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Diffusion et réception des valeurs néolibérales de

responsabilisation dans le cadre d’un projet de microcrédit


au Bénin : une entreprise inachevée de gouvernement des
corps
Clément Soriat
Dans Revue Tiers Monde 2016/4 (N° 228), pages 165 à 187
Éditions Armand Colin
ISSN 1293-8882
ISBN 9782200930769
DOI 10.3917/rtm.228.0165
© Armand Colin | Téléchargé le 27/09/2023 sur www.cairn.info (IP: 160.154.247.26)

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Diffusion et réception des valeurs
néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit
au Bénin : une entreprise inachevée
de gouvernement des corps

Clément Soriat

Mots-clés
Microcrédit, VIH/sida, gouvernement des corps, résistance, appropriation.
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Résumé
À partir d’une enquête de terrain de type ethnographique réalisée au
Bénin entre 2009 et 2013, cet article s’intéresse à un projet particulier
de microcrédit, le projet d’insertion économique de séropositifs (PIES).
L’idée développée est que des projets comme le PIES représentent une
entreprise de gouvernement des corps qui relève d’une double dynamique,
coercitive et incitative, fondée sur des injonctions à la responsabilisation.
Alors que ces injonctions ne sont autres que des manifestations du projet
néolibéral porté par le système de l’aide au développement, cet article
montre que celles-ci peinent à se diffuser puisque les bénéficiaires du
projet n’adhèrent pas mécaniquement à ces valeurs néolibérales. Ils y
résistent et ne se l’approprient pas toujours dans un sens conforme aux
« résultats attendus », allant parfois jusqu’à renforcer leur position sociale.

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Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

L ’aide au développement est depuis les années 1980 l’objet de profondes mutations,
résultant en grande partie de la néolibéralisation du secteur (Harrison,
2010 ; Hillenkamp et Servet, 2012)1. Des ajustements structurels aux débats plus
récents relatifs à la thématique de l’« efficacité » de l’aide (Severino et Charnoz,
2005 ; Diaz Pedregal et Kamelgarn-Cerland, 2013), la rationalité économique
constitutive du projet néolibéral (Hache, 2007) s’impose progressivement
comme une norme de référence chez les acteurs de la coopération internatio-
nale. Par un accent mis sur la performance et les résultats, l’optimisation des
coûts et des dépenses, la mise en concurrence des prestataires (généralisation
des appels d’offres) ou encore la promotion des partenariats publics-privés,
les bailleurs internationaux imposent des prescriptions par lesquelles les
ONG et les services publics qu’ils financent ajustent leur fonctionnement
au modèle de l’entreprise privée et de l’économie de marché (Hillenkamp
et Servet, 2012). Un autre aspect, peut-être moins visible, de cette diffusion
de la rationalité économique dans le champ de l’aide au développement
réside dans des mécanismes de subjectivation (Foucault, 1984) participant à
la construction des bénéficiaires de l’aide comme des individus « respon-
sables ». Au cœur des discours sur l’empowerment, la responsabilisation est
emblématique des techniques propres à la gouvernementalité néolibérale,
« gouvernement indirect » reposant largement sur l’« autocontrôle » (Hache,
2007). Dans cette perspective, l’autonomie et la capacité de faire des choix
raisonnables sont érigées en valeurs fondamentales (Fournier, 2015). Chacun
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est en quelque sorte enjoint à devenir un « entrepreneur de soi-même »
(Hache, 2007) et un acteur de la « société de marché » (Harrison, 2010)
capable de maximiser son bien-être.

De telles évolutions expliquent en grande partie l’engouement suscité par


la découverte du microcrédit au sein du monde de l’aide au développement.
Popularisée par l’expérience de la Grameen Bank, l’idée est d’amener des
individus exclus du système bancaire « classique » à développer une micro-
entreprise et, avec elle, un « esprit d’auto-entrepreneuriat ». Ils disposeraient
alors des ressources suffisantes pour « se sortir eux-mêmes » et durablement
de la pauvreté. Le microcrédit, « porteur d’autonomie et d’intégration au
secteur financier » (Sulmont, 2013), incarne ainsi les valeurs néolibérales
évoquées plus haut, en particulier l’idéal de responsabilisation.

1 Je remercie Nathalie Ethuin et mes relecteurs(trices) anonymes pour leur précieuse


contribution.

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Cet article vise à interroger la circulation de cet outil et sa réception


par les populations bénéficiaires de l’aide. Il est fondé sur une enquête de
terrain de type ethnographique conduite au Bénin entre 2009 et 2013 dans
le cadre d’une thèse en science politique (Soriat, 2014). Dans une démarche
d’analyse des politiques de lutte contre le sida, une soixantaine d’entretiens
approfondis ont été menés avec des responsables associatifs, des médecins,
des acteurs étatiques et des bailleurs de fonds. De multiples observations
participantes ont également été réalisées. La majorité des données restituées
ci-dessous ont été produites de par ma participation à un projet de micro-
crédit « ciblant » des séropositifs, désigné par l’acronyme fictif PIES (projet
d’insertion économique de séropositifs). Grâce à mes fonctions de chargé
de suivi/évaluation, j’ai pris part à des « comités de pilotage », des réunions,
des séminaires de travail ou des formations impliquant les acteurs du projet.
J’ai aussi suivi les quatre animateurs de terrain dans le cadre de leur travail
quotidien et rencontré régulièrement les bénéficiaires du projet.

L’observation des interactions entre ces deux catégories d’acteurs a


été centrale dans le dispositif d’enquête. Elles constituent en effet un lieu
privilégié pour saisir « par le bas » ce qui se joue dans la mise en œuvre du
projet. En particulier, cette démarche permet de montrer que la promotion
des valeurs néolibérales véhiculées par les projets de microcrédit ne s’effectue
pas de manière mécanique, mais qu’elle repose sur la mise en place de
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techniques de responsabilisation des bénéficiaires. Ces techniques, sans
remettre en cause leur vocation sociale, témoignent de l’affirmation dans le
contexte béninois de ce que Didier Fassin et Dominique Memmi appellent
« le gouvernement des corps » (2004). Le concept doit être appréhendé
comme une déclinaison contemporaine de la gouvernementalité telle que
Michel Foucault l’a définie, autrement dit comme une modalité d’exercice du
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pouvoir étatique qui tranche avec une conception disciplinaire du pouvoir et


qui valorise, par des techniques d’orientation et d’incitation, une « conduite
à distance des conduites » à l’échelle d’une population (Foucault, 2001).
Plus précisément, l’idée de gouvernement des corps entend rendre compte
de la « constitution du corps comme sujet et objet de gouvernement ». Il
s’agit d’une forme de gouvernement encore plus diluée que celle observée
par Foucault. Elle tend à se développer dans le cadre particulier d’actions
publiques contemporaines qui s’intéressent d’une façon ou d’une autre au
« vivant » et qui, surtout, ne sont plus simplement portées par des acteurs
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dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

étatiques, mais aussi par des acteurs privés tels que des médecins ou encore
des associations (Fassin et Memmi, 2004). Cet interventionnisme « discret »
et « sophistiqué » (Fournier, 2015), dont l’ambition est d’amener chacun à se
gouverner par lui-même de manière responsable (Fassin et Memmi, 2004), a
aussi ceci de particulier qu’il a su se globaliser (Bayart, 2004) et s’exporter en
dehors du monde occidental, notamment par le biais d’un système d’aide
de plus en plus rompu à l’idéologie néolibérale.

Après une présentation du contexte de la lutte contre le VIH/sida au


Bénin et de l’émergence du PIES, nous nous attacherons dans un second
temps à étudier les techniques de responsabilisation des bénéficiaires. Nous
montrerons ainsi comment ce projet peut être vu comme une entreprise de
gouvernement des corps. Dans une troisième partie, nous verrons que ces
techniques font l’objet d’un apprentissage dont le résultat est bien aléatoire
compte tenu des marges de manœuvre que les bénéficiaires parviennent
à investir pour s’approprier ou encore résister aux injonctions à la respon-
sabilisation.

1. Les projets de microcrédit comme indicateur de l’ouverture


du Bénin au néolibéralisme : l’exemple des politiques de lutte
contre le VIH/sida
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L’émergence de la thématique du microcrédit dans le champ béninois du
VIH/sida s’inscrit dans un processus global de démocratisation et de remise
en cause de la centralité de l’État à partir des années 19902. Ce contexte a
facilité la prise en charge de la crise du VIH/sida3 par les organismes d’aide
internationaux. Comme dans de nombreux pays africains, les politiques
béninoises de lutte contre le VIH/sida ont dû se structurer et évoluer sous

2 Face à la « crise de la dette », le gouvernement de Mathieu Kérékou est en effet


contraint de mettre à distance son discours marxiste-léniniste et d’entrer en dis-
cussion avec les institutions de Bretton Woods (Banegas, 2003). La rhétorique de
la rentabilité, de la productivité et de la promotion du secteur privé prend place
dans la sphère politique. Dans le même temps, des revendications en termes de
démocratisation font leur apparition. Les pratiques répressives se relâchent et,
par exemple, la création d’associations locales de développement est autorisée.
En 1990, une conférence nationale est convoquée et la transition vers le « renouveau
démocratique » est amorcée.
3 Le premier cas de VIH/sida est découvert en 1985.

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l’impulsion de directives internationales (Kerouedan et Eboko, 1999) comme


celles édictées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais aussi en
fonction d’une dépendance des programmes nationaux aux bailleurs de
fonds4. Ces derniers sont donc particulièrement bien placés pour imposer
leur vision de la lutte contre le VIH/sida. La Banque mondiale, la Banque
africaine de développement et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme, les principaux financeurs présents au Bénin sur
la question, ont ainsi joué un rôle déterminant dans la diffusion d’une ratio-
nalité économique chez les acteurs nationaux chargés de la gestion de l’épi-
démie. Les institutions les ont par exemple largement encouragés à adopter
des pratiques conformes aux principes d’« efficacité » et de « performance »
(définition d’objectifs précis et d’indicateurs de résultat, maîtrise des dépenses,
recours systématique à l’évaluation, etc.), au détriment de modes d’action
militants progressivement délégitimés. Elles ont également fortement incité
les « partenaires » du secteur privé et associatif à s’impliquer, l’État agissant
conjointement avec toute une série d’ONG, d’associations et d’entreprises
privées. Enfin, leur attention sur la responsabilisation des bénéficiaires se
traduit par une « participation » des séropositifs aux instances de décision,
par leur structuration en associations formelles et par la promotion d’objec-
tifs d’autonomisation. Les ONG spécialisées dans l’accompagnement des
séropositifs5, dont les pratiques sont largement façonnées par la rhétorique
de l’empowerment, ont ainsi tendance à s’approprier ces préoccupations,
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notamment à travers la mise en place de projets de microcrédit.

Ces types de projets sont d’autant plus investis par les acteurs associatifs
que le microcrédit est devenu au Bénin un outil privilégié de lutte contre
la pauvreté. Consacré par le président Thomas Boni Yayi, qui lance dans les
années 2000 un programme national de « microcrédits aux plus pauvres »,
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le microcrédit est désormais envisagé comme une manière de faire face au


problème structurel du chômage et « d’intégrer les plus démunis dans le
système productif » (Acclassato, 2010). Cet arrière-fond de traitement politique
de la pauvreté favorise le développement de projets de microcrédit dans le
cadre précis de la lutte contre le VIH/sida, et cela même si les gestionnaires

4 À titre indicatif, la lutte contre le VIH/sida représente 23 millions d’euros environ


en 2012, la contribution du gouvernement béninois s’élevant à 2,5 millions d’euros
environ (CNLS, 2012).
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5 Environ une centaine d’ONG ont été recensées par l’État en 2011 (CNLS, 2011).

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dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

de l’épidémie poursuivent un objectif bien différent. L’enjeu est ici la maîtrise


des coûts et surtout la mise à distance des logiques d’« assistanat ». Il est
particulièrement vif au regard des sommes colossales jusque-là consacrées au
VIH/sida et qui ont permis la mise en place de diverses prestations gratuites :
traitements, consultations, compléments nutritionnels, frais de scolarité des
enfants, etc. Cette situation contribue en effet à renforcer les préjugés au
sujet de la supposée « passivité » des séropositifs, comme le montre bien
cet extrait d’entretien réalisé avec un directeur d’une ONG locale :

Les personnes vivant avec le VIH ont l’impression que tout est leur droit parce
qu’au début, […] on leur mettait l’argent devant, on donnait de l’argent, on
donnait tout et ils se disaient alors : « La vie est rose, la vie est belle, on doit
me donner tout. » Puis on a commencé par vouloir les responsabiliser dans
leur propre prise en charge. Si on prend les projets de microcrédit, on leur
apprend à pêcher, à mener eux-mêmes des actions. Mais on leur avait donné
un autre schéma. Ça les amène à vouloir être toujours dépendants (Franck,
Parakou, juillet 2009).

Le point de vue est partagé par les acteurs de la lutte contre le sida à
tous les niveaux, d’où une forte légitimité des programmes en faveur de
l’« indépendance » économique des séropositifs. C’est ainsi que, dans les
années 2000, la Banque mondiale et la Banque africaine de développe-
ment commencent à financer massivement des « activités génératrices de
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revenus » (AGR), expression consacrée pour désigner les micro-entreprises.
Le recours au microcrédit est présenté alors comme un moyen de réintro-
duire une dimension de subjectivation dans la lutte contre le VIH/sida. Le
patient est enjoint à travailler son « sens de l’initiative », à être responsable,
la figure du « patient-entrepreneur » devenant une alternative à l’image du
« bénéficiaire assisté ».

Ce changement de paradigme parmi les bailleurs encourage le gou-


vernement à valoriser à son tour l’idéal de responsabilisation. En 2006, le
Ministère de la famille et de la solidarité nationale définit un « volet AGR »
comme prioritaire dans la politique nationale relative à la « prise en charge
psychosociale » des séropositifs et incite les ONG à intégrer cet aspect dans
leurs projets.

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C’est dans ce contexte de généralisation des stratégies d’autonomisation


des bénéficiaires qu’une ONG locale spécialisée dans le soutien à l’enfance
lance en 2006 une réflexion sur l’adaptabilité du microcrédit au contexte
du VIH/sida. Pour cela, elle confie à un groupe de volontaires français la
réalisation d’une étude dont l’objectif est d’établir les conditions nécessaires
à la mise en relation de « parents et tuteurs d’orphelins et enfants vulné-
rables » séropositifs avec des institutions de microfinance (les « orphelins et
enfants vulnérables » – OEV – désignant ici des enfants dont au moins un
parent est décédé du VIH/sida). L’étude démontre un risque d’endettement
et imagine un système alternatif consistant à offrir non pas des micro-
crédits monétaires mais des « lots » en nature. Concrètement, il s’agirait
par exemple de soutenir des éleveurs de lapins en leur remettant des lapins
ainsi que le matériel nécessaire au développement de l’élevage (cages à
lapins, etc.). L’octroi des microcrédits serait conditionné par la participation
à des formations et par l’acceptation d’un suivi psychologique, sanitaire et
social mené conjointement par l’ONG, le centre de santé de référence et les
services sociaux étatiques. Afin de mettre en œuvre les recommandations de
l’étude, les volontaires se constituent en association et signent une conven-
tion de partenariat avec l’ONG locale. C’est l’acte de naissance du PIES, que
des collectivités locales et des fondations d’entreprises françaises financent
à hauteur de 200 000 euros environ sur la période 2008-2011. Le projet vise
l’« autonomisation économique » d’une soixantaine de parents ou tuteurs
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d’OEV (en majorité des femmes veuves et séropositives). L’augmentation de
leurs revenus est censée améliorer l’accès de l’ensemble des membres des
foyers aux soins, à l’éducation et à une alimentation de qualité. Ce projet
a alors une dimension expérimentale, dans la mesure où ses promoteurs
entendent démontrer la pertinence d’une démarche présentée comme
« innovante » et susceptible d’être reproduite à l’échelle nationale. Le PIES fait
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donc l’objet d’un intense processus de suivi et d’évaluation, auquel s’associe


le Ministère de la famille et de la solidarité nationale. Notons enfin que ce
caractère expérimental induit une certaine souplesse dans la mise en œuvre
des actions, l’analyse des « échecs » étant ici tout aussi intéressante que celle
des « succès ». Cette particularité a contribué à la diversité des mécanismes
d’appropriations, que nous envisagerons après avoir montré en quoi le PIES
constitue un dispositif de gouvernement des corps.
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dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

2. Le PIES comme dispositif de gouvernement des corps :


entre injonction et incitation à la responsabilisation
Les projets de microcrédits reposent sur l’idée que tout être humain est
un entrepreneur potentiel (Duflo, 2011), pour peu qu’on l’amène à adopter
un « style de vie » (Bayart, 2004) compatible avec les logiques d’anticipation
et d’accumulation. Pourtant, pour les populations les plus précaires, les
opportunités de microcrédit apparaissent davantage comme un moyen de
diversifier leurs sources d’endettement (Guérin et al., 2009), avec un risque
évident de surendettement (Duflo, 2011 ; Servet, 2011 ; Martinez, 2007 ; Fouillet
et al., 2007). C’est pourquoi la plupart des projets de microcrédit prévoient
la mise en place de mécanismes qui ont pour objectif de garantir un bon
usage des sommes prêtées. Les méthodes utilisées sont parfois à l’origine
de la mise sous pression de paysans, voire de cas de suicides (Duflo, 2011).

Nos observations se sont portées sur des pratiques plus ambivalentes,


relevant moins de la coercition que de l’incitation. Les bénéficiaires du PIES
sont ainsi pris dans des dispositifs de promotion de l’idéal de responsabilisa-
tion. À cet égard, la tâche principale des quatre animateurs du projet consiste
à transmettre des « techniques de soi » qui s’inscrivent dans le processus
plus général de subjectivation des bénéficiaires et qui visent à susciter le
« souci de soi » dans le sens d’un « gouvernement de soi par soi » (Foucault,
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2001). Sans nier leurs motivations d’ordre social, les animateurs ont ainsi
pour mission de prescrire un certain type de conduite supposé favorable
à l’auto-entrepreneuriat via des activités psychosociales et le volet AGR du
projet. Plus concrètement, ils sont amenés, par le biais de formations ou
de techniques moins formalisées, à sensibiliser les bénéficiaires de l’aide au
calcul et à l’anticipation, mais aussi à contrôler lors de « visites à domicile »
que l’appropriation de ces valeurs économiques est effective.

2.1. L’apprentissage de techniques de soi pour être un « bon bénéficiaire » :


calculer, anticiper et savoir gérer son foyer

Ces « qualités » constitutives de la figure de l’entrepreneur sont perçues


comme des facteurs à même de renouveler la façon dont les bénéficiaires
conçoivent non seulement leur activité économique, mais aussi leur rôle
de patient, de parent, voire d’époux.

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Sur le plan économique, les animateurs ont œuvré pour « convertir » les
bénéficiaires à la rentabilité. Pour la plupart, ces derniers pratiquaient avant
le démarrage du projet des activités, à la frontière des sphères domestiques
et économiques, qui s’articulaient avec les tâches quotidiennes relatives à la
gestion du foyer et des enfants : culture vivrière, élevage de poulets laissés en
« divagation » et se nourrissant d’herbes ou de déchets végétaux, petit com-
merce ambulant ou à domicile, etc. Une des principales ambitions du PIES
est d’amener les bénéficiaires à rompre avec cette logique de « subsistance »
et à se professionnaliser afin d’atteindre un seuil de rentabilité. Pour cela,
ils sont amenés à suivre des formations dans différents domaines. D’abord
dans le domaine du commerce où ils sont formés à l’étude de marché,
à la gestion d’entreprise, puis accompagnés pour constituer un fonds de
roulement et tenir une comptabilité. Ils sont également formés à l’élevage
à travers le suivi de modules en matière de production et de santé animale.
Dans le cadre de ces formations, on leur apprend à contenir leurs poulets
ou leurs lapins dans des espaces clos (enclos, clapiers, etc.), leur apporter
de la nourriture enrichie, gérer les cycles de reproduction de manière opti-
male, prévenir et traiter les épidémies, etc. Ils sont invités à épargner pour
renforcer continuellement leur capacité d’investissement et ainsi développer
progressivement leur activité. C’est tout un mode de vie qui est, au final,
ici inculqué, fondé sur la différenciation entre vie domestique et activité
économique, et sur l’intériorisation d’une logique de rationalisation tournée
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vers le calcul et l’anticipation.

Sur le plan sanitaire et social, l’apprentissage de l’anticipation et du


calcul prend la forme de « sensibilisations ». Des normes de comportement
sont alors systématiquement définies, avec une incitation forte à « gérer » sa
vie et celle de ses enfants de façon à maximiser le bien-être des membres
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de la famille. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des sensibilisations


relatives aux questions de santé. Une conduite de vie « saine » est en effet
pensée par les porteurs du projet comme un prérequis à tout renforcement
économique durable (une santé précaire représentant un « risque » pour
le bon développement de l’AGR). Les bénéficiaires sont ainsi tenus d’ériger
leur santé en priorité. On leur demande d’optimiser leurs dépenses de santé
par l’adhésion à des mutuelles de santé et par l’adoption de pratiques de
« réduction des risques sanitaires ». L’importance de l’observance thérapeu-
tique est rappelée par les animateurs ; la fidélité et l’usage du préservatif sont
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dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

prônés ; les comportements « néfastes » sont découragés (alcoolisme, toxico-


manie, « intempérance sexuelle », etc.) ; enfin, les bénéfices de l’hygiène
alimentaire et corporelle sont vantés. On voit bien ici comment le projet
s’immisce dans les espaces les plus intimes de l’individu et lui apprend à
se gouverner, à se maîtriser et à « bien » se comporter, autrement dit, en
« entrepreneur de soi-même ».

Dans le même ordre d’idée, une relation de couple fondée sur le


dialogue est encouragée. Florent, animateur social du projet à Abomey et
Bohicon, conseille aux bénéficiaires de mettre en place des mécanismes
d’évitement des conflits au sein de leur couple. Il leur propose d’adhérer
aux « dix commandements pour la communication au sein du couple »,
parmi lesquels : « dites toujours la vérité », « ne réagissez pas avec colère »,
« essayez de comprendre l’autre » ou encore « reconnaissez vos torts et
demandez pardon ». Ce type de sensibilisation ne concerne pas seulement
la vie de couple mais également les relations parents-enfants. Aussi, les
bénéficiaires sont-ils éduqués à éduquer. La construction d’une parentalité
responsable repose sur l’intégration d’un ensemble de stratégies éducatives
que Florent expose lors d’une séance de sensibilisation :

Il faut voir si l’enfant se lave correctement avant de se rendre au lit le soir et


s’il se lave chaque fois avant d’aller en classe car tout ceci facilite l’apprentis-
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sage. Il doit être bien vêtu et il faut faire attention à ses fréquentations. […]
Il faut des moments de distraction pour l’enfant. […] Il faut respecter les
enseignants pour qu’ils ne délaissent pas les enfants. […] Il ne faut pas taper
les enfants mais les gronder pour les amener à se ressaisir. […] Les enfants
ont besoin d’amour. Sans amour, ils dépérissent. […] Il faut les aider à faire
leurs devoirs. Et attention aux travaux domestiques, ils peuvent perturber les
devoirs […]. Il faut donner le petit-déjeuner et le goûter. (Extrait du cahier de
terrain, octobre 2010).

Au final, les techniques de soi transmises par les animateurs concernent


la plupart des aspects de la vie. Le style de vie « entrepreneurial » encouragé
entre en tension avec les pratiques habituelles des bénéficiaires, que ceux-ci
abandonnent rarement suite à quelques formations et sensibilisations. C’est
pourquoi des projets comme le PIES prévoient généralement un « suivi »
des animateurs opéré lors des « visites à domicile ».

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Clément Soriat

2.2. Les « visites à domicile » : une responsabilisation sous contrôle

Ces visites bimensuelles, qui viennent s’ajouter au suivi des infirmiers et


des assistants sociaux d’État, ont pour objectif de rappeler les enseignements
dispensés lors des formations, mais aussi de contrôler leur assimilation. Les
bénéficiaires sont ainsi dans une situation paradoxale. Tout en étant respon-
sabilisés, ils font l’objet d’une surveillance étroite et sont dans l’obligation
de rendre compte de leur manière de vivre, comme cela transparaît dans la
scène retranscrite ci-dessous :

Caroline, bénéficiaire du PIES, vit à Bohicon avec ses enfants dans la maison
familiale de son mari. Tous deux sont séropositifs. Elle a stoppé sa scolarité
au collège. Elle tire la plupart de ses maigres revenus d’activités de commerce.
Lorsque Florent arrive au domicile de Caroline, celle-ci sort tout juste de sa
douche. « Je ne savais pas que vous alliez arriver aujourd’hui. Je m’apprêtais pour
aller au marché ». Vraisemblablement, Caroline n’est pas disponible. Florent lui
demande malgré tout de lui consacrer trente à quarante-cinq minutes. L’objet
de sa venue n’est pas très clair. Il commence par demander des nouvelles : « Et
la santé, ça va ? Et vos enfants ? ». Caroline dit que tout va bien. « – Tu prends
toujours tes médicaments ? » « – Oui, mais ça me fatigue. » Florent demande
à voir la boîte de comprimés pour vérifier « quelles molécules elle prend ».
« – Et tes enfants, ça se passe bien à l’école ? » « – Oui, ça va. » Caroline se lève
et revient avec les bulletins scolaires des enfants. La visite à domicile s’achève
par un contrôle de l’élevage de lapins soutenu par le projet. « C’est sale. Et
pourquoi la lapine n’est pas encore grosse ? Ce n’est pas normal. Il faudra
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que le technicien vienne voir ça. » Florent et Caroline bavardent ensuite un
moment de façon informelle. La fin de la discussion semble amicale. (Extrait
du cahier de terrain, novembre 2010).

On saisit ici toute l’ambivalence de la relation entre animateurs et béné-


ficiaires, où la relation d’assistance se trouve teintée de contrôle. Car, en fin
de compte, ces relations d’assistance sont aussi des injonctions à prendre
octobre~décembre 2016 – Revue Tiers Monde

soin de soi-même, dans le sens d’un assujettissement à tout un ensemble


de normes de conduite de vie. Les visites à domicile apparaissent ainsi
comme une occasion pour les animateurs de rappeler à l’ordre les bénéfi-
ciaires lorsque certaines directives ne sont pas respectées. Les conflits qui
peuvent en résulter et la manière dont ils sont gérés permettent d’ailleurs
de prendre toute la mesure du caractère prescriptif de la relation d’aide. En
effet, si Caroline semble accueillir favorablement les remarques de Florent,
d’autres se montrent moins conciliants et entrent en opposition avec les
N° 228

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Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

animateurs. Bien que généralement résolues par le « dialogue » et le com-


promis, ces situations conflictuelles débouchent aussi sur des sanctions. C’est
ainsi que l’exclusion de Jeanne est par exemple décidée après de multiples
avertissements (nous reviendrons sur le parcours de Jeanne dans le point
suivant). Les réclamations que celle-ci effectue après cette décision pour
récupérer la somme d’argent épargnée dans le cadre du projet (15 000 francs
CFA, soit 20 euros environ) sont également rejetées en raison du non-respect
de la convention signée avec l’ONG. Le coordinateur ira jusqu’à la menacer
de déposer une plainte au commissariat si elle persiste dans sa demande.

3. La réception des projets de microcrédit par les bénéficiaires :


stratégies de résistance et appropriations
Les pratiques de gouvernement accompagnant la mise en œuvre de
projets comme le PIES sont donc multiples et diffuses. Ceci leur confère un
caractère instable et inachevé, et donne surtout des marges de manœuvre
aux bénéficiaires par lesquelles ils s’approprient à leur façon les valeurs
prônées par le projet. Ainsi, malgré les contraintes mentionnées ci-dessus,
les bénéficiaires ne sauraient être considérés comme des « victimes pas-
sives » (Guérin, 2011) de l’aide internationale. Dans la lignée des travaux
en anthropologie du développement (Long, 1989 ; Olivier de Sardan, 1995 ;
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Bierschenk et al., 2000 ; Lewis et Mosse, 2006), certains auteurs insistent
sur l’aspect dynamique de la mise en œuvre des projets de microcrédits,
fruit de multiples négociations et de rapports de force mouvants (Lavigne
Delville, 2011 ; Guérin 2011). C’est toute la dimension socialement construite
des projets qui apparaît alors, les objectifs et les visions de leurs promoteurs
s’articulant avec ceux des bénéficiaires dans un mouvement permanent de
réinvention du sens des interventions.

Dans le cadre du PIES, les modalités d’action mobilisées par les bénéfi-
ciaires révèlent leur capacité à résister et à s’approprier le projet en fonction
de leurs représentations, de leurs visions et de leurs motivations. Le concept
de résistance sera entendu dans son sens foucaldien, autrement dit comme
des actes consubstantiels aux relations de pouvoir prenant la forme de
résistances violentes, de fuites, de ruses ou de stratégies qui renversent la
situation (Foucault, 2001). La résistance ne consiste ainsi pas nécessairement

177
Clément Soriat

en une lutte ou une opposition marquée. Cette idée rejoint d’ailleurs les
résultats des études effectuées en socio-anthropologie du développement
(Olivier de Sardan, 1995) qui montrent que l’appropriation des projets de
développement ne se construit pas dans le rejet mais plutôt dans la réinter-
prétation. Cependant, sur notre terrain d’enquête, ces résistances peuvent
être manifestes, contrairement à ce que peut laisser entendre la littérature
précédemment citée. Dans tous les cas, elles sont liées à la position socio-
économique des bénéficiaires. Ainsi, ceux qui parviennent le mieux à faire
valoir leurs intérêts sont ceux qui, à la base, sont les plus favorisés.

3.1. La gestion de la contrainte des visites à domicile par les bénéficiaires :


dissimulation, impassibilité ou renversement de la contrainte

Quand bien même le contrôle et les visites des animateurs sont indis-
pensables à l’obtention du soutien, certains refusent les visites à domicile et,
avec elles, l’appui proposé. Pour les bénéficiaires qui l’acceptent, des marges
de manœuvre subsistent. Aussi apprennent-ils à « faire avec » la contrainte
des visites, à la gérer (Olivier de Sardan et al., 2006). Plus exactement, ils
développent tout un ensemble de pratiques comme le mensonge ou la
dissimulation, l’impassibilité ou encore le renversement de la contrainte.

Ces pratiques sont d’autant plus courantes que les bénéficiaires vivent
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un véritable malaise vis-à-vis des visites à domicile. Dans un contexte de
stigmatisation généralisée des séropositifs, la perspective d’accueillir des
individus dont la présence n’est pas sans éveiller l’attention du voisinage
suscite des appréhensions. Dès lors, même si les responsables des associations
de personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH) interviennent pour gagner la
confiance des bénéficiaires, ces derniers ont généralement besoin de temps
pour vaincre leurs réticences. Un assistant social partage son expérience en
octobre~décembre 2016 – Revue Tiers Monde

la matière :

Le vrai problème, c’est avec les PVVIH ; ils ne sont jamais satisfaits […]. Ils
peuvent dire que tu as révélé leur statut à quelqu’un, et alors ils interdisent
à l’enfant de discuter avec toi […]. Les associations ont des responsables qui
doivent […] aider les ONG à faire le travail sur le terrain. […] On leur dit :
« Voilà, on veut prendre en charge les enfants. Voici leur nom. Leurs parents,
ils sont dans votre association. Voilà ce qu’on veut faire. » Ils vont voir les
parents. Ils leur disent : « Voilà l’ONG. Ils veulent faire telle activité. Ils doivent
N° 228

178
Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

venir chez vous. » C’est à eux d’expliquer à leurs membres pour qu’ils nous
acceptent. (Thomas, Parakou, juillet 2010).

La crainte de la stigmatisation complexifie ainsi la relation entre ani-


mateurs et bénéficiaires et pousse certains à tout mettre en œuvre pour ne
pas dévoiler leur statut sérologique. Ils ont alors recours à des stratégies du
« mensonge et de la dissimulation » (Olivier de Sardan et al., 2006). Ils pré-
sentent l’animateur au voisinage comme un proche ou ils taisent le véritable
motif des visites : « Il vient pour m’aider avec les lapins » ; « il vient pour
aider les enfants », etc. D’autres anticipent la venue de l’animateur et sont
systématiquement absents quand celui-ci effectue sa « tournée ». D’autres
encore s’empressent de tout « mettre en ordre » lorsqu’ils apprennent que
l’animateur a été vu dans les alentours, feignent d’être malades ou prétextent
que leur enfant est malade quand les prescriptions des animateurs n’ont
pas été respectées.

Par ailleurs, les injonctions à la rationalisation des activités génératrices


de revenus font l’objet d’un accueil mitigé par les bénéficiaires. Dans des
environnements où l’urgence du quotidien remet fréquemment en cause
les prévisions, l’idée d’investir en vue d’un bénéfice dans un futur plus ou
moins lointain ne va pas de soi. Prônant le « dialogue » comme mécanisme
privilégié de « résolution des conflits », les animateurs du PIES s’évertuent
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globalement à démontrer que les techniques enseignées sont pertinentes.
Pour peu qu’ils acceptent la discussion, les bénéficiaires ont encore une fois
la possibilité de résister aux injonctions sans être véritablement inquiétés
(sauf quelques contre-exemples dont la situation de Jeanne est l’incarna-
tion la plus radicale). Aussi, quand ils ne cherchent pas à dissimuler leurs
« manques » ou à mentir sur les causes de ceux-ci, ils écoutent, visite après
visite, les remontrances des animateurs dans le silence, impassibles. C’est
souvent le cas des éleveurs de poulet, qui comprennent difficilement l’in-
térêt d’abandonner une pratique aussi répandue dans le contexte béninois
que l’élevage du poulet en divagation. Régulièrement, les enclos contrôlés
sont partiellement vides, les poulets circulant librement dans la cour de la
maison familiale.

Enfin, des cas de renversement de la contrainte sont parfois à l’œuvre.


Avec le temps, une relation affective finit par unir les acteurs associatifs et

179
Clément Soriat

les bénéficiaires. Les visites perdent alors aux yeux de ces derniers leur carac-
tère contraignant et prennent l’allure d’une visite amicale, voire familiale.
Des repas et des boissons sont offerts. On plaisante, on rit, on s’échange des
confidences, etc. Il arrive que l’animateur soit sollicité personnellement pour
résoudre telle ou telle difficulté financière. Le contrôle exercé est alors celui
d’un ami ou d’un parent bienveillant, et devient une ressource.

Les développements précédents ont montré la faculté des bénéficiaires


à jouer avec la contrainte, sans jamais être réduits à de simples récipiendaires
de l’« appui » des porteurs du projet. Cette capacité se manifeste par ailleurs
dans l’invention de combinaisons entre les objectifs fixés par le projet et
leurs objectifs propres.

3.2. Désarticulation du projet et redéfinition de ses objectifs : sélection,


détournement, accaparement

L’appropriation d’un projet va rarement dans le sens des objectifs fixés


par ses promoteurs (Guérin, 2011 ; Vidal, 1999) et conduit bien souvent à sa
« désarticulation », inscrite dans des jeux de pouvoir que les bénéficiaires
les plus favorisés (du point de vue des ressources sociales, économiques et
culturelles dont ils disposent) font parfois tourner à leur avantage (Olivier
de Sardan, 1995). Sur ce point, trois pratiques mises en lumière dans le
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domaine du développement rural restent valables dans le cas de la lutte
contre le sida : la sélection, le détournement et l’accaparement.

Les pratiques de « sélection » peuvent amener les bénéficiaires à rejeter


certains éléments du package constitué par le projet, parce qu’ils les jugent
inutiles, trop contraignants ou encore incompatibles avec leurs pratiques,
leurs croyances et leurs représentations. Ils prennent alors part à certaines
octobre~décembre 2016 – Revue Tiers Monde

activités proposées, sans forcément adhérer pleinement au projet et à sa


philosophie générale. Ainsi, certains bénéficiaires du PIES sont surtout
intéressés par sa dimension économique. Ils s’impliquent assidûment
dans toutes les activités relatives au volet AGR. Mais, concernant l’aspect
sanitaire et social, ils font preuve d’un engagement a minima (absentéisme
récurrent, non-respect des prescriptions, etc.). À l’inverse, d’autres bénéfi-
ciaires n’adhèrent pas à l’objectif de responsabilisation et ne développent
pas l’esprit d’auto-entrepreneuriat promu par le projet. Motivés avant tout
N° 228

180
Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

par sa dimension sociale, ils ne font pas les investissements nécessaires au


développement (en temps notamment) et à la pérennisation de leur AGR.
Par conséquent, ils ne dégagent pas de revenus substantiels. Plusieurs cas de
faillites ou d’abandons ont même été observés, dont la situation de Jeanne
est particulièrement représentative :

Jeanne est séparée de son conjoint et vit chez sa mère avec son enfant, à Bohicon.
Elle est affectée psychologiquement par la maladie et prend des antidépresseurs.
Elle a 35 ans environ. D’extraction sociale modeste, elle a stoppé sa scolarisation
au collège. Avant le projet, elle tirait la plupart de ses revenus de son activité
de vente ambulante. Après son identification comme bénéficiaire du projet,
elle déclare n’être « pas trop confiante » à l’idée de recevoir un microcrédit.
Quand on lui demande quelle activité elle souhaite développer, elle choisit la
vente ambulante de savon. Les animateurs, estimant ce type d’entreprise peu
rentable, l’orientent vers des activités commerciales de plus grande envergure.
Elle se décide finalement sans conviction pour une télécabine. Si elle fait preuve
d’assiduité et d’implication dans les activités à caractère social, elle consacre
peu de temps à son AGR. Les bénéfices dégagés sont faibles. De plus, son
père et ses frères, qui l’aidaient à hauteur de 15 000 francs CFA par mois (soit
20 euros), remettent en cause leur soutien car ils supposent que sa télécabine
lui rapporte suffisamment d’argent. S’ensuit une perte de motivation, renfor-
cée par la dégradation de son humeur dépressive (qu’elle associe au fait d’être
restée des journées entières seule dans sa boutique). Dans le même temps,
elle se rapproche d’une église pentecôtiste dont le responsable met en avant
un certain nombre de cas de guérison du VIH/sida parmi ses fidèles. Celui-ci
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lui garantit que sa guérison du sida par Dieu est imminente. Elle décide alors
de s’engager pleinement dans l’église. Elle stoppe son traitement antirétroviral
et délaisse sa télécabine ainsi que les réunions et formations organisées par
les animateurs du projet. Au final, son exclusion du projet et le transfert de
l’activité à sa mère (qui prend en charge ses enfants) sont décidés. (Extrait du
cahier de terrain et entretien réalisé avec l’intéressée, juillet 2010).

Jeanne voit surtout le projet comme un lieu de socialisation qu’elle


investit pour rompre son isolement et soigner sa dépression. Ses ressources
ne lui permettent pas vraiment de faire valoir ses aspirations et de s’appro-
prier le projet dans un sens qui correspondrait à ses objectifs, ses intérêts
et ses croyances. En particulier, la fragilité de sa situation sanitaire, sociale
et économique tend à réduire ses marges de manœuvre. Ainsi, tout en
parvenant dans un premier temps à opérer un « emprunt sélectif », elle est
finalement contrainte de ne plus prendre part au projet.

181
Clément Soriat

Par ailleurs, des pratiques de « détournement » ont été observées, les


bénéficiaires faisant ici un usage non prévu des prestations ou produits
proposés. S’appuyant sur l’étude d’une ONG tchadienne d’épargne-crédit
dont le modèle d’accumulation semble éloigné des « logiques sociales de
destruction du surplus » valorisées localement, Philippe Lavigne Delville
(2011) explique par exemple que les paysans soutenus utilisent les crédits
accordés dans une recherche de « l’atteinte autonome de leurs objectifs
sociaux » : régulation de la trésorerie d’activités économiques parallèles,
sécurisation de leur production et de leur revenu, voire achat de bière (dans
une optique d’entretien de leurs réseaux sociaux). Les bénéficiaires du PIES
peuvent faire l’objet d’une analyse comparable. Certes, les plus favorisés ont
effectivement une vision à long terme de leur projet d’entreprise. Ils ont
initié une activité économique rentable qui repose notamment sur leur
capacité à épargner, à constituer un fonds de roulement et à faire face aux
échéances de remboursement. Mais la plupart d’entre eux se trouvent dans
une situation de précarité qui les empêche d’atteindre ce résultat. Plutôt
que d’épargner et de rembourser leurs dettes, ces derniers sont tentés de
détourner l’aide et d’utiliser les sommes empruntées pour résoudre des
problèmes immédiats ou pour répondre à des obligations sociales (achat
de vivres, frais de scolarité, frais de santé, frais d’enterrement, etc.). Ainsi,
l’évaluation du projet souligne que seuls trente-cinq bénéficiaires sur soixante
ont « honoré leur dette en totalité ». Si la pression exercée sur ces derniers en
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vue du remboursement est bien réelle (avec parfois des réunions collectives
particulièrement conflictuelles à ce sujet), les porteurs du projet prennent
rarement des sanctions radicales (dépôt de plainte, saisie des biens, etc.) en
cas de non-remboursement. Vingt-cinq bénéficiaires déclarés « insolvables »
sont ainsi parvenus à se soustraire à leur obligation de remboursement.
octobre~décembre 2016 – Revue Tiers Monde

Enfin, les pratiques d’« accaparement » concernent les bénéficiaires


les mieux dotés en ressources économiques, sociales et culturelles. Ces
derniers entendent utiliser le projet « à leur profit […] pour accroître leurs
privilèges » (Olivier de Sardan, 1995) et renforcer leur position sociale. Les
relations de pouvoir entre eux et les animateurs du projet sont ici moins
asymétriques que dans le cas de Jeanne. De ce point de vue, le cas de Maxime
est emblématique :
N° 228

182
Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

Maxime réside à Parakou. Issu d’une famille aisée, il a quatre enfants scolarisés,
dont un est à l’université. Juriste de formation, il a été huissier de justice avant
de démissionner suite à une accusation, selon lui fallacieuse, de malversations
financières. L’expérience de la maladie et son incapacité à travailler pendant
de longues années ont conduit à sa précarisation économique. Néanmoins,
il a, pour reprendre ses termes, « plusieurs cordes à son arc ». Il dirige un
commerce (dans lequel il a investi 3,5 millions de francs CFA, soit 5 300 euros
environ) ainsi qu’une entreprise dans le domaine du bâtiment et des travaux
publics. Lors de notre dernière rencontre, il était en pourparlers avec l’Agence
nationale de l’emploi en vue d’un financement de 4 millions de francs CFA (soit
6 000 euros environ) dans le cadre d’un projet de société de gestion immobilière.
Il est conseiller permanent auprès de Caritas Bénin. Il est chargé à ce titre de
défendre les intérêts des séropositifs auprès de l’institution et effectue occa-
sionnellement des témoignages à visage découvert. Il est également secrétaire
général d’une association de personnes vivant avec le VIH/sida, structure dont
il assure la gestion financière. Par ailleurs, Maxime est un militant politique,
président du cadre de concertation de la mouvance présidentielle de son
quartier. Enfin, il est fortement impliqué dans sa paroisse. Ces engagements
multiples ont contribué à sa reconnaissance dans le paysage local. Lorsque les
animateurs entrent en contact avec lui, il est dans un premier temps réticent à
l’idée de prendre part au projet. Il n’accepte la proposition que dans la mesure
où il est en capacité d’en faire un usage instrumental. Il choisit de mettre en
place une télécabine. Il confie la gestion de cette activité à une de ses filles,
contrairement à ce qui est normalement attendu. Alors qu’il a la capacité de
rembourser ses dettes rapidement, il repousse au maximum les échéances de
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remboursement. En effet, les bénéfices dégagés comblent en partie les besoins
en trésorerie de ses autres entreprises. Maxime se soustrait par ailleurs à bon
nombre de ses obligations et assiste rarement aux réunions et aux formations
organisées par les animateurs. Cependant, comme il fait malgré tout prospérer
son AGR et qu’il devient peu à peu le porte-parole légitime des bénéficiaires,
il n’est pas sanctionné. Au contraire, les animateurs s’appuient sur lui pour
mettre en œuvre le projet, faire passer des messages et des idées auprès des
autres bénéficiaires, assurer la cohésion du groupe, etc. (Extrait du cahier de
terrain et entretien réalisé avec l’intéressé, novembre 2011).

Des bénéficiaires comme Maxime sont indispensables à la mise en œuvre


du projet et sont à même de faire tourner le rapport de force avec les ani-
mateurs à leur avantage. Leurs ressources, connaissances et expérience de la
maladie font d’eux des intermédiaires incontournables. Ils remplissent, à bien
y regarder, une fonction analogue à celle des « courtiers en développement »
(Olivier de Sardan, 1995 ; Guérin, 2011). À côté des ressources financières et
symboliques captées, ils assurent l’interface entre les valeurs et les idéaux

183
Clément Soriat

posés par le projet et les réalités locales. Ils sont particulièrement disposés
à intégrer et à articuler des « univers de sens » antagonistes, tout en étant
en mesure de défendre leurs intérêts. Maxime adhère ainsi pleinement aux
valeurs néolibérales promues par le PIES et a d’ailleurs développé un esprit
d’« auto-entrepreneuriat » bien avant le projet. Il s’en fait le relais auprès
des bénéficiaires, « appuyant » par exemple la parole des animateurs lors
des réunions observées. Mais il ne perd pas de vue ses objectifs propres et ne
s’implique dans le projet qu’en fonction des ressources qui lui sont offertes.
Ce faisant, il conforte son statut social.

Le PIES est un bon observatoire des évolutions de l’aide au dévelop-


pement. Comme tous les projets de microcrédit, il valorise la figure de
l’auto-entrepreneur et reflète le « tournant » néolibéral des politiques de
développement. Plus spécifiquement, il peut être vu comme une manifes-
tation contemporaine de la gouvernementalité dans le contexte des pays
du Sud. Par l’analyse d’un projet spécifique, c’est finalement une réflexion
plus générale sur les modalités d’exercice du pouvoir qui a été menée. La
mobilisation du concept de gouvernement des corps nous a conduit à
mettre l’accent sur la diffusion par les acteurs associatifs de techniques de
responsabilisation des séropositifs qui visent à susciter un style de vie « entre-
preneurial » moins par la force que par la persuasion, même si le recours à
la sanction reste possible à l’encontre des plus récalcitrants.
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Dans ce genre de configurations, les acteurs sur lesquels le pouvoir
est exercé ont suffisamment de latitude pour s’aménager des marges de
manœuvre. La réception des projets par les « populations cibles » est dans
ce cas ambivalente, le projet représentant surtout une opportunité faisant
l’objet d’investissements stratégiques ou tactiques selon la position socio-
octobre~décembre 2016 – Revue Tiers Monde

économique des bénéficiaires. Un espace est laissé aux actes de résistance et


à des processus d’appropriations protéiformes par lesquels les bénéficiaires
s’éloignent des objectifs de départ. Leurs réactions face au PIES relèvent rare-
ment du rejet ou de l’opposition frontale, mais davantage de la ruse, du jeu
avec la contrainte ou de l’instrumentalisation. Sur ce point, les bénéficiaires
les plus favorisés sont aussi ceux pour lesquels le PIES procure les plus nets
bénéfices, à tel point que le projet pourrait apparaître comme un instrument
de renforcement des acteurs aux positions sociales les mieux affirmées.
N° 228

184
Diffusion et réception des valeurs néolibérales de responsabilisation
dans le cadre d’un projet de microcrédit au Bénin

On voit ici une illustration frappante de la complexité des rapports de


pouvoir qui façonnent la mise en œuvre des projets de développement et
que les incantations simplistes en faveur de l’empowerment empêchent de
penser. La capacité d’action n’est pas un attribut qui se transfère mécani-
quement à coup de formations et de microcrédits. Elle demeure toujours
socialement située, ce qui explique pourquoi bon nombre de projets de
développement sont inaptes à réduire les inégalités sociales.

auteur

Clément Soriat
Enseignant en science politique à l’université de Lille 2, il mène des recherches
sur les politiques de santé en Afrique. Il est également impliqué dans le
monde associatif.
A récemment publié :
Soriat C., « Participation des associations de personnes vivant avec le VIH/
sida à la lutte contre le sida au Bénin : entre mobilisations et injonctions », in
Broqua C., et Delaunay K. (dir.), Lutter contre le sida en Afrique : Mobilisations
locales et internationales au temps des antirétroviraux, Marseille/Paris, IRD/
Karthala [à paraître].
Soriat C., 2013, « S’investir ou investir dans la lutte contre le sida au Bénin ?
Trajectoires d’entrepreneurs et reconversions associatives », Face à Face,
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n° 12.

185
Clément Soriat

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