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Mondialisation et pauvreté

Guillaume Lamy
Dans Regards croisés sur l'économie 2008/2 (n° 4), pages 95 à 96
Éditions La Découverte
ISSN 1956-7413
ISBN 9782707156273
DOI 10.3917/rce.004.0095
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Mondialisation et pauvreté 95

Mondialisation et pauvreté
Guillaume Lamy (RCE)

L a mondialisation des échanges permet-elle de réduire le niveau


absolu de pauvreté dans un pays ? Depuis la démonstration par David
Ricardo en 1817 du principe de l’avantage comparatif, le débat fait rage
entre les économistes.
Selon cette théorie, bénéficient du libre-échange tous les pays qui se spé-
cialisent dans la production pour laquelle ils disposent de la productivité
la plus élevée, relativement à leurs partenaires.
Seule la comparaison des productivités relatives importe, et il n’est donc
nul besoin pour un pays d’avoir un avantage absolu dans l’une ou plusieurs
des différentes productions pour tirer parti de la participation à l’échange.
Utilisée par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1990 pour
promouvoir l’ouverture commerciale des pays pauvres, cette « loi des
avantages comparatifs » est aujourd’hui invoquée par des économistes
comme Gregory Mankiw, Douglas Irwin ou encore Alan Greenspan pour
appuyer des politiques de redistribution des surplus de l’échange, des
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groupes « gagnants » vers les groupes « perdants ».
En vertu du dogme selon lequel le commerce accroît de toute façon la
« taille du gâteau », la pauvreté qui suit parfois l’ouverture commerciale est
ainsi considérée comme un phénomène simplement relatif (le résultat de
distorsions), rarement comme une perte nette de richesse induite par les
variations des termes de l’échange.
Or, à l’intérieur même du paradigme ouvert par la théorie des avantages
comparatifs de Ricardo, quelques voix (Jagdish Bhagwati, Paul Samuel-
Regards croisés sur l’économie n° 4 – 2008 © La Découverte

son) se sont élevées pour nuancer les atouts supposés du libre-échange.


Leurs critiques s’appuient justement sur une analyse des relations entre
progrès technique et termes de l’échange ; la méthode consiste moins à
comparer l’état de libre-échange à la situation d’autarcie, mais plutôt une
situation de libre-échange avant et après une innovation technologique
touchant un bien échangé.
Jagdish Bhagwati a ainsi montré en 1958 la possibilité d’une croissance
paradoxalement « appauvrissante » dans les pays assez grands pour que
les variations de leurs exportations aient un impact sur les prix mondiaux
(comme la Chine, l’Inde ou le Brésil).
96 Pour en finir avec la pauvreté

Le principe est le suivant : un accroissement des exportations du bien pour


lequel le pays a un avantage comparatif, favorisé par exemple par un progrès
technologique dans ce secteur, conduit à une baisse du prix mondial du bien
exporté. Sous certaines conditions (notamment une faible élasticité-prix de
la demande, car le prix du bien est alors déterminé par l’offre), la hausse de la
production entraîne une dégradation des termes de l’échange, qui se traduit
par une perte de revenu. Lorsque cette perte de revenu n’est pas compensée par
la hausse des ventes, le pays s’appauvrit – tout en produisant davantage…
Dans un article de 2004, Paul Samuelson propose un autre type de cri-
tique de la thèse des gains systématiques à l’échange, dont il a pourtant
longtemps été l’un des principaux défenseurs.
Il s’appuie pour cela sur le modèle ricardien classique d’une économie
mondiale fictive à deux biens (1 et 2) et deux pays (la Chine et les États-Unis).
Les productivités relatives permettent de déterminer le secteur de spéciali-
sation-exportation de chaque pays (disons : secteur 1 pour les États-Unis,
secteur 2 pour la Chine).
Une progression de la productivité chinoise dans le secteur 1 conduit, si elle
est suffisamment importante pour retirer aux États-Unis leur avantage com-
paratif antérieur, à une perte nette de richesse pour les États-Unis, alors même
que le revenu global s’accroît. À la différence du modèle de la « croissance
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appauvrissante », le gain de productivité ne concerne donc pas ici le secteur 2
(pour lequel la Chine est supposée avoir ex ante un avantage comparatif).
Selon Samuelson, cette conclusion résiste à la plupart des perfectionne-
ments théoriques apportés par les modèles ultérieurs d’inspiration néo-
classique, comme l’extension à N biens et M pays, l’introduction du com-
merce multi-facteurs de Heckscher et Ohlin, et l’hypothèse d’une libre
circulation des capitaux.
Le modèle permet notamment d’expliquer l’impact potentiellement néga-
tif pour les pays développés des transferts de technologie vers les pays en Regards croisés sur l’économie n° 4 – 2008 © La Découverte

développement. Cependant, du fait de la symétrie des gains de productivité


et de leur impact globalement positif, Samuelson (tout comme Bhagwati)
se refuse à préconiser un retour, même partiel, au protectionnisme.

Bibliographie
Samuelson Paul A., 2004, « Where Ricardo and Mill Rebut and Confirm
Arguments of Mainstream Economists Supporting Globalization »,
Journal of Economic Perspectives, vol. 18, n° 3.
Bhagwati Jagdish , 2005, Éloge du libre-échange, Éditions d’Organisation,
Paris.

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