein 2013, p. 69-80.
41
Démosthène, Contre Timocrate, 151. Sur la crédibilité du serment des héliastes tel qu’il est conservé
dans le Contre Timocrate, cf. Canevaro 2013, p. 173-180.
42
Démosthène, Contre Euboulidès, 63.
43
Sur l’importance de l’appel aux émotions chez les plaideurs attiques, voir Harris 2017 ; Spatharas
2019.
44
Démosthène, Contre Timocrate, 151.

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100 Jean-Noël Allard

compte à rendre sur leur décision45. La comédie constituait donc une propédeutique
destinée à assurer un exercice conscient et réfléchi de la justice par les citoyens. Au
théâtre, les citoyens spectateurs, ceux qui étaient juges et ceux qui pouvaient le devenir,
apprenaient de la sorte à faire preuve de ce « discernement (gnômè) » auquel invitait le
serment des héliastes46.

Conclusion
Cette succincte analyse donne à voir le théâtre comme le lieu d’un savoir
pratique qui s’adresse aux citoyens et qui porte sur l’exercice de leurs prérogatives.
La comédie offre d’une part des outils de compréhension et d’analyse des débats
publics qui semblent indispensables aux discussions et délibérations du Conseil et de
l’Assemblée. Par la caricature, d’autre part, elle donne aux spectateurs à réfléchir sur leurs
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propres manières d’exercer certaines charges civiques à commencer par celle de juge.
Cette capacité du théâtre à produire et/ou diffuser des savoirs « citoyens » l’inscrit
pleinement dans l’espace démocratique athénien dont la Pnyx et les tribunaux de
l’Héliée sont des pôles majeurs. Il y a clairement une articulation entre tous ces espaces,
articulation qu’il faudrait aussi étendre à tous les espaces où des échanges se produisent
entre les citoyens : la rue, l’agora, les échoppes, etc. Cet ensemble « connecté » de lieux
semble en tout cas participer d’un large espace public athénien seul à même de garantir
la vitalité démocratique de la cité.

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45
Lanni 2006, p. 31-40.
46
Démosthène, Contre Aristocrate, 96 ; Contre Bœotos, I, 40-41 ; Contre Leptine, 118 ; Aristote, Politique,
III, 1287a26. Sur l’importance du « discernement » chez les juges, cf. Loraux 1997, p. 243.

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