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339. 12
LE CONCEPT DE PAUVRETE :
LES DIVERSES FACETTES INSTITUTIONNELLES DE LA PAUVRETE OU LES
DIFFERENTES NATURALISATIONS DE CE CONCEPT •
•
par Paul Grell et Anne Wery -
Université Catholique de Louvain
SOMMAIRE
Conclusion. p. 25.
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LE CONCEPT DE PAUVRETE :
LES DIVERSES FACETTES INSTITUTIONNELLES DE LA PAUVRETE OU LES
DIFFERENTES NATURALISATIONS DE CE CONCEPT.
par Paul Grell et Anne Wery-
Université Catholique de Louvain.
insertion dans un nouveau réseau de relations et dans une réalité © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
nouvelle (un nouvel institué).
(1) Ce qui suit fut développé par un des auteurs de ce texte dans un
ouvrage récent : P.GRELL, L'organisation de l'assistance publique,
Ed. Contradictions, Bruxelles, 1976, 252 p.
(2) Cette piété apparente ne cache assez souvent que le désir d'éva-
sion, ou la pratique d'une mendicité vagabonde. Certains de ces
voyages sont même imposés comme peine judiciaire. Cf. A. COPIN,
"L'assistance publique au Moyen Age", in Crédit Communal de Bel-
gique, avril 1961, n° 56, p.69.
C.H. n° 771 5.
En fait l'Ancien Régime considère comme pauvres ceux qui sont sim-
plement susceptibles de le devenir, c'est-à-dire le menu peuple.
Cette classe pauvre ne possède que la ressource de son travaLl et në
peut plus compter sur les liens traditionnels de solidarité rurale
pour subsister. Elle constitue la classe de ceux qui au moindre acci-
dent sont menacés très vite par la pauvreté. Elle rassemble les can-
didats à la pauvreté, ou, comme on dit, la masse des "paupérisables".
Mais cette masse n'est pas considérée comme un tout homogène, car le
vocabulaire y distingue les mendiants et les vagabonds. Cette typolo-
gie se base sur un triple clivage. Le premier se fait par rapport au
travail et définit ceux qui en dépendent (les pauvres) de ceux qui n'en
dépendent pas. Parmi ceux qui n'ont que leur travail pour vivre,
s'élaborent les deux autres clivages. L'un se fait par rapport à des
conditions d'ordre économique et définit celui qui ne trouve pas de
travail, c'est-à-dire le mendiant. L'autre se fonde sur l'ordre mo-
ral et définit juridiquement le délit de vagabondage.
"Le mendiant est non seulement priv• de tous revenus, mais r'duit
à un tel point de misère qu'il ne peut gagner sa vie de son travail,
encore qu'il le d'sirait, soit qu'il en soit empêch' par infirmit's et
maladies, soit par manquement d'emplois •tant en pleine santé et ayant
une industrie suffisante si elle •tait mise en besogne" (1).
véritable classe de mendiants professionnels et de vagabonds (5). Mais © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
ce vagabondange et cette mendicité qu'une dispensation désordonnée
des secours favorisait, furent très aggravés par la perturbation qui
affecta l'économie urbaine au cours du XVe siècle.
(1) Dès que le pauvre perdait son travail, l'alternative qui se présen-
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tait à lui était la mendicité (parfois le vagabondage) puisque, n'a- © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
yant aucune réserve, c'était ce à quoi il était immédiatement con-
traint en attendant de retrouver sa place dans le processus de tra-
vail. D'ailleurs, il n'en était probablement pas à sa prem1ere ex-
pé~ience de mendicité; déjà tout jeune, il en avait acquis la prati-
que : beaucoup de pauvres envoyaient en effet leurs enfants mendier,
alors qu'eux-mêmes n'étaient pas forcément mendiants.
(2) L. LALLEMAND, Histoire de la charité, Tome IV, Librairie Alphonse
P i car d , Pari s, 1 9 1 0 , p • 2 0 7 .
(3) Cf. d'utiles remarques à cet égard in L. CAHEN, "Les idées charita-
bles à Paris au XVIIe et au XVIIIe siècles d'après les règlements
des compagnies paroissiale~~ 'Revue d'histoire moderne et contempo-
raine, 1900, tome II, p.13,
(4) J.P. GUTTON, op.cit., p. 12o
(5) Il s'agit de celles qui sont progressivement appréhendées comme
étant un "danger social". Cf. P. GRELL, ~it., p. 62 et suivantes.
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qui ne d•pendent que du moment~ et qui dispa~aissent avea Za même © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
faaiZit• qu'iZs se sont mont~•s ; des hommes enfin qui ne tiennent à
~ien~ qui n'ont auaune p~op~i4t•~ et qui fuient avea Za ~apidit4 de
Z'4aZai~ pou~ se soust~ai~e à Za ~eahe~ahe de Za justiae" (5).
"Tentation qui est plus grande encore pour des adolescents~ appren-
tis ou servantes~ qui cherchent dans une fugue un remède à leur dure
condition. Lorsque quelques larcins auront précédé la fugue~ le retour
sera bien diffiaile et les liens avec le mattre~ peut-être avec la
famille~ seront rompus" (1).
"On sait combien le mot est riche de sens à l'époque moderne. De- © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
puis 1585 environ le terme désigne celui qui entend se libérer de
toute religion pour donner à l'existence humaine un sens uniquement
terrestre. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle le mot devient aussi
synonyme de débauche. Mais lorsqu'il est appliqué aux vagabonds - ce
que l'on constate essentiellement à partir des années 1600- il a la ·
plupart du temps un sens beaucoup plus large. C'est celui qui refuse
toute contrainte sociale" (5).
(1) J. SMITH, Memoirs of Wool (1747); cité par E.P. THOMPSON, The making
of the english working class, New York, Random House, 1963, p. 277.
(2) Et l'auteur d'ajouter :"Loin d'ltre 'une inversion déraisonnable
des lois du aomportement éaonomique rationneZ', une aourbe d'offre
de travail à pente négative est un phénomène des plus naturels tant
que l'ouvrier aontrôZe Z'offre de travail". S.A. MARGLIN, "Origines
et fonctions de la parcellisation des tâches", in A. GORZ, Critique
de la division du travail, Paris, Seuil, 1973, p. 71.
(3) Dr BURGGRAEVE, op.cit.; cité par J. NEUVILLE, La condition ouvriêre
au XI Xe s i è c 1 e , tome 1 , Br u·x e 11 e s , E d • Vi e 0 uv r i ère , 1 9 7 6 , p • 1 7 1.
(4) Cf. B.S. CHLEPNER, Cent ans d'histoire sociale en Belgique, Bruxelles
Editions de l'Université de Bruxelles, 1956, p.24. Ce n 1 est que vers
1869 que l'application de cet article fut complètement abandonnéé.
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retenu par le patron, il ne peut qès lors gagner sa vie. Moyen de © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
contrôle et de pression abusive, le livret permettait notamment de
se rendre compte quand et dans quelles circonstances l'ouvrier avait
quitt~ son emploi pr~c~dent. B.S. CHLEPNER, op.cit., p.23.
(3) De plus, et ceci paraîtra même peut-être plus extraordinaire, le
d~cret de 1809 stipulait ce qui suit dans son article premier, en
des termes qui m~ritent d'être reproduits : "En auaun aas, Zes ahefs
d'atelier, Zes aontremattres, Zes teinturiers ou Zes ouvriers ne
• seront égaux en nombre aux marahands-fabriaants; aeux-ai auront tou-
jours dans Ze aonseiZ, un membre de pZus que Zes ahefs d'atelier,
Zes aontre-mattres, Zes teinturiers ou Zes ouvriers".Cf.B.S. CHLEP-
NER, op.cit., p.25.
(4) Dans ce contexte, on comprend mieux ~galement la pr~dilection du
capitalisme pour le travail des enfants. Il pouvait les ~duquer
plus rapidement et leur imprimer plus profond~ment la discipline
de fabrique.
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"Dans notre sièale 3 Za aharité ne peut plus être cette femme aveugle
qui verse sans aompter Z'or aux mains des misérables. Trop de cet or
se perd et tombe en mauvaises mains 3 trop de cet or alimente Za paresse
et Ze viae. La charité doit être intelligente. L'assistance par le
travail sage et raisonné 3 parae qu'elZe est un point d'arrêt sur Za rou-
te qui conduit au paupérisme 3 qu'elZe permet de distinguer Ze misérable
digne de pitié du parasite punissabZe 3 qu'elZe donne occasion de sau-
ver le premier, de ahâtier Ze second, constitue l'un des plus beaux
côt•s de l'organisation de Za charité moderne, aherahant à réaliser.
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(1) Ce sont les faibles par excellence. Comme ils représentent l'ave-
nir, il importe de les secourir de telle manière qu'arrivés à
l'âge d'homme, ils se suffisent à eux-mêmes et travaillent pour
vivre., Ibidem, p. 257.
(2) Ibidem, p. 263.
(3) Ibidem, p. 95. Les causes de cette indigence sont multiples.
Il y a d'une part l'absence de profession, d'aptitudes, d'instruc-
a tion, etc. D'autre part, il y a le chômage périodique, provoqué
par les saisons, les marchés, etc. Enfin, il y a les conflits, les
grèves, les crises ••• qui provoquent un chômage temporaire. Pour
plus de détails, cf.p.281-282.
(4) C. VAN OVERBERGH, op.cit., p. 312-313.
(5) L'école professionne~et l'école ménagère sont considérées comme
les deux plus puissants adversaires du paupérisme. "L'ouvrier qui
sait son m~tier et le p~tique avea amour ne trouvera le bonheur que
dans son exeraiae. La femme qui sait diriger son économie dome~tique
se platt ahez elZe et ne songe qu'à l'amélioration de son foyer".
Ibidem, p. 260.
(6) Ibidem, p.96.
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(1) "c'est ainsi que la aoupuPe a été sans aesse Peproduite et réintro-
duite entre le pPolétaPiat et le monde non-pPolétaPisé parae qu'on
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pensait que Ze aontaat entPe l'un et l'autre était un dangereux © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
ferment d'émeutes".M~ Foucault, Table Ronde, Esprit, numéro spé-
cial - édition revue et augmentée, avril-mai -1972:-p. 128.
(2) F.F. PIVEN ET R.A. CLOWARD, Regulating the Poor. The Functions of
Public Welfare, London, Tavistock publications,1972,p.22.
(3) P.BONENFANT, "Hôpitaux et bienfaisance publique dans les anciens
Pays-Bas des origines à la fin du XVIIIe siècle", in Annales de la
Société Belge d'Histoire des Hôpitaux, 1965, n° 3, p. 153.
(4) de ·watteville écrit cette condamnation sévère: "Depuis soixante ans
• que l'administPation de l'Assistance publique à domiaiZe exerae son
initiative~ on n'a jamais vu un indigent PetiPé de la misèPe et pou-
vant subveniP à ses besoins paP les moyens et à Z'aide de ae mode
de ahaPité; au aontPaiPe~ elle constitue souvent Ze paupérisme à
l'état héréditaire".Cité parC. VAN OVERBERGH, op.cit.,p.304-305.
(5) Le "rentier de la bienfaisance"se contente du secours de l'assistan-
ce. Il ne cherche plus et bien souvent ne veut plus travailler.
"Le chômage d'un ou deux jours par semaine s'implante dans les
moeurs, d'année en année le mal s'aggrave". C. VAN OVERBERGH, op.
cit., p. 305.
C.H. n° 771 21.
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C.H. n° 771 22.
d'une allocation minimale d'existence et d'un niveau de consommation © CRISP | Téléchargé le 04/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)
élémentaire par rapport aux normes existantes (4).
(1) "La ZégisZation soaiaZe protège tes travaiZZeurs~ mais pas tous~
seuZement aeux qui ont une aertaine anaienneté et réguZarité dans
Ze travaiZ. De même~ Zes syndiaats~ souvent assoaiés à Z'Etat~ or-
ganisent et défendent pZus faaiZeme~et pZus voZontiers Zes ouvriers
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CONCLUSION.