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Pour la date et pour l’analyse de ce texte : Canfora 1982, notamment les p. 9-10. L’auteur anonyme du
pamphlet, que Canfora a surnommé à juste titre l’« oligarque intelligent » aurait pu rédiger ce texte alors
qu’il était déjà en exil ; le traité aurait donc circulé dès le départ sous forme anonyme.
3
[Xénophon], Constitution des Athéniens, II, 7 ; traduction D. Lenfant 2017, p. 11.
Or, l’une des procédures de la vente dans le monde grec s’identifie complètement
avec cette notion d’exhibition, jusqu’à en tirer son propre nom : deigma est en effet le
mot qui désigne en grec ancien l’échantillon de la marchandise que l’on montre pour
attirer les acquéreurs, aussi bien que l’espace de cette vente. Le substantif deigma, ionien
et attique, peut être traduit comme « exemple, échantillon, preuve » ; il a un sens
démonstratif en soi puisqu’il dérive du verbe deiknumi, « donner à voir, montrer »4.
Dès lors, le deigma est la partie de la marchandise que l’on donne à voir pour en vendre
un lot plus ou moins important. Ce type de procédure marchande, que les historiens
modernes désignent sous le nom de vente par échantillons, a traversé plusieurs siècles,
puisqu’elle est connue à partir de l’époque classique et a été pratiquée dans plusieurs
milieux, de la Grèce continentale à l’Égypte hellénistique et romaine5 ; elle est restée
en usage au moins jusqu’au Code de Théodose (438)6. En dépit des disparités liées aux
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demeure toujours difficile de retracer les réseaux et les parcours qui ont concrètement
relié des mondes lointains. C’est par exemple le cas des relations entretenues à distance
entre les peintres de la céramique figurée, attique en particulier, et leurs clients ou
acheteurs, dont les modalités précises continuent d’interpeller les spécialistes9. Ce
rôle de présentation de la marchandise est perceptible dans une riche série de textes,
notamment des papyri égyptiens d’époque hellénistique et romaine10, qui encadrent
et formalisent du point de vue juridique la valeur de l’échantillon en tant que témoin
d’une plus grande cargaison, en mesure ainsi d’anticiper la livraison finale. À juste titre,
D. Gofas a établi un parallèle avec la pratique sémitique des arrhes, qui est l’anticipation
d’une vente ou d’un contrat11.
Or, manifestement, dans la Grèce classique, l’objet et la pratique passent à
indiquer le lieu, comme l’ont bien vu les auteurs du Dictionnaire des Antiquités grecques
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lieux du prêt et du crédit, les trapezai14 ; sans vouloir établir une connexion immédiate
avec une « bourse » des marchandises, avancée de façon un peu forcée dans quelques
traductions modernes15, ces deux développements parallèles montrent l’évolution
des savoirs et des pratiques marchandes dans les cités de Grèce classique. Il est aussi
probable que, comme D. Gofas le souligne, les marchandises aient connu à cette époque
une standardisation croissante, et qu’une partie des biens puisse représenter la totalité
et donner lieu à des engagements contractuels et juridiques16. Il convient de s’arrêter
plus en détail sur quelques mentions du deigma en tant que lieu, et sur le lien qu’elles
instaurent avec des pratiques et savoirs urbains plus largement répandus.
Dans la cité, le deigma devient le lieu d’exposition par excellence. Ce sens est bien
montré par le fragment d’une oraison de Lysias, Contre Tysis, où un certain Archippos
est traîné en état d’ivresse eis to deigma pour être exposé, telle une marchandise, au
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14
Bogaert 1992, p. 25-26.
15
Quelques traductions modernes font allusion à une sorte de « bourse des marchandises » : ex. Pedech
1977, p. 150, n. 4 : « Le deigma était à la fois un marché, une bourse et un lieu d’exposition, qui existait
dans plusieurs villes grecques ». La traduction apparaît quelque peu forcée, même si quelques formes
d’enchères ont pu bien sûr accompagner cette procédure de vente. »
16
Gofas 1993a, p. 81-82.
17
Lysias, Fragments, XVII, 6, Contre Tysis.
18
Aristophane, Cavaliers, 979 : « Toutefois j’ai entendu quelques vieillards des plus revêches, dans le
bazar […] aux procès […] ».
19
Harpocration, D9, s. u. « Deigma » (https://topostext.org/work/537#d9).
C’est en effet l’habitude à Athènes de désigner les lieux d’après ce qu’ils renferment.
Démosthène dans Sur la contribution triérarchique et Lysias20.
Le transfert du sens du mot de la pratique de vente au lieu semble ainsi établi
dès la seconde moitié du ve siècle avant J.-C. D’autres lexiques comme l’Onomasticon
de Pollux, dont la source déclarée est Hypéride, considèrent le deigma comme l’une des
parties (merè) qui se trouvent à proximité du port, avec l’emporion et le quai, choma21. À
ces trois parties s’ajoute l’exairesis, qui est, dit Pollux,
le lieu où l’on décharge, ainsi défini par le fait qu’on y décharge les marchandises tout
comme le deigma est ainsi appelé du nom des échantillons des marchandises qui y sont
données aux acquéreurs, comme le dit encore Hypéride dans le discours sur le tarichos.
De façon incidente, on lit ici un exemple des biens susceptibles d’être vendus par
échantillons, à savoir les salaisons de poisson ; d’autres devaient être le vin et assurément
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20
Gofas 1993a, p. 79-80 ; Bresson 2008, p. 102.
21
Pollux, IX, 34 ; Gofas 1993a, p. 79-80.
22
Gofas 1993a, p. 81.
23
Suidae Lexicon, s. u. « Deigma » ; Adler 1967, p. 28.
24
H. G. Liddell, R. Scott (1968), A Greek-English Lexicon with a Supplement, Oxford, p. 1056-1057.
25
Démosthène, Contre Polyclès.
26
Xénophon, Helléniques, V, 1, 21.
de l’emporion27. Or, cette fréquentation assidue des Phasélites ne semble pas être
motivée par les nécessités de la vente, puisqu’ils prétendent d’être revenus de leur voyage
sans aucune marchandise, ce qui fait justement l’objet du contentieux juridique. Il faut
alors supposer qu’ils se rendent dans le lieu pour nouer des relations en vue de futures
affaires ou, si l’on applique l’expression de la Souda, pour logopoiein, pour fabriquer des
récits, qu’ils soient vrais ou faux. On pourrait entrevoir ici l’une des fonctions de ces
lieux où se déploie, dans un sens positif ou négatif, la sociabilité marchande.
Cette projection vers la façade maritime est prouvée aussi pour d’autres cités
grecques à des époques plus récentes. C’est le cas de Rhodes, où l’on dispose du
témoignage de Polybe et de Diodore de Sicile. Selon ce dernier, lors de la montée
des eaux de 316 avant J.-C. dans laquelle 500 personnes avaient trouvé la mort, les
eaux avaient envahi le secteur du deigma et des bâtiments proches, dont le temple
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27
[Démosthène], Contre Lacritos, XXXV, 29 : outoi de periepatoun en tô deigmati tô hemeterô.
28
Diodore, XIX, 45, 2-4.
29
Polybe, V, 88, 8.
30
Comme le propose Pedech 1977, p. 150, n. 4 ; cf. supra, n. 15.
31
Polyen VI, 2, 2 ; cf. à ce sujet Geraci 2012, p. 354.
32
Pollux, Onomasticon, IX, 34.
Nous voyons les marchands, quand ils font circuler dans un bol des échantillons de leur
blé (otan en trublioi deigma peripherosi), en vendre une grande quantité grâce à quelques
grains seulement ; de la même manière, en nous livrant, vous vous livrez tous sans vous
en douter33.
Ce passage de Plutarque, qui a pour source un historien des ive-iiie siècles,
Aristobule de Cassandréia34, est significatif pour plusieurs raisons. En premier lieu, pour
l’usage du processus de l’analogie qui lie la partie à l’ensemble, qui est à la base même
de cette pratique de vente, comme nous l’avons remarqué plus haut. Ensuite, par une
certaine technicité du passage : le nom du vase, le trublion, figure dans d’autres textes
anciens comme une unité de mesure, par exemple dans les traités médicaux lorsqu’ils
vont jusqu’à préciser les ingrédients et la composition des médicaments35. L’existence
de ces récipients-mesures est connue pour l’Égypte romaine, où l’exemplaire du musée
du Caire que nous avons mentionné plus haut se définit comme étant le deigma d’une
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33
Plutarque, Vie de Démosthène, 23, 6 (trad. R. Flacelière 1976, légèrement remaniée).
34
Comme le souligne Geraci 2012, p. 353, la source est admise par Plutarque même (FGH 139 F 3).
35
Villard, Blondé 1991, p. 202-231, les auteurs identifient le trublion avec une forme de coupelle attestée
sur l’agora d’Athènes, mesurant 7,5 cm de hauteur et 16 cm environ de diamètre.
36
Voir la note 13.
37
Guarducci 1969, p. 467-469, fig. 111-112a.
38
Bresson 2008, p. 102 : IG II2, 1035, I, 47 : apo tous deigmatos.
impériale, une lettre de Hadrien dispose que le contenu soit gravé et exposé dans le
Pirée devant le deigma39.
La pratique de la vente par échantillons pourrait avoir un autre lien avec les
savoirs de la cité. Le fait que Lysias, Démosthène et d’autres orateurs citent ce type de
vente semble prouver leur intérêt vers une pratique souvent utilisée comme métaphore,
parfois même en un sens réflexif. Isocrate affirme ainsi, au sujet de ses propres discours :
les lire tous en entier me serait impossible […] mais comme pour les fruits (osper de ton
karpon) je vais tâcher de vous donner un échantillon (deigma) de chacun40.
La « carpologie » d’Isocrate est certes une métaphore, mais qui peut toutefois
s’appuyer sur une pratique concrète, fondée sur l’acte de sélectionner pour montrer
et rendre visible. Bien ancrée dans l’espace marchand de la cité, capable de mettre en
lien ce dernier avec des mondes distants, l’exhibition des échantillons représentatifs de
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39
IG II2, 1103 en Peirai […] pro tou deigmatos.
40
Isocrate, Sur l’échange, XV, 54. Ce qui n’est pas sans rappeler la façon où le sophiste Hippias s’expose
et donne des échantillons de son savoir, voir la contribution d’A. Macé dans ce volume « Les lieux de
l’homme qui savait tout. Hippias et la topologie comparée des savoirs selon Platon », p. 415-431.
41
Gofas 1993a, p. 83-85.
42
Comme le remarque Chantraine 1968, s. u. « Deiknumi », p. 257.
43
Suidae Lexicon, s. u. « Δείκελον » (Adler 1967, p. 29).
pratiques rituelles égyptiennes44. Il me semble que ces aspects performatifs ont été
essentiels dès le début dans ce type de vente : ils ramènent à d’autres savoirs esthétiques,
que la transaction commerciale implique également.
Timée, le mot est utilisé dans un sens métaphorique, pour indiquer la disposition des
convives dans un banquet purement conceptuel50. C’est dire l’ampleur et la variété des
significations du mot dans le domaine des savoirs et des pratiques.
Or, dans un sens très concret, le terme diathesis indique en grec ancien la vente
tout court. C’est bien le verbe diatithèmi qui est utilisé par l’auteur anonyme de la
Constitution des Athéniens, dans un paragraphe qui revendique le monopole des échanges
que la cité attique fonde sur sa puissance maritime51. Le substantif apparaît ensuite chez
Isocrate, en référence au commerce pratiqué par les Égyptiens, qui est décrit comme
une opération de parfait équilibre entre besoins et afflux de biens, dans une conception
idyllique du marché qui n’aurait pas déplu aux économistes classiques52. Le terme
apparaît dans un papyrus daté de 113 avant J.-C., une pétition adressée au grammateus
royal par un certain Apollodoros qui craint des pertes dues à une vente illégale d’huile
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50
Platon, Timée, 27a (trad. A. Rivaud 1985, légèrement modifiée) : « [Critias] : Considérez donc, ô
Socrate, la disposition que nous établîmes pour le festin (ton xenion) que nous allons vous offrir. »
51
[Xénophon], Constitution des Athéniens, II, 11.
52
Isocrate, Bousiris, XI, 14.
53
PTeb 38, 10 ; Grenfell et al. 1902, p. 134-138, n. 38.
54
Strabon, Géographie, tome VIII (Livre XI), trad. F. Lasserre 1975, p. 50.
55
Mégasthène chez Strabon, XV, 1, 44 (FHG 715 F/F 23b).
56
Plutarque, Vie de Solon, 24, 1 : Tôn de ginomenôn diathesin pros xenous elaiou monon edôken, alla
d’exagein ekôluse.
en vue de la vente »57, en ajoutant que si le mot diathesis désigne la vente, l’agora est
la possibilité d’acheter. Le même Plutarque utilise le mot dans un autre contexte, pour
indiquer des échanges qui se font à la frontière, en l’occurrence entre les citoyens de
la colonie grecque d’Épidamne, représentés par un polète et les peuples illyriens des
alentours58.
Dès lors, le mot diathesis saisit un aspect essentiel de l’action de la vente, c’est-
à-dire l’exposition ordonnée et presque rationnelle des choses destinées à devenir des
marchandises. Il est révélateur d’un horizon conceptuel partagé avec d’autres savoirs, au
sein duquel la vente s’inscrit de plein droit. D’ailleurs, les implications économiques de
la notion de diathesis sont très bien illustrées par les considérations d’un auteur plutôt
inattendu dans ce contexte, à savoir Vitruve. Dans un passage pétri de culture grecque,
au détour d’une définition de l’architecture, l’érudit latin donne l’une des meilleures
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Apparaître : la skènè
Considérons à présent le spectre sémantique du terme skènè, l’un des mots
récurrents pour nommer en grec ancien l’installation marchande, qui signifie, à la lettre,
une simple tente. En effet, si l’on reprend la définition de Pierre Chantraine, la skènè est
une « construction légère qui peut être en feuillage et branches d’arbres ou en toile,
où l’on s’abrite, où l’on dort, où l’on célèbre une fête, etc. […] ». À partir de cette
définition générique, le mot désigne des usages plus spécifiques et notamment « la
construction au fond du théâtre », d’où dérive son acception aujourd’hui dominante,
transmise aux langues modernes par le terme latin scaena60. Il n’en demeure pas moins
57
Descat 1993, p. 153 : « les deux mots sont associés (diathesis et agora), mais il serait absurde de penser
qu’ils connotent deux fois l’idée de vendre : diathesis est la vente et l’agora la possibilité d’acheter ».
58
Plutarque, Quaestiones graecae, 29.
59
Vitruve, De architectura, I, 2, 1 : Architectura autem constat ex ordinatione, quae graece « taxis »
dicitur, et ex dispositione – hanc autem Graeci « diathesin » vocitant – et eurythmia et symmetria et decore
et distributione, quae grece « oikonomia » dicitur. La traduction de Fleury 1990, souligne la difficulté de la
correspondance entre termes grecs et latins dans ce passage.
60
Chantraine 1977, s. u. « Skènè », p. 1015-1016.
qu’en grec ancien, un même mot peut désigner l’installation théâtrale et marchande ; ce
rapprochement devait sans doute avoir une résonance, notamment au sein de l’Athènes
classique et hellénistique, si profondément nourrie de la culture publique du spectacle.
On pourrait penser que ces installations marchandes, plutôt fragiles étaient
essentiellement utilisées pour les foires et les marchés temporaires : c’est effectivement
le cas de plusieurs attestations du mot. Un passage du livre X de Pausanias sur la
Locride ozolienne, décrit le déroulement de la fête des Tithoréens en l’honneur d’Isis :
le troisième jour, les restes des sacrifices étaient éliminés du temple ; le jour suivant,
les petits commerçants, les kapeloi, arrivaient et construisaient leurs skènai avec des
roseaux et d’autres matériaux de récupération61. Le terme apparaît aussi dans une
célèbre inscription, datée des décennies centrales du iiie siècle avant J.-C., qui fixe
les conditions pour pouvoir pratiquer le commerce autour de l’Héraion de Samos :
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61
Pausanias, X, XXXII, 16.
62
SEG XXVII, 545 ; Soverini 1990-1991, p. 59-113.
63
Soverini 1990-1991, p. 88-89.
64
Polyen, Stratagemata, VI, 45 (Solisonte) : le verbe utilisé ici, en relation à la traditionnelle panegyris
d’Héra est skènopoiein.
65
Démosthène, Sur la couronne, I, 18, 169 : ek tôn skènôn tôn kata tèn agoran.
66
Théocrite, XV, 16.
en revanche devoir être attribuée aux skènai près de la porte (en pulaiai) mentionnées
dans une inscription de Delphes datée autour de 296 avant J.-C67. C’est ainsi que le
mot skènitès, qui signifie plus couramment « acteur », peut désigner également le
marchand qui vend dans une baraque, le « boutiquier ». Cet usage est attesté à la fois
dans les textes et dans les inscriptions. Dans un plaidoyer d’Isocrate, il est question d’un
personnage proche du banquier Pasion, Pythodoros, surnommé le skènites (ton skènitèn
kaloumenon), du fait qu’il possède des boutiques68. Or, si l’on s’en tient au texte, ces
boutiques pourraient se situer près du Léokorion, le « sanctuaire des filles de Léos »,
qui se trouvait au nord/nord-ouest de l’agora, en direction du Kolonos Hippios. Il est
intéressant de trouver enfin chez Platon un rapprochement entre l’attitude des acteurs
qui installent leurs tréteaux sur la place et arrivent à convaincre femmes et enfants, grâce
à leurs « belles voix qui sonnent plus haut que les nôtres »69 : il me semble que l’identité
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67
SIG I, 422, 111.
68
Isocrate, Trapezitikos (Affaire de banque), XVII, 33-34.
69
Platon, Lois, VII, 817c.
70
Ehrenberg 1974, notamment p. 134-144.
71
Théophraste, Vantard, XXIII, 8.
qu’il soit, ne lui répugne72. Ce même personnage n’hésite pas à rentrer en affaires avec
les gens du marché (agoraioi), alors qu’il leur prête de l’argent en exigeant des intérêts
disproportionnés, en faisant la ronde tous les jours chez les taverniers et les poissonniers,
pour toucher ses intérêts73. Ou encore l’« incongru », qui grappille sur les étals des noix
et de baies de myrte, en faisant la causette avec le marchand à l’heure de la plus grande
affluence74. Enfin le « vaniteux », qui rembourse une somme importante, une mine
d’argent, en une seule fois et en monnaie neuve75, et qui s’affiche seulement auprès des
comptoirs des banquiers76, qui n’achète rien pour lui-même mais se vante dans toute la
ville des commissions importantes qu’il effectue pour le compte d’étrangers : des olives
à Byzance, des chiens de Laconie à Cyzique, du miel de l’Hymette à Rhodes77…
En résumé, c’est une véritable comédie humaine qui se joue sur la place et
qui évolue sur le marché, avec ses codes de sociabilité urbaine, avec ses savoir-faire et
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72
Théophraste, Cynique, VI, 5.
73
Théophraste, Cynique, VI, 9.
74
Théophraste, Incongru, XI, 4.
75
Théophraste, Vaniteux, XXI, 5.
76
Théophraste, Vaniteux, XXI, 7.
77
Théophraste, Vaniteux, XXI, 8.
78
Démosthène, Contre Euboulidès, LVII, 31-35, 45.
Bibliographie
Abréviations
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le monde ; il devrait donc y avoir beaucoup de gens pour témoigner en connaissance de cause, et non pas
seulement par ouï-dire, de son statut » (L. Gernet, Démosthène. Plaidoyers civils. Tome IV. Discours LVII-
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