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Pauvreté et exclusion

Des notions toutes relatives


Igor Martinache
Dans Idées économiques et sociales 2013/1 (N° 171), pages 4 à 9
Éditions Réseau Canopé
ISSN 2257-5111
ISBN 9771636569001
DOI 10.3917/idee.171.0004
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dossier I Pauvreté et exclusion

Pauvreté
et exclusion
des notions toutes relatives
En ces temps de crise économique et sociale globale, rien ne paraît plus concret que la
pauvreté. Ses multiples manifestations ne cessent de se rappeler à nous, qu’il s’agisse
des reportages récurrents sur les conséquences des politiques d’austérité, des
mobilisations organisées aux quatre coins du continent européen, ou plus prosaïquement
des femmes, hommes et enfants qui mendient ou sont simplement échoués sur les
trottoirs de nos villes. Il pourrait donc sembler choquant, sinon inacceptable, d’affirmer,
dans un tel contexte, que la pauvreté comme l’exclusion sont en fait des phénomènes
sociaux éminemment relatifs. Cela mérite en effet quelques explications.

Qu’est-ce que la pauvreté ? à fixer un seuil de ressources en dessous duquel on


Igor Martinache, En reprenant la réflexion de Saint-Augustin sur le considère que les groupes d’individus sont « pauvres ».
Prag en SES
à l’université temps, chacun d’entre nous pourrait dire quant à la Ce seuil peut être envisagé de manière purement
de Créteil (94). pauvreté : « Si personne ne me pose la question, je le monétaire, à l’instar du « seuil de pauvreté interna-
sais. Mais si quelqu’un me le demande et que je veuille tional » établi à 1,25 dollar par jour 3 – en tenant
l’expliquer, je ne sais plus 1 . » Ainsi, ce phénomène compte évidemment des parités de pouvoir d’achat –
qui nous paraît a priori si évident est en fait particu- par l’Organisation des Nations unies (Onu) dans ses
lièrement rétif à la définition. Cela tient surtout à la « Objectifs du millénaire pour le développement ».
grande diversité de ses manifestations, mais aussi et
d’abord des contextes dans lesquels il se déploie. Quoi Pauvreté absolue ou relative ?
de commun en effet entre une mère célibataire travail- Reste que la seule dimension monétaire ne
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lant à temps partiel comme caissière dans une grande rend pas compte du niveau de vie réel, et d’autres
surface de Seine-Saint-Denis, une famille appartenant proposent de mesurer la pauvreté absolue de manière
à la caste des dalits (les Intouchables) et vivant dans les plus qualitative, en établissant un panier de biens et
rues de Bombay, des hobos, ces travailleurs journaliers de services jugés nécessaires. Initiée par Benjamin
migrants nord-américains au début du siècle dernier, S. Rowntree en Angleterre au début du siècle dernier,
étudiés par Nels Anderson [1] 2 , ou encore des vaga- cette méthode est encore utilisée de nos jours aux
bonds « sans feu ni lieu » du Moyen Âge ? États-Unis ou au Canada. Elle introduit néanmoins
1 Saint-Augustin,
Bien peu de choses semblent les relier, si ce n’est déjà l’idée que ce niveau de vie minimal pourrait
Les Confessions, livre XI, le même rapport d’incertitude face au lendemain. Et être particulier à une société donnée. Autrement
chapitre xiv.
pourtant, ce n’est pas celui-ci que cherchent géné- dit que la pauvreté se traduirait par une exclusion
2 Les nombres entre ralement à évaluer les statisticiens qui s’efforcent de partielle de la vie sociale, qui elle-même passerait par
crochets renvoient à
la bibliographie en fin d’article. « mesurer » la pauvreté. Ces derniers retiennent en la consommation de certains biens ou services. Car
3 Voir le rapport 2011 sur
réalité, selon les pays et les institutions, différentes au fond, nombre de nos dépenses sont motivées par
les « Objectifs du millénaire mesures de la pauvreté que l’on peut répartir, pour la volonté de ne pas se sentir à l’écart. Subsiste alors
pour le développement »,
à l’adresse : simplifier, en deux catégories : celles qui considèrent le problème de la définition des « besoins » : tout en
www.un.org/fr. Dans le une pauvreté « absolue » et celles qui ne l’envisagent admettant que l’être humain ne peut se contenter
moteur de recherche, tapez
« report2011_goal1.pdf ». que comme « relative ». Les premières consistent ainsi de survivre physiologiquement – et ce même si la

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Pauvreté et exclusion I DOSSIER

malnutrition affecte aujourd’hui plus d’un milliard une exclusion à la participation sociale, alors les
d’individus selon l’Organisation des Nations-Unies plus opulents sont aussi pauvres d’une certaine
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) –, beau- manière, car ils évoluent le plus souvent dans un
coup contestent désormais la fameuse pyramide du milieu volontairement coupé de la grande majorité
psychologue Abraham Maslow qui hiérarchise les de leurs concitoyens – que l’on songe aux habitants
besoins humains et qui demeure encore largement des gated communities qui fleurissent partout et aux
enseignée dans nombre d’écoles de travail social. « ghettos du ghota » mis en évidence par Monique
On retrouve plus clairement encore cette néces- Pinçon-Charlot et Michel Pinçon [3]. Plus encore,
sité de contextualisation avec la définition de la la pauvreté des uns est la condition de la richesse
pauvreté relative. Bien que toujours réduite à la des autres – et réciproquement. C’est notamment
seule dimension monétaire, celle-ci se définit par ce qu’entendait montrer Karl Marx avec la notion de
rapport à un seuil qui varie selon le niveau général classes sociales, qui renvoie à la position relative de
de richesse de la société considérée. En France, leurs membres dans les rapports de production, tout
étaient donc considérés statistiquement comme en distinguant l’appartenance objective à une classe
pauvres ceux dont le revenu était inférieur à 50 % avec la conscience subjective de partager les mêmes

“ La pauvreté residerait dans l’absence


de choix possibles

du revenu médian jusqu’en 2008, date à laquelle il a intérêts matériels. Ce sont notamment ces deux
été relevé à 60 % ainsi que dans la plupart des autres dimensions que les architectes de la nomenclature
pays membres de l’Union e­ uropéenne. Un redres- des catégories socioprofessionnelles à l’Insee se sont
sement qui est tout sauf anecdotique, puisqu’il fait efforcés de prendre en compte [4]. Et c’est pourtant
varier le nombre de « pauvres » ainsi recensés prati- cette idée essentielle à la compréhension des dyna-
quement du simple au double (de 4,8 à 8,6 millions miques du monde social qui tend aujourd’hui à être
pour les données de 2010 4 ). Mais il faut à nouveau éclipsée par la promotion des concepts de pauvreté 4 Voir l’article

se départir du réductionnisme monétaire si bien ou d’exclusion substantialisées [5]. La notion d’ex- « La pauvreté en France »
du 7 septembre 2012
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souligné par de nombreux chercheurs tel Amartya clusion, aujourd’hui pleinement entrée dans le sur le site de l’Observatoire
des Inégalités
Sen, l’un des concepteurs du fameux Indice de déve- langage courant bien qu’elle n’ait été que récem- (www.inegalites.fr),
loppement humain (IDH) adopté par le Programme ment introduite avec la crise des années 1970, est dans l’onglet Revenus
puis dans la rubrique
des Nations unies pour le développement (PNUD). porteuse d’implications aussi profondes que problé- Pauvreté.
Celui-ci a notamment mis au centre de ses travaux la matiques pour l’action sociale [6]. Ce qui rappelle,
notion de « capabilités », que l’on peut approxima- s’il en était besoin, que les enjeux de terminologie
tivement définir comme les actions qu’un individu et de définitions ne sont pas purement spéculatifs car
peut accomplir selon les ressources auxquelles il a ils engagent un certain traitement du phénomène qui
accès [2]. En d’autres termes, la « liberté de choisir est ainsi désigné. En la matière, en substituant le mot
sa vie » ; la pauvreté résidant dans cette perspective d’ordre de la lutte des classes par celui de la lutte
principalement dans l’absence de choix possibles, contre la pauvreté, le langage caritatif et humanitaire
dans la soumission à un déterminisme implacable. adopté par les dirigeants politiques – un « discours
sans adversaire » [7] – tend non seulement à évacuer
Pauvreté contre classes sociales ? à la fois l’existence d’intérêts conflictuels et la ques-
La pauvreté n’a en réalité de sens que si elle est tion des inégalités, mais marque aussi le retour
rapportée à son pendant qu’est la richesse. Notons d’une vision paternaliste du monde social, prompte
cependant que si la pauvreté peut s’entendre comme à discriminer entre « bons » et « mauvais » pauvres

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dossier I Pauvreté et exclusion
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Pauvreté et exclusion I DOSSIER

tout en menaçant la cohésion sociale. Cela s’incarne À partir d’une enquête ethnographique menée à
aussi dans le glissement de sens d’un autre terme, Saint-Brieuc en 1987 auprès de populations prises en
« solidarité ». Alors qu’il désignait pour Durkheim charge par les services sociaux [13], Serge Paugam a
ou des tenants du courant solidariste [8] un état de proposé le concept de « disqualification » en lieu et
fait – celui de l’interdépendance liant les membres place de celui d’exclusion. Il visait en cela à montrer
d’une même société –, il est aujourd’hui communé- le caractère à la fois dynamique, multidimensionnel
ment confondu avec l’idée d’une charité, elle-même et interactif de l’expérience de ceux qui sont ainsi
non dénuée de condescendance. étiquetés comme des « cas sociaux », de même que la
diversité de ses formes. En analysant simultanément
Assistance ou droits sociaux ? leurs trajectoires socioprofessionnelle, familiale,
La pauvreté est ainsi également relative dans un résidentielle et de sociabilité, il en a montré l’étroite
dernier sens, très tôt souligné par Georg Simmel [9] interdépendance et a distingué en particulier trois
qui pensait que ce qui caractérisait les pauvres n’était expériences idéal-typiques, qui peuvent également
pas, en premier lieu, le manque de ressources mais constituer des phases dans une dynamique d’aggrava-
le fait d’être placés dans une relation d’assistance tion : la « fragilité », la « dépendance » et la « rupture ».
vis-à-vis du reste de la société. D’où la nécessité de Quelques années après la parution de la thèse de
s’interroger sur la « régulation des pauvres » [10] Serge Paugam, Robert Castel a brossé une fresque
et ses évolutions. On assiste ainsi aujourd’hui dans magistrale de la constitution de la « société sala-
l’ensemble des pays dits « développés » à la résur- riale » [14], où la condition de salarié a servi de
gence d’un discours de stigmatisation des « assistés » support à l’édification de l’État social, c’est-à-dire
qui accompagne para­doxalement le creusement des à un ensemble de protections collectives contre

“ On assiste aujourd’hui à la résurgence


d’un discours de stigmatisation des « assistés »

inégalités. Celui-ci vient légitimer l’« activation » certains risques de l’existence qui, tels les acci-
des politiques sociales, c’est-à-dire l’exigence crois- dents du travail, pouvaient jusque-là provoquer
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sante de contreparties à l’égard des bénéficiaires de la déchéance brutale des travailleurs et de leurs
diverses allocations (du travail par exemple suivant la proches. Dans son travail, Robert Castel a avancé la
logique du workfare), et qui favorise par suite un recul notion de « désaffiliation » pour désigner la situation
des droits sociaux pour tous en présentant les alloca- de celles et ceux qui échappent progressivement à
taires de droits sociaux comme des « assistés », voire ces dispositifs protecteurs, non sans pointer un
des « profiteurs ». Se rejoue sous d’autres formes processus plus général, à l’œuvre depuis le début des
la partition entre « bons » et « mauvais » pauvres, années 1970, de détricotage de cette société salariale
révélatrice de l’ambivalence du regard sur les plus sous l’impératif, notamment, de « flexibilité ».
démunis, déjà pointé par Bronislaw Geremek dans
l’Europe médiévale [11], ou par Louis Chevalier dans Qui sont les pauvres ?
le Paris du début du xixe siècle [12]. Au-delà des processus de paupérisation, il reste à
Georg Simmel a également mis en évidence le comprendre comment (se) vivent réellement ceux
lien étroit, sinon indissociable, unissant pauvreté et que l’on qualifie, d’une manière ou d’une autre,
travail. C’est ce que vont également mettre en avant, de pauvres. Leur hétérogénéité est à la hauteur
chacun à leur manière, deux autres auteurs contem- du nombre de sociologues qui se sont penchés
porains, insistant également sur la dimension dyna- sur la question – car il ne faut pas oublier que les
mique et processuelle de cette relation. premières enquêtes sociales ont été motivées en

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dossier I Pauvreté et exclusion

Europe au xixe siècle par l’irruption de la « question Quand l’assistance chasse


sociale », ni qu’au siècle suivant, sur l’autre rive de l’État social
l’Atlantique, l’École de Chicago s’est édifiée sur Dans sa contribution à ce dossier, Nicolas Duvoux
les mutations aussi profondes que rapides entraî- revient en détail sur le retour d’une logique d’assistance
nées par la métropolisation brutale de la capitale de qui s’édifie sur le délitement de l’État social, patiem-
l’Illinois [15]. Et ces enquêtes sur le vécu de la pauvreté ment constitué depuis un siècle. Il montre comment le
ont été et restent entourées de nombreuses contro- reflux progressif des droits sociaux se conjugue à une
verses, comme celle portant sur l’existence d’une stigmatisation génératrice d’un ressentiment général
« culture de la pauvreté » [16], et sont aussi plus qui menace profondément le tissu social. Une tendance
fondamentalement encore traversées par une oscil- qui s’incarne aussi dans le phénomène, méconnu
lation récurrente entre les deux écueils symétriques malgré son ampleur, du non-recours aux droits sociaux
du « misérabilisme » et du « populisme » [17]. Les par leurs bénéficiaires potentiels, et dont les coûts
enquêtes ethnographiques révèlent néanmoins les sociaux à moyen terme dépassent de loin les économies
implications complexes et entremêlées de la pauvreté immédiates pour les budgets publics [21].
monétaire et peuvent même en illustrer les évolutions
récentes mieux que tout tableau statistique. À titre Le pauvre, le savant et le politique
d’exemple, citons ici le récent ouvrage de Numa Jacques Rodriguez rappelle pour sa part que la
Murard et Jean-François Laé [18] qui sont retournés France, l’Allemagne et les États-Unis ne sont pas
dans la cité d’Elbeuf où ils avaient déjà enquêté trois les seuls foyers de la sociologie moderne. Celle-
décennies plus tôt pour L’Argent des pauvres. Ils en ci a également émergé au même moment, sinon
révèlent les contradictions, mais aussi l’atomisation qui plus tôt encore, en Angleterre, avec une préoccu-
s’est installée entre voisins de « débine ». Celle-ci est pation particulière pour les phénomènes associés
le résultat de la conjonction d’évolutions politiques, à la pauvreté, à la suite notamment de la fameuse
en matière d’emploi ou de logement notamment, qui « expérience » de Speenhamland, à la charnière des
ont érodé tout sentiment d’appartenance commun xviiie et xixe siècle. Une histoire de la genèse de la

“ Des reflexions radicales nous invitent à nous


demander qui sont les vrais « pauvres »

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et favorisé le développement de la dénonciation, non sociologie anglaise qui rappelle combien la distinc-
pas des nantis, mais avant tout des autres pauvres qui tion entre « science » et « politique » est plus ténue
« ne savent pas se priver », telle cette jeune femme qu’il n’y paraît.
qui « ose » continuer à fumer des cigarettes en paquet
plutôt que des roulées. Individus, risques
La pauvreté envisagée comme sous l’angle du et supports collectifs
« sous-développement » ou de l’« exclusion » ne Dans un entretien qu’il nous a très sympathique-
serait-elle pas, en fin de compte, le sous-produit d’une ment accordé, Robert Castel revient enfin sur son
organisation sociale ayant érigé la croissance effrénée parcours de recherche et l’analyse particulière qu’il
de la production en fin ultime au détriment de toutes a développée tout au long de ces dernières décennies
autres ? Telle était la perspective ouverte, entre autres, concernant la construction puis le détricotage de la
par l’inclassable Ivan Illich [19] ou par son ami Majid « société salariale ». Cette analyse trouverait selon lui
Rahnema [20]. Des réflexions radicales – au sens où son prolongement logique dans une grande fresque
elles reviennent à la racine des choses – qui nous invitent historique de la construction sociale des individus
à nous demander qui sont les vrais « pauvres ». qu’il n’a fait, pour sa part, qu’esquisser.

8 idées économiques et sociales I n° 171 I mars 2013


Pauvreté et exclusion I DOSSIER

Mesurer la pauvreté ? Quelle régulation sociale


Enjeux et questions et économique de la pauvreté ?
Les phénomènes rassemblés sous l’étiquette de Pour compléter ce dossier, [Re]découverte
« pauvreté » sont donc aussi divers que complexes à propose une analyse d’Hélène Périvier qui pointe
saisir, ce qui ne dissuade pas pour autant les institutions, l’évolution des politiques de traitement de la
nationales et internationales, de chercher à la mesurer. pauvreté, en France et aux États-Unis, en lien avec
Ce faisant, elles en promeuvent une définition particu- celle des politiques de l’emploi. Elle met ainsi en
lière qui est tout sauf anodine, puisqu’elle conditionne évidence non seulement les limites des politiques
les politiques publiques spécifiques qui seront ensuite « procycliques » en la matière, mais aussi la contra-
destinées à juguler cette dernière. Tels sont les enjeux diction entre la montée parallèle de la « pauvreté
que souligne Frédérique Houseaux dans la séquence de laborieuse » et celle de l’exigence de contreparties
travaux dirigés qu’elle propose aux collègues et lycéens. en termes de travail de la part de certains allocataires
Une manière de rappeler qu’en cette matière comme en de prestations sociales. Un éclairage malheureuse-
bien d’autres, les certitudes ne sont pas de mise. ment toujours d’une actualité brûlante.

Bibliographie

[1] Anderson N., Le Hobo, sociologie du sans-abri, Paris, Armand Colin, 2011.
[2] Sen A., Éthique et économie et autres essais, Paris, PUF, 2002.
[3] Pinçon M., Pinçon-Charlot M., Les Ghettos du Gotha, Paris, Seuil, 2007.
[4] Desrosières A., Thévenot L., Les Catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte, 2002 [1988].
[5] Pierru E., Spire A., « Le crépuscule des catégories socioprofessionnelles », Revue française de science politique, vol. 58, n° 3, 2008,
p. 457 à 481.
[6] Viguier F., « Pauvreté et exclusion : catégories scientifiques et catégories de l’action sociale », Regards Croisés sur l’Économie, n° 4, 2008.
[7] Aldrin P., « La légitimation de la cause humanitaire : un discours sans adversaires », Mots. Les langages du politique, n° 65, 2001, p. 9 à 27.
[8] Audier S., La Pensée solidariste. Aux sources du modèle social républicain, Paris, PUF, 2010.
[9] Simmel G., Les Pauvres, Paris, PUF, 2011 [1908].
[10] Duvoix N., Paugam S., La Régulation des pauvres, Paris, PUF, 2008.
[11] Geremk B., La Potence ou la Pitié, Paris, Gallimard, 1987.
[12] Chevalier L., Classes laborieuses et classes dangereuses, Paris, Le Livre de poche, 1978 [1958].
[13] Paugam S., La Disqualification sociale, Paris, PUF, 1991.
[14] Castel R., Les Métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995.
[15] Grafmeyer Y., Joseph I., L’École de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Paris, Aubier, 1984.
[16] Lewis O., La Vida : une famille portoricaine dans une culture de pauvreté, Paris, Gallimard, 1983 [1966].
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[17] Grignon C., Passeron J.-C., Le Savant et le Populaire, Paris, Seuil/Gallimard, coll. « Hautes études », 1989.
[18] Laé J.-F., Murard N., Deux générations dans la débine, Paris, Bayard, 2012.
[19] Paquot T., Introduction à Ivan Illich, Paris, La Découverte, 2012.
[20] Rahnema M., Quand la misère chasse la pauvreté, Paris, Actes Sud, 2003.
[21] Odenore, L’Envers de la « fraude sociale ». Le scandale du non-recours aux droits sociaux, Paris, La Découverte, 2012.

Articles de référence utiles

Castel R., « Les pièges de l’exclusion », Lien social et Politiques, n° 34, 1995, p. 13 à 21.
Moreau de Bellaing L., « Économie de la pauvreté et économie de la misère », Socio-anthropologie, n° 7, 2000.
Paugam S., « L’exclusion : genèse d’un paradigme social », Sociétés et représentations, n° 5, 1997, p. 129 à 155.
Schwartz O., « Peut-on parler des classes populaires ? », La Vie des idées, 13 septembre 2011. Saisissez le titre de l’article dans le moteur
de recherche du site www.laviedesidees.fr.

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