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I

EPIGRAPHE

« Le crime rend égaux tous les êtres qu’il souille. »


ALFRED NEWMAN.
II

DEDICACE

A l’Éternel Dieu tout puissant ;

A mes père et mère : NYEMBO KALUGA Prosper et YUMA MBWESE Cécile ;

A mes chères sœurs : Lydia, Aminata, Thesy et Merveille NYEMBO, Sandra Bashile,
Mireille, Divine NGIMO, Faila KUSEKU et Vinciane YUMA ;

A mes chers frères : Jimmy, Emma, Glodi, Meschack et Jovial NYEMBO, Landry SAILE,
Herman MAKANDA, Venance KISANGANI, Costa MUKAZ et Hervé YUMA ;

A mes amis et collègues : Dan KAZ, Nissi MWAKU, Asha BINTI, Dorcas KALUBI, Berty
TSHANIKA, Daniel MUWELWA, Élisée KAZADI, Eliade, Socrate et Dophine NGOY,
Excel TAMBWE, Toussaint MPANDE, Estimé MUTAMBA, Franck TSHINDJAMBA,
Emmanuel MALISAWA, Tommy Pyana, Niko YUMA et Jonathan YUMA, Prudy Kisimba ;

A Monsieur Idriss MABILO ;

A mon Directeur, KATAMEA NDANDI Valentin ;

A la faculté de droit ;

A toute l’université de Lubumbashi ;

Veuillez trouver dans ce travail l’estime qu’il à trouvé en vous tout au long de son élaboration,
ainsi que le fruit de votre soutien et vos encouragements.
III

REMERCIEMENTS

Avant toute écriture du développé de ce travail, je tiens à témoigner ma gratitude


envers Dieu, Maître des temps et des circonstances, lui qui a permis l’accomplissement sans
faille du présent travail ;

Mes sincères gratitudes à mon père NYEMBO KALUNGA Prosper, et ma mère YUMA
MBWESE Cécile pour leur soutien et leurs prières ;

Je remercie l’Université de Lubumbashi et son personnel en général pour l’intégralité de la


formation acquise tout au long de ce cursus académique, et en particulier le Recteur, le
Professeur Ordinaire KISHIBA FITULA Gilbert pour tant d’encouragements et de
motivations ;

Je remercie mon Dicteur, le Professeur KATAMEA NDANDI Valentin, pour son


incontournable et précieux encadrement dans la constitution de ce travail ;

Je ne saurai clore mes remerciements sans témoigner ma gratitude au Chef des travaux Eric
KABEYA, ainsi qu’à Maître François KANKOLONGO, pour leur disponibilité à notre
égard ;

Mes remerciements vont enfin à toute ma famille, la famille NYEMBO, ainsi qu’à toutes les
personnes qui, de près ou de loin m’ont soutenu par des encouragements, par leurs prières et
soutien en faveur de l’accomplissement de cette œuvre.

Merci infiniment.
IV

AVANT- PROPOS

La criminalité a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, et


des sommes de plus en plus importantes sont dépensées pour la santé et la sécurité de la
population, pour la police à des fins d'enquêtes, pour les cours et tribunaux afin d’une
administration d’une justice équitable et indépendante, et enfin pour les prisons.

L’intérêt des experts juridiques, criminologues et psychologues s’est


progressivement reporté sur les méthodes innovatrices en vue de prévenir plutôt que de punir
la criminalité qui s’impose en résistant aux efforts punitifs.

La prévention de la criminalité est ainsi révélée par plusieurs études comme étant
une meilleure méthode, et convenable pour réduire le taux de criminalité de manière assez
significative.
1

INTRODUCTION

I. OBJET D'ETUDE

Notre travail porte sur la question de la prévention de la criminalité en droit


congolais, et notre étude sera focalisée sur la ville de Lubumbashi. Puisqu’il n’existe point de
société sans crime, moins encore de crime sans société, par le simple fait qu’il faut qu’au
préalable il y ait existence d’un espace où territoire bien déterminé sur lequel la commission
du crime par son auteur serait susceptible d’être effectuée. Les termes crime et criminel sont
des termes juridiques créés par la volonté du législateur et n’ont aucune validité en soi, car le
crime n’est pas exclusivement un acte nuisible, parce qu’il existe bien d’autres actes qui sont
considérés comme tels, alors qu’ils ne sont pas nuisibles1.

Le crime n’est plus aujourd’hui ce qu’il était jadis, car son évolution ne cesse de
transformer à grande échelle son caractère, ce qui dissipe peu à peu sa conception des esprits
des gens.

II. ETAT DE LA QUESTION

L’état de la question consiste en une analyse des résultats des recherches


antérieures dans le domaine, ce qui permettrait ainsi au chercheur de se situer quant à son
apport par rapport à son travail, afin de recueillir des informations générales et utiles pour ses
recherches.

Après consultation et analyse de certains ouvrages et travaux scientifiques ayant


abordé la question relative à la criminalité, le constat observé affirme que plusieurs auteurs
ont parlé de la nécessité de ces notions, mais sous divers angles. Nous ne saurons cependant
pas tous les mentionner vu le caractère abondant que présente leur nombre, mais nous ne
parlerons qu’à titre illustratif de trois d’entre eux.

James Q. Wilson critique incessamment dans « Thinking about crime », les


criminologues qui ont exhorté des efforts à atténuer les causes profondes du crime dans la
pauvreté et la négligence sociale, plutôt que de se concentrer sur la capture, le confinement,
et/ou la lutte contre les vrais criminels. Wilson est également impatient que les politiciens et
les commentateurs exigent la lutte contre le crime sans trop se soucier de ce que ce la
coûterait ; il a également dans un livre rempli d’analyses et de critique d’études empiriques,

1
Gabin BADY BAKUYA, Syllabus du cours de Criminologie générale, UNILU-PRINT, 2021.
2

tenté de saisir ce qui était raisonnablement bien connu, et ce qui ne l’était pas 2. Le dernier
chapitre par exemple exprime un scepticisme quant à savoir si la peine capitale a un effet
dissuasif sur le crime, tout en reconnaissant que la peine de mort pourrait bien être défendue
pour des raisons morales. Il résume ainsi son message central relatif aux stratégies et
mécanismes à prendre contre la progression du crime, et suggère ainsi que soient modifiées
l’humanité, la nature et les institutions gouvernementales.

Gabriel Tarde quant à lui, il s’oppose clairement à l’école criminalistique


italienne, héritière des théories de César Lombroso (doctrine du criminel-né). Il s’appuie sur
la statistique criminelle, et sur l’élaboration d’une responsabilité pénale particulière, et a
réfléchi également sur l’avenir du crime, parallèlement à l’évolution de la société 3. Tarde
renchérit en réfutant la pensée d’Alexandre Lacassagne qui avance selon le calendrier
criminel, que le développement de la criminalité est proportionnel à la longueur du jour, après
avoir analysé les facteurs physiques et climatiques. A ce propos, Tarde pense que les facteurs
climatiques n’ont que des influences limitées, et que s’il y a accroissement de crimes en été,
ce n’est pas à cause de la longueur des jours, mais plutôt que cela soit dû au fait que la vie
sociale est plus vive dans cette saison4.

Tarde a par la suite analysé les facteurs physiologiques, faisant ainsi allusion à la
race et au sexe, en considérant pour ce qui est de la race que les personnes d’une contrée,
d’une tribu ou d’une ethnie, ne consentent le vivre ensemble que plus avec les gens de leur
cercle, qu’avec ceux du reste du monde.

Par rapport au sexe qu’il considère comme l’un des plus grands facteurs
physiologiques, il justifie le nombre élevé de criminels masculins qui prime sur celui des
femmes criminelles, et pense que cette différence de criminalité entre les deux sexes
proviendrait du style de vie, parce que les femmes sortent moins souvent que les hommes.

Maurice Cusson de son côté, il analyse le fait que la seule réalité importante c’est
le criminel, et qu’il suffit de percer le secret de l’âme criminelle pour résoudre l’énigme du
crime. Il en déduit qu’en s’accrochant à la position de cette analyse, le caractère du crime
serait soustrait de ce dernier ce qui entraînerait la réduction de l’acte à son auteur.

2
James Q. WILSON, Thinking about crime, Vintage revised paperback, 1985.
3
Gabriel TARDE, La criminalité comparée, Librairie Félix Alcan, Paris 1924.
4
G. TARDE, La philosophie pénale, Editions Cujas, Paris 1892.
3

Cusson analyse donc le crime qu’il appelle aussi acte en situation comme la
réponse d’une personne à ce qui existe en dehors d’elle, faisant ainsi allusion à une
provocation, une attaque, une occasion une offre, une vulnérabilité5.

III. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE

A. PROBLÉMATIQUE

La problématique constitue l’un des préalables qu’exige une recherche


scientifique et qui veut que le chercheur se pose quelques questions fondamentales sur ses
recherches.

Selon Wikipédia, la problématique est la présentation d’un problème qui soulève


une interrogation qu’il faut résoudre.

Le dictionnaire Le petit Larousse définit la problématique comme étant un


ensemble des questions qu’une science ou une philosophie se pose dans un domaine
particulier6.

Il est cependant convenable que notre travail fasse appel aux questions ci-après :

- Quelles sont les sources de la criminalité ?


- D’où la criminalité tire-t-elle son origine ?
- Comment lutter contre la criminalité ?
- Pourquoi lutter contre la criminalité ?
- Quelles sont les conséquences pouvant entraîner la criminalité ?

B. HYPOTHÈSES

L’hypothèse est une proposition susceptible de faire objet d’une discussion visant
à fournir une explication concrète constituant la réponse aux questionnements de la
problématique. C’est un mode de figuration, une proposition que l’on veut défendre, ou qui
doit simplement faire l’objet d’une discussion7.

Raymond Quincy et Luc Van Compenhoudt définissent à leur tour l’hypothèse


comme une proposition qui anticipe une relation entre deux termes qui selon le cas, peuvent
être des concepts ou des phénomènes. Elle est donc une proposition provisoire, une

5
Maurice CUSSON, Criminologie actuelle, PUF, Paris 1998.
6
Dictionnaire, Le petit Larousse, Éd. Larousse, Paris 2010, p. 822
7
Gabriel HONORÉ MARCEL, Journal, 1919, p. 225
4

présomption qui demande à être vérifiée, et elle doit être confrontée à des données
d’observation.

IV. METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE

A. METHODES DE RECHERCHE

La méthodologie est une cartographie des méthodes, ou tout simplement une


métamethode 8.

La méthode est une manière de conduire sa pensée, issue d’un ensemble de


démarches raisonnées suivies pour parvenir à un but ou un résultat bien déterminé et précis.
L’idée de méthode est toujours celle d’une direction définissable et régulièrement suivie dans
l’opération de l’esprit.

Il nous paraît donc important de souligner que les méthodes en droit sont les
mêmes que celles utilisées en sciences sociales, et que la différence ne se situe qu’à leurs
objets.

En droit les méthodes ont pour objet :

 L’étude des règles existantes ;


 L’étude des organisations ;
 L’analyse des situations à implication juridique.

Dans le cadre de notre travail, nous n’allons faire recours qu’à cinq méthodes.

1. Méthode exégétique

La méthode exégétique consiste dans l’interprétation des textes en recherchant la


volonté du législateur. Elle repose sur un attachement au texte.

Cette méthode intervient dans notre travail pour permettre une appréhension plus
pratique de la notion de criminalité en usant des dispositions légales.

2. Méthode Herméneutique

Étymologiquement, cette méthode est définie comme étant une méthode de la


lecture, l’explication et l’interprétation des textes. Elle est originairement une science des
règles permettant d’interpréter la Bible et les textes sacrés, ainsi que d’en expliquer le vrai

8
KIZOBO OBWENG, Méthodologie de la recherche scientifique, Éd. Mes, Lubumbashi 2016, p.2 et s.
5

sens. Cette méthode est aussi ancienne que le sont les religions, les spiritualités et les
philosophies9.

Dabs le cadre de notre travail, la méthode herméneutique nous aidera non


seulement dans la compréhension et l’interprétation des textes juridiques devant y être
évoqués, mais aussi et surtout dans la compréhension du sens, de l’intention, et du contexte
dans lequel une loi a été adoptée.

3. Méthode historique

Cette méthode vise la reconstruction du passé par un examen des événements


passés à partir principalement des documents et archives. Elle s’appuie sur le temps et sert à
déterminer scientifiquement les faits historiques, afin de les grouper en un système
scientifique10.

Dans le cadre de notre travail, nous nous focaliserons sur l’approche diachronique
de cette méthode afin de comprendre le caractère dynamique de la criminalité.

4. Méthode descriptive

Cette méthode fait référence à la description des caractéristiques des variables


étudiées. Elle est plus focalisée sur la réponse aux questions relatives au « quoi » plutôt qu’au
« pourquoi » du sujet faisant objet de recherche.

Cette méthode consiste donc non seulement à décrire, mais aussi à nommer ou
caractériser un phénomène, une situation où un événement de sorte qu’il apparaisse familier11.

5. Méthode analytique

La méthode analytique consiste en une analyse des données et informations


recueillies afin de les comprendre et d’en expliquer les phénomènes. Cette méthode est
souvent utilisée pour étudier des questions complexes et trouver des solutions quant à ce.

La méthode analytique nous sera d’une utilité très importante dans notre travail en
ce qui concerne la collecte des données et informations afin d’en sortir des solutions fiables.

B. TECHNIQUES DE RECHERCHE

9
Aimé BANZA ILUNGA, Syllabus du cours de Logique et argumentation juridique, premier graduat, faculté de
droit, Université de Lubumbashi, année académique 2018-2019.
10
Charles SEIGNOBOS, La méthode historique appliquée aux sciences sociales, ENS Éditions, Lyon 2014.
11
N’da PAUL, Méthodologie delà recherche de la problématique à la discussion des résultats, Éditions
universitaires de Côte d’Ivoire, Abidjan 2002, p. 19.
6

Constituant des outils ou instruments dont se sert le chercheur pour recueillir les
données, les techniques de recherche varient selon qu’il s’agit de comprendre un
comportement individuel ou collectif12, de récolter les opinions ( technique de sondages,
d’interview, etc.), de recenser les faits et des personnes (technique d’échantillonnage),
d’interpréter un document écrit ( technique documentaire), et tant bien d’autres techniques
sont à noter, mais en ce qui concerne notre travail nous n’allons en aborder que deux.

1. Technique documentaire

La technique documentaire consiste en la documentation par le chercheur, sur la


matière de son travail par la recherche et la lecture des œuvres aussi bien matérielles
qu’immatérielles, produites par des auteurs ayant écrit sur la matière de ses recherches cadrant
avec son travail.

Cette technique est d’un apport très important car il nous aidera en ce qui concerne
notre travail, dans la consultation de certains ouvrages tant en caractère d’imprimerie qu’en
caractère informatique ou électronique en vue d’une constitution efficace de notre travail.

2. Technique de webographie

Dénommée aussi « technique d’internet », tel un formidable outil de recherche, cette


technique consiste à récolter des données et des informations de manière automatique via un
moteur de recherche électronique. Elle se veut comme une sorte de bibliothèque de babel,
d’où l’affirmation de Michel Braud : « Comme l’ordinateur, Internet prend une part de plus
en plus importante dans l’activité des chercheurs. ».

De ce qui est de notre travail, cette technique constitue un véritable centre de recherche
électronique, dans la consultation de certains ouvrages publiés sur divers sites et plates-
formes, ainsi que des ouvrages consultables qu’en ligne.

3. Technique d’interview

La technique d'interview est une technique de recherche qui consiste à faire recours à des
entretiens au cours des quels le chercheur interroge des personnes qui lui fournissent des
informations relatives au sujet de sa recherche13.

Grâce à cette technique, nous avons pu interviewer quelques enfants de la rue dans la ville de
Lubumbashi et les prostituées.
12
André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris 1985.
13
GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences Sociales, 4ème éd, Dalloz, Paris,.1996, p.587
7

V. DÉLIMITATION DU TRAVAIL

Toute recherche scientifique nécessite le choix d’une délimitation, tout en prenant


soin de ne pas perdre le repère vu l’immensité du champ de recherche dont il est question.

Étant donné qu’une démarche scientifique procède fatalement par un découpage


delà réalité, le chercheur ne saurait cependant analyser un fait dans tous ses aspects depuis le
début des temps jusqu’aux extrêmes limites. C’est pourquoi nous avons dans le cadre de notre
travail, opté pour une délimitation tripartite (dans le temps, dans l’espace et une délimitation
en rapport avec la matière).

A. DÉLIMITATION SPATIALE

Notre étude porte sur la prévention de la criminalité en droit congolais : cas de la


ville de Lubumbashi.

Ce présent travail est effectué en République démocratique du Congo, dans la


province du Haut-Katanga, plus précisément dans la ville et l’université de
Lubumbashi.

B. DÉLIMITATION TEMPORELLE

Ce travail est effectué sur une période allant de l’an 2022 à 2023, et prendra toute
l’année académique 2022 – 2023.

C. DÉLIMITATION DE LA MATIÈRE

Le présent travail porte sur la criminalité en droit congolais, partant de


l’application des différents traités et lois organisant la répression des crimes qui heurtent la
conscience humaine, et qui touche à l’ensemble de la communauté tant internationale que
nationale, et dans le cadre de notre travail la communauté urbaine.

VI. SUBDIVISION DU TRAVAIL

Hormis l’introduction et la conclusion, notre travail est subdivisé en deux


chapitres :

- Le premier chapitre portera sur les généralités sur la criminalité ;


- Le deuxième chapitre sera axé sur la prévention et l’analyse de la criminalité en droit
congolais, cas de la ville de Lubumbashi.
8

CHAPITRE PREMIER : LES GENERALITES SUR LA CRIMINALITE

SECTION 1. NOTIONS FONDAMENTALES

§.1. DÉFINITION

Pour bien appréhender la notion de criminalité, il faut dès le départ prendre acte
du fait que la criminalité est un objet qui renvoie à deux dimensions : d’une part à un
comportement ou une manière de faire ou de ne pas faire, et d’autre part à une qualification
criminelle ou à une manière de définir et de réagir issue d’un système d’organisation des
droits. Le crime n’est donc pas exclusivement un acte, mais le rapport entre l’acte et la
manière de le définir. Pour qu’un acte prenne la connotation de crime, il faudrait que cela soit
au préalable prévu dans une loi pénale. Il ne suffit donc pas qu’un comportement soit
dommageable, ni même très grave pour qu’il devienne un crime, on peut même dire que les
actes reconnus comme criminels dans leur ensemble ne gardent aucun rapport avec une
échelle rationnelle de gravité objective de conduite dans la société14.

Même s’il est dérisoire’ un acte peut devenir un crime, mais il y a cependant des
actes très graves et qui ont très peu de chance de devenir des crimes : c’est en l’occurrence le
cas d’un accident de travail causant la mort, par suite d’une négligence patronale des normes
sécuritaires ; et par conséquent c’est un autre système des droits et assurances qui prend en
charge la régulation sociale de ces illégalismes et accidents. De même, indépendamment des
circonstances, un policier qui tue en service a aussi très peu de chances d’être condamné par
la justice15.

Contrairement aux apparences, le crime est une notion beaucoup plus complexe
qu’on ne le croit généralement, depuis que les questions de sécurité sont devenues un
problème politique majeur, se pose la question de la mesure et du classement des actes dits
criminels. La question de crime et de criminalité sont si polysémiques qu’il n’existe pas
d’autres moyens d’en proposer à titre liminaire une définition plutôt sociologique que
juridique. Dans cette perspective, on considère comme criminel ou délinquant, tout
comportement que le législateur incrimine en menaçant le responsable d’une peine
conséquente. Mais dans cette définition, le terme « crime »n’y trouve pas encore sons sens,

14
Pires ALVARO, criminalité : enjeux épistémologiques, théoriques et éthique, Ottawa 1994.
15
Jean-Paul BRODEUR, Legitimizing police deviance, Toronto 1981.
9

car un acte est également qualifié de criminel sous l’action d’un pouvoir légitime qui
sanctionne certains comportements.

Pour des philosophes, des moralistes ou des juristes, la transgression d’un interdit
peut être qualifiée de criminelle, indépendamment de la capacité des institutions à identifier
plus ou moins correctement son auteur. Il en découle de la croyance en l’existence d’une
« criminalité réelle » qui serait uniquement constituée par le nombre total d’actes transgressés
assortis d’une peine que les auteurs auraient plus ou moins conscience d’avoir commis16.

La criminalité est définie par SLINGENEYER, THIBAUT sous forme d’une


équation : la criminalité réelle est égale à la criminalité connue enregistrée (ensemble des
crimes connus ayant fait l’objet d’un enregistrement), moins la non-criminalité enregistrée
( ensemble des faits enregistrés, ce ne sont pas des crimes au vrai sens du mot, mais plutôt des
crimes enregistrés à tort), plus la criminalité connue mais non enregistrée( ensemble des
crimes connus n’ayant pas fait l’objet d’un enregistrement), plus le chiffre noir( ensemble des
crimes non connus). DANIEL BELL à son tour, faisant allusion au crime organisé, définit la
criminalité comme une technique parmi tant d’autres permettant aux membres de classes
inférieurs d’accéder à une situation sociale supérieure, d’acquérir une mobilité ascendante17.

Emile Durkheim disait que la société sans criminalité n’existe pas et ne peut pas
exister. Il trouve donc que le crime est nécessaire pour faire évoluer le droit, et permettre ainsi
à la société d’être en cohésion ; lorsqu’il y a un crime et que le criminel se fait attraper,
d’autres personnes prétendent que la société fonctionne bien car elle punit le crime.

Selon Émile Durkheim, la criminalité n'est pas simplement une violation de la loi,
mais plutôt un phénomène social qui est inévitable dans toutes les sociétés. Durkheim
soutenait que la criminalité est une manifestation normale de la vie sociale et qu'elle joue un
rôle fonctionnel dans le maintien de l'ordre social. Durkheim croyait que la criminalité était le
résultat d'un manque d'intégration et de régulation sociale. Il soutenait que tous les membres
d'une société ne partagent pas les mêmes systèmes de valeurs et les mêmes normes, ce qui
peut conduire à des tensions et des conflits. Lorsque ces tensions ne sont pas suffisamment
régulées et intégrées dans la société, elles peuvent se manifester par le biais d'actes criminels.
Dans son ouvrage majeur, "De la division du travail social", Durkheim a exploré le lien entre
la criminalité et la solidarité sociale. Il a soutenu que dans les sociétés traditionnelles, où la
solidarité est principalement basée sur la similarité et l'interdépendance, la criminalité est
16
Frédéric OCQUETEAU, Criminalité, Encyclopedia universalis(en ligne), consulté le 25 juillet 2023.
17
Franck BROWNING et John GERASSI, Histoire criminelle des Etats-Unis, Nouveau monde, 2015, p.13 et s.
10

moins fréquente car les individus sont plus étroitement liés et partagent des normes et des
valeurs communes18. En revanche, dans les sociétés modernes, caractérisées par la division du
travail et l'individualisme, la criminalité peut augmenter car l'intégration sociale est moins
forte.

Cesare Lombroso, pionnier de la criminologie et sous-tendant de la théorie du


criminel-né, également appelée théorie de la criminalité innée, soutient que certaines
personnes sont nées avec une prédisposition biologique à commettre des actes criminels.
Selon cette théorie, ces individus ont des caractéristiques physiques, psychologiques ou
génétiques qui les rendent plus enclins à adopter des comportements délinquants.

Cependant, il est important de noter que la théorie du criminel-né a été largement


critiquée et réfutée par la recherche ultérieure. Les études ont montré que la criminalité est un
phénomène complexe et multidimensionnel, influencé par une combinaison de facteurs
biologiques, psychologiques et sociaux19. L'accent mis exclusivement sur des facteurs
biologiques réduit la complexité de la criminalité et néglige l'impact des facteurs
environnementaux, tels que la socialisation, la pauvreté, l'éducation et les opportunités. Les
problèmes sociaux, économiques et politiques jouent également un rôle important dans le
développement de la criminalité, remettant en question la notion d'une prédisposition innée à
la délinquance. Lombroso pensait que la criminalité était essentiellement biologique et que
certains individus étaient prédisposés à devenir des criminels en raison de caractéristiques
physiques et anatomiques particulières.

Robert Merton a développé la théorie de l'anomie en sociologie de la déviance20.


Selon lui, la société donne des objectifs culturels aux individus, tels que la richesse, la réussite
professionnelle et sociale. Cependant, tout le monde n'a pas les mêmes moyens pour atteindre
ces objectifs, ce qui crée une situation d'anomie.

Merton soutient que les individus peuvent se tourner vers des moyens illégaux pour
atteindre ces objectifs de la société, en particulier lorsque les voies légitimes ne sont pas
accessibles. Ainsi, la déviance et la criminalité surviennent lorsqu'il y a un désalignement
entre les attentes culturelles et les chances réelles d'atteindre ces attentes. Merton martèle
donc sur le fait que la criminalité n'est pas déterminée par une disposition innée ou
biologique, mais plutôt par les pressions sociales et structurelles auxquelles les individus sont

18
Émile DURKHEIM, De la division du travail social, Éditions Félix Alcan, Paris 1893.
19
Cesare LOMBROSO, L'Uomo delinquente, Éditions Hoepli, Milan 1876.
20
Robert MERTON, Social Theory and Social Structure, Free Press Éditions, New York 1949.
11

confrontés dans leur quête de succès et de statut social. Selon lui, la criminalité est un
phénomène sociétal lié aux déséquilibres structurels et aux inégalités de l'ordre social.

Michel Foucault, philosophe et théoricien français, aborde la question de la


criminalité d'un point de vue différent de celui de Robert Merton. Plutôt que de se concentrer
sur la définition de la criminalité en termes de désalignement entre les attentes culturelles et
les chances réelles d'atteindre ces attentes, il s'intéressait plutôt aux mécanismes de pouvoir
qui permettent de définir ce qui est considéré comme criminel dans une société donnée. Selon
Foucault, la criminalité est une construction sociale qui varie selon les époques et les
contextes. Il soutenait que les systèmes de pouvoir et les institutions sociales contribuent à
définir ce qui est considéré comme criminel, et que cette définition est en constante évolution.
Foucault remettait également en question les notions de déviance et de normalité, soutenant
que ces concepts sont des produits du pouvoir et des mécanismes de contrôle social.

Selon lui, les discours et les pratiques entourant la criminalité servent à exercer un
contrôle social et à maintenir l'ordre dans la société. Il explorait les notions de surveillance, de
discipline et de normalisation dans ses travaux, notamment dans son livre "Surveiller et punir"
où il étudie l'évolution des systèmes de surveillance et de punition dans les sociétés
occidentales21.

Le philosophe français Étienne Balibar a également contribué à la réflexion sur la


définition de la criminalité. Il soutient que la criminalité est une construction sociale et
politique, façonnée par les rapports de pouvoir et les normes sociales d'une société donnée.
Balibar s'intéresse particulièrement à l'instrumentalisation de la notion de criminalité par l'État
et les institutions de justice pénale. Selon lui, la définition de ce qui est considéré comme
criminel est souvent utilisée pour maintenir des inégalités et des structures de pouvoir
existantes. Il souligne également l'importance de l'aspect politique et idéologique de la
définition de la criminalité, mettant en évidence comment certains actes sont criminalisés en
fonction des enjeux de pouvoir et de classe sociale dominante22.

Il ne suffit donc pas qu'un comportement soit dommageable, ni même très grave,
pour qu'il devienne un crime. On peut même dire que les actes reconnus comme criminels,
dans leur ensemble, ne gardent aucun rapport étroit avec une échelle rationnelle de gravité
objective des conduites dans la société. Un acte peut devenir un crime même s'il est dérisoire
et il y a des actes très graves qui ont très peu de chances de devenir des crimes. C'est le cas de
21
Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Éditions Gallimard, Paris 1975.
22
Étienne BALIBAR, Foucault et la philosophie politique, Éditions La découverte, Paris 1985.
12

l'accident de travail causant la mort par suite d'une négligence patronale des normes de
sécurité; un autre système d'organisation des droits et d'assurances prend en charge la
régulation sociale de ces illégalismes et de ces «accidents23».

§.2. LA CRIMINOLOGIE ET LA JUSTICE PÉNALE

Alors que la criminologie traite le phénomène criminel dans son ensemble,


incluant ainsi la création et la violation des lois, ainsi la réaction sociale et répressive face à
cette violation. La criminologie ne se limite donc pas seulement à décrire chacune des facettes
du phénomène criminel, mais aussi à les comprendre et à les expliquer.

La notion de la justice pénale est cependant présentée par David GARLAND,


sociologue et professeur de droit américain, à travers une approche critique et sociologique de
la manière dont les systèmes de justice pénale fonctionnent dans la société contemporaine.
David Garland est un sociologue et professeur de droit américain, spécialisé dans le domaine
de la justice pénale. Il est connu pour ses travaux sur la pénologie, la criminologie et la
sociologie du droit. La position de David Garland sur la justice pénale peut être résumée par
une approche critique et sociologique de la manière dont les systèmes de justice pénale
fonctionnent dans la société contemporaine. Garland a étudié les changements dans les
politiques pénales et les discours entourant la justice pénale, et il est connu pour son analyse
des sociétés caractérisées par une culture du contrôle et une forte incarcération. Dans son livre
"La culture du contrôle : la criminologie et la société contemporaine", il critique les politiques
de répression, soutenant que les sociétés modernes se sont orientées vers une approche centrée
sur le contrôle et la surveillance plutôt que sur la réhabilitation et la réintégration sociale24.

Norbert ELIAS, sociologue allemand connu pour ses travaux sur la théorie de la
civilisation, argue à son tour que la justice pénale et son fonctionnement font partie intégrante
du processus de civilisation. Il analyse dans son ouvrage « La dynamique de l’Occident »,
l’évolution des normes et des comportements sociaux en Europe depuis le moyen âge25. Il
décrit comment la justice pénale a progressivement évolué en tant qu'institution centrale pour
résoudre les conflits et maintenir l'ordre social. Elias insiste sur le fait que la justice pénale
n'est pas une entité autonome, mais plutôt un reflet des normes et des valeurs sociétales.

23
F. Acosta, À propos des illégalismes privilégiés. Réflexions conceptuelles et mise en contexte», Criminologie,
XXI, 1, p. 7-34.
24
David GARLAND, La culture du contrôle : la criminologie et la société contemporaine, Éditions du Seuil, Paris
2001.
25
Norbert ELIAS, La dynamique de l'Occident, Éditions Walter de Gruyter & Co.
Berlin 1939.
13

Selon Elias, la justice pénale est essentielle pour maintenir la cohésion sociale en
punissant les comportements déviants et en marquant les limites acceptables du comportement
individuel. Il insiste également sur l'importance du contrôle social informel, exercé par les
membres de la société sur leurs pairs, qui agit en complément de la justice pénale formelle.

§.3. LA CRIMINOLOGIE ET LA PSYCHOLOGIE CRIMINELLE

La psychologie criminelle est une discipline complexe qui vise à comprendre les
motivations et les comportements des individus impliqués dans la commission des actes
répréhensibles.

Lawrence KOHLBERG, Psychologue du développement moral, postule que le


développement moral se produit en plusieurs étapes, chacune d’entre elles étant caractérisée
par un niveau plus élevé de raisonnement moral. Il suggère que les criminels sont souvent
coincés dans les stades inférieurs de développement moral, où leur raisonnement est basé sur
l’intérêt personnel et la punition ou la récompense, plutôt que sur des principes moraux plus
élevés. Sa théorie de développement morale était donc pertinente pour comprendre les raisons
pour lesquelles certains individus commettent des crimes et pour développer des stratégies de
prévention et de traitement.

La théorie de KOHLBERG suggérait que les interventions pourraient aider les


criminels à passer à des stades de développement moral plus élevés, ce qui pourrait aider à
prévenir la récidive.

William James a abordé la psychologie criminelle d'un point de vue philosophique


et psychologique. Il a écrit sur la notion de libre arbitre et son rôle dans la compréhension des
comportements criminels. Selon lui, les individus ont la capacité de choisir leurs actes et sont
responsables de leurs actions. Il croyait également que la volonté était un facteur clé dans la
détermination de la moralité et du comportement humain.

Dans son livre "Principes de psychologie", James a discuté de l'influence de la


nature et de la culture sur le développement de la personnalité et du comportement, y compris
les comportements criminels. Il a souligné que la psychologie criminelle devrait se pencher
sur les influences sociales, les conditions environnementales et les facteurs personnels pour
comprendre les raisons derrière les comportements criminels26.

26
William JAMES, Principes de psychologie, Éditions Henry Holt and Company, New York 1890.
14

James a également influencé la psychologie criminelle en explorant les notions


d'émotion, de motivation et de perception qui peuvent conduire à des comportements
criminels. Il a soutenu que la compréhension de la psychologie individuelle était essentielle
pour comprendre les motivations et les pulsions qui peuvent mener à la criminalité.

De plus, dans « crime et châtiment » par exemple, Fiodor Dostoïevski examine les
conséquences du meurtre du point de vue de son protagoniste, Raskolnikov, qui commet un
meurtre par la simple conviction qu’il est « un homme exceptionnel », et qu’il avait le droit de
tuer pour le bien supérieur de la société27. Dostoïevski finira cependant par mettre en lumière
les remords, la culpabilité et la souffrance intérieure auxquels Raskolnikov était confronté
après avoir commis l’acte. Et Raskolnikov finira par réaliser par lui-même que le meurtre
n’était justifiable ni moralement, ni légalement.

Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, a également apporté sa contribution


à la psychologie criminelle. Sa perspective diffère quelque peu de celle de William James.
Freud a abordé la psychologie criminelle en explorant les motivations et les pulsions
inconscientes qui peuvent mener à des comportements criminels. Selon lui, les individus sont
guidés par des instincts et des pulsions inconscientes, notamment la pulsion de mort et la
pulsion de vie. Ces pulsions peuvent entraîner des comportements agressifs, destructeurs et
antisociaux. Freud a également développé la théorie du complexe d'Œdipe, qui met en
évidence le rôle des conflits inconscients liés à la rivalité avec le parent du même sexe. Les
individus qui n'ont pas résolu efficacement leur complexe d'Œdipe peuvent développer des
comportements hostiles, délinquants ou criminels.

SECTION 2. EVOLUTION DE LA CRIMINALITE

§.1. LA CRIMINALITÉ DANS L’ANTIQUITÉ

L’histoire de la criminalité remonte à l’antiquité, où les premières lois ont été


édictées pour la régulation de la vie en société, et les premiers codes de lois connus demeurent
le Code d’Hammourabi en Mésopotamie, et la loi des douze tables à Rome. Dans l'Antiquité,
la criminalité était donc souvent vue comme une affaire privée plutôt que publique, c'est-à-
dire que c'était à la victime ou à sa famille de poursuivre l'auteur des faits plutôt qu'au
gouvernement ou à l'État de prendre en charge la justice pénale.

27
Fiodor DOSTOÏEVSKI, Crime et châtiment, Le messager russe, Moscou 1866.
15

Les peines encourues pour les différents crimes variaient en fonction de la société,
mais en général, les peines étaient sévères et souvent violentes. Par exemple, à Babylone, si
une personne volait, elle risquait de subir une amputation d'une main. Dans l'ancienne Rome,
les peines pour les différents crimes étaient souvent basées sur l'infliction de douleur
physique, comme des coups de fouet, des amputations, ou l'exposition à des animaux
sauvages. Dans certaines sociétés, comme l'Égypte antique, les criminels étaient parfois
soumis à des travaux forcés ou assignés à des corvées pour assumer leur responsabilité. Dans
d'autres cas, la punition pouvait consister en une amende ou une compensation pécuniaire à la
victime ou à sa famille.

Dans « A History of Crime and Criminal Justice in America », ouvrage de Mark


Jones, un regard comparatif est porté sur l'histoire de la criminalité et de la justice criminelle
dans diverses civilisations, dont l'Antiquité. Son analyse s'étend sur plusieurs époques et
lieux, allant de la Grèce antique à l'Empire romain, en passant par la Chine, l'Inde, le Moyen-
Orient et l'Europe médiévale28.

Jones offre dans cet ouvrage une perspective internationale sur la question de la
criminalité en s'appuyant sur des recherches approfondies. Il décrit comment différentes
sociétés antiques ont abordé la justice pénale et la lutte contre la criminalité, et comment les
approches ont varié selon les contextes culturels et économiques. Il montre l'importance des
codes de droit dans la régulation de la criminalité, comme le Code d'Hammourabi, le Code de
Justinien, et les lois romaines. Il analyse également les pratiques punitives, qui variaient de la
violence extrême à des sanctions financières, et la manière dont ces pratiques ont évolué au fil
du temps.

De son côté Jill Harries historienne britannique, examine en détail les législations,
les pratiques et les institutions judiciaires romaines relatives au crime. Ce livre offre une
analyse approfondie des sources primaires disponibles, telles que les lois romaines, les textes
juridiques et les inscriptions, afin de reconstituer et d'explorer les aspects juridiques de la
criminalité dans la Rome antique29.

Harries a également abordé la question des crimes de violence dans l'Antiquité, en


analysant les différents types de violence, tels que l'agression physique, les meurtres, les viols
et les vols, ainsi que les lois et les punitions associées à ces comportements criminels. Son
28
Mark JONES, A History of Crime and Criminal Justice in America, Éditions Routledge, Londres 2013.
29
Jill HARRIES, Law and Crime in the Roman World, Cambridge University press, Cambridge
2007.
16

travail souligne l'importance de comprendre les contextes sociaux, juridiques et culturels de


l'époque pour mieux appréhender la criminalité dans l'Antiquité.

En outre, Harries a également étudié les systèmes de détention et de peines, en


examinant les pratiques d'emprisonnement, les sanctions pécuniaires et les peines corporelles
telles que les fouets et les crucifixions. Son approche multidisciplinaire combine l'histoire,
l'archéologie, la philologie et d'autres domaines connexes pour offrir une image globale de la
criminalité et de la justice pénale dans l'Antiquité.

§.2. LA CRIMINALITÉ AU MOYEN AGE

Au moyen âge la criminalité la criminalité était souvent punie de manière brutale,


avec des châtiments tels que la peine de mort, la mutilation ou la torture. Mais les tribunaux
ecclésiastiques ont également joué un rôle très important dans la répression de la criminalité.

Trevor Dean a essayé de faire une analyse approfondie des sources juridiques
médiévales, telles que les chartes, les registres judiciaires et les traités juridiques, pour
reconstruire les structures de la justice médiévale et examiner de près les crimes commis à
cette époque. Dean utilise ces sources pour identifier les types de crimes les plus courants, les
sanctions appliquées et les procédures judiciaires utilisées pour juger les prévenus. Dean
montre également comment la criminalité au Moyen Âge était étroitement liée aux structures
sociales et économiques de l'époque. Il explore les relations entre la criminalité et des facteurs
tels que la pauvreté, les conflits entre les classes sociales, les changements économiques et les
tensions politiques. Dean souligne que la criminalité ne peut être comprise en dehors de ces
contextes plus larges, et que les réponses judiciaires à la criminalité étaient souvent
influencées par les préoccupations socio-économiques et politiques de l'époque. L’apport de
Trevor Dean sur la criminalité au Moyen Âge réside surtout dans sa capacité à reconstituer les
pratiques judiciaires de l'époque à travers l'analyse des sources juridiques médiévales, ainsi
que dans sa mise en évidence des liens entre la criminalité et les dynamiques sociales et
économiques de cette période30.

Au cours des siècles suivants, la criminalité a évolué en fonction des changements


sociaux, économiques et politiques. La révolution industrielle a entraîné une augmentation de
la criminalité liée à la pauvreté et à la croissance des villes. Les guerres mondiales ont
également eu un impact sur la criminalité avec l’émergence de nouvelles formes de
criminalité telles que le trafic d’armes et de drogues. Le mot « crime »apparaît en français au
30
Trevor DEAN, Crime and justice in late medieval italy, Cambridge University Press, Cambridge 2007.
17

VIIème siècle, on le date cependant de 1160 sous la plume de Benoît de Sainte Maure.
L’orthographe « crime »indique assez qu’il doit tout au latin (crimen) son acception aussi
d’ailleurs, car ce mot à l’exemple du vocable latin ne désigne l’infraction mais l’accusation,
le grief. Les expressions telles que « crimen adulteri, crimen falsi », que l’on rencontre dans
des relations judiciaires, ne sont à traduire respectivement que par « inculpation adultère » et
« inculpation de faux)31.

Cependant, par une curieuse logique de l’évolution lexicale, le terme a fini par
désigner la faute elle-même. Pour dénoncer ce qu’aujourd’hui nous nommons « crime »,
c’est-à-dire un manquement très grave à la loi, une infraction punie d’une peine infamante.
Les spécialistes en droit, les juristes et les législateurs, dans l’énoncé de leurs sentences ou
dans la rédaction de leurs codes normatifs, emploient plus volontiers d’autres termes tantôt
plus neutres, tantôt plus précis.

§.3. LA CRIMINALITÉ DE NOS JOURS

Aujourd'hui, on peut diviser rétrospectivement l'histoire du savoir scientifique sur


la criminalité grosso modo en deux grands blocs:

- Ceux qui l'ont conçue quasi exclusivement comme un fait social


inéluctable et l'ont étudiée comme un comportement
- Ceux qui l’ont conçue quasi exclusivement comme une étiquette et l'ont
étudiée comme une manière de définir certaines situations conflictuelles
et de réagir à leur égard.

On a alors parlé de la criminalité tantôt comme si elle était une chose tantôt
comme si elle était une forme parmi d'autres de définition de la réalité. J'appellerai le premier
bloc le paradigme du fait social (brut) et le deuxième, le paradigme de la définition sociale 7.
Dans le passé, on a parlé, à propos du premier paradigme, de «criminologie étiologique» ou
«du passage à l'acte». Le paradigme de la définition a été appelé aussi, quant à lui,
«constructiviste» ou celui «de la réaction sociale».

Le paradigme du fait social est le plus ancien et débute avec la naissance de la


criminologie au XIXe siècle. En général, les recherches qui y sont attachées conçoivent le
crime comme un fait social inéluctable, comme une chose, plutôt que comme une réalité
construite par le jeu des interactions sociales et de la loi pénale. Déterminées en bonne partie

31
G. ESPINAS, Ch. VERLINDEN, J. BUNTINX, Privilèges et charte de franchises de la Flandre, Bruxelles 1961. P.212
18

par des exigences qui caractérisaient l'«esprit du temps», elles porteront leur attention
directement sur les «causes du crime», la criminogénèse. On donne alors à la «criminalité»
un statut d'évidence32.

Le paradigme de la définition sociale est le plus récent et se développe d'abord


aux États-Unis au début des années 1960. Aujourd'hui, les deux paradigmes coexistent, trop
souvent sous la forme d'un parfait monologue. Malgré cela, on perçoit aussi présentement des
signes de changement important dans ce champ. En effet, il semble bien qu'un nouveau
paradigme soit en train d'émerger, un paradigme qui a le projet de dépasser ces deux manières
de parler de la criminalité.

Le siècle des Lumières représente une période de transition importante entre,


d'une part, une vision religieuse du monde et, d'autre part, l'émergence d'un savoir
scientifique caractérisé par une exigence méthodologique, en l'occurrence celle que les
informations avancées soient susceptibles d'être vérifiées ou réfutées33. Or, à l'époque
classique, on commence justement à traiter les idées comme des phénomènes naturels et à
chercher à expliquer les choses d'une manière qui n'est ni théologique ni métaphysique,
quoique pas encore scientifique. Cependant, «un esprit s'est constitué qui rendra l'attitude
scientifique possible34». Beccaria, par exemple, a une conception du droit pénal similaire à la
nôtre, tandis que Bentham ne fait pas encore une séparation nette entre les illicites civil et
pénal35. En outre, le «programme» classique est essentiellement un discours politique de
réforme pénale, et non un programme de recherche. Ce programme veut apporter des
solutions juridiques à des problèmes sociaux, mais ne se soumet pas aux exigences
méthodologiques de la scientificité. Pourtant, il s'approche de la vision du monde
scientifique.

Du point de vue politique, certains interprètes ont vu dans l'utilitarisme classique


un appel à la construction d'une justice plus équitable et plus humaine. D'autres ont, par
contre, donné de la philosophie pénale utilitariste une lecture diamétralement opposée. On ne
voit plus ces auteurs comme les partisans d'une justice humaine et modérée, mais comme les

32
A.P. Pires, «Le débat inachevé sur le crime», Déviance et société, III, 1, 1979, p. 23-46.
33
C. Debuyst, Histoire de la criminologie: les savoirs diffus ou la période pré-scientifique,
document de travail du Groupe de recherche sur l'histoire de la criminologie, Université catholique de Louvain,
1992.
34
C. Debuyst, op. cit.
35
M. van de Kerchove, «Décriminalisation et dépénalisation dans la pensée de Jeremy Bentham», dans: P.
Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove (sous la direction de), Actualité de la pensée juridique de Jeremy
Bentham, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles 1987.
19

artisans d'une manière plus sournoise de punir et de réprimer, d'une nouvelle économie
politique de la punition plus conforme à l’État capitaliste naissant. L’appel à la modération
paraît alors moins important que l'appel à une nouvelle rationalité punitive: frapper moins
fort un plus grand nombre de gens, ne pas gaspiller inutilement la «force de frappe» de l’État,
ne pas mettre inutilement en péril sa légitimité aux yeux de la société civile et discipliner
particulièrement les couches sociales défavorisées.

Il est aussi important de souligner que, pour la pensée classique, l'infracteur n'est
pas perçu comme une personne anormale ou comme un être différent des autres citoyens.
Seul l'acte même de transgression le distingue des autres. Notons aussi qu'à l'époque
classique, la transgression des lois est vue comme une pratique généralisée et courante dans
toutes les classes sociales. Néanmoins, cela n'empêche pas qu'on soit déjà particulièrement
préoccupé par les illégalismes des classes populaires. La conscience que la désobéissance est
répandue va de pair avec une crainte particulière à l'égard des pauvres. La solution des
problèmes sociaux passe alors fondamentalement par une réforme du droit pour le rendre
sans doute plus modéré, mais aussi plus dissuasif pour ces classes. En outre, au fur et à
mesure qu'on avance dans le XIXe siècle, la position de Beccaria, Kant et Hegel -qui
conçoivent le droit pénal comme étant «naturellement» distinct du droit civil - commence à
devenir dominante.

La nouvelle idéologie du contrat social, telle que nous la trouvons chez Rousseau,
a contribué à ce résultat. Selon cette représentation, le transgresseur du Pacte n'est plus vu
comme un simple ennemi du Prince ou de sa victime immédiate, mais comme l'ennemi de
tous, un traître, que tous ont intérêt à poursuivre. Par son action, il cesse d'être «citoyen» et
déclare la guerre à la société tout entière. Or, le droit pénal sera représenté de plus en plus
comme stipulant les termes mêmes de ce Pacte et l'infracteur, comme étant l'«ennemi de la
société». L’héritage classique est donc ambigu et cède, en bonne partie, devant une vision
belliciste du droit et des rapports sociaux.

Quelque nombreuses que soient les critiques de la pensée classique, il n'en


demeure pas moins qu'elle continue à influencer la manière de concevoir le crime et la peine.
Ainsi, certains voient encore les causes du crime comme découlant d'un laxisme de la
répression et d'un choix rationnel abstrait des individus. Plus grave encore: la peine est vue
comme la solution à un bon nombre de problèmes sociaux.
20

Toutefois, il est possible de dire que la criminalité continue d'exister de nos jours
sous différentes formes et manifestations. Certaines formes de criminalité ont même
augmenté avec notamment l'utilisation d'Internet et des réseaux sociaux. Par exemple, la
cybercriminalité, le harcèlement et le chantage numériques qui sont devenus une
préoccupation majeure pour les autorités et les particuliers, tandis que les atteintes à la vie
privée et la propagation de fausses informations ont également augmenté. D'autres formes de
criminalité telles que le vol, les cambriolages, les crimes violents et les trafics de drogue
continuent également d'exister.

Internet est devenu la première source d’information. Pratiquement tout ce qui


peut intéresser un être humain se trouve sur un serveur ou un autre, et le coût de recherche de
l’information est minime. Il est en effet si simple de taper quelques mots clés dans la fenêtre
de saisie d’un moteur de recherche pour trouver une information : qui est l’auteur de telle
citation ? Quelle est la discographie de tel chanteur ? Quelle est le coût de production de tel
produit, et qui en est le producteur ?

Les nouvelles technologies, en particulier l’informatique et la télématique, ont une


place importante dans la vie économique, et la quantité de transactions et échanges menés par
l’intermédiaire d’Internet est en spectaculaire progression36. Si ces nouvelles technologies
participent de manière positive au développement de la vie économique, elles présentent
aussi de nouveaux moyens de commettre des infractions d’affaires, ce qui fait apparaître des
dangers non négligeables, vue l’importance qu’elles ont désormais acquise. De même, les
infractions informatiques ont le plus souvent un caractère international, alors que les
informations en elles-mêmes sont des données régies par le droit national. Dans cette optique,
les flux d’informations parcourant librement les autorités chargées de l’enquête sont, elles,
strictement liées par leur compétence territoriale nationale et par le principe de souveraineté.
Selon Daniel MARTIN et Frédéric-Paul MARTIN « le phénomène de la cybercriminalité est
actuellement totalement mondial, et la donne est sensiblement différente ».

Les américains sont même allés plus loin en créant un verbe le « verb to Google
someone » : ce verbe consiste à taper sur internet soit son propre nom, soit un nom autre que
celui des gens de son milieu. Les moteurs de recherche sont en mesure de retrouver toutes les
mentions d’un patronyme sur les sites web, et dans les forums de discussion. Votre nom peut
ainsi apparaître dans un article de presse auquel vous avez contribué, sur le site de votre

36
Pierre REVERDY, La Matière Pénale Á L’Epreuve Des Nouvelles Technologies, Thèse, Université Toulouse 2005,
p. 79
21

institution professionnelle, ou des sites de recherche d’emploi à qui vous auriez confié votre
Curriculum vitæ, mais il peut cependant être également mentionné sur des sites généalogies à
votre insu, ou sur des forums de discussion qui commentent vos actes ou mésaventure.

L’un des principaux problèmes que rencontre l’internaute est de connaître la


fiabilité de l’information remontée par les moteurs de recherche. En effet, l’Internet n’est pas
contrôlé, car l’information peut provenir de tout point de la planète, elle sera référencée sur le
même plan par les moteurs de recherche. Même si la loi d’un pays imputé la responsabilité
des propos tenus à son auteur ou à l’administrateur du site sur lequel ces propos sont tenus, il
est facile de différencier ces propos à partir d’un pays moins contraignant 37. Lorsque l’on
récupère une information sur internet, il est donc difficile de distinguer ce qui est vrai de ce
qu’il ne l’est pas, et ce qui fut vrai mais qu’il ne l’est plus : nous nous retrouvons là sur une
autre caractéristique d’Internet, qui diffère de celui qui répond à nos préoccupations ; ce
nouveau Internet devient cependant un internet porteur de risques pour nos libertés.

Il faut noter qu’Internet n’oublie jamais rien, à partir du moment où une


information est mentionnée sur internet, elle va être enregistrée par les moteurs de recherche,
des sites vont s’en faire l’écho, des archives vont être constituées, des sites miroirs vont être
mis à jour. La perte de données étant la hantise de tout informaticien, tout sera mis en œuvre
pour conserver l’information quoi qu’il arrive. Il convient cependant de noter qu’avant
l’avènement de l’informatique, la mémoire des hommes était finie et sélective, tout pouvait
s’oublier, voire se pardonner. Lors du développement de l’informatique, les législateurs
français, puis ceux européens se sont préoccupés de contraindre les gestionnaires des fichiers
à limiter la conservation de l’information dans le temps, car avec internet on courrait le risque
de ne plus rien oublier.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Internet n’est pas administré, aucune
autorité ne régule au vrai sens du mot (en pratique) son fonctionnement, hormis quelques
organismes assurant sur un mode consensuel, la coordination indispensable des standards
techniques et de la répartition des ressources, notamment les adresses IP et les noms des
domaines.

Il est cependant très difficile de demander la suppression d’une information


étonnée ou périmée. Il faudrait d’abord se livrer à un travail d’enquêteur pour identifier les
gestionnaires des sites mentionnant l’information fausse. Et le plus dur resterait d’obtenir

37
Jean-Luc GIROT, Le harcèlement numérique, DALLOZ, Paris 2005.
22

modification ou suppression de l’information par ces gestionnaires de sites (personnes


physiques ou morales, ou organismes).

En somme, cela ne protégerait personne qu’il y ait une remise en ligne d’archives
ou de sauvegarde faisant réapparaître une information (fausse ou vraie mais privée). Les
principaux moteurs de recherche disposent ainsi d’archives leur permettant de fournir le
contenu des pages ayant disparu d’Internet.

Sur internet, rien ne perd, rien ne s’oublie, mais tout s'archive.

§.4. LA CRIMINALITE COMME PHENOMENE DE MASSE

D'abord, au moment où Quételet écrit, la criminalité est déjà représentée par une
partie de la pensée pénale classique (Beccaria et Kant) plutôt comme un «fait brut» que
comme une réalité construite par l'introduction d'une catégorie juridique. Cependant, Quételet
va donner à cette représentation un statut scientifique38, Le crime devient alors une «chose»,
au même titre que le mariage, le suicide et la mortalité.

Deuxièmement, si Quételet reconnaît, d'une part, que nous confondons à tort sous
le nom de crimes des séries de faits divers (l’assassinat, l'infanticide, le vol, etc.), il n'hésite
pas à affirmer, d'autre part, qu’il s'agit là d’«une série de faits de même nature»: des actions
blâmables39. Selon ce postulat, on peut étudier la «criminalité» de la même manière que l'on
peut étudier un phénomène plus individualisé comme le suicide, le mariage ou même une
modalité particulière d'infraction (vol de voiture, vol de banque, etc.). Or, comme le
remarque Élie, ce postulat fait des approximations douteuses et est considéré aujourd'hui
comme abusif par un grand nombre de méthodologues40.

Troisièmement, selon Quételet, la criminalité doit être étudiée exclusivement


comme un phénomène de masse et à l’aide des statistiques: «Il faut reconnaître d'abord que
toutes les recherches qui porteraient sur des individus isolés, seraient absolument sans
valeur41». Il s'agit alors de déterminer la fréquence et la distribution relatives de ce
phénomène, aussi bien que ses relations avec d'autres variables (les régions, les pays, les
cycles économiques, etc.) et sa composition interne (selon l'âge, le sexe, la classe sociale,
38
(A. Quételet, «Sur la statistique morale et les principes qui doivent en former la base» (1848),
Déviance et société, VIII, 1, 1984, p. 13-41). Voir aussi: A. Quételet, Sur l’homme et le développement de ses
facultés, Paris, Fayard, 1991 (orig. 1835).
39
Ibid., p. 18-19.
40
D. Élie, Autour de croissance et décroissance du crime; réflexions sur les propositions théoriques»,
Criminologie, XXV, 1, 1992, p. 135-143.
41
A. Quételet, op. cit., p. 14.
23

etc.). Selon ce principe épistémologique, dans l'approche statistique, il ne doit être question
que de l’homme en général, être abstrait dont la connaissance est déduite des opérations faites
sur un nombre d’individus assez grand, sur les d’effets duIbre arbitre de chacun d’eux aient
pu neutraliser42.

SECTION 3. FACTEURS DE LA CRIMINALITÉ

§.1. LES FACTEURS SOCIAUX : PHYSIQUES ET DEMOGRAPHIQUES

A. Facteur physique

Il peut paraître original d’évoquer le critère physique et démographie au titre des


facteurs criminogènes. Pourtant, il y a 150 ans que des criminologues se sont employés à
démontrer que des phénomènes naturels tels que le vent, la pluie, la chaleur ou le froid,
pourraient avoir un impact sur la criminalité. Ils appellent cela la météorologie criminelle.
Mais ces premières analyses sont en fait à l’origine des premières statistiques.

B. Facteur démographique

B.1.De l’âge et du sexe de la population

Des analyses criminologiques se sont intéressées à l’étude d’une population donnée


et sachant que l’âge critique de la délinquance se situe à la sortie de la minorité selon les
époques, on constate tantôt une baisse, tantôt une augmentation de la délinquance lorsqu’une
tranche de la population atteint l’âge critique de la délinquance.

En ce qui concerne le sexe, il y a lieu de se demander si le niveau de délinquance


est le même chez l’homme et chez la femme. La réponse est négative tant sur le plan
quantitatif que sur le plan qualitatif. Les statistiques sont sans appel, la femme est beaucoup
moins criminelle que l’homme et ne représente que 15 à 20% des délinquants. Pourquoi une
sous-criminalité chez la femme ? La vraie réponse se trouve dans ce qu’on appelle
l’enfermement social de la femme. C’est que pendant des décennies la femme était cantonnée
à un carrier domestique, tandis qu’aujourd’hui elle a accès à l’éducation, au milieu
professionnel, et à tant d’autres occupations dans la société. Au niveau qualitatif la
délinquance féminine se caractérise par la réalisation de certaines infractions spécifiques dites
de marâtre (infanticide, violences sur enfants, etc…).

B.2. De la localisation de la population

42
Ibidem, p. 15
24

Il convient de distinguer la criminalité urbaine de la criminalité rurale. Il demeure


évident que la première criminalité est bien plus importante que la seconde en raison d’une
forte concentration de population. Des analyses criminologiques anciennes sont aujourd’hui
reprises et démontrent qu’il y a un lien entre la criminalité et la densité démographique.
Cependant à population équivalente, les villes n’ont pas le même taux de criminalité. Cela
dépend donc du type d’habitat. Indépendamment des facteurs humains, l’homme façonne le
milieu dans lequel il vit afin de de mettre en place une certaine organisation sociale.

C. Facteur économique

Le facteur économique joue un rôle indéniable sur l’évolution de la délinquance,


et pour s’en convaincre, il suffit de reprendre le clivage classique qui opposé me model de
type socialiste au modèle de type capitaliste.

Dans un pays socialiste, il est vrai que la répartition des richesses, la participation
du citoyen au système de production étatique ainsi que la distribution dite communautaire
incite plus au partage qu’à l’appropriation, pourtant il y a quand même de la délinquance.
Mais celle-ci reste tout de même inférieure à celle d’un pays capitaliste. Dans ce dernier par
contre, la séparation du capital et du travail, le culte de la propriété privée génère un instinct
d’appropriation. De même, on remarque que la délinquance peut varier selon l’état de santé de
l’appareil économique. C’est le cas par exemple d’une diminution de délinquance en période
de prospérité qu’en période de crise. Mais cela n’exclut pas quand même un certain taux de
délinquance même en période de prospérité, sauf qu’elle se présente sous différentes formes
pour pas qu’elle soit toujours remarquable par ceux qui la subissent.

D. Facteurs politique et social

L’adoption d’un système politique n’est pas sans incidence sur la délinquance. Le
clivage principal nous conduit à opposer l’Etat totalitaire où la réaction sociale est tellement
efficace au point d’étouffer délinquance, à l’Etat démocratique qui prône la liberté de tous,
laquelle liberté chacun s’en prévaut pour accomplir n’importe quel acte criminel ou
délinquant sans tenir compte de ce qui en viendrait comme conséquence. On pourrait encore
aller plus loin dans l’analyse et ne pas se limiter à ce seul clivage pour constater que
périodiquement, si la structure étatique est remise en cause, c’est-à-dire ébranlée, un
événement exceptionnel va désorganiser temporairement la société et être générateur d’un flot
particulier de délinquance.
25

Le facteur social joue cependant bien sur un rôle déterminant sur les différentes
manifestations de la délinquance, mais il faut savoir qu’au grès des époques, les analyses sur
ce facteur criminogène ont considérablement varié. Bien sûr, le type d’acte perpétré n’est pas
le même, car il s’agit là de la délinquance d’affaire, appelée couramment délinquance en « col
blanc ».

E. Facteurs culturel et intellectuel

Des analyses contemporaines révèlent de nombreuses interférences entre les


médias au sens large et la délinquance. Les médias43 (presse, télévision, radio, etc…)
contribuent très largement aujourd’hui à une diffusion massive d’information sur la
délinquance. L’effet positif est que nous sommes tenus au courant de tout, mais s’il y a un
risque d’habitude mais de manière négative, ces informations peuvent être des sources de
renseignement, voire pour certains, des sources d’inspiration. L’effet positif du multimédia est
qu’il permet du moins une diffusion généralisée d’informations, mais à contrario, c’est que
les nouvelles technologies sont devenues un nouvel instrument de délinquance
(cybercriminalité, pédophilie par internet, etc…).

§.2. LES FACTEURS INDIVIDUELS

Les facteurs individuels de criminalité sont au contraire des facteurs criminogènes


propres à chaque individu envisagé isolément. Les criminologues ont pour habitude de les
répertorier en deux catégories :

- Facteurs endogènes
- Facteurs exogènes
A. Les facteurs endogènes

A.1. Facteur temporel

Dans le facteur temporel il est question de faire des analyses qui l’influence de
l’âge sur le comportement criminel du sujet. Des études criminologiques révèlent une
évolution de la délinquance en fonction de l’âge du sujet. Ces études révèlent que si la
délinquance est plus ou moins exceptionnelle pendant la petite enfance, la délinquance va être
multipliée par 10 au moment de l’adolescence. Plus tard, elle continuera à progresser jusqu’au
seuil fatidique des 23 à 25 ans, puis elle va commencer progressivement à régresser.

A.2. Facteur psychologique et psychiatrique


43
Catherine BLATIER, La délinquance des mineurs, Presses universitaires de Grenoble, Paris 2003. P.165-166
26

La psychologie est à distinguer de ma psychiatrie car en matière de criminalité, la


psychologie permet de répertorier les délinquants en fonction de l’attitude adoptée au moment
du passage à l’acte. Tandis que la psychiatrie permet de diagnostiquer une pathologie
éventuelle. Ici encore les criminologues se sont intéressés à ce que l’on appelle la personnalité
criminelle44. Pour ce faire, ils ont essayé de comprendre le phénomène criminel en s’aidant de
la psychologie et de la psychiatrie. Il en ressort de diverses analyses sur l’anormalité
concluant que le facteur psy est forcément un facteur criminogène.

B. Les facteurs exogènes

Les facteurs exogènes sont considérés comme des facteurs criminogènes de nature
individuelle car ils s’intéressent à l’environnement dans lequel évolue le délinquant. Cet
environnement n’est pas statique, il va être ponctué de divers évènements qui vont me faire
évoluer et qui peuvent s’inscrire dans une certaine dynamique.

La famille par exemple, elle joue indéniablement un rôle structurant sur la


personnalité du jeune et les criminologues on pour habitude de mesurer l’influence familiale à
deux niveaux :

- Le premier niveau est ce qu’ils appellent l’influence directe. Ils


expliquent que le comportement criminel d’un proche parent va se
reporter sur le jeune ou sur le descendant dont la construction de
personnalité va être perturbée par les règles familiales qu’on lui
inculque.
- La deuxième influence relevée par les criminologues c’est que le milieu
familial a une influence indirecte au point de bouleverser complètement
le jeune.

CHAPITRE DEUXIEME : DE L’ANALYSE DE LA QUESTION DE LA


CRIMINALITE DANS LA VILLE DE LUBUMBASHI.

SECTION 1. PRESENTATION DE LA VILLE DE LUBUMBASHI

§.1. ORIGINES

44
C.BLATIER, La délinquance des mineurs, Presses universitaires de Grenoble, Paris 2003. P.122
27

Lubumbashi tire son origine du nom de la rivière au bord de laquelle elle a été
fondée. A l’occasion de la politique et la philosophie de retour à l’authenticité prônée par le
président Mobutu, la ville, jadis Elisabethville, porte le nom de Lubumbashi à partie de 1966.

Au XIXème siècle, la ville n’existe pas comme telle, bien que le site de
Lubumbashi ait été occupé avant la colonisation. A cause de sa situation géologique, à en
croire le rapport de Jules Cornet qui laisse entrevoir la grande richesse du sous-sol, l’actuelle
région du Haut-Katanga reçoit des visiteurs-prospecteurs des quatre coins de l’Europe. En
1906, une société est constituée à Bruxelles pour assurer la mise en valeur des richesses du sol
et du sous-sol. C’est l’union minière du Haut-Katanga (UMHK), actuelle Gécamines.

En 1907, le Comité Spécial du Katanga (CSK) se rend compte de l’essor que va


prendre l’industrie cuprifère et de la nécessité de disposer d’un centre administratif et
commercial à proximité immédiate des mines et des usines. C’est le Colonel Wan germée qui
décide de l’établissement et du développement de la future ville. Celle-ci prend naissance en
1910 et le nom de la reine Élisabeth45 lui est alors donné. Nous disposons de quelques études
importantes de géographie urbaine sur la ville de Lubumbashi. Dans un essai de géographie
urbaine consacré à Lubumbashi, alors Elisabethville, Chapelier décrit toute la géographie
historique de la ville, depuis sa création en 1910 par Wangermée jusqu’à la veille de la fin de
la colonisation.

Houyoux et Lecoanet46 ont fait une analyse nouvelle du site où se développe


Lubumbashi, après avoir dénombré sa population et évalué son enveloppe budgétaire des
ménages Lushois. Trois ans plus tard, Leblanc et Malaisse publient une lecture écologique de
Lubumbashi, où chaque poste de « l’urbanotopo et d’urbanocérose » est analysé47. Quelques
années plus tard, un schéma de restauration du fait urbain est proposé par le BEAU (Bureau
d’Etude, d’Aménagement et d’Urbanisme) sous la direction de Jean-Claude Bruneau, lui qui,
en 1990, produisit un atlas circonscrivant le fait urbain lushois. La présentation de la ville
faite dans les paragraphes suivants s’y est référée.

Quand Wangermée promulgua l’ordonnance instituant Elisabethville en une


circonscription urbaine, celle-ci était qu’un chantier et son créateur ne pouvait s’imaginer que

45
Léon J. Lens, Elisabethville 1956 : mon village a grandi, Essor du Congo, Paris 1955, p.74.
46
HOUYOUX Joseph et LECOANET Yann, Lubumbashi : Démographie, budgets ménagers et étude du site,
Bordeaux 1975.
47
LEBLANC Michel et MALAISSE François, Lubumbashi : Un écosystème urbain tropical, Université national
du zaïre, Lubumbashi 1978.
28

son œuvre prendrait des allures de gigantisme qui sont les siennes aujourd’hui. Sa devise Il
lui donna pour devise « ex imis ad culmina » (des profondeurs vers les cimes).

A sa création, Lubumbashi comptait 6000 habitants ; ce nombre a augmenté pour


atteindre 16.000 en 1923 sur 370 hectares. En 1957, la population de la ville passe alors à
173.000 habitants qui occupent 22 km2. En 1984, l’agglomération couvre 7.100 hectares,
l’espace résidentiel s’étend sur 5.900 hectares environ et le total de la population atteint
560.00048. D’après le recensement du dernier trimestre de l’an 2001, la population lushoise
est évaluée à 1.200.000 habitants. Cette population occupe une surface urbanisée de
141.584.971,65m249.

Lubumbashi, métropole aux activités économiques diverses, est la deuxième ville


de la République Démocratique du Congo. Elle entretient beaucoup d’échanges avec
certaines provinces du pays. Elle est aussi cependant tournée économiquement vers l’Afrique
Orientale et Australe.

Jusqu’il y a une vingtaine d’années, la ville était construite selon une structure
polynucléaire nettement visible. Mais depuis les années 80, les marécages, champs de bois et
autres terrains non propices ont été envahis par des constructions anarchiques, cimentant les
noyaux pour en faire un continuum habité. Cette façon de « faire la ville » a donné lieu à une
mosaïque de quartiers. Les quartiers d’habitat populaire (Kamalondo, Kenya et Katuba),
auxquels on associe la cité planifiée de la Ruashi ont été créés pour loger une masse des
travailleurs. La puissance publique avait réalisé dans ces quartiers ses équipements collectifs
plus ou moins bons et suffisants. Ces quartiers sont populaires par un indice d’occupation du
sol élevé, à la mesure de la densification du peuplement. Face à une demande restée toujours
élevée par rapport à l’offre dans le domaine du logement, les terrains jouxtant les aires
urbanisées ont été construits anarchiquement par les habitants. Ces quartiers défient toutes les
normes urbanistiques et sont appelés quartiers d’extension.

§.2. STRUCTURATION ADMINISTRATIVE

Du point de vue administratif, la ville de Lubumbashi couvre six communes


urbaines (Lubumbashi, Kampemba, Kamalondo, Kenya, Katuba et Ruashi) et une commune
urbano-rurale qui est la commune Annexe.

48
JEAN-CLAUDE Bruneau, MARIE THERESE Lootens-de-Muynck, la densité de population, Atlas de
Lubumbashi, Paris 1985.
49
N’SIAMI Mabiala et SITEKE Isakila, Carte de la naissance urbaine de la ville de Lubumbashi, UNILU,
observatoire du changement urbain.
29

La commune est dirigée par un bourgmestre qui administre les différents


quartiers qui la composent. Le quartier est subdivisé en cellules, blocs, rues ou avenues. Il est
dirigé par un chef de quartier. La pyramide ainsi constituée permet normalement au
bourgmestre d’être au courant de tout événement et d’en référer au maire qui chapeaute
l’ensemble des communes.

Les sept communes de la ville présentent une différenciation d’activités


socioéconomiques. Les équipements d’infrastructures et de superstructure (bâtiments
administratifs, hôpitaux, écoles, églises, voirie, eau, électricité, etc.) sont répartis
inéquitablement sur l’ensemble de la ville. Mais c’est dans la Commune Lubumbashi,
constituée essentiellement des quartiers de la ville moderne, que ces équipements sont plus
représentés. Dans les anciens quartiers lushois, nous avons un équipement en voirie plus
complet que dans les nouveaux quartiers. Très souvent, ces voiries ne sont pas en bon état. La
forte concentration humaine et l’ancienneté des infrastructures aboutissent à une dégradation
du cadre de vie. Jean-Claude Bruneau décrit Lubumbashi comme une ville ayant des égouts
bouchés, débordants et les rues ravinées50.

Suite à l’étalement toujours progressif de la ville, les infrastructures prévues se


sont détériorées et deviennent insuffisantes. Elles ne peuvent plus desservir toute la ville en
eau et électricité. Ce qui entraîne des coupures intempestives dans certains quartiers de la
ville. Aussi remarque-t-on, par manque ou défectuosité du réseau d’éclairage public, des
secteurs entiers obscurs la nuit.

§.3. LA POLICE DANS LA VILLE DE LUBUMBASHI

Il nous faut nous appesantir sur l’organisation, l’implantation et le


fonctionnement de la Police dans la ville de Lubumbashi, car c’est notre principale source
d’information sur la délinquance et la criminalité. C’est auprès d’elle que nous récolterons les
plaintes et que nous suivrons les trajectoires de ces plaintes. La manière dont elle accède aux
plaintes et dont elle les gère rend compte de sa capacité d’agir et d’intervenir.

1. Organisation de la police

Dans chaque province, les forces de la Police Nationale sont constituées en


Inspection Provinciale placée sous le commandement d’un Inspecteur Provincial de la Police

50
PIERRE Venetier, Les ville d’Afrique tropicale, Editions Masson, Paris 1991.
30

Nationale assisté d’un Inspecteur Provincial Adjoint chargé de l’administration et d’un autre
chargé des opérations .

L’Inspection Provinciale de la Police Nationale comprend :

- Des unités territoriales


- Des unités d’intervention
- Des unités ou services spécialisés.

Les unités territoriales qui nous intéressent à l’instant, sont implantées


conformément à la subdivision administrative du territoire national, en tenant compte de la
démographie et de la nature des activités pouvant requérir un certain volume d’effectifs de
police.

Les unités territoriales de l’Inspection Provinciale sont :

- Le District de Police, à l’échelon ville ou district ;


- Le Commissariat de Police pour la commune ou le territoire ;
- Le Sous Commissariat de Police pour le quartier ou la collectivité.
A. Le district de police

Le District de police de la ville de Lubumbashi est organisé schématiquement de


la manière que voici :

- Le District Ville de Lubumbashi n’échappe pas à cette organisation. Il comprend un


Etat Major, un Peloton Etat Major et Service, une Compagnie Mobile d’Intervention
et au total six commissariats qui sont :
- Commissariat Kamalondo
- Commissariat Kampemba
- Commissariat Katuba
- Commissariat Kenya
- Commissariat Lubumbashi
- Commissariat Ruashi

Le District de Police est dirigé par un Commandant de District de même rang que
le Commandant Bataillon. Il est assisté de deux adjoints, chargés respectivement de
l’Administration et des Opérations. L’Etat-major du District de Police qui comprend le
Commandant, ses adjoints, les Chefs de service (cinq) dirige, coordonne, contrôle et appuie
l’action des unités de la Police Nationale de son ressort. Il s’occupe plus spécialement du
31

renseignement général et de l’action de maintien et de rétablissement de l’ordre public. La


Commune Annexe qui constitue la couronne de la ville de Lubumbashi ne dispose cependant
pas de commissariat, mais elle est desservie par des sous commissariats au niveau de certains
quartiers.

B. Les commissariats et les services spéciaux

Après l’Etat-Major, nous avons le commissariat qui reçoit les rapports des sous
commissariats et les transmet à son tour au Commandant Ville. Le Commandement Ville a
six commissariats et deux services spécialisés, à savoir les Services Spéciaux ville et
l’Escadron Mobile d’Intervention.

B.1. Les commissariats de la ville de Lubumbashi

La ville de Lubumbashi compte six commissariats qui sont :

- Le commissariat de la commune de Lubumbashi


- Le commissariat de la commune de Kamalondo
- Le commissariat de la commune de Katuba
- Le commissariat de la commune Kenya
- Le commissariat de la commune de Kampemba
- Le commissariat de la commune Ruashi

B.2.LES SERVICES SPÉCIAUX

Les services spéciaux ou services de renseignement constituent un escadron


mobile ou réserve d’intervention pour le Commandant Ville. Ces commissariats ont à leur
tête le commandant commissariat assisté par un adjoint. Le commandant commissariat opère
sur toute l’étendue de la commune dont il a la charge. Il est à noter que le commandant
Commissariat a le rang d’un Commandant d’Escadron (Compagnie). Les services spéciaux
constituent des bureaux de police avec une compétence générale, car ils agissent sur
l’ensemble de la ville de Lubumbashi, parfois même au-delà et pour n’importe quelle affaire.
Ils dépendent hiérarchiquement du commandant District ville.

2. Fonctionnement des commissariats de la ville de Lubumbashi

La permanence assurée dans les postes de police a pour objectif d’établir


réellement la manière dont fonctionne la police afin d’assurer l’évaluation de procédures
d’élaboration et de collecte des données de la statistique de la criminalité, faire ainsi état de
32

l’intégration des enquêteurs au sein du corps de police, des rapports entre policiers, des
relations entre les agents de l’ordre et les parties en conflit, et des relations publiques de la
police. D’une manière générale, les permanences se sont déroulées dans un climat serein.
L’entretien avec les Officiers de police judiciaire et les commandants pendant les temps
morts ont permis de se faire une idée générale de la criminalité dans les différentes entités de
la ville de Lubumbashi.

Bien que le climat de travail ait généralement été serein, il convient de signaler
que la collaboration est teintée de méfiance dans certains postes, notamment aux Services
Spéciaux. En effet, certains officiers de police judiciaire considéraient les enquêteurs comme
des espions. Ils prenaient ainsi des précautions pour ne coopérer avec eux qu’au sujet des
matières non sensibles, celles qui sont régulières.

En outre, la méfiance se manifestait davantage lorsque des dossiers juteux


nécessitaient un traitement spécial, à huis clos. Les officiers de police judiciaire cloisonnaient
délibérément les enquêteurs, craignant de s’attirer des ennuis ou de faire échapper des
occasions propices pour gagner un peu d’argent. La confiance qui s’établissait entre policiers
et enquêteurs n’était alors que superficielle. Les enquêteurs étaient alors associés soit à
l’audition soit à l’instruction du dossier, soit encore à l’émission des avis et considérations.

Cependant, au fil du temps, une certaine familiarité s’installait même si les


sceptiques gardaient toujours leur distance vis-à-vis des enquêteurs. Parfois, ceux-ci
descendaient sur le terrain. C’est pourquoi dans certains commissariats de police, les
enquêteurs étaient désignés sous le nom de « maître ».

SECTION 2: TYPOLOGIES DE CRIMINALITES

§.1. CRIMINALITE CONTRE LES BIENS

La criminalité contre les biens constitue l’une des plus graves criminalités, et les
plus lourdement sanctionnées. La criminalité contre les biens constitue les infractions pénales
les plus nombreuses dans la grande majorité des villes en République Démocratique du
Congo.

C’est le cas notamment du vol, infraction consistant en une soustraction


frauduleuse d’un bien appartenant à autrui51, qui est d’ailleurs réprimé par le Code pénal

51
Article 79, Code pénal congolais.
33

congolais, et dont la sanction peut aller jusqu’à 5 ans de servitude pénale et une amende52. Il
est à noter que la chose susceptible de faire objet de l’infraction de vol doit en principe être un
bien mobilier. La soustraction frauduleuse consiste en une nouvelle forme de soustraction.
Cette soustraction est donc prise ici comme l'usurpation de la possession. La soustraction
porte alors sur les droits attachés à la possession de la chose et non plus sur la chose elle-
même. Cela consiste à convertir sans droit la détention précaire que l'auteur a sur la chose en
une possession qu'il usurpe. Avec la conception d'Emile Garçon, le fait que l'auteur ait
préalablement la chose entre les mains n'exclut pas la commission de l'infraction et sa
constitution ne repose pas sur l'enlèvement de la chose, mais sur l'intention de se comporter en
propriétaire. Avant, la soustraction était écartée quand il y avait remise de la chose à l'auteur.

Pour Emile Garçon, ce qui caractérise le délit de vol c'est l'intention de la victime.
Si elle a voulu se départir de sa qualité de propriétaire, le vol n'est pas commis, si elle n'a pas
voulu renoncer à ses droits de propriétaire, le vol est commis. On soustrait non pas la chose,
mais la possession. Il en est de même de l’infraction d’escroquerie, réprimé également par le
code pénal congolais en ces termes : « quiconque, dans le but de s’approprier une chose
appartenant à autrui, s’est fait remettre ou délivrer des fonds, meubles obligations, quittances,
décharges soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des
manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence des fausses entreprises , d’un pouvoir ou
d’un crédit imaginaire, pour faire naitre l’expérience ou la crainte d’’un succès, d’un accident
ou de tout autre évènement chimérique pour abuser autrement de la confiance ou de
crédibilité, est puni d’une servitude pénale de trois mois à 5 ans et d’une amende dont le
montant ne dépasse pas deux mille zaïres, ou d’une de ces peines seulement53.».

A la différence du vol qui est la soustraction frauduleuse d’un bien d’autrui


l’escroquerie est le fait de se remettre volontairement une chose appartenant à autrui soit en
faisant usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit en employant des manœuvres
frauduleuses.

Quant à l’abus de confiance, il est puni par l’article 95 du Code pénal congolais
livre II stipulant ce qui suit : « quiconque a frauduleusement détourné, soit dissipé au
préjudice d’autrui des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits de toute nature
contenant ou opérant obligation ou décharge et qui lui avaient été remis à la condition de les
rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, est puni d’un emprisonnement de trois

52
Article 80, Code pénal congolais.
53
Article 98, Code pénal congolais.
34

mois à cinq ans et d’une amende dont le montant ne dépasse pas mille zaïres ou d’une de ces
peines seulement54.».

Aux termes des explicitations sur les trois types d’infractions contre les biens
susmentionnées, il est important de préciser que le vol est la soustraction frauduleuse d’un
bien appartenant à autrui ; l’escroquerie est l’obtention d’un bien d’autrui au moyen de
manœuvres frauduleuses ; et enfin l’abus de confiance est le détournement o la dissipation de
la chose reçue chez autrui avec l’obligation de la rendre ou d’en faire un usage ou un emploi.

§.2. CRIMES CONTRE LES PERSONNES

Les crimes contre les personnes constituent un champ très élargi dans leur
structuration : nous n’en aborderons cependant que certains d’entre eux que nous allons
classer en trois groupes.

A. L’homicide et le meurtre

A.1. L’homicide

Emprunté du latin « homicia » et composé de « homo » qui veut dire homme et «


caedere » qui veut dire tuer, l’homicide est de ce fait un terme juridique qui renvoie à l’action
de causer la mort d’une autre personne (que cela soit volontaire ou non). Mais il est important
de noter que les lois sur l’homicide varient selon les juridictions et peuvent même être
complexes, d’où les conséquences légales de l’homicide sont également différentes d’un pays
à l’autre, et les peines peuvent aller de l’emprisonnement à perpétuité à la peine de mort selon
la gravité de l’homicide et les lois en vigueur dans la juridiction concernée. A ce sujet, le code
pénal congolais stipule ce qui suit « est coupable d’homicide ou de lésions involontaires celui
qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d’attenter à
la personne d’autrui55.». L’homicide est cependant un concept qui peut être vu sous deux
angles différents :

- L’homicide involontaire : lorsque l’action d’ôter la vie à autrui n’a pas été faite de
manière délibérée, c’est-à-dire sans aucune réelle intention de tuer de la part de
l’auteur. Ce type d’homicide arrive donc par le fait de l’imprudence, maladresse,
négligence ou par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée
par la loi ou un règlement, et cause la mort d’autrui. Cela signifie que le comportement

54
Article 95, Code pénal congolais.
55
Article 52, Code pénal congolais.
35

de l’auteur a conduit au décès de la victime alors même que résultat n’était pas voulu.
Toutefois, la loi considère qu’il ne s’agit pas d’un simple accident dans la mesure où
une faute a été commise par l’auteur, de manière volontaire.
- L’homicide volontaire : dans ce type d’homicide, l’auteur pose l’acte avec
préméditation, ici l’acte est délibéré, l’auteur a donc l’intention de causer la mort
d’autrui, et cela peut être qualifié de meurtre ou d’assassinat en fonction du degré de
préméditation et de planification.

A.2. Le meurtre

Le meurtre est l’un des crimes les plus graves et les plus sévèrement sanctionnés.
Le meurtre constitue un acte criminel dans lequel une personne cause intentionnellement la
mort d’une autre personne. Il s’agit d’un crime grave qui est généralement puni de manière
sévère par la loi dans la plupart des pays. Pour qu’un acte soit qualifié de meurtre plusieurs
éléments doivent être présents, entre autres :

- Il doit y avoir dans le chef de l’auteur une intention délibérée de causer la mort de la
victime. Cela signifie que l’auteur de l’acte doit avoir eu l’intention spécifique de tuer
la personne, et non pas simplement de lui faire du mal. Et cette intention peut par
exemple être prouvée par des preuves telles que des déclarations antérieures de
l’auteur ou des actes préparatoires.
- Il faut ensuite qu’il ait existence d’une action qui a directement ou indirectement causé
la mort de la victime.
- Enfin, important de noter que le meurtre est généralement considéré comme un crime
intentionnel, c’est-à-dire que l’auteur doit avoir agi délibérément et consciemment
pour causer la mort de la victime.

Il faut noter que la charte des Nations unies réprime ce crime en arguant que tout
individu a droit à la vie à la liberté et la sûreté de sa personne56.

B. Le viol et les agressions sexuelles

Le viol est généralement considéré comme une pénétration du vagin ou de l’anus


avec une partie du corps ou un objet, ou une pénétration de la bouche avec l’organe sexuel
d’une autre personne. Lorsque la personne n’a pas donné son consentement ou n’est pas en

56
Article 3, Déclaration universelle des droits de l’homme.
36

mesure de le donner (ce qu’on appelle contact sexuel non consensuel. Un consentement ne
peut être donné par une personne qui n’est pas en pleine possession de ses moyens (si elle est
sous emprise de substances, ou handicapée mentalement ou physiquement). Dans le cas des
personnes n’ayant pas atteint l’âge du consentement, toute pénétration est considérée comme
un viol, indépendamment de la volonté de la victime (détournement de mineur).

Généralement le viol est une expression d’agression, de colère ou de la volonté


d’exercer un pouvoir et un contrôle plutôt qu’une expression sexuelle. Un grand nombre de
personnes violées sont également blessées physiquement et/ou battues57. L’expression «
agression sexuelle » est cependant plus large. Elle est définie comme tout type d’activité
sexuelle ou de contact auquel une personne ne consent pas. Une agression sexuelle peut
inclure l’utilisation de la force et de la menace pour contraindre à tout contact sexuel. La
victime est une personne ne consent pas ou qui n’est pas en mesure de le faire.

Les victimes de viol et d’agression sexuelle incluent des personnes de tous genres.
Cependant les femmes et les jeunes filles affichent les taux les plus élevés des viols et
d’agressions sexuelles. Les pourcentages retenus sont probablement inférieurs à la réalité, car
le viol et les autres sévices sont moins souvent déclarés à la police que les autres infractions58.

§.3.CRIMINALITE ORGANISEE

La criminalité organisée est un terme utilisé pour décrire des activités criminelles
qui sont planifiées, coordonnées et exécutées par des groupes structurés et hiérarchisés. Ces
groupes, souvent appelés organisations criminelles, opèrent généralement de manière
clandestine et poursuivent des activités illégales à grande échelle, telles que le trafic de
drogue, le trafic d'êtres humains, le blanchiment d'argent, le vol, l'extorsion, le racket, le trafic
d'armes, la contrefaçon, la cybercriminalité, etc.

La criminalité organisée se caractérise par une division du travail, une


spécialisation des rôles et une structure de commandement. Les membres de ces organisations
peuvent être impliqués dans différentes activités criminelles, mais ils travaillent ensemble
pour atteindre des objectifs communs, tels que l'accumulation de richesses, le maintien du
pouvoir et l'expansion de leurs activités. Ces groupes criminels peuvent opérer à l'échelle
locale, nationale ou internationale, et ils peuvent avoir des liens avec d'autres organisations
criminelles, des hommes politiques corrompus, des forces de l'ordre corrompues ou d'autres

57
https://www.msdmanuals.com
58
https://www.msdmanuals.com
37

acteurs influents. Ils utilisent souvent la violence, l'intimidation et la corruption pour protéger
leurs intérêts et échapper à la justice.

Jay Albanese, criminologue américain, a consacré une grande partie de sa carrière


à l'étude de la criminalité organisée et de la corruption. Il estime que la criminalité organisée
est un problème mondial majeur qui représente une menace pour la sécurité, l'économie et la
gouvernance dans de nombreux pays. Il soutient également que la criminalité organisée est
devenue de plus en plus sophistiquée et transnationale, et qu'elle utilise des stratégies de plus
en plus complexes pour échapper à la détection et aux poursuites.

Dans ses travaux, Albanese examine les causes et les conséquences de la


criminalité organisée, ainsi que les stratégies et les politiques qui peuvent être mises en œuvre
pour la combattre. Il met l'accent sur l'importance de la coopération internationale et de
l'échange d'informations entre les forces de l'ordre pour lutter efficacement contre la
criminalité organisée. Pour Albanese, il est essentiel de s'attaquer aux causes sous-jacentes de
la criminalité organisée, telles que la pauvreté, le chômage, la corruption et la faiblesse de
l'état de droit. Il souligne que la répression seule ne suffit pas à éliminer la criminalité
organisée, et qu'il est nécessaire de mettre en place des programmes de prévention et de
réinsertion sociale pour briser le cycle de la criminalité. Albanese considère que la criminalité
organisée est un défi complexe qui nécessite une approche globale, alliant répression,
coopération internationale et prévention, pour pouvoir être efficacement combattue.

L’Union européenne s’est clairement engagée dans la lutte contre la criminalité


organisée depuis le traité d'Amsterdam et le Conseil européen d'Amsterdam des 16 et 17 juin
1997 qui a adopté le premier Plan d'action de lutte contre le crime organisé. Déjà, avant cela,
le Conseil avait adopté les résolutions du Conseil des 23 novembre 1995 et du 20 décembre
1996 relatives à la protection des témoins et collaborateurs à l'action de la justice dans le
cadre de la lutte contre la criminalité organisée internationale. Puis, en 1998, un texte
d’incrimination pour réprimer les différentes formes de participation à une organisation
criminelle est adopté : il s’agit de l’Action commune 98/733/JAI du 21 décembre 1998
relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États
membres de l'Union européenne59.

Le concept d’organisation criminelle est cependant difficile à définir et délicat à


incriminer, d’autant plus que les normes pénales s’y rapprochant telles que le modèle de

59
JO de l’union européenne n°L351 du 29/12/1998
38

l’association de malfaiteurs d’origine française ou la « conspiracy » du droit britannique sont


difficilement compatibles. Le rapprochement des législations dans ce domaine n’a donc pu
aboutir qu’à une option entre deux méthodes d’incrimination, l’une inspirée du droit français
et l’autre du droit anglo-saxon, ce qui a conduit à considérer que l’Action commune n’opérait
qu’une harmonisation « en trompe l’œil ».

La criminalité organisée représente une menace pour la sécurité, l'économie et la


société dans son ensemble. Les gouvernements et les forces de l'ordre du monde entier
travaillent en collaboration pour lutter contre ces organisations criminelles et les démanteler.

SECTION 3. DES CRIMES LES PLUS REPANDUS DANS LA VILLE DE


LUBUMBASHI

§.1. LES ENFANTS DITS « DE LA RUE » FACE A LA CRIMINALITE DANS LA VILLE


DE LUBUMBASHI

A. Notions

Naguère considéré comme une richesse par la tradition africaine, l’enfant est
devenu, depuis un temps, un poids ou une charge pour certaines familles. La solidarité
africaine est aux abois dans pareilles circonstances. Les contraintes socioéconomiques sont
pointées du doigt et sont évoquées pour justifier l'irresponsabilité des parents. Dans certains
cas, les enfants sont abandonnés entre les mains de leur mère. Ces dernières, devant assurer la
charge de plusieurs enfants, se voient également confrontées au problème de la modicité des
revenus. Ce qui amène parfois les enfants à chercher une autonomie précoce. La rue s’offre
alors comme le lieu indiqué où ils peuvent « choquer60 » pour assurer leur survie.

Les « enfants de la rue » et les enfants qui travaillent font désormais partie des
paysages urbains du monde entier, surtout dans les régions pauvres du Sud61. Privés des joies
d'une enfance et d'une adolescence normales, ils sont nombreux à Lubumbashi qui luttent
pour survivre, errent, végètent dans la détresse et trompent leur souffrance par la fuite au
moyen des comportements souvent autodestructeurs. La plupart d'entre eux n'ont jamais
fréquenté l'école ou l'ont abandonné assez vite. Leur vie quotidienne se caractérise par la
faim, la soif, les travaux mal rémunérés, les maladies, la solitude, le manque d'affection, les
brimades policières, les tracasseries judiciaires, la prison, la drogue, la prostitution et les
violences sexuelles. Abandonnés à leur triste sort, ils vivent dans des conditions infra
60
Chercher de quoi subsister(en termes d’argent).
61
https://unesdoc.unesco.org
39

humaines les prédisposant à la criminalité. Ainsi, la rue reste pour eux un espace d'anonymat,
mais aussi de créativité. Contrairement à ce que d'aucuns pensent, la rue n'est pas pour eux
un espace de gain facile. C'est un monde qui offre des conditions rudes où seuls les aptes
résistent. "Nous sommes à Sobibor » : a dit un jeune phaseur62 de 17 ans, « Il n'existe ni
enfant ni adulte ; tout le monde doit être traité sur le même pied d'égalité. ».

Le Larousse définit l’enfant de la rue en ces termes : « fille ou garçon n’ayant pas
atteint l’âge adulte et pour qui la rue au sens large (bâtiment à l’abandon, terrains vagues,
etc ;) est devenue la demeure habituelle et le moyen d’existence63.

Selon l'Unesco, l'expression "enfants de la rue" n'est pas universellement


acceptée. Certains, pour des raisons culturelles, trouvent que cette expression fait de la rue
l'un des lieux privilégiés de socialisation de l'enfant, un lieu dangereux et immoral. D'autres,
la trouvent réductrice, parce qu'elle prétend englober tous les enfants marginalisés, d'autres
encore la trouvent démagogique parce que la réalité qu'elle désigne n'est pas aussi affreuse
qu'elle y apparaît.

La définition des « enfants de la rue » doit tenir compte de certaines


caractéristiques marquant la vie des enfants. Il s’agit des enfants qui ne survivent que par de
petits travaux quotidiens, longs et souvent pénibles (vente de sachets emballages, portefaix,
ramassage de détritus, mendicité, etc.). Tous ces enfants, même ceux qui gardent encore
quelque contact avec leurs familles, sont exclus de l'enfance normale du fait qu'ils travaillent
pour venir en aide à leurs familles ou subvenir à leurs besoins. Ce sont des enfants qui
échappent en tout ou en partie au contrôle social normal, des enfants qui sont souvent la cible
d'actes de torture et de mauvais traitements sans que personne ne s'inquiète de leur sort ; Leur
cadre de vie reste les rues, les terrains vagues, les gares, les parkings, les hôtels, les marchés,
les kiosques, etc. Ce sont des enfants qui passent nuit à la belle étoile, sans couverture, sur des
cartons ou tout simplement à même le sol et sont ainsi exposés à toutes sortes d'intempéries.
Filiberti dresse ce portrait des enfants de la rue : « Les enfants de la rue sont des enfants qui
ont la rue pour maison, qui vivent dans la rue et qui trouvent leur famille dans le groupe
d’amis avec lesquels ils partagent la rue64. ». Le concept de « rue » utilisé dans l'expression
« enfants de la rue » recouvre ici tous ces lieux de survie où ces enfants vivent en
permanence ou par intermittence.
62
Appellation d’une des catégories des « enfants de la rue ».
63
Dictionnaire, Larousse.
64
FILIBERTY, les enfants de rue dessinent la famille. Expérience de liaison entre psychologie et pédagogie avec
les jeunes de Lubumbashi, Don Bosco, Lubumbashi 2000.
40

La rue devient ainsi quasi un « cadre normal » de vie pour les enfants. La rue a-t-
elle des enfants65 ? se demandait l'Abbé Muyembo Mulobe. L’expression enfant de la rue
suggère l’idée que la rue a des enfants, que la rue enfante des enfants. Dans le contexte
lushois, la caractéristique des enfants de rue comprend tous les enfants entre 5 et 23 ans dont
le cadre de vie se trouve être les lieux cités ci-dessus, qu'ils gardent ou non quelques liens
avec leurs familles.

Notons cependant que dans la rue, les frontières de l'enfance sont floues et toute
une série d'appellations existent pour désigner cette réalité : enfants abandonnés, shege,
vagabonds, phaseurs, moineaux, etc. Tous les enfants de rue ne présentent pas les mêmes
caractéristiques. C'est pourquoi nous allons distinguer les « enfants de la rue » sans famille ni
protection institutionnelle, des enfants en situation difficile et ceux de la rue sous contrôle des
centres d'hébergement. Parmi eux, il en est qui gardent encore quelques contacts avec leurs
familles. Cette catégorie que nous appelons les « enfants en situation difficile », ils sont dans
la rue généralement pour des raisons économiques. Ne pouvant ni étudier ni rester à la
maison où la nourriture est devenue un casse-tête ; ils se voient obligés de descendre dans la
rue pour se débrouiller et ainsi subvenir à leurs besoins quotidiens. La rue devient pour eux
un lieu propice d’où ils tirent leur maigre subsistance de la rue, bien qu’ils gardent encore des
relations avec les membres de famille. Ces enfants s’adonnent généralement à la vente des
sachets emballages, aux petits contrats journaliers à des tenancières de restaurants, à la
mendicité, etc. C’est notamment le cas de ce vagabond de 19 ans interviewé devant le grand
laboratoire de Lubumbashi qui illustre mieux cette réalité des enfants en situation difficile en
ces termes :

« Père66, hivi muko na ni ona hapa, haina asema miye njo miripenda, sauf que magumu
aina paka ku fisha. Mais hakuna choix vieux wangu : Mungu njo eko na tu chunga. Miye
miri funda masomo, palé miri fikaka mu 3 ème primaire, mama yangu muzazi ari monesha
père asema ana ni lotaka paka mu ma ndoto mibaya mibaya, minezi kuya hata na buloji.
Njo bana ni fukusha, mais leo miko napata ma rapports 67 kwa nehema paka ya
mungu68.». Ce jeune homme raconte comment il est parvenu à devenir « enfant de la
rue », il affirme cependant que ce n’était pas vraiment de sa faute s’il avait fini par

65
MUYEMBO MULOBE, Une étude sur les enfants des rues à Lubumbashi, Paris 1992.
66
En lieu et placent de «Monsieur», ils (les « enfants de la rue ») disent « père ou papa », et « mère », en lieu et
place de « madame ou maman».
67
Le « rapport » est la somme d’argent demandée aux passants par les « enfants de la rue », en usant de la
tracasserie.
68
Propos de Guylain, un « enfant de la rue », interview
41

comment à vivre la vie d’ « enfant de rue » car, a-t-il déclaré : « j’ai eu à aller à l’école,
jusqu’à ce que j’arrive en troisième primaire et que ma mère dise à mon père qu’il se
pourrait que je sois un sorcier, et qu’elle faisait des cauchemars dans lesquels j’étais le
personnage principal, c’est ainsi que mon propre père m’a renvoyé de sa maison. ».

S’il y a des enfants qui entretiennent des relations les membres de leurs familles,
d'autres les ont tout simplement rompues ou sont en conflit ouvert avec elles. La plupart des
enfants de cette catégorie n'ont pas quitté leurs foyers sur un coup de tête ; en fait, ils
n'avaient pas de choix : délaissés par une mère trop jeune, rejetés par des grands-parents
incapables de les assumer, chassés pour avoir été suspectés de sorcellerie et d’être ainsi à
l'origine des malheurs de la famille, laissés pour compte d'une succession de mariage, soumis
à des mauvais traitements ou pour avoir commis un forfait dans la famille.

Le cas de cet enfant qui a rompu tout lien avec sa famille, pourtant présente à
Lubumbashi, est révélateur : « J'ai un faible pour l’argent, a-t-il confié. Ma cupidité me
poussait au vol fréquent d’argent. Au début, mes parents ne me soupçonnaient pas et cela
avait créé un climat morose dans la maison jusqu'à ce qu'un jour, après la paie des agents de
la Gécamines, je tombe dans un piège habilement tendu par ma mère qui avait laissé à
découvert une somme d'argent. Sans me rassurer de son absence, j'avais soutiré de la somme
dix milles francs congolais, et elle m'a attrapé la main dans le sac. « C'est donc toi qui vole
de l'argent dans la maison ! » avait-elle lancé, « Je viendrai en parler à ton père ». C'est
ainsi que j'avais fui la maison craignant la sévérité de mon père qui en avait déjà marre de
cette situation qui avait trop duré dans la maison. Après quelques jours, ils se sont lancés à
ma recherche et m'ont ramené à la maison. Je ne sais pas si ce sont des démons! A la paie
suivante, j'étais encore entré dans la chambre des parents, à leur insu comme d'habitude, et
j'avais emporté tout le salaire. Cette fois-là, je suis allé me réfugier à Kasumblesa. C'est
depuis 2007 et depuis lors, je ne suis jamais rentré à la maison. Aujourd'hui je vis du vol à la
tire et de katako69. Je n'ai donc aucun contact avec ma famille ».

Outre les deux catégories précédentes d’enfants de la rue, il y a des enfants qui ne
sont pas sous le contrôle de leurs familles et qui ne vivent pas en indépendance ; ils sont
recueillis dans certains centres d’hébergement (généralement chez les salésiens) tels que
Bakanja et Magone, Soulignons que la plupart de ces centres ne prennent que partiellement
en charge ces enfants. Ces centres servent soit des lieux de cuisine soit seulement de dortoir.

69
Katako, est l’appellation des transporteurs des charges (marchandises, bagages) sur leurs têtes ou leurs cous,
moyennant une somme d’argent proportionnelle à la charge juchée.
42

Les responsables n’ont donc pas plus autorité sur ces enfants qui se débrouillent eux-mêmes
pour se nourrir. Ainsi, chaque matin, les centres se vident de leurs pensionnaires qui
descendent au centre ville pour leur débrouille habituelle et ne regagnent le centre que le soir.
Mais il y a cependant aussi des centres qui n’hébergent pas des enfants de la rue, mais qui leur
offrent de la nourriture chaque soir ; et ils vont dormir ailleurs.

A ce propos un shegue rapporte : Je n’ai ni père ni mère ni frère. Mes frères, c’est
la rue et tous les vagabonds qui y vivent. Cependant, je ne préfère pas passer la nuit à la belle
étoile comme le font certains autres shegue. (Il juge très difficile les conditions dans
lesquelles ses confrères vagabonds passent la nuit). C’est pourquoi, je vais me réfugier dans
un centre de la place. Là, je me sens en sécurité plutôt que de dormir à l’extérieur où je serai
exposé à toutes formes de tortures de la part des Kampompa70. En plus, il arrive des jours où
je ne trouve absolument rien à mettre sous la dent. Là, je me précipite, avant qu’il ne soit 18
heures, dans un centre où l’on distribue de la nourriture aux enfants de la rue.

De ce témoignage, certains centres d’hébergement sont considérés par certains


vagabonds comme des lieux de refuge lorsqu’ils se trouvent dans des situations extrêmes.
Pour les uns, ceux qui fuient les persécutions des Kampompa, la nuit, il est préférable d’aller
dans les centres où ils peuvent dormir en toute quiétude. Pour d’autres, c’est quand ils n’ont
rien trouvé après une longue journée de débrouille dans différents secteurs qu’ils vont dans
les centres où ils peuvent obtenir de la nourriture.

B. Classification des enfants de la rue et leur modus operandi

Tous les enfants et adolescents qui vivent dans la rue sont globalement considérés
comme des marginaux. En dehors des catégories que nous venions d'évoquer plus haut, il
existe à Lubumbashi, une classification faite par les enfants de la rue eux-mêmes. Cette
classification renvoie à une certaine hiérarchie autant qu’à l’occupation des secteurs et des
karema71. Tout au long de l'enquête, les enfants ont régulièrement fait la part entre :

- Les souverains ;

70
Les kampompa constituent la classe la plus élevée des « enfants de la rue » (les adultes dont l’âge va de 19 ans
jusqu’au-delà de cet âge)
71
Secteur bien déterminé qu’occupent les enfants de la rue, et dont le responsable, le Kampompa (chef) est
connu et tenu informé de tous fait et mouvement de ses éléments (les vagabonds).
43

- Les phaseurs,
- Les moineaux, vagabonds ou shegué.

B.1. Les souverains (Kampompa)

Ce sont des adultes (âgés généralement de plus de 23 ans) qui s'imposent sur les
autres groupes, grâce à leur force physique. Ils passent leur temps, surtout la nuit, à sillonner
les différents karema rançonnant tous ceux qu'ils y trouvent. Ils sont craints par les autres.
Les jeunes vagabonds les surnomment kampompa ou kampomba selon qu'il s’agit de
souverains hommes ou des souveraines. « Habana buluma » (Ils n'ont pas de pitié), a dit un
petit garçon d'environ 13 ans. Ils sont caractérisés par des comportements sadiques. Les plus
cruels portent des noms qui évoquent la terreur. La place située au croisement des avenues
Sendwe et Likasi, en diagonal de la mosquée, dans la commune Lubumbashi en héberge un
nommé Simba za Mura (les lions de Mura) en référence aux soldats formés par les Coréens à
Mura (à 15 km de Likasi) dont la bravoure était fort vantée (sous feu Mzee Laurent- Désiré
Kabila). Il est réputé dangereux et cruel comme le lion. Aucun vagabond ne s’hasarde à
violer une infime partie de son karema. Les vagabonds de la commune Kenya le surnomment
Antenne parabolique, un surnom qui tient au fait qu'il est au courant de tout ce qui se passe
dans la rue, dans tous les karema et secteurs.

Un samedi vers 23h, alors que nous venions d’une soirée de mariage qui avait eu
lieu dans la salle de l’Esperance, une des salles de fête de l’institut Imara, situé au croisement
des avenues Kambove et Lufira, nous avions observé dans un des karema de ce secteur, un
petit groupe de vagabonds dont l’âge variait entre 14 et 16 ans, qui dormaient sous l'effet de
somnifères (valium). Trois souverains se sont approchés d’eux et les ont réveillés avec
brutalité. D’un geste rapide, ils les ont soulevé à tour de rôle l’un après l’autre comme des
sacs de farine et les ont cloué au mur. Tenu par deux d'entre eux, celui a qui revenait le tour
d’être fouillé ne pouvait ni crier ni bouger pendant que le troisième souverain procédait à une
fouille systématique de ses poches et de ses sous-vêtements.

Nous les avons interrogé après le départ de leurs boureaux, l’un d’entre eux
raconte: « C'est de cette façon que nous sommes traités par les kampompa. C'est pourquoi il
nous est difficile d'avoir de bons habits. A leur passage, ils emportent tout ce qui leur plaît
(chemises, souliers, babouches, ceintures, etc.) à leur passage ». La seule solution qui reste
aux plus jeunes, c'est de prendre la fuite chaque fois qu'ils ont la chance de voir venir les
souverains, faute de quoi ils sont torturés par ces derniers qui veulent arracher une
44

information ou leur extorquer quelque chose. « iyi maisha, Kwetu isha kuya ni bya kuria » (ce
mode de vie est devenu pour nous une nourriture au quotidien), a dit un shege rencontré dans
la commune Kenya.

Il convient de souligner que, dans l’univers des enfants de la rue, les souverains
sont considérés comme des intouchables, des précurseurs, des initiateurs aux pratiques
rituelles d'intégration.

Quant aux vagabondes adultes, on les appelle Kampomba. Elles agissent de la


même manière que les souverains. Ce sont elles qui initient les jeunes vagabondes à la
prostitution. Elles les assistent et, en cas de grossesse, leur prescrivent des produits
pharmaceutiques pour des avortements. Elles sont autant cruelles qu'impitoyables comme
leurs correspondants masculins. Elles font déflorer les jeunes vagabondes par des grandes
personnes en échange d'un peu d'argent. La nuit, elles passent aussi dans les karema pour
filles et ravissent tout ce qu'elles trouvent chez les jeunes vagabondes (souliers, blouses,
jupes, etc.).

A ce sujet, voici comment s'exprime une adolescente de 15 ans rencontrée au


marché « Zone » de la commune Kenya : « J'avais été déflorée à 11 ans. Les Kampomba
m'avaient emmenée dans les installations de la Société Nationale des Chemins de fer du
Congo (SNCC), au niveau du tunnel. Elles m'ont immobilisée les mains et les jambes et ont
appelé un jeune vagabond qui m'a violée. Je pleurais. Le lendemain, l'une des Kampomba m'a
dit : désormais tu n'auras plus peur des hommes. Tu as grandi. »

B.2. Les phaseurs

Ce sont des enfants de la rue comme tous les autres. Ils ne se considèrent pas
comme des vagabonds pour la simple raison qu'ils veillent à la propreté de leur corps et de
leurs habits. Ils s'estiment plus présentables que les autres enfants de la rue qui flânent en
lambeaux. « Même si je croise quelqu'un de ma famille, il n'aura pas honte de me présenter
auprès de ses amis », a dit un shegue. « Un phaseur ne vole pas, il ne ramasse ni ne mendie.
Mais il mange à la sueur de son front » a-t-il poursuivi.

Se déclarant phaseur, KAPATA, un informateur de la commune Kenya, note:

« Je suis phaseur. J'ai un numéro matricule (pour dire qu'il est identifiable parce
qu'ayant sur lui une carte d'élève de la Cité des Jeunes où il apprend un métier). Je sais lire et
écrire. Je me fais coiffer quand il le faut et je suis toujours propre. ».
45

B.3. Les vagabonds

Comme ce mot l'indique, ce sont des enfants qui errent çà et là à travers les rues
de la ville. Ils sont reconnus par leur saleté : pour la plupart, ils marchent pieds nus et ont les
habits en lambeaux. Ils vivent souvent de la mendicité et du ramassage. Selon un phaseur
interviewé sur la question, ils ont un faible pour le vol bien qu'ils effectuent quelques travaux
en échange d'une boule de bukari ou de sonsoria dans des restaurants. On les appelle
vagabonds, shegue.

C. Prise en charge et répression du phénomène « enfants de la rue»

Une des questions qu’on peut se poser lorsqu’on appréhende le phénomène «


enfants de la rue » est de savoir ce que fait la police. Il est aussi intéressant de mettre en
évidence la perception que ces enfants ont de la police et des policiers. Il ressort qu’il existe
des rapports ambivalents entre la police et les enfants de la rue. Ces derniers reconnaissent à
la police un rôle indispensable au maintien de l'ordre public qu’eux-mêmes perturbent sans
toutefois les craindre. Enfants de la rue et policiers tissent entre eux des réseaux sociaux
complexes, voire ambiguës. Certains policiers entretiennent des relations de collaboration
avec ces enfants. Ces derniers sont généralement bien informés des forfaits commis de nuit
comme de jour, sur l’ensemble de ville.

« Dans certains cas, dit un vagabond, c’est nous qui donnons des
informations sur les grands crimes commis. Mais le matin, ce sont les policiers que tout
le monde félicite pour nos réalisations. D’ailleurs, moi j’ai été victime d’un vol de
souliers de la part des patrouilleurs. Je les avais surpris en train de voler ».

Quelques policiers collaborent avec les enfants pour démasquer les bandits et se
renseigner sur ce qui se passe la nuit. Comme nous l'avons souligné précédemment, ces
enfants dorment généralement tard, souvent au-delà de minuit. Ils sont omniprésents dans la
rue et rien ne passe inaperçu à leurs yeux. Ils identifient facilement auteurs et forfaits, ce qui
explique que les policiers recourent à eux pour avoir des informations. C'est ainsi qu'il n'est
pas rare de voir un enfant de la rue à bord d'une voiture, la nuit, orientant les policiers pour
traquer les malfaiteurs.

Un soir alors que nous étions sur le terrain, vers 21 heures, nous avons vu un
policier venir avec un enfant de la rue, tous deux joyeux. Le policier lui avait remis huit mille
francs congolais (8000 FC), lui avait offert un plat de frittes au poulet, et une bière dans un
46

bar. Après un laps de temps, le garçon est sorti et nous l'avons abordé pour savoir ce qui se
passait entre le policier et lui, et il nous relata la situation en ces termes : « Je viens de l’aider
à arrêter un réseau de malfaiteurs au quartier Makomeno. Ils lui ont remis beaucoup d'argent.
En guise de remerciement pour le service rendu, il m'en a donné aussi ».

La présence des policiers ne les inquiète pas et ne les empêche pas de commettre
un délit. Il faut ajouter que certains policiers commettent des forfaits de connivence avec les
enfants de la rue. Un enfant âgé de 20 ans rapporte : « J'ai commis beaucoup de crimes.
Plusieurs fois, j'ai été jeté au cachot. Là, j'ai été fouetté, torturé, etc. Tout ceci ne me dit rien.
Les policiers nous connaissent bien. Tu peux me faire arrêter, cela m'importe peu, car je
serai relâché aussi tôt après le départ du plaignant, pour la simple raison que je suis
vagabond. Au cachot, on ne garde que les prévenus qui reçoivent la visite (et de la
nourriture) de la part des membres de leurs familles. Moi, comme je n’en ai pas, je paie mes
forfaits en recevant des coups de fouet. S'ils me gardent longtemps, ils risquent de devoir
partager leur repas avec moi. Ils me relâchent très vite. Ce sont nos vieux, nous leur donnons
aussi des cigarettes et du chanvre ».

Comme, légalement, on ne peut garder une personne au cachot pendant plus de


48 heures sans que le parquet n'ait été saisi, ces enfants s’arrangent pour ne rien recevoir de
leurs collègues. Ainsi, les policiers se trouvant devant un prévenu qui n'a ni à manger ni de
l’argent pour payer l’amende transactionnelle, se voient contraints de le relâcher pour qu'il ne
devienne pas une charge pour eux.

Il arrive aux jeunes de dénoncer cette complicité lorsqu’ils se sentent lésés après
avoir rendu service aux policiers ou parce que le partage du butin n'a pas été équitable.

§.2. LES PROSTITUÉS FACE A LA CRIMINALITÉ

La liste des infractions que nous exposons ici n’est pas exhaustive ; que de
nombreux cas de torture et de sévices sexuels ne sont pas signalés et leurs auteurs ne sont pas
punis parce que les prostituées ont soit honte de raconter ce qui leur arrive ou craignent de se
faire traquer par la police ou par les victimes de leurs forfaits.

Cela étant, les infractions commises ou subies peuvent être regroupées en trois
catégories : celles impliquant les prostituées entre elles, celles concernant les prostituées et
les clients et, enfin, celles relatives aux prostituées et aux policiers.
47

A. Entre prostituées

A.1. Appropriation de client, vol et escroquerie entre prostituées

Les disputes autour d’un client sont courantes entre prostituées et elles
constituent une source d’affrontements. Lorsqu’une prostituée tombe sur un client qui a
suffisamment d’argent, elle suscite la cupidité des autres qui peuvent s’employer à le lui
arracher. Elle, à son tour ne pouvant supporter cette indélicatesse va aussi se battre pour le
garder sous son contrôle. Il s’ensuit des injures et des bagarres qui peuvent déboucher sur des
coups et blessures volontaires.

Une prostituée rapporte : « J’avais été incarcérée à la suite d’une bagarre causée
par mon client. Il m’avait emmenée dans un hôtel, après les rapports sexuels, il m’avait
remis une somme importante d’argent en me promettant qu’il reviendrait me chercher le
lendemain. Je l’avais beaucoup attendu. A ma grande surprise, il était sorti avec une autre
prostituée. Je n’avais pas digéré son comportement. Au fait, je savais qu’il donnerait
beaucoup d’argent à l’autre et je devrais l’en empêcher pour que je sois la seule
bénéficiaire. Quand je les ai trouvés, j’avais menacé l’autre prostituée en ces termes : tu as
volé mon mari. Elle, à son tour ne voulait pas l’entendre de cette oreille. Elle m’avait
insultée et j’avais riposté, finalement, nous en étions arrivés aux poings et je lui avais cassé
une dent pendant que le client avait eu tout le temps de s’éclipser. » La recherche du gain est
la raison la plus récurrente qui pousse les prostituées à des infractions. Chacune est à la
recherche d’un client plus généreux. Lorsqu’on en trouve un, on tient à se l’approprier pour
toujours, ce qui engendre généralement de la jalousie de la part des autres prostituées qui
feront tout pour provoquer des problèmes. Des déclarations de cette prostituée, il n’y a pas
que le vol de biens mais aussi le « vol de clients » d’autrui en recourant à des pratiques
fétichistes dont la plus connue est le « philtre d’amour », qui consiste à envoûter le mari
d’autrui jusqu’à ce qu’il abandonne ou rejette sa famille et qu’il aille cohabiter avec une
prostituée. Lors des permanences dans les différents postes de police, cette infraction a fait
l’objet d’un certain nombre de plaintes.

Pour ce qui est de l’escroquerie, Il est surtout question de prêt d’habits


régulièrement notés dans les milieux des prostituées. En effet, rares sont les prostituées qui
ont suffisamment d’habits. Pour paraître, elles empruntent ou louent des habits auprès
d’autres prostituées. Les frais de location varient en fonction de la qualité de l’habit ainsi que
du nombre de jours d’utilisation de l’habit pris en location. Ces transactions vestimentaires
48

font souvent lieu à des actes d’escroquerie dans le chef de l’emprunteuse qui tantôt déclare
avoir perdu l’habit tantôt encore prétend que l’habit a été volé ou est déchiré.

En guise de réparation, la propriétaire peut exiger qu’un autre habit lui soit
acheté, ce que l’emprunteuse peut s’empresser d’accepter, mais toutefois sans s’appliquer
après à payer effectivement. Il en est qui empruntent un habit avec une promesse ferme de le
rendre le lendemain. La nuit, elles voyagent pour une autre ville.

Quant aux vols, les enquêtes révèlent que les prostituées se méfient de celles
qu’elles ne connaissent pas. Elles se font confiance dans une certaine mesure selon les
groupes dans lesquels elles vivent. Malgré cela, il arrive toujours des cas de vol. Pour elles,
ce qu’on vole le plus, ce sont toujours les habits, les bijoux, les chaussures, les sacs à main
pour dame et aussi de l’argent.

A.2 Soupçon de sorcellerie

Une prostituée qui attire beaucoup de clients est suspectée par les autres d’user
des charmes magiques ou d’appliquer le philtre d’amour pour se faire aimer. Une prostituée
déclare qu’elle avait été victime des coups et blessures, de destruction méchante et d’une
arrestation arbitraire pour la simple raison que le client avec lequel elle sortait avait
abandonné sa famille. Toutes les prostituées avaient influencé sa femme en lui disant que si
elle ne me menaçait pas, son mari ne rentrerait pas à la maison parce que j’avais des
sortilèges qui envoûtaient les maris d’autrui. Ainsi, sa femme était venue de nuit,
accompagnée de quelques policiers, elle m’avait déshabillée, donné des coups, sous l’œil
complice des policiers qui l’incitaient davantage à me frapper. Par la suite, ils m’ont
embarquée dans un taxi et je me suis retrouvée dans un cachot. Les suspicions liées à la
sorcellerie peuvent inciter l’entourage de la prostituée à des actes répréhensibles. Lorsque les
prostituées remarquent que leur camarade est davantage sollicitée, elles lui cherchent des
problèmes dans tous les sens : menaces, injures publiques ou diffamation et bien d’autres
imputations calomnieuses. Si pour certaines prostituées affirment ne pas recourir à des
pratiques fétichistes, néanmoins, la plupart d’entre elles soutiennent que ces pratiques
existent dans leurs milieux. Certaines prostituées se jettent des sortilèges pour que leurs
rivales n’aient pas de la clientèle, ou elles s’oignent de fétiches pour attirer le plus de clients
possible. Ainsi, les croyances aux fétiches sont sources des problèmes qui se terminent
généralement dans les postes de police. Ce qu’il faut en plus souligner, c’est que les cas
d’envoûtement sont évoqués parmi les prostituées rivales qui entrent en conflit ouvert et sans
49

pitié. Tantôt par des procédés maléfiques à travers des incantations, tantôt par des potions
magiques qu’elles introduisent dans les aliments ou dans les boissons. D’autres se séparent le
cœur chargé de rancune, en attendant une autre occasion pour se régler les comptes ; et le
circuit infernal de la violence est ouvert.

A.3. Usage de la drogue, avortement et abandon d’enfants

La drogue est considérée comme étant un produit indispensable dans la pratique


de la prostitution. Les prostituées fument seules ou en groupe pour réduire les inhibitions, se
donner du courage, surmonter la gêne ou résister aux intempéries. Le chanvre indien, djamba
ou bangi, leur permet de devenir cool. Une fois droguées, elles s’emploient à masquer l’odeur
du chanvre en fumant des cigarettes ordinaires. Dans les mœurs lushoises et congolaises, les
jeunes femmes ne fument pas. Celles qui fument, ce sont généralement des prostituées. Et il
est facile de reconnaître une prostituée par cet acte. Mais étant donné que le chanvre ne
procure pas une bonne réputation à ceux qui en consomment, les prostituées savent qu’on
leur concède encore de fumer une cigarette, mais pas de s’adonner au chanvre. C’est
pourquoi généralement quand elles fument du chanvre, elles le font à l’abri des regards,
généralement à l’intérieur de leur chambre pour ne pas provoquer des réactions négatives de
la part de leur entourage. Ce sont en fait les enfants de la rue et d’autres vagabonds qui leur
fournissent du chanvre au jour le jour. Ainsi se tissent d’autres liens entre enfants de la rue et
prostituées.

Une prostituée déclare : « le chanvre m’aide à résister à toutes les formes de


pression. Dans cet état, je ne crains ni homme ni femme. Ce qui m’intéresse dans pareille
circonstance, c’est l’objectif poursuivi ». Lorsqu’elles se sentent brimées, les prostituées qui
sont sous l’effet du chanvre ne lésinent pas et ne reculent devant aucun obstacle. Dans ces
conditions, une prostituée peut réclamer publiquement de l’argent à un homme avec qui elle a
couché. Sous l’effet du djamba72.

Une autre prostituée s’exprime en ces termes : « sans drogue, je ne peux me


prostituer. Il y a des clients qui exigent des rapports sexuels compliqués. Dans l’état normal,
je ne peux accepter de tels rapports, mais sous l’effet du bangi 73, je suis claire et apte à tout
ce qui m’est demandé par les clients. ».

72
Se dit de la drogue en langage courant dans la ville de Lubumbashi.
73
Idem
50

Dans le monde des prostituées, la grossesse est un handicap majeur. Étant donné
que la prostitution est leur activité rémunératrice principale, les prostituées acceptent
difficilement de rester près de six mois dans un état d’inactivité professionnelle, sans compter
les mois d’allaitement du bébé. Ainsi, la meilleure solution pour elles c’est l’avortement. Des
enquêtes, il ressort que les prostituées procèdent souvent à des avortements sans recourir aux
formations médicales, ni à des médecins. Elles prennent soit des ampicillines, soit de la
quinine 500 mg, ou encore d’autres produits pharmaceutiques connus pour être contre
indiqués en cas de grossesse. Il y en a d’autres qui s’adressent à des centres de santé ou à des
infirmiers avec qui elles ont de bonnes relations ou auprès de qui elles sont recommandées.
Des fœtus sont parfois retrouvés dans des caniveaux et des lieux publics. Il arrive même
fréquemment que certaines prostituées, qui n’ont pu se débarrasser d’une grossesse, en
viennent à étrangler le bébé ou, dans le meilleur des cas, qu’elles l’abandonnent dans un lieu
public ou à la maternité. A ce sujet, des prostituées investiguées affirment toutes avoir déjà
avorté plus d’une fois, c’est un phénomène courant dans leurs milieux. Avorter n’est donc pas
perçu comme un crime dans la sphère des prostituées ; néanmoins, elles condamnent celles
qui en arrivent au meurtre de leurs enfants. A travers toutes ces pratiques, les prostituées ne
considèrent que leurs intérêts matériels, elles peuvent tout sacrifier pourvu que la source de
revenu reste intacte.

B. Entre prostituées et clients

B.1. Abus de confiance

Il importe de souligner que dans les rapports entre prostituées et clients, il y a des
tarifs différents selon que les clients sollicitent des rapports sexuels rapides, semi rapides ou
lents. Le coup pressé varie entre 3000 FC et 5000 FC, selon les heures. Il est au rabais vers 3
heures du matin, car il peut être revu à la baisse de 2000 FC à 3000 FC), le coup semi rapide
va de 1 à 3 heures. Son coût va de 15.000 FC à 30.000 FC. Enfin, le coup lent, qui dure toute
une nuit (la nuit étant comptée par rapport au prochain lever du soleil), est estimé entre
35.000 FC et plus. Le coup pressé se résume en une consommation unique qui se termine à la
première éjaculation du client.

L’abus de confiance consiste donc à avoir des relations intimes avec une
prostituée, puis à l’éconduire au moment du paiement. Il y a des clients qui, après avoir
couché avec une prostituée, trouvent des prétextes pour s’échapper sans verser de l’argent.
51

En revanche aussi, d’autres prostituées profitent du fait que leur client est ivre ou
profondément endormi pour l’abandonner dans son sommeil après avoir pourtant perçu son
argent.

Dans le monde de la prostitution, les relations entre clients (hommes) et


prostituées sont caractérisées par une malhonnêteté généralisée. Les clients cherchent
toujours à satisfaire leurs désirs sexuels sans honorer leur engagement ou en payant moins.
De la même manière, les prostituées veulent maximiser leurs entrées en usant moins de leur
sexe. C’est dans ce climat d’abus de confiance que le plus malin roule son partenaire sans
état d’âme.

B.2. Menaces, vol et coups et blessures

Les prostituées ont aussi évoqué le cas des menaces diverses : menaces de mort,
d’étranglement, de se faire poignarder, etc. Les prostituées notent que les clients qui les
côtoient sont souvent nerveux. Il suffit d’un petit rien pour les voir sur les nerfs. Elles
subissent des torrents de menaces à longueur de journées. L’ambivalence des rapports entre
les prostituées et leurs clients est souvent surprenante. On peut assister du passage de
l’agressivité ouverte (coups échangés, blessures, etc.) à des comportements amoureux.

Les causes des bagarres sont multiples : tantôt c’est la jalousie d’un client pour
une prostituée qu’il avait entre ses mains au moment où un autre client, plus fort
économiquement vient la lui arracher, tantôt c’est l’« abus de confiance » de la part d’une
prostituée qui a été retrouvée après son forfait, tantôt, c’est l’excès d’ivresse qui incite
certains clients à des voies de fait. Et souvent, l’incident est conclu par un passage à tabac de
la prostituée. Il suffit d’observer attentivement le corps des prostituées pour voir qu’elles
portent souvent divers stigmates, témoins d’une vie de bagarres. Certaines ont même des
dents cassées.

Les prostituées notent que leur métier est à haut risque et que le tempérament des
hommes est très variable, certains se montrent très possessifs et brutaux, ne supportant pas
voir les prostituées sur lesquelles ont porté leurs choix en compagnie d’autres hommes, de
peur de s’acharner contre les prostituées et les battre.

C. Entre prostituées et policiers

Les prostituées déclarent que les policiers sont redoutables la nuit. Ils sont
souvent à leurs trousses soit pour leur soutirer quelques billets de francs congolais soit pour
52

abuser d’elles sexuellement. Faisant des navettes entre les différentes boîtes de nuit et
terrasses, à la recherche des clients potentiels, ils les croisent et sont alors interpellées au
motif qu’il n’est pas permis de trouver une femme sur la rue à des heures si tardives. Ils
prétextent que les prostituées sont des espionnes ou des complices des voleurs. Pour se tirer
de leurs griffes, les prostituées leur donnent de l’argent gagné à la sueur de leur travail. Le
harcèlement sexuel des prostituées est tellement courant que c’est devenu presque un fait
banal, un fait divers. Les prostituées déclarent que, la nuit, les agents de l’ordre s’organisent
toujours pour sillonner autour des bars, rassurés qu’ils vont y intercepter quelques
prostituées. Il y a des situations de flagrance dans lesquelles elles sont parfois surprises en
train de passer des rapports sexuels soit sous un arbre, dans une maison abandonnée ou
inachevée, dans les kiosques, etc. Dans ces conditions, les clients prennent la poudre
d’escampette à l’apparition des agents de l’ordre, et les prostituées, moins habiles, sont alors
arrêtées. L’infraction retenue est l’« attentat à la pudeur74 ». Les prostituées sont frappées,
leurs sacs sont fouillés de fond en comble, on va même jusqu’à leur arracher tout ce qu’elles
ont, cela au titre de butin, puis on les terrorise en les menaçant de les conduire au cachot. Il
arrive même qu’elles soient parfois battues. Craignant d’être incarcérées, car une fois
détenues, elles sont soumises à des violences surtout quand elles ne veulent pas obéir aux
ordres des policiers de garde, elles savent par ailleurs, qu’elles ne peuvent en sortir sans avoir
au préalable versé des amendes transactionnelles. Il semble que les policiers connaissent cette
réalité. Ainsi, quand ils surprennent les prostituées en infraction ou non, ils menacent de les
conduire au cachot, elles n’acceptent pas, car elles savent qu’une fois dans les enceintes de la
police, elles ne peuvent pas y sortir sans qu’elles n’aient versées des amendes
transactionnelles. Ainsi, elles négocient avec les policiers soit en leur glissant un peu
d’argent, soit contre leur gré, elles se servent de leur sexe pour trancher l’affaire au cas où
elles ne posséderaient pas de l’argent à donner aux policiers.

CRITIQUES ET SUGGESTIONS

1. CRITIQUES

74
Article 168, Code pénal congolais.
53

Jadis observables qu’en un taux très restreint, aujourd’hui le phénomène criminel


prend de plus en plus de l’ampleur dans le monde, et ce sans épargner un seul territoire. Pour
certains auteurs et victimes de la criminalité, on peut même être surpris que cela ne soit pas
arrivé quelques années plus tôt, et supposer que bien que sans antécédent criminel connu, ils
ont déjà pu commettre plusieurs crimes pour lesquels ils n’ont jamais été suspectés, mais pour
d’autres, il suffit de peu se renseigner sur leur personnalité, et leur statut criminel est à
découvert.

2. SUGGESTIONS

En vue de l’éradication de la criminalité nous suggérons ce qui suit :

- Favoriser le bien-être des populations et encourager un comportement sociable par


l’application de mesures sociales, économiques, sanitaires et éducatives, en privilégiant
en particulier les enfants et les jeunes et en mettant l’accent sur les facteurs de risques et
de protection associés à la criminalité et à la victimisation (prévention par le
développement social ou prévention sociale de la criminalité);
- Modifier les conditions locales qui influent sur la délinquance, la victimisation et
l’insécurité induite par la criminalité, en mettant à profit les initiatives, l’expertise et
l’engagement des membres de la collectivité (prévention du crime à l’échelon local);
- Prévenir les infractions en limitant les possibilités de les commettre, en alourdissant le
risque d’être arrêté et en réduisant au minimum les avantages escomptés, par le biais
notamment de l’aménagement du cadre de vie, et en fournissant assistance et information
aux victimes potentielles et effectives (prévention des situations criminogènes);
- Prévenir la récidive en aidant les délinquants à se réinsérer socialement et en appliquant
d’autres mécanismes de prévention (programmes de réinsertion).

CONCLUSION

La prévention de la criminalité comprend toute activité individuelle ou de


groupes, publics ou privée, visant à éliminer les infractions avant leur commission ou
54

avant que toute activité supplémentaire n’en résulte, elle vise également à réduire la
fréquence de certains comportements par ailleurs incriminés par la loi pénale, mais aussi
d’incivilités. Dans la prévention de la criminalité, il est observé d’une part une
implication dans la protection des honnêtes citoyens contre les exactions des classes
dangereuses, et d’autre part, des mesures servant à éviter qu’un casier judiciaire s’ajoute
aux handicaps sociaux accumulés par une jeunesse défavorisée.

La prévention est devenue l’un des objectifs les plus visés et matière de
criminalité. Elle est un domaine très important pour assurer la sécurité publique et
protection des citoyens. Tel un fléau de nos jours, la criminalité affecte non seulement les
secteurs juridiques, politiques, économiques et sociaux, mais aussi le bien-être des
citoyens. Pour lutter contre la criminalité et garantir sa répression, le droit congolais
prévoit à travers son code pénal, des dispositions visant à décourager, tout comportement
teinté d’un caractère ayant trait à l’un des aspects de la criminalité, ou à tout
comportement délictueux.

La prévention de la criminalité n’inclue cependant pas seulement les


pratiques de l’ensemble des institutions et agents concourant à l’administration de la
justice pénale, mis également celles de nombreux autres intervenants publics ou privés,
quand ce ne sont pas les citoyens eux-mêmes. Il conviendrait cependant de recourir aux
formes traditionnelles de contrôle social, afin d’éviter une trop grande criminalisation et
de réduire le coût humain et social du crime. Mais on peut également prendre distance par
rapport à ces formes de contrôles lorsqu’ils persistent à viser l’éradication du crime, car
en effet, comme le souligne Tornüdd, le crime est un phénomène culturel déterminé par
des changements sociaux, et à ce titre, argue Durkheim, le crime est un phénomène
normal au sens qu’il est observé en tous temps et en tous lieux.

BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES JURIDIQUES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES


1. Textes juridiques
55

1.1. Texte juridique national


- Code pénal congolais
.
1.2. Textes juridiques internationaux

- Déclaration universelle des droits de l’homme


- JO de l’union européenne n°L351 du 29/12/1998
II. OUVRAGES
II.1. Ouvrages généraux

- André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris 1985.


- Émile DURKHEIM, De la division du travail social, Éditions Félix Alcan, Paris 1893.
- G. TARDE, La philosophie pénale, Editions Cujas, Paris 1892.
- Gabriel HONORÉ MARCEL, Journal, 1919
- GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences Sociales, 4ème éd, Dalloz, Paris,.1996
- KIZOBO OBWENG, Méthodologie de la recherche scientifique, Éd. Mes, Lubumbashi
2016
- N’da PAUL, Méthodologie delà recherche de la problématique à la discussion des
résultats, Éditions universitaires de Côte d’Ivoire, Abidjan 2002
- Gabriel HONORÉ MARCEL, Journal, 1919, p. 225
- KIZOBO OBWENG, Méthodologie de la recherche scientifique, Éd. Mes, Lubumbashi
2016, p.2 et s.
- Charles SEIGNOBOS, La méthode historique appliquée aux sciences sociales, ENS
Éditions, Lyon 2014.
- N’da PAUL, Méthodologie delà recherche de la problématique à la discussion des
résultats, Éditions universitaires de Côte d’Ivoire, Abidjan 2002, p. 19.
- André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris 1985.
- GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences Sociales, 4ème éd, Dalloz, Paris,.1996, p.587
- Émile DURKHEIM, De la division du travail social, Éditions Félix Alcan, Paris 1893.
- Étienne BALIBAR, Foucault et la philosophie politique, Éditions La découverte, Paris
1985.
- Norbert ELIAS, La dynamique de l'Occident, Éditions Walter de Gruyter & Co.
- Berlin 1939.
- William JAMES, Principes de psychologie, Éditions Henry Holt and Company, New
York 1890.
- Fiodor DOSTOÏEVSKI, Crime et châtiment, Le messager russe, Moscou 1866.
56

- Jean-Luc GIROT, Le harcèlement numérique, DALLOZ, Paris 2005.


- JEAN-CLAUDE Bruneau, MARIE THERESE Lootens-de-Muynck, la densité de
population, Atlas de Lubumbashi, Paris 1985.
- N’SIAMI Mabiala et SITEKE Isakila, Carte de la naissance urbaine de la ville de
Lubumbashi, UNILU, observatoire du changement urbain.
- PIERRE Venetier, Les ville d’Afrique tropicale, Editions Masson, Paris 1991.
-

II.2. Ouvrages spécifiques

- Gabriel TARDE, La criminalité comparée, Librairie Félix Alcan, Paris 1924.


- Maurice CUSSON, Criminologie actuelle, PUF, Paris 1998.
- Pires ALVARO, criminalité : enjeux épistémologiques, théoriques et éthique, Ottawa
1994.
- Jean-Paul BRODEUR, Legitimizing police deviance, Toronto 1981.
- David GARLAND, La culture du contrôle : la criminologie et la société contemporaine,
Éditions du Seuil, Paris 2001.
- F. Acosta, À propos des illégalismes privilégiés. Réflexions conceptuelles et mise en
contexte», Criminologie, XXI, 1, p. 7-34.
- Franck BROWNING et John GERASSI, Histoire criminelle des Etats-Unis, Nouveau
monde, 2015
- Gabin BADY BAKUYA, Syllabus du cours de Criminologie générale, UNILU-PRINT,
2021.
- James Q. WILSON, Thinking about crime, Vintage revised paperback, 1985.
- Gabriel TARDE, La criminalité comparée, Librairie Félix Alcan, Paris 1924.
- G. TARDE, La philosophie pénale, Editions Cujas, Paris 1892.
- Maurice CUSSON, Criminologie actuelle, PUF, Paris 1998.
- Pires ALVARO, criminalité : enjeux épistémologiques, théoriques et éthique, Ottawa
1994.
- Jean-Paul BRODEUR, Legitimizing police deviance, Toronto 1981.
- Frédéric OCQUETEAU, Criminalité, Encyclopedia universalis(en ligne), consulté le 25
juillet 2023.
- Cesare LOMBROSO, L'Uomo delinquente, Éditions Hoepli, Milan 1876.Robert
MERTON, Social Theory and Social Structure, Free Press Éditions, New York 1949.
- Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Éditions Gallimard, Paris 1975.
- Mark JONES, A History of Crime and Criminal Justice in America, Éditions Routledge,
Londres 2013.
57

- Jill HARRIES, Law and Crime in the Roman World, Cambridge University press,
Cambridge 2007.
- Trevor DEAN, Crime and justice in late medieval italy, Cambridge University Press,
Cambridge 2007.
- G. ESPINAS, Ch. VERLINDEN, J. BUNTINX, Privilèges et charte de franchises de la
Flandre, Bruxelles 1961. P.212
- A.. Pires, «Le débat inachevé sur le crime», Déviance et société, III, 1, 1979, p. 23-46.
- C. Debuyst, Histoire de la criminologie: les savoirs diffus ou la période pré-scientifique,
- document de travail du Groupe de recherche sur l'histoire de la criminologie, Université
catholique de Louvain, 1992.
- C. Debuyst, op. cit.
- M. van de Kerchove, «Décriminalisation et dépénalisation dans la pensée de Jeremy
Bentham», dans: P. Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove (sous la direction de), Actualité
de la pensée juridique de Jeremy Bentham, Publications des Facultés universitaires
Saint-Louis, Bruxelles 1987.
- Pierre REVERDY, La Matière Pénale Á L’Epreuve Des Nouvelles Technologies, Thèse,
Université Toulouse 2005
- Catherine BLATIER, La délinquance des mineurs, Presses universitaires de Grenoble,
Paris 2003.
- C.BLATIER, La délinquance des mineurs, Presses universitaires de Grenoble, Paris 2003.
- Léon J. Lens, Elisabethville 1956 : mon village a grandi, Essor du Congo, Paris 1955,
- HOUYOUX Joseph et LECOANET Yann, Lubumbashi : Démographie, budgets
ménagers et étude du site, Bordeaux 1975.
- LEBLANC Michel et MALAISSE François, Lubumbashi : Un écosystème urbain
tropical, Université national du zaïre, Lubumbashi 1978.

III. ARTICLES

- Frédéric OCQUETEAU, Criminalité, Encyclopedia universalis(en ligne), consulté le 25


juillet 2023.
- A. Quételet, «Sur la statistique morale et les principes qui doivent en former la base»
(1848),
58

- Déviance et société, VIII, 1, 1984, p. 13-41). Voir aussi: A. Quételet, Sur l’homme et le
développement de ses facultés, Paris, Fayard, 1991 (orig. 1835).
- D. Élie, Autour de croissance et décroissance du crime; réflexions sur les propositions
théoriques», Criminologie, XXV, 1, 1992, p. 135-143.
- FILIBERTY, les enfants de rue dessinent la famille. Expérience de liaison entre
psychologie et pédagogie avec les jeunes de Lubumbashi, Don Bosco, Lubumbashi 2000.
- MUYEMBO MULOBE, Une étude sur les enfants des rues à Lubumbashi, Paris 1992.
IV. Rapports et documents divers
IV.1. Dictionnaires
- Dictionnaire, Le petit Larousse, Éd. Larousse, Paris 2010,

- Dictionnaire, Larousse.

IV.2. Notes des cours

- Aimé BANZA ILUNGA, Syllabus du cours de Logique et argumentation juridique,


premier graduat, faculté de droit, Université de Lubumbashi, année académique 2018-
2019.
- Aimé BANZA ILUNGA, Syllabus du cours de Logique et argumentation juridique,
premier graduat, faculté de droit, Université de Lubumbashi, année académique 2018-
2019.

V. WEBOGRAPHIE

- https://www.msdmanuals.com
- https://unesdoc.unesco.org
59

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE...............................................................................................................................I

DEDICACE................................................................................................................................II

REMERCIEMENTS.................................................................................................................III

AVANT- PROPOS....................................................................................................................IV

INTRODUCTION......................................................................................................................1

OBJET D'ETUDE.......................................................................................................................1

ETAT DE LA QUESTION..........................................................................................................1

PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE.....................................................................................3

PROBLÉMATIQUE...................................................................................................................3

HYPOTHÈSES...........................................................................................................................3

METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE................................................................4

METHODES DE RECHERCHE................................................................................................4

TECHNIQUES DE RECHERCHE............................................................................................5

DÉLIMITATION DU TRAVAIL................................................................................................7

DÉLIMITATION SPATIALE.....................................................................................................7

DÉLIMITATION TEMPORELLE.............................................................................................7

DÉLIMITATION DE LA MATIÈRE..........................................................................................7

SUBDIVISION DU TRAVAIL...................................................................................................7

CHAPITRE PREMIER : LES GENERALITES SUR LA CRIMINALITE..............................8

SECTION 1. NOTIONS FONDAMENTALES.........................................................................8

§.1. DÉFINITION.......................................................................................................................8

§.2. LA CRIMINOLOGIE ET LA JUSTICE PÉNALE...........................................................12

§.3. LA CRIMINOLOGIE ET LA PSYCHOLOGIE CRIMINELLE......................................13

SECTION 2. EVOLUTION DE LA CRIMINALITE..............................................................14

§.1. LA CRIMINALITÉ DANS L’ANTIQUITÉ......................................................................14


60

§.2. LA CRIMINALITÉ AU MOYEN AGE............................................................................16

§.3. LA CRIMINALITÉ DE NOS JOURS...............................................................................17

§.4. LA CRIMINALITE COMME PHENOMENE DE MASSE.............................................22

SECTION 3. FACTEURS DE LA CRIMINALITÉ.................................................................23

§.1. LES FACTEURS SOCIAUX : PHYSIQUES ET DEMOGRAPHIQUES.......................23

§.2. LES FACTEURS INDIVIDUELS.....................................................................................25

CHAPITRE DEUXIEME : DE L’ANALYSE DE LA QUESTION DE LA CRIMINALITE


DANS LA VILLE DE LUBUMBASHI...................................................................................27

SECTION 1. PRESENTATION DE LA VILLE DE LUBUMBASHI.....................................27

§.1. ORIGINES.........................................................................................................................27

§.2. STRUCTURATION ADMINISTRATIVE........................................................................29

§.3. LA POLICE DANS LA VILLE DE LUBUMBASHI.......................................................29

SECTION 2: TYPOLOGIES DE CRIMINALITES................................................................32

§.1. CRIMINALITE CONTRE LES BIENS............................................................................32

§.2. CRIMES CONTRE LES PERSONNES............................................................................34

§.3.CRIMINALITE ORGANISEE...........................................................................................36

SECTION 3. DES CRIMINALITES LES PLUS REPUTEES DANS LA VILLE DE


LUBUMBASHI........................................................................................................................38

§.1. LES ENFANTS DITS « DE LA RUE » FACE A LA CRIMINALITE DANS LA VILLE


DE LUBUMBASHI..................................................................................................................38

§.2. LES PROSTITUÉS FACE A LA CRIMINALITÉ............................................................47

CRITIQUES ET SUGGESTIONS...........................................................................................53

1. CRITIQUES...................................................................................................................53

2. SUGGESTIONS............................................................................................................53

CONCLUSION.........................................................................................................................54

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................55

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