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Une onde de choc
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se traduit en prises de conscience dans l’après-coup. L’événement ne fait
sens que de son ressaisissement.
des individus. Mais de même que l’histoire réelle ne se confond pas avec
le récit qui en est fait, l’événement, tel qu’il se produit dans la réalité, ne
se confond pas avec la façon dont il est parlé, commenté et interprété.
Dans nos sociétés marquées par un bouleversement anthropologique du
rapport à la temporalité, il se rapporte aussi au statut qui lui est donné.
La question se pose du traitement fait par les individus et les collec-
tifs de la multiplication des chocs de nature et de portée différentes qui
provoque des effractions répétées bousculant continûment les repères.
Entre l’expérience immédiate d’une discontinuité et son tracé dans l’his-
toire, comment se fait la liaison temporelle dans une époque qui brise les
continuités ? Sont également à questionner les voies empruntées, sociale-
ment et subjectivement, pour accueillir l’irruption du réel dans un monde
où la réification et l’instrumentalisation s’érigent comme le refus de l’évé-
nement, dans son caractère critique d’imprévisibilité. Par la fréquence de
leur occurrence, les événements ont-ils perdu leur qualité de surgissement
exceptionnel et par là leur potentialité transformatrice ?
Quel traitement pour la rencontre avec ce trop-plein qui surgit, dans
un contexte social favorisant l’attaque des continuités tout en déniant les
effets de déstabilisation ? Quelle intelligibilité dégager de cette brusque
collision qui surgit des conflits d’interprétations, des contradictions, voire
des formations paradoxantes qui travaillent les institutions sociales ?
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Entre une conception idéaliste de l’événement comme un « miracle »,
surgi, révélateur d’une vérité nouvelle, à la fois singulière et universelle
qui, nous hissant à une plus « haute intensité d’existence », devrait à tout
prix être reconnue et préservée (Badiou, 1988), et une conception tragique
qui voit dans l’événement sa propriété désorganisatrice et traumatique,
résultat d’une sorte de collapsus entre réalité psychique et réalité sociale
(Bertrand, 1990), comment se saisir de ce qui nous saisit et déborde toute
intelligibilité, bouleversant nos schèmes de pensée ? Comment approcher
ce qui met à mal le projet de maîtrise et d’explication qui constitue le para-
digme central de la culture et de la science occidentales ?
Comment, au travers du prisme de la notion d’événement, les cher-
cheurs et praticiens, historiens, philosophes, sociologues, économistes,
psychosociologues, psychanalystes – dont les travaux sont orientés vers
l’analyse de la société contemporaine – interprètent-ils les processus
critiques qui la déchirent mais aussi la renouvellent ? Comment ceux
qui accompagnent les individus et les groupes en crise travaillent-ils les
processus de liaison entre l’expérience immédiate d’une discontinuité
et son tracé dans l’histoire, dans une époque qui brise les continuités ?
Quelle compréhension dégager, à travers des situations concrètes, des
transformations qui s’opèrent, aujourd’hui, dans cet ébranlement où l’être
de la société se trouve atteint en lui-même ?
À partir de ces questionnements, chacun des auteurs, qu’il soit
psychologue social, psychosociologue, psychanalyste, sociologue, histo-
rien, philosophe, anthropologue, économiste, propose une contribution en
lien avec sa propre réflexion, ses références et ses travaux. Tous ont ainsi
tenté de répondre à certaines des interrogations majeures que suscite la
notion d’événement, pour approcher sa complexité.
Le recueil est introduit par l’historien François Dosse qui retrace la
façon dont la notion d’événement a été diversement interprétée par sa
discipline, réduite à un simple épisode sans véritable signification par
l’école des Annales jusqu’à connaître un véritable renouveau à l’heure
actuelle. Il explique notamment comment, au cours de cette Histoire, elle
a changé de signification en se rapprochant des perspectives développées
en psychologie et en sociologie.
Florence Giust-Desprairies ouvre ensuite une réflexion sur la notion
d’événement comme processus réitéré d’un avènement du sens et comme
prenant forme, chaque fois, d’une inférence qui amorce une construction
invisible. L’auteur nous invite à suivre les avatars de cette potentialité à
l’œuvre dans la formation d’un monde partagé, qui ne se donne à saisir
que dans les agencements du sens qu’il favorise, la réalité qu’il façonne
et les effets qu’il produit.
Les deux articles suivants traitent de la question de l’événement dans
le cadre d’une intervention en clinique du travail.
Thomas Périlleux cherche à identifier les opérations nécessaires pour
que le dispositif clinique agisse comme un révélateur de l’événement
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symptomatique. Il avance les conditions qui lui semblent requises pour
que le symptôme devienne un événement vital, mettant en crise un état
d’apparente normalité pour provoquer un tournant dans la situation.
De leur côté, Emmanuelle Reille-Baudrin et Mylène Zittoun reviennent
sur les effets du meurtre de deux inspecteurs du travail dans l’exercice
de leur métier. Meurtre qui a brisé le pacte historique entre protecteurs et
protégés, renvoyant chacun à l’impensable devenu menace possible. Un
travail clinique permet de retrouver cette angoisse et de mettre en travail
ce qui avait fait événement à l’insu des acteurs.
Par une approche philosophique, Haud Guéguen met en confronta-
tion, dans une perspective de critique du temps présent, deux modèles
antinomiques de l’événement : un premier où l’événement fortuit, subor-
donné à ce que nous pouvons réaliser par nous-mêmes ou au possible,
revêt le sens d’un matériau de l’action ; et un second modèle qui accorde
à l’inverse la priorité à l’événement, dès lors institué comme principe et
mesure du devenir et de l’action.
Suivant une démarche comparable, Anne Vincent-Buffault analyse diffé-
rentes façons de se saisir de l’événement ou de l’ignorer. L’inintelligibilité
et la stupeur qu’il provoque peut rendre muet et indifférent et peut se
réduire, dans les mouvements lents de l’Histoire, à des irrégularités. Loin
de la vision unifiée d’une culture, l’événement de parole permet, souligne
l’auteur, de saisir des écarts et d’en montrer les enjeux au présent.
À partir d’un événement médiatisé par la presse française, Marc Glady
et Fabio Marcodoppido s’interrogent, précisément, sur la mise en discours
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de métaphores poétiques.
Dans une perspective plus anthropologique, Nathalie Zajde et Tobie
Nathan interrogent la notion de vécu traumatique en se référant aux
processus en jeu dans les métamorphoses de l’identité propres aux situa-
tions initiatiques. Ils illustrent leur réflexion en évoquant l’histoire de deux
survivants déportés dans les camps de concentration : le rabbin Charles
Liché et le grand rabbin Israël Meir Lau. Comment ont-ils traversé cette
terrifiante expérience ? Qu’est devenu leur être privé et social, pendant
et après un tel événement ? Comment ont-ils été accueillis et soignés ?
Questionnant les rapports entre événement et formation, Martine
Lani-Bayle présente les résultats d’une enquête internationale conduite
sur ce thème. L’auteure montre que l’événement provoque une rupture
dans l’intelligibilité en bousculant les modes d’apprentissage et révèle
l’étroitesse de leurs liens avec l’expérience vécue à la fois au niveau
personnel et au niveau collectif.
Jean-Louis Laville se propose, quant à lui, de revenir sur la place de
l’événement dans le processus de recherche. L’auteur retrace la genèse
de la théorisation de l’économie solidaire en reprenant plusieurs épisodes
comme autant d’événements provoquant des ruptures et conséquemment
des surgissements inattendus qui ont, à chaque étape, donné un nouveau
tour à la réflexion : confrontation avec l’autogestion yougoslave, la social-
démocratie et l’économie sociale, puis tentative de théorisation d’une voie
pour le changement social.
Bibliographie
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tome 329.
l’escp Europe
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