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Les espaces marchands dans l’Athènes classique.

Des lieux
de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques
Louise Fauchier
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2023/Supplément27 (S 27), pages 167 à 190
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
ISSN 0755-7256
DOI 10.3917/dha.hs27.0167
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Dialogues d’ histoire ancienne, supplément 27, 2023, 167‑190 – CC-BY

Les espaces marchands dans l’Athènes classique.


Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques1

Louise Fauchier
Université Lumière Lyon 2 – HiSoMA UMR 5189, France
Louise.Fauchier@univ-lyon2.fr
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Dans l’Athènes classique, le « marché » – l’agora dans sa fonction marchande –
les boutiques (kapèleia) et les ateliers-boutiques (ergastèria) sont des lieux d’acquisition,
de mobilisation et de transmission de savoirs hétéroclites. Outre la sociabilité marchande
qui s’opère dans ces lieux de commerce et les savoirs marchands associés2, ces espaces
semblent avoir constitué d’importants lieux du politique. La littérature athénienne
classique met en évidence un espace politique différent de celui de l’Assemblée, du
Conseil ou des tribunaux, hauts lieux de la politique. Sortir la politique de la sphère
institutionnelle n’est pas une démarche nouvelle3. Dans son sens restrictif, le politique
se confond avec la politique et désigne la distribution des pouvoirs institutionnels : « La
politique se définit [alors] en référence au domaine institutionnel et au jeu politique
traditionnel »4. Mais le politique, dans un sens plus large, peut aussi définir le vivre

1
Je remercie vivement Noémie Villacèque, Étienne Helmer et Marco V. García Quintela pour leurs
relectures et pour leurs conseils avisés. Sauf mention contraire, les traductions des textes anciens cités sont
issues de la Collection des Universités de France (CUF), éditée par Les Belles Lettres.
2
Voir dans le présent volume la contribution de M. C. D’Ercole, « Savoir vendre. Les pratiques de la
vente en Grèce classique, entre visibilité, esthétique et performance », p. 149-166.
3
Sur les pratiques collectives comme actes du politique, voir particulièrement Schmitt Pantel 1992 ;
2021. Voir aussi dans le présent volume la contribution de P. Schmitt Pantel, « Les banquets comme lieux
de savoirs », p. 319-341. Sur l’importance de ses travaux sur le politique (une nouvelle manière de penser le
politique en Grèce ancienne), cf. Sebillotte-Cuchet 2021. D’autres travaux sur le politique et les pratiques
collectives : par exemple Azoulay 2004 ; Ismard 2010 et récemment Azoulay, Ismard 2020. Cf. également
Mansouri 2002, p. 41, n. 1.
4
Azoulay 2006, p. 134.

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ensemble et la manière de faire cité, englobant à la fois les règles institutionnelles et des
manières de vivres communes, renvoyant alors à la notion de politeia5. Les pratiques
collectives, au même titre que les pratiques du gouvernement – qui constituent la
politique –, font de la cité une communauté politique. Dès lors, le koinon, « le domaine
du commun », constituerait le socle sur lequel se construit le politique, cet art de
vivre en communauté6. Dans cette perspective, les lieux marchands semblent avoir
constitué d’importants espaces du politique. La question a été partiellement traitée par
S. Mansouri, S. Lewis, Fr. Larran et plus récemment par R. Matuszewski dans des écrits
interrogeant la communication et les interactions sociales à l’œuvre sur l’agora, dans
les boutiques et les ateliers des cités en général et d’Athènes en particulier7. Par ailleurs,
les travaux de K. Vlassopoulos et d’A. Gottesman ont particulièrement mis en exergue
la place de ces espaces informels (non-institutionnels) de la politique, notamment
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l’agora et les lieux marchands8. Aujourd’hui, il paraît difficile d’étudier la politique et
la démocratie athénienne sans envisager le rôle des lieux marchands. Boutiques, ateliers
et marchés dans l’Athènes classique constituent des espaces de sociabilité centraux où
les individus se réunissent et font cité. Lieux de rencontre, de partage d’informations
hétéroclites, ce sont aussi des sphères où se forgent et se transmettent des savoirs plus
proprement politiques en dehors des institutions formelles et où peut se développer une
opinion publique. Dans le même temps, ces lieux du politique doivent être interrogés
en termes d’intégration et d’exclusion, de continuité et de discontinuité spatiale et
fonctionnelle.

I- Des espaces d’échanges multiples : des lieux de rencontre, de partage de nouvelles


et d’informations hétéroclites
Les boutiques et les marchés constituent des espaces de sociabilité. Les gens se
réunissent (sullegô) ou affluent (prosreô) dans ces lieux où l’on parle (legô), converse

5
Azoulay 2006 ; 2014.
6
Schmitt Pantel 2021. Sur la révision des perspectives sur le politique, voir Sebillotte-Cuchet 2021.
7
Mansouri 2002. Voir plus récemment Mansouri 2010, p. 125-147 ; Lewis 1995 ; 1996, p. 15-18 ;
Larran 2011 ; Matuszewski 2019. Sur l’agora et les boutiques comme espaces de communication, voir
également Coulet 1996, p. 56 sq. Sur le marché comme lieu d’échanges, Wycherley 1956 ; 1957.
8
Vlassopoulos 2007 ; Gottesman 2014 (en particulier p. 55-63). Vlassopoulos développe le concept de
free spaces pour désigner les espaces d’interactions entre citoyens, étrangers, esclaves et femmes.

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(dialegô), bavarde (laleô, ellaleô) et babille (stômullô)9. Des bavardages et discussions de


bruits publics – nouvelles ou rumeurs (logos, lalia10) – aux discussions philosophiques,
les savoirs échangés sont divers. Les individus s’assoient (kathizô, kathèmai) dans ces
lieux de rencontres fortuites ou attendues.

1- Boutiques de barbier
Les auteurs anciens font de la boutique du barbier un centre de nouvelles par
excellence11. Leurs boutiques sont des lieux de rencontre où les bavards viennent
s’asseoir et tenir des propos de toutes sortes, où l’on commente notamment les faits et
gestes de ses contemporains.
Dès l’époque classique, la boutique du barbier est réputée être un espace
privilégié de diffusion de nouvelles et surtout de rumeurs. L’historien Charon de
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Lampsaque, dans la première moitié du ve siècle avant J.-C., fait ainsi de l’échoppe d’un
barbier de Cardia un lieu de bavardage où circule notamment la rumeur d’un oracle
annonçant une attaque prochaine des Bisaltiens12. C’est surtout dans la comédie que
cette spécificité des barbiers est mise en avant. Dans le Ploutos d’Aristophane, présenté
en 388 avant J.-C., c’est chez les barbiers que se répand la rumeur de l’enrichissement
soudain du citoyen Chrémyle13 :
λόγος γ᾽ ἦν νὴ τὸν Ἡρακλέα πολὺς ἐπὶ τοῖσι κουρείοισι τῶν καθημένων, ὡς ἐξαπίνης ἀνὴρ
γεγένηται πλούσιος
par Héraclès, il n’était bruit parmi les gens assis chez les barbiers que de la soudaine
fortune de notre homme

Avant cela, Aristophane fait déjà de ces boutiques des lieux de bavardages : dans
les Oiseaux, présenté en 414 avant J.-C., des pères parlent (legôsin) tous les jours de
leurs jeunes garçons chez les barbiers, se plaignant de leur attitude14. De même, dans

9
Notons que laleô et stômullô renvoient aussi à des bruits d’animaux et à des sons inarticulés. Les
références sont présentées au fur et à mesure de l’étude.
10
Logos et lalia désignant la « rumeur » ou la « renommée », renvoient aux bruits publics.
11
Mansouri 2002, p. 49-51 et 2010, p. 129-130 ; Larran 2011, p. 196 ; Matuszewski 2019, p. 63-68. Sur
la diffusion de l’information dans la cité, voir Lewis 1996.
12
Charon de Lampsaque, FHG I 34 : « dans l’échoppe on ne parlait (dielegonto) plus que de l’oracle ».
13
Aristophane, Ploutos, 335-338.
14
Aristophane, Oiseaux, 1439-1441.

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une comédie d’Eupolis, un protagoniste indique qu’il écoute les conversations dans les
boutiques de barbier15 :
καὶ πόλλ’ ἔμαθον ἐν τοῖσι κουρείοις ἐγὼ ἀτόπως καθίζων κοὐδὲ γιγνώσκειν δοκῶν
et j’apprenais beaucoup dans les boutiques de barbier, assis là discrètement et feignant de
ne pas prêter attention

L’image de la boutique de barbier comme centre de bavardage est particulièrement


patente dans un passage de la Samienne de Ménandre, dans lequel le citoyen Nicératos
dit ainsi :
δ’ ἂν αὔριον πρῶτος ἀνθρώπ[ω]ν ἐπώλουν συναποκηρύττων ἅμα ὑόν, ὥστε μηθὲ[ν εἶ]ναι μήτε
κουρεῖον κενόν μὴ στοάν, κ[αθη]μένους δὲ πάντας ἐξ ἑωθινοῦ περὶ ἐμοῦ λαλ[ε]ῖν λέγοντας ὡς
ἀνὴρ Νικήρατος γέγον’ ἐπεξελθὼν δικαίως τῶι φόνωι.
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Demain, j’arriverais [sur le marché] bon premier pour vendre ma maîtresse, et je
déshériterais mon fils du même coup. Je ferais si bien que pas une boutique de barbier,
pas un portique ne resterait vide : tous y seraient assis dès l’aurore et parleraient de moi,
disant que Nicératos s’est montré un homme en tirant une juste vengeance du meurtre16.

Nicératos évoque ici la stoa et la boutique de barbier comme des espaces où l’on
discute et commente l’attitude d’un citoyen. À la même époque, Théophraste, dans
ses Caractères, présente la boutique du barbier, comme celle du parfumeur, comme des
lieux d’ostentation où le malotru (bdeluros) fait parler de lui et fanfaronne17. L’auteur
fait par ailleurs des boutiques de barbier des « symposia sans vin », suggérant que,
à cause des bavardages (lalian) de ceux qui viennent s’y asseoir (proskathizontôn), la
rencontre dans ce lieu est similaire à celle d’un symposium18. Cet espace de réunion et
de discussion est celui d’une communauté (koinonia). Les orateurs attiques font par
ailleurs régulièrement de ces boutiques des espaces de sociabilité privilégiés pour les
citoyens19. Ces échoppes jouent ainsi un rôle social et politique fondamental, assurant
la construction des relations entre les habitants de la cité. Par ailleurs, dans ces espaces,
les réseaux sociaux diffusent des informations relatives à la vie de la cité (aux habitants,

15
Eupolis, fr. 194 K-A.
16
Ménandre, Samienne, 680-683 (trad. CUF modifiée).
17
Théophraste, Caractères, XI, 9.
18
Plutarque, Moralia, 679A. Voir Lewis 1995, p. 437.
19
Lysias, Pour l’invalide, XXIV, 20 ; Contre Pancléon, XXIII, 3 ; Démosthène, Contre Aristogiton I,
XXV, 52. Extraits analysés infra II.

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à la sécurité, etc.), assurant le développement d’une opinion publique, centrale pour le


fonctionnement démocratique.
Plus tard, à l’époque hellénistique et au début de l’époque impériale, cette image
de la boutique de barbier comme centre de nouvelles et surtout de rumeurs persiste.
Polybe fait ainsi des rumeurs circulant chez les barbiers des propos mensongers par
essence. Selon lui, les écrits des historiens Chairéas et Sôsylos relèvent moins de
l’histoire que du bavardage vulgaire et de la rumeur de barbier (κουρεακῆς καὶ πανδήμου
λαλιᾶς)20, soulignant ainsi le faible crédit à accorder aux informations qui circulent dans
ces espaces. Mais c’est Plutarque qui semble présenter le mieux la boutique de barbier
comme un centre par lequel transitent à la fois des informations de première importance
et de vulgaires bavardages. Les anecdotes qu’il rapporte au sujet de la boutique de
barbier du Pirée où fut annoncée la nouvelle du désastre de Sicile en 413/412 semblent
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sur ce point significatives21. Dans sa Vie de Nicias, le biographe indique :
Ἀθηναίοις δέ φασι τὴν συμφορὰν οὐχ ἥκιστα διὰ τὸν ἄγγελον ἄπιστον γενέσθαι. Ξένος γάρ
τις ὡς ἔοικεν ἀποϐὰς εἰς Πειραιᾶ καὶ καθίσας ἐπὶ κουρεῖον, ὡς ἐγνωκότων ἤδη τῶν Ἀθηναίων
λόγους ἐποιεῖτο περὶ τῶν γεγονότων. ὁ δὲ κουρεὺς ἀκούσας, πρὶν ἄλλους πυνθάνεσθαι, δρόμῳ
συντείνας εἰς τὸ ἄστυ καὶ προσϐαλὼν τοῖς ἄρχουσιν εὐθὺς κατ’ ἀγορὰν ἐνέϐαλε τὸν λόγον.
On dit que les Athéniens ne crurent pas d’abord à la nouvelle de leur désastre, surtout à
cause de celui qui l’annonçait. Un étranger, paraît-il, ayant débarqué au Pirée et s’étant
assis dans la boutique d’un barbier, parla de ce qui s’était passé, comme si les Athéniens
étaient au courant. Le barbier l’entendit et, avant que d’autres ne fussent informés, il
courut à toutes jambes jusqu’à la ville, alla trouver les magistrats et répandit aussitôt la
nouvelle à l’agora.

Dans cet extrait, la boutique est présentée comme un espace de discussion et de


circulation d’informations central, diffusant une information politique de l’extérieur
avant qu’elle ne soit répandue sur l’agora22. Selon Plutarque, d’autres nouvelles
importantes pouvaient transiter par la boutique du barbier. Ainsi, alors que Sylla
assiégeait Athènes, le Romain aurait exploité une information politique de première
importance pour prendre la ville : des espions auraient en effet entendu des vieillards
discuter dans la boutique d’un barbier (ἀλλὰ πρεσϐυτῶν τινων ἐπὶ κουρείου διαλεγομένων)

20
Polybe, III, 20, 5-6. Le terme koureakos est employé seulement par Polybe selon le TLG.
21
Plutarque, Nicias, 30, 1-3 et Du Bavardage, 509A. Thucydide ne mentionne quant à lui aucun barbier
lorsqu’il évoque cet événement.
22
Pour la bibliographie sur cet extrait, voir Mansouri 2002, p. 49, n. 16.

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au sujet d’un quartier mal défendu par la cité23. Mais la boutique de barbier apparaît plus
généralement comme un lieu de bavardage et de commérage et elle semble considérée
par Plutarque comme un centre de fausses rumeurs et de ragots. Ainsi, le barbier ayant
annoncé la nouvelle du désastre de Sicile est accusé d’affabulation et torturé jusqu’à ce
que quelqu’un corrobore ses dires24. La méfiance envers ce barbier pourrait provenir
de leur proverbial goût pour le bavardage et la diffusion de rumeurs. Le biographe
présente en effet les barbiers comme une race (genos) bavarde (lalon), contaminée par
les parleurs (adoleschoi) qui affluent (prosreousi) pour s’asseoir (proskathizousin) dans
leurs boutiques25. Ces infatigables bavards pouvaient même causer leur propre perte par
leurs jaseries tel un barbier de Syracuse qui, après avoir critiqué le tyran Denys dans sa
boutique, aurait été mis en croix par le despote26.
L’échoppe du barbier apparaît ainsi comme un lieu de bavardages incessants par
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lequel transitent diverses rumeurs et informations relatives à la vie de la cité27.

2- Tavernes, auberges et ergastèria


D’autres boutiques et ateliers-boutiques constituaient des lieux de rencontre et de
discussion. On tient pour honteux la fréquentation des tavernes (kapèleia), considérées
comme des lieux de perdition (boissons, jeux)28. De même, les auberges (pandokeia),
ouvertes à tous, notamment aux étrangers, bruissent de conversations indignes voire
dangereuses pour la cité. Énée le Tacticien y voit un potentiel lieu de complot politique,
la clientèle étrangère pouvant corrompre les citoyens en y apportant des informations,

23
Plutarque, Du Bavardage, 505A-B.
24
Plutarque, Nicias, 30, 1-3.
25
Plutarque, Du Bavardage, 509A. S’ensuit une anecdote impliquant le roi Archélaos et un barbier
bavard (voir aussi Plutarque, Apophtegmes de rois et de généraux (Archélaos).
26
Plutarque, Du Bavardage, 509A.
27
L’image des boutiques comme lieux de fausses rumeurs pourrait être liée au cliché littéraire du kapèlos
mauvaise langue : cf. Larran 2011, p. 196-198.
28
Aristophane, Thesmophories, 347 ; Théophraste, Caractères, VI, 5 ; Isocrate, Aréopagitique, VII, 49 ;
Sur l’échange, XV, 287 ; Diogène Laërce, I, 104. La bonne société regarde la fréquentation de ces lieux
d’un mauvais œil, cf. Plutarque, Propos de table, 621b ; Élien, Histoire variée, IX, 19. Pourtant, ce sont des
espaces de sociabilité ouverts où se croisent des individus de tous statuts et conditions socio-économiques.
Voir notamment Roubineau 2015, p. 339-340. Sur les tavernes et auberges comme lieux de sociabilité, voir
également Matuszewski 2019, p. 92-109.

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des mœurs ou des idées nouvelles29. Mais ce sont aussi des lieux de rencontres amicales.
Plutarque évoque ainsi les amitiés – certes superficielles – de jeu, d’auberge ou de place
publique (ἐκ πανδοκείου καὶ παλαίστρας καὶ ἀγορᾶς φιλίαν συλλέγουσιν)30.
Par ailleurs, les ateliers (ergastèria) constituaient des lieux de rencontre
privilégiés. La littérature archaïque présente ainsi la forge (chalkeion) comme un lieu de
rassemblement informel du petit peuple où l’on bavarde et échange des informations31.
Cette pratique semble se poursuivre dans l’Athènes classique, la rencontre des citoyens
dans les ateliers et boutiques au ive siècle étant admise et même encouragée32. Ainsi,
Dioclidès – informateur dans l’affaire des Hermocopides – trouve le citoyen Euphémos
fils de Téloklès (probablement membre d’une famille respectable, son frère Kallias étant
le beau-frère d’Andocide) assis dans l’atelier d’un forgeron (ἔν τῳ χαλκείῳ καθήμενον)33.
D’autres ateliers constituent des lieux des lieux d’échanges et de discussions hétéroclites
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tels les selliers ou les cordonniers. Comme les boutiques de barbier ou de parfumeur,
ce sont aussi des lieux d’ostentation où certains fanfaronnent tel le forgeron rustre
qui s’assoit chez un cordonnier et passe son temps à parler d’une nuit passée avec la
célèbre courtisane Gnathainion (ἐν σκυτοτομείῳ μετά τινων καθήμενος κατεσχόλαξε τῆς
Γναθαινίου λέγων)34. Lieu de bavardage et de discussion des bruits publics, les ergastèria,
comme l’agora et les portiques sont fréquentés par le colporteur de bruit (logopoios)
de Théophraste qui y fait circuler rumeurs et ragots35. Les ateliers ont également pu
être le théâtre de discussions philosophiques36. Socrate avait l’habitude de fréquenter
des ateliers dans lesquels il conversait avec citoyens et artisans. Il se rend ainsi dans des
ateliers de peintres, de fabricants de statues et de cuirasses, discutant avec ces artisans de
leur métier37. Ces ateliers étaient situés à proximité de l’agora, pour certains d’entre eux

29
Énée le Tacticien, X, 9-10.
30
Plutarque, Sur le grand nombre d’amis, 94a.
31
Hésiode invite son frère à l’éviter : « Passe sans t’y asseoir (θῶκον) près de la forge (χάλκειον) »
(Hésiode, Les Travaux et les Jours, 493-495). Cf. Roubineau 2015, p. 337.
32
Cf. infra II.
33
Andocide, Sur les Mystères, 40, I.
34
Machon, fr. 17, l, 358-362.
35
Théophraste, Caractères, VIII, 13-14. Pour un commentaire : Larran 2011, p. 39-40. Cet épilogue
pourrait être un ajout tardif : Diggle 2004, p. 288-289. Les ergastèria et l’agora comme lieux de bavardage :
Hypéride, Pour Euxénippe, 21, III.
36
Sur les ateliers comme lieu de rencontres philosophiques, voir aussi infra I.3.
37
Xénophon, Mémorables, III, 10, 1-15.

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du moins, telle la sellerie qui avoisine la place dans laquelle il rencontre régulièrement le
jeune citoyen Euthydème38. Le philosophe fréquentait aussi l’ergastèrion du cordonnier
Simon qui serait devenu philosophe39.
D’une manière générale, les ergastèria constituent des espaces de sociabilité
centraux. C’est ce que semble suggérer un extrait d’Antiphane40 :
πρὸς γὰρ τὸ γῆρας ὥσπερ ἐργαστήριον ἅπαντα τἀνθρώπεια προσφοιτᾷ κακά
car tous les maux humains fréquentent la vieillesse comme si c’était un ergastèrion

Le sens n’est d’ailleurs peut-être pas seulement que les maux fréquentent la
vieillesse comme les hommes fréquentent les ergastèria mais que leur présence est source
de troubles41.
Ces ateliers sont des lieux où les informations circulent et s’accumulent. Certains
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marchands sont des bavards qui colportent des rumeurs (notamment les barbiers) mais
les ateliers et boutiques sont surtout fréquentés par des individus eux-mêmes porteurs
d’informations. Cette circulation d’informations est centrale dans le fonctionnement
de la cité démocratique, permettant des débats et des discussions sur des sujets qui
concernent la cité (philosophie, vie des citoyens, gouvernement) et assurant la création
d’une opinion publique, fondamentale dans la manière de faire cité. Par ailleurs, les
ateliers sont des espaces de sociabilité qui assurent les rapports de philia centraux dans
la cité.

3- L’agora et ses espaces marchands


À côté des boutiques et des ateliers, le marché de l’Asty constitue un lieu de
rencontre, de discussion et de diffusion de nouvelles. Il serait vain de chercher à établir
une véritable séparation entre le marché et le reste de l’agora.
L’agora constitue le lieu des nouvelles par excellence – provenant de l’extérieur
et relatives à la vie de la cité42. La diffusion pouvait se faire tant par annonces publiques

38
Xénophon, Mémorables, IV, 2, 1 ; IV, 2, 8.
39
Diogène Laërte, II, xiii, 122, 123. Sur le cordonnier Simon, voir Hock 1976. Voir aussi l’épigramme de
Phanias (iiie-iie siècle avant J.-C. ?) au sujet d’un barbier devenu philosophe : Anthologie Grecque, VI, 307.
40
Antiphane, fr. 251 K-A.
41
Olson 2021, p. 205.
42
Lewis 1995, p. 434.

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– affichage et voix des crieurs publics43 – que par un bouche-à-oreille informel. Chez
Aristophane, le retour du Mégarien sur le marché (agora) de l’Athénien Dicéopolis
est considéré comme un retour à un quotidien normal, marqué non seulement par la
reprise du commerce mais aussi par des échanges de nouvelles entre Athéniens d’une
part, Mégariens et Béotiens d’autre part44. Sur l’agora, on cherche et on apprend des
informations de toutes sortes45. C’est un lieu de flânerie46, de rencontres amicales47,
de bavardages48 et de diffusion de rumeurs49. Selon Aristote, la population urbaine, et
particulièrement les marchands qui vont et viennent sur l’agora forment des groupes de
discussions et de rencontres50 :
ἔτι δὲ διὰ τὸ περὶ τὴν ἀγορὰν καὶ τὸ ἄστυ κυλίεσθαι πᾶν τὸ τοιοῦτον γένος ὡς εἰπεῖν ῥᾳδίως
ἐκκλησιάζει
de plus, à cause de ses incessantes allées et venues sur l’agora ou par la ville, tout ce genre
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de monde se réunit facilement, peut-on dire, en assemblée

Certaines parties du marché semblent avoir été des espaces d’échange de groupes
sociaux particuliers, notamment les parfumeurs et les « tables » (des banquiers ?)51. Sur
la place publique, les renommées se font et se défont52. Les faits et gestes des individus,

43
Sur l’affichage public voir Pébarthe 2006, p. 243-289. Sur les annonces par voix de crieur, voir par
exemple Aristophane, Assemblée des femmes, 813-821.
44
Aristophane, Acharniens, 750-760.
45
Les Athéniens cherchent à s’informer : Démosthène, Première Philippique, 10. On y apprend des
informations politiques de première importance comme la nouvelle du désastre de Sicile (cf. supra).
Aristophane, Thesmophories, 577-578 : « Tout à l’heure, sur l’agora, j’ai entendu parler d’une chose qui est
de la plus haute importance pour vous » : καὶ νῦν ἀκούσας πρᾶγμα περὶ ὑμῶν μέγα ὀλίγῳ τι πρότερον κατ᾽
ἀγορὰν λαλούμενον.
46
Cf. notamment Millett 1998.
47
Plutarque, traité Sur le grand nombre d’amis, 94a.
48
Voir notamment Aristophane, Nuées, 1003 : « tu passeras ton temps dans les gymnases, au lieu
de débiter sur l’agora des bavardages épineux sans queue ni tête », οὐ στωμύλλων κατὰ τὴν ἀγορὰν
τριϐολεκτράπελ᾽ οἷάπερ οἱ νῦν.
49
Sur les rumeurs sur l’agora cf. Démosthène, Contre Midias, XXI, 103-104 et Contre Timocrate, XXIV,
15 (cf. infra).
50
Aristote, Politique, VI, 4, 13.
51
Cf. infra partie III.
52
Larran 2011, p. 42. Sur la diffusion des bruits publics sur l’agora, dans les rues et les boutiques qui la
bordent : cf. Larran 2011, p. 41-43.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


176 Louise Fauchier

exposés à la vue de tous, peuvent être commentés et critiqués. Ainsi, les folles dépenses
du riche citoyen Timarque et de son compagnon au marché aux poissons font l’objet
de ragots circulant dans la cité53. C’est parce que les espaces marchands sont des lieux
offrant une visibilité que le « prétentieux » (alazôn) de Théophraste se rend où l’on
vend les meilleurs chevaux. Il prétend aussi être prêt à dépenser jusqu’à deux talents
de vêtements sur l’agora54. C’est pour des raisons similaires que le « complaisant »
(areskos) se rend aux comptoirs de banquiers sur l’agora55.
Par ailleurs, l’agora, comme les ateliers-boutiques, sont des lieux de discussions
sophistiques et philosophiques56. Dans les écrits de Platon et de Xénophon, les rencontres
philosophiques se font de l’oikos à l’agora, en passant par les boutiques, le gymnase et
les rues57. Le marché et les activités marchandes semblent avoir été particulièrement
propices aux leçons de certains philosophes comme Socrate ou Diogène58. À côté
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des ateliers, Socrate passait du temps sur l’agora, particulièrement à l’heure de la plus
grande affluence59, parlant notamment près des tables des marchands ou des banquiers
(ἐν ἀγορᾷ ἐπὶ τῶν τραπεζῶν)60, tandis que le sophiste Hippias passait son temps et se
vantait de ses connaissances, probablement auprès d’une clientèle potentielle aisée, près
des tables (ἐν ἀγορᾷ ἐπὶ ταῖς τραπέζαις)61.
Boutiques, ateliers-boutiques et agora constituent autant de lieux de sociabilité
où se propagent toutes sortes d’informations, des nouvelles politiques aux ragots
concernant des habitants en passant par les discussions philosophiques62. Les bruits
53
Eschine, Contre Timarque, 65, I.
54
Théophraste, Caractères, XXIII, 7-8.
55
Théophraste, Caractères, V, 7 : Cf. Diggle 2004, p. 230 sq. pour une discussion sur ce caractère.
56
Voir notamment Lewis 1995, p. 437.
57
Pour la palestre voir par exemple Platon, Charmides, 153a ; Xénophon, Mémorables, I, 1, 10.
58
Sur la fréquentation des free spaces par Diogène le cynique tels que l’agora, les tavernes, les gymnases et
théâtre voir notamment Terceiro Sanmartín, 2019.
59
Xénophon, Mémorables, I, 1, 10.
60
Platon, Apologie de Socrate, 17c. Tράπεζα désigne une simple installation commerciale : cf. Karvonis
2007. Le terme peut également désigner une table de banquier.
61
Platon, Hippias mineur, 368b. Sur Hippias voir dans le présent volume la contribution de A. Macé,
« Les lieux de l’homme qui savait tout. Hippias et la topologie comparée des savoirs selon Platon »,
p. 415-431. Sur les activités des sophistes dans les rues et les espaces marchands d’Athènes : Soverini 1998.
62
Les ragots et les rumeurs dans les lieux marchands concernent essentiellement les hommes et moins les
femmes (dont les lieux de sociabilité diffèrent) : cf. Gottesman 2014, p. 60.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 177

publics circulent dans ces espaces où se font et se défont les réputations, où les faits et
gestes des contemporains sont commentés et critiqués. Comme nous l’avons souligné,
cette circulation d’informations apparaît centrale dans le fonctionnement de la cité
démocratique, assurant la création et la diffusion d’une opinion publique.

II- Des lieux de rencontre habituels des citoyens : traitement d’affaires personnelles,
judiciaires et politiques
Agora, kapèleia et ergastèria sont présentés comme d’importants lieux de la vie
publique où il était d’usage pour les citoyens de se rencontrer, de régler leurs affaires
personnelles63 et de discuter d’affaires politiques et judiciaires. Ces espaces constituent
alors des lieux informels de la politique, celle qui se joue en parallèle des institutions
politiques et judiciaires formelles.
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1- Les boutiques près de l’agora : des lieux de rencontre habituels des citoyens
Les boutiques et ateliers situés à proximité de l’agora sont présentés comme des
lieux de socialisation habituels des citoyens. Lysias, dans son discours Pour l’invalide,
souligne que tout Athénien a l’habitude (eithistai/eithisthe) d’aller faire un tour
(prosphoitan) dans les boutiques des artisans et des commerçants :
ἕκαστος γὰρ ὑμῶν εἴθισται προσφοιτᾶν ὁ μὲν πρὸς μυροπώλιον, ὁ δὲ πρὸς κουρεῖον, ὁ δὲ
πρὸς σκυτοτομεῖον, ὁ δ’ ὅποι ἂν τύχῃ, καὶ πλεῖστοι μὲν ὡς τοὺς ἐγγυτάτω τῆς ἀγορᾶς
κατεσκευασμένους, ἐλάχιστοι δὲ ὡς τοὺς πλεῖστον ἀπέχοντας [...]·εἰ δὲ κἀκείνων, ἁπάντων
Ἀθηναίων·ἅπαντες γὰρ εἴθισθε προσφοιτᾶν καὶ διατρίϐειν ἁμοῦ γέ που.
Vous avez l’habitude d’aller faire votre tour, qui chez un parfumeur, qui chez un barbier,
qui chez un cordonnier, chacun enfin où il lui plaît ; le plus souvent, c’est chez ceux qui
sont établis près de l’agora, rarement chez ceux qui sont éloignés. [...] à tous les Athéniens,
puisque tous, vous avez l’habitude d’aller faire un tour et de passer le temps chez l’un ou
chez l’autre64.

Nous avons vu que les boutiques de parfumeur, de barbier et de cordonnier


sont des lieux de sociabilité importants fréquemment mentionnés dans la littérature65.
Le caractère récurrent de leur fréquentation est bien souligné : chaque citoyen a
l’habitude de se rendre régulièrement dans une boutique particulière située près de

63
Nous privilégions ici le terme « personnel » ou « individuel » à « privé » dans la mesure où toute
affaire discutée et faisant l’objet d’une publicité dans ces lieux prend une dimension publique.
64
Lysias, Pour l’invalide, 20, XXIV.
65
Cf. supra I.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


178 Louise Fauchier

l’agora66. D’autres discours vont dans ce sens. Dans le Contre Aristogiton du corpus
démosthénien, l’orateur veut montrer que son adversaire peut être suspect parce qu’on
ne le voit pas en public, ni à l’agora ni dans les boutiques comme tout Athénien qui se
respecte67. Il ne fréquente dans la ville absolument aucune de ces boutiques de barbier,
ou de parfumeur, ou aucun autre ergastèrion (ἐν τῇ πόλει κουρείων ἢ μυροπωλίων ἢ τῶν
ἄλλων ἐργαστηρίων). Aristogiton doit avoir des secrets s’il est incapable de se montrer
en public. L’honnête citoyen n’a rien à cacher et vit sa vie en public, exposant chaque
aspect de son existence aux yeux et au jugement des autres. D’autres extraits suggèrent
qu’il était d’usage pour les citoyens de fréquenter des boutiques situées à proximité
de l’agora. Ainsi, l’atelier de forgeron fréquenté par Euphémos fils de Téloklès est
probablement situé à proximité de l’Héphaïstéion où Dioclidès le conduit ensuite68.
Par ailleurs, selon Lysias, les Décéliens avaient l’habitude de fréquenter une boutique
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de barbier particulière située près des hermès de l’agora69 tandis que selon Xénophon,
Socrate rencontre le jeune Euthydème dans une boutique de sellier avoisinant l’agora70.
C’est dans cette boutique qu’il conduit ses affaires parce qu’il n’a pas encore l’âge de
fréquenter l’agora.

2- Agora, boutiques et ateliers : des lieux pour traiter des litiges et des affaires judiciaires
Les ateliers et boutiques pouvaient être des lieux de discussion privilégiés des
litiges impliquant les citoyens. Dans le Contre Callimaque d’Isocrate, où s’opposent
deux citoyens, Callimaque rencontre lui-même les foules en venant s’asseoir dans
les ateliers (καθίζων ἐπὶ τοῖς ἐργαστηρίοις) pour défendre sa cause et diffamer son
adversaire71. L’atelier de l’artisan apparaît alors comme un « autre tribunal72 » où l’on
peut faire connaître sa cause et la défendre. À côté des boutiques et des ateliers, les
litiges sont aussi traités sur l’agora. De manière assez similaire à ce que l’on retrouve
dans le Contre Callimaque, dans le Contre Midias du corpus démosthénien, Midias

66
Cf. infra III.2. sur la création d’un entre-soi.
67
Démosthène, Contre Aristogiton, XXV, 51-2.
68
Andocide, Sur les Mystères, I, 40.
69
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 3.
70
Xénophon, Mémorables, IV, 2, 1 ; IV, 2, 8 : cf. supra.
71
Isocrate, Contre Callimaque, XVIII, 9. Cf. Mansouri 2002, p. 51.
72
Mansouri 2002, p. 51.

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Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 179

calomnie son adversaire en faisant le tour de l’agora73. Les individus impliqués dans
des affaires pouvaient faire courir rumeurs et bruits sur l’agora notamment pour se
défendre74 ou critiquer leurs concitoyens75. C’est aussi sur l’agora que pouvait avoir lieu
la publicité d’une accusation. Dans le Contre Athénogène, c’est au marché aux parfums
que le client d’Hypéride prend à partie Athénogène, qui lui a vendu une parfumerie,
avant de lui intenter un procès :
Καὶ κα̣[τ]α̣λαϐόντ̣ες αὐτὸν πρὸς τοῖς μυροπωλίοις ἠρω̣[τ]ῶ̣μεν, εἰ οὐκ αἰσχύνοιτο ψευδόμενος
κα[ὶ ἐν]εδρεύσας ἡμᾶς ταῖς συνθήκαις, οὐ προειπὼν τὰ χρέα. [...]Πολ̣λῶν δ’ ἀ[ν]θρώπων
σ[υλλ]εγομένων καὶ ἐπακουόν[τ]ων τοῦ πρά[γ]μα̣ τος, διὰ τ̣[ὸ] ἐ̣ν τ̣ῆι ἀγορᾶι τ̣οὺς λόγους
γίγνεσθα̣ι̣, [κ]α̣ὶ̣ κα̣τα̣τ̣εμνόντων αὐτὸν κελευόν[τ]ων τε̣ [ἀ]π̣[άγ̣]ειν ὡς ἀνδραποδι[σ̣
̣ ]τή[ν,
τοῦτο μὲ]ν οὐκ ὠιόμεθα δεῖν ποιεῖν, πρ[οσεκαλεσά]μεθα δὲ αὐτὸν εἰς ὑμᾶς κατὰ [τὸν νόμ]ον.
Nous le rencontrons là où sont établis les parfumeurs, et nous lui demandons s’il n’a pas
honte de nous tromper ainsi et de nous avoir tendu un piège avec cette convention où il
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n’a pas spécifié les dettes par avance [...]. Comme beaucoup de gens s’attroupaient autour
de nous et écoutaient le récit de l’affaire, parce que la discussion avait lieu sur l’agora,
qu’on voulait l’écharper, et qu’on nous pressait de le traîner nous-mêmes en justice,
comme visant à réduire un homme libre en esclavage, nous ne crûmes pas devoir suivre ce
parti ; nous l’avons [assigné] devant vous conformément à la loi76.

Nous voyons ici le caractère public que prend l’affaire sur l’agora. Elle commence
par une accusation devant des passants témoins qui s’immiscent dans la querelle.
L’agora constitue un espace privilégié de publicité, que ce soit pour la conclusion d’une
transaction ou une assignation en justice. C’est également ce que suggèrent les vers de
la Samienne de Ménandre, présentés plus haut77 : le citoyen Nicératos souhaite mettre
ses affaires en ordre de sorte que toute la cité soit au courant de ses décisions et que tous
en discutent en ville. Le terme agora n’est pas mentionné mais peut être sous-entendu
dans ce passage78. En dehors de l’agora, le deigma, l’espace où se déroulaient les ventes
sur échantillon à l’emporion, a pu être employé pour rendre publics des actes odieux79.
Archippos, laissé pour mort après avoir été passé à tabac est ainsi conduit au deigma et
exposé afin qu’Athéniens et étrangers soient témoins du mal qui lui a été fait, suscitant
73
Démosthène, Contre Midias, XXI, 104.
74
Démosthène, Contre Timocrate, XXIV, 15.
75
Démosthène, Contre Aristogiton, XXV, 85.
76
Hypéride, Contre Athénogène, I, 11-12.
77
Ménandre, Samienne, 680-683.
78
J.-M. Jacques l’intègre dans sa traduction de la CUF.
79
Sur le deigma, voir la contribution de M. C. D’Ercole dans ce volume, p. 149-166.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


180 Louise Fauchier

l’indignation des spectateurs80. Nous percevons l’importance que revêt l’opinion


publique et comment certains tentent de la manipuler, en se rendant dans les ateliers
ou en faisant le tour de l’agora, pour se défendre ou calomnier un adversaire, ou même
pour accuser et assigner en justice un partenaire d’affaire. Dans le même temps, les
affaires judiciaires donnent lieu à des débats et à des discussions en dehors du tribunal81.
Par ailleurs, les espaces marchands peuvent revêtir une grande importance
afin d’obtenir des informations sur son adversaire. L’affaire du Contre Pancléon de
Lysias est significative sur ce point. L’adversaire de Pancléon mène une enquête sur
l’accusé afin de déterminer son statut et de pouvoir le citer devant le bon tribunal, se
rendant d’abord « à l’atelier de foulon où il travaillait », ἐλθὼν ἐπὶ τὸ γναφεῖον ἐν ᾦ
ἠργάζετο82 ; puis, parce que Pancléon se prétendait Platéen – donc Athénien – inscrit
dans le dème de Décélie, il se rend « à la boutique de barbier qui est près des Hermès,
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et que fréquentent les Décéliens », ἐλθὼν ἐπὶ τὸ κουρεῖον τὸ παρὰ τοὺς Ἑρμᾶς, ἵνα οἱ
Δεκελειεῖς προσφοιτῶσιν83. Là-bas les Décéliens lui conseillent de se rendre « au marché
aux fromages frais, le dernier du mois », précisant « que ce jour-là, tous les mois, les
Platéens s’y réunissaient », εἰς τὸν χλωρὸν τυρὸν τῇ ἕνῃ καὶ νέᾳ·ταύτῃ γὰρ τῇ ἡμέρᾳ τοῦ
μηνὸς ἑκάστου ἐκεῖσε συλλέγεσθαι τοὺς Πλαταιέας84. Pour l’aboutissement d’une enquête,
le passage par l’agora et par les ateliers et boutiques paraît indispensable, le monde des
artisans et des marchands constituant une source d’information inépuisable.

3- Traitement des affaires politiques et formation du citoyen


Les espaces marchands sont également des lieux où l’on discute, s’informe et
débat de diverses affaires publiques, en dehors de la Boulè ou de l’Ekklèsia. L’agora
constitue un espace de débats et de discussions politiques où des groupes se forment
de manière plus ou moins spontanée, particulièrement dans des situations politiques

80
Lysias, Contre Tisis (= fr. 17 Gernet-Bizos), 6. Sur le deigma comme lieu de montre, voir aussi l’attitude
du prétentieux (alazôn) se faisant passer pour un riche financier auprès des étrangers (Théophraste,
Caractères, XXIII, 2).
81
Eschine, Contre Ctésiphon, III, 1 ; interprétation de S. Mansouri : quand l’orateur parle des sollicitations
sur la place publique, il s’agit probablement des discussions qui ont lieu : Mansouri 2002, p. 53.
82
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 2. Sur les ateliers de foulon comme lieux de sociabilité, voir
Matuszewski 2019, p. 86-91.
83
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 3.
84
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 6-7.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 181

critiques, comme au moment de l’envoi de la troisième ambassade auprès de Philippe II


de Macédoine en 346 avant J.-C.85 Par ailleurs, les orateurs savent haranguer la foule sur
l’agora comme dans les assemblées tel le commerçant en olives Agathon86. À côté de la
place publique, les boutiques et ateliers sont aussi des lieux où l’on discute de politique.
Isocrate dans son Aréopagitique souligne que l’on se plaint de la politique de la cité
« assis dans les ergastèria », ἐπὶ μὲν τῶν ἐργαστηρίων καθίζοντες87, tandis qu’Hypéride
suggère que des propos pro-Macédoniens inconvenants pouvaient courir sur l’agora et
dans les ergastèria88. À l’occasion du début de l’expédition de Sicile en 415, Plutarque
mentionne les réunions de groupes d’âges, les jeunes se réunissant au gymnase, les
anciens dans les ergastèria et lieux d’assemblées, pour discuter de ces actualités89.
L’agora et ses environs pouvaient constituer de manière assez naturelle des lieux
de discussion politique et judiciaire si l’on considère les fonctions de la place publique.
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En effet, les nouvelles politiques et judiciaires faisaient l’objet d’une publicité officielle
sur l’agora, d’un affichage devant le monument des héros éponymes, voire d’une criée.
Les textes de lois, les procès à venir et autres nouvelles relatives à la vie de la polis devaient
être affichés pour être discutés en amont des séances. Les discussions informelles et
plus ou moins spontanées de l’agora et des boutiques semblent dès lors faire partie
intégrante du processus démocratique. Elles pouvaient prolonger ou préparer les débats
se déroulant dans les cours de justice ou à l’Ekklèsia. Par ces pratiques se créent, en
quelque sorte, des lieux où se font l’auto-instruction et l’auto-institution politique des
citoyens ordinaires90.

III- Des lieux ouverts à tous ?


Les lieux marchands se présentent comme des espaces d’intégration, où ceux
qui sont le plus souvent exclus des lieux de la politique, métèques, esclaves et femmes

85
Démosthène, Sur l’ambassade, XIX, 122. Cf. Mansouri 2002, p. 53-54. Sur l’agora comme lieu de
rassemblement et réunion voir aussi Aristote, Politique, VI, 4, 13 (supra).
86
Démosthène, Contre Aristogiton, XXV, 47. D’autres références relatives aux discussions politiques sur
l’agora : Vlassopoulos 2007, p. 40-41. Par ailleurs, les hommes politiques devaient aller au contact de la
population dans ces espaces marchands : voir par exemple Plutarque, Vie de Périclès, 5, 2-3.
87
Isocrate, Aréopagitique, VII, 14-15. Par ailleurs, le monde des artisans et des marchands est intimement
associé à celui de la politique dans l’œuvre d’Aristophane : Mansouri 2002, p. 56.
88
Hypéride, Pour Euxénippe, III, 21. Voir aussi Hypéride, Contre Philippidès, 2.
89
Plutarque, Nicias, 12, 1 et Alcibiade, 17, 3.
90
Mansouri 2002, p. 54-55.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


182 Louise Fauchier

pouvaient assister, sinon participer, à l’élaboration et à la transmission de ces savoirs


politiques. Dans le même temps, la littérature suggère qu’ils fonctionnent aussi comme
espaces d’exclusion, où se forme ou se recrée un entre-soi.

1- Des espaces de sociabilité ouverts


Les espaces marchands sont souvent présentés comme des lieux de sociabilité
ouverts à tous, riches et pauvres, citoyens et étrangers, libres et non-libres91. Le concept de
free spaces de K. Vlassopoulos rend particulièrement compte de cet aspect. S’il est souvent
question des citoyens – particulièrement dans les plaidoyers – nous rencontrons dans ces
espaces aussi des étrangers et des esclaves, nombreux à exercer les activités marchandes92. En
dehors des statuts légaux, jeunes et vieillards, riches et humbles, personnalités publiques,
philosophes, sophistes et anonymes investissent ces lieux93. Et il ne faut pas négliger la
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place des femmes qui, si elles ne participaient pas activement à ces rencontres, pouvaient
être informées des nouvelles et des débats politiques informels par leur fréquentation de
l’agora et des espaces de vente, notamment lorsqu’elles-mêmes sont des marchandes94.
Dans les Guêpes d’Aristophane, pièce présentée en 422 avant J.-C., Bdélycléon prend
l’exemple d’une marchande d’herbes accusant celui qui veut des fines herbes de comploter
pour la tyrannie95. Plus tard, dans l’Assemblée des femmes, présentée en 392 avant J.-C.,
Praxagora signale que les femmes ont pu, dans des circonstances exceptionnelles, assister
aux séances de l’assemblée sur la Pnyx96. Mais cette implication des femmes dans la vie
politique de la cité reste difficile à saisir en dehors des œuvres du poète comique.

2- Rencontre de groupes sociaux particuliers et entre-soi


Ceux qui se rencontrent dans les boutiques et sur le marché pouvaient former ou
provenir de petites communautés97. C’est ce que semble indiquer Lysias dans le Contre
Pancléon : les membres d’un même dème, les Décéliens, ont l’habitude de se réunir
91
Vlassopoulos 2007 ; Gottesman 2014, p. 44-62. Voir également Mansouri 2002, p. 55 ; 2010, p. 125
sq. ; Roubineau 2015, p. 337-340.
92
Voir notamment Gottesman 2014, p. 61-62.
93
Cf. supra I et infra 2.
94
Sur la place des femmes dans les métiers du commerce, voir notamment D’Ercole 2013.
95
Aristophane, Guêpes, 495-499. Cf. Mansouri 2010, p. 140-144.
96
Aristophane, Assemblée des femmes, 243-245.
97
Lewis 1995, p. 435.

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Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 183

chez un barbier particulier à proximité de l’agora tandis que les Platéens se rencontrent
chaque mois au marché au fromage frais98. Des groupes d’hommes se rencontrent
régulièrement en des lieux particuliers et en des temps particuliers99. Ce genre de
réunion n’avait rien d’inhabituel pour des citoyens100.
D’une façon générale, les espaces marchands pouvaient constituer des lieux
de rencontre de groupes sociaux particuliers, tenant des discussions propres à leur
groupe101. Ainsi, la fréquentation des boutiques ou des étals de parfums semble avoir
été l’apanage d’individus fortunés102. Ces lieux constituaient un espace de rencontre
des jeunes athéniens aisés au ve siècle. Aristophane moque les jeunes imberbes qui
se rencontrent sur l’agora et plus précisément des garçons du marché aux parfums
qui bavardent, assis, parlant de l’un d’entre eux et tenant des conversations pseudo-
sophistiques (τὰ μειράκια ταυτὶ λέγω τἀν τῷ μύρῳ, ἃ στωμυλεῖται τοιαδὶ καθήμενα103). De
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manière plus explicite encore, Phérécratès fait des étals des parfumeurs :

κατεσκευασμένον συνέδριον τοῖς μειρακίοις ἐλλαλεῖν δι᾽ ἡμέρας104


un lieu de rassemblement pour que les jeunes hommes bavardent toute la journée

Selon un fragment des Cités d’Eupolis, il était semble-t-il incongru de voir un


paysan fréquenter ces espaces105. Au ive siècle avant J.-C., il s’agit de lieux fréquentés par
des hommes d’affaires étrangers selon Hypéride et Démosthène106. Les poètes comiques
font aussi du marché aux couronnes un espace de rencontre de citadins et surtout
d’hommes fortunés. Aristophane suggère que les citadins y tiennent leurs assises pour
bavarder (καθῆντο λαλοῦντες ἐν τοῖς στεφανώμασιν107) tandis que Phérécratès dans ses
98
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 3, 6-7.
99
Lewis 1995, p. 436.
100
Lysias, Pour l’invalide, XXIV, 19-20. Cf. supra.
101
Larran 2011, p. 42-43 : « Loin de discuter tous ensemble, les badauds se regroupent par catégorie
sociale pour commenter les bruits publics ».
102
Sur le marché aux parfums comme espace de sociabilité : cf. Lallemand 1996 ; Matuszewski 2019,
p. 69-76 ; Bodiou, Mehl à paraître.
103
Aristophane, Cavaliers, 1378-1379.
104
Phérécratès, fr. 70 K-A. Le marché aux parfums comme lieu d’ostentation des individus riches et
coquets : Polyzélès le comique, fr. 12 K-A.
105
Eupolis, fr. 222 K-A. L’œuvre fut sans doute présentée vers 424-412 avant J.-C.
106
Hypéride, Contre Athénogène, I, 5 ; Démosthène, Contre Phormion, XXXIV, 13.
107
Aristophane, Assemblée des femmes, 300-303.

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184 Louise Fauchier

Hommes bons présente les marchés aux couronnes et aux parfums comme des lieux de
bavardage (laleite) d’hommes riches108. D’autres espaces du marché ont pu être l’objet
d’une sociabilité particulière. Les jeunes peuvent se rencontrer près des hermès situés
au nord-est de la place, notamment les éphèbes pour leur entraînement militaire109,
tandis que la jeunesse dissolue se donne rendez-vous à la fontaine « aux neuf bouches »
(Ἐννεάκρουνος), située peut-être au sud-est de l’agora selon Isocrate110. Les Athéniens
les plus en vue, quant à eux, se rencontrent peut-être près des tables des banquiers111. Il
existait aussi sans doute des cercles d’anciens dans lesquels il n’était certainement pas
de bon ton de s’immiscer112. Les femmes, pour leur part, ont pu disposer d’espaces de
sociabilité particuliers sur l’agora, notamment les fontaines113.
Les espaces marchands les plus en vue et les mieux fréquentés par les citoyens
honnêtes se situent dans l’Asty et surtout à proximité de l’agora, si l’on en croit Lysias.
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Mais certaines semblent avoir eu mauvaise réputation comme la boutique (peut-être
de barbier) de l’« invalide » de Lysias qui, selon ses rivaux constituerait un repère de
fripons114. Il n’était probablement pas bon d’être vu sur l’agora de Kerkopes, « agora
des voleurs115 » tandis que certaines boutiques, tavernes et tripots, situés notamment au
Pirée, à proximité du port, devaient avoir la réputation de lieux mal famés, fréquentés
par des étrangers et notamment des marins116.

108
Phérécratès, fr. 2 K-A. Datation de l’œuvre : inconnue. Pour l’identification des individus à des
hommes riches : cf. Storey 2011, p. 447-448.
109
Ménandre, Cithariste, 63-65. Sur les hermès de l’agora comme secteur d’entraînement militaire : Bugh
1988, p. 64.
110
Isocrate, Sur l’échange, XV, 286-287. Les fontaines pouvaient constituer de hauts lieux de rencontre et
de discussion : cf. Larran 2011, p. 43.
111
Cf. Platon, Hippias mineur, 368b ; Théophraste, Caractères, V, 7.
112
Larran 2011, p. 43. Sur les anciens fréquentant les ergastèria : cf. supra I et II.
113
Les fontaines publiques semblent avoir constitué des espaces de sociabilité notables pour les femmes.
Sur la gunaikeia agora (Théophraste, Caractères, II, 9) et les débats concernant ce lieu, voir Diggle 2004,
p. 193-194.
114
Lysias, Pour l’invalide, XXIV, 19-20.
115
Cette agora, peut-être située à l’angle sud-ouest de l’agora où se vendaient des produits volés ou
de provenance douteuse, n’est connue que par des auteurs et commentateurs tardifs. Cf. Fisher 1998,
p. 58. Nous ne pouvons qu’être étonnés de l’existence d’un tel lieu à proximité immédiate de l’espace
institutionnalisé du marché.
116
Sur les lieux – notamment les espaces marchands – mal famés : cf. Fisher 1998.

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Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 185

Finalement, la fréquentation de ces espaces devait dépendre du temps libre et de


leur proximité aux lieux de vie des individus. Flâneries et conversations sont l’apanage
des hommes libres disposant de scholè et, à ce titre, elles sont associées à un idéal de
vie. Il devait exister des clivages entre riches et pauvres et entre citadins et ruraux. Les
individus vivant en dehors des centres urbains, en campagne, pouvaient difficilement
fréquenter de manière régulière ces espaces. Aristophane puis Aristote suggèrent que les
paysans n’ont pas le temps de se réunir sur l’agora ou au marché aux couronnes comme
les individus vivant en ville117, tandis que le « campagnard » (agroikos) de Théophraste
est un rustre qui n’a pas les usages des citadins lorsqu’il se rend en ville118.
Ces espaces constituent des lieux où l’on peut cultiver un certain entre-soi. Tout
le monde ne devait pas participer aux échanges dans les boutiques (certains pouvaient
simplement écouter de loin)119. Et certains groupes étaient probablement plus exclusifs
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que d’autres. Dans le même temps, cela ne devait pas empêcher des rassemblements
spontanés et plus hétérogènes, notamment sur l’agora120.

IV- Agora et boutique : continuité et discontinuité des espaces et des fonctions


Dans une certaine mesure, le monde de l’agora semble prolonger celui de la
boutique et vice versa, par les activités et rencontres qui y ont lieu et par les informations
qui circulent d’un lieu à l’autre. Dans le même temps, les espaces ayant leur propre
spécificité, les rencontres et informations y circulant pouvaient différer d’un lieu à
l’autre.

1- Une certaine continuité des espaces et des fonctions


Une certaine continuité des espaces et des fonctions entre l’agora et les boutiques
entourant l’agora est perceptible121. À la fin du ve siècle, Socrate fréquente aussi bien les
boutiques et ateliers avoisinant l’agora que l’agora même, tandis qu’au ive siècle, les

117
Aristophane, Assemblée des femmes, 300-303 ; Aristote, Politique, VI, 4, 13.
118
Théophraste, Caractères, IV.
119
Eupolis, fr. 194 K-A.
120
Hypéride, Contre Athénogène, I, 11-12 ; Démosthène, Sur l’ambassade, XIX, 122.
121
Une distinction entre boutique et agora en termes de démarcation public/privé, opposant l’espace
semi-privé de la boutique et l’espace public de l’agora ne paraît pas pertinente ici. Contra : Lewis 1995,
p. 435.

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186 Louise Fauchier

espaces les plus fréquentés par les citoyens se trouvent dans les environs de l’agora122. Le
jeune citoyen Euthydème, parce qu’il n’a pas l’âge de fréquenter la place publique, règle
ses affaires dans une boutique proche, suggérant une certaine continuité des fonctions :
on peut y conduire ses affaires publiquement sans entrer dans l’agora. On perçoit
l’importance de l’agora en premier lieu et ensuite des boutiques et des ateliers dans le
traitement des affaires des citoyens. L’espace de la boutique reste un espace public dans
lequel le citoyen qui n’a rien à cacher règle ses affaires à la vue de tous123. Les ergastèria
de la ville sont, autant que l’agora, des lieux où s’accumulent et se relaient les bruits de
la ville, notamment les informations concernant les citoyens ou la vie politique de la
cité124. Les informations pouvaient se diffuser à partir d’une boutique pour être relayées
sur la place publique, comme l’annonce du désastre de Sicile relatée par Plutarque125, ou
se répandre depuis l’agora ou d’autres espaces publics jusque dans les boutiques, comme
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les actes du citoyen Nicératos dans la Samienne de Ménandre126. On observe ainsi une
porosité des espaces, les informations se diffusant d’un lieu à l’autre127.

2- Des informations et des échanges distincts selon les espaces


Dans le même temps, les discussions et les formes de relations peuvent différer
selon les espaces. D’une part, des discussions plus discrètes ou sensibles que sur l’agora
pouvaient avoir lieu dans l’espace de la boutique. Il était peut-être plus commode
de critiquer le gouvernement de la cité dans des ateliers que sur l’agora128. Certains
établissements sont considérés comme des lieux de complots tels les pandokeia, les
auberges, qui, selon Énée le Tacticien, devraient être surveillées et soumises à un couvre-
feu129. Si un groupe d’amis ou d’associés voulait se réunir pour planifier une défense
légale ou comploter une vengeance contre un ennemi, ils pouvaient avoir besoin de se
122
Cf. supra II.1.
123
Démosthène, Contre Aristogiton, XXV, 51-52.
124
Les ergastèria et l’agora comme lieux de bavardage et rumeurs : Théophraste, Caractères, VIII, 13-14 ;
Hypéride, Pour Euxénippe, III, 21.
125
Plutarque, Nicias, 30, 1-3.
126
Ménandre, Samienne, 680-683.
127
Contrairement à ce que propose Lewis, on ne peut établir de distinctions générales entre les
informations (politiques) circulant sur l’agora et celles circulant dans les boutiques (des informations
locales concernant les habitants, évènements locaux ou figures publiques) : Lewis 1995, p. 434-435.
128
Isocrate, Aréopagitique, VII, 14-15.
129
Énée le tacticien, X, 9-10. Cf. supra I.

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Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 187

rencontrer dans un endroit discret130. Toutefois, les informations même discrètes qui
transitent par les boutiques finissent par se diffuser131. D’autre part, les groupes qui
se réunissaient et la nature des réunions pouvaient dépendre, en partie du moins, du
type d’établissement. Certains semblent en effet plus propices à tenir lieu de lieu de
rencontre que d’autres, comme les boutiques ou ateliers des barbiers, des cordonniers,
des parfumeurs ou des forgerons132. Par ailleurs le profil de la clientèle habituelle est
variable selon le type de commerce et la réputation de l’établissement : une auberge
fréquentée par une clientèle hétérogène et néanmoins populaire ; ou la boutique
d’un parfumeur fréquentée par de riches individus. Enfin, la localisation des espaces
paraît importante pour comprendre la circulation et la nature des informations. Il
est probablement significatif que le barbier de Plutarque qui apprend la nouvelle du
désastre de Sicile soit situé au Pirée, ville portuaire où l’on trouve une population dense
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et une clientèle changeante parce qu’espace de transit où les informations provenant de
l’extérieur arrivent par voie de mer133. À l’inverse, dans les boutiques de l’Asty, on peut
trouver des informations locales concernant les habitants du centre urbain. L’enquête
conduite par l’adversaire de Pancléon paraît à ce propos fort significative134. On est
aussi davantage au cœur des actualités politiques de la ville (zone d’affichage et de criée).
Cette distinction entre le Pirée et les nouvelles provenant de l’extérieur, d’une part, et
l’Asty et les informations locales, d’autre part, est assez schématique mais probablement
en partie opératoire.

Conclusion
Marchés, boutiques et ateliers sont des espaces de sociabilité centraux dans
l’Athènes classique où sont accumulées et partagées des informations hétéroclites,
130
Gottesman 2014, p. 58-59. Si les boutiques, en particulier celles situées autour de l’agora, constituent
des lieux de socialisation c’est probablement en raison des caractéristiques de la place, inadaptées aux
interactions privées : cf. Gottesman 2014, p. 26-43.
131
Plutarque, Du Bavardage, 505A-B (anecdote impliquant Sylla) et 509A (anecdote impliquant Denys
de Syracuse). Cf. supra I.
132
Le parfumeur ou le cordonnier semblent plus propices à des rencontres qu’un boucher ou un tanneur
par exemple, tandis que les boutiques de barbier sont propices aux causeries en raison du temps que les
clients y passent en échange d’un service. La nature du service peut aussi impliquer un flux soutenu de
clients : Lewis 1995, p. 436. Les petits ateliers et notamment les forges sont des lieux de réunions fréquentés
car bien chauffés : Jouanna 2022, p. 90, n. 14.
133
Lewis 1995, p. 436.
134
Lysias, Contre Pancléon, XXIII, 2-13.

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188 Louise Fauchier

allant des simples ragots aux discussions philosophiques. Ce sont aussi des lieux
où se forgent et se transmettent des savoirs plus proprement politiques. Ces espaces
« ouverts » accueillaient des rassemblements hétérogènes et spontanés mais offraient
aussi, et peut-être surtout, des lieux d’échanges pour des groupes sociaux particuliers.
Ces sociabilités révèlent une autre manière de faire cité – en dehors des institutions
formelles – et esquissent des formes de pratiques collectives informelles. Elles concourent
au développement d’une sphère publique, un espace de réunion et de discussion de
questions d’actualités et de société, pouvant influencer la politique de la cité135. Les
informations et les émotions sortent des institutions formelles. Elles s’étendent dans
la sphère publique via des réseaux sociaux et permettent le développement d’une
opinion publique136. Une certaine continuité semble se dessiner entre les boutiques et
les ateliers, particulièrement ceux des environs de l’agora, d’une part, et l’agora même
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d’autre part, par les informations qui circulent et les affaires qui y sont menées. Dans
le même temps, les discussions et les affaires conduites pouvaient différer selon les
caractéristiques des espaces. S’il semble a priori naturel que l’agora ait constitué un lieu
d’échange et d’acquisition de savoirs politiques compte tenu des fonctions déterminées
de la place publique, le rôle joué par les boutiques et les ateliers-boutiques peut nous
paraître – à nous contemporains – plus étonnant. Les sources ne permettent pas de
savoir si cette sociabilité à l’œuvre dans les kapèleia et surtout dans les ergastèria, où l’on
pouvait s’asseoir pour discuter, était ou non une spécificité athénienne.

135
Gottesman 2014, p. 61.
136
Gottesman 2014, p. 63 sq.

DHA, supplément 27, 2023 – CC-BY


Les espaces marchands dans l’Athènes classique. Des lieux de mobilisation et d’acquisition de savoirs politiques 189

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