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Le microcrédit au péril du néolibéralisme et de marchands

d'illusions. Manifeste pour une inclusion financière


socialement responsable
Cyril Fouillet, Isabelle Guérin, Solène Morvant-Roux, Marc Roesch, Jean-Michel Servet
Dans Revue du MAUSS 2007/1 (n° 29) , pages 329 à 350
Éditions La Découverte
ISSN 1247-4819
ISBN 9782707152534
DOI 10.3917/rdm.029.0329
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Le microcrédit au péril du néolibéralisme et
de marchands d’illusions. Manifeste pour une
inclusion financière socialement responsable

Cyril Fouillet, Isabelle Guérin, Solène Morvant-Roux,


Marc Roesch, Jean-Michel Servet1


Les louanges faites au microcrédit paraissent aujourd’hui
avoir atteint un tel niveau qu’il peut sembler incongru d’interro-
ger les limites de cette prétendue « révolution de la finance ». En
1997, à Washington, le premier sommet du microcrédit médiatisait
l’efficacité attribuée à cet outil dans la lutte contre la pauvreté,
dont l’apparition était assimilée à un tournant historique pour l’hu-
manité [Fernando, 2006]. Dix ans après, cette euphorie ne s’est
guère atténuée, si l’on en juge par les éloges qui, en octobre 2006,
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ont entouré l’attribution du prix Nobel de la paix à Muhammad
Yunus et à la Grameen Bank qu’il a fondée. Un mois plus tard,
lors du dernier Microfinance Summit à Halifax, quelques inter-
ventions ont précisé que cette technique financière ne pouvait être
considérée comme une panacée pour éradiquer la pauvreté, mais
force est de constater qu’elles en restent au seul plan du discours.

. Chercheurs en sciences sociales dans le champ de la microfinance depuis


plusieurs années, nous souhaitons attirer l’attention tant des chercheurs que des
autorités et des décideurs sur les limites d’un instrument qui, employé dans des
circonstances opportunes, apparaît pertinent pour une inclusion financière la plus
large possible, mais qui ne peut prétendre satisfaire à toutes les vertus qu’on lui prête
en termes de réduction de la pauvreté.
. La définition du microcrédit n’est pas consensuelle : le critère est soit le public
cible, soit le montant des prêts, soit le rôle principal supposé des institutions. Le
terme de microfinance désigne une multiplicité de services. Aujourd’hui, l’expression
d’« inclusion financière » est susceptible de marquer une nouvelle étape, dans laquelle
l’absence d’accès aux services financiers deviendrait plus importante que la question
originelle de la réduction de la pauvreté.
330 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

En l’absence de plan d’action, ces critiques n’ont guère de valeur


contraignante et ne sont, au final, qu’autant de façons de se donner
bonne conscience tout en laissant les choses en l’état.
Trop de mythes – propagés notamment par nombre de néoli-
béraux mal remis de l’échec des recettes issues du consensus de
Washington et par des marchands d’illusions qui trouvent dans
la microfinance une opportunité de gains à court terme – conti-
nuent de circuler autour de la nature, de l’impact et des effets
du microcrédit pour qu’il ne devienne pas urgent d’égratigner
quelques préjugés.
L’une des ambiguïtés de la situation actuelle tient à ce que
le rôle des différents acteurs du secteur de la microfinance est
particulièrement confus parce que non stabilisé. Le but principal
de notre contribution au débat qui s’amplifie sur la microfi-
nance est, certes, de dénoncer des illusions préjudiciables à
l’essor durable de services financiers pour le plus grand nombre.
Mais il est surtout, pour y parvenir, de clarifier les cibles de la
microfinance et les effets de ses modes d’intervention. C’est
la condition même d’une compréhension de la responsabilité
sociale des différents acteurs. La notion de responsabilité sociale
ne doit pas concerner uniquement les institutions financières
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– quels que soient leur statut et leur niveau d’intervention –,
mais s’appliquer également aux autorités publiques (à l’échelle
locale, nationale ou internationale) et aux ONG, qui sont fort
actives dans le secteur.
Une première confusion est entretenue par la plupart des
acteurs entre lutte contre la pauvreté et inclusion financière. Les
institutions financières ont une responsabilité centrale dans la
seconde du fait de leurs activités mêmes et du risque systémique
d’accroissement de l’exclusion financière qu’elles engendrent.
Elles doivent agir de telle sorte que leur action n’ait pas par
ailleurs pour effet secondaire, en dotant les uns, de détériorer

. Soulignons toutefois que la notion de « performance sociale » des organisations


de microfinance, initiée par le réseau d’opérateurs CERISE et reprise aujourd’hui sur
l’ensemble de la planète, représente une avancée essentielle vers une déontologie
d’action (http://www.cerise-microfinance.org/).
. Plusieurs articles de la presse écrite et électronique ont été rédigés par les
membres de ce manifeste [Guérin et Roesch, 2005 ; Guérin, Marius-Gnanou et Servet,
2005 ; Doligez et Guérin, 2006 ; Servet, 2006a, 2006b].
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 331

les conditions de vie et de survie des autres – par exemple en


favorisant des situations de surendettement. En revanche, si les
institutions financières ont une responsabilité en matière d’inclu-
sion financière, elles n’ont pas de responsabilité plus forte que
les autres institutions de la société en matière de lutte contre les
exclusions en général et contre la pauvreté en particulier.
Une autre confusion porte sur le statut des acteurs. Certains
viennent d’organisations privées à but non lucratif, d’autres du
secteur public – local, national – ou de coopérations bilatérales ou
multilatérales appliquant des programmes administrés, d’autres,
enfin, de la finance à but lucratif. Ces différents acteurs peuvent
agir de concert et en complémentarité ou par subsidiarité. Le
fait d’avoir tel ou tel statut et de le mettre en avant, par exemple
d’être « à but non lucratif », ne garantit pas que les pratiques
puissent être qualifiées de solidaires. De même qu’avoir un
statut commercial est tout à fait compatible avec la captation de
subventions publiques et d’aides privées couvrant des déficits
massifs, comme il l’est avec des modes solidaires d’intervention.
En microfinance règne une large confusion des genres. Ce qui
est choquant n’est certainement pas que des groupes financiers
saisissent l’opportunité d’élargir la diffusion de services finan-
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ciers auprès de populations jusque-là exclues pour offrir à leurs
clients des placements financiers qui rapportent à ces investis-
seurs : c’est leur raison d’être, et elle n’est pas là plus critiquable
que dans la plupart des autres formes de placement. Il existe en
microfinance des opportunités de gain financier à saisir et qui
peuvent même être socialement utiles, tout comme, en certaines
circonstances, elles peuvent produire des effets très négatifs. Il y
a aussi des opportunités de placement éthique ou de partage, où
les gains sont volontairement limités pour agir socialement. Par
contre doivent être dénoncés ceux qui s’autoproclament acteurs
de la lutte contre la pauvreté tout en se transformant en usuriers
ou s’en faisant les complices, notamment parce qu’ils diffusent
sans vergogne des types de prêt qui conduisent régulièrement
à un surendettement des emprunteurs – masqué par le rééche-
lonnement des prêts ou par le recours à d’autres prêts. Il nous
paraît non seulement totalement faux, mais aussi parfaitement
irresponsable de prétendre, comme le fait Jacques Attali, prési-
dent de PlaNet Finance, que « la pauvreté pourrait être vaincue
332 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

mondialement par un développement généralisé et professionnel


de la microfinance qui constituera aussi, dans l’avenir, un for-
midable marché pour les banques commerciales » [Association
d’économie financière, 2006, p. 115]. À court terme, une telle
croyance peut permettre à certains opérateurs de la microfi-
nance et à leurs conseillers de capter des ressources, mais ni
les investissements de responsabilité sociale, ni les placements
financiers à but lucratif, ni les autorités publiques n’ont intérêt à
long terme à ce qu’elle perdure. Et c’est tout autant décrédibiliser
à long terme l’investigation scientifique académique que de se
taire sous prétexte que de telles croyances peuvent permettre
de mobiliser des ressources pour des projets de recherche. Les
chercheurs aussi ont une responsabilité sociale.
Les populations les plus démunies ne doivent pas être les
cobayes des chercheurs. Et le risque est immense que, après
une période d’euphorie, les déceptions soient si grandes quant
à l’efficacité et à la rentabilité économique de cet instrument
financier qu’on en vienne à jeter l’anathème sur une technique
qui, employée avec modération dans des circonstances locales
opportunes et avec des méthodes d’accompagnement appro-
priées, révèle quelque efficacité. Le risque est aussi, par excès
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d’optimisme, de laisser se développer des initiatives non pro-
fessionnelles qui, par les dégâts qu’elles produisent dans les
familles pauvres, traumatisent gravement ces milieux et inter-
disent durablement toute autre initiative. L’Afrique de l’Ouest a
connu un engouement de ce type pour les coopératives dans les
années 1970, et il a fallu ensuite attendre vingt ans avant d’oser
proposer à nouveau ce type d’organisation. N’oublions pas non
plus que, pour répondre aux besoins de la planète, il faudrait
un changement plus important des conditions de vie des plus
pauvres, allant bien au-delà de leur inclusion financière, et une
volonté bien plus forte que celle de diffuser des prêts de faible
montant. Les confusions et les espoirs inconsidérés que nous
dénonçons tiennent largement au fait que la logique générale de
la microfinance et l’analyse de la dynamique des sociétés tendent
à être soumises à des préceptes néolibéraux. Ceux-ci se révèlent
être des obstacles à un développement à moyen et à long terme
de cette technique financière.
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 333

Microfinance et lutte contre la pauvreté

« Un instrument fort efficace de libération des pauvres, en


particulier des femmes » : c’est ainsi que le jury du Nobel a justifié
son choix. Et il a suivi deux lignes d’argumentation : il ne saurait
y avoir de paix sans réduction de la pauvreté et il a été démontré,
soutient-il, que le microcrédit y participait activement ; ensuite,
le développement « par le bas » est un élément essentiel de la
démocratie et des droits de l’homme et, là encore, la contribution
du microcrédit est soulignée. Or, si affirmer que la pauvreté et
le défaut de démocratie exacerbent et nourrissent les conflits est
tout à fait légitime, en revanche affirmer que le microcrédit y
contribue fortement est totalement erroné.
Cette vision excessive des vertus du microcrédit repose sur un
mythe : celui du pauvre « entrepreneur ». Ce mythe s’est forgé
grâce à la difficulté d’évaluer l’apport réel de la microfinance
pour les populations concernées : la rigueur scientifique exige
des procédures coûteuses et longues qui ne répondent, le plus
souvent, ni aux contraintes ni aux besoins des praticiens ; les
contextes et les modalités d’intervention limitent la portée des
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comparaisons et rendent difficile toute généralisation [Wampfler,
Guérin et Servet, 2006]. Pourtant, toutes les analyses d’impact
réalisées à partir d’un travail de terrain approfondi donnent le
même résultat : le microcrédit améliore la gestion des budgets
familiaux et stabilise des petites activités entrepreneuriales et, en
cela, il est fort utile ; mais il ne lutte pas contre la pauvreté et il
ne peut pas y prétendre. Tout au plus cet outil financier permet-il
d’élargir l’éventail des choix et des opportunités des pauvres, de
stabiliser et de diversifier leurs sources de revenus trop souvent
aléatoires, de renforcer un patrimoine productif souvent dérisoire.
C’est peu, diront ceux qui sont en quête de résultats miraculeux
à même de redorer leur image de bienfaiteurs. C’est déjà beau-
coup, répondent ceux qui connaissent de près la complexité des
problèmes de pauvreté.
L’attrait du microcrédit repose sur une conviction forte, mais
totalement erronée : il suffirait de doter en « capital » les pauvres
par le biais du microcrédit pour développer leur potentiel entre-
preneurial. Or, dans nombre de pays, les pauvres ont accès à toute
334 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

une palette de services financiers de nature informelle (famille,


voisins, tontine, prêteurs privés, gardes-monnaies, employeurs,
etc.) [Hugon, 1980 ; Lelart, 1991, 2006 ; Adams et Fitchett, 1994].
De tels services sont onéreux et parfois dangereux, car source de
servitude, mais ils existent. Ce qui fait principalement défaut, ce
sont les compétences techniques et commerciales donnant accès
à des marchés solvables et, dans de nombreux cas, la demande
solvable elle-même. Quand bien même les pauvres se transfor-
meraient en micro-entrepreneurs, imaginer que le marché puisse
s’étendre à l’infini grâce à une demande globale induite par les
microprêts est tout aussi utopique. Quand le crédit sert à l’achat
de biens de consommation fabriqués en dehors des lieux où vivent
les emprunteurs (des médicaments par exemple), à l’échelle locale
l’effet multiplicateur sur les revenus est quasi nul et l’on observe
une fuite des ressources hors de la communauté. Seules des mon-
naies locales (comparables au système WIR actif en Suisse depuis
les années 1930 ; mais les organes de développement n’appuient
pas de tels dispositifs) permettraient d’engendrer une dynamique
endogène (par un effet multiplicateur du crédit) et donc une crois-
sance locale des revenus. La faible contribution du microcrédit
à des investissements productifs additionnels et cette fuite des
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revenus hors des économies locales expliquent aussi pourquoi
le microcrédit peut conduire au surendettement dès lors que les
revenus attendus ne sont pas créés par la dépense.
Les limites du micro-entrepreneuriat sont donc de plusieurs
ordres. La faible rentabilité des activités est très fréquente, avec
de fortes variations d’un contexte à l’autre (par exemple dans
l’élevage) : les succès obtenus ici ne sont donc absolument pas
transposables ailleurs. Les exemples de saturation rapide des
marchés locaux et des effets de substitution (chaque nouvelle
entreprise met en péril une micro-entreprise voisine) sont multi-

. Les « gardes-monnaies » sont en général des petits commerçants qui reçoivent


des dépôts de leurs clients.
. De même, les crédits octroyés par les institutions de microfinance ne proviennent
pas toujours d’une mobilisation locale de l’argent, de sorte que le remboursement
du crédit ne donne pas forcément lieu à l’octroi de nouveaux crédits. C’est le cas
par exemple du site <www.kiva.org> sur lequel n’importe qui a la possibilité de
financer directement un ou plusieurs porteurs de projet présentés (photos à l’appui)
sur le site.
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 335

ples. En grande partie faute de pouvoir d’achat local (car il n’y


a pas de clients), mais aussi faute de compétitivité face à des
produits manufacturés, et du fait également de comportements
mimétiques qui conduisent à l’offre excessive de certains biens
dont la consommation est limitée (faute d’expérience, les nou-
veaux entrepreneurs se contentent d’imiter leurs voisins). Le
fonctionnement très hiérarchique des marchés locaux est égale-
ment un problème permanent. On est en présence de monopoles
ou de quasi-monopoles, et la position des petits entrepreneurs
s’apparente à une sous-traitance déguisée, avec des conditions
de travail et de vie souvent d’une grande précarité. Notons enfin
la difficulté des pauvres à se transformer en entrepreneurs faute
de savoir-faire, de réseau relationnel, d’accès à l’information,
ou encore du fait de leur attachement psychologique et social au
salariat ou à l’agriculture. On oublie également trop souvent que,
dans nombre de pays du Sud, la majorité de la population reste
dépendante de l’agriculture, tant d’un point de vue matériel que
psychologique (c’est le cas par exemple pour plus des deux tiers
de la population indienne). L’agriculture n’est pas une production
régulière, et les revenus qui en sont tirés peuvent fortement fluc-
tuer d’une année sur l’autre en fonction notamment des conditions
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climatiques. Suite à une tragédie climatique, à une sécheresse,
à des inondations ou à un cyclone, les investissements poten-
tiels des foyers sont réduits, la main-d’œuvre est débauchée, le
niveau d’endettement et d’asservissement s’aggrave, etc. Or la
microfinance, à l’heure actuelle, répond très mal aux exigences
et aux risques des activités agricoles [CIRAD, 2002]. Au sud du
Mexique, il a été observé que la microfinance permet au mieux
de stabiliser l’activité économique ; mais, là encore, des facteurs
macro-économiques, comme la baisse du prix de vente du café
(culture de rente dominante dans ces villages) depuis près de dix
ans, ont en fait un rôle déterminant et limitent fortement l’impact
et les potentialités de la microfinance [Morvant-Roux, 2006]. Plus
généralement, les succès obtenus par la microfinance à l’échelle
territoriale supposent des conditions extrêmement spécifiques
d’ordre à la fois social, économique et géographique : densité

. Les variations de la mousson du Sud asiatique affectent plus de 60 % de la


population de la planète [Webster et alii, 1998].
336 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

forte de population ayant une capacité à consommer, spécialisa-


tion de la production dans des filières intégrées bénéficiant de la
garantie d’achat, regroupement de producteurs facilitant l’accès
au marché, etc.
L’entrepreneuriat, aussi « micro » soit-il, est avant tout une
prise de risque, d’autant plus prononcée que les personnes vivent
déjà une situation de très grande vulnérabilité. C’est la raison
pour laquelle une part prépondérante du microcrédit sert à couvrir
des dépenses d’urgence (santé, alimentation, habitat, cérémonies,
remboursement d’anciennes dettes onéreuses et/ou sources de
dépendance). En cela, le microcrédit est très utile, mais ces
dépenses priment sur l’investissement et la prise de risque, et
ne créent pas de richesse contrairement aux idées reçues. Les
success stories de telle ou telle emprunteuse sont des instruments
médiatiques et non des preuves sérieuses. Comment compren-
dre que le Bangladesh – le marché au monde le plus saturé par
l’offre de petits prêts, et dont les vingt plus importantes institu-
tions de microcrédit, actives depuis plus de vingt ans, touchent
21 millions de familles (soit 105 millions de personnes sur une
population totale de 147 millions d’habitants) – reste un des pays
parmi les « moins avancés » et que le taux de pauvreté, mesuré
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officiellement par le pourcentage de la population disposant de
moins de 1 dollar par jour, soit de 36 % en 2000 comme en 1992 ?
Les statistiques diffusées lors du dernier sommet du microcrédit
affirment que le Bangladesh est en train de se rapprocher des
objectifs du millénaire de réduction de la pauvreté adoptés par
l’ONU en 2000 [Daley-Harris, 2006]. Mais elles ne donnent
aucune précision sur les revenus et se contentent de mettre en
avant la diminution des taux de fécondité ou la participation
politique accrue des femmes, des résultats certes positifs et tout
à fait louables mais qui ne démontrent en rien une réduction de
la pauvreté. On peut se demander si ces « progrès » sont une
conséquence du microcrédit, ou bien si les changements au sein
de la société bangladeshie permettent à la fois une participation
des femmes au microcrédit et des changements dans les com-
portements démographiques et politiques et ne sauraient donc
être imputés à une plus grande inclusion financière. La même
observation pourrait être faite à propos du taux de la population
dite pauvre en Bolivie, un pays qui a connu de façon tout aussi
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 337

intense la révolution du microcrédit sans que les indicateurs


économiques de pauvreté baissent massivement.
Faute d’accroître de façon sensible les revenus des plus pau-
vres, le microcrédit peut conduire à leur surendettement et créer
alors plus de drames que d’espoirs parmi les plus démunis. En
Inde, par exemple, le pays a connu au début de l’année 2006 une
vague de suicides de clientes surendettées en partie à cause de la
microfinance et harcelées par des agents de crédit peu scrupuleux
[Fouillet, 2006 ; Roesch, 2006]. Le cas indien, parfois accusé
d’être un mauvais élève en matière de microfinance, est proba-
blement le plus pathétique sans pour autant être exceptionnel :
certaines régions du Bangladesh et de la Bolivie [Navajas et alii,
2000] comptent aussi de nombreux clients surendettés du fait du
microcrédit.
C’est une erreur de confondre pauvreté et exclusion financière.
Dans les pays en développement, la partie de la population qui
n’a pas accès à des services financiers est beaucoup plus vaste
que la population dite pauvre. Pour le comprendre, imaginons
une pyramide. À sa base se trouvent les populations qui sont en
permanence en dessous du fameux seuil de pauvreté. Contraire-
ment à nombre d’idées reçues, le microcrédit s’adresse excep-
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tionnellement à cette clientèle et, quand il le fait, les risques de
surendettement sont considérables [Hulme et Mosley, 1996 ;
Gentil et Servet, 2002]. Il peut être criminel de développer sans
réserve le microcrédit auprès de populations dont les opportu-
nités d’investissement productif sont très limitées. Au-dessus se
trouvent des populations qui se retrouvent périodiquement en
situation de pauvreté ; elles ne le sont pas de façon permanente et
connaissent une situation de plus ou moins forte précarité. Pour
elles, des services d’épargne et d’assurance sont souvent plus

. Une soixantaine d’après la presse indienne. À la suite de cette crise survenue


en début d’année, une association régionale de microfinance, l’Andhra Pradesh
Mahila Abhivruddhi Society (APMAS), a fait un bilan de la situation. Elle révèle
que les deux tiers des clients du district (département) où les faits se sont déroulés ne
connaissent pas le taux d’intérêt et la méthode de calcul du prêt qu’ils ont en cours.
Plus grave encore et révélateur des effets néfastes possibles des outils microfinanciers,
la dépendance vis-à-vis des usuriers et des grands propriétaires terriens s’est accrue
à la suite de l’octroi de microcrédits dans plus du quart des cas. (On ne reviendra pas
sur les cas de tortures morales et physiques qui ont fait les choux gras de la presse et
qui ont été confirmés par cette étude.)
338 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

pertinents que le microcrédit. Enfin, entre ces populations et la


pointe de la pyramide, où se trouvent les populations financiè-
rement intégrées, se trouve une masse de petits producteurs, de
petits commerçants et de petits salariés auxquels certaines formes
adaptées de microcrédit offrent une véritable opportunité.
Faute de moyens humains et financiers – et peut-être aussi
parce que cela écornerait leur image d’institutions au service
des pauvres –, très peu d’organisations de microfinance appli-
quent des critères rigoureux pour définir précisément le degré de
pauvreté de leurs clients. La plupart d’entre elles se contentent
d’affirmer qu’elles interviennent dans des zones rurales ou péri-
urbaines comptant beaucoup de populations pauvres. En matière
de crédits destinés à des activités économiques, on observe des
cas de captation des prêts par des élites paysannes ainsi qu’une
très forte exclusion du financement des activités agricoles à long
terme au profit du financement du commerce et des transports.
En privilégiant des clientèles qui sont en réalité au-dessus de
la ligne de pauvreté et sans que soient apportés des services de
base, coûteux pour les finances publiques, aux populations les
plus démunies, le microcrédit risque fort d’accroître un peu plus
les inégalités et ne peut pas non plus prétendre être une forme
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de solidarité.

Microfinance versus finance solidaire

Non seulement les potentialités de la microfinance sont bien


plus limitées que ne le laissent entendre nombre de ses promo-
teurs, mais encore faut-il que les services financiers soient cor-
rectement mis en œuvre. Force est de constater aujourd’hui une
dérive « commerciale » visant à transformer les organisations de
microfinance en « banques des pauvres », à plaider pour leur refi-
nancement sur les marchés financiers et même pour le déplafonne-
ment des taux d’intérêt. Cette position est non seulement irréaliste
si on veut l’appliquer à tous les modèles de microfinance, mais,
plus encore, elle peut se révéler excessivement dangereuse.

. Tout en défendant un modèle « commercial » de la microfinance, le rapport


2005 de la Banque mondiale sur le développement dans le monde remarque : « En
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 339

Donnons-en un exemple. Dans un article publié dans Libé-


ration le 30 octobre 2006 sous le titre « Inde, la microfinance
en crise », Esther Duflo a accusé les autorités indiennes de blo-
quer l’essor du microcrédit en limitant le taux d’usure dans le
pays. Cet article est symptomatique d’un secteur qui fait parfois,
volontairement ou non, le jeu de la désinformation10. En se foca-
lisant sur un argumentaire qui visait à montrer que l’État indien
devrait se désengager du secteur concurrentiel et s’en tenir à le
« réguler », la professeure Duflo omet l’essentiel et par là même
détourne le débat. Elle nie la cause première de cette décision :
la vague de suicides de clientes d’organisations de microcrédit
mentionnée plus haut. Il est difficile d’imputer comme elle le
fait toutes les vertus aux organisations de microcrédit et tous les
vices à l’État. On sait par exemple que la Grameen Bank elle-
même a été confrontée en 2000 à un accroissement considérable
du nombre de prêts non remboursés et qu’elle a dû abandonner le
modèle et le dogme du microcrédit solidaire de petits groupes au
profit de prêts individuels. Or la banque fondée par Muhammed
Yunus bénéficie depuis longtemps d’un soutien considérable du
gouvernement du Bangladesh, en particulier par le biais d’une
défiscalisation qui lui permet en contrepartie d’offrir des bourses
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d’études à certains enfants de ses client(e)s ou des prêts sans
garantie à 50 000 mendiants.
À qui fera-t-on croire que la « libération » des taux d’intérêt est
la bonne solution pour développer une microfinance au service des
pauvres ? Au Pérou, des institutions de microcrédit prêtent à des
taux mensuels de 5 % et pourtant, pour l’essentiel, elles délivrent
leurs services à des populations qui sont au-dessus du seuil de
pauvreté et qui vivent dans des zones urbaines. Elles laissent les
ONG subventionnées intervenir dans les zones rurales de grande
pauvreté où la densité de population est faible et le taux d’illet-
trisme élevé. Au Brésil, des acteurs de la microfinance réclament
la limitation des taux d’intérêt pratiqués. L’usage productif et

pratiquant des taux plus élevés, les prêteurs écartent les emprunteurs à faible risque.
Par nature, la hausse des taux d’intérêt expose donc les prêteurs à davantage de risques
auxquels viennent s’ajouter ceux de malhonnêteté ou de non-respect des contrats. De
fait, seuls les emprunteurs honnêtes sont découragés par des taux d’intérêt élevés »
[Banque mondiale, 2005, p. 116].
10. À noter que Libération a refusé de publier toute réponse à cet article.
340 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

rentable des microcrédits est le fer de lance de la justification de


la libération des taux d’intérêt : or, nous l’avons dit plus haut,
cette idée est erronée pour toutes les situations où le microcrédit
est employé pour gérer les budgets familiaux et n’a pas d’effet
multiplicateur sur les revenus. S’imaginer qu’à une échéance plus
ou moins rapprochée il serait possible de rentabiliser les place-
ments dans un très grand nombre d’institutions de microfinance,
c’est se leurrer, et c’est à terme fragiliser l’ensemble du secteur
dès lors qu’il se révélera incapable de réaliser cet objectif. Soumis
à des contraintes immédiates, nombre d’acteurs préfèrent mentir
– ou se mentir – et bénéficier d’une image plus valorisée dans
l’air du temps néolibéral que celle de formes d’intervention plus
traditionnelles, qui ne peuvent pas laisser croire que, demain, les
pauvres rapporteront.
Affirmer que le risque pour les prêteurs est faible parce que
les taux de remboursement sont élevés (Esther Duflo cite un taux
de 99 %), c’est méconnaître le fait que nombre d’organisations
(et, parmi elles, la Grameen Bank du Bangladesh ou l’ADIE en
France) pratiquent le rééchelonnement de nombreux prêts ou
autorisent le remboursement des mensualités en retard par un
nouveau prêt. Il ne faut pas en rester à l’observation des risques
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individuels (que certaines organisations couvrent par des assu-
rances obligatoires), mais analyser les risques collectifs liés aux
conditions climatiques, politiques, économiques, etc., qui frappent
brutalement certaines régions et qui font que des réseaux parais-
sant jusque-là solides s’effondrent quand des aides extérieures
ne viennent pas combler les déficits internes.
Croire que la microfinance pourrait être très largement rentable
conduit à adopter des stratégies peu compatibles avec l’objectif
de réduction des inégalités, par laquelle passe nécessairement la
réduction de la pauvreté. La concentration de l’offre de microfi-
nance auprès d’une clientèle solvable, parfois proche de la classe
moyenne, et dans des zones favorables est une stratégie courante.
Les inégalités territoriales de l’offre sont considérables. Au-delà
des inégalités entre continents (concentration extrême en Asie,
développement relatif en Amérique latine et « retard » avéré en
Afrique), les espaces nationaux sont eux aussi marqués par de très
fortes disparités. En Inde, deux États du sud, Andhra Pradesh et
Tamil Nadu, classés parmi les États les plus riches, concentrent
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 341

près des trois quarts de l’offre11. Dans nombre de pays africains


– et c’est particulièrement évident au Bénin12 et au Maroc –, l’offre
se concentre dans les zones à très forte densité urbaine. Les zones
rurales des États les plus pauvres de la République fédérale du
Mexique étaient à ce point délaissées par ces nouveaux inter-
médiaires que l’État fédéral, appuyé par la Banque mondiale,
y a mis en place à partir de 2001 un programme d’appui et de
structuration de services d’intermédiation financière [Arredondo
Casillas, 2001]. Les zones rurales sont désertées alors qu’elles
ont bien plus de pauvres, tandis que certains espaces urbains font
l’objet d’une concurrence intense largement propice, encore une
fois, au surendettement. On pourrait arguer que la concurrence
favorise l’innovation ; hélas, ici encore les préceptes néolibéraux
ne fonctionnent pas. L’innovation existe, c’est certain, et elle est
bel et bien stimulée en partie par la concurrence (mais aussi et
peut-être surtout par le soutien des bailleurs de fonds, rares étant
les organisations de microfinance capables d’assumer les coûts
de l’expérimentation et de l’innovation). Toutefois, dans de trop
nombreux cas, la concurrence se traduit surtout par des méthodes
d’octroi des prêts proches de la vente forcée et des méthodes de
recouvrement des prêts dignes des usuriers les plus féroces.
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L’orientation fortement commerciale des organisations de
microfinance (souvent imposée par les bailleurs de fonds et/ou les
gouvernements en place) provoque parfois des scissions entre les
réseaux de microfinance et les réseaux d’économie solidaire. C’est
le cas par exemple en Bolivie [Hillenkamp-Buscail, à paraître] et
au Maroc. Au final, peu semblent se soucier réellement du sort
des destinataires de ces services microfinanciers. Les articles, les
conférences et les ouvrages se multiplient sur la question du refi-
nancement des institutions de microfinance et de leur accession
aux marchés privés afin d’élargir leur potentiel – cette fameuse
idée du building inclusive financial system. Les plus importantes
d’entre elles embauchent des spécialistes du marketing pour déve-
lopper des campagnes de promotion des prêts et des assurances
en direction de ces pauvres supposés potentiellement rentables.

11. Une thèse de doctorat est en cours sur ces questions d’inégalité territoriale
de l’offre de microfinance [Fouillet, à paraître].
12. Cf. Martinez [à paraître].
342 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

Mais s’inquiète-t-on de façon rigoureuse et systématique de savoir


si les clients sont en mesure d’absorber ces nouveaux prêts ou
ces nouveaux prélèvements ? On a toutes les raisons d’en douter
alors que de telles pratiques mettent en danger la viabilité à moyen
terme des institutions financières.
Il existe des opportunités pour des investisseurs acceptant
des risques élevés et voulant diversifier leurs portefeuilles, des
placements éthiques ou de partage. Et il conviendrait de ce point
de vue qu’une clarification soit faite entre les différents types de
placement et de soutien existant au sein des institutions et leurs
cibles exactes, en particulier en matière de niveau de revenus et
de degré d’exclusion financière. Si seulement un nombre limité
d’organisations de microfinance peuvent être rentables ou finan-
cièrement autonomes et si l’on accepte l’idée que l’inclusion
financière est aujourd’hui une nécessité, il convient d’admettre
que des subventions et des aides au secteur sont nécessaires. On
peut ici tenter une analogie avec les transports en commun urbains
qui sont soutenus par les autorités publiques pour permettre de
satisfaire un besoin jugé essentiel des populations (leur déficit est
programmé et des objectifs de service public leur sont donnés).
Seule la myopie néolibérale donne à penser que l’imputation de
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tous les coûts aux bénéficiaires de certains services est en tout lieu
et en tout temps la panacée. Les subventions sont une nécessité en
matière de santé, d’éducation, de fourniture d’eau potable ou de
moyens de communication. Sauf situation exceptionnelle (tenant
par exemple à une très forte densité), elles le sont aussi pour
fournir aux populations matériellement démunies des services
financiers. Ceux-ci sont devenus indispensables dans un contexte
de financiarisation croissante. Seul un soutien public permettrait
à la microfinance de se développer dans des zones et auprès de
clientèles peu, voire non rentables et d’assurer la coordination des
différents acteurs en vue d’une offre saine et équilibrée.
Toutefois, qu’il s’agisse de fonds privés sous forme de place-
ments ou d’aides, ou qu’il s’agisse de fonds publics, un apport
extérieur n’est certainement pas le plus grand besoin des pays en
développement, contrairement à nombre d’idées reçues sur l’aide
au développement. Une étude menée par le Fonds monétaire
international en 2004 montrait que, sur cinquante-quatre pays afri-
cains, cinquante connaissaient une situation de « surliquidité ».
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 343

La même observation peut être faite dans beaucoup de pays en


développement. Plus que de transferts de fonds du Nord au Sud,
ces pays ont souvent davantage besoin de fonds internationaux et
locaux de garantie encourageant les banques locales à prêter. Le
fonds international de garantie de Genève en est un exemple : y
cohabitent notamment la fondation Soros, des collectivités locales
et des militants issus du coopératisme et du mutualisme helvéti-
ques. Il est possible aussi de citer en ce sens le fonds international
de garantie mis en place par la SIDI13. Il est de la responsabilité
sociale des acteurs financiers de s’interroger sur les effets de cer-
taines formes de financement extérieur. Certaines subventions et
certains placements auraient sans doute une beaucoup plus grande
efficacité dans la lutte contre la pauvreté s’ils s’appuyaient sur
d’autres services que le crédit – sur la mise en place de réseaux
d’épargne, sur la diffusion de services de micro-assurance ou de
transfert de fonds des migrants.

Microfinance et développement « par le bas »

Si la contestation du rôle économique de la microfinance dans


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la lutte contre la pauvreté, ou plus généralement dans la croissance
des revenus, paraît marquer des points et mettre des limites à une
euphorie naïve, il convient tout autant d’interroger la contribution
de la microfinance aux processus démocratiques. Qu’en est-il
donc du développement « par le bas », second argument avancé
par le jury du prix Nobel pour justifier son attribution en 2006
au monde de la microfinance ? En misant sur la « participation »
de leurs client(e)s et sur le principe du prêt collectif « solidaire »,
nombre d’organisations de microcrédit ont bel et bien pour objec-
tif de renforcer les « sociétés civiles » locales. Mais la mise en
pratique est loin d’être automatique.
Un texte du CERISE [2003] revient sur cette vision simpliste
et tord le cou à bon nombre d’idées reçues. Une analyse fine
de quatre institutions de microfinance et de leur évolution dans

13. La Société d’investissement et de développement international a été créée


par le Comité catholique contre la faim en 1983. Elle intervient en microfinance dans
plus d’une vingtaine de pays.
344 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

la durée montre à quel point la mise en œuvre d’un processus


participatif est complexe et par conséquent coûteuse – les écono-
mies escomptées ne sont donc pas toujours celles que l’on croit.
Alors qu’elle est supposée favoriser l’égalité et l’empowerment
des plus démunis, elle peut très facilement reproduire des iné-
galités préexistantes. Faute d’éducation mais aussi de temps, les
pauvres ont bien du mal à s’approprier des règles de gestion de
plus en plus complexes. Ils sont finalement très peu nombreux à
prendre la parole et ils sont exclus, de fait, de la gouvernance des
organismes de microfinance. Les vertus démocratiques du prêt
collectif sont, elles aussi, fort limitées [Guérin et Palier, 2005].
L’auto-organisation ne s’improvise pas. Faute d’accompagne-
ment et de formation, le prêt collectif est surtout un moyen de
faire des économies d’échelle et de garantir les remboursements.
Renforcement des hiérarchies locales, coquilles vides, mani-
pulations diverses : les dérives de ces groupes sont multiples14.
Dans certains pays, en particulier l’Inde, ces mêmes groupes se
voient déléguer un nombre croissant de responsabilités d’intérêt
collectif ou d’intérêt général. Que les pauvres – et a fortiori les
femmes – doivent accepter de multiples responsabilités au nom
de leur « émancipation » est considéré comme allant de soi. Le
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temps passé dans ces activités collectives est considéré comme
gratuit. Délégation de responsabilités signifie rarement délégation
de pouvoirs. La « participation » reste un processus largement
« descendant », impulsé d’en haut et hermétique à toute forme
de spontanéité.
Mais il y a plus inquiétant encore. Dans certains pays, et
le Bangladesh est l’un d’entre eux, le microcrédit ne sert pas
la défense des droits humains fondamentaux : il s’y substitue.
Victimes de l’effet de mode, ou bien pressées par leurs bailleurs,
peu sensibles voire réfractaires à toute perspective réformatrice,
nombre d’organisations militantes et engagées politiquement se
sont progressivement détournées de leur mission première pour
se centrer uniquement sur le microcrédit. L’approche collective
devient surtout un moyen de réduire les dépenses publiques, et
même de détourner l’action et l’attention d’organisations poli-

14. Sur les limites de la caution solidaire et notamment sur ses coûts sociaux,
cf. Montgomery [1996].
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 345

tiques sur des questions considérées comme « neutres » et ne


remettant pas en cause l’ordre existant : on est alors loin d’un
outil au service de l’apprentissage de la démocratie.

Pour conclure

L’usage excessif et naïf de la microfinance, et en particulier


du microcrédit, est surtout le résultat d’un système producteur
de normes autoréférentielles. Et celles-ci finissent par s’imposer
dans l’imaginaire collectif, alors même qu’elles sont absur-
des. Or soutenir de telles affirmations sans mentionner leurs
conditions, c’est insulter ceux et celles qui s’évertuent, sur le
terrain, à lutter sérieusement pour l’inclusion financière du plus
grand nombre. C’est aussi une réelle menace pour la survie
des organisations de microfinance. Obligées de souscrire aux
exigences des bailleurs de fonds, auxquels certains experts ont
prétendu démontrer que tout était possible, elles se lancent dans
des contrats d’objectifs impossibles à respecter. Nombre d’entre
elles sont confrontées à des injonctions contradictoires, tenues à
la fois de répondre à des exigences de rentabilité financière, de
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réduire la pauvreté et de promouvoir le changement social. Ce
discours simpliste n’encourage pas les bailleurs à investir dans
le capital humain et social des organisations de microfinance,
pourtant indispensable à leur efficacité. Il n’encourage pas non
plus les organisations de microfinance à faire preuve de transpa-
rence et à dévoiler leurs difficultés. Le thème du refinancement
bancaire et commercial des organisations, par ailleurs tout à fait
légitime et pertinent quand il est à sa place, en vient à occuper
l’essentiel des débats, occultant notamment une question plus
déterminante pour l’avenir du secteur : celle de la nature des
services offerts. Ces services sont encore très largement ina-
daptés à une demande extrêmement complexe et diversifiée, et
cela vaut tout autant pour la microfinance « commerciale » que
pour celle qui a des objectifs immédiatement sociaux. Pour les
ONG, dénoncer l’absurdité du discours dominant sur la contri-
bution de la microfinance à la lutte contre la pauvreté revient
à se suicider financièrement en voyant s’enfuir les subsides
nécessaires. De ce fait, on ne les entend pas dans le débat. Une
346 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

boucle autoréférentielle s’est créée qui s’auto-entretient ; il


devient urgent d’en sortir.
Par rapport aux programmes antérieurs qui considéraient
les pauvres comme des victimes passives et incapables, faire
confiance même aux plus démunis et aux plus exclus est une
avancée considérable. C’est d’ailleurs probablement ce qui jus-
tifie l’engouement de l’opinion publique pour la microfinance et
l’accueil enthousiaste fait à la nobélisation du professeur Yunus.
Mais cette confiance accordée est très ambiguë : c’est un pari
lancé sur les qualités et la force de chacun et la valorisation de la
personne humaine ; mais c’est aussi le self-help à l’américaine,
où quelques entrepreneurs ont certes fait fortune grâce à la liberté
d’entreprendre, mais côtoient des millions de pauvres sommés
de se prendre en charge car plus personne – ni leur famille ni
l’État – ne peut ou ne veut rien faire pour eux. Dans les pays
développés qui ont adopté des politiques néolibérales depuis une
vingtaine d’années, le taux de la population reconnue comme
pauvre est généralement le double que dans les pays qui ont plus
résisté à de telles politiques. À l’échelle mondiale (en excluant
la Chine de cette mesure), la croissance des produits nationaux
bruts entre 1980 et 2000 a été inférieure de moitié à ce qu’elle
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a été entre 1960 et 1980, alors que dominaient des politiques
interventionnistes. Or le microcrédit est de plus en plus mobilisé
dans une logique néolibérale niant la nécessité des interventions
publiques [Servet, 2006c].
Le microcrédit est devenu une mode parmi nombre de ceux
qui naguère soutenaient les politiques macro-économiques d’ajus-
tement structurel15 (avouant ainsi les échecs de ces politiques
– Isserles, 2003). Cet engouement pour le microcrédit a le mérite
d’attirer l’attention des autorités publiques et des institutions
financières sur le besoin de services financiers des populations
les plus pauvres. Fort heureusement, aujourd’hui, la microfinance
ne se limite pas au microcrédit ; une épargne en sécurité est sou-
vent un service plus important que le crédit ; l’organisation des

15. Weber [2002, 2004] défend la thèse d’une « architecture de développement


global » dans laquelle la microfinance permettrait de mettre l’accent sur les processus
de libéralisation et de privatisation. Dans le même ordre d’idées, il est possible de
parler d’un processus de microfinanciarisation.
Le microcrédit au péril du néolibéralisme… 347

transferts financiers des migrants, la micro-assurance se déve-


loppent. Toutefois, là où il y a carence en hôpitaux, dispensaires,
médicaments et médecins, ce n’est pas la micro-assurance qui,
par miracle, va les faire apparaître spontanément sous le simple
effet de la demande. Pour assurer les transferts financiers des
migrants, il faut une sécurité forte dans les transferts d’infor-
mation et de fonds. Proposer des services qui fonctionnent très
mal ou qui n’existent pas est plus une source de dysfonctionne-
ment que d’efficacité. Les besoins en éducation primaire et en
alphabétisation des adultes, en soins de santé et en prévention
des risques, en eau potable, en réseaux d’épuration et de com-
munication sont, pour les plus pauvres, plus urgents à satisfaire
que la diffusion à grande échelle de petits prêts. Le microcrédit
ne peut à court terme solvabiliser les besoins des plus démunis,
et cinquante ans de politiques de développement et un quart de
siècle d’accroissement des inégalités économiques ont rendu
caduques les leçons d’économie qui laissent croire que l’iné-
galité croissante des revenus et de la propriété est la condition
première d’une croissance globale des revenus. Une politique
volontariste de lutte contre la pauvreté et les inégalités ne peut
s’appuyer exclusivement sur un outil microfinancier. Le battage
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médiatique auquel nous assistons aujourd’hui est peut-être une
occasion unique de retourner vers les clients, de leur donner la
parole, de prendre conscience que la priorité n’est peut-être pas
de « placer du crédit » auprès des pauvres, mais qu’ils ont d’abord
besoin de se nourrir, de se soigner, et que, pour cela, il faut de
l’emploi, des rémunérations et de la formation. Une véritable
réflexion sur la microfinance ne peut se faire au final qu’à partir
d’une approche compréhensive, c’est-à-dire en s’intéressant au
sens que chaque acteur donne à sa propre conduite et non au sens
que l’on aimerait bien lui attribuer.
Ce ne sont pas les efforts de Muhammad Yunus qui sont
en cause : les pauvres plus que quiconque ont besoin de ser-
vices financiers diversifiés. La microfinance peut être un filet
de sécurité pour les plus démunis, mais le microcrédit ne peut
qu’exceptionnellement être un facteur de croissance. Nombre
de « banquiers aux pieds nus » méritent notre admiration. Mais
contrairement à ce que certains imaginent, ils n’appartiennent
pas tous à l’économie sociale et solidaire. Loin s’en faut. En
348 Avec Karl Polanyi, contre la société du tout-marchand

matière de microcrédit, le néolibéralisme présente deux visages :


celui, souriant, de Muhammed Yunus – qui s’est déclaré, après sa
nobélisation, candidat à la présidence du Bangladesh – et celui,
moins affable, de ces nouveaux usuriers dont des universitaires,
des experts, des financiers ou des journalistes se font – par igno-
rance ou par collusion d’intérêts – les avocats. Il est urgent de
distinguer clairement le bon grain de l’ivraie.

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© La Découverte | Téléchargé le 07/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)

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