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Capital social et développement économique local

Pour une application aux espaces ruraux français


Jean-Marc Callois
Dans Revue d’Économie Régionale & Urbaine 2004/4 (octobre), pages 551 à 577
Éditions Armand Colin
ISSN 0180-7307
DOI 10.3917/reru.044.0551
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Revue dÉonomie Régionale et Urbaine n" 4 [200+1

CAPITAL SOCTAL ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOIIIQUE LOCAL


Pour une application aux espaces ruraux français t

SOCIAL CAPITAL AND LOCAL ECONO1VIIC DEVELOPMENT


An applicaton to French rural areas

par
Jean-Marc CALLOIS
Ingénieur-chercheur
Jean-Marc.Callois @clermont.cemagref.fr

CEMAGREF - Groupement de Clermont-Fenand


24. Avenue des Landais
BP 50085
F .63T'12 AIJBÈRE CEDEX
e,
CESAER (UMR INRA-ENESAD)
26, Boulevard Petitjean
BP 1607
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21036 DIJON CEDEX

Mots-clés : Développement rural, capital social, études de cas.

Key-words : Rural development, social capital, case studies.

Classification JEL : Rl1, Rl2.

* Première version mai 2@4, version révisée juillet 2004.


Je remercie Bertrand SCHMITT, Francis AÛBERT et Christophe DÉPRÉS pour leurs précieux conseils,
ainsi que les deux rapporteurs anonymes dont les remarques ont considérablement contibué à améliorer
cet article. Toutes les erreurs et imperfections restantes me sont imputables.

RERU 2004,IV,pp. 55 l-578


552 Capital social et développement économique local

- INTRODUCTION -

Parmi les nombreux facteurs mis en avant pour expliquer les différences
de trajectoires de développement des pays ou des régions, les relations sociales
ont étÉ récemment remises à l'honneur, notamment à la suite des critiques de plus
en plus vives des approches basées sur la libéralisation et les plans d'ajustement
structurel. La Social Capital Initiative lancée en 1996 par la Banque mondiale a
donné lieu à un foisonnement exceptionnel de littérature théorique et empirique
sur le sujet. En conséquence, ces recherches ont surtout porté sur les pays en voie
de développement, et peu sur les problématiques de développement régional dans
les pays industrialisés. Depuis le début des années 1990 et les travaux fondateurs
de PUTNAM (L993),1'engouement autour de la notion de capital social dans la
littérature anglo-saxonne a fait nalhe I'ambition d'établir une synthèse des liens
entre relations sociales et développement économique. Ces travaux restent
cependant d'une grande hétérogénéité dans les méthodes et les résultats obtenus.

La pensée économique a dans I'ensemble peu intégré les relations sociales


dans ses analyses. La pensée dominante en économie tend à considérer
I'interférence des relations sociales avec les phénomènes économiques comme en
général nuisible à I'efficacité, en I'appréhendant comme une externalité. Adam
SMITH note ainsi que les arangements entre marchands tournent souvent en des
< conspirations contre Ie public >> : les relatons sociales sont donc considérées
essentiellement soit comme un moyen de capter une rente, soit com:ne
affaiblissant les incitations à être efficace. C'est grâce à des individus uniquement
mus par leur intérêt personnel, sans interactons directes, que la richesse des
nations sera la plus grande (1)*. De plus, les méthodes de la microéconomie sont
peu conciliables avec I'inftoduction de relations sociales. Ces dernières sort en
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oure difficiles à quantifier, donc à faire I'objet de tests empiriques. L'économie
industrielle, la théorie de I'agence ou l'économie spatiale étudient bien des
phénomènes en partie assimilables à des relations sociales, mais se focalisent sur
des interactions stratégiques et ne rendent pas compte de la diversité des
comportements réels.

Le rôle des aspects sociologiques dans le développement est depuis


longtemps pris en compte dans les approches du développement << par le bas >>

(bonom-up), apparentées à la philosophie du développement local. Dans la


littérature francophone, surtout à partir des années 1990, plusieurs programmes de
recherche ont intégré ces dimensions dans leurs analyses, en particulier les
travaux sur les milieux innovateurs (MAILLAT et at. r99r) ou les travaux de
Jean-claude PERRIN (1991) sur I'organisation régionale. Mais c'est surtout le
programme de recherche de l'économie des proximités (BELLET et al. 1993) qt;i.
se rapproche le plus dans I'esprit des travaux sur le capital social. L'économie des
proximités s'intéresse implicitement à la façon dont les relations sociales dans
leurs différents contextes, interfèrent avec la valorisation du potentiel de
développement. La classification en proximités organisée, institutonnelle, et

x Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en fin d'article.

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Jean-Marc CALLOIS 553

organisationnelle, correspond en effet à grands taits à différents contextes dans


lesquels I'interaction sociale a lieu : relations personnalisées, paftage de normes,
valeurs ou connaissances, appartenance à une même entité. D'ailleurs, des
développements récents de ce programme de recherche intègrent explicitement
les processus de marché et proposent des tests empiriques du rôle des types de
proximité sur I'activité économique (par exemple MASSARD et al., 20M} La
théorie de la régulation prend également en compte les relations personnalisées
entre agents économiques. Elle se situe principalement à des échelles spatiales
élevées (nations) et sur des périodes longues. Cependanl des travaux récents ont
proposé d'appliquer les outils de la théorie de la régulation pour I'analyse des
dynamiques locales (BENKO et LIPIEIZ, 1995 ; DU TERTRE et aI., 1999 ;
GILLY et PECQUEUR, 2000).

La littérature sur le capital social se différencie des deux programmes de


recherche précédents sur deux points importants. Tout d'abord, elle se focalise
non sur les aspects institutionnels mais sur les aspects sociologiques (densité de
relations sociales, confiance, identité...). Ainsi, la gouvernance d'une région est
supposée découler de la qualité de ses caractéristiques sociologiques.
Deuxièmement, la notion de capital social, centrée sur I'idée de ressource (en
I'occurrence économique) à mobiliser, pennet de cibler directement I'analyse sur
les échecs du marché auxquels les relations sociales peuvent au moins en partie
remédier. Cela permet un rattachement naturel de I'analyse aux problématiques de
recherche classiques en économie.

Le but de cet article est double. D'une part, à partir de la notion de capital
social, il vise à clarifier et à donner une typologie des différents types de
mécanismes pal lesquels les relatons sociales peuvent influer stu le
développement. D'autre pafl, il entend montrer la pertinence de cette typologie
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pour I'analyse des questions de développement rural, et ainsi examiner I'intérêt et
les conditions d'un transfert des résultats de la littérature sur le capital social au
développement rural en pays développé. Après avoir défini la notion de capital
social, la première section présente les mécanismes par lesquels ce dernier agit de
manière positive ou négative sur le développement économique régional. La
deuxième section expose les difficultés méthodologiques que soulève
l'application pratique de cette approche intégratrice à des questions de
développement régional. La troisième section monfte I'intérêt de cette approche
dans l'étude du développement rural, au traverc de divers exemples sur I'espace
rural français.

RERU 2txXJV,pp.55l-s78
554 Capital social et développement économique local

-I-
CAPITAL SOCIAL ET PERFORMANCE ÉCONON,NQTJE :
LE POUR ET LE CONTRB

Le terme << relations sociales >> est extrêmement polysémique. Il englobe


une multitude de rapports, incluant par exemple les relations client-fournisseur,
les relatons hiérarchiques ou d'équipe au sein d'une organisation, les relations
entre concurrents dans une même branche, les relations entre consommateurs qui
s'influencent mutuellement dans leurs choix, ou encore les relations entre
entepreneurs et décideurs politiques... Ces relations peuvent être considérées
conme de nature instfutionnelle, comme la notion de rapport salarial dans la
théorie de la régulation. Mais la littérature sur le capital social avance que les
facteurs sociaux dans leur ensemble peuvent avoir un impact sur les phénomènes
économiques. Par exemple, I'existence d'une identité locale forte, héritée d'un
lointain passé, peut avoir des effets positifs sur les incitations économiques
actuelles. sacrifiant à la popularité actuelle du vocable de < capital social >>, c'est
celui-ci qui sera utilisé dans cet article, malgré son caractère vague et
I'inconvénient qu'il a d'attribuer implicitement un rôle uniquement positif aux
relations sociales (2).

Ce n'est pas le lieu ici de passer en revue les nombreuses définitions du


capital social, qui ne font que montrer son caractère insaisissable (cf. DURLAUF
et FAFCHAMPS, 2004) (3). Ce sera la définition de LIN (2001) qui sera urilisée,
car elle a l'avantage d'être à la fois concrète et complète : << resources embedded
in a social structure, which are accessed/mobilized in purposive actions >>. I.c.
capital social, c'est donc un ensemble de ressources pour des individus (au sens
large: information, biens, services, comportements...), qui sont liées à des
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rapports sociaux. En ce sens, le capital social est forcément positf du point de
vue de I'individu. Mais il n'est pas du tout évident qu'il en soit de même du point
de vue d'entités collectives, notamment de régions. Notons en outre que le
< capital social >> se distingue des << relations sociales >> : ces dernières ont un
attribut de << flux >>, alors que le capital social est un << stock >>. Avoir du capital
social, c'est donc être en mesure de mobiliser des relations sociales à son
avantage.

Cette section vise à analyser la façon dont les relations sociales


interagissent avec les phénomènes de marché, pour déboucher sur une
caractérisation des propriétés du capital social utiles pour le développement
régional. Cette démarche est assez inhabituelle dans la linérature sur le
développement local, mais a I'avantage de mettre en évidence la diversité des
phénomènes à I'ceuvre, dont certains sont partiellement contradictoires. La
première tâche dans I'analyse sera de répertorier les mécanismes par lesquels des
individus ou un groupe social peuvent mobiliser des relations sociales à leur
avantage (1.1.). Ensuite, il convient de rappeler que ces avantages doivent être
comparés aux effets pervers que les relations sociales peuvent engendrer (1.2.).
Nous constaterons alors que la distinction entre liens forts (bonding) et liens
faibles (bridging) est particulièrement pertinente pour donner plus de rigueur à
I'analyse.

RERU 2Oût,ry,pp. ssl-578


Jean-Marc CALLOIS 555

1.1. Le capital social comme facteur de développement

Prenant le contre-pied de la pensée << asociale >> en économie, les travaux

sur le rôle des relations sociales, capitalisées en < capital social >>, dans le
développement, se concentrent surtout sur les avantages que ces relations
confèrent en termes de performance économique. Trois types de mécanismes sont
concernés : la transmission d'informations, les problèmes d'opportunisme, et la
coopération.

1.1.1. Transmission d'informations

Aux exceptions notables des modèles évolutonnistes et de la théorie de


I'agence, la plupart des modèles économiques raisonnent comme si les
informations (ou au moins les informatons relatives à I'instant où sont prises les
décisions) sur les ressources, la technologie et les préférences étaient
connaissance commune. L'hypothèse résulte avant tout de considérations
techniques, et peut êre justifiée dans un grand nombre de cas, notarnment
lorsqu'on s'intéresse à des activités relativement stabilisées au niveau de la
technologie, de la demande, etc. Cependant, lorsqubn s'intéresse à des problèmes
de développement, une telle hypothèse est plus délicate à poser. Se développer
signifie innover, sinon au niveau de la technologie, du moins au niveau des
relations entre acteurs économiques, et dans ce cas, il existe de nombreuses
informations privées qui peuvent nécessiter des investigations cotteuses pour être
obtenues, ou qui diffusent très lentement. La prise en compte du caractère
imparfait de I'information et des modalités de sa transmission est alors essentielle
à la compréhension des phénomènes. Ainsi, les offres d'emploi très spécialisées
sont souvent peu diffrrsées. Les entreprises doivent faire des études de marché
avant de lancer un nouveau produit, pour connaître la demande et la concUnence.
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Les nouveaux procédés de production font l'objet de statégies de proÛection
(confidentialité ou brevets) pour bénéficier au maximum de la quasi-rente
d'innovaton. Ainsi, I'existence de << bonnes > relations peut être un atout crucial
pour un agent économique.

Quelles doivent être les propriétés des relations sociales pour accéder à des
informations utiles ? Tout dépend naturellement du type d'agent concerné et du
type d'avantage recherché. L'intuition suggère que des réseaux denses permettent
une transmission rapide et fiable des informations pertinentes. Les travaux
empiriques et théoriques de GRANOVETIER (1973), puis de BURT (2000)' ont
battu en brèche cette idée simpliste. En réalité, des réseaux denses ont toutes les
chances de transmettre des informations redondantes et plutôt banales. Ce sont au
contraire les liens faibles, non redondants, qui apportent le plus d'information. La
création et I'entretien de liens sociaux étant coûteux, un réseau personnel idéal du
point de vue de I'accès à des informations comprendra donc plutôt des liens tès
diversifiéS, non connectés entre eux, donnant accès à des sources d'information
complémentaires. Il existe toutefois un arbitrage selon la qualité de I'information
souhaitée (CHOLLET,2002). Si les liens sont trop superficiels, la fiabilité et la
précision des informations peut laisser à désirer. Lorsqu'un type d'information tès
précis est souhaité (par exemple dans un projet de R&D), des réseaux forts et
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556 Capital social et développement économique local

denses seront davantage recherchés que des liens dispersés. Aussi, une
transmission efficace d'informations pertinentes nécessite un dosage précis de
contacts forts et fiables, et de contacts plus faibles mais diversifiés.

Dans le cas du développement régional, les exemples concernent surtout


les activités nouvelles, où la demande potentielle et la technologie idoine sont peu
connues. La difficulté à obtenir ce type d'inforrnations est parliculièrement
importante pour les zones périphériques ou à activité traditionnelle en déclin. La
littérature sur les districts insiste particulièrement sur la circulation de
I'infomtation dans les réseaux locaux. Il faut noter que I'avantage informatonnel
peut jouer dans I'autre sens : l'image d'une région auprès de touristes ou de
résidents potentiels peut avoir un impact significatif sur les comportements.

1.1.2. Rfiuction de I'opportunisme

Les relations sociales interviennent dans un type totalement différent de


mécanisme, même s'il peut souvent être ramené à un problème d'information. Il
s'agit des problèmes de risque moral liés au cott souvent prohibitif de
surveillance du respect des contrats passés enffe des parties. La théorie de
I'agence, qui étudie ces problèmes avec les outils de la théorie des jeux et de la
microéconomie, donne des résultas peu conformes à l'expérience. En particulier,
les contrats de travail incitatifs (où la rémunération dépend d'un indicateur de
performance) sont rarement observés, et plus généralement, les contrats sont en
général beaucoup moins complets que la théorie le prédir (BROUSSEAU, 1993).
Des programmes de recherche alternatifs, comme la théorie des coûts de
transaction de WILLIAMSON (2000), expliquent cene situation par un arbitrage
entre différents types de cotts de ftansaction liés à la complexité de rédiger des
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contrats, les différentes incertitudes sur I'environnement décisionnel des agents,
etc.

Le point de vue sociologique ajoute une dimension peu explorée par


l'éconornie néo-institutionnelle. L'appartenance ressentie à une même
communauté foumit des incitations souvent opposées à I'intérêt matériel
immédiat, et va faire tendre les agents à < inûernaliser >> I'externalité négative
qu'un comportement opportuniste aurait sur I'ensemble du groupe social. La
proximité sociale induit donc de la loyauté et de la confiance. Certains auteurs
conrme FUKUYAMA (1995) font d'ailleurs de la confiance le fondement du
capital social. Même indépendamment d'un tel mécanisme purement
psychologique, les relations sociales indirectes permeftent d'assurer un
monitoring efficace du comportement des agents à coût réduit, du moment que
chaque agent est < surveillé >> par au moins l'un des membres du groupe.
COLEMAN (1988) cite I'exemple célèbre du marché des diamants de New-York,
où les marchands se prêtent couramment des diamants entre eux, confiants dans
la cohésion de leur communauté.

Les préconisations en matière de structure des réseaux sont ici très


différentes du point précédent. Ici, plus la cohésion est forte, I'interconnaissance
êlevée, plus le contrôle de I'opportunisme sera efficace. L'exemple typique en

RERU 2004,Iv,pp. 5sl-578


Jean-Marc CALLOIS 557

matière de développement rural est le paternalisme fréquemment observé dans


I'industrie rurale : les ouvriers sont typiquement considérés cornme une main-
d'æuvre stable, loyale (et peu payée), tandis que les employeurs assurent la
stabilité de I'emploi (AUBERT 1997). Ce type particulier de rapport salarial peut
favoriser la pérennité de I'industrie rurale observée en France, mais naturellement,
le maintien de ce type d'industrie traditionnelle peu qualifiée peut être considéré
comme un mode de développement peu durable et peu satisfaisant sur le plan
social. Cette situation tranche avec le cas des systèmes productfs qui ont réussi à
maintenir un potentiel dTnnovation élevé, dont le parangon est le district italien.

1.1.3. Coopération

Le dernier grand type de mécanisme est souvent considéré coûrme relevant


essentiellement des problématiques des pays en développement, dans lesquels les
marchés financiers et d'assurance, ainsi que la législation sur les entreprises,
souffrent de gmves déficiences. Il s'agit des relations d'entraide et de coopération,
qui peuvent concerner de nombreuses activités. Ces relations ont deux fonctions :
réduire I'incertitude (gestion du risque), et produire des biens publics locaux. Il
peut s'agir de mutualiser les risques dans des opérations d'investissement (ex.
tontines), de se cotiser ou de se partager le travail pour la réalisation d'un bien
public local (puits, racteur, hangar de stockage...), ou encore de partager le
matériel ou la main-d'ceuvre en cas de difficulté (panne, commande urgente...).
La littérature sur les districts industriels fart état de relations de ce type, même
dans les pays indusfialisés. Ainsi, les descriptions par BECCATIM (1988) des
districts italiens mettent en évidence des échanges fréquents de main-d'æuvre ou
de travail à façon de manière informelle, pour atténuer les fluctuations d'activité
entre les entreprises. La littérature sur les systèmes productifs localisés a fourni
de multiples autres exemples (cf. par ex. COURLET et PECQUEUR, 1991). Il est
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important de noter que I'existence de coopérations, d'économies externes etc.n ne
signifie pas nécessairement que le consensus préside à la mise en æuvre de ces
coopérations. Au contraire, des désaccords peuvent souvent être source
d'innovation et de meilleure définition de I'intérêt commun. Mais c'est la solidité
de la cohésion qui déterminera si des divergences déboucheront sur w statu quo,
voire un conflit, ou bien sur un compromis mutuellement bénéfique et de
nouvelles perspectives cornmunes.

Une interprétation en termes d'économies de cotts de transaction est


possible, courme au point précédent. Passer par des marchés financiers ou
d'assurance formalisés serait beaucoup plus complexe que de profiter des
possibilités d'entente entre enfrepreneurs. L'entraide peut être vue coûlme un
mécanisme d'assurance informelle lorsque le rendement de I'investissement est
incertain. Une question souvent posée est cependant de savoir pourquoi un
fonctonnement en réseau de petites entreprises concurrentes serait plus efficace
qu'une intégration dans une grande enteprise. La raison avancée est que la
coopération se limite à des domaines bien précis. Il n'est pas question de se faire
de cadeau en matière de commercialisation par exemple. De ce fait, les incitations
à I'effîcacité contnuent à jouer à plein, tandis que les formes de coopération
enhetenues pennettent une réduction substantielle de I'incertitude. Pour mettre en

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558 Capital social et développement économique local

place des relations d'entraide efficace, il faut donc que les réseaux locaux soient
denses, comme dans le cas précédent, mais également que des oppornrnités
extérieures existent, afin de fournir les incitations nécessaires. Les districts réussis
sont donc ceux qui réussissent à capter les effets positifs des relations sociales,
tout en excluant soigneusement les effets négatfs. La sous-secton suivante
rappelle en effet I'ampleur que peuvent prendre les effets pervers des relations
sociales.

Ce passage en revue des principaux avantages conférés par les relations


sociales (cf. tableau 1) fait apparaître un arbitrage qui peut se résumer de la
manière suivante : il faut à la fois une forte cohésion locale et des liens diversifiés
à I'extérieur, pour bénéficier au mieux des avantages potentiels des liens sociaux.
Cette distinction a été développée par Robert PLITNAM (2000), qui utilise les
termes de bonding (< capital social fermé >) et bridging (< capital social ouvert >)
(4). Cette conclusion rejoint les résultats de la littérature sur les clusters et les
petits ntondes : la proximité géographique peut contribuer à l'efficacité, mais ce
sont les liens éloignés (qui confèrent la propriété de small world) qui donnent
accès à la variété des ressources disponibles (ZIMMERMANN, 2002). L'étude
des effets négatifs du capital social va confirmer cette complémentarité ente
bonding et bridging,

Tableau I : Mécanismes positifs du capital social.

Mécanisme Nature des réseaux Propriétés recherchées Exemples


Transrnission Dosage de liens forts Sources variées et Recherche d'emploi
d'informations et faibles selon le type complémentaires, Nouvelles techniques
d'information mais fiables Connaissance des marchés
recherché Imase des résions
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Réduction de Fermés et denses Confiance, loyauté Ardeur au travail
I'onnortunisme 0iens forts) Contrats informels
Coopération Fermés et denses Réduction du risque, Tontines
(liens forts) économies d'échelle Biens publics locaux
externes Partage de ressources

1,2. Quand le capital social est nuisible collectivement ou à long teme

Si les relations sociales peuvent conférer des avantages à ceux qui les
possèdent, elles sont aussi sources d'inefficacités patentes au niveau collectif.
C'est essentiellement I'absence de référence aux mécanismes économiques qui
explique I'oubli fréquent de ces inefficacités dans la littérature sur le capital
social. Les principaux effets négatifs des liens sociaux se résument poru
I'essentiel à un mot : fermeture. Fermeture à la fois dans le sens de manque de
perméabilité au progrès (et difficulté à établir des relations extérieures, même
avantageuses pour tous), de découragement de l'initiative individuelle, et dans le
sens d'exclusion des individus extérieurs au groupe (ou à certains sous-groupes).
PORTES et LANDOLT (1996) proposent une classification tripartite de ces effets
pervers : collusion, réduction des incitations, nivellement par le bas. Une autre
classification est proposée ici, car elle a I'avantage de pouvoir être mise en
parallèle de la classification des effets positifs. Les deux dernières catégories de
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Jean-Marc CALLOIS 559

PORTES et LANDOLT (1996), qui sont très proches, sont agrégées en une seule.
En revanche, une autre catégorie est ajoutée : la limitaton des gains potentiels des
échanges. Nous verrons que ces effets négatifs sont souvent liés à un excès de
bonding.

1.2.1. Limitation des gains potentiels de l'échange

Un fonctionnement << en réseau > peut aboutir à une trop faible diversité
dans les relations économiques (BOWLES et GINTIS, 2002). Un groupe soudé
tend à être trop homogène, tandis que les gains tirés du commerce et de
I'entreprenariat sont au contraire liés à la valorisation de la diversité et des
complémentarités. Ce problème est I'inverse de la vertu de transmission
d'information présentée dans la sous-section précédente. C'est celui de
I'enfermement dans des routines relationnelles : le confort procuré par l'existence
de partenaires privilégiés amène à négliger ou ignorer de nouvelles opportunités.
Ce problème se ramène à I'importance, déjà soulignée en sous-section précédente,
de I'arbitrage entre cohésion locale et liens extérieurs pour I'acquisition
d'informations. Dans le cas du développement de régions en déclin, ce type d'effet
pervers concerne typiquement le maintien d'activités non compétitives, ce qui
produit les conséquences habituelles sur le surplus du consommateur et surtout
entralne un risque de restructuration encore plus douloureuse à plus long terme. Il
peut aussi concerner une main-d'Guvre industrielle captive d'une entreprise
paternaliste.

L.2.2. lncitations inzuffi santes

Le second point correspond à une grande diversité de situations. Dans les


il peut s'agir tout d'abord d'une opposition à toute
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sociétés traditonnelles,
innovation qui pourrait remettre en cause I'ordre social établi. Une autre
caractéristique peut nuire fortement à I'initiative individuelle, à savoir la logique
d'entraide forte qui prévaut souvent dans ces sociétés. Elle est la source d'une
exærnalité positive qui décourage les entrepreneurs potentiels de se lancer dans
un projet dont ils ne recueilleraient qu'une part faible des bénéfices, et favorise les
logiques d'assistanat, menant à une << trappe à pauvreté >. Le phénomène de
nivellement par le bas évoqué par PORTES et LANDOLT est du même type.

Dans les sociétés modemes, la situation typique où des relations sociales


fortes sont défavorables aux incitations est liée à l'existence de relations de
partenariat privilégiées, situaton déjà citée dans le point précédent. Un prestataire
quasiment certain de conserver son <( pool > de clients ne sera pas incité à
accrolre son efficacité par rapport à des concurrents potentiels, et pourra même
se comporter en monopoleur en pratiquant des prix discriminants. Ce problème se
rencontre typiquement dans les relations commerciales public-privé (marchés
publics, délégatons de service public), où le client (le représentant du secteul
public) a parfois lui-même des incitations insuffisantes pour choisir un
fournisseur optimal. Dans le cas du développement rural en pays développé, si la
logique d'assistanat semble peu présente, le problème des incitations insuffisantes
peut concerner les comrnerces locaux, qui peuvent avoir tendance à profiter d'une
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560 Capital social et développement économique local

rente de situation pour appliquer une qualité faible ou des prix élevés. Il s'agit
bien évidemment d'un comportement peu efficace à long terme. Une autre source
d'immobilisme est I'existence d'une culture du consensus trop développée, qui
bien qu'elle favorise la cohésion, peut aussi aboutir à un manque d'innovation et
de renouvellement.

1.2.3. Collusion et discrimination

L'évaluation des avantages et inconvénients économiques des relations


sociales dépend de manière cruciale du système de référence : I'individu, le
groupe social ou la société dans son ensemble. Le risque de < conspiraton contre
le public > dénoncé par Adam SMITH demeure totalement d'actualité, le cas le
plus simple étant la collusion. Le mécanisme bien connu de captation d'une rente
de monopole par un petit groupe, avec une perte sociale sèche, se retrouve dans
de nombreux phénomènes : discrimination outsiders/insiders sur le marché du
travail (entre syndiqués et non syndiqués dans une entreprise, entre statuts stables
et précaircs...), techniques de marketing de différenciation d'un produit (pouvant
même diffuser des informations erronées), etc. Des phénomènes d'exclusion
peuvent également se produire sur la base de critères socio-démographiques ou
ethniques. Il est bien connu que certaines communautés minoritaires ont
davantage de capacités que d'autres à entretenir des réseaux d'entraide,
notamment pour la recherche d'emploi. Ce genre de situation ne génère pas
nécessairement d'effets négaûfs significatifs pour les aures groupes. La situaton
est en revanche potentiellement source d'instabilité sociale et politique lorsque
c'est par exemple une minorité ethnique bien identifiée qui accapare les postes de
pouvoir dans une société.
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Dans le cas du développement rural, ce sont typiquement les signes de
qualité qui sont accusés de correspondre à des stratégies de captage de rente
(naturellement, le problème est beaucoup plus complexe qu'une simple collusion).
En fait, les phénomènes d'exclusion concernent probablement davantage des
aspects sociaux qu'économiques (problèmes d'intégration des nouveaux
arrivants).

Ainsi, pour reprendre la dichotomie bondinglbridging présentée à la sous-


section précédente, les aspects négatifs du capital social concernent surtout
I'aspect bonding, à savoir les liens communautaires forts. Remarquons en oute
qu'il est possible de mettre en parallèle les trois mécanismes négatifs avec les
trois mécanismes positifs (tableau 2).

Tableau 2 : Effets positifs et négatifs du capital social.

Fondement du Mécanismes positifs Mécanismes négatifs


mécanisme
Information Transmission Diversité insuffisante
Incitations individuelles Autocontrôle de l'opportu- Manque d'initiative, nivelle-
nisme ment oar Ie bas
Esprit collectif Gestion informelle du Discri mination ou collusion
risque. biens publics locaux
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Jean-Marc CALLOIS 561

De ce tableau ressortent plusieurs éléments concernant les caractéristiques


< optimales >> des relations sociales pour un développement durable. Pour
optimiser les problèmes d'information, il faut une association équilibrée de liens
diversifiés et de liens forts, pour avoir accès à une information ni top banale
(liens diversifiés), ni trop peu fiable (liens forts). Pour avoir des incitations
individuelles les plus efficaces possible, il faut que soient maintenues des valeurs
< d'internalisation >> des externalités de son comportement, mais que la protection
de I'individu face à I'incertitude soit limitée à des domaines bien précis.
Typiquement, cette limitation est favorisée par une pression extérieure
(concurrence sur les marchés finaux pour les districts italiens, risque d'abandon de
la clientèle pour les commerces locaux). Enfin, pour que I'esprit collectf génère
des mécanismes d'assurance inforrrelle et des biens publics, sans déboucher sur
des relations d'exclusion, il faut que prévale un mélange de valeurs de solidarité et
d'ouverture. Ainsi, I'idée d'arbitrage entre liens locaux forts (bonding) et liens plus
lâches mais diversifiés à I'extérieur (brtdging), est confortée par I'examen des
effets négatifs des relations sociales. On s'attend à une complémentarité à ces
deux types de liens sociaux. C'est pourquoi il apparalt que la notion de < capital
social > doit au minimum distinguer ces deux dimensions, irréductbles I'une à
l'aufe. Les résultats empiriques examinés en section suivante confirment cette
conclusion.

-II-
VERS UNE APPLTCATION À nnS QUESTTONS RÉGIONALES

La classification présentée en section précédente doit être confrontée à la


diversité des situations réelles rencontrées dans les problématiques de
développement régional, et à la difficulté à démêler de manière tranchée la
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contribution propre des phénomènes sociaux dans les études empiriques. Alors
que la section précédente se focalisait sur la façon dont les relations sociales
interfèrent avec les phénomènes économiques, cette section discute le contenu
précis du << capital social >>, censé représenter I'aspect << stock > des liens sociaux.
Elle procède en trois étapes. D'abord, la question des phénomènes à mesurer est
discutée (2.1.). Ensuite, la difficulté à formaliser ces mécanismes est mise en
relation avec la nature des hypothèses à tester (2.2.). Enfin, une revue des
principaux résultats empiriques met en évidence plusieurs lacunes que I'approche
statistique ne permet pas toutes de combler à I'heure actuelle (2.3.).

2.1. Que mesurer ?

La notion de capital social vise à synthétiser les diverses influences des


liens sociaux sur le fonctionnement de l'économie. Mais cette notion se révèle
rapidement problématique, du fait même de la diversité (et des contradictions) des
mécanismes à l'æuwe, coûlme la section précédente I'a montré. Cette sous-
section discute deux difficultés récurrentes dans la définition des phénomènes
précis qu'il convient de mesurer pour évaluer le capital social (5). D'une part,
I'ambiguilé entre phénomènes purement sociologiques (i.e. interactions

RERU 2004,IV,pp. 551-578


562 Capital social et développement économique local

d'individus à individus) et institutions. D'aufte part I'existence de deux types très


différents de mesures : les mesures structurelles et les mesures cognitives.

2.1.1. Relations sociales ou institutions ?

La question doit légitimement être posée des relations entre << théorie du
capital social >> et approches institutionnalistes en économie. Pour Douglas
NORTH (1990),le concept d'institution englobe toutes les règles du jeu de la vie
économique, qu'elles soient formelles ou informelles. Cette définition n'englobe
certes pas les aspects << transmission d'information >> du capital social, mais inclut
quasiment tous les autres. En fait, les travaux théoriques sur le capital social
s'inspirent clairement de l'économie néo-institutionnelle de NORTH, et il y a
fréquemment confusion entre des deux approches (SIRVEN,2AO3} En outre, des
auteurs comme NARAYAN (1999) ont proposé, au prix d'une complication
supplémentaire de la notion de capital social, de distinguer un capital social civil
et un capital social gouvernemental (incluant toutes les institutions formelles).
L'analyse se comptque d'autant plus que capital social civil et gouvernemental
peuvent être selon les cas complémentaires ou substituables pour produire du
développement. PUTNAM (2000), de son côté, voulant sauver << sa > théorie du
capital social, affirme que la << vraie > causalité va des relations sociales vers la
gouvernance, puis de la gouvernance à la performance économique. Mais ses
arguments restent peu convaincants (PONTHIEUX, 2003).

Au-delà des problèmes conceptuels, une question plus troublante est de


savoir si les mesures du capital social utilisées dans les travaux empiriques ne
seraient pas en rêalité des proxies de la qualité des institutions, auquel cas
I'ensemble des raisonnements théoriques sur le rôle crucial des liens sociaux
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seraient sévèrement affaiblis. Des auteurs frès critiques corlme DURLAUF
QmD n'excluent pas cette possibilité, qui reste cependant largement à prouver
(cf. KRISHNA (2001) ou BEVORT (2003) pour des arguments sur la
complémentarité enfte capital social et insttutions). L'étude de cette question
constitue un domaine prometteur de la recherche, comme en térnoigne I'article de
BOWLES et GINTIS (2002), qui compare I'efficacité relative dans différentes
situations de plusieurs formes de gouvernance : marché, intervention publique, et
communauté soudée. ils concluent que I'avantage comparatif de la forme
communautaire est promis à une augmentation dans I'avenit, en raison des
problèmes croissants d'information incomplète (ou difficile à traiter).

En fait, si I'on a à ce jour beaucoup d'études économétriques sur le capital


social et peu sur l'économie néo-institutionnelle à la NORTH, c'est surtout qu'il
est plus facile d'avoir des indicateurs statistiques des relations sociales que de
qualité de la gouvernance. Ce qui ne veut pas dire que les indicateurs de capital
social proposés soient convaincants.

2.1,2. Capital social structurel ou cognitif ?

Les relations sociales se manifestent de manière objective par un réseau


social (capital social structurel), mais aussi, de manière subjective mais souvent
RERU 2004,IV,pp. 55 l-578
Jean-Marc CALLOIS 563

plus profonde, par des normes propices ou non à I'action collective (capital social
cognitif). Dès lors, la question se pose de savoir quel est I'objet d'étude le plus
pertinent : la relation sociale élémentaire, les normes ou bien I'un ou I'autre selon
le contexte ? Un point de vue est-il (tout du moins pour I'analyse des phénomènes
économiques) réductible à I'autre ? Certains se focalisent surtout sur les nonnes
(KNACK et KEEFER, 1997), d'autres sur la structure des liens sociaux (BURT,
2000). La question de savoir s'il vaut mieux mesurer les relations sociales ou les
noflnes est importante du point de vue des validations empiriques. Un modèle
heuristique simple montre que le capital social cognitif (ici les normes de
coopération) et le capital social structurel sont difficilement réductibles I'un à
I'autre. Considérons N agents qui interagissent deux à deux selon un jeu de
dilemme du prisonnier :

Coopère Défection
Coopère k,c) (b.t)
Défection (t.b) (d,d)
Avecb<dccct.

Le jeu est répété, ce qui pennet d'envisager une coopération. Plus


exactement, chaque individu i estime qu'il rencontera I'individu dans le futurj
avec une fréquencej; (variable de < capital social sûucturel >). Supposons pour
saisir I'essentiel de I'argument qu'il n'y ait que deux stratégies possibles : faire
toujours défection oujouer << punition > (c'est-à-dire coopérer au début et tant que
I'autre ne fait pas défection, faire défection éternellement sinon) (6). Alors, si d
est le facteur d'actualisation << punition >> est un équilibre de Nash si : e lQ-0) j;
> (t - c)l(c - d).

Il ressort de cette analyse simple que la seule interaction sociale ne suffit


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pas à garantir la coopération, en d'autres termes que le lien enfre capital social
cognitif et structurel n'est pas mécanique, mais est influencé d'une part par les
gains du jeu, d'autre paft par plusieurs aspects de la psychologie des agents (la
préférence pour le présent et l'aversion au risque). En effet :

- Si le rapport du gain (égoi'ste) à la trahison (t{) au gain à la


coopératon (c-d) est important, la coopération est défavorisée.

- Si la préférence pour le présent est txop forte, il se peut que même pour
une interaction maximale (f6 =I),la condition de coopération ne soit pas remplie.

- Si I'aversion pour le risque est importante (à gains matériels égaux), le


rapport (t-c)l(c-d) tendra à se contracter, rendant plus facile la coopération.

- Si on notef=((1- 011Q.(t-c)l(c-Q la fréquence critique de coopération,


plusf sera élevée, plus << I'espace social > sera segmenté.

En conclusion, la réduction à un seul type de mesure du capital social


semble impossible, du moins dès que I'on compte comparer des environnements
diversifiés. D'après la discussion qui précède, le capital social de type bonding
devrait êne prioritairement mesuré par des indicateurs de rype cognitif. Le

RERU 2004Jv,pp. 551-578


564 Capital social et développement économique local

bridging au contraire, dont le rôle est de faire passer des informations nouvelles et
d'ajouter des incitations à innover, devrait plutôt être représenté par des
indicateurs de type structurel (7). Toutefois, la situation n'est pas aussi tranchée.
Par exemple, la baisse de I'opportunisme (mécanisme de type ,, bonding >) peut
tout autant êre due à une norme sociale de loyauté intériorisée (cognitif) qu'à un
contrôle social fort (structurel). Il semble donc que les deux types de mesures
doivent être pris en compte pour représenter le capital social.

2.2, Quels modèles et hypothèses tester ?


Les mécanismes impliquant les relations sociales étant très divers, il est
peu surprenant qu'aucun modèle formalisé complet représentant le lien entre
structure sociale et performance économique n'ait encore été proposé. En outre, le
problème de I'absence de relation clairement identifiable à ce jour entre structure
sociale et normes de comportement appliquées (loyauté, confiance, enfiaide) a été
noté dans la sous-section précédente. Progresser sur ces questions nécessitera des
travaux importants associant psychologues, sociologues et économistes. À ce
jour, les modèles formalisés reposent donc nécessairement sur des hypothèses
arbitraires, ou n'étudient qu'une partie restreinte des phénomènes pertinents pour
le développement régional.

Cela étant, en raison de I'engouement pour ces questions, les modèles


formels se multiplient. BECKER et MURPHY (2000) et SCHIFF (1999) ont
proposé des modèles de localisation ou de choix de consommation dans lesquels
I'utilité incorpore des externalités sociales. ZAKet KNACK (2001) ont construit
un modèle d'équilibre général dans lequel la confiance est reliée à I'opportunisme
dans les tansactons sur les marchés financiers. Ce modèle a servi de base à un
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test empirique présenté en section suivante. GLAESER et aI. (2O02) ont construit
un modèle d'investissement en capitzl social (analogue dans son principe aux
modèles à la Becker sur le capital humain), qu'ils ont également testé. D'autres
programmes de recherche s'intéressent à une partie plus restreinte du rôle des
relatons sociales sur l'économie. C'est le cas de la littémture sur l'émergence des
comportements de réciprocité (cf. le survey de SETHI et SOMANATHAN,2003)
ou sur I'altruisme (GUTIMAN, 2001). Le caracêre nès absmait de ces travaux
montre la difficulté à modéliser ces situations à I'aide d'outils microéconomiques.
Enfin, la littérature sur la diffusion dinformation dans les réseaux (cf.
COHENDET et a1.,2403) continue à se développer.

Ces tentatives, même très abstraites ou resEeintes à des mécanismes très


spécifiques, sont importantes, car la
formulaton de modèles théoriques
satisfaisants permettrait d'améliorer considérablement la portée des ûavaux de
validation empirique. Ce qui manque surtout à lheure actuelle, c'est un modèle
englobant plusieurs effets différents des relations sociales, et en particulier
incluant les deux arbitrages mis en évidence en section I : celui entre effets
positifs et négatifs, et celui entre bonding et bridging. Le premier type d'arbinage
ferait attendre une relation non linéaire entre capital social et performance
économique. Le second devrait faire apparaître une complémentarité entre

RERU 2004,tv,pp. 551-578


Jean-Marc CAIIO$ 565

bonding et bridging. Mais force est de constater que la littérature empirique s'est
elle aussi encore Eès peu intéressée à ces deux aspects.

23. Des résultats économétriques encore peu clairs au niveau régional

Cette section présente les principaux résultats empiriques à I'appui des


thèses sur le capital social, en les illustrant par les références les plus importantes
dans ce domaine (une revue de littérature bien plus complète se trouve dans
DURLAUF et FAFCHAMPS, 2003). Bien que I'objet de cette section soit le
développement régional, quelques résultats d'études à un niveau très bas
(individu, ménage, village homogène...) sont d'abord présentés, car ils donnent
les résultats les plus convaincants. Les premières études de ce type ont concerné
le succès dans la recherche d'emploi (GRANOVETTER, 1973). L'article
fondateur de COLEMAN (1988) portait sur le rôle du capital social dans le
capital humain. BURT (2000) présente une revue de littérature éændue
corroborant son hypothèse principale, à savoir que l'avantage déterminant dans
les relations sociales vient d'un réseau non redondant et diversifié (donc un fort
bridging). Cette étude est importante, car elle teste explicitement, et avec succès,
la complémentarité entte bonding et bridging. Une autre étude au niveau
individuel est U'ZZI (1996), qui trouve une relation non linéaire entre
perforrnance des firmes dans l'indushie de la confection et intensité des liens
sociaux. Cene étude met donc en évidence I'arbitrage entre effets positfs et
négatifs du capital social.

Avec I'avènement des programmes de recherche dans les PVD soutenus


par la Banque mondiale, des contributions nouvelles sur le rôle des facteurs
sociaux dans le revenu des ménages ont vu le jour. Une des études les plus citées
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est celle de NARAYAN et PRITCI{ETT (1999), qui relie le revenu des ménages
d'une région rurale en Tanzanie à divers indicateurs (confiance, participation à
des organisations volontaires...). Pourtant, même à ce niveau peu agrégé, les
relations de causalité sont déjà difficiles à établir (DURLAUF et FAFCIIAMPS,
2C[/). KRISHNA (2001) insiste en outre sur I'importance des caractéristiques
institutionnelles, en plus des seules relations sociales locales, pour expliquer la
performance de 60 villages indiens. Cet article est particulièrement intéressant,
car ses indicateurs institutionnels mesurent une idée très proche ùt bridging, la
capacité à actionner des relations extérieures au village. Il met donc en évidence
la complémentarité ente bonding eI brtdging discutée en section I.

Ce sont les études à des niveaux régionaux ou nationaux qui présentent le


plus d'enjeux en termes d'implications politiques. Naturellement, ce sont aussi
celles qui présentent les résultats les moins clairs et sont sujettes à la plus vive
polémique. En effet, que le capital social soit une propriété des agents
économiques est relativement facile à accepter, même s'il reste encore de
nombreux problèmes de conceptualisaton et de mesure à résoudre. L'idée
d'attribuer un capital social aux entités collectives, en revanche, pour séduisante
qu'elle soit du point de vue des problèmes de développement, est une proposition
bien plus audacieuse. La quasi absence de modèles théoriques sur cette question

RERU 2@lî,ry,pp. 551-578


566 Capital social et développement économique local
oblige pour I'heure à se rabathe sur les études empiriques de type inductif, qui
foisonnent depuis le milieu des années 1990.

Robert PUTNAM fut le pionnier en la matière, par son travail sur le lien
ente performance des institutions et densité d'associations (indicateur de capital
social) sur les régions italiennes (PUTNAM, 1993), avant de réaliser un travail
similaire sur les Etats des Etats-Unis (PUTNAM, 2000). Ces travaux ne
s'intéressent pas directement à l'économie, mais plutôt à la qualité du système
politique et à divers indicateurs sociaux. TIELLIWELL et PUTNAM (1995) en
revanche, relient des indicateurs de performance institutionnelle et de
participaton civique à la croissance des régions italiennes, et trouvent des
relations positives et statistiquement significatives.

KNACK et KEEFER (1997), puis ZAK et KNACK (2001) ont réalisé un


test de convergence conditionnelle sur 2\,29 puis 41 pays, reliant croissance ou
taux d'investissement d'une part, et indicateur de capital social d'autre part, en
contrôlant par le PIB/hab. initial, un indicateur de capital humain (nombre
d'années d'études), et un indicateur d'indice des prix. Les résultats sont positifs et
statistiquement significatifs lorsque I'indicaûeur de capital social est un indicateur
de confiance. Ils sont non significatifs lorsque I'on prend comme indicateur la
densité d'organisations volontaires (indicaæur utilisé par PUTNAM), confirmant
ainsi le résultat de la sous-section 2.1. selon lequel il n'y a pas de lien
systématique entre capital social structurel (organisations) et cognitif (confiance).
L'étude de RUPASINGHA et aI. (2OA\, dans le même esprit que les deux
travaux précédents, se situe au niveau des comtés américains. Elle met en
évidence un effet positif et significatif de la densité d'associations sur la
croissance.
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COMBES et al. (à paraître en 2005) testent un modèle structurel
d'économie géographique au niveau des départements français, dans lequel le
cott de transport admet une composante sociale en plus de la composante
physique habituelle. Ils supposent en effet que les relations interentreprises et
I'existence des migrations de population induisent une meilleure connaissance des
autres départements de la part des firmes, réduisant ainsi le coût de transport réel.
Les résultats sont statistiquement significatifs, et conduisent à diminuer
significativement l'effet de bordure bien connu en économie intemationale. Ce
travail est intéressant, car à I'inverse des autres études empiriques au niveau
régional qui se limitent à I'aspect bonding, il se focalise sur I'autre composante du
capital social, le bridging.

Ces travaux empiriques à des niveaux aussi agrégés soulèvent de


nombreuses réserves. DURLAUF QOAU présente une série de critiques des
faiblesses méthodologiques de tous les travaux empiriques sur le capital social, en
particulier les problèmes d'endogénéité. L'endogénéité peut avoir deux causes
particulièrement préjudiciables à la validité des résultats empiriques : I'existence
d'une relation réciproque entre performance économique et capital social, et le fait
que ce soit un autre phénomène non mesuré (en I'occurrence les institutions), qui
cause la relation positive observée. Concernant le premier problème, il est

RERU 2004,IV,pp. 551-578


Jean-Marc CALLOIS 567

souvent argumenté qu'en courte période, qui est celle de ces études
économétriques, les caractéristiques sociologiques sont relativement stables. Mais
c'est aussi la comparaison d'unités aussi différentes dans les études au niveau
national et même régional qui pose question. En I'absence d'un modèle théorique
sous-jacent englobant l'essentiel de ces phénomènes, et mettânt en balance les
effets positfs et négatifs du capital social, ces problèmes semblent devoir rester
diffrciles à résoudre. Aussi, les seules études économétriques, malgré quelques
résultats encourageants, sont insuffisantes pour comprendre les phénomènes
réellement à l'æuvre entre relations sociales et développement régional. Un retour
aux approches plus qualitatives, monographiques, s'avère indispensable.

-m-
PROPOSITIONS POUR T]I\E APPLICATION AU DÉVELOPPEMENT
RURAL EN FRANCE

Cette section se propose d'appliquer les idées exposées ci-dessus au


développement rural. Elle montre la pertinence de l'espace rural comme terrain
d'étude, et rappelle que les idées du capital social ont été au moins implicitement
prises en compte dans certaines politiques spécifiques (3.1.). Puis, elle montre
que le cadre d'analyse issu de la section I fournit une grille de lecture utile pour
l'analyse du développement des territoires ruraux (3'2.).

3.1. Capital social et développement rural : une association << naturelle >>

L'importance des relations non marchandes dans I'espace rural est une
caractédstique couramment admise (JAYET, 1996), qui doit sans doute être
relativisée. En effet, les transformations importantes qu'a connues I'agdculture
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depuis 1945 ont totalement bouleversé la vie économique et sociale de certaines
régions (par exemple la Champagne crayeuse). [,es travaux d'Hervé LE BRAS et
Emmanuel TODD (1981) ont montré la grande diversité (et stabilité) des
systèmes sociaux sur le territoire français, notamment I'opposition entre les zones
à famille nucléaire et à famille complexe. Ces éléments ont été repris dans
certains ûavaux sur le rôle des structures anthropologiques familiales sur la
dynamique entreprenariale en zone rurale (MATTEUDI, 1997)- L'idée reçue
d'une forte sociabilité rurale repose néanmoins sur une réalité encore forte, au
moins dans les zones les moins touchées par la modernisation agricole et la
concentration de la production : les liens sociaux et I'identité collective semblent
dans I'ensemble être restés plus forts dans l'espace rural que dans I'espace urbain.

Aussi, certaines visions du développement rural considèrent les relations


sociales comme un <( avantage comparatif > qui pounait être mobilisé pour
développer certaines activités (JAYET, 1996), Les zones rurales seraient peu
dotées en liens diversifiés, mais les liens y seraient forts. Cette vision renvoie à
I'arbitrage bondinglbridging discuté en section I, qui est amené à fluctuer selon
les situations. Classiquement, les domaines dans lesquels les zones rurales sont
censées avoir un avantage comparatif sont les suivants (PERRIER-CORNET,
2001):

RERU 2004,Iv,pp. 55 l-578


568 Capital social et développement économique local

- Agriculture et forêt
- Activités industrielles de faible qualificaton, profitant d'une rnain
d'æuwe captive, relativement docile, acceptant des salaires faibles.
- Tourisme de nature et artisanat typique, incluant souvent des produits
alimentaires.
- Résidence primaire ou secondaire (recherche de calme, d'une vie saine
etc.), y compris des centres de repos ou de soin à destination des retraités...

on pourrait aussi ajouter certaines activités dangereuses et polluantes,


bénéficiant de I'abondance d'espace et de la faible densité de population, mais
naturellement, il s'agit rarement d'une activité souhaitée localement. Les stratégies
de développement rural insistent typiquement surtout sur les deux demiers points,
basés sur la valorisation d'aménités rurales, et sur lesquels des relations sociales
fortes ont potentiellement un grand rôle à jouer. En effet, développer le tourisme
rural, les produits de qualité ou une politique d'accueil nécessite de coordonner
une multitude d'initiatives individuelles (agriculteurs, artisans, communes...), afin
que la région rurale concernée se démarque aux yeux des consommateurs urbains.
C'est à ce stade que jouent les relations sociales. Ainsi, la cohésion locale permet
le lancement de nombreux projets individuels (gltes ruraux, vente de produits
artisanaux, constructon de logements), avec de fortes complémentarités. En
outre, la connaissance des marchés extérieurs pennet de cibler la demande (rôle
important des migrants et des personnalités locales d'envergwe nationale). On
s'attend donc à ce que les régions ayant une forte identité collective (bonding),
mais aussi suffisamment des liens forts à I'extérieur (bridging) aient un avantage
dans la réussite de leur stratégie de développement.

Il est intéressant de noter que deux politiques de développement rural ont


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particulièrement misé sur la capacité à valoriser les relations sociales. Il s'agit
d'une part des programmes d'initiative communautaire Leader, d'autre part de la
politique des pays. Depuis le lancement du PIC LEADER (Liaison Entre Actions
de Développement de l'foonomie Rurale) en 1989, le principe de base est resté le
même. De petites régions rurales se dotent d'une structure de réflexion, un
Groupe d'Action Locale (GAL), incluant politques et acteurs de la vie socio-
économiques. Chaque GAL réalise un diagnostic de son territoire et élabore une
stratégie de développement accompagnée d'une demande de financements pour
des projets précis, auprès des financeurs publics, dont des fonds européens. Dans
I'esprit des concepteurs du programme, la demande de fonds européens, dont
I'enveloppe est modeste, est surtout un prétexte : c'est toute la procédure de
réflexion et de concertation qui y aboutit qui joue le plus grand rôle dans la
mobilisation collective des énergies locales et sa focalisation vers un objectif
commun de développement (8). La politique des pays est basée sur une idée
similaire. Initiée par la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire de 1995,
elle est reprise comme un æ(e majeur de la loi d'orientation pour I'aménagement
durable du territoire de 1999. Elle est basée sur la reconnaissance de territoires
ayant <( une cohérence géographique, culturelle, économique ou sociale >>, qul
formulent un projet commun. Un pays peut aussi bien être urbain que rural,
toutefois, ce sont surtout les zones rurales qui sont visées dans I'esprit de la loi.
L'existence d'une cohérence territoriale est supposée par les autews de la
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Jean-Marc CALLOIS 569

politique ête un facteur éminemment favorable à la mise en æuwe d'une


gouvernance locale efficace, favorable à une dynamique de développement.

Même si la forrrulation des objectifs de ces politiques, ciblée sur la notion


de gouvemance, diff,ère sensiblement des travaux sur le capital social, leurs
principes peuvent être directement relus à la lumière de la grille de lecture du
capital social. Ces politiques insistent cependant surtout, peut-être de manière
démesurée, sw I'aspect bond.ing, sur la cohésion. En effet, ce n'est pas parce que
les liens forts sont un avantage comparatif du rural qu'il faut rejeter les liens à
l'extérieur. Cela dautant plus que comme le montre la sous-section I.2.,I'excès de
bonding sur le bridging était particulièrement propice aux effets négatifs du
capital social (9). L'évaluation de ces politiques assez novatrices d'appui au
développement local est délicate, étant donné le peu de recul dont nous disposons'
La grille d'analyse de la section 1 peut cependant éclairer les décideurs sur la
façon de mobiliser les différents leviers potentiels de développement, par
exemple en veillant à limiter I'effet de collusion possible entre (< notables >>

locaux, ou en insistant sur les effets d'ouverture à I'extérieur.

3.2. Une relecture de quelques monographies sur le développement rural

L'engouement pour les méthodes du développement local a donné lieu à de


nombreuses recherches de terrain. Ces études concernent souvent des régions
entières, comme les travaux déjà cités sur les disficts italiens. La compilation
d'articles éditée par BENKO et LIPIETZ (1992) contient de nombreux autres
exemples, souvent basés sur le paradigme du district marshallien, redécouvert par
BECCATIM. Il semble que c'est en général la difficulté à capter les effets positifs
des relations sociales, en particulier la transmission d'infomtation, qui est cruciale
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dans le devenir d'un système productif localisé. Par exemple, en France, dans le
cas d'Oyonnax (RAVEYRE et SAGLIO, 1984, puis DUPUY et aI.,2OOl), sans
entrer dans les détails de ces études très riches, les auteurs montent que d'un
système fondé sur une articulation efficace enhe concurrence et coopération, la
difficulté à s'adapter à la conjoncture internationale, et en parallèle une
diminution des capacités d'acton collective (système de formation, relations
firmes-employés, relations entre firmes), a conduit le système à une grave crise
dans les années 1980. De même ruSTE CARILLON (1997), dans une étude sur
les SPL en Castilla y Leon, montre que leur fragilité est liée tant à I'incapacité à
s'insérer sur les marchés extérieurs, qu'au manque de coordinaton entre firmes.
Ces études constituent un cas d'école pour I'application des idées sur le capital
social: on y retrouve les principaux avantages du capital social (transmission
d'information, loyauté, entraide, biens publics locaux), ainsi que le caractère
critique du dosage entre bonding et bridging, le second étant souvent insuffisant.
Elles montrent aussi implicitement qu'il est important de ne pas occulter les effets
négatifs des relations sociales (ici, typiquement une forte inertie face au
changement).

Cependant, les systèmes productifs localisés ne constituent pas, loin s'en


faut, la seule voie de développement local. Ainsi, GUERIN et al. (1998),
comparent ftois territoires ruraux français : la vallée de I'Eyrieux, le Diois et la
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570 Capital social et développement économique local

Maurienne. Dans le premier cas, le vit laxgement sur ses


système productif
acquis, il est caractérisé par un certain enfermement, malgré certaines
délocalisations qui n'ont pas à ce jour remis en cause la stabilité globale des
relations entre employeurs et main-d'æuwe. Les auteurs concluent à une fragilité
et au déclin de la région, en raison du manque d'innovation et des fortes barrières
à I'entrée. Dans le Diois, les collectivités publiques comme les initiatives
individuelles ont un rôle dynamique en matière de valorisation des aménités
rurales, cette région étant beaucoup plus ouverte. L'identité et la cohésion locales
sont en construction. Dans la vallée de la Maurienne, on assiste à un
développement impulsé de I'extérieur avec le tourisme de masse, et une faible
initiative locale, rendant difficiles d'aufes perspectves de développement (10).
ces trois monographies semblent à nouveau montrer le caractère crucial des
relations à I'extérieur (bridging) dans le succès durable de ces régions, ainsi que
les difficultés soulevées par la fermeture à I'extérieur, ainsi que certains risques
liés à un bond.ing excessif (immobilisme).

Dans une autre étude, DIRY et al. (2A00) comparent deux petits territoires
du Massif central, assez similaires sur le plan de la géographie physique, mais
aux dynamiques économiques contrastées : I'Aubrac etle Cézalher. Alors que le
second semble s'enfoncer dans le déclin, en l'absence d'initiative et de
coordination locales, le second présente une volonté marquée des firmes de
développer des activités complémentaires (agricoles, touristiques, industrielles
autour du couteau de Laguiole). Cette recherche de complémentarités est
également mise en avant dans l'étude de LACROIX et al (2000) sur la région de
Nyons. Il est intéressant de noter que, dans le cas du couteau de Laguiole, le
savoir-faire a été importé de Thiers (RABUSSON, 2003) pour redonner vie à une
tradition disparue, exemple remarquable de flux d'informations par des relations
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de type bridging.

D'autres études se focalisent davantage sur certains secteurs, en particulier


I'agriculture, la sylviculture ou la pêche. BOIVLES et GINTIS (2002) citent
plusieurs exemples de réussites de petites com:nunautés, des coopératives de
pêche au Japon à celles de contreplaqué dans l'Oregon... DUPUY et FILIPPI
(2000) donnent I'exemple de deux initatives locales sur des produits de qualité
pour illustrer les différents types de proximité: I'AOC Beaufort, et la charcuterie
corse. Ces exemples peuvent également s'analyser comme montrant le contrasûe
ente capacité interne à produire des biens publics (charcuterie corse) ou nécessité
de recourir à un système institutonnel extérieur (Beaufort).

Ces quelques exemples illustrent clairement le dosage subtil entre les


différents mécanismes présentés en section 1., et I'imporlance de tenir compte des
effets négatifs du capital social. Il est essentiel en effet de débrouiller les
différents mécanismes pouvant entrer en jeu dans la réussite économique. Par
exemple, dans le cas des districts italiens, se mêlent des effets purement
marchands (la présence d'une main-d'æuvre qualifiée sur place, I'intégration du
système productifl et des effets sociaux (enfaide, réputation des produits de la
région). La démarche monographique, assez prisée en France a ainsi de nombreux

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Jean-Marc CALLOIS 571

éclairages à apporter sur les processus de développement que les seules


statistiques ne peuvent pas révéler.

. CONCLUSION -

L'intégration des relations sociales dans I'analyse économique présente


d'importants enjeux tant théoriques que pratiques. Si I'importance des liens
sociaux à l'échelon individuel ou pour de petits systèmes homogènes est
maintenant bien établie empiriquement, une généralisation à des unités plus
vastes reste encore à faire. Les mécanismes d'action sont nombreux et parfois
contradictoires. En particulier, le lien enûe relations sociales et institutions
fomrelles reste encore des plus mal compris. Selon les cas, en raison de la
complémentarité de ces mécanismesn c'est une forte densité de liens sociaux ou au
contraire des relations lâches et diversifiées qui seront support de développement.
La difficulté à disposer d'indicateurs fiables mesurant la structure sociale eVou les
nonnes d'une communauté constitue une autre limitation à l'avancée de la
connaissance sur le sujet. Toutefois, des progrès notables ont été accomplis au
cours des dix dernières années, gtâce au foisonnement intellectuel suscité par la
notion de capital social, quelles qu'en soient les limites.

Les zones rurales constituent un terrain de choix pour tester le rôle des
relations sociales. En effet, on y observe deux effets conûadictoires : d'une part
une diminution tendancielle de I'esprit communautaire (considéré comme un
avantage comparatif par les tenants du développement local), mais en parallèle
une hausse des liens avec l'extérieur, notamnent à la faveur de la
périurbanisation. Pour reprendre le vocabulaire de PUTNAM, le 6flange
bondinglbridging, considéré par beaucoup comme une composante critique du
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développement, est en train d'évoluer, en présentant des situations très
contrastées.

L'avancée de la recherche dans ce domaine nécessitera de trouver un bon


dosage enûe les approches monographiques et les approches statistiques, à
I'image des programmes financés par la Banque mondiale dans les pays en
développernent. En effet, s'il est important d'évaluer la généralité des
phénomènes, par delà les inévitables spécificités propres à chaque cas, les
nombreux problèmes statistiques (endogénéité, spécification, qualité des mesures)
limitent les apports d'une démarche purement statistque. Au regard de la revue de
la littérature empirique actuelle, il semble de plus essentiel de s'intéresser
davantage à la composante liens extérieurs ou bridging du capital social, souvent
négligée dans les travaux économétriques. D'autre part, une prise en compte plus
systématique des effets négatfs des relations sociales sur le développement est
nécessaire pour comprendre la diversités des trajectoires d'évolution des
tenitoires.

Connaître les causalités en jeu entre dynamiques économiques et


sociologiques a de toute évidence des implications importantes en matière de
politiques de développement territorial. Il est donc essentiel de poursuivre

RERU 2004,w,pp. 55 l-578


572 Capital social et développement économique local

le travail de validation des premiers résultats encourageants des études


économétriques et monographiques. une autre question importante en matière de
politiques publiques, mais qui n'a pas été abordée dans cet article, est de savoir
dans quelle mesure les politiques peuvent influencer la capacité des relations
sociales à favoriser ou handicaper le développement. Les avis restent partagés sur
la question de la vitesse à laquelle les caractéristiques sociologiques d'une région
peuvent évoluer, mais il semble clair que la modification des normes en vigueur
dans une communauté est une enfteprise tès délicate et hautement aléatoire. En
revanche, il faut rappeler qu'une même configuration sociologique peut être tès
favorable au développement dans certaines situations, ou très défavorable dans
d'autres. ces remarques, si elles montrent bien les limites d'une notion aussi
intégratrice que le capital social, soulignent a cofirarto toute la richesse des
perspectives de recherche et d'applications qu'elle a ouvertes.

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RESUMÉ

Ic rôle des relations sociales dnns le développement économique est dzpuis


longtemps mis en avant par les tenants du dlveloppement locel. Toutefois, il n'existe pas
de ca.dre synthétique perrnettant d'étudier les relations diverses entre phénomènes
économiques et sociaux. LeE travawc récents aulour de la notion de capital social
ambitionnent de combler, au moins partiellement, cette lacune. Dans cet article, nous
présentons les dffirents mécanismes par lesquels les caractéristiques sociologiques
influent sur la peformance économique, avant de montrer la pertinence de cene grille
de lecture pour l'étude du développement rural.

SUMMARV
The role of social relationships in economic development has been emphasized
for a long time in local developrnent literature. However, there is yet no synthetic
framzwork to analyse the vaious relationships between ecorwmic and sociological
phenomcna. Recent worlcs of the social capital literature seek to fill - at least partially -
that gap. In this article, we present the dffirent mechanisms by which sociological
features influence economic performance, before showing the relevance of this
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framzwork for rural development studies.

NOTFS

(l) Réduire la pensée de SMITH à cette seule assertion serait bien évidemment négliger toute la subtilité
et la profondeur de ses analyses. C'est néanmoins un des messages principaux qui fut retenu de son æuvre,

(2) Un débat important a concerné la légitimité de I'emploi du terme ( capital >. Pour certains auteurs,
certainqs propriétés des relations sociales sont assimilables à des ressources, qui font lbbjet d'un
investissement, se déprécient avec le temps, et à ce titre méritent I'appellation de capital. La tentation est
alors grande de postuler I'existence d'une grandeur abstraite résumant l'avantage mobilisable par les agents
ou les groupes du fait de leurs relations sociales. A supposer que cette grandeur, le capital social, puisse
effectivement être définie, elle présente cependant deux propriétés particulières. D'abord, on ne peut lui
attribuer un prix de marché (bien que certains travaux, comme BALLET et MAHIEU (2003) proposent de
mesurer le capital social par les transferts monétaires entre individus). Cette propriété explique la
difficulté à mesurer le capital social, tout comme le fait que le capital social puisse être utilisé de manière
totalement contre-productive dans certains cas (ex. la mafia), alors que les autres capitaux sont utilisés de
manière productive en situation de concurrence. Deuxième propriété, le capital social, s'il existe,
représente seulement un potentiel qui peut n'être mobilisable que dans des circonstances très particulières.
Aussi, l'appellation < capital social > est problématique et assez trompeuse.

(3) Nous ne referons donc pas non plus l'historique de l'intérêt de cette notion, et passerons notamment
sous silence les apports essentiels de Pierre BOURDIEU et James COLEMAN dans son émergence. Une
revue récente et rès complète de ces contributions fondatrices (et des travaux contemporains) se trouve
dans PONTHIEUX (2003).

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Jean-Marc CALLOIS 577

(4) D'autres auteurs (WOOLCOCK, 1998) divisentle bond.ing en bonding au sens strict (liens entre agents
de même statut et d'une même communauté) et linking (liens enfe agents proches géographiquement,
mais ayant des statuts différents ou des spécialisations différentes, typiquement des relations hiérarchiques
ou de complémentarité). On se réfêrera à SIRVEN (2@3) pour une revrre de différentes classifications
proposées.

(5) Voir PUTNAM (2@0) pour une discussion de ces difficultés de la part d'un chantre inconditionnel de
la notion, et DURLAUF (20û2) pour une discussion par un auteut b€âucoup plus critique.

(6) Cejeu simple est présenté dans VARIAN (1995), chap. 15.

(7) Il faut noter que concernant les mesures structurelles, la littérature sur les réseaux propose des mesures
des caractéristiques des réseaux, distinguant notamment les différents typ€s de proximité entre agents, y
compris des mesures intégrant les liens éloignés câractérisant les small worlds (BOUBA-OLGA et
ZIMMERMANN,200zl). Malheueusement, ces mesures restent encore difficiles à appliquer à l'échelle de
régions, du fait de I'importante collecte d'information qu'elles nécessitent.

(8) En pratique, il faut reconnaître que l'effet d'aubaine a été important, les crédits l,eacler servant souvent
à pallier l'inéligibilité à d'autres progËmmes.

(9) Le programme læader + met cependant I'accent sur l'échange d'expériences, introduisant une
composante < bridging >. Mais il s'agit surtout d'échanges entre territoires ruraux : les liens avec les
cenres urbains font dans l'ensemble l'objet de peu d'attenton. Quant à la politique des pays, il faut noter
que la LOADDT de 1999 insiste sur les solidarités ville-campagne, sans cependant être très précise sur les
modalités pratiques.

(10) Ce résultat est en cohérence avec les conclusions de l'étude de MATTEUDI (197) sur des tenains
voisins. Cette étude attribue ces caractéristiques au système anthropologique sous-jacent.
© Armand Colin | Téléchargé le 05/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.73.96.140)

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RERU 20o4,Iv,pp. 551-578

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