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Microcrédit : Interview avec le président de

la FNAM
2 avril 2021

Propos recueillis par Hasnaa ELAKKANI

Casablanca – Ahmed Ghazali, président de la Fédération nationale des associations de


microcrédit (FNAM), a accordé une interview à la MAP, dans laquelle il décortique l’impact de
la crise sanitaire sur le secteur du microcrédit au Maroc.

M. Ghazali, également président d’Al Amana Microfinance, a passé en revue les mesures prises
pour soutenir les associations de microcrédit, mettant l’accent sur les différents défis auxquels le
secteur devrait faire face afin de jouer pleinement son rôle dans la lutte contre la pauvreté et le
développement de microentreprises.

1. Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté l’activité du microcrédit au Maroc (encours,


créances en souffrance…) ?
Les Institutions de microfinance (IMF) ont été lourdement impactées par la crise du Covid-19.
Notre secteur a fait face à un choc financier majeur qui a mis en péril sa pérennité.

En effet, au début du confinement, l’activité de déblocage des prêts était à l’arrêt, le taux de
recouvrement était très faible et l’ensemble des IMF étaient et sont toujours particulièrement
vulnérables aux problèmes de trésorerie. Ces tendances se sont amplifiées après la période du
confinement avec une baisse significative du chiffre d’affaires. Cette situation a eu un effet
délétère sur la capacité de nos clients à préserver leurs moyens de subsistance.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler, que notre secteur permet à presque un million de micro-
entreprises (exclues du système financier classique) d’accéder à des services financiers de qualité
à travers une très grande capillarité de notre réseau avec plus de 1.700 agences fixes (dont 40%
dans le rural) et 150 agences mobiles dédiées exclusivement au rural et au rural enclavé.

Ce million d’AGR (activités génératrices de revenus) fait vivre quelque 4 millions de Marocains
et fait travailler des centaines de milliers d’employés. Le secteur est considéré comme un des
premiers employeurs du Maroc avec plus de 8.500 employés dont 50% sont des femmes.

Cette crise a révélé à la fois, l’importance de notre secteur d’activité mais aussi, sa vulnérabilité
compte tenu de la spécificité de ses clients qui ont bénéficié, à titre de rappel, d’un report massif
(Plus de 665.000 dossiers de micro crédit représentant un encours de 6,2 milliards de dirhams
(MMDH) soit 86% de l’encours global du secteur), des remboursements des microcrédits sur
simple demande formulée pour une durée moyenne de 3 mois sans intérêts et sans frais, induisant
un impact négatif sur le produit net de Microcrédit (350 millions de dirhams de manque à
gagner). L’objectif étant d’aider les clients en difficulté afin que les revenus et les emplois ne
soient pas affectés de manière disproportionnée et éviter les cessations d’activité.

2. Comment la FNAM a-t-elle réagi face à cette crise inédite ?

Cette situation exceptionnelle créée par l’épidémie de Covid-19 a appelé de notre part un certain
nombre d’initiatives pour anticiper tous les risques :

– Concertation et échanges entre les membres et entre la FNAM et les autorités de tutelle à
travers des visioconférences avec le ministère de l’Economie, des finances et de la Réforme de
l’administration (MEFRA) et Bank Al-Maghrib (BAM);

– Concertation entre la FNAM et les principaux bailleurs;

– Des lettres officielles ont été envoyées au MEFRA et à BAM pour les tenir informer de notre
situation et pour formuler des demandes claires pour faire face à la crise.

Nous avons mis en place rapidement un plan de sauvetage articulé autour de 3 axes:

– Mettre en place un mécanisme avec l’aide du MEFRA et de BAM pour faciliter la


restructuration massive des crédits avec un additionnel pour relancer l’activité des clients et des
IMF;
– Assurer la liquidité du secteur;

– Prévoir un mécanisme de compensation des pertes d’exploitation des IMF.

3. A quel point les mesures prises par les autorités ont-elles pu juguler les effets de cette
crise sans précédent ?

Dans ce contexte de grande difficulté, lourd de menaces et d’incertitudes, la FNAM a plaidé


l’urgence d’une intervention concertée entre le MEFRA, BAM, les Bailleurs de fonds à vocation
sociale et la FNAM. Il est, d’ores et déjà, évident que cette crise a et aura encore un impact
différent selon le profil des clients et des institutions et selon la nature et la célérité de
l’intervention des autorités de tutelle, des bailleurs et des acteurs. Mais c’est la première fois,
depuis que la microfinance existe, que les perturbations de marché prennent une telle ampleur.

Nous tenons ici à saluer les efforts déployés par les pouvoirs publics pour venir en aide à
l’ensemble des secteurs et des différentes catégories de populations dans le besoin. La tâche est
lourde et délicate. Nous en sommes conscients.

Tout en remerciant le MEFRA pour l’intérêt qu’il porte à notre secteur en général et aussi à
travers la mise en place d’un mécanisme pour faciliter la restructuration massive des crédits avec
un additionnel pour relancer l’activité des clients et des IMF.

Malheureusement, à l’heure actuelle, le secteur manque de visibilité sur l’opérationnalisation des


mesures proposées par la FNAM et déclinées au niveau des différentes lettres adressées au
MEFRA.

La mise en place d’un mécanisme de compensation des impacts financiers du Covid-19 sur les
activités des IMF passe par la prise en charge partielle des intérêts intercalaires sur report des
échéances des crédits au montant de 350 millions de dirhams et par une adaptation du dispositif
du chômage partiel à travers la prise en charge d’une indemnité de 2.000 dirhams pour le
personnel du réseau des agences (6.950 personnes) pour les mois d’avril, mai et juin 2020.

Nous tenons aussi à saluer la très grande mobilisation de BAM à travers des échanges réguliers
(au quotidien) pour assurer un meilleur suivi des doléances et de l’état du secteur. Cela s’est
traduit par :

– La mise en place d’une ligne de refinancement par BAM pour faciliter l’accès des IMF aux
financements à des taux préférentiels;

– L’assouplissement des règles de provisionnement;

– La participation au dispositif pour faciliter la restructuration massive des crédit avec un


additionnel pour relancer l’activité des clients et des IMF.
4. Quand est-ce qu’on peut parler d’une reprise du secteur ?

On espère le plutôt possible. Malheureusement, C’est le Covid-19 et maintenant les nouveaux


variants qui sont les maîtres du temps. On espère aussi que notre pays va avoir suffisamment de
vaccins pour arriver à une immunité collective le plus rapidement possible.

5. En dehors de la crise du Covid, quels sont les défis que le secteur doit relever pour qu’il
puisse jouer pleinement son rôle notamment dans la lutte contre la pauvreté et l’informel ?

Nous fondons beaucoup d’espoir sur le projet de loi en cours de finalisation. Il est primordial de
mettre en place un environnement institutionnel, concurrentiel et réglementaire, compétitif
permettant aux différents acteurs du secteur d’améliorer leurs performances et de contribuer
efficacement à la réalisation des objectifs de la stratégie du secteur.

Cela passe par la promotion de l’accès au financement pour les ménages à faible revenu et les
micros et petites entreprises à travers la promotion d’un secteur de la microfinance durable et
inclusive.

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