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L’INFRACTION PÉNALE

Bibliographie :
- code pénal
- Droit pénal Général, Cujas
- Xavier Pein chez Dalloz
- Pas de memento
- TD Droit Pénal et Procédure Pénale, Lexisnexis
- Collection Ellipse (Méthode de cas pratiques, de dissertation, du commentaire d’arrêt)

INTRODUCTION
Le droit pénal, étymologiquement, c’est le droit de la peine, c’est la sanction
particulière infligée par la société à l’auteur d’une infraction. Plus largement, le droit pénal
désigne l’ensemble des règles qui organisent la réponse de la société aux comportements les
plus attentatoires à l’ordre social que l’on appelle infraction. Autrement dit, le droit pénal est
l’ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l’Etat après la commission
d’une infraction.

Le droit pénal repose d’abord sur la commission d’une infraction, c’est-à-dire de la


violation d’une interdiction ou d’une obligation préexistante. Cette infraction donne lieu à
une responsabilité pénale qui en principe débouche sur une sanction particulière qu’on
appelle la peine. Le droit pénal c’est la branche du droit qui répond au phénomène criminel,
c’est un droit particulier, très différent du droit civil et très différent du droit administratif.
Pour comprendre ce qu’est le droit pénal, il faut d’abord comprendre ce qu’est le phénomène
criminel.

SECTION 1 - LE PHÉNOMÈNE CRIMINEL.


Ce qu’on appelle le phénomène criminel c’est l’ensemble des transgressions les plus
graves attentatoires à l’ordre et à la sécurité contraires aux valeurs sociales admises et punies
par la loi. Le phénomène criminel se trouve au centre d’intérêts fondamentaux qui expliquent
l’importance et la force du droit pénal. Le crime implique la société, un crime menace
l’équilibre de cette société, c’est la raison pour laquelle c’est la société à travers l’Etat qui
répond. Mais le crime intéresse aussi évidemment le criminel, et le phénomène criminel
considère aussi presque toujours la victime puisqu’il y a parfois des infractions sans victimes
mais la plupart des infractions comportent une victime. Le phénomène criminel intéresse
toujours ces 3 personnages.

Il existe également une particularité, c’est qu’il est inhérent à toutes sociétés
humaines, il n’y a pas de société sans phénomène criminel au point d’ailleurs que lorsqu’on a

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inventé la sociologie, soit l’étude des interactions au sein d’une société, Durkheim a cherché
un objet d’étude qui était présent dans toutes les sociétés, il a donc choisi le phénomène
criminel.

A - L'existence du phénomène criminel.


Le crime est un phénomène social permanent, ce qui caractérise la société humaine
constitue le crime. A la naissance de l’humanité, l’Ancien Testament reconnu par les 3
religions principales, cela commence par un crime, cela commence par un vol et très
rapidement il y a un crime avec un fratricide. Si on s’intéresse aux philosophes des Lumières,
l’état de nature est un état de guerre généralisé, le crime généralisé. Durkheim avait affirmé
que « le crime ne s’observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle
espèce mais dans toutes les sociétés de tous les types ». D’une certaine manière le
phénomène criminel est partout, il fait partie de notre environnement, dans la littérature, dans
le cinéma, dans les médias, c’est un sujet d’étude scientifique ou juridique.

On considère 3 aspects du phénomène : sa définition, son ampleur et enfin ses


facteurs.

1 - Définition.

Le phénomène criminel peut être défini de deux manières différentes et


complémentaires. On peut en avoir une approche scientifique et juridique.

a - Définition scientifique

Le crime, selon la manière dont on l’envisage, sera définie différemment. L’analyse


scientifique s’est faite d’abord en sociologie, le crime dans cette approche a un sens
générique d’infraction. Pour la sociologie, le crime est d’abord un acte humain, c’est un acte
qui suppose la violation d’un interdit social et donc, c’est un acte qui suppose la conscience
de l’interdit et de sa violation. Les animaux ne commettent pas de crimes, ils peuvent tuer
pour se nourrir ou pour le plaisir, mais cela ne constitue pas un crime. Le crime suppose la
conscience de commettre le crime et suppose une vie en société (Robinson Crusoé ne commet
pas de crime).

Sur le terrain scientifique, au XIXème siècle, est apparue une discipline qui est la
criminologie. Schématiquement, la criminologie est l’étude du crime et des moyens de lutte
contre lui. En criminologie, on a analysé le crime comme l’abus de la force ou de l’astuce.
Pour les criminologues notamment Raymond Cassin, le crime serait nécessairement un abus
soit de la force et l’abus de la force c’est la violence, soit un abus de l’astuce et cela constitue
la ruse. La plupart des infractions relève soit d’une catégorie soit d’une autre.

Le droit pénal vient sanctionner ces abus, en criminologie on a considéré qu’il existait
deux sortes de crimes, ceux qui constituent des crimes violents et des crimes de ruse. Cette

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explication est valable pour le droit pénal naturel, un grand auteur italien Garofalo est
l’inventeur du mot criminologie à la fin du XIXème. Ce dernier explique qu’il y a des
infractions naturelles et artificielles. Les infractions naturelles est l’idée du droit naturel, des
infractions dont on a la connaissance même si on ne l’a pas appris, c’est quelque chose
d’inné, par exemple le crime de meurtre, de vol…

Il y a toute une série d'infractions qu’on appelle artificielle, celle derrière lesquelles il
n’y a pas de valeur sociale fondamentale, il y a juste la nécessité de mettre en place une règle.
Par exemple, le port de la ceinture de sécurité, c’est une contravention, mais, ce n’est pas un
abus de violence ni de ruse, c’est juste qu’on veut vous protéger malgré vous.
L’analyse du crime a été remise en cause par une théorie, la théorie dite de la stigmatisation
sociale. Le fondateur de cette théorie est Lemert, il disait que « ce n’est pas la déviance qui
conduit au contrôle social mais c’est le contrôle social lui-même qui conduit à la
déviance ». C’est une théorie intéressante d’inspiration marxiste, mais difficile à entendre.
D’une certaine manière, le responsable n’est pas le criminel mais la victime, alors
évidemment ce n’est pas une théorie qui est vraiment valable, qu’on ne peut pas cautionner.
Dans la victimologie, il y a plusieurs branches, la principale de celle-ci dit que c’est la faute
de la victime si un crime est commis.

b - Définition juridique .

Pour les juristes, il ne faut pas confondre le crime et l’infraction pénale. Pour un
criminologue, le crime est synonyme d’infraction mais pas pour le juriste. Pour le juriste, la
notion clé est l’infraction qui est la violation de la loi pénale. Pour le juriste, il y a 3
catégories d’infraction, les crimes, les délits et les contraventions. Le droit est binaire
habituellement (les biens et les personnes, meubles et immeubles), le droit pénal repose sur
une classification qui n’est pas binaire. Les crimes recouvrent le meurtre, le viol, les délits
sont le vol, les escroqueries et les contraventions c’est l’excès de vitesse, le non-port de la
ceinture de sécurité. A partir de maintenant, quand on parle de crime, c’est la catégorie
particulière des infractions les plus graves.

2 - L’ampleur du phénomène criminel.

On peut se demander comment connaître la criminalité, c’est un terme utilisé


régulièrement par les médias, les hommes politiques, les juristes. Mais dans les faits, la
criminalité est l’ensemble des crimes et des délits commis sur un territoire donné au cours
d’une période donnée. Les contraventions ne sont pas comptabilisées dans la criminalité, ce
sont seulement les crimes et délits. Pour mesurer cette criminalité, depuis le XIXème siècle et
les débuts de la criminologie, on a proposé différentes méthodes, la première ce sont les
statistiques criminelles et pour être précis les statistiques policières.

On a étudié les statistiques et on a essayé de les faire parler, rapidement, un débat a


surgi sur la validité des statistiques criminelles. On se demande si elles sont valables afin de
recenser ce phénomène. Certains ont dit que les statistiques n’étaient pas valables, ne

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permettaient pas de mesurer la criminalité en raison d’un chiffre noir, c’est-à-dire d’une partie
invisible des crimes et délits. Par définition on ne le connaît pas, donc évidemment les
statistiques criminelles sont imparfaites. On a essayé de contourner ce chiffre noir mais quoi
qu’on fasse il y a des infractions qui restent invisibles. Plus l’infraction est grave, plus le
chiffre noir est bas, en matière de meurtre normalement il n’y en a pas beaucoup, puisque si
on trouve un cadavre, logiquement on va le signaler, quand bien même on ne retrouverait pas
le corps, le mort manquerait à quelqu’un. Pour le vol de voitures, il n’y a quasiment pas de
chiffre noir non plus, puisque si on vole la voiture on va porter plainte, car si on ne le fait pas
et que la voiture est utilisée pour un braquage, c’est vous qu’on va interpeller et puis
également pour des questions d’assurance puisque souvent on est assuré et donc il n’y en a
quasiment pas. Il y a des infractions pour lesquels on suppose que ce chiffre noir est élevé,
notamment en matière d’infraction sexuelle notamment quand il s’agit d’infractions sur des
mineurs, pour une simple raison, c’est que la quasi-totalité de ces infractions sont commises
par des proches et c’est très compliqué de déposer plainte contre un proche surtout quand on
est enfant. Certes les statistiques sont imparfaites, mais elles présentent la même imperfection
chaque année, certes il y a une variable mais qui est toujours la même, ce qui veut dire que la
photographie que l’on a pour une année est évidemment floue, mais, le film lui est nette, donc
d’une année sur l’autre on peut réellement et valablement évalué l’évolution. C’est la
méthode de recensement, en additionnant tous les crimes et délits, elle a l’avantage de couvrir
l’ensemble des crimes et délits parvenant aux forces de l’ordre.

Il y a également les enquêtes de victimisation, il s’agit donc d’une enquête adressée à


une population à qui on demande s’ils ont été victimes d’agressions. C’est intéressant mais
c’est un sondage, donc on ne va pas demander à 100% des français mais en prenant un
échantillon représentatif. On a également fait des enquêtes d’auto-confession, mais là
également il faut que ce soit anonyme et représentatif.

Il existe une dernière méthode qui consiste à envisager le coût économique de la


criminalité, à faire une analyse économique de la criminalité, par exemple auprès des
assureurs, combien de vols de voiture ont-ils dû indemniser, ou alors auprès des fabricants
d’alarmes… Cela ne permet pas d’avoir une image fiable et complète, mais c’est une
méthode.

Toutes ces méthodes aboutissent au même résultat donc malgré le chiffre noir on
arrive à connaître la criminalité d’un pays, le résultat de cette criminalité en France est
envisagé souvent sous deux dimensions. Il y a tout d’abord le volume de la criminalité,
aujourd’hui on compte environ 3.700.000 crimes et délits en France par an. C’est
relativement stable, ce qui est intéressant c’est que la criminalité était en 1945 de 600.000,
aujourd’hui on note une augmentation assez nette, cela a été multiplié par 6. Bien sûr la
criminalité a augmenté mais la population française aussi puisque étant donné que c’est une
addition, il y a plus de criminels parce qu’on est plus nombreux. Le volume de la criminalité
n’est pas un indicateur très parlant. Ce qui est plus intéressant est le taux de criminalité, donc
le nombre de crimes et délits pour 1000 habitants, là encore ce nombre est plus important

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dans les grandes villes. En France, le taux moyen est de 54 pour 1000, donc sur 1000
personnes il y en a 54 victimes d’un crime et d’un délit.

L’autre approche de la criminalité c’est sa structure, le volume c’est l’ensemble, la


structure comme son nom l’indique est la recherche de quelles catégories d’infractions on
trouve. La part de chaque infraction ou de chacune des grandes catégories au sein de la
criminalité. Schématiquement, sur 100 infractions, on compte environ 68 à 70% d’infractions
contre les biens, dans ces infractions, principalement des vols, c’est l’infraction la plus
fréquente et la plus simple. Cette catégorie regroupe des vols différents comme le vol à
l’arrachée, le vol très organisé, le vol à main armé, avec violences, avec séquestration. 17%
concerne des infractions en matière de stupéfiants, cela va du gros trafic de cocaïne jusqu’à
l’usage de cannabis. Il y a 10% pour des infractions économiques et financières, donc ce qui
relève du droit pénal des affaires, la corruption, le trafic d’influence, la prise égale d’intérêt.
5% d’infraction contre les personnes, meurtres, viols, homicide involontaire.

3 - Les facteurs du phénomène criminel.

C’est une autre façon d’appréhender le phénomène criminel en cherchant les raisons
pour lesquelles on peut devenir délinquant et pourquoi dans les mêmes conditions d’autres ne
le deviennent pas. Il y a des facteurs prédisposants et des facteurs déclencheurs.

Les premières explications ont été les faits des premiers criminologues et les premiers
sont des italiens à la fin du XIXème siècle, ils sont au nombre de 3 : tout d’abord il y avait
Lombroso, il était médecin, un aliéniste (psychiatre). Il s’intéressait à ceux qui ont basculé du
mauvais côté, il s’intéressait aux criminels et aux fous et il avait une démarche scientifique, il
faisait des catégories avec des dessins de face et du profil, du visage de ses patients et puis
commence à apparaître des photographies et on fait les premières photographies et il essaye
de catégoriser les délinquants et il dégage une catégorie qui est la plus dangereuse qui est le
criminel né. Les 3 vont imaginer un nouveau système pénal à eux, très efficace d’autant plus
qu’on n’aurait pas besoin d’attendre l’infraction. Lombroso dégageait des critères
anthropomorphiques et faisait des classifications étranges selon la taille du nez, des oreilles, il
mesurait la distance entre les yeux, entre les yeux et le front. Il essayait de faire des
statistiques et il en était arrivé à classer ses patients en fonction de leur apparence physique.
Cette analyse est totalement dangereuse, il n’empêche que pour la première fois dans
l’histoire on s'intéresse aux délinquants, jusqu’à présent on s’intéressait à l’infraction.

Pour Lombroso, il y avait des facteurs biologiques, si on correspondait au criminel né,


alors c’était biologiquement une certitude. Cela a laissé des traces, il y a encore aux
Etats-Unis des gens convaincus qu’il existe un chromosome du crime et donc si le
chromosome est présent il faut mettre la personne en prison.

Les premières approches ont aussi donné lieu à des analyses différentes et notamment
l’analyse marxiste, pour Marx, c’est facile de déterminer le crime, c’est un sous-produit du
capitaliste. Comme c’est un sous-produit, s’il y a un crime ce n’est pas une société socialiste.

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Au temps de la Russie stalinienne marxiste il existait des crimes, il y avait une sorte
d’embarras qui disait qu’on n’était pas assez marxiste ou alors, même dans une société
marxiste ceux qui commettent des crimes sont des capitalistes.

Ces premières explications ont longtemps dominé la criminologie mais sont aujourd’hui
fortement rejetées. Aujourd’hui, on a compris qu’il fallait être plus subtil, et qu’il fallait sans
doute distinguer des facteurs prédisposants et des facteurs déclenchants. Il y a des facteurs
prédisposants qui font un terreau favorable, mais toutes les graines de ce terreau n’éclosent
pas, tout le monde ne devient pas délinquant malgré ces facteurs. On a relevé notamment la
pauvreté, le milieu social-culturel, l'environnement, notamment l’urbanisme, le chômage, le
conflit de culture. Le conflit de culture est cette situation dans laquelle des individus se
trouvent entre deux cultures et se sentent appartenir pleinement à aucune. Le fait de se
retrouver avec une origine de telle ou telle pays mais dans un autre pays peut constituer un
terreau favorable à la criminalité. Certains disent aussi que l’effondrement des valeurs
morales, l’individualisme, l’appauvrissement des rapports sociaux ou l’appauvrissement du
cadre que pouvait constituer la religion.

On s’est également intéressé aux facteurs déclenchants, la première chose est la


personnalité criminelle, la construction de la personnalité, la façon dont on a grandi, dont on a
appréhendé les barrières, dont on les a plus ou moins testés, tout cela participe aux facteurs
déclenchants. Il y a également la situation précriminelle, c’est l’apport des criminologues
québécois notamment Maurice Cusson. Le fait est que souvent la délinquance ou du moins le
passage à l’acte s’explique par la possibilité de passer à l’acte et pour lutter contre ce passage
à l’acte, on va essayer de protéger cette situation précriminelle, c’est ce qu’on appelle la
théorie des opportunités. On devient criminelle puisque c’est possible, si ça devient trop
risqué on ne commet pas l’infraction, c’est ce qui a expliqué le développement des alarmes.

Tout cela suppose que l’on soit face à quelqu’un de rationnel, mais ce n’est pas
toujours le cas. Si on voit un panneau en voiture qui dit de ralentir on le fait car on est
rationnel mais tout le monde ne l’est pas pleinement, celui qui a de gros problèmes
psychologiques, il ne va pas faire le calcul, il commet l’infraction. Celui qui est pris dans une
crise de furie va commettre, le mari jaloux fou furieux n’est plus accessible à un
raisonnement donc en fait les facteurs prédisposants sont dépassés, donc toutes ces analyses
sont des éléments intéressants pour comprendre le phénomène criminel mais ne permet pas
d’expliquer le phénomène criminel parce que personne ne peut savoir ce qu’il y a dans
l’esprit humain donc on ne peut pas savoir pourquoi l’un commettra une infraction et l’autre
non.

B - La réaction au phénomène criminel.


Toutes les sociétés connaissent un phénomène criminel et donc toutes les sociétés
connaissent un droit pénal mais ce n’est pas forcément le même en fonction de l’endroit où
on se trouve. On peut envisager 3 approches différentes.

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1 - Les fonctions de la réaction sociale.

La société réagit au phénomène criminel pour préserver la société mais en réalité, la


réaction sociale a 2 fonctions différentes, en tout cas complémentaires. Il y a une première
série de fonctions qui est tirée de l’idée de justice, pour quelles raisons la société réagit-elle,
pourquoi on punit les délinquants. Tout simplement parce que cela est juste et qu’il serait
injuste qu’il ne soit pas puni. Il y a dans cette idée de justice une dimension morale, on
retrouve l’idée de rétribution, en fait, la peine est conçue comme la rétribution du délinquant
et les délinquants ont compris cela. C’est une dimension assez chrétienne, c’est Saint Thomas
d’Aquin qui a cette idée de rétablir l’équilibre par la pénitence et la sanction, on parle de
rétribution comme le salaire de quelqu’un. Les délinquants expriment cette idée lorsqu’ils
disent qu’ils ont payé leur dette, l’infraction justifie la rétribution, c’est-à-dire en réalité
justifie la punition. On est dans une dimension plutôt morale, on punit parce que cela est
juste, dans ce sens-là, la peine est tournée vers le passé, on veut dire par là que pour savoir
quelle peine prononcée on va se tourner en arrière pour regarder l’infraction, plus elle est
grave plus la peine va être lourde. Le critère de la peine dans ce schéma là c’est l’infraction.

Il existe une autre série de fonctions tirées de l’idée d’utilité, on punit parce que cela
est utile également. Cette fonction est apparue au XVIIIème siècle avec un anglais, Jeremy
Bentham, et puis même un peu Beccaria, il apparaît cette idée qu’il faut punir pour servir à
quelque chose. On retrouve des idées plus précises, dans cette idée d’utilité, on a par exemple
la prévention. On punit pour prévenir de nouvelles infractions qui pourraient survenir. La
prévention peut être générale ou individuelle, la prévention générale, on punit quelqu’un pour
faire peur aux autres, Montaigne disait « qu’on ne corrige pas celui qu’on prend mais on
corrige les autres par lui ». C’est la raison pour laquelle les châtiments étaient sur la place
publique, on montrait ce qui attendait si on commettait un crime. Certaines peines étaient
exclusivement destinées à être montrées. C’est une volonté d’empêcher que d’autres passent
à l’acte.

La prévention peut être individuelle, donc empêcher la récidive, on a créé le sursis qui
est une modalité d’une peine d’emprisonnement qui fait que concrètement on n’est pas
emprisonné mais la menace d’un emprisonnement, on a une menace précise, on joue sur le
ressort de la prévention individuelle. Toujours dans l’idée d’utilité, il y a également la
réinsertion, c’est le fait de remettre dans la société quelqu’un qui en était sorti pour éviter
qu’il recommence, et donc la peine doit permettre la réinsertion. Dans l’emprisonnement on
permet l’apprentissage d’une langue, la découverte d’un métier et puis on peut permettre des
libérations avec des autorisations de sorties pour passer un examen, un entretien en vue d’un
stage et la libération conditionnelle permet de faire ressortir quelqu’un sous certaines
conditions et pour lui permettre de travailler et de reprendre une vie normale.

Il existe une dernière fonction dont on ne parle jamais mais qui est très présente, c’est
la neutralisation en l’envoyant par exemple dans un bagne. La neutralisation est une fonction
objective, froide, développée au XIXème siècle avec certaines peines comme la peine de
mort. Il y avait également le bannissement notamment en Guyane puisqu’il y avait des

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bagnes avec des conditions de discipline terribles et donc on avait une double condamnation,
une période de bagne et une fois que ces 5 ans étaient terminés, vous étiez libérés et bannis
pendant la même durée, le but étant d’obliger la domestication de la Guyane. Les Anglais ont
fait la même chose avec l’Australie et cela a fonctionné le long des côtes. Encore aujourd’hui,
la fonction de neutralisation existe avec l’interdiction d’émettre des chèques ou d’utiliser une
carte bleue, l’annulation du permis de conduire, également toutes les peines de confiscation.

La fonction tirée de l’idée d’utilité est différente de la fonction de l’idée de justice


puisque dans cette idée de justice la peine est tournée vers le passé. Avec l’idée d’utilité la
peine est tournée vers l’avenir, ce n’est pas la même manière de concevoir la peine, on
regarde ce qui devrait permettre d’éviter la récidive ou le passage à l’acte. Dans le Code
Pénal, on trouve une sorte de mélanges de toutes ces fonctions, dans ce Code, les fonctions de
justice et d’utilité coexistent, l’article 130-1 du Code Pénal dispose que « afin d’assurer la
protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions, et de
restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour
fonction : 1. De sanctionner l’auteur de l’infraction. 2. De favoriser son amendement,
son insertion ou sa réinsertion ». Les fonctions de la peine ici sont de protéger la société, la
fonction de prévention (utilité), dans le respect des intérêts de la victime (justice), la peine a
pour objet de punir l’auteur (justice) mais aussi de favoriser sa réinsertion (utilité). Il y a
toutes les fonctions sauf la neutralisation, il y a des modalités d’exécution de peine dont
l’objet est très clairement la neutralisation.
La période de sûreté est une durée à l’intérieur d’une peine d’emprisonnement ou de
réclusion criminelle au cours de laquelle aucun aménagement de peine n’est possible. Pour
certains crimes, il est prévu une période de sûreté automatique qui est égale à la moitié de la
peine prononcée voire aux deux tiers en cas de récidive et concernant la condamnation à
perpétuité, la période de sûreté est de 18 ans voire de 22 ans en cas de récidive. Après la
période de sûreté il y a des aménagements possibles, quelqu’un qui a un travail peut continuer
à faire son métier, qui a un comportement exemplaire donc il est possible d’obtenir une
liberté conditionnelle. Michel Fourniret a connu une période de sûreté perpétuelle, elle est
l’exemple de la fonction de neutralisation.

L’article 132-1 dispose que « lorsque la loi ou le règlement réprime une infraction,
le régime des peines qui peuvent être prononcés obéit, sauf dispositions législatives
contraires, aux règles du présent chapitre. Toute peine prononcé par la juridiction doit
être individualisé. Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le
quantum et le régime des peines prononcés en fonction des circonstances de l’infraction
et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et
sociale conformément aux finalités des fonctions de la peine énoncé à l’article 130-1 ».
Cet article nous dit que lorsque la juridiction prononce la peine elle doit tenir compte des
circonstances et de la personnalité de son auteur mais également de sa situation donc toutes
peines doivent être individualisés, évidemment avec quelqu’un qui a fait de la corruption on
le punira au portefeuille, mais avec un meurtrier, ce seront plutôt des peines de réclusion. Les
fonctions de la peine et de la réaction sociale reposent autant sur le passé que sur l’avenir.
Lorsqu’on plaide aux Assises on essaye d’expliquer pourquoi la personne a été amenée à

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faire cela mais on va aussi essayer de relativiser, on va regarder l’avenir, la peine est
déterminée à la fois en fonction de cette idée de justice et d’utilité. Beccaria disait « ni plus
qu’il est utile, ni moins qu’il est juste ».

2 - les modèles de réaction sociale.

Il existe deux sortes de modèles de réaction sociale, comment concevoir la réaction de


la société face à la commission d’une infraction, il existe deux modèles théoriques opposés. Il
y a le modèle juridique et le modèle théorique.

Le modèle juridique est le plus ancien, il existait sans doute déjà en droit romain mais
a été théorisé par le plus grand pénaliste, Cesare Beccaria. Ce dernier est un marquis italien
qui avait 24 ans lorsqu’il a publié Des délits et des peines en 1764, il fera lui-même la
traduction en français et il aura un retentissement considérable et il inspirera le premier Code
Pénal. Dans ce Traité, il théorise tout le droit pénal moderne et c’est un des grands penseurs
de la Révolution Française. Certains rangent Beccaria parmi les philosophes des Lumières et
il y a sa place aux côtés de Voltaire, Montesquieu et Rousseau. Il imagine un modèle
juridique de réactions sociales fondé sur le droit pénal. Un siècle plus tard, 3 italiens ont
contribué à faire naître le modèle criminologie, Lombroso, Enrico Ferri qui était professeur
de droit, il était théoricien et va théoriser le modèle et enfin, un praticien magistrat Garofalo
et ils vont ensemble imaginer un modèle à l’opposé de celui de Beccaria. C’est un autre
modèle, un modèle criminologique qui est très différent puisque le premier protège la liberté
individuelle alors que celui-ci est à l’opposé, quand Mussolini est arrivée au pouvoir pour
mettre en place un nouveau Code Pénal fasciste, on a demandé à Ferri.
Le postulat de départ c’est que l’Homme est libre, on est au XVIIIème siècle où le
mot qui va immerger la Révolution Française est la liberté. Ensuite, l’Etat peut imposer des
restrictions à la liberté et ces restrictions sont légitimes dès lors qu’elles sont l’expression de
la volonté générale. Beccaria cite assez longuement Rousseau, en fait chacun va abandonner
une part de sa souveraineté pour permettre une vie en harmonie, l’Etat va incriminer un
certain nombre de comportements interdits et donc Beccaria est le fondateur du principe de la
légalité criminelle, c’est le fondateur de ce principe tout simple, il n’y a pas d’infraction ni de
peine sans texte. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas de lois avant, mais donc pas de peine
sans texte préalable, de sorte que dans ce système on doit dire à l’avance ce qui est interdit.
Le premier point du droit pénal est la notion d’infraction, qui est la violation du droit pénal.
Donc, le législateur doit nous dire à l’avance ce qui est interdit parce que ce qui n’est pas
interdit est permis.
Le libre-arbitre s’accompagne de la notion d’infraction, ensuite, la notion suivante est
la responsabilité. Ce mot découle de res pondeo, la responsabilité c’est le fait de répondre des
conséquences de ses actes. Donc, on sait ce qui est interdit à l’avance, si on commet une
infraction, il est logique d’en assumer les conséquences. Si on dit que c’est interdit de tuer et
si on le fait quand même, alors il faudra assumer les conséquences, puisqu’on a en conscience
librement décider de faire une infraction, alors il faut assumer. La suite de la responsabilité
c’est la peine, qui est une punition, une répression, on regarde ce qu’on a fait et plus ce qui a

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été fait est grave plus on sera puni.
Dans le modèle juridique, on a donc ce postulat de liberté qui a comme conséquence
la mise en place de la responsabilité. Cela explique que Beccaria soit aussi moderne et
révolutionnaire parce qu’il affirme par exemple que les « fous » ne sont pas responsables
pénalement, c’est une révolution puisque sous l’Ancien Régime ils étaient encore plus
fortement punis, puisque c’était le cas alors ils étaient possédés par le Diable. Beccaria dit
justement que les « fous » n’ont pas de discernement, ils ne sont pas libres d’agir donc on
n’est pas responsable. Le premier Code Pénal s’est appelé Code des Délits et des Peines en
hommage à Beccaria alors qu’on parlait des contraventions des délits et des crimes.
L’influence a notamment été posé par la légalité, les dictatures se sont senties obligés
de faire croire qu’elles respectaient la légalité, il y avait notamment un texte d’un décret de
Joseph Staline qui disait que le cas des détenus de différents goulags, devaient être jugés
selon une procédure particulière disait qu’ils n’avaient quasiment aucun droit, cette procédure
a été écrite et enseignée dans les facultés de droit en disant qu’on respectait la légalité. Cette
influence n’a pas eu d’égalité en Droit Civil mais personne n’a exercé une influence
universelle.

Le modèle criminologique est l’œuvre de 3 personnes, le premier est Lombroso,


l’aliéniste soit un médecin. Lombroso pour la première fois s’intéresse non plus à l’infraction
mais au criminel, il change de regard, c’est celui qui dessine de face et de profil et qui tire des
conclusions de ses expériences. Ensuite, Ferri qui est le professeur de droit qui va théoriser ce
modèle et enfin, le troisième est Garoufalo qui est un magistrat qui va essayer de mettre cela
en pratique et à eux 3, chacun a lu les travaux de l’autre, ces écrits ont proposé un modèle de
réaction sociale totalement différents, c’est l’inverse de celui de Beccaria.
Le postulat est le déterminisme, l’Homme n’a aucun libre-arbitre, pour Lombroso il
est déterminé biologiquement, ou alors Ferri pensait qu’on était déterminé socialement. Si on
naît dans une banlieue difficile de parents pauvres. Quel que soit le déterminisme, si
l’Homme n’est pas libre, ce n’est pas la peine d’attendre sagement qu’il commette une
infraction, on doit pouvoir savoir à l’avance s’il va commettre une infraction, cette notion
d’infraction ou de légalité n’est plus nécessaire.
Le critère de la réaction est la dangerosité, la vraie question et la seule, c’est de savoir
si la personne est dangereuse. Aujourd’hui on parle de dangerosité, Garoufalo lui parlait
d’état dangereux mais c’est la même idée. Le criminel né est dangereux mais il n’est pas
nécessaire d’attendre, cet état justifie la réaction de la société. La réaction de la société n’est
pas tournée vers le passé, il ne s’agit pas de punir puisque cela inclut une dimension morale,
la question est de faire cesser l’état dangereux. Donc, la réaction est tournée exclusivement
vers l’avenir avec comme but de faire cesser ou disparaître l’état dangereux. On ne parle pas
de peine dans ce modèle mais de mesure de sûreté, il y a un côté presque médical, on apporte
une réponse et dans ce modèle, on a d’ailleurs parfois des réponses médicales. Si quelqu’un
est particulièrement dangereux, il sera envoyé très loin pour éloigner cet état.
On perçoit dans ce système le risque d’atteinte aux libertés individuelles et ce n’est
pas un hasard si ce modèle criminologique développé à la fin du XIXème siècle et au début
du XXème siècle a été plus ou moins expérimenté dans des modèles dictatoriaux comme la
Russie Stalinienne. Dans le mécanisme juridique de la Russie Stalinienne, le Goulag n’est pas

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une prison mais un lieu de réinsertion sociale, quelqu’un est dangereux pour la société, alors
on va lui apprendre à mieux penser. Dans la Chine maoïste, là aussi dans la Révolution
Culturel, les professeurs vont être envoyés dans les campagnes pour cultiver le riz. Il y a
également eu cette même application avec l’Italie Mussolinienne avec la rédaction d’un
Code. Ce système est potentiellement liberticide puisqu’on ne peut pas savoir à l’avance qui
va passer à l’acte.

Le modèle contemporain est le modèle que l’on utilise en France à ce jour. Ce modèle
est hérité de Beccaria, il est essentiellement juridique. Néanmoins, le modèle criminologique
a influencé le droit français notamment et l’influence à nouveau. Tout d’abord, il a influencé
le droit français à la fin du XIXème siècle avec de nombreuses lois inspirées de ces travaux,
c’est le cas du sursis notamment qui est une peine qui n’est pas effective, c’est une épée de
Damoclès. Le sursis est une mesure d’influence positiviste. La libération conditionnelle peut
être encore plus, on admet la libération conditionnelle afin d’essayer de réinsérer quelqu’un
qui n’est plus dangereux, un des critères de la libération conditionnelle c’est savoir s’il est
encore dangereux. S’il n’est plus dangereux, on utilise des méthodes avec des psychologues
notamment pour aider cela.
Ce modèle a créé une discipline qui est la criminologie. Puis, on est revenu au modèle
juridique et depuis 40 ans, ce modèle criminologique revient. Il y a un certain nombre de
mesures qui sont influencées par cette idée de dangerosité. La rétention de sûreté c’est la
possibilité de retenir un condamné qui a fini sa peine, il est retenu dans un centre entre une
prison et un hôpital psychiatrique, contre son gré au motif qu’il est encore dangereux pour un
an renouvelable sans limitation. En fait, ce qui est choquant c’est qu’il a purgé sa peine,
qu’on garde un prison quelqu’un comme Michel Fourniret cela est logique, mais si quelqu’un
est condamné à 20 ans mais qu’il fait plus cela n’est peut-être pas logique. Il y a un
renouveau des mesures de sûreté, de ce modèle criminologique. Notre système pénal est tout
de même globalement un système juridique inspiré par Beccaria.

3 - Le processus de la réaction sociale.

En réalité, ce processus est une étude de la procédure pénale, de savoir comment on


met en œuvre le procès pénal.

a - Les phases de la procédure pénale.

La phase d'enquête.
La procédure pénale est caractérisée par plusieurs phases, tout d’abord il y a la phase
d’enquête, une fois que l’infraction est commise on va enquêter dessus, soit la gendarmerie
soit la police, cette phase est destinée à rechercher les infractions, lesquels ont été commises,
quels sont les preuves dont on dispose et on va en chercher, et puis on va rechercher l’identité
des auteurs, c’est ça le rôle de l’enquête, elle est sous l’autorité d’un magistrat puisque seuls
les magistrats sont garants des libertés individuelles, et c’est le procureur de la République.
Le procureur n’est pas indépendant et n’est pas impartial, il dépend hiérarchiquement du

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procureur général qui est au niveau de la Cour d’Appel qui lui, même dépend du procureur
général au niveau de la Cour de Cassation. Lorsqu’il y a une nomination, il faut l’accord du
ministre. Le procureur n’est pas impartial puisque c’est lui qui accuse, de la même manière
que l’avocat de la défense n’est pas impartial, cette phase est sous l’autorité du Procureur. Le
plus souvent cette phase débouche sur une phase de jugement.

La phase de jugement.
Une fois l’enquête terminée, le procureur poursuit devant la juridiction de jugement,
donc la phase suivante est le plus souvent la phase de jugement, il y a ici 3 juridictions
différentes selon la nature de l’infraction : le Tribunal de Police pour les contraventions, pour
les délits c’est le Tribunal Correctionnel et pour les crimes c’était classiquement la Cour
d’Assises, maintenant c’est la Cour d’Assises mais aussi une expérimentation des Cours
Criminelles Départementales qui sont des Cours d’Assises sans jurés.

La phase d’instruction.
Entre l’enquête et le jugement pour les crimes et très exceptionnellement pour les
délits, il peut y avoir une phase d’instruction, c’est une enquête comme l’enquête précédente
mais qui est menée par un juge d’instruction et lui est indépendant. Il est indépendant et
impartial, il va y avoir des demandes faites par le parquet ou la défense et va juger, il est à la
fois enquêteur et juge. Pour les crimes c’est obligatoire, ou alors pour des délits très
compliqués ou contestés. Lorsque le juge a rendu son travail, il peut soit rendre une
ordonnance de non-lieu ou alors on revient à la phase de jugement et qui va renvoyer devant
la juridiction de jugement.

La phase d’application des peines.


Il existe une phase après le jugement qui est la phase d’application des peines, cette
phase est la question de savoir si quelqu’un a été condamné et qui demande une libération
conditionnelle ou un aménagement de peines, il y a des juridictions spécialisées avec un Juge
d’Application des Peines.

L’appel.
Chaque fois qu’il y a une décision d’une juridiction il est possible de faire appel, le
juge d’instruction peut rendre une ordonnance qui déplait, il existe une Chambre de la Cour
d’Appel qui est la Cour d’Appel d’Instruction. Le Tribunal Correctionnel a une chambre
d’Appel également. La Cour d’Assises, c’est un appel particulier, cela est possible devant une
autre Cour d’Assises différentes normalement il y a 6 jurés et 3 magistrats, et la Cour
d’Assises d’Appel est composée de 9 jurés et du même nombre de magistrats. Lorsqu’on est
devant le Juge d’Application de Peine on peut faire un Appel devant la Chambre
d’Application des Peines. Évidemment, tous les arrêts rendus soit par la Chambre
d’Instruction, par la Chambre Correctionnel ou par la Chambre d’Application des peines, tous
ces arrêts peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Chambre Criminelle de la Cour de
Cassation.

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SECTION 2 - LE DROIT PÉNAL.
Le droit pénal est la branche du droit qui a pour objet de réagir à la commission d’une
infraction. C’est sans doute la plus ancienne forme de droit, les premiers droits dont on a eu
connaissance sont des droits pénaux. C’est également la forme la plus rigoureuse de droit,
toutes ces raisons expliquent la richesse et l’Histoire du droit pénal.

A - La définition du droit pénal.


Étymologiquement, le droit pénal est le droit de la peine mais pendant longtemps,
cette matière s’appelait droit criminel. Les livres du XIXème siècle ou a fortiori plus anciens
parlaient de droits criminels.

1 - Le contenu du droit pénal.

Pour définir quelque chose, souvent il faut commencer par distinguer ce que l’on
étudie d’autres choses et, on peut distinguer le droit pénal d’un certain nombre de matières
voisines. Le droit pénal est une discipline normative, cela signifie qu’elle édicte des normes
de comportements, c’est finalement comme la morale et comme la religion. D’ailleurs, il y a
des obligations qui sont communes au droit pénal, à la morale, à la religion. Il y a en quelque
sorte un tronc commun qui s’applique à ces 3 disciplines normatives, le respect vis-à-vis des
parents, le fait de ne pas tuer… Simplement, le droit pénal, la morale et la religion sont 3
disciplines différentes. D’abord, le droit pénal vise la préservation de la société alors que la
morale vise le perfectionnement de l’être humain et la religion vise le rapport à Dieu, le but
de la norme n’est pas le même. Surtout, la règle de droit est la règle et la seule des 3 qui est
sanctionnée par l’autorité étatique, si on a un comportement qui n’est pas moral, cela
n’intéresse pas le droit pénal, si on a porté atteinte au nom de Dieu, cela intéresse la religion
mais pas le droit pénal. Une ancienne ministre de la justice rencontrait quelques difficultés
avec cette notion et pensait que le blasphème était une infraction alors que cela fait longtemps
que ce n’est plus une infraction donc la religion, la morale et le droit édictent des
comportements et des obligations différentes. Le droit pénal peut sanctionner un
comportement qui n’intéresse ni la morale ni la religion, par exemple le paiement du
parcmètre, le droit pénal est une discipline normative mais, c’est une discipline particulière.
Le droit pénal n’est pas non plus une discipline scientifique, beaucoup de disciplines
scientifiques s'intéressent au droit pénal, mais le droit pénal n’est pas une science. La
criminologie peut être définie comme la science du crime, c’est en tout cas la science dont
l’objet est l’étude du phénomène criminel, des facteurs du phénomène criminel ou des
moyens pour le combattre. Il existait un comportement qui est puni désormais, c’est le fait
d’aller dans un restaurant, de tout prendre et de partir, il y a un contrat et quelqu’un n’a pas
d’argent, dans les années 1930 cela s’est développé chez les gens qui n’ont rien. Le
législateur a désormais incriminé pénalement cet acte. La criminologie peut permettre
l’évolution de la criminalité, il y a parfois tellement d’infractions qu’on dépénalise, puisqu’on
regarde la réalité criminologique pour voir si on change le droit pénal. La criminalistique
quant à elle, est l’étude des procédés techniques et scientifiques qui sont utilisés pour

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apporter la preuve des infractions ou l’identité des auteurs, il y a notamment la balistique.
Certains scientifiques en examinant les vers trouvés sur un cadavre sont capables de dire
quand le crime est intervenu. Cela est intéressant pour la connaissance du phénomène
criminel, mais ce n’est pas du droit pénal. Quand le médecin légiste exprime ce qu’il a vu ne
fait pas du droit pénal. Ces disciplines scientifiques ne sont pas du droit pénal car ce n’est pas
une discipline normative.

Quelles sont les composantes du droit pénal ?


Le droit pénal est une discipline normative posant des règles sanctionnées par
l’autorité étatique se traduisant par l’application de peines en cas de violation d’obligations
ou d’interdictions préexistantes. Le droit pénal c’est donc finalement un ensemble de
matières, il y a la matière phare et principale qui est le droit pénal général, soit l’ensemble des
règles générales du droit pénal un peu comme le droit des contrats fixe la théorie générale du
contrat.
Il existe également le droit pénal spécial, c’est l’étude des différentes infractions les
unes après les autres comme il existe le droit des contrats spéciaux. Le droit pénal englobe
également la procédure pénale, c’est l’étude du processus de réaction sociale, c’est l’étude
des règles de procédure relatives au procès pénal donc qui vont de l’enquête jusqu’à
l’exercice des voies de recours. Il y a également du droit pénal de l’environnement, des
mineurs, de l’urbanisme…

2 - La nature du droit pénal.

Se pose ici la question de savoir ce qu’est fondamentalement le droit pénal, quelle est
sa nature, sa spécificité. La nature du droit pénal est triple, mixte, sanctionnatrice et
autonome.

a - La nature mixte du droit pénal.

La nature du droit pénal est d’abord mixte, il y a en droit les privatistes et les
publicistes. Le droit privé est le droit des rapports entre les personnes privées, le droit public
est le droit des rapports avec l’Etat. Cette nature mixte renvoie au fait qu’il se situe à la
frontière entre le droit privé et le droit public même s’il est tout de même d’un côté de la
frontière. Dans certains pays le droit pénal appartient au droit public mais pas en France. Le
droit pénal est le droit de la peine et la peine est infligée par l’Etat, c’est l’Etat qui a le
monopole de la peine et de ce point de vue-là cela ressemble au droit public, d’ailleurs, c’est
le ministère public qui poursuit dans un procès pénal.
On sent bien qu’on n’est pas loin du droit public, néanmoins, le droit pénal est rangé
au sein du droit privé. Les juridictions pénales sont des juridictions de l’ordre judiciaire, pas
de l’ordre administratif. Les magistrats qu’ils soient procureurs de la République ou Juges
Correctionnels ont fait l’École Nationale de la Magistrature, et d’ailleurs on peut être Juge
Correctionnel, puis Juge aux Affaires Familiales… on reste dans le droit privé. Alors que les
juges de droit administratif ont plutôt fait l’ENA. D’ailleurs, un des grands domaines de la

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QPC c’est la matière pénale, mais quand on pose cette QPC, en réalité c’est
fondamentalement du droit constitutionnel, soit du droit public. La matière pénale touche à la
liberté et que les ¾ de la Déclaration des Droits de l’Homme renvoie à des principes de droit
pénal.

b - La nature sanctionnatrice du droit pénal.

Le droit pénal est un droit sanctionnateur, Rousseau a écrit dans Le Contrat Social que
« les lois pénales sont moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les
autres ». Cette phrase est initialement écrite par Rousseau puis reprise par Portalis dans le
discours du régime préliminaire du Droit civil. Le droit pénal est sanctionnateur et le
législateur utilise le droit pénal pour faire respecter les autres droits. Cela est vrai mais pas
complètement, il est vrai que le droit pénal est partout, il y a par exemple dans le droit des
affaires du droit pénal pour le protéger, il y a également du droit pénal de l’urbanisme comme
la construction sans permis. Également du droit pénal de l’environnement, du droit pénal du
travail, de la santé… il y a du droit pénal absolument partout, une seule matière résiste c’est
le droit civil puisqu’on a deux sanctions efficaces : la nullité et les dommages et intérêts, ces
2 sanctions sont efficaces et depuis longtemps. Le droit pénal apparaît en effet comme la
sanction d’un autre droit, mais ce n’est pas que cela.
Il y a des règles de droit pénal, des concepts de droit pénal comme la tentative, la
complicité, la peine, l’infraction, la sanction, ce sont des notions de pénalistes et donc cela est
faux de dire que ce n’est que la sanction des autres droits. C’est un droit qui a vocation à
donner lieu à des sanctions parfois assez lourdes, il arrive que dans le cadre d’un litige on ait
besoin du droit pénal puisque c’est très important.

c - La nature autonome du droit pénal.

La nature autonome est subtile, on dit que le droit pénal est une matière autonome
dans un sens un peu particulier. L’autonomie du droit pénal n’est pas seulement l’originalité
du droit pénal puisque chaque matière l’est, l’autonomie du droit pénal est la capacité que
peut avoir le droit pénal à s’émanciper d’une définition ou d’une notion d’une autre branche
du droit qui l’utilise pourtant.
Par exemple, l’autonomie est le fait d’aller chercher une notion commune et de se
l’approprier avec une définition différente, le domicile en droit des personnes c’est le lieu du
principal établissement, chacun a nécessairement un domicile et qu’un seul domicile.
Quelqu’un qui a 3 maisons a logiquement 1 domicile, en droit pénal il existe une infraction
qui est la violation de domicile. Se pose la question de savoir ce qu’est un domicile, le droit
pénal adopte sa propre définition, en droit pénal le domicile est tout lieu où on peut se sentir
chez soi. Cela signifie donc que celui qui a une résidence secondaire ou tertiaire, en droit
pénal il a 3 domiciles, et si l’été il passe ses vacances à l’hôtel, sa chambre sera protégée. En
droit pénal on peut s’émanciper d’une définition claire d’un autre domaine.

Le chèque en droit commercial suppose un certain nombre de mentions obligatoires, le


support n’a aucune importance parce que ce qui importe est le montant, la date, la signature,

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le nom du tireur, le nom du tiré, le nom du bénéficiaire… S’il manque un seul élément ce
n’est pas un chèque. En droit pénal on considérera que c’est un chèque même s’il manque un
élément, c’est ce qu’on appelle l’autonomie de droit pénal.

B - L’évolution du droit pénal.


Le droit pénal est sans doute le plus ancien des droits et donc c’est sans doute qui a
l’histoire la plus riche et la plus longue, on peut relever 3 tendances à cette évolution. La
première tendance c’est un adoucissement constant de la Révolution, puis un rattachement de
la répression à l’Etat et puis un encadrement croissant de la répression et des pouvoirs du juge
et du législateur.

1 - Le droit pénal jusqu’à la Révolution.

Le droit pénal primitif pour autant qu’on en sache quelque chose était un droit
caractérisé par la vengeance privée, on dit parfois que c’est un droit archaïque, afin de
distinguer les sociétés archaïques et historiques. Les sociétés historiques sont celles qui ont
l’écriture contrairement aux sociétés archaïques. C’était un droit qui reposait donc sur la
vengeance car il n’y avait pas d’Etat, c’étaient des luttes de clan.

Sous l’Antiquité, les choses changent, concernant le droit romain qui était écrit. Le
droit romain commence à la Naissance de Rome jusqu’à la chute de l’Empire Romain
D'occident en 476, cela fait 1500 ans. Le droit pénal a beaucoup évolué, mais il est marqué
par 2 mouvements qui marchent ensemble, il y a tout d’abord l’affaiblissement de la
vengeance et l’émergence d’un droit étatique. Ce qui explique cela est précisément la
construction de l’Etat. Au départ Rome est une ville fondée par Romulus, Rome s’est
développée jusqu’à devenir la capitale d’un Empire gigantesque jusqu’au mur d’Hadrien,
dans tous les pays du Maghreb, jusqu’en Turquie en faisant tout le tour du bassin
méditerranée. Plus l’Empire Romain était centralisé, plus le droit pénal était un droit pénal
fort et étatique.

Le droit franc est caractérisé par l’effondrement complet de l’Etat, il n’y a plus d’Etat
à la période franque et encore moins à la période médiévale. Il y a également la disparition
quasi-totale de l’écriture, on revient à un droit pénal marqué par la vengeance privée, le peu
d’écrit qu’on a de la période franque, le wergeld était une somme d’argent destiné à racheter
le droit de vengeance du clan offensée. Le fait d’avoir tué un homme dans la force de l’âge
coûtait très cher, le fait d’avoir crevé un œil coûtait tant, le fait d’avoir crevé deux yeux
coûtait plus cher, il y avait une tarification du prix de la vengeance.

Sous la période médiévale l’Etat disparaît et l’écrit disparaît presque complètement,


la procédure devient accusatoire, c’est-à-dire que le procès pénal est intenté par la victime ou
sa famille contre l’auteur de l’infraction ou sa famille. Le juge, dans cette procédure très
accusatoire, tranche en écoutant les deux parties et il condamne ou pas l’accusé. L’image que

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l’on a de Saint Louis rendant la justice sous un chêne est un modèle de cela, le seigneur
écoute celui qui se plaint et celui qui se défend et décide.

Sous l’Ancien Régime, le droit pénal va changer et la procédure pénale également, il


va se passer un basculement avec la redécouverte du latin et avec la création de la procédure
inquisitoire par le Pape Innocent III au XIIème siècle. En fait, le droit pénal va changer sous
l’influence de l’Eglise, on crée la procédure inquisitoire, une procédure initiée par un
procureur appelé inquisiteur. En fait, cela apparaît dans l’Eglise puisque dans l’Eglise, on a
l’écriture, comme on l’a et que la langue officielle est le latin, on peut relire le droit romain et
comprendre ce qu’il est. L'Église est très hiérarchisée mais l’est toujours, elle est sous
l’autorité d’un seul homme et c’est donc très centralisé, il a évidemment des relais, des
cardinaux jusqu’aux curés. La procédure qui va être mise en place est une procédure très
différente ou c’est l’Eglise elle-même qui poursuit et qui juge. Cette procédure va apparaître
au XIIème siècle et se développer dans l’Eglise mais aussi en dehors.
Dans le même temps, la féodalité va disparaître, les seigneurs vint grandir jusqu’à
devenir des Rois puisque jusqu’à ce qu’il y ait un seul roi, on retrouve l’usage de l’écriture,
une centralisation très française et le moment où c’est le plus centralisé c’est avec Louis
XIV. A ce moment, on a une procédure quasiment codifiée, il y a des ordonnances royales
notamment celle de 1670 qui est l’ancêtre du Code de Procédure Pénale et c’est alors l'État
plus exactement le Roi, ce sont les procureurs du Roi qui vont poursuivre et on revient à une
procédure inquisitoire avec un droit pénal qui n’est plus seulement l’affaire des parties mais
d’abord l’affaire de l’Etat comme aujourd’hui. Ce droit est extrêmement cruel, on utilise la
torture et les châtiments publics. La torture est un mode de preuves afin d’obtenir des aveux
donc on utilise beaucoup cela puisqu’on considère que c’est la meilleure preuve. Une fois
qu’on a avoué, là on peut être puni avec un supplice, on est d’abord torturé puis supplicié.
Dans ce droit on aime beaucoup les châtiments corporels, on en a une grande variété. Damien
est le dernier régicide, et a essayé de tuer Louis XV, on lui a fait toutes les misères jusqu’à
l’écartèlement. C’était un droit également sévère au sens où l’échec des peines était très
sévère, à la veille de la Révolution, le déclassement d’un clôture était punie de la peine de
mort, le paysan qui pousse un peu la clôture est récupère du terrain était puni. C’est un droit
également irrationnel, sous l’Ancien Régime on punit la sorcellerie, on punit également les
cadavres. C’est aussi un droit quand on pense aux animaux, un cheval qui tue quelqu’un est
condamné. C’est un droit soumis à l’arbitraire notamment à l’arbitraire des lettres de cachet
avec lequel on pouvait envoyer n’importe qui en prison sur la simple signature de quelqu’un
sans procès.

2 - Le droit pénal révolutionnaire sous l’ancien Code Pénal.

Le droit pénal révolutionnaire est un droit qui s’est construit en réaction aux abus du
droit pénal de l’Ancien Régime. C’est un droit pénal inspiré par Montesquieu (séparation des
pouvoirs), par Rousseau (expression de la volonté générale), Voltaire et notamment le Traité
sur la Tolérance avec notamment l’affaire Calas et bien sûr par Beccaria c’est un droit pénal
marqué par son influence. On trouve les grands principes dans la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, ces grands principes sont le principe de la légalité, le principe de

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nécessité des peines, seule une véritable atteinte à la société peut justifier une peine, le
principe de la présomption d’innocence. C’est un droit pénal très marqué par une défiance à
l’égard des juges, il y avait sous l’Ancien Régime un pouvoir judiciaire considérable, et on
disait parfois « Dieu nous garde de l’équité des Parlements », qui était donc tout sous
équitable. Le droit pénal monarchique était marqué par un arbitraire des juges et le droit pénal
révolutionnaire est marqué par cette méfiance à l’égard des juges, le tout premier Code Pénal
révolutionnaire qui s’appelle le Code des Délits et des Peines du 3 brumaire an 4 (1795), ce
Code prévoit un système de peine fixe du fait de l’absence de confiance dans les juges.

Le droit pénal de l’Ancien Code Pénal est un Code Pénal Napoléonien qui date de
1810 et le Code d’Instruction Criminelle date de 1811. C’est un droit pénal intermédiaire
entre les apports de la révolution et de l’Ancien Régime, le droit révolutionnaire était
excessif, le droit pénal de l’Ancien Code Pénal est comme le Code Civil de 1804
intermédiaire entre le droit de l’Ancien Régime et révolutionnaire. Le Code Pénal de 1810 est
très marqué par le principe de légalité, c’est un droit pénal encore très sévère, la peine de
mort est très souvent prévue, il existe encore des peines corporels (la mutilation du poing, la
langue percée et le marquage au fer rouge). C’est un droit qui va beaucoup évoluer, en fait,
dès 1832, il va y avoir un adoucissement de la répression avec la Monarchie de Juillet, on va
supprimer beaucoup de cas de peines de mort et supprimer la plupart des châtiments
corporels. En 1848, on va supprimer la peine de mort en matière politique, elle restera pour
les délinquants de droit commun jusqu’en 1981. Globalement, le droit pénal va être moins
répressif et puis va arriver la fin du XIXème siècle avec l’influence des criminologues. On va
avoir la création du sursis et la création de la libération conditionnelle. Puis, on va changer de
siècle avec la Première Guerre Mondiale, la société change complètement, les femmes ont
pris de l’importance et on ressent la nécessité de faire un nouveau Code Pénal. La période
reste agitée, dans l’Entre-deux-Guerres avec la montée des extrêmes, des scandales. On sent
qu’on prépare la Guerre suivante, donc on ne réforme pas. Vient ensuite la guerre et la
libération, on oublie un peu la réforme du Code Pénal jusque dans les années 1970, le Code
Pénal de 1810 va être modifié mais globalement on reste sur ce Code jusqu’à la réforme du
Code Pénal actuel.

3 - Le droit pénal actuel (depuis 1992/1994)

Le Code Pénal actuel a commencé à être préparé en 1974 sous la présidence de


Giscard d’Estaing, on nomme une commission pour réformer le Code Pénal. En 1981, on
change de président et de ministre de la justice et on a Robert Badinter et le projet de réforme
se poursuit. Il y a ensuite le début des cohabitations avec Chirac de 1986 à 1988 puis
Balladur… Malgré ces changements, Badinter et Dupont ont porté le travail indépendamment
des alternances politiques.

Arrive le moment du vote, devant le Parlement, un Code Pénal est un document


important, il y avait le risque que le Code entre en vigueur article par article c’était un enfer
absolu, on a divisé le Code en 4 livres. Le livre 1 est le Droit Pénal Général, le livre 2
comporte les infractions contre les personnes, le livre 3 ce sont les infractions contre les biens

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et le livre 4 sont les infractions contre l’Etat, la Nation et la paix publique. On a voté chaque
livre sauf le dernier article du Livre, et on fait pareil pour le Livre 2, 3 et 4, le dernier article
était celui qui prévoyait la date d’entrée en vigueur du livre ce qui fait que tout le Code est
voté sauf ces 4 articles qui peuvent être votés en une après-midi et donc le Code peut entrer
en vigueur d’un coup. Ce Code Pénal a été voté par une loi du 25 juillet 1992, seulement
l’entrée en vigueur est au 1er mars 1994.

Le Code Pénal s’inscrit dans la continuité de l’Ancien Code Pénal et dans la


jurisprudence qui l’avait complété. Fondamentalement, ce n’est pas un Code révolutionnaire,
il reprend la plupart des dispositions de l’Ancien code et il intègre la jurisprudence qui avait
été rendue depuis, c’est un code qui s’inscrit donc dans la continuité. La plus grande
nouveauté c’est la responsabilité pénale des personnes morales, les personnes morales
peuvent désormais être pénalement responsables, c’est une révolution.
Pour le reste, c’est la consécration d’innovations jurisprudentielles comme la
consécration de l’état de nécessité. L’autre changement du Code, c’est une présentation
différente en distinguant avec une échelle de valeurs différentes. La première valeur est
désormais la personne alors qu’avant c’était l'État, le Livre 1 concerne les infractions contre
les personnes et les plus graves constituent les crimes contre l’humanité. Les infractions
contre l’Etat sont mises au dernier rang symboliquement.
C’est un Code qui écarte de vieilles dispositions comme l’infraction de vagabondage
et de mendicité. On a modernisé certains termes, on ne dit plus « fous », on dit des personnes
atteintes de troubles psychiques ou neuropsychiques. On a décidé de laisser le droit pénal
technique en dehors du Code, on avait mis en place une commission de l’inventaire, on avait
dit au Président qu’il allait faire l’inventaire de toutes les incriminations. C’était infaisable
tout simplement parce que lorsqu’on faisait l’inventaire d’un domaine, le législateur pouvait
changer ce qui avait été fait et donc c’était sans fin, dans le Code de l’Urbanisme ou du
travail par exemple, il y a un florilège de citation d’autres articles. Cette commission
lorsqu’ils ont abandonné étaient aux alentours de 15.000 incriminations, donc quand on a
réformé le Code Pénal, cela ferait un code inutilisable. Le Code Pénal est resté limité aux
incriminations particulières du droit pénal.

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PARTIE 1 : L’INFRACTION.

L’infraction est un fait prévu par la loi, c’est la violation d’une disposition légale
prévoyant une interdiction ou parfois prévoyant une obligation. L’infraction est un fait, il ne
faut pas confondre l’infraction et l’incrimination, l’incrimination est le texte qui décrit le
comportement interdit. L’infraction est le premier concept du droit pénal général.

Il existe plusieurs conceptions théoriques de l’infraction, certains auteurs considèrent


que l’infraction serait composée de 3 éléments à savoir un élément légal (le texte), un élément
matériel et un élément moral. L’élément moral est le plus souvent l’intention.

Cette conception ne semble pas satisfaisante car, on peut penser que l’élément légal
n’existe pas, cela ne signifie pas que la loi n’existe pas mais l’infraction c’est la violation de
la loi, la loi ne peut pas faire partie de l’infraction. L’élément légal supposerait que la loi fasse
partie de l’infraction alors que l’infraction est la violation de la loi, cela supposerait que la loi
soit extérieure à l’infraction et même préexistante. Il n’existe pas d’infraction ni de peine sans
texte, le texte est donc préalable, il ne peut pas faire partie de l’infraction, si on viole le texte
on commet une infraction donc pour cette raison, c’est un abus de langage.

Il y a une deuxième conception qui consiste à dire que l’infraction serait composée de
4 éléments, à savoir un élément légal, un élément matériel, un élément moral et un élément
injuste. Là encore, c’est une conception qui semble encore pire que la précédente, il n’y a pas
non plus d’élément injuste, on raisonne à l’envers quand on parle de cet élément, l’infraction
est définie sans référence à un élément injuste, même si c’est vrai qu’une justification peut
survenir, il peut y avoir quelque chose qui vient justifier un comportement, mais ce n’est pas
un élément d’infraction. Par exemple, concernant le vol, l’article 311-1 et suivants du Code
Pénal, il est défini comme « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui », il y a bien
un élément matériel avec la soustraction de la chose d’autrui, il y a un élément morale
puisque la soustraction doit être frauduleuse, mais, on ne parle pas d’élément injuste. En
revanche, il est possible de justifier un vol, un état de nécessité. Il y a une soustraction
frauduleuse, mais il y a une raison supérieure qui l’a justifiée, l’état de nécessité est un
caractère juste.

En réalité, il y a deux éléments dans l’infraction, mais, ces deux éléments doivent être
précédés d’un texte. En réalité, la loi pénale est une condition préalable à l’infraction, le texte
doit exister avant.

TITRE 1 - LA LOI PÉNALE, CONDITION


PRÉALABLE DE L’INFRACTION.

20
Toute société repose sur des interdits, ces interdits sont prévus à l’avance par des
textes votés par le Parlement ou éventuellement pour les contraventions édictées par le
gouvernement. En fait, chacun est averti à l’avance de ce qui est interdit, et donc, de ce qui
est permis. Le Code Pénal est principalement la liste des interdictions, finalement le Code
Pénal est la liste des comportements interdits, les infractions contre les personnes, les biens,
l’Etat… à chaque fois on va décrire le comportement interdit et préciser les peines encourues.
L’exigence d’une loi pénale préalable est le principe de la légalité criminelle, c’est le plus
grand principe du droit pénal, mais, il y a des matières où cela ne fonctionne pas. En droit de
la responsabilité civile, on ne dit pas à l’avance ce qui est une faute ou pas, c’est le juge après
coup qui dira si c’est une faute ou pas. Le grand principe du droit pénal est la légalité
criminelle.

CHAPITRE 1 : LE PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ


DES INCRIMINATIONS.
Ce serait excessif de considérer que la loi pénale n’existe que depuis la Révolution
Française, elle existait déjà avant, sous l’Ancien Régime il y avait des lois, des édits, des
ordonnances. Il y avait des textes, simplement, il n’existait pas de principe de légalité. Cela
signifie qu’on n’imposait pas obligatoirement un texte préalable pour caractériser une
infraction, et puis, les juges avaient sous l’Ancien Régime un pouvoir considérable, ils
pouvaient compléter la loi, ils pouvaient la remplacer, en réalité, ils pouvaient créer le droit.
La Révolution Française s’est construite en partie en réaction à ce pouvoir des juges, « Dieu
nous garde de l’équité des Parlements », c’était évidemment ironique. Le Traité des Délits et
des Peines théorise le principe de légalité, il fait de la légalité une exigence, pas d’infraction
ni de peine sans texte. Il date de 1764, ce n’est pas encore appliqué, c’est seulement un
ouvrage mais la Révolution se construit sur cette idée d’un principe de légalité. Beccaria
disait que « les lois seules peuvent fixer les peines de chaque délit et le droit de faire des
lois pénales ne peut résider que dans la personne du législateur qui représente toute la
société unie par un contrat social ». Il y a tout le droit pénal, on a le principe de légalité, on
a le contrat social de Rousseau, il y a le fait que seul le Parlement peut édicter des lois et qu’il
représente le peuple. Le Parlement ce sont les citoyens en réalité, ce sont les représentants et
seuls les représentants peuvent édicter des lois pénales.

SECTION 1 - LE PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ DES


INCRIMINATIONS.

C’est la Révolution Française qui a affirmé pour la première fois le principe de


légalité dans le prolongement de Beccaria. Ce principe est affirmé par les textes les plus
fondamentaux de notre droit applicable.

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L’article 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que «
nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et
selon les formes qu’elle a prescrit ».

L’article 111-2 du Code Pénal dispose quant à lui que « la loi détermine les crimes
et les délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement détermine les
contraventions et fixe dans les limites et selon les distinctions établies par la loi les peines
applicables au contrevenant ».

L’article 11 paragraphe 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme


de 1948 dispose que « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui au moment
où elles ont été commises ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national
ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était
applicable au moment où l’acte délictueux a été commis ».

L’article 7 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose que « nul


ne peut être condamné pour une action ou une omission qui au moment où elle a été
commise ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De
même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où
l’infraction a été commise ».

Ce sont des sources légales, constitutionnelles, obligatoires ou déclaratoires, du droit


national ou international, ils affirment tous le principe de la légalité criminelle qui est le
grand principe du droit pénal. Cela étant, on va distinguer la notion de légalité des
incriminations et le respect du principe.

A - La notion de légalité des incriminations.

1 - Les fondements de la légalité des incriminations.

a - Arguments en faveurs.

Il y a 3 séries de justifications de la légalité des incriminations :

La justification psychologique. Il est logique de prévenir avant de punir, il faut que la


loi avertisse d’abord pour qu’on puisse le cas échéant punir, il faut qu’elle avertisse pour que
le citoyen adapte son comportement. Plus l’infraction est artificielle plus il est important
d’avertir le justiciable, on n’a peut-être pas forcément besoin de faire du droit pour savoir
qu’il est interdit de tuer son prochain. En revanche, il y a des infractions qui sont compliquées
et il est d’autant plus important de le dire avant, par exemple, on a un jardin et on peut y faire
un abri, mais parfois il faut un permis.

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La justification politique. Les Hommes vivent en société, cela suppose d’abandonner
une partie de sa liberté pour conserver une grande partie de sa liberté, on ne peut pas faire
absolument n’importe quoi. Cet équilibre entre liberté préservée et liberté sacrifiée ne peut
être régi que par la loi, seule la loi peut priver de liberté et elle peut le faire parce que la loi
est l’expression de la volonté générale. Ce lien est très fort entre la loi et la volonté générale,
Beccaria faisait déjà référence au contrat social, donc, seule la loi peut intervenir et interdire
tel ou tel comportement, c’est un fondement au principe de légalité.

La justification institutionnelle. Le principe de légalité est le corollaire de la


séparation des pouvoirs. Montesquieu explique l’importance de la séparation des 3 pouvoirs,
législatif, exécutif et judiciaire. Seul le Parlement peut édicter des lois, le juge ne peut pas
créer une incrimination, et donc, la légalité c’est la conséquence de la séparation des pouvoirs
et c’est également la conséquence de l’Etat de droit qui est la soumission de l’Etat au droit.

b - Tentative de remise en cause de la légalité criminelle.

La légalité a fait l’objet de critiques et elle connaît par ailleurs un réel déclin.

Il y a eu des critiques vives, elles sont venues des premiers criminologues et


notamment des 3 auteurs italiens. Pour eux, le critère d’intervention du droit pénal c’est l’état
dangereux et pas l’infraction. La réponse du droit pénal c’est un traitement quasiment
médical, pas une peine. Le système des positivistes conduit finalement à l’extrême à la
suppression totale du principe de la légalité. Schématiquement, on n’a pas besoin d’attendre
la commission d’une infraction puisque ce qui importe est la dangerosité et qu’on peut l’être
sans avoir commis une infraction. Par exemple, quelqu’un qui boit du rhum, arrivé au soir il
commence à fatiguer, il ne commet pas d’infractions. Notre système n’est pas allé jusque-là
mais le système positiviste le permet, ce sont des remises en cause frontales qui n’ont pas
abouties, on a conservé la légalité criminelle.

Il faut reconnaître qu’il existe un déclin de la loi et particulièrement de la loi pénale,


pour plusieurs raisons qui se cumulent toutes, une des premières raisons est paradoxalement
qu’il y a trop de lois, il y a une inflation législative effrayante. Le déclin vient d’abord d’un
excès de lois qui rendent impossible sa connaissance.
Le déclin de la loi vient également d’un déclin qualitatif des textes, il existe des textes
qui ne sont pas très bien rédigés. Il y a des textes qui sont juste imprécis, par exemple, le fait
qu’on peut faire une perquisition, un contrôle douanier à partir de l’heure à laquelle se couche
le soleil. Il y a des textes également sans contenu juridique, c’est en 2001 que le Parlement a
adopté une loi qui dispose que « la France reconnaît publiquement le génocide arménien
». Tout d’abord, la France n’est pas un terme juridique, dans les textes on dit la République
Française, il y a un côté affectif. Le terme, publiquement, est étrange car évidemment que
cela est public puisque c’est publié au Journal Officiel. C’est une loi qui dit que le génocide a
existé, elle n’a pas de contenu normatif, elle n’interdit rien, elle n’oblige rien, ce texte
n’interdit pas de contester les crimes de l’humanité donc ce texte dit qu’il a existé. Ce texte

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n’a qu’un but politique, voire démagogique, il est fait juste avant l’élection présidentielle
pour essayer de récupérer des voix.
Il y a également une législation par renvoi et référence, dans le droit technique il y a
de plus en plus de législation par renvoi, un texte invite à aller voir un autre texte et ainsi de
suite, c’est une sorte de promenade en essayant de comprendre ce qui est permis. De temps en
temps le législateur modifie un texte en oubliant que cela modifie tout, par exemple, le Code
du Travail est illisible, et il y a des renvois à tout un livre de 3000 pages.

​Il y a également une tendance de plus en plus marquée consistant à contourner le


législateur, le pouvoir législatif est le plus fort, l’exécutif n’est là que pour mettre en œuvre
les textes. Désormais, le Parlement est très souvent contourné, même parfois de manière
plutôt inquiétante. Dans la Constitution, l’article 40 donne le pouvoir réservé du Parlement, il
y a la matière pénale, le statut des magistrats… Le droit pénal est du domaine exclusif du
Parlement, sauf éventuellement si on recourt aux ordonnances de l’article 38, mais ces
ordonnances sont une délégation du Parlement sous son contrôle du pouvoir législatif à
l’exécutif.
Le 23 mars 2020, le Parlement vote la loi sur l’Etat d’urgence sanitaire, on donne les
pleins pouvoirs au gouvernement, ainsi le gouvernement peut légiférer à la place du
Parlement par le biais de l’article 38. Le 25 mars 2020, 65 ordonnances gouvernementales
avaient été prises, et 45 nouvelles 1 mois plus tard. Concernant les 65 premières, il y a une
ordonnance sur la procédure pénale, donc il faut bien suspendre la prescription d’action
publique, il faut en urgence prévoir des règles, ou en matière civile pour la péremption
d’instance. Il y a également la réforme du droit de la copropriété, en réalité, 110 textes sont
passés en un mois. Dans ce mécanisme, c'est le Parlement qui délègue son pouvoir, mais
normalement il faut ensuite une loi de ratification, le Parlement doit contrôler cette action, il
y a eu une seule loi de ratification parce que le Conseil Constitutionnel a rendu une décision
du 26 mai 2020 à propos du Code de l'Énergie en expliquant que les lois de ratification
n’avaient pas besoin d’être votés mais seulement d’être déposé à l’Assemblée Nationale.
Dans l’affaire du Code de l’Energie, on reproche à quelqu’un de ne pas avoir respecté une
disposition, il est poursuivi et va voir un avocat, et le Code de l'Énergie n’a jamais été ratifié
donc il n’a aucune valeur, il va donc jusqu’au Conseil Constitutionnel. C’est embêtant car il y
a 110 textes qui arrivent qui doivent être ratifiés, ainsi la loi doit simplement être déposée
moyennant quoi le Code de l'Énergie s’applique. Cela signifie que le Parlement lorsqu’il
délègue son pouvoir, il n’y a aucun contrôle sur le contenu et sur la qualité de la loi, donc en
réalité le gouvernement peut donc contourner le Parlement.
Peut être que la difficulté d’avoir une majorité absolue peut changer la donne, mais en
tout cas, le gouvernement avait pris le pas sur le Parlement et cela peut changer.

Il y a aussi un renforcement du pouvoir du juge. A la Révolution, on a réagi contre le


pouvoir du juge, donc le premier Code Pénal prévoyait un système de peine fixe, le vol était
condamné de 3 ans. On craignait tellement le juge qu’on avait supprimé quasiment tous ses
pouvoirs. Petit à petit, les juges ont récupéré tous leurs pouvoirs, aujourd’hui le juge occupe
un pouvoir considérable même en matière pénale. Par exemple, celui qui est condamné à une
peine de 10 ans d’emprisonnement ne fera sans doute pas les 10 ans, parce qu’un juge

24
d’application des peines pourra prononcer une libération conditionnelle anticipée, finalement
un juge va pouvoir repasser sur ce qu’aura décidé un autre juge.

La loi est désormais contrôlée. La loi n’est plus le texte suprême, il est un texte
intermédiaire dans la pyramide de Kelsen, il y a au-dessus la Constitution, puis la
Convention, on va contrôler la loi, les QPC peuvent conduire à abroger une loi, régulièrement
le Conseil rappelle l’infériorité de la loi à la norme fondamentale. La Convention Européenne
des Droits de l’Homme peut faire plier la Cour de Cassation, elle peut faire plier le
législateur. On a réécrit des lois sous l’influence du droit européen, il y a donc bien un déclin
de la loi. Néanmoins la légalité reste un principe essentiel.

2 - Le contenu de la légalité des incriminations.

a - Signification du principe de légalité.

La légalité signifie d’abord l’exigence de définitions de l’infraction, les éléments d’un


crime ou d’un délit doivent être définis par la loi. Les éléments d’une contravention doivent
être définis par le règlement. Par exemple, l’article 221-1 défini le meurtre comme «
l’atteinte volontaire à la vie d’autrui ». On nous dit à l’avance ce qu’est un meurtre, on
nous dit également que c’est puni de 30 ans de réclusion. A l’inverse, la légalité signifie
qu’en l’absence de texte il n’y a pas d’infractions et donc pas de peine, par exemple le suicide
n’est pas une infraction pénale, mais sous l’Ancien Droit on punissait l’auteur d’une tentative
raté de suicide. Le retrait d’une somme d’argent supérieur à la provision disponible sur le
compte n’est pas une infraction pénale, le fait de se prostituer n’est pas non plus une
infraction pénale. Le fait de prostituer les autres est une infraction pénale, le fait d’être client
est également une infraction. Celui qui est client commet une infraction mais l’autre non.

La seconde exigence est que le principe de la légalité implique l’exigence d’un texte
clair et précis. Le Conseil Constitutionnel a précisé qu’une incrimination imprécise n’était
pas conforme à l’article 8, pour le Conseil Constitutionnel la loi doit être intelligible et
accessible. La Convention Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt Malone contre
Royaume-Uni du 2 août 1984 a affirmé que « il faut que la loi soit suffisamment accessible,
le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants sur les normes juridiques
applicables à un cas donné, on ne peut considérer comme une loi qu’une norme énoncé
avec suffisamment de précision pour permettre à un citoyen de régler sa conduite ». Il
faut donc non seulement une loi qui soit suffisamment claire et précise, si ce n’est pas le cas,
la Cour de Cassation n’hésite pas à écarter un texte d’incrimination en disant qu’il n’était pas
suffisamment clair ou précis.

b - L’étendu du principe de légalité.

Ce principe s’applique aux lois aux lois, c’est-à-dire aux textes votés par le
Parlement, le législateur a une compétence exclusive en matière pénale, c’est la détermination

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des crimes et des délits ainsi que des peines applicables, la procédure pénale, l’amnistie, la
création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats, cette légalité s’applique
aux règlements, il faut donc un texte préalable pour punir une contravention, cela émanera en
principe du gouvernement car il peut arriver qu’une contravention soit appliqué par la loi,
c’est le cas dans la Loi Schiappa, une insulte sexiste est une contravention de 4ème niveau et
cela a été prévue par la loi. Le Parlement est seul compétent pour les crimes et délits mais
cela ne l’empêche pas de prendre des contraventions.

La jurisprudence en droit pénal, dans une matière dominée par la légalité, Portalis
disait que « en matière pénale il faut des lois précises, point de jurisprudence ».
Normalement, et surtout avec la conception révolutionnaire, il ne devrait pas y avoir de
jurisprudence en matière pénale mais il y en a tout de même tout simplement parce que les
textes sont appliqués par les juridictions, et donc, la jurisprudence est inhérente au droit.
Mais, en fait, en matière pénale la place de la jurisprudence n’est pas la même que dans les
autres domaines du droit. En fait, la jurisprudence ne peut pas créer une incrimination, si le
législateur n’a pas incriminé spécialement un comportement, la jurisprudence ne peut pas le
faire. Elle ne peut pas non plus créer des peines, seul le législateur peut le faire.
Elle peut néanmoins préciser une incrimination, expliquer le sens d’un mot,
l’homicide involontaire par exemple ne peut pas être étendu au fœtus. Il y a un domaine dans
lequel la jurisprudence est créatrice de droit en matière pénale, ce sont les causes
d’irresponsabilité pénale, par exemple, c’est la jurisprudence qui a créé le fait justificatif
d’état de nécessité qui est une situation qui vient justifier la commission d’une infraction.
L’infraction est donc justifiée, l’auteur ne peut pas être poursuivi. C’est un magistrat, le juge
Magnaud, qui a créé cette notion qui a fini par être reprise par la Cour de Cassation et même
par le Code Pénal, quand on a adopté le nouveau Code Pénal, on a légalisé cet état (article
122-7).
Cette place est plus réduite parce qu’elle ne peut pas créer de peines ou
d’incriminations, la jurisprudence est seulement créatrice in favorem, en faveur de la
personne poursuivie.

La coutume ne peut pas créer non plus d’incrimination, elle ne peut pas créer de
peines. Pourtant, la coutume peut intervenir pour justifier ce qui pourrait relever des mauvais
traitements sur des animaux, c’est une infraction mais aux Antilles et à la Réunion on admet
les combats de coq et à Arles et à Nîmes on admet les corridas. Certains disent que c’est la
coutume qui justifie la commission d’une infraction pénale, c’est la coutume à une réserve
près, l’article 521-1 est l’article qui réprime les mauvais traitements sur les animaux. Cet
article prévoit une exception, il précise « sauf traditions locales ininterrompues », cela
signifie sauf coutume et effectivement dans le Sud-Ouest c’est valable. Ici, ce n’est pas la
coutume qui écarte la loi pénale, c’est la loi elle-même qui prévoit cette exception puisque la
coutume est intégrée à l’article 521-1. La coutume est légalisée, c’est la loi qui prévoit sa
propre exception, donc ce n’est pas la seule coutume, ce n’est pas sa force qui vient écarter le
droit pénal.
Il reste une seule vraie coutume qui n’est pas légalisée et qui écarte l’application du
droit pénal, c’est une coutume international, un chef d’Etat en exercice ne peut pas être jugé

26
pénalement en dehors de son propre Etat. La question s’est posée à propos de quelques
dictateurs, de savoir si on pouvait incriminer Kadhafi pour de nombreuses infractions
commises en Libye sur son peuple. Un chef d’Etat en exercice ne peut pas être poursuivi en
dehors de son pays, donc pour le poursuivre quand il était en exercice c’était de le poursuivre
en Libye.

B - Le respect de la légalité des incriminations.


La loi n’est plus la norme suprême, la loi se situe au sein de la hiérarchie des normes à
un statut intermédiaire de sorte qu’elle peut être contrôlée et le règlement peut lui aussi a
fortiori être contrôlé. La légalité est respectée à travers un double contrôle.

1 - Le contrôle de la loi.

La loi peut être contrôlée par rapport à des normes qui lui sont supérieures, il y a le
Bloc de Constitutionnalité et les Conventions Internationales. Le contrôle de la loi peut se
faire par le biais d’un contrôle de constitutionnalité et par le biais d’un contrôle de
conventionnalité.

a - Le contrôle de constitutionnalité.

Le Conseil Constitutionnel contrôle la loi par rapport au bloc de constitutionnalité,


c’est-à-dire par rapport à la Constitution, à la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen, au Préambule de la Constitution de 1946 et également par rapport aux Principes
Fondamentaux Reconnus par la Loi de la République. Dans la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen il y a de nombreux principes d’ordre pénal qui peuvent soutenir des
contrôles de constitutionnalité comme la présomption d’innocence, la légalité criminelle, la
nécessité des peines, l’individualité des peines, l’égalité… Le Conseil Constitutionnel a
dégagé un certain nombre de principes et certains concernent la matière pénale, dans une
décision du 29 août 2002, le Conseil Constitutionnel a dégagé le principe d’autonomie du
droit pénal des mineurs.

Ce principe d’autonomie regroupait 2 règles, qui ont donc chacune valeur


constitutionnelle. Tout d’abord, la responsabilité pénale des mineurs doit être atténué en
fonction de leur âge, ainsi que « la réponse des pouvoirs publics aux infractions que
commettent les mineurs doit rechercher autant que faire se peut le relèvement éducatif
et morale par des mesures appropriées adaptée à leur âge et à leur personnalité et
prononcé selon les cas par des juridictions spécialisées ou selon une procédure
juridictionnelle adaptée ». Le Conseil Constitutionnel peut désormais être saisi soit par 60
parlementaires ou par les différents Présidents, c’est la saisine avant la publication de la loi.
Le Conseil se prononce avant la publication de la loi et la loi sort amputé de tel ou tel
morceau et ensuite publié avec des passages en moins, c’est dans ce cadre que le dernier
principe a été dégagé. Le Conseil Constitutionnel peut désormais être saisi par une QPC et

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l’un des domaines principaux de cette QPC est la matière pénale, la plus importante était sur
la garde à vue le 30 juillet 2010. Cette réforme est un changement considérable et pratique
essentiel, l’avocat désormais depuis cette loi assiste son client pendant les interrogatoires de
garde à vue.
Le Conseil Constitutionnel a abrogé la procédure de coutume as, c’était une méthode de
jugement, désormais la Cour d’Assises est tenue de motiver sa décision par une note.

La place du droit pénal constitutionnel est d’autant plus grande que le Conseil
Constitutionnel a un domaine de compétence qui est plus large que le strict droit pénal. Il ne
s’arrête pas à une conception organique, en fait, il a une conception matérielle du droit pénal,
pour le Conseil Constitutionnel, le droit pénal ce n’est pas seulement celui du juge pénal,
c’est le droit répressif indépendamment du juge auquel on le soumet. Le Conseil
Constitutionnel a pu faire application de principes de droit pénal au-delà du pur droit pénal.
Notamment vis-à-vis des Autorités Administratives Indépendantes, le Conseil Constitutionnel
a dit que le principe de nécessité des peines, de proportionnalité de peine devait s’appliquer
pour ces autorités.
Par exemple, le Conseil Constitutionnel a estimé qu’il fallait plafonner le cumul des
amendes fiscales et pénales en cas de fraude fiscale. Cahuzac a été poursuivi fiscalement et
pénalement puisqu’il y a 2 juges avec le juge administratif pour les impôts, et le juge pénal
pour la fraude. Le Conseil Constitutionnel en 2016 a dit qu’on pouvait cumuler au maximum
des deux montants, le Conseil assure un contrôle important de la norme en matière pénale.

b - Le contrôle de conventionnalité.

En vertu de l’article 55 de la Constitution, les conventions internationales ont une


valeur supérieure à la loi sous réserve de réciprocité, c’est-à-dire sous réserve de leur
application par les autres parties. Cela vaut pour toutes les conventions internationales, celles
par exemple qui émanent de l’ONU, comme la Convention Internationale sur les Droits de
l’Enfant, cela vaut aussi pour les Conventions Européennes, et donc les textes internes, les
lois, les règlements font fréquemment l’objet d’un contrôle de conventionnalité.

Cela étant, toutes les sources internationales n’ont pas la même importance, ni la
même portée, en tout cas en droit pénal. Les Conventions Internationales jouent généralement
un rôle assez limité en matière pénale, parfois ces conventions ne sont pas auto-exécutoires
ou ne sont pas totalement auto-exécutoires, cela signifie que c’est une Convention
d’applicabilité directe, c’est donc une Convention qu’un justiciable peut invoquer
directement dans le cadre d’un procès direct. Une Convention Internationale est obligatoire
entre les pays signataires, mais il y a des Conventions qui ne sont obligatoires qu’entre les
pays, et d’autres sont auto-exécutoires, donc n’importe quel particulier peut le faire.

Tous les pays ont signé la Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant, tous
l’ont ratifié sauf les Etats-Unis, au moment de la question de la ratification s’est posée il
existait la peine de mort contre les enfants. Depuis, la Cour Suprême a purement interdit toute
peine de mort contre les enfants, cette jurisprudence a été retiré en 2015. Parfois, elle

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s’adresse seulement aux Etats parce qu’elle est signée par tout le monde, c’est une sorte de
consensus bas, pour que tout le monde la signe et la ratifie c’est qu’elle n’est pas exigeante.
En revanche, d’autres le sont, par exemple le fait de disposer « Chacun à droit… », « Nul ne
peut… », cela signifie que tout le monde peut invoquer cela.

Il y a des Conventions pleinement exécutoires mais qui ont un domaine réduit, par
exemple la Convention des Nations Unis sur la torture de 1984, elle a une importance en
matière pénale, mais son domaine est limité et un domaine géographique limité car certains
pays ont refusé. Les Conventions internationales les plus intéressantes en matière pénale sont
des Conventions au niveau européen, on a les mêmes valeurs, les mêmes cultures, ces
Conventions ont un domaine géographique réduit et elles jouent un rôle de plus en plus
important en matière pénale.
Il y a deux dimensions en Europe, il y a l’Europe du Conseil de l’Europe, des Droits de
l’Homme et puis il y a l’Union Européenne, ce n’est pas le même rôle en matière pénale.

Le Conseil de l’Europe est né avec la Convention Européenne de Sauvegarde des


Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, c’est une Convention de 1950 qui a créé
le Conseil de l’Europe et le Conseil de l’Europe réunit aujourd’hui 46 Etats, il y a tous les
pays de l’Union Européenne mais aussi le Royaume-Uni, la Norvège, la Turquie, l’Arménie,
l’Ukraine…
En fait, on a ici une conception très large de l’Europe, dans ce périmètre très large,
s’applique la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Elle est appliquée par les
juridictions internes, du Tribunal de Police jusqu’à la Cour de Cassation, mais dans ce
périmètre, il existe aussi une juridiction européenne, la Cour Européenne des Droits de
l’Homme qui est à Strasbourg et qui unifie le droit du Conseil de l’Europe. Dans la
Convention Européenne des Droits de l’Homme, on trouve la consécration de principes
fondamentaux qui intéressent le droit pénal comme la liberté, le droit au procès équitable, la
légalité criminelle, la présomption d’innocence. La Cour Européenne des Droits de l’Homme
intervient régulièrement en matière pénale, ces décisions ont influencé soit notre
jurisprudence, soit notre législateur.
Par exemple, ce sont des arrêts de cette Cour du 24 avril 1990 Kruslin et Huvig contre France
qui l’ont condamné au motif que les conditions de placement d’un suspect sur écoute par la
police n'était pas suffisamment encadré, qu’il y avait une atteinte à la vie privée excessive car
ces écoutes étaient décidées par des policiers et pas par un juge. Pour donner suite à cette
condamnation, la loi a changé, c’est la loi du 10 juillet 1991 aux articles 100 et suivants du
Code de Procédure Pénale qui prévoit que c’est un juge qui peut désormais placer sur écoute.
Il s’est posé une question particulière, propre à la matière pénale, de savoir quel est l’effet
d’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, pendant très longtemps cette
condamnation avait comme effet une sorte d’incitation à modifier la jurisprudence par la loi,
cela n’avait pas d’effet direct parce que cette Cour n’est pas un nouveau degré de juridiction,
c’est une juridiction européenne qui examine l’existence ou l’absence de violations de la
Convention, elle n’est pas supérieure à la Cour de Cassation. Quand la Cour condamnait la
France, on était incité à modifier notre jurisprudence, car sinon on allait de nouveau être
condamné, et parfois on avait tendance à modifier la loi. Mais, on ne jugeait pas de nouveau

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l’affaire, on gagnait ainsi une satisfaction équitable, le requérant qui gagne reçoit une somme
d’argent, on ne remettait pas en cause sa condamnation.
C’est pour cela que la loi du 15 juin 2000 a modifié le Code de Procédure Pénale et a créé un
nouveau dispositif qui s’appelle le réexamen des décisions pénales définitives. Le cas de
Monsieur Hakkar a inspiré cette réforme, ce dernier est poursuivi pour plusieurs infractions
pénales graves et notamment plusieurs crimes, des vols, des viols, une tentative de meurtre, il
est condamné par une Cour d’Assises mais il est jugé sans avocat, il a fait partir tous ses
avocats, le Président le condamne ainsi à une peine très lourde. Il n’y a pas d’appel en
matière criminelle, il fait un pourvoi en cassation, la Chambre Criminelle rejette son pourvoi,
il fait une requête devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme et il gagne, la France
est condamnée, jusqu’à présent quand la France était condamnée elle devait verser une
somme d’argent. Ainsi, la loi du 15 juin 2000 prévoit qu’on peut saisir une commission de la
Cour de Cassation qui est la commission de réexamen, cette commission peut suspendre la
peine et renvoyer à la juridiction de jugement là où il y a eu la violation. En d’autres termes,
dans l’affaire Hakkar, la commission de réexamen est saisie, et la commission va suspendre la
condamnation et on va renvoyer l’affaire à une nouvelle Cour d’Assises pour le juger à
nouveau, il se trouve que ce requérant pendant qu’il était en prison avait fait plusieurs
tentatives d’évasion violentes, il avait eu d’autres condamnations ce qui fait qu’on a pu
suspendre la condamnation, mais les autres condamnations étaient toujours valables. En
matière pénale, un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme peut avoir un effet
presque direct, cela passe par le filtre de la commission de réexamen, mais on a en tout cas un
effet particulier.
De fait, le droit pénal français est très influencé par le droit européen des Droits de
l’Homme. Cela s’explique parce que la Convention Européenne des Droits de l’Homme est
intégralement auto-exécutoire, n’importe qui devant n’importe quelle juridiction peut
invoquer n’importe quel article. Elle est rédigée de telle sorte qu’elle est auto-exécutoire,
donc cela est une des raisons.
La Convention ne s’arrête pas aux notions nationales, aux termes des droits nationaux,
l’article 6 paragraphe 1 de cette Convention est le droit au procès équitable qui s’applique en
matière civile et en matière pénale. Mais, il y a près d’une cinquantaine de pays dans le droit
du Conseil de l’Europe, chacun a son droit pénal, cela signifie qu’on n’a pas tous les mêmes
définitions, la Cour se situe au-dessus des droits nationaux, elle regarde assez peu le détail de
chaque, elle ne s’arrête pas aux termes utilisés par les droits nationaux. Ainsi, la matière
pénale au sens européen n’est pas forcément exactement le droit pénal parce que le droit
pénal est le droit qui relève du juge pénal, il varie d’un pays à l’autre. Par exemple, les
contraventions en France relèvent du juge pénal mais dans certains pays c’est du droit
administratif. Inversement, il y a des questions qui en France ne sont pas du droit pénal
comme le droit de la concurrence qui relève de l’Autorité Administrative Indépendante de la
Concurrence, pour la Cour Européenne cela appartient à la matière pénale.
Elle va définir la matière pénale comme une notion autonome, qui ne s’arrête pas aux droits
nationaux de sorte que finalement, la Cour va proposer des critères de la matière pénale, un
des critères est les indications des droits nationaux, ces critères ont été proposés Engel contre
Pays Bas en 1976, elle nous dit que pour savoir, il faut regarder les indications du droit
national. Si on dit que ce n’est pas du droit pénal, cela peut tout de même l’être, l’indication

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est dans un seul sens. Il y a également la nature du fait transgresseur à savoir si on parle
d’infraction, de faute, de manquement… là encore si on parle d’infraction c’est de la matière
pénale. Enfin, c’est la sévérité de la sanction, finalement peu importe de savoir si on est
devant le juge pénal, c’est la question de savoir si la sanction est sévère. C’est ce qui applique
qu’en droit de la concurrence on est en matière pénale alors qu’on est dans la juridiction
administrative. Une des sanctions prévues dans cette matière peut aller jusqu’à 10% du
chiffre d’affaires mondial. Pour toutes ces raisons, on a une matière pénale qui est en fait plus
large que le droit soumis au juge pénal.
Il y a des matières qui ne relèvent pas du tout de la matière pénale, notamment le droit
pénitentiaire qui est le droit disciplinaire de la prison qui est inclus à la juridiction
administrative.
La Cour a fait évoluer considérablement le droit pénal et la procédure pénale, c’est le cas en
matière de garde à vue, la Cour a condamné un certain nombre de pays dont la procédure
n’était pas respectueuse, souvent la France est condamnée avec la Russie, la Turquie et
l’Ukraine.

C’est une portée très différente par rapport à la Cour, le droit de l’Union Européenne
est issu du Traité de Rome. La Communauté Économique Européenne était composée au
départ de 6 pays : la France, l’Italie, l’Allemagne et le Benelux. Petit à petit l’Union
Européenne s’est agrandie au point d’avoir 28 Etats membres et récemment on est passé à 27,
aujourd’hui le droit est composé de 27 Etats avec une imbrication beaucoup plus fort, le droit
de la Convention Européenne est une harmonisation alors que le droit de l’Union Européenne
est une unification. On a dans ce droit de l’Union le droit originel (les traités) et ce qu’on
appelle le droit dérivé des règlements.
Initialement, le droit de l’Union Européenne ne concernait pas le droit pénal ou très
peu, cela pour deux raisons, tout d’abord parce que c’était d’abord un droit économique, le
but était la libre circulation des personnes et des biens. La seconde raison est que le droit
européen à cette époque contenait divers piliers et le droit pénal et les questions de sécurité
constituaient le troisième pilier. Dans le troisième pilier, c’étaient les questions de
souveraineté nationale, la règle était l’unanimité. Pour que le droit européen s’intéresse à la
matière pénale, il fallait l’unanimité des pays membres, et comme on est passé à 27,
l’unanimité était compliquée à obtenir, il n’y avait quasiment rien en matière pénale.
Tout a changé avec le Traité de Lisbonne, il y a eu deux effets, d’abord, en droit
interne il arrivait que l’on invoque une règle européenne pour échapper à des poursuites
pénales. Le droit européen servait en quelque sorte comme une justification parce que le droit
européen est du droit conventionnel, il est supérieur à la loi, et on invoquait le droit européen
pour échapper à la loi française, c’est le cas de l’arrêt les Fils d’Henri Ravelle du 22 octobre
1970, il s’agissait de savoir si on pouvait condamner un importateur de vin italien sachant que
ces vins n'étaient pas conformes au droit français. On avait poursuivi l’importateur en lui
disant qu’il avait commis des infractions. L’avocat disait que ce n’était certes pas conforme
en droit français mais que c’était le cas en droit européen, donc en réalité aucune infraction
n’avait été commise. La Cour de Cassation valide cet argument et écarte le droit interne au
motif qu’il n'est pas conforme au droit européen supérieur.

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Le droit de l’Union Européenne a commencé à adopter des directives en matière
pénale. On a désormais notamment en procédure pénale une série de textes d’origine
européenne du droit de l’Union Européenne. La Cour de Luxembourg (Cour de Justice de
l’Union Européenne) a rendu un arrêt du 13 septembre 2005 dans lequel elle a affirmé que le
Traité sur l’Union Européenne imposait aux Etats membres l’obligation de prescrire des
sanctions pénales contre les auteurs d’infractions en droit de l’environnement. C’est un
changement considérable, ainsi la Cour de Justice et ensuite l’Union Européenne sont
désormais pleinement compétentes en matière pénale, et donc que la Cour peut dire que la
législation en droit pénal de l’environnement n’est pas assez efficace et il y a une obligation
d’adopter un texte, la Cour de Justice met à la charge de la France une obligation positive. On
a reconnu aux victimes d’infraction un certain nombre de droits, des pays étaient très loin de
ça et ont dû reconnaître un statut protecteur, on a mis en place l’obligation d’avoir un
interprète. Il peut ainsi y avoir un contrôle par rapport aux directives et aux règlements.

2 - Le contrôle des actes administratifs.

La question est de savoir si on peut contrôler les actes administratifs et qui peut le faire, et
donc concrètement comment cela se déroule.

a - La reconnaissance du contrôle des actes administratifs par les juridictions


pénales.

Cette question a donné lieu à une très célèbre controverse qui a opposé pendant des
années les juridictions administratives et judiciaires, c’est la question de savoir si on peut et
qui peut contrôler la légalité d’un acte administratif. Lorsqu’un acte administratif sert de
fondement à une poursuite pénale, ou de moyens de défense, le juge répressif peut-il
interpréter l’acte administratif, peut-il apprécier la légalité de cet acte ou alors doit-il
renvoyer cette question au juge administratif. Par exemple, si quelqu’un est poursuivi
pénalement pour ne pas avoir respecté un arrêté préfectoral, quelqu’un qui est poursuivi
pénalement pour ne pas avoir respecté un arrêté municipal.

Par exemple, une autorisation de construire, il y a un acte administratif, le permis de


construire autorise à construire 50m2 et on en construit 70, donc si la poursuite pénale dépend
de la régularité de cet arrêté et que la question se pose d’interpréter cet arrêté. La question est
de savoir qui peut interpréter, quelqu’un est poursuivi pour avoir construit sans autorisation,
pour les juridictions administratives, seul le juge administratif était compétent, est ces
juridictions invoqués la séparation des juridictions. Les juridictions pénales s’estimaient
compétentes, celui qui est saisi d’une action a plénitude de juridiction. Il y avait un conflit
entre les juridictions, lorsqu’il y a un conflit, on va chercher le Tribunal des Conflits, décision
du Tribunal des Conflits est l’arrêt Avranches et Desmarets du 5 juillet 1951. Dans cette
décision le Tribunal des Conflits dit que les juridictions pénales peuvent apprécier la légalité
des actes administratifs mais seulement des actes administratifs règlementaires, donc à
vocation générale. Pour les actes administratifs individuels comme le permis de construire, le

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juge pénal n’est pas compétent. Normalement quand le Tribunal des Conflits donne une
décision tout le monde s’aligne, mais la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a résisté
et a maintenu sa jurisprudence pour les actes administratifs réglementaires mais également
pour les actes administratifs individuels. Lorsqu’on a réformé le Code Pénal, on a tranché la
question, le Code Pénal comporte un article 111-5 qui met fin aux débats, il dispose que « les
juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs,
réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque de cet examen
dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». Le juge pénal est compétent pour
apprécier et interpréter les actes administratifs.

b - Les modalités du contrôle des actes administratifs par les juridictions pénales.

Les juges répressifs disposent du pouvoir de contrôler les actes administratifs et on


précisé de les interpréter ou d’en apprécier la légalité. Cela vaut pour les actes administratifs
réglementaires et individuels, il faut comprendre qu’il faut que cet acte administratif soit à
l’origine des poursuites pénales ou soit déterminant pour les poursuites pénales, il faut que de
cet examen dépend l’issu du procès pénal. Le rôle du juge pénal n’est pas de contrôler les
actes administratifs, il ne le fait que de manière incidente, il est saisi d’une poursuite pénale et
c’est à l’occasion de cette poursuite parce que cette poursuite repose sur un acte administratif
qu’il en vient de contrôler. Ensuite, il faut que ce contrôle ait lieu avant toute défense au fond,
in limite litis, soit au début du procès. Tout repose sur l’appréciation de la légalité de cet acte,
on va discuter de cela puis on discutera de savoir s’il y a construction ou pas. En réalité, cela
peut être un contrôle de constitutionnalité, le règlement doit être conforme à la loi qui doit
être conforme à la Constitution.

Le contrôle du juge pénal n’est qu’un contrôle incident, cela signifie que le juge pénal
ne peut en réalité pas annuler le règlement, il peut seulement dans le dossier dont il est saisi
précisément écarter l’application du texte. Il peut même aller jusqu’à écarter ce règlement,
mais ne peut pas prononcer l’annulation, ce règlement existera encore, il ne sera pas appliqué
dans le procès. Le règlement existera jusqu’à que quelqu’un saisisse le Conseil d’Etat pour
faire annuler le texte, l’annulation est seulement possible par le juge administratif, on finit par
saisir le juge pour éviter qu’un texte persiste dans l’ordre juridique ?

SECTION 2 - LES COROLLAIRES DE LA


LÉGALITÉ.
Il n’y a pas d’infraction ni de peine sans texte, la légalité comporte nécessairement
certains corollaires qui sont la conséquence direct du principe, il y a d’abord l’interprétation,
pas de peine sans texte, il ne faut pas pouvoir contourner la loi, l’interpréter trop largement, il
faut une loi, et que le juge soit empêché d’avoir une trop grande liberté. C’est donc le
principe d’interprétation stricte en matière pénale. La légalité suppose qu’on sache
exactement quel est le domaine de la loi, donc quel est son domaine dans le temps, il ne faut
pas qu’elle puisse rétroagir car sinon ce serait la négation de la légalité. Il faut également une

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application dans l’espace de la loi, elle s’applique sur le territoire français mais il faut
préciser cela.

A - L’interprétation de la loi pénale.


Le principe de légalité s’accompagne nécessairement d’une conception étroite de la
loi pénale, l’article 111-4 du Code Pénal dispose que « la loi pénale est d’interprétation
stricte ». L’interprétation ne peut jamais être stricte, on devrait dire que la loi pénale est
d’application stricte, cela correspond à l’idée en fait que comme le disait Montesquieu le juge
doit être la bouche ouverte de la loi. Portalis encore en matière pénale disait qu’il ne fallait
pas de jurisprudence en matière pénale, on craint le pouvoir d’interprétation du juge, on le
craignait tellement à la Révolution que le premier Code Pénal prévoyait un système de peine
fixe et qu’on contrôlait au maximum les pouvoirs du juge. Le problème c’est que la loi ne
peut jamais tout prévoir, et plus la loi est précise, moins elle est efficace, notre législateur
aime les lois techniques et précises, en réalité elles ne sont pas utiles donc il est indispensable
d’interpréter des lois. Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, on est obligé
d’interpréter ce texte, si on arrive avec une clé USB, qu’on copie les fichiers d’un ordinateur
et on récupère les informations, ce sera le fruit d’une interprétation la réponse. Même
l’infraction la plus simple amène à se poser des questions. Le meurtre est le fait de porter
volontairement atteinte à la vie d’autrui, il faut interpréter la vie.

1 - Les différentes méthodes d’interprétation.

L'interprétation littérale signifie qu’on s’intéresse à la lettre du texte, au sens des


mots, c’est la méthode la plus simple, n’importe qui peut comprendre le sens d’un texte en
allant chercher un dictionnaire, c’est la méthode qui paraît la plus rassurante. Cette méthode
n’est pas toujours adaptée parce que si on a un problème d’interprétation c’est précisément
que la lettre du texte n’est pas claire, s’il suffisait de lire le texte en disant qu’on applique
c’est que tout va bien. Parfois, les textes sont mal écrits et l’interprétation littérale peut
donner lieu à une aberration, une solution totalement illogique. Par exemple, il y avait
autrefois un texte extraordinaire qui règlementait le droit applicable aux chemins de fer, ce
texte disait qu’il est interdit de descendre du train ailleurs que dans les gares et lorsque le
train est totalement arrêté. A l’époque on pouvait ouvrir les portes du train et des gens
ouvraient la porte et sautaient sur le quai alors que le train n’était pas arrêté, quelqu’un fait
cela, un contrôleur qui lui dit infraction pénale et cela va devant la Cour de Cassation. Il dit
qu’il est le seul à avoir respecté le texte. Souvent cette interprétation n’est pas utile, et parfois
même elle peut être absurde.

L'interprétation analogique. Il s’agit de raisonner par analogie, donc d’appliquer un


texte à une situation qu’il n’a pas prévue mais une situation qui est proche de celle qu’il a
prévue. Le texte réglemente la situation A, on a une situation B qui est différente mais B est
analogue à A donc on va appliquer le texte. C’est une vraie méthode d’interprétation, on
rencontre une difficulté et on apporte une solution. On a toujours une réponse, c’est donc

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intéressant mais c’est une méthode dangereuse. Le premier danger est justement l’analogie en
elle-même, c’est le fait d’être proche, ce n’est pas juridique, il faut savoir où s’arrête
l’analogie. Également, c’est le juge qui va apprécier l’analogie, il y a un risque que l’analogie
varie en fonction du juge auquel on soumet le litige. Là encore, on risque d’utiliser un texte
pour une société qui n’avait pas été prévue.

L'interprétation téléologique. Cette interprétation consiste à rechercher quel est le but


du texte, quelle est l’intention du législateur. Finalement, on cherche quelle est la volonté du
législateur, c’est la méthode qui est intellectuellement la plus satisfaisante, c’est rechercher
quel est l’esprit du texte.
La question est de connaître la volonté du Parlement, lorsque cela vient du gouvernement
cependant, il n’y a que le texte brut, donc déjà il y a une vraie difficulté quand on est face à
des textes émanant du gouvernement. Ensuite, quand une loi vient du Parlement qui a été
voté il y a longtemps, on peut aller chercher les travaux préparatoires, il y a un projet de loi,
les débats parlementaires. Là encore, quand on a un texte récent on a des discussions
récentes, mais pour la définition du vol, elle date de 1810 et même du furtum en droit romain,
cela n’a pas de sens d’aller chercher les travaux préparatoires. Les travaux préparatoires
supposerait d’être des travaux juridiques mais cela n’est pas toujours le cas, des débats
parlementaires ne sont pas des débats juridiques mais politiques et les débats politiques sont
rarement utiles pour avoir une interprétation précise d’un texte.

2 - Les méthodes d’interprétation retenues.

a - Le principe.

Lorsque la loi est claire, il n’y a pas lieu à interprétation mais a application. C’est
tellement évident qu’on peut l’omettre, l’interprétation reste très rare, le plus souvent le juge
applique. Cela étant, parfois, il n’y a pas d’autres solutions qu’interpréter le texte et donc il
faut déterminer quelle est la méthode qu’on retient. Quand on regarde la jurisprudence, il faut
distinguer selon la nature des lois, c’est-à-dire selon qu’il s’agit d’une loi de fond et d’une loi
de forme, l’interprétation va différer, et on n’aura pas les mêmes méthodes si la loi est
favorable ou pas. Ce sont des distinctions que l’on va retrouver lorsqu’on abordera la
question de la loi dans le temps, mais on peut déjà les distinguer.

Les lois de fond sont des lois qui déterminent l’incrimination, les éléments de
l’infraction, les peines encourues, et la responsabilité pénale, qui s’intéresse aux complices, à
l’auteur… C’est globalement la définition qui en est donnée par l’article 112-1 du Code
Pénal. Les lois des formes quant à elle sont définies à l’article 112-2, ce sont celles qui
concernent la procédure (la durée du délai pour faire appel), la compétence (devant le
Tribunal de Police ou Correctionnel), l’organisation judiciaire (juge unique ou collégialité),
les modalités de poursuite (comparution immédiate, réquisitoire introductif), le régime
d’exécution et d’application des peines (libération conditionnelle) et puis la prescription
(d’action publique) qui empêche de poursuivre quelqu’un au bout de l’écoulement d’un
certain temps.

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Les lois favorables sont celles qui allègent ou suppriment la responsabilité du
délinquant ou qui allègent sa peine ou qui réduisent les possibilités de poursuite. Les lois
défavorables sont celles qui alourdissent la responsabilité, la peine, qui étendent le domaine
de l’infraction ou qui facilitent sa poursuite, la tendance est clairement que les lois sont de
plus en plus défavorables. C’est le cas des lois qui allongent le délai de prescription, depuis
quelques années, tous les crimes bénéficient de cette augmentation.

b - Les lois pénales de fond.

Il faut sous-distinguer selon que la loi est défavorable ou favorable.

1 ) La loi pénale de fond défavorable.

Lorsque la loi est défavorable, la jurisprudence est très attentive à l’interprétation


stricte, si elle est inévitable, on recourt à la méthode téléologique, on va chercher la volonté
du législateur, on va chercher les travaux préparatoires, tout ce qui va pouvoir expliquer ce
que recherchait le législateur, on recourt donc à l’interprétation téléologique. Cela étant,
parfois on a du mal à déterminer la volonté du législateur, en fait, on n’a pas de travaux
préparatoires sur cette question, ou ils ne sont pas clairs, ou bien encore ils sont politiques et
pas juridiques. Le doute profite à l’accusée, c’est-à-dire que si on n’arrive pas à déterminer le
sens de la loi, le doute profite à la personne poursuivie et elle doit être relaxée (Tribunal) ou
acquittée (Cour d’Assises).

2 ) La loi pénale de fond favorable.

Dans ce cas-là, la jurisprudence est plus audacieuse et on admet évidemment


l’interprétation téléologique mais également d’autres techniques d’interprétation et
notamment on admet l’interprétation par analogie. C’est certes une méthode dangereuse car
elle dépend du juge, mais vu qu’elle est en faveur de la personne poursuivie, on peut admettre
même cette méthode.

La question s’est posée il y a quelques années à propos de l’immunité familiale, c’est


un texte qui existait dans l’ancien Code Pénal qui avait pour but d’apaiser les conflits au sein
des familles et notamment entre maris et femmes. Sous l’ancien Code Pénal, il y avait un
article qui prévoyait qu’il n’existait pas de vol entre époux, un mari ne pouvait pas voler sa
femme et vice-versa, il arrive parfois que finalement, chacun veut récupérer quelque chose et
à l’occasion d’un divorce, on commence à avoir des relations tendues et on se fait des
reproches et il fallait éviter qu’on mette du droit pénal dedans. La question s’est posée de
l’escroquerie, ou bien d’abus de confiance, l’ancien Code Pénal ne précisait que le vol, la
Cour de Cassation a procédé par analogie. C’est une loi favorable à celui qui est poursuivi, la
Cour de Cassation a jugé que par analogie on pouvait assimiler l’abus de confiance et
l’escroquerie au vol. depuis, le Code Pénal a légalisé ce principe et désormais, on vise le vol,
l’escroquerie et l’abus de confiance.

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Il y a néanmoins une limite désormais qui est assez récente, la loi prévoit néanmoins
qu’il peut y avoir vol entre époux à propos des documents d’identité et des instruments de
paiement, c’est assez classique que le mari prenne la carte d’identité ou le passeport de sa
femme, la carte bleue pour l’empêcher de partir et le législateur a dit que cela constituait un
vol.

2 ) La loi pénale de forme.

Le principe de l’interprétation stricte de l’article 111-4 devrait logiquement


s’appliquer aux lois pénales de forme. Pourtant, les lois de procédure reçoivent une
interprétation extensive. Sous le Code d’Instruction Criminelle, la jurisprudence avait étendu
le champ d’application de l’article 227 du Code d’Instruction Criminelle sur la connexité
au-delà des termes mêmes de cet article, cette solution se retrouve dans l’actuel article 203.
On a finalement une interprétation large des lois de procédure qu’elles soient favorables et
même défavorables. Pour les lois favorables, cela ne pose pas de problème puisque la règle
va être étendue, c’est souvent ce que l’on fait en matière de droit de la défense. Par exemple
en matière d’extradition, il existait un texte qui prévoyait l’avis de la chambre d’accusation,
c’était une chambre de la cour d’appel, le texte précisait que cet avis était insusceptible de
recours, la Cour de Cassation s’est estimé compétente pour juger du recours. C’est favorable
à la défense donc ce n’est pas gênant. C’est la même chose sur l’article 801 du Code de
Procédure Pénale qui prévoit que « tout délai prévu par le Code pour l’accomplissement
d’une formalité ou d’un acte expire le dernier jour à minuit et se trouve prorogé
jusqu’au jour ouvrable suivant s’il expire un samedi ou un dimanche ». Ainsi, il est
souvent prévu des délais dans ce Code, une règle est posée par cet article et qui dit que tout
délai expire à minuit. Cet article est interprété à géométrie variable selon que le texte est
favorable ou défavorable.

S’il s’agit du nombre de jours pour faire appel, on prorogera jusqu’au premier jour
ouvré, normalement c’est 5 jours mais de fait cela sera davantage. Mais, s’il s’agit de calculer
la fin de la détention provisoire, elle s’arrête un samedi, donc on va jusqu’au premier jour
ouvrable.

Il arrive que les lois de formes soient interprétées largement même lorsqu’il s’agit de
lois défavorables. Cela s’est déroulé avec une question très importante sur l’interprétation des
actes interruptifs de prescriptifs dans l’affaire des disparus de l’Yonne. C’est une affaire dans
les années 1970-80 disparaissent une dizaine de jeunes filles, ces jeunes femmes étaient soit
trisomiques ou avaient des gros problèmes psychiatriques et étaient dans un centre d’aide par
le travail où on permet à des personnes trisomiques placés sous tutelle de travailler. Une
enquête et une instruction sont ouvertes et des gendarmes travaillent sur ce dossier à plein
temps et on ne retrouve pas ces jeunes femmes et on sent bien que vraisemblablement a
priori elles ont été assassinées. Cela dure pendant des décennies et puis évidemment plus le
temps passe plus on oublie, un gendarme à la retraite avait passé sa vie professionnelle à la
retraite et part à la retraite avec le dossier, il aménage son sous-sol et il continue l’enquête et
un jour il a trouvé, c’est Émile Louis. On reprend l’enquête et cela marche parfaitement, on

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fait de nombreuses investigations et on le fait venir, on l’interroge et on va même jusqu’à le
mettre en examen et le juge d’instruction est embarrassé car cela fait tellement longtemps que
très vraisemblablement les faits sont prescrits puisqu’à l’époque la prescription était de 10
ans. Le juge d’instruction a l’idée de mettre en examen Émile Louis pour enlèvement et
séquestration donc tant qu’elles ne sont pas libérées, la prescription n’a pas encore
commencé. Émile Louis avoue l’intégralité des crimes, il ne les détient pas mais elles sont
toutes mortes, il fait des aveux circonstanciés, il explique vraisemblablement elles ont été
violées et assassinées et les as enterrées. Le juge met en détention provisoire Émile Louis,
cela va jusqu’à la Cour de Cassation et ils sont embarrassés car il n’y a pas de cause
interruptive de prescription, ils ont regardé tout le dossier, il y a un soit-transmis, c’est une
demande de renseignement et on a trouvé un courrier écrit par le procureur de la République
ou un substitut à la directrice d’un centre d’aide par le travail. Le courrier demandait des
nouvelles sur certaines filles, la dame dit que non. La Cour de Cassation a considéré que ce
soit-transmis était un acte d’enquête, jusqu’à présent un acte d’enquête était un procès-verbal,
mais la Cour a considéré qu’un simple soit-transmis était un acte interruptif de prescription et
que cela venait arrêter la prescription et la faisait retourner à 0. C’est une interprétation très
choquante, car la Cour de Cassation a changé sa jurisprudence et l'a fait appliquer
rétroactivement. L’interprétation marche uniquement pour les lois de formes. Le principe de
la légalité a comme corollaire le principe d’interprétation stricte, on n’a pas ce corollaire pour
les lois de fonds et pas pour les lois de formes.

B - Le domaine d’application de la loi pénale.


La légalité impose l’existence d’un texte préalable à l’infraction, mais cela pose la
question du domaine d’application de la loi pénale, et doublement, comment on applique
dans le temps la loi pénale. Il faut une loi, mais surtout avec cette période contemporaine
qu’on connaît, les lois se succèdent régulièrement, il faut savoir quel texte on applique.
Egalement, il y a également la question de l’application de la loi dans l’espace ?

1 - L’application de la loi pénale dans le temps.

La question est simple, quand plusieurs lois se succèdent dans le temps, quelles lois
faut-il appliquer. Le premier réflexe consiste à retenir la loi en vigueur au moment des faits,
la légalité c’est le fait de ne pas avoir d’infraction et de peines sans texte, il faut donc
regarder le texte au moment des faits. C’est la solution la plus logique et protectrice,
aujourd’hui il n’est pas interdit de fumer du tabac, mais si plus tard c’est le cas, on ne devrait
pas appliquer la loi rétroactivement. Mais si on a changé la loi c’est que la nouvelle loi est
meilleure, et donc au moins dans l’intérêt d’une bonne justice il vaudrait mieux appliquer la
loi nouvelle. Si la loi dépénalise une infraction, ce serait choquant de continuer à être puni
alors que les autres font pareil.

a - Les lois pénales de fond et de forme.

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1 ) Les lois pénales de fond.

Une loi pénale de fond touche à l’infraction, la responsabilité et à la peine, elles


touchent aux droits pénales générales. Ces lois pénales s’appliquent selon deux principes qui
ont la même valeur, en fait il faut distinguer selon que la loi nouvelle est plus sévère ou plus
douce.

Le principe est la non-rétroactivité de la loi pénale de fond est plus sévère, c’est
l’article 112-1 alinéa premier du Code Pénal « seuls sont punissables les faits constitutifs
d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seuls être prononcés les
peines légalement applicables à la date des faits ». C’est l’application du principe de la
légalité, non-rétroactivité des lois nouvelles de fonds plus sévères. Cela peut évoquer l’article
2 du Code Civil qui dispose que « les lois disposent que pour l’avenir, elles n’ont point
d’effet rétroactif ». Ici, il y a une différence, c’est qu’en matière civile l’article 2 du Code
Civil n’a qu’une valeur légale, et donc rien n’interdit qu’il y ait en matière civile des lois
rétroactives. En matière pénale, la non-rétroactivité a valeur constitutionnelle, elle est prévue
par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. En matière pénale le
premier principe est le principe de non-rétroactivité des lois pénales de fonds plus sévères.

Il y a la rétroactivité in mitius des lois pénales de fonds plus douces, c’est la


rétroactivité de la loi pénale plus douce, il est posé par l’article 112-1 alinéa 3 du Code Pénal
« les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en
vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée
lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». Ce principe a lui aussi
valeur constitutionnelle depuis une décision du 19-20 janvier 1981. La première justification
à ce principe est d’ordre individuel, c’est-à-dire en fait la légalité et donc la non-rétroactivité
des lois plus sévères est un principe protecteur, un principe libéral. Cette règle est protectrice,
ce serait injuste du point de vue de l’individu que cette règle protectrice soit une règle plus
sévère, il est logique que la nouvelle loi plus douce vienne rétroagir. Du point de vue de la
société également, la loi nouvelle plus douce est meilleure que l’ancienne, en appliquant
encore la loi ancienne c’est là où on créerait de l’injustice et c’est là où on perturberait l’ordre
social, il est logique de faire application de la loi nouvelle de manière rétroactive.
Le domaine de la rétroactivité est tout de même encadré, d’abord la rétroactivité n’est
possible que si la loi nouvelle est plus douce. Ensuite, la rétroactivité n’est possible que si
l’infraction n’a pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée,
c’est-à-dire définitive et irrévocable. La loi nouvelle ne peut rétroagir que si la procédure est
encore en cours, puisque si le procès est définitivement terminé alors c’est trop tard,
imaginons qu'on vienne supprimer une incrimination, ceux actuellement poursuivis vont
bénéficier du texte, mais ceux qui ont été condamnés, le texte ne s’appliquera pas. La
rétroactivité suppose évidemment qu’il n’y ait pas eu cette condamnation définitive, ainsi si
on a interjeté un appel, la loi nouvelle intervient, elle vient supprimer l’incrimination, on dit
que le texte a disparu. Si on n’a pas interjeté un appel et là arrive la loi nouvelle, elle ne
remettra pas en cause ce qui a été définitivement jugé.
L’article 112-4 du Code Pénal prévoit une dérogation à cette règle, selon ce texte la peine

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cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui en vertu d’une loi
postérieure au jugement n’a plus le caractère d’une infraction pénale. On est dans l’hypothèse
où il y a eu une condamnation définitive et irrévocable, arrive une loi nouvelle qui ne peut
pas rétroagir, mais si la loi nouvelle vient supprimer l’incrimination, cela permet d’arrêter la
peine. Ce n’est ainsi pas de la rétroactivité, la condamnation reste inscrite, les années passées
ne seront pas indemnisées, en revanche ce n’est pas la peine de continuer la peine car le fait
n’est plus une infraction, c’est une sorte d’application immédiate.
Il reste à savoir comment distinguer les lois plus sévères et les lois moins sévères puisque
finalement pour les lois de fond ce qui compte est de savoir si la loi est plus sévère ou plus
douce. Le plus souvent, il suffit de regarder le texte et de voir s’il alourdit la peine ou s’il
réduit la peine. S’il étend le champ d’application cela est plus sévère, il suffit donc en réalité
de regarder la loi. Parfois, la loi comporte en même temps des dispositions plus douces et des
dispositions plus sévères, on fait généralement une application distributive. Imaginons une loi
qui en même temps augmenterait les peines du vol mais baisserait les peines de l’abus de
confiance. Concernant le vol cela est plus sévère donc on a une réponse, mais si quelqu’un
d’autre est poursuivi pour abus de confiance on en fera une application plus douce. Il peut
arriver également même si c’est plus rare que ce soit le même article qui soit à la fois plus
sévère et plus doux, le même article est en même temps plus sévère sur la peine et plus doux
sur l’amende. Il y a une illustration sur ce point à Saint Tropez, quelqu’un possédait une
grande maison, avec un vide sanitaire. Quand il construit, il s’éloigne un peu de ce qui était
dans le permis, le vide sanitaire ne fera pas 60 cm mais 2m80, en fait, ce qu’il a fait c’est
faire passer le rez-de-chaussée pour le vide sanitaire et construire un étage, il a construit de
manière non conforme au permis. Il faisait de nombreuses fêtes jusqu’au moment où il s’est
retrouvé avec le directeur de l’urbanisme, il est puni, et la construction sans permis était puni
de 15 jours d’emprisonnement et de 10.000 francs d’amende. Il y a un nouveau texte qui
prévoit que le délit de construction sans permis est puni de 10.000 francs par m2, ici la Cour
de Cassation juge que l’emprisonnement l’emporte sur l’amende, on va donc regarder ce qui
est décidé sur l’emprisonnement. Dans les faits, il voulait l’ancienne loi, mais cela lui a été
refusé et il a dû détruire le bien.

2 ) Les lois pénales de forme.

Ce sont les lois de compétences et d’organisation judiciaire, les lois fixant les
modalités de poursuite et les formes de la procédure, les lois relatives au régime d’exécution
et d’application des peines et les lois relatives à la prescription de l’action publique et de la
peine. Les lois pénales de forme sont applicables immédiatement, on considère selon l’article
112-2 que l’enjeu est moins grand pour les lois de forme que pour les lois de fond. On va
appliquer immédiatement la loi nouvelle à la procédure en cours indépendamment de la date
des faits, encore faut-il que l’application immédiate soit possible parce que parfois il n’est
plus possible d’appliquer immédiatement la loi nouvelle même si le procès est encore en
cours. Imaginons une loi qui vienne modifier une formalité pour déposer plainte, donc il faut
avoir fait certaines formalités avant. S’il y a déjà eu une plainte faite sans cette formalité, elle
est valable, cela ne concerne pas. La loi nouvelle s’applique immédiatement, mais cela vaut
pour l’avenir. S’il y a une loi nouvelle qui passe le délai d’appel de 10 jours à 5 jours, la loi

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va s’appliquer à tous. Il y a des prescriptions très longues en matière pénale, il existe des
infractions imprescriptibles. Quand une loi sur la prescription intervient, quelqu’un doit
attendre 10 ans si on ne le poursuit pas c’est prescrit, quelques jours avant la prescription, 9
an, 11 mois et 27 jours, entre en vigueur une nouvelle loi, le délai sera donc pour lui aussi de
10 ans, il lui reste donc 3 jours à attendre plus de 10 ans. Lorsque la prescription est acquise,
la loi nouvelle ne peut pas rétroagir.

Lorsqu’on a réformé le Code Pénal avec l’entrée en vigueur en 1994, on a imposé au


Tribunal Correctionnel de motiver spécialement les peines d’emprisonnement fermes (c’était
l’article 132-19). Jusqu’au 1er mars 1994, quand un Tribunal Correction prononçait une peine
d’emprisonnement ferme, il doit motiver, regarder la personnalité, une condamnation
antérieure, les circonstances. On pourrait dire que c’est de la procédure, mais c’est de la
fixation d’une peine. Si quelqu’un commet des délits, il est condamné sans motivation
spéciale en 1992, ce n’est pas un problème, il arrive devant la Cour d’Appel en 1993 et
toujours pas de motivation spéciale, il se pourvoit en cassation et entre en vigueur le nouveau
Code. La Cour doit-elle annuler la décision d’appel ou rejeter le pourvoi, si on considère que
c’est une loi pénale de fond alors la Cour de Cassation doit casser l’arrêt d’appel, renvoyer à
une nouvelle cour d’appel qui pourra éventuellement condamner à une peine
d’emprisonnement ferme. Cependant, si on considère que c’est une loi pénale de forme, cela
vaut application immédiate donc à partir du jour de son entrée en vigueur, l’arrêt d’appel est
déjà passé, la condamnation est déjà passée, elle est donc valable. Ce n’est pas la Cour de
Cassation qui va devoir motiver sa décision, elle va juste contrôler l’application, elle ne
motive pas en fait donc si on considère que c’est une loi pénale de forme, la condamnation est
parfaitement valable. Dans un arrêt du 3 octobre 1994 la Cour de Cassation a considéré que
c’est une loi pénale de forme afin de ne pas remettre en cause des condamnations qui étaient
intervenus.

Le Code de la Justice des Mineurs est entré en vigueur le 30 septembre 2021, la


question de l’application s’applique à tout le Code, mais depuis le Code a déjà été modifié 2
fois en 1 an, la question de l’application dans le temps est une question classique, il faut
toujours se demander si c’est une loi de fond ou de forme.

b - l’application de la loi pénale dans l’espace.

1 ) Le droit international pénal.

Le droit international pénal est d’abord international, c’est le droit qui s’applique dans
le cadre d’organisations internationales, en fait, c’est un droit dégagé par des organisations
internationales et soumis à des juridictions internationales, comme le Tribunal Pénal
International. C’est l’application d’un droit d’abord international donc, ça c’est un droit très
intéressant mais c’est fondamentalement international, c’est le droit de l’ONU
principalement.

2 ) Le droit pénal international.

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Le droit pénal international est d’abord du droit pénal, c’est-à-dire en fait du droit
pénal confronté à une situation d’extranéité, une dimension internationale, c’est par exemple
un italien qui escroque un français. Quelqu’un de nationalité luxembourgeoise habite à
Londres, mais il travaille beaucoup à Monaco, il a 60 ans et lorsqu’il a bien travaillé, il va
dans le bar d’un hôtel luxueux, il rencontre une jeune femme russe de 28 ans, il tombe
amoureux et il se fiance, il lui fait de cadeaux et le jour des fiançailles il lui offre un chèque
d’1 Million d’euros sur son yacht immatriculé aux îles Caïmans et le jour des fiançailles est
situé dans le port de Saint Tropez. Quelques temps plus tard les associés l’invitent au
restaurant, ils disent que la femme en question est charmante mais il ne faut pas se marier
avec car c’est une prostituée. Il décide d’annuler le mariage, le chèque est sans provisions,
elle poursuit l’homme devant le Tribunal Correctionnel et réclame 1 Million en préjudice
matériel et demande un préjudice moral de 200.000 euros. Il a été condamné en première
instance, il a été relaxé en appel, elle a fait un pourvoi qu’elle a perdu. Ici se pose la question
de la loi applicable puisqu’ici il faut savoir s’il faut appliquer la loi monégasque, française,
des îles caïmans… Il s'agit de se poser la question du droit pénal lorsqu’il est confronté à une
dimension internationale.

a - Les conflits de loi.

Là où il y a des sociétés, il y a un droit. La diversité des États s'accompagne d’une


diversité des droits, la question est alors de déterminer le droit applicable. En droit
international privé, on distingue deux questions, à savoir le conflit de juridictions et le conflit
de loi, c’est le droit des droits. Il est très compliqué car il suppose de connaître le droit interne
et le droit international. Quand on se pose la question en droit privé, il faut connaître la
question de la juridiction compétente et la loi applicable, ce sont deux questions différentes
ce qui veut dire que très généralement les juridictions françaises appliquent divers lois et
inversement, le Maroc peut appliquer la loi française ou espagnole. En droit international
privé on dissocie complètement ces deux questions.
En droit pénal le conflit porte sur la loi, il s’agit de déterminer quelle est la loi
applicable, la loi applique la juridiction, si on décide que c’est la loi française applicable,
alors c’est les juridictions françaises. Par conséquent, les juridictions pénales françaises
n’appliquent que le droit français, le principe est celui de la territorialité.

1 ) La territorialité.

Le principe :
L’article 113-2 alinéa premier du Code Pénal dispose que la loi pénale française est
applicable aux infractions commises sur le territoire de la République, c’est ce qu’on appelle
le principe de territorialité. On applique la loi française aux personnes se trouvant sur le
territoire français, tous les pays font de même, indépendamment des nationalités de l’auteur
des victimes. C’est le système le plus ancien, le plus pratique parce que c’est le juge du lieu
de l’infraction qui est le mieux placé pour réunir les preuves, pour entendre des témoins, les
faits ont eu lieu sur place, c’est là qu’a eu lieu l’enquête.

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Cela suppose de savoir ce qu’est le territoire de la République, l’article 113-1 du Code
Pénal dispose que pour l’application du présent chapitre, le territoire de la République inclut
les espaces maritimes et aériens qui lui sont liés, cela signifie que le territoire de la
République a 3 dimensions : tout d’abord c’est le territoire terrestre, les fleuves sont
également considérés comme du territoire terrestre. Si en revanche, l’infraction est commise
sur le Rhin qui en partie sert de frontière entre la France et l’Allemagne, si l’infraction est
commise sur un fleuve qui sert de frontière, on considère que la frontière passe au milieu du
fleuve, de sorte qu’on arrive toujours à rattacher le bateau d’un côté.
Le territoire comprend également les eaux territoriales qui sont la partie d’océan allant
de la côte jusqu’à 12 miles marins donc au-delà de ces eaux, on est dans les eaux
internationales.
Le territoire est également le territoire aérien qui est la portion de l’atmosphère
au-dessus du territoire terrestre et des eaux territoriales, si une infraction est commise dans un
avion au-dessus du territoire français, on est sur le territoire français. Le législateur assimile
en quelque sorte au territoire les navires battant pavillons français et les aéronefs
immatriculés en France. L’article 113-3 du Code Pénal, « la loi pénale française est
applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou
à l’encontre de tels navires, ou des personnes se trouvant à bord en quelque lieux qu’ils
se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des navires de la
marine nationale ou à l’encontre de tels navires, ou des personnes se trouvant en bord
en quelque lieux qu’ils se trouvent ». Pour les navires de marine nationale, la loi française
est exclusive. L’article 113-4, c’est le même article mais pour les aéronefs.

L’application :
L’article 113-2 alinéa 2 dispose que « l’infraction est réputée commise sur le
territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ses
territoires ». Le Code adopte ici une conception assez large, si l’infraction est commise
intégralement en France on appliquera la loi française, mais il existe des infractions qui
supposent plusieurs éléments, c’est le cas de l’escroquerie qui en suppose au moins 2 : il faut
des manœuvres frauduleuses, une machination, une mise en scène, un mensonge, un abus de
fausse ou de vraie qualité. Mais il faut également une remise de la chose parce qu’on ne fait
pas tout cela pour le plaisir mais pour se faire remettre quelque chose. Concernant l’histoire
de la Tour Eiffel, les deux étapes s’étalent sur plusieurs mois, mais cela peut être le cas sur
plusieurs pays. La loi nous dit qu’il n’est pas nécessaire que l’infraction ait lieu en intégralité
en France, il suffit qu’un des faits constitutifs ait eu lieu en France, c’est une conception large
mais la jurisprudence adopte une conception encore plus large. La. Cour de Cassation utilise
la notion d’indivisibilité pour considérer que des faits commis à l’étranger sont indivisibles
de fait commis en France pour pouvoir ensuite juger l’ensemble des faits. Par exemple,
l’infraction de blanchiment est la dissimulation de l’origine infractionnelle d’un bien, c’est
une infraction nécessairement liée avec l’infraction d’origine, on blanchit ce qui provient de
l’infraction. Typiquement, le blanchiment est lié à une fraude fiscale qui est une infraction, un
des classiques est le fait de toucher de l’argent liquide. Le problème c’est que lorsqu’on en
touche, on se retrouve avec des valises de billets, alors il se trouve qu’on dit que la Suisse est
particulièrement agréable pour dissimuler l’argent, il y a donc une fraude fiscale suivie d’un

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blanchiment. Les poursuites ont lieu en France, la France considère que par indivisibilité au
regard du lien entre l’infraction d’origine et le blanchiment, on va pouvoir juger de la fraude
fiscale et du blanchiment.
Également, il y a la technique de l’assimilation, la Cour de Cassation considère que
des projets de crime en France justifient la compétence des juridictions françaises pour juger
de l’infraction d’association de malfaiteurs même si les auteurs sont étrangers. Par exemple,
des italiens de la mafia sicilienne qui décideraient de commettre des infractions en France
pourraient être jugés en France même s’ils sont tous italiens, puisque l’infraction en tête
aurait été localisée en France. C’est un mécanisme utilisé dans l’association de malfaiteurs de
terroristes, c’est un mécanisme qui a été utilisé contre des terroristes belges.
Un autre mécanisme est la complicité, elle suppose une infraction principale, on est
complice d’une infraction, il y a des faits de complicité et l’infraction principale, si
l’infraction principale a eu lieu en France mais que la complicité a eu lieu à l’étranger, les
juridictions françaises peuvent être compétentes pour juger l’auteur et le complice. En
revanche, si la complicité a lieu en France et l’infraction principale à l’étranger, la France ne
pourra juger que de la complicité. C’est d’ailleurs quelque chose qui n’est pas logique, on ne
peut juger le complice que si l’infraction principale est punissable en France.
Internet est le moyen de commettre des infractions tout le temps, les escroqueries sont
commises surtout sur Internet. Par exemple, certaines techniques sont faites avec une volonté
de commettre des fautes, cela est fait pour ne pas perdre de temps avec des gens intelligents.
Cela pose un problème avec la question de la territorialité, par exemple une diffamation, le
fait que l’intéressé le voit depuis un ordinateur situé en France, il y a eu une tendance à
rendre systématiquement la France compétente, c’est du fait d’une loi sur la liberté de la
presse de 1881 qui affirme la liberté et la responsabilité, elle punit donc les injures et les
diffamations. La Cour de Cassation a fixé une règle qui a été reprise par la loi, elle a affirmé
que le simple fait qu’un message soit accessible en France via Internet ne suffit pas à donner
compétence aux juridictions pénales françaises. La loi du 3 juin 2016 a intégré dans le Code
Pénal un article 113-2-1 qui donne compétence à la loi française pour les infractions
commises par Internet si la victime est situé en France, il dispose que « tout crime ou tout
délit réalisé aux moyens d’un réseau de communication électronique lorsqu’il est tenté
ou commis au préjudice d’une personne physique résidant sur le territoire de la
République ou d’une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la
République, est réputée commis sur le territoire de la République ». C’est la localisation
de la victime qu’elle soit physique ou morale qui va justifier l’application de la loi française.

2 ) La personnalité.

Le principe de territorialité est complété par un principe de personnalité qui prend en


considération la loi de la nationalité de la personne visée indépendamment du lieu où elle se
trouve, on devrait dire le principe de nationalité. Le système se dédouble selon qu’on
considère la nationalité de l’auteur soit la personnalité active ou de la victime qui est la
personnalité passive.

La personnalité active :

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L’article 113-6 du Code Pénal dispose que « la loi pénale française est applicable à
tous crimes commis par un français hors du territoire de la République. Elle est
applicable aux délits commis par des français hors du territoire de la République si les
faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ». Il faut ici distinguer
selon que l’on parle des crimes ou des délits. Pour les crimes la loi française s’applique aux
auteurs français même sans condition de réciprocité, c’est-à-dire même si le crime en
question n’est pas réprimé dans le pays où il a été commis. Pour les délits, la loi française
s’applique aux auteurs français si l’infraction est également réprimée sur le territoire
considéré, c’est ce qu’on appelle la condition de réciprocité.
Si des étudiants décident d’aller à Amsterdam et qu’ils s’égarent dans le quartier
rouge et qu’ils entrent dans un coffee shop et fument du cannabis. Au regard du droit français
cela constitue un délit mais au regard du droit hollandais ce n’est pas une infraction pénale
car il manque la condition de réciprocité.
Le Code Pénal prévoit en outre pour les délits une condition procédurale prévue par
l’article 113-8 du Code Pénal qui prévoit que la poursuite de ces délits ne peut avoir lieu qu’à
la requête du ministère public (le parquet) précédé d’une plainte de la victime ou d’une
dénonciation officielle des autorités du pays dans lequel les faits ont été commis. Il faut donc
soit une plainte de la victime soit une dénonciation officielle du ministère de la justice.
Les conditions particulières pour les délits ont posé une difficulté à propos de ce
qu’on appelle le tourisme sexuel c’est-à-dire le fait pour des français à l’occasion d’un
voyage à l’étranger commettent des infractions sexuelles sur des mineurs. S’il s’agit de viol
ça constitue un crime donc on peut poursuivre l’auteur en France assez facilement, mais s’il
s’agit d’un délit comme une agression sexuelle, corruption de mineurs, recours à la
prostitution d’un mineur… les conditions spécifiques soit la condition de réciprocité et plus
encore les conditions procédurales de l’article 113-8 pouvaient faire obstacle. Il y a des pays
dans lesquels le recours à la prostitution d’un mineur n’est pas une infraction et donc il
pouvait manquer cette condition de réciprocité. Concernant l’agression sexuelle puisqu’il y a
d’une certaine mineure le consentement du mineur, même si la question de la réciprocité était
résolue, les conditions procédurales posent un problème puisqu’il faudrait une plainte de la
victime puisque comment pourrait-on imaginer qu’un mineur dans des pays d’Asie du
Sud-Est porte plainte puisque c’est ce qui les fait vivre. Il faut également une dénonciation
officielle des autorités du pays, le tourisme sexuel constituant tout de même du tourisme,
c’est une rentrée d’argent importante.
Le législateur français a modifié le Code Pénal, l’article 227-27-1 pour la corruption
de mineurs, article 222-22 pour les agressions sexuelles et enfin 225-12-3 pour le recours à la
prostitution de mineurs. Pour ces 3 infractions, il y a les mêmes dérogations, il y a plusieurs
dérogations, tout d’abord, on va assimiler à un français un résident habituel français. La
personnalité active signifie qu’on va poursuivre un français pour des faits commis à
l’étranger, là on considère que c’est tellement grave, on considère que c’est la nationalité et le
fait de résider habituellement en France. Ensuite, il y a l’écartement de la condition de la
réciprocité. Également, les dispositions de l’article 113-8 soit les conditions procédurales sont
écartées également. Cela signifie que si un français ou un résident habituel en France va à
l’étranger pour commettre ce genre d’infractions on pourra très facilement le poursuivre,
encore faut-il être informé.

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La personnalité passive :
La personnalité passive prend en compte la nationalité de la victime, on appliquera la
loi française à une victime française même dans l’hypothèse où les faits ont eu lieu à
l’étranger. Elle est prévue par l’article 113-7 du Code Pénal qui dispose que « la loi pénale
française est applicable à tous crimes ainsi qu’à tous délits punis d’emprisonnement
commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque
la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ». S’applique également
pour les délits l’article 113-8 du Code Pénal qui est la question de la condition procédurale. Il
existe des exceptions à la personnalité passive, donc des cas dans lesquels on a une
conception extensive de cette personnalité passive.
C’est le cas notamment de l’article 222-16-2 du Code Pénal, cet article prévoit que
pour certaines infractions en matière de violence, il y a deux dérogations, tout d’abord la loi
française s’appliquera non seulement aux victimes françaises mais aussi aux victimes résidant
habituellement en France. Il y a également le fait de pouvoir écarter la condition procédurale
de l’article 113-8. Ce dispositif vise précisément l’excision, il arrive parfois que des jeunes
filles soient amenés dans leur pays d’origine ou celui de leurs parents pour être excisés et on
a du mal à appliquer le droit français. Parfois la victime n’est pas française mais elle réside en
France donc c’est pour cela qu’on a mis en place la première dérogation, mais le problème
résidait surtout concernant la procédure, il n’y a pas de plainte, et les pays dans lesquels cela
est fait autorisent souvent cette pratique. Ainsi le législateur a aménagé le Code Pénal et on a
prévu des exceptions à ce principe.

3 ) Les autres systèmes.

Il y a finalement une multitude d’autres systèmes, le premier est l’atteinte aux intérêts
fondamentaux de la Nation. C’est l’article 113-10 du Code Pénal qui dispose que « la loi
pénale française s’applique aux crimes et aux délits qualifiés d’atteinte aux intérêts
fondamentaux de la Nation. S’applique également à la falsification et à la contrefaçon
du sceau de l’Etat, ou de pièces de monnaie, ou de billets de banque, ou encore aux
infractions contre les agents ou les locaux diplomatiques ou consulaires ». C’est une sorte
de personnalité passive sauf que la victime est l’Etat, une atteinte fondamentale commise
contre l’Etat même si elle est faite à l’étranger par des étrangers, la loi française peut être
compétente.

Également il y a l’hypothèse d’un étranger extradable dont les droits ne sont pas
garantis à l’étranger, ce cas est prévu par l’article 113-8-2 qui dispose que « sans préjudice
de l’application des articles 113-6 à 113-8, la loi française est également applicable à tous
crimes ou tous délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement commis hors du
territoire de la République par un étranger dont l’extradition a été refusée à l’Etat
requérant par les autorités françaises au motif soit que le fait à raison duquel
l’extradition avait été demandée est puni d’une peine ou d’une mesure de sûreté
contraire à l’ordre public français ; soit que la personne réclamée aurait été jugée dans

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ledit Etat par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de
protection des droits de la défense, soit que le fait considéré revêt le caractère d’une
infraction politique ». Si un étranger qui commet à l’étranger une infraction grave, mais cet
étranger est en France. C’est un étranger contre un étranger à l’étranger en France, mais
l’auteur s’est réfugié en France. Normalement, c’est le pays sur lequel l’infraction a été
commise qui est compétent, éventuellement le pays de l’auteur ou bien celui de la victime,
mais pas la France. Donc, il n'y a aucune raison que la France soit compétente, ici,
normalement le pays en question va demander l’extradition de son ressortissant et
normalement il sera extradé. Mais il y a parfois des cas dans lesquels on n’extrade pas parce
que le pays en question ne respecte pas les Droits de l’Homme, les droits de la défense, parce
que le pays applique la peine de mort… la France n’extrade pas nécessairement les étrangers.
On a adopté ce texte qui permet à la France de juger, cependant ce texte n’a jamais été
appliqué. Là où il pourrait marcher ce serait en Europe, mais ce texte ne s’applique pas en
Europe puisqu’on extradé entre les pays parce que tous les pays appliquent les Droits de
l’Homme, pendant très longtemps la France a servi de réfugiés à des terroristes italiens et
notamment des brigades rouges, et notamment un terroriste qui avait assassiné le président de
Fiat.

Enfin, il existe la compétence universelle qui est un système qui permet à un pays de
juger l’auteur d’une infraction grave qui a été arrêté sur ce pays en application d’une
convention internationale. Il existe un certain nombre de conventions internationales qui sont
mentionnées par les articles 689 et suivants du Code de Procédure Pénale. On a une quinzaine
e conventions internationales notamment celle de 1984 sur la torture, de 1977 sur le
terrorisme, sur le piratage d’aéronef ou de navires. En application de ces conventions à la
condition que l’Etat ait signé et ratifié la convention en question, on pourra appliquer le
principe de compétence universelle. Par exemple, un ancien dictateur, car si c’est un chef
d’Etat la coutume international interdit de le juger ailleurs que dans son pays, comme
Pinochet vient se faire soigner en France, si le pays a signé une convention internationale de
1984 contre la torture, on va pouvoir arrêter l’intéressé et le juger au nom de la compétence
universelle et pourtant c’est un chilien qui a commis des crimes au Chili contre des chiliens.
Il existe également la Cour Pénale Internationale qui est prévue par l’article 699-10 du Code
de Procédure Pénale qui est le même principe que concernant les conventions internationales.

b - La collaboration répressive internationale.

1 ) La collaboration policière.

Pour lutter contre une criminalité transnationale, il existe de nombreux organismes de


collaboration policière, le plus connu est Interpol dont le siège est à Lyon, c’est un organe
international d’échange d’informations, de signalement, de fichages. Europol est une
coopération beaucoup plus étroite, il y a des enquêtes communes, et notamment dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme et notamment aux Pays-Basques, il y a eu des équipes
communes avec des policiers de deux nationalités.

2 ) La collaboration judiciaire.

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La collaboration judiciaire est une collaboration au niveau des juges, la première
forme est le mécanisme de l’extradition qui est un mécanisme par lequel un Etat qui est l’Etat
requérant demande à un autre Etat qui est l’Etat requis qu’on lui livre un suspect ou un
condamné, si c’est un suspect c’est pour le juger et s’il est condamné pour qu’il purge sa
peine. Bertrand Cantat a été condamné en Lituanie, il en a fait une partie et la France a fait
une demande pour qu’il exécute le reste de sa peine en France. Dans le cadre de l’Union
Européenne il y a ce qu’on appelle le mandat d’arrêt européen qui est une extradition
facilitée, il y a des règles habituelles qui au sein de l’Union Européenne sont écartées comme
normalement on n’extrade pas ses nationaux.

La seconde forme renvoie à une coopération plus étroite, plus moderne, dans un
domaine plus ciblé, c’est Eurojust qui est un mécanisme de coopération judiciaire avec des
magistrats de plusieurs pays qui échangent des informations et qui peuvent mener des
enquêtes judiciaires ensemble. Il existe ce qu’on appelle les magistrats de liaison, par
exemple un magistrat français fait la liaison entre la justice française et la justice dans le pays
duquel il se trouve. C’est un peu comme des ambassadeurs mais l’ambassadeur représente le
gouvernement, et là c’est un ambassadeur qui représente le ministre de la justice.

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CHAPITRE 2 : LA MISE EN OEUVRE DES
INCRIMINATIONS.
La légalité impose qu’un texte d’incrimination préexiste à la commission de
l’infraction. De fait, le Code Pénal, contient dans les livres II et suivants un très grand
nombre d’incriminations. Une des grandes opérations est celle du juge, parfois celle de
l’avocat, c’est celle finalement de qualifier, de choisir le texte d’incrimination applicable en
l’espèce. Le juge on lui amène des faits et lui doit déterminer la règle de droit applicable,
c’est une des question les plus compliqués du droit et particulièrement du droit pénal.

SECTION 1 - LES CLASSIFICATIONS DES


INCRIMINATIONS.
Le juge est en quelque sorte aidé par des classifications, pour affiner la qualification il
faut d’abord connaître les grandes catégories.

A - La classification des infractions d’après leur gravité.


Le tout premier article du Code Pénal est l’article 111-1 qui dispose que « les
infractions sont classées selon leurs gravités en crimes, délits et contraventions ».

1 - Le principe de la distinction.

La distinction est simple, c’est une classification tripartite, elle est simple mais peu
fréquente, beaucoup de pays distinguent seulement crimes et délits car les contraventions
relèvent dans ces pays du juge administratif. C’est une classification tripartite, elle repose sur
la gravité qui est déterminée en fonction des peines. Les crimes c’est à partir de 10 ans de
réclusion criminelle encourue, les délits c’est au maximum 10 ans d’emprisonnement
correctionnel. Ainsi, le seuil de 10 ans peut renvoyer au moins grave des crimes ou bien au
plus grave des délits, il faut regarder si le texte parle de réclusion criminelle ou
d’emprisonnement pour savoir dans quelle catégorie l’infraction se situe. La contravention ne
prévoit qu’une amende comme peine principale et dans les contraventions, elles sont classées
en 5 classes de la moins grave à la plus grave. La contravention de 5 classes va jusqu’à 1500€
hors récidive. Le principe est qu’on déduit finalement la nature de l’infraction de la peine. Ce
n’est pas quelque chose de logique, on devrait partir de la gravité du comportement pour dire
que plus ce comportement est grave plus la peine est lourde, en réalité peu importe cela
fonctionne dans les deux sens. Le législateur classe comme crimes les comportements les
plus graves et donc il sera puni d’une peine très lourde et vice-versa, quand on regarde la
peine cela permet de déterminer la nature.

2 - Les intérêts de la distinction.

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C’est la distinction fondamentale du droit pénal, en droit civil, la grande distinction
est celle entre les personnes et les biens. Tout le droit pénal général, tout le temps repose sur
cette distinction, les règles de responsabilité, les peines, la procédure, tout repose sur cela.

Au regard du droit pénal général, la tentative est toujours punissable en matière


criminelle. La tentative de délit n’est punissable que si la loi le prévoit, il existe des délits
pour lesquels la tentative n’existe pas comme la tentative d’injure. Également la tentative en
matière de contravention n’existe pas, ainsi la tentative repose encore sur cette distinction.

La complicité est une grande notion en matière de responsabilité, elle est toujours
punissable en matière de crimes et délits, la complicité en matière de contraventions n’est pas
punissable sauf en cas de provocation. Au regard de ces règles de droit pénal général, cette
distinction est essentielle.

Pour les peines, la réclusion criminelle est une peine criminelle, ainsi la réclusion est
nécessairement criminelle tandis que l’emprisonnement est correctionnel, l’amende peut
concerner les 3 catégories.

En procédure cette distinction est également essentielle, les crimes relèvent de la Cour
d’Assises ou désormais de la Cour Criminelle Départementale qui est une expérimentation
d’ordre financière et idéologique. Pour les délits ce sera le Tribunal Correctionnel, pour les
contraventions enfin c’est le Tribunal de Police.

Le délai de prescription n'est également pas le même, un an en matière de


contravention, 6 ans en matière de délits et 20 en matière de crimes sauf exceptions, certains
crimes ont un délai de prescription de 30 ans à partir de la majorité.

L’instruction est obligatoire en matière criminelle, possible mais de fait rarissime en


matière de délits et interdite en matière de contraventions.

B - La classification des infractions d’après leur nature.

1 - Infractions politiques et infractions de droit commun.

La distinction entre infraction politique et de droit commun remonte à l’ancien Code


Pénal, elle repose sur l’idée qu’il y a une sorte de noblesse à commettre une infraction
politique, c’est plus noble de se battre pour des idées que pour de l’argent. Depuis très
longtemps, le Code Pénal admet une réponse plus douce pour les infractions politiques, il y a
eu une période où on changeait très souvent de régimes politiques. En 1800 on a l’Empire,
puis on a la Restauration, plusieurs monarques différents se sont succédé, puis on a enchaîné
la République et l’Empire… on finissait toujours par être un opposant politique. Le Code
Pénal ne définissait pas ce qu’était une infraction politique, ainsi on a supprimé la peine de
mort en matière politique en 1848. C’est la jurisprudence qui a dégagé le critère de
l’infraction politique et elle a retenu un critère objectif. Elle considère donc que le mobile

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politique ne donnait pas à l’infraction son caractère politique, l’infraction était en elle-même
soit politique soit de droit commun.

Par exemple, un anarchiste Gorguloff a tué le président de la République Paul


Doumer qui était assez extraordinaire et pour lequel les français avaient un immense respect
et c’est encore plus choquant qu’il ait été assassiné car il avait 4 fils au moment de la guerre
de 1914. Il aurait pu s’arranger pour que ses fils ne fassent pas la guerre mais au contraire, ses
4 fils sont morts à la guerre de 1914 et il y avait un respect absolu pour lui. Gorguloff était un
anarchiste et au moment de tirer sur le président Paul Doumer en disant « Vive l’anarchie », il
y a bien un message politique, la question est de savoir si le mobile suffit pour déterminer une
infraction politique. Si c’est le cas, auquel cas Gorguloff n’encoure pas la peine de mort qui a
été abolie en 1848, ou bien c’est une infraction de droit commun donc il n’encoure pas la
peine de mort. La Cour de Cassation dit que le mobile est indifférent, une infraction politique
porte atteinte par ses éléments constitutifs à la chose politique, qui est nécessairement et
toujours une atteinte à la chose politique.

La fraude électorale est une infraction politique, la trahison, l’espionnage, la


participation à un mouvement insurrectionnel. Le principal intérêt de la distinction concernait
la peine de mort, elle n’existait plus en matière politique de 1848, elle a été supprimée en
droit commun en 1981, et depuis, cette différence énorme perd de son intérêt.

Il reste une différence sur les peines, les peines criminelles sont appelées réclusion, en
matière politique on ne parle pas de réclusion mais de détention criminelle. La différence
c’est que les conditions d’incarcération sont moins lourdes. Il existe en Guyane les îles du
Salut qui sont les anciens Bagnes, deux îles étaient consacrés à la réclusion criminelle et une
autre avait un régime de faveur relatif qui était l’île du Diable consacré à la détention et
lorsque le capitaine Dreyfus a été envoyé au Bagne, il était sur l’île de la détention avec un
régime moins sévère ce qui explique qu’il ait survécu à la durée du bagne.

Il y a un autre intérêt à la distinction qui concerne également l’extradition, on


n’extrade pas un délinquant politique, cela étant des infractions purement politiques il en
existe très peu puisque le terrorisme n’est pas une infraction politique, il y a un mobile
politique certainement mais cela n’est pas une infraction politique.

2 - Infractions militaires et infractions de droit commun.

a - Le contenu.

Les infractions militaires sont fondamentalement des infractions disciplinaires. Elles


ont donc un régime différent des infractions de droit commun, les infractions militaires sont
d’abord les manquements disciplinaires des militaires par exemple la désertion,
l’insoumission, l’abandon de poste ou le refus d’obéissance. Il y a également des infractions
commises par des civils lorsqu’elles constituent des atteintes à la chose militaire ou à la
défense nationale, les civils qui sont utilisés par l’armée peuvent être jugés, c’est le cas du vol

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d’une chose militaire typiquement le vol d’une arme ou de munitions est une infraction
militaire.

b - Les intérêts.

Il existe des juridictions spécialisées pour les infractions militaires et en temps de


guerre ce sont même des juridictions très spécialisées, ce sont les juridictions des forces
armées, en temps de paix c’est le Tribunal Correction spécialisée en matière militaire. Il y a
des peines spécifiques à la chose militaire, par exemple la destitution ou la perte du grade.

3 - Infractions de terrorisme et infractions de droit commun.

Le développement du terrorisme dans les années 1980 a conduit à l’adoption de lois


rigoureuses en matière de terroriste. On a du définir ce qu’était le terrorisme, la définition du
terrirusle est définie à l’article 421-1 du Code Pénal : « Sont qualifiés de terroristes les
infractions suivantes : atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l’intégrité de
la personne, enlèvement ou séquestration, détournement d’avion ou de navires, vol,
extorsion, destruction, dégradation… dès lors qu’elles sont commises
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour
but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». L’intérêt de
la distinction ici réside dans les peines qui sont aggravés en matière de terrorisme, cela
constitue une circonstance aggravante. Le meurtre est punissable de 30 ans de réclusion
criminelle, le meurtre terroriste est punissable de la réclusion criminelle à perpétuité. La
participation à un groupement terroriste constitue en soi un délit. Néanmoins, le droit prévoit
un système de réduction de peine voire d’exemption de peines lorsqu’un terroriste aura
permis de limiter les conséquences d’une infraction ou d’empêcher la commission de
l’infraction. En fait, c’est en quelque sorte une prime au repenti, le système français a copié
cela sur le système italien qui a développé cela dans la lutte contre la mafia, si quelqu’un a
participé à la pose d’une bombe dans une station de métro et qui finalement appelle une heure
avant en disant qu’il faut évacuer la bombe et qui empêche que des vies soient atteinte ; et s’il
désamorce la bombe et livrerait ses camarades il y aurait une exemption de peine.

Également sur un terrain procédural, le terrorisme permet des enquêtes beaucoup plus
rigoureuses et efficaces : perquisition sans l’accord des intéressés. Normalement quand une
perquisition intervient il faut l’accord mais ici on n’a pas besoin de l’accord. Également la
garde à vue est censée être de 24h renouvelable une fois, en matière de terrorisme c’est 48h
renouvelable deux fois. L’assistance par un avocat peut être retardé en matière de terrorisme.
La procédure est également centralisée à Paris, c’est le procureur de la République de Paris
qui parlait car la lutte contre le terrorisme est centralisée. La Cour d’Assises du terrorisme est
composée que de magistrats afin d’éviter des pressions sur les jurés.

On a mis en place un fond d’indemnisation des victimes d’infraction et d’actes de


terrorisme qui accorde aux victimes une indemnisation et qui le cas échéant se retourne
contre l’auteur. C’est un fond qui prélève sur chaque contrat d’assurance une partie pour
indemniser la victime.

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4 - Criminalité organisée et infractions de droit commun.

La criminalité organisée a d’abord été reconnue en criminologie, on s’est d’abord


intéressé à la criminalité organisée, on s’est intéressé à la mafia et à toutes ces organisations
criminelles. C’est une criminalité souvent grave, très diversifiée et souvent transnationale. La
loi du 9 mars 2004 a précisé ce qu’étaient les infractions relevant de la criminalité organisée,
a défini juridiquement la criminalité organisée pour lui appliquer un régime juridique. Le
Code de Procédure Pénal détermine deux catégories d’infractions relevant de la criminalité
organisée.

La première catégorie est celle de l’article 706-73 qui donne une liste de 15
infractions impliquant nécessairement une pluralité d’auteur à savoir : meurtres commis en
bande organisée, trafic de stupéfiants, crimes et délits aggravés de proxénétisme, blanchiment
et resell de blanchiment des infractions précédentes, crimes et délits de terrorisme, vol en
bande organisée, crime aggravé d’extorsion, enlèvement et séquestration, associations de
malfaiteurs.

Il existe une liste à l’article 706-74, qui renvoie à toutes les autres infractions du Code
Pénal en cas de bande organisée.
Définir la criminalité organisée n’est pas fait d’une grande précision, le Conseil
Constitutionnel a dégagé lui-même sa définition, c’est au moins 3 personnes dont un chef et
deux exécutants. C’est différent de réunion qui est 2 personnes ou plus. Le premier intérêt
c’est que cela constitue une circonstance aggravante, les peines sont augmentées de plusieurs
crans, le vol simple est puni de 3 ans, le vol en bande organisée est de 14 ans. Le meurtre en
bande organisée est la réclusion à perpétuité. Il existe le mécanisme d’exemption et de la
réduction de peine dans les mêmes conditions qu’en matière de terrorisme, lorsqu’on a
empêché la commission de l’infraction ou lorsqu’on a limité ses effets.

Sur un plan procédural, la criminalité organisée permet des enquêtes plus coercitives,
plus sévères. On peut très facilement mettre quelqu’un sur écoute ou recourir à l’IMSI
Catcher, c’est l’Interception de données informatiques. Il existe des juridictions
interrégionales spécialisées, des procureurs spécialisés, des juridictions de jugement
spécialisées. On peut faire des perquisitions en dehors des heures habituelles, on peut
sonoriser, l’infiltration…

La criminalité organisée est un ensemble d’infractions extrêmement grave, c’est aussi


une manière de contourner la procédure pénale de droit commun, il arrive souvent qu’on
ouvre une instruction judiciaire en disant qu’il y avait une bande organisée pour permettre à
l’instruction d’aller en profondeur.

SECTION 2 - LE CHOIX DES INCRIMINATIONS :


L’OPÉRATION DE QUALIFICATION.

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La légalité criminelle pénale conduit le juge à appliquer l’incrimination prévue par la
loi, seulement celle-là et aucune autre. C’est ce qu’on appelle l’opération de qualification,
cette qualification des faits est l’opération intellectuelle qui permet d’appliquer la règle
nécessairement abstraite et générale au cas qui lui est concret et particulier de l’espèce. La
qualification permet de déterminer le texte applicable, l’incrimination applicable, c’est une
opération indispensable. Cela fait le lien entre le fait et le texte, elle est essentielle mais
délicate en raison des contraintes.

La première contrainte est l’interprétation stricte de la loi pénale, il faut déterminer le


texte mais d’un autre côté, il y a l’inflation législative considérable, il va falloir déterminer le
texte au milieu d’un nombre considérable de textes. C’est une opération en plus très lourde de
conséquences, la qualification va entraîner le régime juridique, une fois que vous aurez
déterminé l’incrimination, vous aurez déterminer les peines encourues, le régime procédural.
Il faut imaginer le juriste confronté à un immense placard, de nombreux tiroirs et il doit
déterminer quel est le bon tiroir.

A - Le choix entre les qualifications en concours.


Pour choisir il y a plusieurs principes préalables, tout d’abord la qualification est fixée
en fonction du moment où les faits ont été commis indépendamment d’un changement de
situation ultérieur. Pour qualifier on va prendre en compte le moment où les faits ont été
commis même si factuellement cela change après.

Également, on doit choisir la qualification qui correspond le plus exactement aux faits
de l’espèce, celle qui est la plus proche des faits qui peut les englober en entier. Cela signifie
que le juge a l’obligation d’examiner toutes les qualifications possibles, donc de les
connaître, et de choisir celle qui est la plus adaptée. Cela signifie également qu’en cours de
procédure, la qualification peut évoluer lorsque les mêmes faits peuvent être requalifiés.
Parfois dans un sens ou dans un autre, parfois on écarte une circonstance aggravante,
finalement l’instruction montre qu’il n’y avait pas de criminalité organisée. Mais cela peut
être aussi dans l’autre sens, à chaque étape on va regarder la qualification.

1 - Les critères du choix de la qualification.

Le concours entre plusieurs qualifications n’est souvent qu’apparent, le Code Pénale


et la jurisprudence permettent de souvent de choisir, il y a par exemple des qualifications
incompatibles et parfois des qualifications redondantes.

a - Qualifications incompatibles.

Parfois on a 2 qualifications envisageables, mais il faut choisir, ces deux


qualifications sont incompatibles, c’est donc l’une ou l’autre.

1 ) Incompatibilité juridique.

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L’incompatibilité est parfois juridique, par exemple un homicide est soit volontaire
soit involontaire. C’est l’aspect le plus évident, ce sont des qualifications alternatives.

Parfois cela est plus délicat et l’incompatibilité entre deux qualifications va donner
lieu au choix d’une troisième qualification. On hésite entre deux qualifications, et finalement
on ne retiendra aucune des deux, mais une 3ème qui est le fruit des 2 premières. Par exemple,
le vol d’un côté et d’un autre il y a eu des violences, on ne retient ni l’un ni l’autre mais le vol
avec violence qui est un vol aggravé.

2 ) Incompatibilité psychologique.

L’incompatibilité peut être psychologique, dans ce cas-là, c’est l’étude de la


psychologie de l’agent qui permet de choisir la qualification. Par exemple, il serait absurde de
reprocher à quelqu’un des coups et blessures et non-assistance à personne en danger, il faut
choisir l’infraction qui a été voulue, psychologiquement choisie. La question s’est posée de
savoir si on pouvait cumuler ou s’il fallait choisir entre le vol et le recel, le recel est la
détention d’un bien qui provient d’une infraction pénale. Si on vole un ordinateur, forcément
dès l’instant où on le prend on le détient donc il y a recel, ce serait absurde de cumuler les
deux, il faut donc choisir et on retient dans ce cas-là le vol et pas le recel car l’intéressé a
voulu voler.

Mais, on sent que cela est limite, la question s’est posée de savoir si on pouvait retenir
le blanchiment et l’infraction à l’origine du blanchiment, donc si on pouvait retenir
l’auto-blanchiment, le blanchiment est la dissimulation de l’origine frauduleuse d’un bien,
notamment une somme d’argent. On blanchit quelque chose qui provient d’une infraction,
l’hypothèse la plus fréquente est le blanchiment de fraude fiscale, si on est chirurgien
esthétique avec une grande clinique et à l’occasion on ne déteste pas recevoir de l’argent
liquide donc on se retrouve à la fin du mois avec des grosses sommes en liquide. Soit on peut
cacher cela, quand cela constitue un certain volume, cela est embêtant de garder autant
d’argent, certains endroits semblent plus accueillants comme la Suisse, Monaco, Andorre, les
Îles Caïman, et discrètement on fait un blanchiment d’argent. On ouvre donc un compte en
Suisse, il y a donc fraude fiscale puisque cet argent n’a pas été déclaré et en plus on fait du
blanchiment. La question est de savoir si on peut poursuivre en même temps l’infraction
d’origine et le blanchiment, certains disent que c’est le cas du recel et du vol et la Cour de
Cassation a dit qu’on peut poursuivre pour les deux chefs d’inculpation. Également, on ne
peut pas cumuler le meurtre et le recel de cadavres.

b - Qualifications redondantes.

1 ) Qualification générale et spéciale.

Une qualification est redondante lorsqu’elle recouvre exactement des faits déjà
inclus dans une autre qualification, c’est le cas de la qualification générale et de la
qualification spéciale, l’hypothèse classique est le meurtre et l’assassinat. Le meurtre est le
fait de tuer quelqu’un avec l’intention, l’assassinat est un meurtre avec préméditation. Ainsi,

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s’il y a préméditation on retiendra l’assassinat puisque c’est le principe de spécialité qui
l’emporte.

2 ) Qualification large et partielle.

Parfois, il faut choisir entre une qualification large et une qualification partielle, il
arrive que les mêmes faits constituent à la fois une infraction autonome et l’élément
constitutif ou la circonstance aggravante d’une autre. De manière générale, il faut choisir la
qualification qui recouvre l’intégralité des faits. Par exemple, on retiendra le vol avec
effraction et pas seulement le vol ou seulement l’effraction.

Il y a un cas plus compliqué, le délit de risque causé à autrui, ça constitue un délit


particulier (Article 123) qui consiste à exposer autrui à un risque très grave aux termes d’une
faute de mise en danger délibéré. Concrètement, le délit de risque causé à autrui est celui qui
consciemment expose l’autre à un risque, il y a une faute assumée mais on ne recherche pas
le dommage, c’est celui qui fait un pari avec quelqu’un pour faire 2 kilomètres en sens
inverse. A l’occasion de cette faute, il peut arriver qu’il y ait un dommage, c’est même assez
prévisible, il peut y avoir la mort de quelqu’un. Ainsi, la question est de savoir s’il faut retenir
homicide involontaire, délit de risque causé à autrui ou les deux, c’est homicide involontaire
car il permet d’englober la totalité.

On retiendra la qualification large et non pas la qualification partielle.

2 - Les modalités du choix de la qualification.

Il se pose la question de la détermination de la qualification et ensuite l’évolution de


la qualification.

a - La détermination de la qualification.

1 ) Le moment pris en compte.

Deux questions se posent ici, il y a tout d’abord la question de savoir quel est le
moment qui est pris en compte pour la qualification, la qualification est appréciée au temps
de l’action, au moment des faits. Il y a en quelque sorte une cristallisation de la qualification
au moment où les faits ont lieu. Parfois, les faits peuvent évoluer, l’hypothèse classique est
celui qui commet un vol, il prend un CD à la FNAC, il le sort et il regrette son acte, la
conscience le rattrape et il le ramène, c’est ce qu’on appelle du repentir actif, cela n’efface
pas l’infraction, juridiquement le vol est constitué. La qualification, l’appréciation des faits se
fait au moment de l’action peu importe les faits qui suivent et peu importe si la situation
factuelle disparaît après. Peu importe l’évolution du droit avec une réserve qui est la règle de
la rétroactivité, la qualification s’apprécie au temps de l’action.

Un des grands exemples en la matière est la non-représentation d’enfant, c’est le fait


de ne pas amener dans le cadre d’un divorce avec une garde alternée de ne pas remettre les
enfants à l’autre parent voire de s’opposer, celui qui fait cela commet une infraction pénale,

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quand bien même quelques temps plus tard une décision lui donnera la garde exclusive, au
temps de l’action il y a eu non-représentation.

2 ) Le décideur.

L’autre question est l’établissement initial de la qualification, qui va choisir, le plus


souvent c’est le parquet qui va déterminer la qualification. En pratique, il y a dans chaque
Tribunal un parquet avec un certain nombre de magistrats, à la tête il y a le procureur de la
République. Il y a dans chaque parquet le Traitement en Temps Réel, un magistrat dans un
bureau qui a des écouteurs sur les oreilles, un micro derrière un ordinateur, il reçoit des
appels de la gendarmerie lui disant qu’on vient d’appréhender quelqu’un et toute la journée il
oriente les affaires. La qualification initiale est généralement déterminée par un magistrat et
en principe par le magistrat du parquet.

Il est possible que la qualification initiale soit fixée par la victime, dans le cadre d’une
plainte avec constitution de partie civile, parfois c’est aussi la victime dans le cadre d’une
plainte simple adressée au parquet.

La qualification initiale est celle qu’on va retenir au tout début, et c’est important
parce que tout repose sur la qualification, il faut savoir dans quelle catégorie l’action sera
mise. La qualification va être fixée dans les tout premiers temps de l’enquête par une plainte,
par la dénonciation, par le déclenchement des poursuites.

b - L’évolution de la qualification.

La qualification débute à un moment précis, le parquet ou une victime vient dire


quelle est la qualification. Mais, cette qualification peut évoluer parce que le juge est tenu de
donner aux faits leur véritable qualification et donc le juge a la possibilité de requalifier les
faits. Le juge doit trouver la qualification la plus adaptée et le cas échéant il pourra écarter
une qualification au profit d’une autre. Dans certains dossiers on peut hésiter et une des
fonctions du juge d’instruction est justement de trouver la qualification qui sera transmise à la
juridiction de jugement.

Par exemple, un jour on retrouve chez lui quelqu’un nu roulé dans son matelas et mort
étranglé. Lorsque les policiers arrivent, on défait le matelas, très rapidement il est établi qu’il
a été étranglé mais aussi rapidement on trouve l’auteur. En fait, il y a deux explications
possibles : le suspect donne une explication, il explique que c’est un jeu homosexuel
sado-maso qui a mal tourné et donc pour perdre les enquêteurs en partant il a volé le
téléphone, l’ordinateur, et notamment les biens susceptibles de laisser des traces et les a jetés.
L’autre version est celle de la famille qui dit qu’il n’était pas homosexuel et on n’y croit pas
trop et on se demande si cela n’est pas plutôt un crime crapuleux maquillé en jeu. On peut
alterner d’une qualification à l’autre, cela est compliqué jusqu’à la reconstitution. D’un point
de vue technique, une des théories est les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort
sans intention de la donner, on encourt 15 ans. L’autre c’est meurtre maquillé par la suite,
donc homicide volontaire avec intention de tuer, et là c’est 30 ans si on ne retient pas de

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circonstance aggravante. Lors de l’instruction, au départ il avait été retenu coups et blessures
volontaires. Lors de la reconstitution, il y avait des policiers présents, l’accusé aussi, le
médecin-légiste, un procureur, un greffier, la famille… Le suspect montre comment il a fait,
et puis tout le monde est autour et le médecin-légiste dit que ce qu’on vient de montrer est
vrai mais pas seulement, car pour tuer quelqu’un en l’étranglant, il y a un os qui chez les
hommes est plus marqué, quand on serre il y a une fracture. Cependant on ne meurt pas à ce
moment-là, quand on étrangle la victime meurt par étouffement car lorsque l’os est cassé,
l’air ne passe plus, mais s’il avait mis un coussin c’était exactement pareil, quand on serre et
que cela craque il faut continuer à serrer 5 minutes, la qualification était retenue, c’était
meurtre.

1 ) Les raisons de l’évolution.

La qualification se trouve dans l’acte de saisine qui servira à saisir le juge, et puis la
qualification peut évoluer en fonction de l’instruction et elle peut évoluer également en
fonction de l’audience, en cours d’audience on peut changer de qualification, une des
techniques extrêmement classique est la technique de la correctionnalisation. Volontairement
on écarte une circonstance aggravante et un crime devient un délit, ou alors on oublie une
partie des faits, le domaine dans lequel c’est le plus utilisé est en matière sexuelle, on
correctionnalise des viols en agression sexuelle, la qualification peut évoluer tout au long de
la procédure.

2 ) Les barrières de la requalification.

La jurisprudence a mis en place des barrières, la requalification doit nécessairement


s’accompagner de la possibilité de s’exprimer sur la nouvelle qualification, on peut changer
de qualification mais il faut que tout le monde ait la possibilité de s’exprimer sur la nouvelle
qualification, il faut que les droits de la défense soient parfaitement respectés. Lorsque le juge
d’instruction dit que c’est une qualification, il va le dire à toutes les parties et on va pouvoir
contester cette requalification, on va recueillir l’avis de tout le monde.

Autre chose, le juge ne peut jamais tout seul étendre les faits dont il est saisi, une fois
qu’il est saisi il ne peut pas étendre lui-même sa saisie. Si en cours de procédure la saisine du
juge est élargie, c’est à la condition soit qu’il y ait un acte de saisine complémentaire du
parquet, soit que le mis en cause donne son accord ce qui n’est pas forcément le cas. Elle peut
évoluer durant toute la procédure, dans un certain cadre avec un certain degré de contraintes.

B - Le concours idéal de qualifications.


Il arrive parfois que la détermination de la juste qualification ne soit pas possible
parce que les différentes qualifications en présence semblent chacune pleinement applicables.
On est alors dans la situation délicate du concours idéal de qualifications. Le concours idéal
est appelé comme cela parce qu’il est purement juridique, en fait, c’est l’hypothèse où
plusieurs qualifications sont applicables à une action unique. Le concours idéal de
qualification doit être distingué du concours réel d’infraction. Dans le concours idéal de

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qualification, il s’agit de plusieurs qualifications applicables à une seule et même action.
Dans le concours réel d’infraction, il s’agit de plusieurs infractions différentes mais qui vont
être jugés en même temps, le lundi un vol, le mardi un abus de confiance, le mercredi une
escroquerie, ce sont des faits différents.

Dans le concours idéal de qualification la question est donc de savoir si on retient une
seule qualification et laquelle en espèce ou si de manière un peu exceptionnelle on peut
retenir plusieurs qualifications. Par exemple, le jet d’une grenade explosive à l’intérieur d’un
café, c’est un vieil acte terroriste qui avait à la fin des années 1950 au moment de la guerre
d’Algérie. Ce fait là, il y a un seul geste, elle détruit le café et surtout détruit des gens. On
retient la destruction de biens, le meurtre, ou les deux, c’est la question du concours idéal de
qualification. La jurisprudence retient en principe l’unité de qualification.

1 - Le principe de l’unité de qualification.

En principe, un fait matériel unique donne lieu à une seule qualification et donc une
seule déclaration de culpabilité. C’est le principe et la jurisprudence se rattache parfois à la
règle non bis in idem, parfois elle ne vise pas ce principe et se contente de dire qu’une seule
action ne peut faire l’objet de qualifications distinctes et de peines séparés. Le principe est
donc une action une qualification, la jurisprudence précise que le fait unique doit être réprimé
sous sa plus haute expression pénale.

Le choix de la qualification est donc le choix qui correspond à l’expression pénale la


plus élevée, le Conseil Constitutionnel dans une décision de 2002 a précisé qu’en vertu de
l’article 8 de la Déclaration de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et
évidemment nécessaires. Le principe de proportionnalité qui en découle implique que lorsque
plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d’un seul et même
fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé. On doit donc
rechercher la peine la plus lourde quand on ne sait pas faire autrement. A égalité de peine, on
retiendra plutôt l’infraction fine que l’infraction moyenne. Par exemple, lorsqu’on se sert
d’un chèque sans provision pour faire une escroquerie, on retiendra l’escroquerie plutôt que
l’émission de chèque sans provision. Cela signifie qu’on ne retient à la fin qu’une seule
qualification, on ne retient qu’une qualification et donc seul les peines prévues par le texte
sont applicables. Dans le concours réel il y a plusieurs déclarations de culpabilité.

Dans le concours idéal, on a 2 qualifications applicables, on a fait toutes les


techniques habituelles et on n’arrive pas à déterminer pourquoi plus l’une que l’autre. On
recherche celle qui sera la plus sévèrement punie, il y aura une seule déclaration de
culpabilité et les peines encourues sont celles de la qualification retenue. Quand on retient
une seule qualification, celle écartée est écartée définitivement, elle n’existe pas et pour
toujours.

Dans le concours réel d’infraction, si quelqu’un commet le lundi un abus de


confiance, le mardi une escroquerie et puis il est jugé pour l’ensemble, il sera jugé en une fois
mais on va en profiter pour le juger pour le tout. Il y aura donc plusieurs déclarations de

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culpabilité et aux Etats-Unis, on cumule les peines ce qui fait qu’on peut arriver à des peines
étranges comme 428 années de prison. Dans le système français, il y a le principe de
non-cumul des peines sauf pour les contraventions, il y aura une condamnation pour
escroquerie et abus de confiance, la peine encourue sera le maximum légal par catégorie de
peine indépendamment de l’infraction retenue.

Imaginons une infraction A qui prévoit 3 ans et 1 million d’euros d’amende,


infraction B 5 ans et 100.000 euros d’amende. Si on est dans le concours idéal, on retient
qu’une seule qui est l’infraction B, si en revanche, on est dans le concours réel il y aura 2
déclarations de culpabilité et les peines encourues sera le maximum par catégorie de peines,
donc le maximum d’emprisonnement et le maximum de l’amende soit il est encouru 5 années
de prison et 1 million d’amende.

Le concours idéal de qualification donne lieu à une seule qualification.

2 - L’exception : la pluralité de qualifications.

Ici, on va voir les cas heureusement assez rares dans lesquels on passe d’un concours
idéal de qualification à un cumul idéal de qualifications. Il y a des cas exceptionnels dans
lesquels on va cumuler les deux qualifications encourus, on va être dans un cumul idéal de
qualifications. On est dans un cas où on a un seul fait, il y a plusieurs qualifications mais
certains cas dans lesquels on va retenir les deux qualifications.

a - Pluralité d’atteintes à des valeurs sociales protégées.

Lorsqu’une activité matérielle unique tombe sous le coup de plusieurs qualifications


et révèle une atteinte à plusieurs valeurs sociales protégées différentes, on retient une pluralité
de qualifications. C’est la solution qui résulte de l’arrêt Ben Haddadi, c’est un arrêt de 1960
et qui concerne précisément le jet d’une grenade dans un café. C’est un des grands arrêts du
droit pénal, cette solution permet de donner aux faits toute leur expression pénale, de prendre
l’ensemble des faits et de l’expression pénale. Celui qui jette une grenade dans un café a
détruit le café et des meurtres, dans ce cas-là, on va cumuler les deux qualifications auquel
cas on va avoir un cumul idéal de qualification et ce cumul de qualification va donner lieu à
un concours réel d’infraction c’est-à-dire qu’on va faire comme s’il y avait deux infractions
en même temps. Dans l’arrêt on retient destruction de bien et meurtre, il va y avoir deux
déclarations de culpabilité, il a été condamné pour les deux chefs d’inculpation et ensuite au
niveau de la peine on va prendre catégorie de peine par catégorie de peine, on retiendra pour
l’amende la destruction de biens notamment.

Ce système repose sur les valeurs sociales protégées donc cela veut dire qu’il faut
d’abord rechercher les valeurs sociales protégées et regarder derrière les qualifications la
valeur protégée en question. Par exemple, derrière l’homicide c’est la vie qui est protégée,
derrière la destruction de bien c’est la propriété qui est en cause, parfois cela peut être
l’honneur notamment dans la diffamation.

60
Il faut regarder au cas par cas, quelqu’un qui jette une grenade et qui pêche à la
grenade, il jette sa grenade dans une rivière, elle explose tous les poissons ressortent et ils
ramassent, mais en même temps il blesse un baigneur, typiquement il y a atteinte à deux
valeurs sociales protégées, il y a une atteinte à l’intégrité physique et une atteinte à
l’environnement on retiendrait sans doute aujourd’hui on jugerait un cumul idéal de
qualification.

b - Pluralité de victimes.

On est en présence d’un seul fait matériel unique, normalement fait matériel unique
renvoie à une qualification unique. Lorsque ce fait matériel unique a occasionné des blessures
de gravité inégale à des victimes différentes, concrètement, il y a des blessures
correctionnelles sur quelqu’un (délit) et des blessures contraventionnelles (contravention).
Donc quelqu’un qui jette une grenade, dans le café il y a 2 personnes, une qui est grièvement
blessé ça constitue un délit et quelqu’un reçoit des éclats, c’est une contravention. Le principe
qu’on a vu est qu’un seul fait donne lieu à une seule qualification donc on devrait choisir la
plus lourde, on devrait ainsi retenir délit de blessure volontaire, mais celui qui a subi une
contravention, lui on dirait alors qu’il n’est pas victime, il serait victime de rien et n’aurait
pas droit à réparation. La jurisprudence a fait une autre exception, dans ce cas précis on va
retenir les deux qualifications, blessure volontaire correctionnel et contraventionnel. A
l’audience, il y aura une double déclaration de culpabilité, une juridiction peut juger les
infractions qu’il y a en dessous, il y aura une seule audience devant le Tribunal Correctionnel.
Donc, on se retrouve comme tout à l’heure en situation de cumul idéal de qualification et on
va avoir les deux infractions, comme dans le concours d’infraction.

61
TITRE 2 - LES ÉLÉMENTS DE L’INFRACTION.
L’infraction est la violation de la loi pénale, en fait, l’infraction est composée de 2
éléments. Le premier élément est l’élément matériel, une infraction est le fait de faire quelque
chose ou de ne pas faire quelque chose qu’il aurait fallu faire. Tous les textes commencent
par « le fait de », c’est toujours un comportement matériel, il y a toujours l’action. Une des
grandes spécificités de la matière pénale est que l’infraction suppose nécessairement une
faute. En droit civil, il y a tous les mécanismes de responsabilité civile sans faute, en droit
civil on l’admet largement. En droit pénal on est responsable que par sa faute, sachant que la
faute est majoritairement l’intention, il y a quelques cas où cela peut être l’imprudence.

CHAPITRE 1 : L’ÉLÉMENT MATÉRIEL DE


L’INFRACTION.
L’infraction exige un fait, une matérialisation d’un acte, une extériorisation du
comportement, c’est ce qu’on va appeler l’élément matériel. Pour aborder cela, on distingue
la matérialité de l’acte et le résultat de l’acte.

SECTION 2 - MATÉRIALITÉ DE L’ACTE.


On va distinguer ici la nature de l’acte, puis la durée de l’acte.

A - Nature de l’acte.
L’élément matériel peut consister en une action ou une omission, et puis l’élément
matériel peut se traduire par un seul acte ou au contraire une pluralité d'actes.

1 - Infractions de commission et d’omission.

a - Contenu de la distinction.

1 ) La commission.

Dans l’immense majorité des cas, les comportements infractionnels sont des actions,
des comportements positifs, des comportements visibles. Par exemple, l’homicide est
caractérisé par le fait d’enlever la vie, le vol est caractérisé par la soustraction de la chose
d’autrui, ce sont des infractions de commission, on fait quelque chose. Ce sont des infractions
où la matérialité est visible et la matérialité est très clairement le fruit d’une volonté.

2 ) Omission.

Si quelqu’un ne tue pas la victime mais la laisse mourir, que faire dans ce cas-là. Sous
l’ancien droit, on assimilait l’omission à la commission. Une formule de Loisel qui disait que
« qui peut et n’empêche, pêche ». Ce qu’il disait ici c’est que celui qui laissait mourir était

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aussi coupable que celui qui tuait, en d’autres termes on assimilait l’omission à la
commission. Puis, la Révolution Française arrive et le principe de la légalité, la légalité et
l’interprétation stricte ont conduit à abandonner la commission par omission. Le meurtre est
le fait d’enlever la vie, ainsi, il n’a pas enlevé la vie donc on ne peut pas punir à ce titre. A la
Révolution, on rejette la commission par omission, donc les infractions sont à 99,99% des cas
des infractions de commission.

Mais, il existe quelques infractions (une dizaine) où le législateur a incriminé


spécialement l’omission. On n’assimile pas l’omission, on vient créer un texte spécial pour
punir l’omission, une de ces incriminations les plus connues est l’omission de porter secours,
c’est la non-assistance à personne en danger. Il y a eu à la fin du XIXème siècle une affaire
très célèbre, l’affaire de la séquestrée de Poitiers et cela a donné lieu à un arrêt de la Cour
d’Appel de Poitiers en 1901 Canson, son héritier direct ne l’avait pas tué mais l’avait laissé
mourir et elle est morte de faim. En fait, ce n’est pas un meurtre et à l’époque il n’y avait pas
le délit d’omission de porter secours, et donc on était embarrassé mais on n’a pas condamné
l’héritier, on ne pouvait pas le condamner. En revanche, ce qu’on a fait on a créé un texte
dans le Code Pénal, mais ce texte est une loi pénale de fond qui n’a pas pu rétroagir.

Depuis, on a allongé la liste de ces infractions d’omission, il y a également l’omission


de combattre un sinistre, par exemple un feu prend à côté et on a un extincteur, il y a la
non-dénonciation de crime ou de mauvais traitement, le refus de témoigner en faveur d’un
innocent.

b - Intérêts de la distinction.

Cela signifie que sauf texte spécial, les infractions sont donc d’abord des infractions
de commission et d’une part il n’existe pas de commission par omission et quand on a un
doute sur une infraction car elle n’est pas bien écrite, en cas de doute c’est nécessairement
une infraction de commission. La question s’est posée à propos du délit de risque causé à
autrui, on s’est demandé ce que c’était, la jurisprudence a précisé que ce délit consiste comme
son nom l’indique à exposer autrui à un risque, c’est donc une infraction de commission, il
faut faire quelque chose qui expose autrui à un risque. Le fait de ne rien faire n’est pas
punissable sur ce terrain.

Également, concernant la complicité qui est le fait de s’associer à l’infraction


commise par autrui et donc la complicité suppose normalement un acte positif, une action,
une commission. On dit normalement car la jurisprudence a parfois adopté des solutions
diverses, le fait d’être dans une rame de métro et de voir une jeune femme se faire agresser et
de ne pas bouger ne rend pas complice de l’infraction, cependant il peut y avoir
non-assistance à personne en danger.

2 - Acte unique ou multiple.

a - Contenu de la distinction.

63
1 ) Infraction simple.

Il y a plusieurs sortes d’infractions en fonction du nombre d’éléments. Il y a ce qu’on


appelle les infractions simples, une infraction simple est composée d’un seul fait matériel,
c’est le cas du vol, le meurtre.

2 ) Infraction complexe.

A l’inverse, il y a des infractions complexes, ce sont des infractions dont la matérialité


suppose au moins 2 éléments, au moins 2 faits, l’exemple le plus simple est l’escroquerie
puisqu’elle suppose au moins 2 éléments : premier fait ce sont des manœuvres frauduleuses,
ou un mensonge, ou l’usage d’une fausse de qualité ; et puis il faut également une deuxième
étape, il faut la remise d’un bien.

3 ) Infraction d’habitude.

Et puis, il y a une 3ème catégorie, ce sont les infractions d’habitude, il y a dans ces
infractions la répétition d’un fait identique qui pris isolement n’est pas une infraction pénale,
ce qui en fait une infraction c’est la répétition. Les infractions d’habitude les plus courantes
sont toutes les infractions d’exercice illégale de la profession de médecin, le fait de soigner
quelqu’un sans être titulaire du doctorat de médecine et même de se faire payer pour cela. La
première fois ce n’est pas une infraction, mais à partir de la deuxième cela en devient une.

b - Intérêts de la distinction.

1 ) La prescription d’action publique.

Le premier intérêt concerne la prescription et notamment la prescription d’action


publique, la prescription du droit de poursuivre au bout d’un certain temps. En matière
d’infraction simple, le point de départ est le lendemain des faits, pour une infraction simple
c’est très facile de déterminer le jour où l’infraction a été commise.

Pour les infractions complexes on a au minimum deux faits, généralement ils n’ont
pas lieu au même moment, dans l’escroquerie, on a souvent plusieurs faits de manœuvre
frauduleuse pour amener ensuite à un autre fait qui peut arriver des mois après, la remise d’un
bien. Par exemple, quelqu’un fait construire un chalet à Chamonix, il passe par un promoteur
d’immobilier, il est anglais et n’est pas sur place donc quelqu’un lui fait le relais qui est un
voisin, et puis tous les mois il fait un virement sur le compte bancaire du promoteur pour
l’avancement et puis là en fait c’est juste avant un gros week-end donc il reçoit un mail lui
disant qu’il y a une audit et donc la comptabilité sera figée et donc simplement le virement
devrait être fait sur un compte spécial. L’homme en question prudent demande si le banquier
habituel peut faire une attestation comme quoi cela est normal, et directement l’attestation
arrive signée du directeur de la banque. Et puis, il fait son virement et évidemment il arrive
sur un compte et l’argent disparaît, et il reçoit un mail de la banque habituel en disant qu’il
n’a pas versé et il commence à comprendre. Les escrocs avaient pris possession de tous les
ordinateurs et savaient tout et il s’est fait escroquer mais cela a pris du temps puisqu’il y a eu

64
un travail préparatoire. La prescription commence à partir du dernier acte, dans les infractions
d’habitude, à chaque fois qu’il y a un nouveau fait on reporte le délai.

2 ) La loi dans l’espace de la territorialité.

Il y a également un intérêt du point de vue de la loi dans l’espace et de la territorialité,


il suffit qu’un seul fait ait été commis en France pour que la loi française soit applicable, et
c’est le cas en matière de compétence territoriale, dans une infraction simple cela est facile,
dans une infraction complexe cela est plus compliqué, on peut retenir le lieu des manœuvres
comme le lieu de la remise du bien et la victime choisira ce qui l’arrange.

B - Durée de l’acte.
L’élément matériel peut se faire en un instant ou au contraire s’inscrire dans la durée
et donc on va distinguer le contenu de la distinction et les intérêts de la distinction.

1 - Le contenu de la distinction.

Les infractions instantanés sont celles dont la matérialité se fait en un instant, le


meurtre en fait partie, on peut déterminer à la minute près l’heure précise de la mort, le vol
également.

Il existe des infractions dont la matérialité suppose nécessairement la durée, le recel


est une infraction qui est constituée par la détention d’un bien qui provient d’une infraction,
c’est une infraction continue.

2 - Les intérêts de la distinction.

a - La prescription.

Pour les infractions instantanés, la prescription commence à concourir le lendemain


de l’infraction, pour les infractions continues, la prescription court à partir de la fin de la
matérialité, dans le recel, tant qu’on détient le bien, la prescription n’a pas encore commencé,
cela est quasiment impossible à prescrire. Lorsqu’on a mis Emile Louis en examen, le juge a
voulu poursuivre sur le terrain de la séquestration, tant qu’elles ne sont pas libérées la
prescription n’a pas commencé. Emile Louis avoue ainsi les meurtres, la prescription court
jusqu’à ce que la Cour de Cassation intervienne.

b - L’application de la loi dans le temps.

L’application de la loi pénale dans le temps est facile lorsqu’il s’agit d’une infraction
instantané, la loi postérieure ne rétroagit pas si elle est plus sévère, cependant si c’est une
infraction continue, l’infraction court encore lorsque la loi entre en vigueur et continue
toujours, ce qui fait que la loi nouvelle même plus sévère va s’appliquer car l’infraction est en
train de se commettre.

65
c - La complicité.

C’est très important de savoir si c’est une infraction instantanée ou continue parce que
si c’est une infraction instantanée, la complicité n’est punissable que si elle est antérieure ou
concomitante à l’infraction, cependant il n’y a pas de complicité postérieure puisque c’est le
fait de s’associer à la commission d’infraction d’autrui.

Quand c’est une infraction continue, la complicité peut intervenir en cours de route.
Par exemple concernant le délit d’évasion, donc de quitter sans autorisation une prison ou de
ne pas y rentrer, quelqu’un qui est un détenu qui a une permission de sortir pour 3 jours, on
lui donne l’autorisation à 18 heures, il doit être le dimanche à 18 heures revenu à la prison
sinon il y a évasion. Le dimanche il revient et il arrive devant la prison à 17 heures, il décide
d’aller dans un bar et il demande une bière, il la boit, il en redemande une autre et là il est
18h02 et il commence à ne plus être claire et l’heure est largement passée et il cherche où
dormir. Il demande à un ami de l’héberger, ici il faut connaître la nature de l’infraction, si on
considère que c’est instantané alors l’infraction est commise à 18h et si c’est continue alors
son ami est complice puisque l’évasion serait le fait de ne plus être à la prison et ça cela est
vrai à 18h mais également après et auquel cas il y a complicité d’évasion. La Cour de
Cassation a dit que l’évasion constitue un délit instantané donc il n’y a pas eu de complicité
d’évasion.

SECTION 2 - LE RÉSULTAT DE L’ACTE.


De manière générale, l’élément matériel produit normalement un résultat, c’est la
disparition de la chose dans le vol, c’est la perte de la vie dans l’homicide… Il y a néanmoins
des infractions pour lesquelles le résultat est indifférent, dans l’empoisonnement par exemple,
peu importe le décès de la victime cela constituera la même infraction. On verra également
qu’il y a des infractions comme les infractions d’omission, des infractions pour lesquelles le
résultat n’est pas envisagé du tout, la non-assistance à personne en danger, il n’y a pas de
résultat. Il y a des infractions particulières dans laquelle on recherchait un résultat mais
finalement ce résultat n'a pu être atteint, c’est l’hypothèse de la tentative, par exemple la
tentative de vol.

A - L’exigence d’une relation causale avec le résulat.


On étudiera la responsabilité plus tard, mais être responsable signifie répondre des
conséquences de ses actes, étymologiquement, être responsable c’est cela. Le mot
responsabilité est construit sur cette idée de res pondeo, et donc la responsabilité implique
normalement un lien entre le fait commis (infraction en droit pénal) et ses conséquences, on
va en être responsable. Cela est vrai que l’on soit en responsabilité civile ou en responsabilité
pénale ou encore administrative, être responsable renvoie toujours à cette notion.

66
Cela étant, le lien de causalité normalement doit présenter deux caractères, un premier
caractère qui est celui de la certitude et ensuite le caractère direct.

1 - certitude du lien de causalité.

a - L’affaire du sang contaminé.

Le lien de causalité est le lien entre le comportement et le résultat, c’est un élément


important, c’est celui qui permet finalement de déterminer le responsable. Dans l’affaire du
sang contaminé, dans les années 1980, est apparue une maladie qui est le Sida dont on a
rapidement compris qu’elle se transmettait par le sang et les relations sexuelles. La question
s’est posée de savoir comment transfuser avec cette maladie autour, et des études ont été
faites montrant que si on chauffait le sang, cela tuait le virus du Sida s’il était contenu dans le
sang, donc pour l’avenir il n’y avait pas de problème car les poches de sang seront toujours
chauffées. Mais la question s’est posée de savoir ce qu’on faisait des stocks de sang non
chauffés, des hommes politiques et des médecins, des responsables du Centre Nationale de
Transfusion Sanguine ont délibérément choisi d’utiliser le sang non chauffé en disant qu’il
fallait vider les stocks. Ainsi, le virus s’est répandu chez ceux qui avaient un comportement
sexuel à risque mais aussi chez des femmes enceintes, chez des personnes hémophiles, le
virus s’est beaucoup répandu du fait de ces transfusions notamment les femmes au moment
d’un accouchement et les personnes hémophiles. Il y a eu plusieurs procès, et ce qui était
abominable c’est que le choix en a été fait consciemment, il y a eu des poursuites notamment
contre des personnes politiques (Laurent Fabius, Ministre de la Santé), il n’y a eu qu’une
seule condamnation et il y a eu des poursuites chez des responsables. La Cour de Cassation
dans un arrêt du 18 juin 2003 a expliqué que « dans l’incertitude sur l’existence d’un lien
de causalité entre les fautes reprochés et le dommage, les manquements des
responsables des cabinets ministériels et des membres du Centre National de
Transfusion Sanguine ne peuvent être incriminés ». Ainsi, la qualification d’homicide
involontaire ne pouvait être retenue faute de certitude de la causalité.

b - Des hypothèses qui posent un problème.

Il y a parfois des hypothèses qui posent davantage de problèmes, il en existe 3.

1 ) La pluralité de cause.

Concernant la pluralité de causes, il faut établir un lien de causalité certain, la plupart


du temps cela ne pose pas de difficultés, on établira un tel lien entre la mort de la victime et le
coup de feu qui a été tiré, et si jamais on rencontre des difficultés, on aura recours à la
criminalistique, à l’analyse qui permet d’établir l’origine ou la trace qu’on retrouve sur une
balle. L’autopsie permettra également d’aider à établir ce lien.

C’est plus compliqué en matière d’infractions non intentionnelles et quand on a


plusieurs causes possibles, précisément parce que souvent il n’y a pas de contacts entre
l’auteur et la victime. Dans le cas d’un incident de chantier, comment établir de lien de

67
causalité entre l’ouvrier qui a oublié son marteau en haut de l’échafaudage et la mort d’un
ouvrier. D’ailleurs, est-ce que c’est un des ouvriers, celui qui a oublié son marteau, qui est
responsable ou bien c’est le chef de chantier qui l’a mal organisé, ou c’est le chef
d’entreprise, bref c’est encore plus difficile lorsque le dommage pourrait être rattaché à
différentes causes. Par exemple, quelqu’un qui ramasse des champignons qui va recevoir des
plombs tirés par un chasseur, il se trouve que trois chasseurs ont tiré en même temps dans la
même direction, comment établir le lien de causalité. Comment le faire lorsqu’il y a une
scène unique de violence, que plusieurs personnes ont donné des coups mais qu’un seul a
donné le coup mortel. La jurisprudence a imaginé des techniques retrouvés également en
droit civil, parfois on retient la théorie des fautes conjugués en disant que les fautes de chacun
des co-auteurs bien que distinctes les unes des autres, ces fautes peuvent par leurs effets
conjugués être la cause du préjudice. En matière de scène unique de violence, la
jurisprudence retient précisément cette notion de scène unique de violence en disant que
l’infraction est appréciée dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve
du rôle de chacun dans les coups portés.

En droit civil, il y a la théorie dite de la gerbe qui s’applique que pour les gerbes de
plomb, quand un tireur A qui tire avec son fusil cela fait une gerbe, à côté le tireur B et
encore à côté le tireur C, chacun a une gerbe différente mais en réalité les plombs de A
peuvent percuter les plombs de B et de C, donc C peut tirer les plombs qui ont touchés la
victime alors qu’il a tiré dans une autre direction.

En droit pénal, on passe soit par la théorie des fautes conjugués, donc des chasseurs
qui s’excitent les uns les autres et chacun commet une faute qui participe à la faute de l’autre
donc on les retient tous, c’est le cas également donc sur la scène unique de violence.

2 ) La rupture de la causalité.

Il y a également la question de la rupture de la causalité, il peut arriver que l’analyse


fasse apparaître une rupture, c’est l’hypothèse qui existe de ceux n’ayant peu de chances. Un
piéton traverse la rue et est heurté par un véhicule, le SAMU arrive et l’intéressé a la jambe
cassé, on emmène la victime à l’hôpital pour se faire soigner et puis en réalité pendant qu’il
est à l’hôpital il a attrapé un staphylocoque doré, une maladie nosocomiale et il meurt une
semaine plus tard. La question est la suivante, l’automobiliste est responsable de blessures
involontaires ou d’homicide. Il y a eu une rupture de la causalité ici, en fait il y a deux
infractions, il y a blessure involontaire pour l’automobiliste mais il y a homicide involontaire
pour l’hôpital, en réalité, l’automobiliste n’est pas responsable du décès.

3 ) Les prédispositions de la victime.

C’est compliqué d’apprécier la causalité lorsque la victime a des prédispositions qui


ont manifestement joué un rôle dans le dommage. Par exemple, quelqu’un menace une vieille
dame qui est extrêmement cardiaque et il meurt, ou alors quelqu’un se durcit la tête dans
l’enfance, parfois les bébés quand ils dorment trop la tête d’un côté ils ont la tête déformée,
l’os du crâne est en fait assez souple, il arrive parfois que la fontanelle ne se soit pas bien

68
stabilisée et soit encore très fragile chez quelqu’un qui a grandi qu’il ne le sait pas, mais le
fait de lui donner un coup de tête va le tuer. La jurisprudence considère en principe qu’il faut
retenir la responsabilité de l’auteur de l’infraction sans prendre en compte les prédispositions
de la victime.

c - L’intensité du lien.

On a vu l’hypothèse où le lien est certain, maintenant on va aborder une situation qui


est celle de l’intensité du lien. Cela signifie que la causalité peut être plus ou moins directe ou
indirecte, quand elle est directe il n’y a pas de difficultés, mais admet-on une causalité
indirecte, et puis comment fait-on pour distinguer.

1 ) Théories.

L’équivalence des conditions :


Il y a plusieurs théories, tout d’abord il y a celle de l’équivalence des conditions, on
va lister les causalités possibles et on va regarder si on enlève la cause, le dommage se
produit tout de même ou pas. Par exemple, un professeur d’université qui cause un accident
de voiture sur l’autoroute, et qui blesse grièvement un motard, concrètement il heurte en
voiture un motard blessé. Mais, il y a eu cet accident parce que le professeur en question
roulait sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute parce que le maire de la ville a décidé
d’effectuer des travaux sur une sortie d’autoroute et donc il y a eu des bouchons monstrueux,
mais donc en fait, le professeur était en retard à cause de ces travaux et donc à cause du
maire. Mais il l’était également du fait d’un étudiant qui est venu lui poser une question à la
fin de son cours, le professeur a passé 20 minutes à expliquer quelque chose qu’il a déjà fait.
On va en fait imaginer d’un point de vue théorique qu’on enlève une circonstance et on
regarde si le dommage se produit ou pas, si le dommage ne se produit pas, alors c’est une
cause importante. C’est une des conceptions très large, il suffit qu’on approche l’évènement
pour être une cause.

La causalité immédiate :
La causalité immédiate, ou causa proxima, consiste à retenir le dernier élément quoi
qu’il arrive, celui qu’est le plus proche de l’évènement.

La causalité adéquate :
Il y a la théorie la plus intéressante qui est celle de la causalité adéquate, elle est plus
complexe également qui consiste à établir une distinction entre les causes et à se demander
pour chaque élément s’il est dans l’ordre naturel des choses que telle cause entraîne telle
conséquence. Parfois on se demande s’il est raisonnable de penser que si on fait ça, cela va
avoir une telle conséquence, est-il dans l’ordre naturel des choses de considérer que si on
pose une question à un professeur, cela entraîne le décès d’un motard.

2 ) La détermination du caractère direct ou indirect.

69
En fait, pour déterminer le caractère direct ou indirect, cela dépend de la théorie qu’on
retient.

Les infractions intentionnelles :


Précisément, les théories retenues cela va dépendre, pour les infractions
intentionnelles on retient généralement la causalité adéquate, dans le cas de la tentative, on ne
prend en compte que le commencement d’exécution, c’est-à-dire des actes qui tendent
directement et immédiatement à la consommation de l’infraction.

Les infractions non-intentionnelles :


Lorsque l’infraction est non-intentionnelle, cela est plus compliqué, on retenait
généralement l’équivalence des conditions, donc on était extrêmement sévère. La loi du 10
juillet 2000 a changé les choses, en fait cette loi est venue pour réagir à une condamnation
parfois excessive des décideurs, essentiellement des élus, pour des infractions
non-intentionnelles. La loi du 10 juillet 2000 impose de distinguer entre les personnes
morales et les personnes physiques, pour les personnes morales, quelle que soit la causalité,
une faute simple suffit. Mais pour les personnes physiques et c’est cela le changement
apporté par cette loi, il faut distinguer en fonction de la causalité. L’article 121-3 alinéa 4 du
Code Pénal dispose que « Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes
physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les
mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont,
soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui
exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». Si
un chef de chantier construit une autoroute et qu'il a besoin d’utiliser de la dynamite pour
casser des pierres, en fait il les laisse dans une cabane sur le chantier et il ne ferme pas à clef.
Un enfant meurt après les avoir utilisés, le chef de chantier n’est pas directement responsable
mais il a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation. En cas de causalité
indirecte, une faute simple ne suffit plus, il faut soit une faute de mise en danger délibéré soit
une faute caractérisée, d’où l’importance de la causalité.

B - L’indifférence d’une relation causale avec le résultat.


Il existe des cas dans lesquels le droit pénal se désintéresse du résultat, voire pire dans
lequel le résultat n’est même pas envisageable, c’est étrange de parler de causalité puisqu’il
n’y a pas de résultat. Pourtant, il y a une forme de causalité entre le comportement réalisé et
le résultat légal redouté par le législateur. Dans les deux cas on se moque du résultat car
l’infraction n’a pas eu le temps d’aller jusqu’au bout ou alors l’infraction vient incriminer un
acte dangereux.

1 - L’incrimination de l’acte inachevé.

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En droit pénal on distingue la consommation et la tentative de l’infraction, en principe
le droit pénal s’intéresse aux infractions commises, mais parfois le droit pénal s’intéresse
aussi à l’acte inachevé ou à la tentative. Il y a deux situations différentes que l’on va
examiner, l’hypothèse la plus classique est celle de la tentative interrompue, c’est-à-dire
qu’on était en train de commettre l’infraction et on a été interrompu et l’infraction n’a pas pu
aller jusqu’à son terme. Il y a également la question moins fréquente mais très intéressante, la
question particulière de l’infraction impossible. Peut-on réprimer le meurtre d’un cadavre, on
aurait aimé tuer, malheureusement il était déjà mort.

a - La tentative interrompue.

De manière générale, on assimile la tentative interrompue à la consommation de


l’infraction. En principe, l’auteur d’une tentative encourt les mêmes peines que l’auteur d’une
infraction consommée.

1 ) Assimilation pas totale.

Pas toujours incriminée :


L’assimilation n’est pas totale cependant pour plusieurs raisons, d’abord la tentative
n’est pas toujours incriminée, il faut distinguer selon la nature de l’infraction. La tentative de
crime est toujours punissable, la tentative de délit est punissable lorsque la loi le prévoit, elle
le prévoit souvent comme pour le vol mais des infractions pour lesquelles cela n’est pas
prévu. Il n’y a pas de tentative d’abus de confiance mais d’escroquerie oui, et enfin pour les
contraventions cela n’est jamais punissable.

En pratique :
Deuxième différence, la tentative fait encourir les mêmes peines que la consommation
mais en pratique, les peines qui seront prononcées sont souvent moindres, il faut avoir en tête
que celui qui tue quelqu’un est généralement davantage puni que celui qui a failli tuer même
si la peine encourue est la même.

2 ) Définition de la tentative.

Dans le code pénal :


La tentative est définie à l’article 121-5 du Code Pénal qui dispose que « la tentative
est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été
suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la
volonté de son auteur ». Cela nous amène à rentrer dans le contenu de la tentative, elle
suppose deux éléments : un commencement d’exécution et des circonstances indépendantes
de l’auteur qui sont intervenus.

L’iter criminis :
L’iter criminis est le cheminement criminel, schématiquement on va essayer
d’imaginer toutes les étapes qu’il y a jusqu’à la consommation. La première étape est la

71
pensée criminelle, c’est l’idée, ensuite il y a la résolution et l’extériorisation, on a une pensée
et donc c’est le fait par exemple d’acheter un revolver et d’en parler avec d’autres personnes.
Il y a comme 3ème étape les actes préparatoires, on achète l’arme puis on s’entraîne, et après
il y a le commencement d’exécution, là on a la personne dans le viseur et on est prêt à tirer.
Puis on tire, c’est la consommation de l’infraction et l’intéressé meurt, le meurtre est commis.
Mais, on peut imaginer également l’étape suivante encore, on se précipite vers la victime
pleines de regrets, on essaye de lui venir en aide et on appelle le SAMU.
Concernant tout d’abord le dessein criminel, cela n’est pas punissable, l’idée de
commettre un crime n’est pas punissable et tant mieux tout simplement parce qu’on ne peut
pas déterminer les pensées de quelqu’un. Ensuite, concernant la résolution et l’extériorisation,
cela n’est toujours pas punissable, le fait de dire qu’on va commettre un crime n’est pas
punissable. Troisième étape, les actes préparatoires ne sont toujours pas punissables,
cependant, on est à la limite d’être puni. Puis, commencement de l’exécution qui est l’étape
suivante est punissable, le commencement de l’exécution d’un meurtre est punissable de 30
ans de réclusion criminelle, et cela peut être la perpétuité puisqu’il y a la préméditation.
Ensuite, la consommation n’est pas plus sévèrement réprimée, en tout cas les peines
encourues sont les mêmes. Ensuite, il y a le repentir actif, on essaye de sauver la vie
directement, le repentir actif n’est pas une cause d’irresponsabilité.

La détermination de la frontière entre les actes préparatoires et le commencement


d’exécution :
Toute la difficulté est de déterminer la frontière entre les actes préparatoires et le
commencement d’exécution, les actes préparatoires ne sont pas punissables et le
commencement d’exécution l’est, il faut donc déterminer ce qui fait la bascule. Le
commencement d’exécution, on a proposé deux conceptions différentes.
Avec première conception, on a retenu un critère plutôt objectif, certains ont dit qu’il
y a commencement quand un des éléments de l’infraction est commis, selon les infractions ce
critère fonctionne ou alors mal. Concernant les infractions complexes, il y a au moins deux
éléments donc il y aurait commencement lorsque le premier élément est accompli, donc
quand il y a eu des manœuvres frauduleuses avant la remise du bien. Pour les infractions
simples, pour le vol par exemple, cela ne fonctionne pas, il y aurait commencement
d’exécution quand un des éléments est commis, donc quand il y a eu soustraction du bien
donc c’est qu’il y a eu consommation en entier également. Cette théorie ne fonctionne que
pour les infractions complexes soit une minorité.
Il existe une autre théorie, ce n’est pas une conception objective mais une conception
mixte, en fait, on retient le commencement de l’exécution dès lors que l’intention a été
matérialisée, la jurisprudence a distingué plusieurs formules. Parfois, elle retient le
commencement d’exécution en présence « d’actes tendant directement à la consommation
de l’infraction lorsqu’ils ont été accomplis avec l’intention de les commettre », elle a dit
cela dans un arrêt du 5 Juillet 1951. Parfois, elle retient une formule différente en disant qu’il
y a commencement d’exécution en présence « d’actes ayant pour conséquence directe et
immédiate de consommer le crime, celui-ci étant rentré dans sa période d’exécution ».
La seconde version a été utilisée dans un arrêt du 25 octobre 1962 et du 3 mai 1974.
Le premier arrêt est l’arrêt Lacour, Monsieur Lacour était un médecin, et ce dernier avait eu

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l’idée de vouloir faire assassiner sa femme, il décide non pas de tuer lui-même mais il recourt
aux services d’un tueur aux gages, et comme dans les films il paye la moitié avant et l’autre
moitié quand elle sera morte. Il lui donne de nombreux renseignements sur l’emploi du temps
de sa femme, il lui donne des photos, pendant une semaine le tueur à gages suit la femme
Madame Lacour, le moment venu, il a l’arme et est prêt à tirer puis finalement il ne tire pas,
pire il va voir Madame Lacour et lui donne les éléments de son emploi du temps et lui raconte
qu’il a été payé par son mari pour l’assassiner. Quelques temps plus tard, le docteur est arrêté
pour complicité de tentative d’assassinat, toute la question est de savoir s’il y a complicité ou
pas et là, il faut qu’il y ait une tentative d’infraction, la Cour de Cassation se demande à
quelle étape de l’iter criminis on est, et dans cette affaire on est dans le commencement de
l’exécution.
L’autre arrêt de 1974 est l’affaire Piazza, c’est en quelque sorte des gens qui viennent pour
braquer une banque mais de l’extérieur, et comme dans les films ils se mettent devant le
banque, et ils sont dans la voiture ils s’équipent, et ils vont pour sortir de la voiture et tout
autour les policiers les arrêtent. La question ici est de savoir si on est dans les actes
préparatoires, si on les avait arrêtés la veille il y avait acte préparatoire, mais là à quelle étape
va-t'on se situer. Si on est dans le commencement, ce sont des peines très lourdes, tentative de
vol à main armé en bande organisée ou au moins en réunion, on est déjà à 30 ans de réclusion
criminelle. Il y a commencement d’exécution jusqu’au dernier moment, tant qu’il est encore
possible de se désister, mais dans le commencement on est déjà en train de passer à l’action.
Dans l’affaire Piazza on était à la limite, s’ils étaient entrés dans la banque il y aurait eu
commencement, la consommation aurait été quand ils étaient ressortis, tant qu’ils n’ont pas
pris d’argent il n’y a pas de vol. la Cour de Cassation avait retenu qu’il y avait
commencement d’exécution parce qu’en fait ils se sont sans doute dit qu’ils valaient mieux
intervenir un peu trop tôt qu’un peu trop tard, si on avait attendu qu’ils rentrent dans la
banque cela pouvait faire des morts.

Le désistement volontaire :
La tentative est d’abord un commencement d’exécution, pour résumer ce sont des
actes qui tendent directement et immédiatement à l’exécution de l’infraction. Il y a ensuite
l’absence de désistement volontaire, la tentative n’est punissable que si l’auteur a été
interrompu par des circonstances indépendantes de sa volonté, cela signifie que le plus
souvent, l’acte est inachevé, interrompu en raison d’un fait extérieur à l’auteur. Typiquement,
c’est l’intervention de la police, on était en train de commettre une infraction mais la police
arrive. Cela peut être également la résistance de la victime, à l’inverse, le désistement
volontaire exclut la tentative ou la rend non punissable, elle permet au délinquant de changer
d’avis jusqu’au dernier moment, si on change d’avis alors tant mieux.
S’il y a désistement volontaire ce n’est pas punissable, s’il y a un vrai désistement
volontaire, c’est en fait également le signe que l’intéressé n’était pas si dangereux, qu’il a
encore une morale, il faut savoir si le désistement est volontaire ou pas.
Dans l’affaire Lacour il y a un désistement volontaire, le tueur à gages de lui-même met fin à
son geste, donc le tueur à gages n’a pas été puni puisqu’il y avait un commencement
d’exécution mais il y a eu un désistement volontaire. Monsieur Lacour n’a pas été puni non
plus, il a donné de l’argent, ce sont des faits de complicité, mais pour être punissable il faut

73
qu’il y ait eu une infraction consommée ou tenté, cela fait qu’on n’a pas condamné Monsieur
Lacour. Depuis, le fait de demander à quelqu’un qu’il commette un meurtre est en soit
punissable même s’il n’y a pas de complicité. Cela a été incriminé dans une loi du 9 mars
2004, mais c’est bien en lien avec cette affaire que cette incrimination a été créée.

Le repentir actif :
Le désistement volontaire exclut la tentative punissable mais il faut que cela soit
réellement volontaire parce qu’il faut que le désistement intervient avant la consommation car
si cela intervient après, c’est ce qu’on appelle le repentir actif. Le repentir actif est le fait
après avoir consommé l’infraction d’essayer d’effacer les conséquences de l’infraction, c’est
celui qui vient ramener un objet volé par exemple. Celui qui appelle les secours également est
dans cette situation pour venir en aide à la victime, en principe le repentir actif est sans effet
mais en matière de terrorisme et de criminalité organisée cela est pris en compte. Dans ces
deux domaines, le repentir actif peut permettre d’écarter la peine (une exemption de peine) ou
alors de la réduire de moitié, c’est le fait d’appeler la police avant que l’infraction ne
commette trop de dégâts, c’est celui qui pose une bombe et qui appelle la police et qui dit où
est la bombe et qui dit à quelle heure elle va sauter, c’est dans le but de négocier la peine et
de ne pas avoir de victimes. Cela nous vient de la lutte contre la mafia italienne. Le repentir
actif en principe permet à l’auteur d’espérer une peine moindre, évidemment que la Cour va
condamner, mais celui qui a déjà remboursé la victime sera condamné moins lourdement.

2 - L’infraction impossible.

La question est un peu saugrenue mais constitue une belle question juridique, peut-on
se rendre coupable d’un meurtre sur cadavre, peut-on voler quelqu’un qui n’a rien, bref
réprime-t-on l’infraction impossible.

Priscilla et Bryan vivent une passion torride et puis voilà que Bryan rencontre
quelqu’un d’autre, alors il rencontre quelqu’un d’autre et cherche une solution, et la meilleure
est finalement de supprimer Priscilla. Il lui donne alors rendez-vous sur la plage là où ils se
sont rencontrés à minuit, elle arrive un peu avant minuit, et elle attend l’arrivée de Bryan qui
est juste derrière la dune avec son fusil et à pile la tête de Priscilla dans le viseur, il va pour
appuyer et soudain Priscilla dodeline de la tête vers la droite ce qui l’oblige à bouger
légèrement son arme pour avoir sa tête dans le viseur, et il appuie et obtient une balle en
pleine tête, elle meurt donc sur le coup enfin en réalité l’autopsie va révéler que Priscilla n’a
pas bougé la tête, elle a fait une rupture d’anévrisme, c’est la raison pour laquelle elle a bougé
sa tête, elle meurt donc naturellement et puis il a tiré sur un cadavre.

Il y a eu une affaire similaire qui est l’affaire Perdereau jugé en 1986, dans cette
affaire c’est un groupe de personnes qui viennent frapper quelqu’un tous ensemble et puis ils
s’en vont et laissent la victime au sol et puis il y en a un qui n’avait pas trop participé et qui
revient et il veut être sûr qu’il est mort et essaye de le tuer mais il était déjà décédé et donc la
question est de savoir si le meurtre sur cadavre est réprimé. En droit français cela est le cas, le
meurtre sur cadavre ou l’infraction impossible est réprimé au titre de la tentative. Il y a bel et

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bien un commencement d’exécution, on est allé jusqu’à la consommation mais on peut dire
qu’il y a un commencement, l’acte a manqué son effet par circonstances indépendantes de la
volonté de son auteur. Ainsi, on punit l’infraction impossible au titre de la tentative.

2 - L’incrimination de l’acte dangereux.

Le droit pénal vient incriminer certains actes en raison de leur dangerosité, pas en
raison de leur résultat mais de leur dangerosité. Il n’y a aucun dommage, et pourtant on va
réprimer parce qu’on est dans un acte dangereux.

a - L’infraction formelle.

1 ) Définition.

L’infraction formelle consiste en un comportement réprimé indépendamment de son


résultat éventuel. En fait, on est ici en présence d'infractions qui donnent normalement lieu à
un dommage, mais finalement le dommage est sans importance, l’infraction est constituée,
consommée indépendamment du dommage. En fait, c’est un peu comme si on incriminait une
tentative à titre principale, au titre de la consommation. C’est le cas notamment de
l’empoisonnement, l’article 221-5 du Code Pénal est défini comme « le fait d’attenter à la
vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la
mort », c’est le fait d’administrer des substances de nature à donner la mort, ce n’est pas le
fait de tuer.

2 ) Le cas d’empoisonnement.

Imaginons que quelqu'un veuille tuer quelqu’un d’autre en lui faisant manger des
champignons mortels, on décide de cueillir les champignons, ensuite on les cuisine, puis on
les sert, la personne les mange et ensuite il meurt. Le fait de cueillir les champignons est très
certainement un acte préparatoire, le fait de les cuisiner et de les servir est un acte
préparatoire. Le meurtre est le fait de tuer quelqu’un, ce qui veut dire que le fait de cuisiner
les champignons et même de les servir logiquement cela n’est qu’un acte préparatoire pour le
meurtre. Le commencement d’exécution est lorsqu’on mange les champignons, et dans le
meurtre l’infraction est consommée quand le cœur s’arrête. Le commencement d’exécution
est donc lorsqu’on est en train de consommer les champignons, donc lorsqu’on les cuisine
c’est bien un acte préparatoire, cela c’est si on raisonne sur le meurtre. Sur l'empoisonnement,
l'infraction est déjà consommée que le cœur s’arrête ou pas, si on mange les champignons là
il y a consommation, donc quand on les cuisine c’est un commencement d’exécution. Dans
l’empoisonnement ce qui compte c’est l’administration de substances, donc cela change la
donne, cela permet d’intervenir et de sanctionner plus tôt. On a cette sévérité puisque c’est
une infraction plus dangereuse que le meurtre car elle est moins visible, le danger n’est pas
visible, c’est pour cela qu’on a ce mécanisme beaucoup plus sévère dans l’empoisonnement.
En matière d’infraction formelle, ce qui importe c’est ce qui est écrit, dans l’empoisonnement
l’infraction est commise par l’administration de substances mortifères peu importe que la
victime meure ou pas.

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b - L’infraction obstacle.

L’infraction obstacle désigne un comportement dangereux susceptible de produire un


résultat dommageable et incriminé à titre principal indépendamment de ce résultat. Cela
ressemble aux infractions formelles, mais il y a une différence, dans l’infraction obstacle, si
le résultat se produit, il constitue alors une infraction. Par exemple, dans l’infraction formelle
si le résultat qu’on recherche survient, cela reste la même infraction, dans l’infraction
obstacle on incrimine un comportement pour faire obstacle à la commission d’une autre
infraction plus grave, donc si le résultat est commis cela sera une autre qualification. Par
exemple, si on prend le délit de risque causé à autrui, c’est une infraction obstacle, on vient
incriminer un comportement dangereux même s’il ne produit pas de résultat, celui qui prend
l’autoroute à contre-sens, c’est une infraction mais il est très probable que ce comportement
donne lieu à une autre infraction qui est celle d’homicide involontaire, que ce comportement
produise un résultat. On ne retiendra pas le délit de risque causé à autrui mais on retiendra
une autre infraction. C’est le cas également par exemple de l’association de malfaiteurs, si on
les avait arrêtés plus tôt on pouvait les arrêter au titre d’association de malfaiteurs dans
l’affaire Piazza. On incrimine par exemple la conduite en état d’ivresse ou sous stupéfiants, il
est possible que cela entraîne d’autres dommages donc cela va constituer une infraction
obstacle. Ainsi, en incriminant plus tôt, avant que cela ait des conséquences trop graves, on
pourra arrêter plus tôt et on peut éviter les conséquences de l’infraction d’après.

La matérialité est quelque chose d’important, on ne condamne pas quelqu’un pour une
simple pensée criminelle, l’élément matériel ne suffit pas, en droit civil cela suffit, tout
simplement parce que le mécanisme de l’assurance permet de prendre en charge les
dommages et intérêts. Un automobiliste écrase sur l’autoroute un individu assis en noir de
nuit car il avait bu dans une montée dans un virage, on a considéré que l’automobiliste était
responsable, en fait il est obligatoirement assuré donc c’est une sorte de collectivisation du
risque. On s’en fiche de savoir qui l’est, on cherche à savoir qui est assuré, si on ne l’est pas il
existe un fonds de garantie pour couvrir le risque. En matière pénale il n’y a pas d’assurance,
quand on va en prison on y va soi-même, donc le droit pénal est resté très lié à la notion de
faute.

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CHAPITRE 2 : L’ÉLÉMENT MORAL DE
L’INFRACTION.
L’infraction suppose en plus de l’élément matériel un élément moral ou intellectuel ou
psychologique. C’est-à-dire en fait une faute, en droit de la responsabilité civile, cette
responsabilité est sans faute. En droit civil il existe certes la faute mais l’essentiel est une
responsabilité sans faute, en matière pénale la faute est absolument essentielle, il n’y a pas de
responsabilité pénale sans faute. Toute la question est de savoir de quelle faute il s’agit et à
cet égard en droit pénal il y a plusieurs catégories, la faute principale présente dans l’extrême
majorité est l’intention, la faute pénale normale est intentionnelle. Mais il y a des cas dans
lesquels la faute est constituée par une imprudence ou une négligence, et puis entre
l’imprudence et l’intention, on a créé des fautes intermédiaires comme la faute caractérisée
ou la faute de mise en danger délibéré.

Le Code Pénal consacre aux fautes ou à l’élément moral un article 121-3, c’est un des
articles les plus importants. Cet article est composé de 5 alinéas qui correspondent à peu près
chacun à une faute. Le premier alinéa est consacré à l’intention « il n’y a point de crime ou
de délit sans intention de le commettre ». L’alinéa 2 est la faute de mise en danger délibéré,
l’alinéa 3 est la faute d’imprudence simple, l’alinéa 4 ce sont les imprudences aggravées à
savoir la faute caractérisée et la mise en danger également et enfin l’alinéa 5 est une faute très
particulière, c’est la faute contraventionnelle.

SECTION 1 - LA FAUTE INTENTIONNELLE.


La faute intentionnelle peut être définie comme la volonté de commettre un acte que
l’on sait interdit par la loi pénale. Schématiquement, l’intention est une double volonté, c’est
la volonté d’un comportement et la volonté du résultat. Dans les infractions intentionnelles,
l’auteur sait que le comportement est interdit et il le fait volontairement, consciemment.
L’intention c’est l’élément moral de tous les crimes, 100% des crimes sont intentionnels.
C’est l’élément moral de presque tous les délits, mais le vol, l’escroquerie, l’abus de
confiance, les violences, la quasi-totalité des délits sont des infractions intentionnelles.
L’intention est aussi l’élément moral de quelques contraventions, en droit pénal spécial on
étudie par exemple les violences, la qualification des violences varie selon le dommage,
schématiquement cela va de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans
intention de la donner, et il y a des violences correctionnels pour lequel le dommage est une
ITT pour 8 jours. S’il n’y a pas de préjudice ou très peu, a priori, ce sera une contravention,
l’élément moral est l’intention. L’intention si on cherche à la décomposer, c’est le dol général,
en quelque sorte l’intention minimale et l’intention c’est parfois aussi un dol spécial.

A - Le dol général.

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En principe, l’intention c’est la volonté de commettre le fait interdit, c’est ce qu’on
appelle le dol général qui constitue l’intention minimale, le mobile n’est pas nécessaire à
l’intention.

1 - La volonté de commettre le fait incriminé.

a - La notion d’intention.

1 ) Principe.

L’intention peut être définie comme la volonté de commettre l’infraction telle qu’elle
est déterminée par la loi, c’est une volonté en mouvement, c’est-à-dire la volonté d’un
comportement orientée vers un résultat. L’intention n’est pas la conscience, évidemment si on
est inconscient on est irresponsable mais pas parce qu’on n’a pas l’intention, parce que la
conscience relève de l’imputabilité. L’intention n’est pas non plus le mobile qui est la raison
personnelle de la commission d’une infraction, toutes les infractions finalement reposent sur
un des 7 péchés capitaux : avarice, colère, luxure, gourmandise, paresse, envie et orgueil. Le
droit pénal s’intéresse assez peu à cela. L’intention est la volonté d’un comportement plus la
volonté du résultat ou au moins la volonté du résultat redouté, celui qui est pressenti dans
l’incrimination.

2 ) La diversité de dol.

Le dol déterminé :
Cela étant précisé, il y a en réalité un certain nombre de dol, la doctrine a parfois
expliqué une diversité des dols à savoir le dol déterminé qui est l’intention précise
correspondant à l’incrimination c’est-à-dire la volonté du comportement et du résultat précis.

Le dol indéterminé :
Mais, il peut y avoir une volonté d’un comportement et d’un résultat imprécis, c’est ce
qu’on appelle le dol indéterminé, c’est ce qui est présent dans les violences. Ce sont des
coups et blessures volontaires, mais le résultat est un peu flou, indéterminé, cela peut être
plus ou moins de 8 jours d’ITT, cela peut aller jusqu’à la mort avec l’incrimination de coups
mortels.

3 ) Le dol praeter intentionnel.

On peut avoir la situation où le résultat dépasse les prévisions de l’auteur, on va plus


loin que ce qu’on avait prévu, on parle du dol praeter intentionnel.

4 ) Le dol éventuel.

Il y a un cas encore particulier qui est le dol éventuel, on a bien la volonté du


comportement mais on n’a pas la volonté du résultat, c’est le cas dans la mise en danger

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délibéré, c’est une autre faute. On est entre l’intention et l’imprudence, ce sera dans les fautes
non-intentionnelles.

b - La mise en œuvre de l’intention.

1 ) Le moment de l’intention.

Tout d’abord, on peut se demander quel est le moment de l’intention, à quel moment
on va la regarder. L’intention est appréciée au moment de l’élément matériel, quand on va
examiner l’infraction qui est la commission d’un fait avec l’intention au même moment, elle
est recherchée au moment de l’élément matériel. Il peut arriver qu’il y ait une intention avant
et pendant l’élément matériel, c’est ce qu’on appelle la préméditation qui est l’intention
réfléchie, c’est selon l'article 132-72 « le dessein formé avant l’action de commettre un
crime ou un délit déterminé ». Le meurtre est puni de 30 ans de réclusion criminelle, le
meurtre c’est la matérialité et l’intention. Le meurtre avec préméditation est un assassinat et il
est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

2 ) La preuve de l’intention.

C’est une question centrale et délicate, s’il n’y a pas d’intention, il n’y a pas
d’infraction intentionnelle et donc c’est un moyen de défense classique de dire qu’il n’y avait
pas l’intention. C’est normalement au ministère public de rapporter la preuve de l’intention,
la matérialité est facile à établir, mais l’intention est une donnée psychologique. En fait, on va
déduire l’intention des faits, le juge va examiner les faits et en déduira l’intention ou parfois
l'écarter. Par exemple, on déduira l’intention du nombre de coups de couteaux, s’il y en a 28
par exemple cela va être difficile de plaider la maladresse donc évidemment on retiendra ici
l’intention. On pourra aussi retenir l’intention du fait d’avoir visé une partie vitale, est-ce
qu’il y a eu meurtre, il faut qu’il y ait une intention de tuer, si on vise à bout portant la tête on
en déduira l’intention. Il arrive parfois que la jurisprudence présume parfois l’intention, ce
qui est extrêmement critiquable mais ce qui peut arriver et cela est logiquement plus facile.
La Cour de Cassation utilise parfois que « la seule constatation de la violation en
connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de
son auteur l’intention coupable exigée par l’article 123-1 alinéa 1er ». C’est plus facile de
dire qu’on a qu’à présumé l’intention, mais déduire de la seule constatation de la violation en
connaissance de cause est une formule facile mais dangereuse pour les libertés. La
jurisprudence la limite normalement à ce qu’on appelait les délits matériels.

3 ) Le sort des délits matériels.

Sous l’ancien Code Pénal, il existait des délits dont la jurisprudence nous disait qu’ils
n’avaient pas d’élément moral. Ils étaient constitués ainsi seulement par l’élément matériel et
donc on parlait de délit matériel, ces délits étaient constitués seulement de cet élément. Le
Code Pénal est entré en vigueur le 1er Mars 1994 et dans ce nouveau Code, il y a un article
qui n’avait pas d’équivalent, l’article 121-3, cet article énoncé à l’alinéa 1er « il n’y a point
de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Cela veut dire que normalement

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tous les crimes et tous les délits sont intentionnels, il y a des exceptions en matière de délit
avec des infractions d’imprudence. Cela signifie en fait que toutes les infractions ont
désormais clairement un élément moral, donc les délits matériels n’existent plus, lorsque le
nouveau Code Pénal est entré en vigueur, les délits matériels n’existent plus. La jurisprudence
a effectivement supprimé les délits matériels et a dit que ces délits sont donc en quelque sorte
transformés, soit ils sont devenus des délits intentionnels d’autre sont devenus des délits
d’imprudence, cela dépend de la rédaction antérieure. Mais, tout cela est quelque peu
hypocrite, en fait les délits qui sont devenus intentionnels ont donné lieu à cette jurisprudence
de l’intention déduite de la matérialité, en fait c’est précisément pour ces anciens délits que la
Cour de Cassation a dit que « la seule constatation de la violation en connaissance de
cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur
l’intention coupable exigée par l’article 123-1 alinéa 1er ». Certes les délits matériels ont
disparu, mais on contourne toujours autant la preuve de l’intention mais cela ne vaut que pour
ces anciens délits qui sont assez peu nombreux et qu’on trouve principalement dans le droit
pénal technique dans les autres testes comme en droit pénal du travail, de l’environnement, de
l’urbanisme…

2 - L’indifférence du mobile.

L’intention n’est pas le mobile, le mobile est la raison personnelle de commettre


l’infraction, la jalousie, la colère, l’amour… c’est une notion subjective, variable en fonction
des auteurs. Précisément parce que cela varie en fonction des intéressés, le juge pénal
normalement ne s’y intéresse pas. Le principe est l’indifférence des mobiles.

a - L’indifférence des mobiles.

Le fait de tuer volontairement est un meurtre peu importe la raison subjective, le fait
de voler les riches pour donner aux pauvres est un vol, le fait de voler les pauvres pour
donner aux riches est tout aussi punissable, c’est le même texte. Le fait pour un salarié de
voler son employeur ou garder des documents dans l’optique d’un litige prud’homal est un
vol. la Cour de Cassation l’a rappelé le 5 Novembre 2019 18-84554, des gens étaient
poursuivis pour mauvais traitement sur les animaux, concrètement ils tuaient des chèvres, des
poules… Ils faisaient cela car ils avaient des pratiques vaudous à tendance sataniste, ces
gens-là dans une perspective de sacrifice torturaient des animaux et les tuaient et buvaient
leur sang et ont été dénoncés par les voisins et ont été poursuivis. Ils ont essayé de se
défendre sur le terrain du mobile en justifiant par leur pratique religieuse, la Cour de
Cassation a rappelé que « nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour
s’affranchir des règles communes établis par la loi pénale ». Le mobile est heureusement
indifférent et ne les prend normalement pas en compte.

b - prise en compte exceptionnelle des mobiles.

1 ) La prise en compte par la loi.

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Parfois, c'est la loi elle-même qui les prend en compte et qui va intégrer le mobile
dans l’élément moral, l’infraction est le fait de faire quelque chose dans un but précis.

L’abus de biens sociaux :


C’est ce qui se passe en matière d’abus de biens sociaux soit le fait de détourner les
biens d’une société, donc pour le dirigeant de détourner les biens de la société, cet abus
suppose d’agir dans un intérêt personnel, à des fins personnels.

Le terrorisme :
Autre exemple, le terrorisme qui est défini à l’article 421-1 du Code Pénal, c’est le
fait de commettre une infraction en relation avec une entreprise ayant pour but de commettre
un trouble ou la terreur.

Les circonstances aggravantes :


Parfois le mobile est pris en compte dans une perspective d’aggravation, une
infraction existe et quand il y a un certain mobile il y a une circonstance aggravante. Le fait
de causer des violences est une infraction mais si les violences sont faites en raison ou sont en
lien avec l’orientation sexuelle de la victime, c’est une circonstance aggravante. Ou alors
avec la circonstance aggravante de racisme, là encore le mobile va être pris en compte d’où
l’importance de savoir lorsque quelqu’un a été agressé, est-ce que cela a été fait sans raison
ou bien en lien avec une orientation sexuelle, une origine ou des considérations de race ou de
religion.

2 ) La prise en compte par les juges.

Le mobile peut être pris en compte par les juges, là c’est une question très factuelle et
évidemment importante, celui qui vole les riches pour donner aux pauvres techniquement est
un voleur mais évidemment les juges sans doute condamneront moins celui qui commet un
vol avec un mobile altruiste, avec un mobile plutôt respectable. Le mobile est très personnel
et la réception peut évoluer dans le temps, il y a 100 ans le crime passionnel était quelque
chose de très respectable, on le plaidait pour obtenir une peine moindre. Aujourd’hui c’est
l’inverse, le fait de tuer son conjoint est une circonstance aggravante prévue par le Code
Pénal.

Concernant l’affaire Vincent Humbert euthanasie son fils, juridiquement elle commet
un assassinat, elle tue quelqu’un volontairement et cela est prémédité. Évidemment, les juges
ne les condamneront pas à la perpétuité, elle pourrait même être condamnée à une peine très
légère, le mobile est pris en compte. En l’espèce, l’affaire a conclu par un non-lieu.

B - Le dol spécial.
La plupart des infractions se contente d’un dol général mais parfois le législateur
exige un dol plus précis, un dol spécial.

81
1 - La notion de dol spécial.

Le dol spécial est une intention particulière, c’est une intention plus précise, ce n’est
pas seulement la volonté de commettre une infraction ou de commettre un fait dont on sait
qu’il est interdit par la loi, mais c’est en plus la volonté précise d’un comportement
déterminé. Autrement dit, c’est la volonté d’atteindre un résultat prohibé par la loi pénal et si
ce résultat n’est pas atteint, l’infraction n’est pas constituée. Par exemple le vol, il suppose
l’intention de se comporter même momentanément comme un propriétaire. Celui qui ramasse
quelque chose qui ne lui appartient pas, par exemple un portefeuille dans la rue ne commet
pas nécessairement un vol, il commet un vol s’il a la volonté de se comporter comme un
propriétaire, il regarde s’il y a de l’argent et le prend. S’il ouvre le portefeuille pour
rechercher l’identité et le ramener dans un commissariat, il n'y a pas vol. Le dol spécial
permet parfois de déterminer si l’infraction est constituée ou non. La difficulté est de savoir si
l’incrimination exige ou pas un dol spécial, on fait la distinction en regardant comment est
écrit le texte d’incrimination.

L’article 411-10 du Code Pénal dispose que « Le fait de fournir, en vue de servir les
intérêts d'une puissance étrangère, d'une entreprise ou organisation étrangère ou sous
contrôle étranger, aux autorités civiles ou militaires de la France des informations
fausses de nature à les induire en erreur et à porter atteinte aux intérêts fondamentaux
de la nation est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ». Si
cela est le cas, l’infraction est commise mais on voit bien en lisant l’article qu’il y a un dol
spécial avec un mobile intégré. Lorsque le texte n’est pas très clair, c’est la jurisprudence qui
le précisera. Finalement, le dol spécial est une intention supplémentaire, dans le vol il y a le
dol général avec l’intention de soustraire la chose, et le dol spécial qui est l’intention de se
comporter comme propriétaire. La plupart du temps le dol général suffit mais dans certains
cas particuliers le dol spécial permettra d’écarter l’infraction, c’est néanmoins une distinction
théorique, il faut tout simplement aller rechercher le texte d’incrimination.

2 - La mise en œuvre du dol spécial.

Le dol spécial a un double intérêt, il permet parfois d’écarter une infraction ou au


contraire de la retenir, donc de savoir si l’infraction est constituée ou non. Le dol spécial a
aussi un intérêt particulier permettant de choisir entre deux qualifications, le meurtre suppose
un dol spécial, il suppose la volonté de tuer. Lorsque quelqu’un donne des coups et que la
victime décède, le meurtre et les coups mortels sont applicables, tout dépend de l’intention,
matériellement on a enlevé la vie, s’il y avait la volonté de tuer alors on retiendra le meurtre,
sinon on retiendra les coups mortels en l’absence du dol spécial.

SECTION 2 - LES FAUTES


NON-INTENTIONNELLES.

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Les fautes non-intentionnelles ont connu d’importantes évolutions, ces fautes se sont
multipliées, aggravées, et le législateur et la jurisprudence ont été de plus en plus sévères. Les
fautes non-intentionnelles sont présentes dans quelques infractions, une petite dizaine
précisément. C’est l’élément présent dans l’homicide involontaire, les blessures involontaires,
la communication d’un incendie de manière involontaire. Il y a eu une évolution considérable
marquée d’abord par une augmentation des accidents, il y a beaucoup plus d’homicides ou de
blessures involontaires aujourd’hui qu’en 1810 pour de nombreuses raisons mais cela est lié
au développement du machinisme, à l’invention de machines notamment l’automobile. Autre
chose, c’est la complexification de notre société qui peut donner lieu mais cela est aussi lié
avec le machinisme qui peut donner lieu à des catastrophes de grande ampleur, par exemple
un accident d’avion, dans un stade (drame de Furiani). On a vu apparaître des catastrophes de
très grande ampleur, par exemple sanitaire notamment au virus du Sida et à l’affaire du sang
contaminé, des accidents de grande ampleur comme l’affaire du Drac, sont emportés d’un
coup de nombreuses personnes. Il y a aussi sans doute une plus grande sensibilité à ces
catastrophes, aujourd’hui on est sans doute plus sensible qu’il y a 100-150 ans et donc on ne
se contente pas de dire que c’est le hasard. Par exemple, on ne se contente pas de dire cela
lorsqu’il y a des dommages très graves, lors d’accidents de voiture, on cherche un
responsable. Il y a une responsabilité beaucoup plus grande pour les élus, on condamne plus
fermement les décideurs qu’ils soient privés ou publics.

Dans une petite commune à côté de Poitiers il y a un terrain de football municipal et il


faut le refaire, on ferme la porte d’accès à ce terrain mais il est facile de passer au-dessus et
régulièrement des enfants le font. Un jour, un enfant se suspend aux cages, elles basculent,
tombent sur l’enfant et le tue. On a poursuivi le maire de la commune pour homicide
involontaire, et même dans un premier temps condamné.

Également, on est sur une plage vers le Mont Saint Michel, il paraît que la mer
remonte avec les marées à la vitesse du galop d’un cheval, une famille vient au bord de la
plage et l’enfant joue et puis les parents sont à l’écart et ne sont pas vigilants. La mer remonte
et l’enfant est noyé, les parents ont poursuivi le maire de la commune pour homicide
involontaire en disant que le maire n’avait pas mis un panneau disant qu’il était dangereux de
se baigner.

A la Réunion, tout autour de l’île il est interdit de se baigner, et même en allant dans
le lagon il y a des panneaux très vraisemblablement car les maires ont voulu éviter de voir
leur responsabilité engagée. Il y a la volonté de trouver un responsable pénal là où autrefois il
n’y avait pas cette volonté, on cherche désormais un responsable.

La jurisprudence a été de plus en plus sévère et le législateur a allégé la responsabilité


des décideurs. Il faut reconnaître que les décideurs étaient souvent condamnés et les
parlementaires sont des élus et ils ont réformé à plusieurs reprises les fautes
non-intentionnelles. Sous l’Ancien Code Pénal, l’homicide et les blessures involontaires
étaient évidemment réprimés mais il n’y avait pas de texte spécifique consacré à la faute.
Arrive le Code Pénal issu des lois de 1992, cette année-là, le Code reprend les incriminations
aux articles 221-6 (homicide involontaire) et 222-19 (blessures involontaires), mais surtout

83
on va consacrer un article générique, un article aux fautes qui est l’article 121-3, et dans cet
article, l’alinéa 1er s’intéresse à l’intention mais les alinéas 2, 3 et 4 s’intéressent aux fautes
non-intentionnelles. Le 13 Mai 1996, on réforme l’article 121-3 alinéa 3, soit la faute
d’imprudence, on espère ainsi alléger la responsabilité des élus, mais cela ne fonctionne pas
car la jurisprudence est toujours aussi sévère. Le 10 juillet 2000 une nouvelle loi est prise qui
vient réformer à nouveau l’article 121-3 en rajoutant cette fois ce qui sera l’alinéa 4 sur les
fautes non-intentionnelles aggravées.

Le législateur est intervenu à plusieurs reprises et aujourd’hui on a une diversité des


fautes non-intentionnelles. On a une graduation de ces fautes, ce qui est sans doute plus
conforme à la réalité, on peut faire une petite et une très grosse imprudence. Dans l’article
121-3 on a la faute d’imprudence simple et les fautes d’imprudence qualifiées.

A - La faute d’imprudence simple.


La faute d’imprudence simple est la faute la moins grave et la plus courante, elle
correspond à l’hypothèse où l’auteur n’a voulu ni le comportement ni le résultat. C’est celui
qui est en voiture, qui roule en ville, qui regarde son portable et qui a un accident et qui
renverse un piéton. L’imprudence ou la négligence ou le manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence est l’élément moral de quelques infractions : homicide involontaire,
blessures involontaires, divulgation par imprudence d’un secret de la défense nationale,
explosion ou incendie involontaire…

1 - Le contenu de la faute d’imprudence simple.

L’article 121-3 alinéa 3 dispose que « Il y a également délit, lorsque la loi le


prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une
obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que
l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant,
de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir
et des moyens dont il disposait ». Dans le Code Pénal, la faute d’imprudence recouvre 3
réalités. Il y a l’imprudence, la négligence ou le manquement à une obligation de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Concernant l’imprudence, c’est une action, c’est le fait de ne pas avoir fait exprès. La
négligence est une forme d’abstention, et également pour le manquement. La faute
d’imprudence simple suppose une imprévoyance et une indiscipline.

a - L’exigence d’une imprévoyance.

L’auteur d’une faute d’imprudence a nécessairement fait preuve d’une certaine


imprévoyance, il n’a pas prévu les conséquences possibles de son acte, il n’a pas eu la
volonté du résultat évidemment mais sans doute aussi il n’a pas eu la volonté du
comportement ou en tout cas d’un comportement interdit. Le conducteur peut avoir voulu un

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comportement, par exemple dépasser, mais pas voulu avoir un accident. Cette imprévoyance
suppose en plus la commission d’un dommage, en fait, toutes les infractions dont il est
question ici, (homicide et blessures involontaires) elles supposent nécessairement un
dommage de sorte que ce sont des infractions qui supposent un dommage et même le
dommage va permettre de qualifier plus précisément la gravité du dommage, de déterminer
exactement quelle est l’incrimination. Concernant les blessures involontaires ayant entraîné
une ITT supérieure ou égale à 3 mois, la peine encourue est 2 ans d’emprisonnement et
30.000€ d’amende. Si cela est inférieur à 3 mois, c’est une contravention de 5ème classe s’il
y a un ITT et de 4ème classe sans ITT. Il y a un lien entre la faute et le dommage.

b - L’exigence d’une indiscipline.

Il faut également une indiscipline, la faute d’imprudence suppose nécessairement une


certaine indiscipline de la part de son auteur, en cas de violation d’une obligation de prudence
ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement cela est facile à établir, il faut établir quelle
est la loi qui n’a pas été respectée ou le règlement (au sens constitutionnel), la loi du 10 juillet
2000 a corrigé les éventuels doutes. En l’absence de réglementation, il est plus difficile
d’établir une indiscipline mais il y en a bien une, en fait, l’imprudence ou la négligence
trahissent une distorsion par rapport au comportement normal de quelqu’un de normalement
prudent ou diligent. L’indiscipline est le fait de ne pas avoir eu un comportement normal, le
fait de doubler n’importe comment est une imprudence et une indiscipline. Toute la question
est de savoir comment on apprécie l’imprudence.

2 - L’appréciation de la faute d’imprudence simple.

La nécessité d’établir une indiscipline conduit le juge surtout en dehors de l’hypothèse


de la violation de la réglementation, à apprécier le comportement de l’auteur du dommage.
En fait, le juge va donc examiner le comportement et se demander s’il a été imprudent ou
négligent. Comment apprécier le placage d’un rugbyman, comment on va établir que ce
placage était imprudent, comment établir l’imprudence d’un chirurgien…

a - Les différentes méthodes d’appréciation envisageables.

Schématiquement, il y a deux méthodes possibles, c’est l’appréciation in concreto ou


alors l’appréciation in abstracto.

1 ) L’appréciation in concreto.

L’appréciation in concreto, on va envisager le comportement de l’agent en tant que


tel, en lui-même, de manière isolée et pas par référence à un modèle idéal et abstrait, c’est
une appréciation de la psychologie de l’intéressé, on va essayer de savoir ce qu’il pensait et
comment il était à ce moment-là. C’est la méthode qui est retenue en matière d’infraction
intentionnelle, on va se demander s’il la fait exprès ou pas. Pour une infraction d’imprudence,

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on va examiner la situation personnelle de l’agent, sa situation psychologique, sa fragilité, sa
rigueur. On va se dire qu’on va prendre en compte des considérations strictement
personnelles. En fait, l’appréciation in concreto est mal adaptée à la faute non-intentionnelle
parce que cela donnerait lieu à une prise en compte finalement un peu aléatoire des auteurs
d’infraction.

2 ) L’appréciation in abstracto.

L’appréciation in abstracto est l’inverse, c’est le fait de comparer le comportement de


l’agent avec un modèle idéal et abstrait, on va comparer par exemple au bon père de famille,
à l’Homme normalement prudent et diligent. Évidemment, il faut adapter ce modèle,
forcément adapter ce modèle, le modèle totalement abstrait n’a pas de sens, par exemple, le
placage au rugby peut être constitutif d’une imprudence, mais il faut comparer à un modèle
idéal et abstrait de rugbyman parce que le bon père de famille normalement ne plaque pas les
gens dans la rue, donc il faut comparer à un modèle adapté. En fait, on va prendre en compte
tous les aspects extérieurs à l’agent et on adaptera le modèle de comparaison.

b - La méthode d’appréciation retenue.

1 ) Principe.

Classiquement, la faute d’imprudence s’apprécie in abstracto, on va comparer par


rapport à un modèle idéal de comportement normal. D’ailleurs, c’est le cas également en droit
civil, la faute civile n’est pas définie dans le Code Civil alors on va imaginer ce qui n’est pas
une faute, on va imaginer le comportement normal. Le problème c’est que cette méthode
d’appréciation est généralement assez sévère parce que souvent on raisonnait à l’envers, on
partait du dommage. S’il y a eu un dommage c’est qu’on n’a pas été prudent, finalement il y
avait tout le temps une imprudence, la jurisprudence était de plus en plus sévère au point de
relever et de condamner des poussières de faute.

2 ) La réforme du 13 mai 1996.

C’est là où spécialement les décideurs (chefs d’entreprise, élus) ont fait savoir que la
responsabilité pénale pour les infractions d’imprudence étaient devenues trop lourdes,
certains maires ont démissionné au motif que leurs responsabilités étaient trop lourdes et
notamment dans les petites communes. C’est dans ce cadre qu’il y a eu la réforme du 13 mai
1996, les élus locaux et notamment les sénateurs, ont voulu faire passer un texte qui était un
texte dérogatoire allégeant la responsabilité des élus et ce texte avait vocation à se retrouver
dans le Code Générale des Collectivités Territoriales. En fait, les élus ont essayé de dire qu’il
y avait une responsabilité pour tout le monde et une autre pour les élus mais cette proposition
de loi faisait suite à un scandale lié aux amnisties où des hommes politiques avaient voté
eux-mêmes une loi s’auto-amnistiant. L’amnistie s’était très mal passée en terme médiatique
et n'est pas allée jusqu’au bout de cette réforme. Ainsi, ils ont étendu la réforme de 1996 à
tout le monde, et c’est comme cela qu’est voté dans le Code Pénal la loi du 13 mai 1996 qui

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vient rajouter le passage suivant « s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les
diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses
fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». En
fait, le législateur nous dit que les diligences normales, pour apprécier l’imprudence on va
regarder la nature des fonctions et des missions, les compétences, et le pouvoir et les moyens
dont on disposait. On se demandait quelle était la portée de cette loi, certains commentateurs
ont dit que ce texte introduisait une appréciation in concreto en disant qu’il faut regarder les
missions, les fonctions de l’auteur… En réalité pas du tout, c’est toujours de l’appréciation in
abstracto, la preuve c’est qu’on vise toujours les diligences normales, la normalité est
abstraite. La seule différence c’est qu’on nous indique comment adopter le modèle qui reste
idéal, mais c’est déjà ce qui était fait, le plaquage du rugbyman sera comparé par rapport au
rugbyman normal, et sans doute d’ailleurs qu’on examinera différemment le rugbyman qui
joue dans un club familial à 15 ans et le comportement du rugbyman en finale de Coupe du
Monde. La loi a simplement clairement dit qu’il fallait adapter le modèle, ainsi la
responsabilité pénale est restée toujours aussi lourde, la loi de 1996 n’a finalement rien
changé, on était sévère avant et on l’est resté.

Un arrêt du 21 septembre 2004 permet de comprendre cela, il s’agissait de savoir si un


chirurgien avait été imprudent, il avait opéré un patient qui souffrait d’hernie discale et après
l’opération, le patient souffrait moins mais était paraplégique, alors la question était de savoir
s’il avait commis une imprudence, le juge n’en sait rien donc en pratique, durant l’instruction
on va désigner des experts qui sont en réalité des chirurgiens avec une grande expertise,
expérience et qui vont examiner et reprendre tout le dossier médical, regarder quels étaient
les problèmes du patient et quelle était l’opération faite. On a considéré que « il y avait eu
manque de concertation du chirurgien avec d’autres praticiens pour décider de
l’opération ; l’intervention également était précipitée et non justifiée par l’urgence ;
manque d’information de la patiente sur les risques encourus ; défaut d’assistance d’un
chirurgien thoracique ; erreur de localisation de la hernie lors d’une première
intervention ; choix d’une voie opératoire dangereuse et obsolète ». Le cumul de tout cela
faisait qu’on a jugé que le prévenu n’avait pas accompli les diligences normales compte tenu
de la nature de ses missions et de ses compétences, on a considéré qu’il avait commis une
faute d’imprudence.

B - Les fautes d’imprudence qualifiée.


On a créé différentes formes d’imprudence qualifiées pour plusieurs raisons, la l la
principale était pour combler une lacune de la législation. Sous l’Ancien Code Pénal, il
existait finalement 2 séries de fautes : les fautes intentionnelles et d’imprudence. Les fautes
d’imprudence étaient celles de quelques incriminations qui prévoyaient nécessairement un
dommage, s’il y a une faute d’imprudence sans dommage, il n’y avait pas de texte
correspondant.

L’homicide ou les blessures involontaires supposait un dommage, et donc le dol


éventuel est la situation dans laquelle on a un comportement qui est très imprudent, il frise

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l’intention mais il n’y a pas de dommage, et s’il n’y a pas de dommage il n’y avait pas
d’infraction et pourtant c’était très grave. On a alors décidé de créer une nouvelle
incrimination, le délit de risque causé à autrui. Dans cette infraction, l’élément matériel n’est
pas de causer un dommage mais d’exposer autrui à un risque de dommage, mais là il faut que
l’élément moral soit plus qu’une faute d’imprudence simple, c’était une faute de mise en
danger délibéré. C’est ainsi qu’on a créé cette première faute de mise en danger délibéré.
Sous l’Ancien Code Pénal, celui qui volontairement prend l’autoroute à contre-sens, il a un
comportement très imprudent mais il ne cause aucun dommage, il n’y a pas d’infraction
commise et pourtant il a eu un comportement très imprudent, alors en 1992 le Code Pénal a
décidé que dans ce cas-là il y avait le délit de risque causé à autrui, c’est celui qui commet
une faute d’imprudence très grave qui met en danger délibérément autrui sans qu’il n’y ait de
dommages. On est à la frontière de l’intention, la mise en danger est délibérée, il y a la
volonté du comportement mais pas la volonté du résultat.

La deuxième raison pour la création, c’est la loi du 10 juillet 2000, la loi de 1996
n’avait finalement rien changé, on voulait alléger la responsabilité des élus mais cela n’a rien
changé. Donc, quelques années plus tard, les élus sont revenus à la charge et ont fait adopter
une nouvelle loi du 10 juillet 2000, elle vient réformer l’article 121-3 du Code Pénal et vient
créer l’alinéa 4 qui dispose que « Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes
physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les
mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont,
soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui
exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». Ce
que fait la loi du 10 juillet 2000 est d’une certaine manière une dépénalisation, elle va prévoir
qu’en cas de causalité indirecte pour les personnes physiques seulement, une faute simple ne
suffit plus. Concernant le maire condamné de la commune près de Poitiers, il avait été
condamné sur la base d’une faute simple, désormais ce n’est plus possible, il faut soit une
faute de mise en danger délibéré, qu’il a violé de façon manifestement délibérée ou alors il
faut établir une faute caractérisée. La faute qualifiée est dans l’alinéa 2 et dans l’alinéa 4.

1 - La faute de mise en danger délibérée.

La faute de mise en danger délibéré est l’élément moral au départ d’une seule
incrimination, du délit de risque causé à autrui. C’est l’élément moral de cette incrimination,
et pendant un certain temps il y avait une sorte d’identité entre l’infraction et la faute, c’était
l’élément moral d’une seule incrimination ce qui fait que certains ont parlé du délit de mise
en danger, c’était confondre l’infraction et la faute. Il se trouve que les choses ont changé
avec la loi du 22 août 2021, loi Climat qui a créé le délit d’Écocide. Cette loi crée diverses
infractions de pollution et notamment une infraction qui est à l’article L231-1 du Code de
l’Environnement dont l’élément moral est la mise en danger. On reprend ici la faute de mise

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en danger délibéré dans une forme de pollution de rivière. Elles sont apparues avec les lois de
1992 et le nouveau Code Pénal, il s’agissait de réprimer le dol éventuel, l’hypothèse d’une
faute particulièrement grave qui ne cause pas de préjudice. La loi du 10 juillet 2000 est venue
donner une nouvelle place à la faute de mise en danger délibéré.

a - Le contenu.

La faute de mise en danger délibéré correspond au dol éventuel, c’est la situation dans
laquelle il y a la volonté du comportement, mais pas la volonté d’un résultat. Délibéré évoque
cette intention dans la définition, on se situe entre les deux. L’article 121-3 alinéa 2 dispose
que « toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibéré de
la personne d’autrui ». Il faut une prévision spécifique par la loi, il n’y a pas de crimes
donc, cela étant on ne définit pas cette mise en danger et il faut aller à l’article 223-1 du Code
Pénal avec le délit de risque causé à autrui et il est disposé que « la violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou
le règlement ». Ici c’est la violation manifestement délibérée, d’une obligation particulière de
prudence ou de sécurité, la violation est ici volontaire, elle est manifestement délibérée ce qui
signifie qu’elle s’apprécie in concreto à la différence de l’imprudence simple, il faut
rechercher et montrer en quoi l’intéressé la manifestement fait exprès. Le caractère volontaire
ou pas s’apprécie par la conscience de sa faute, la violation doit porter sur une obligation
particulière de prudence ou de sécurité. Il va falloir déterminer quel est l’article, de quel texte
a été violé de manière manifestement délibérée, cela peut être par exemple un texte qui
impose de s’arrêter à un stop.

Il s’était posé la question de quelqu’un qui jette une poubelle sur la route, cela est
manifestement délibéré, cependant ce n’est pas la violation d’une obligation particulière de
prudence, ainsi ce n’est pas une faute de mise en danger délibéré.

b - Le domaine.

La faute de mise en danger délibéré joue plusieurs rôles, elle est utilisée de plusieurs
façons différentes. Parfois la mise en danger délibéré est une modalité d’aggravation de la
répression, parfois la mise en danger délibéré est une modalité d’atténuation de la répression.

1 ) L’aggravation.

C’est une faute d’inattention, la mise en danger comme élément moral, c’est une faute
soit l’élément moral du délit de risque causé à autrui, le délit de risque causé à autrui est le
fait d’exposer autrui à un risque par la violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière, donc le fait d’exposer autrui avec une faute de mise en danger. Certains auteurs
se sont mélangés et ont parlé du délit de mise en danger, ce n’est pas le cas. Pendant

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longtemps c’était l’élément moral d’une seule infraction, c’est aujourd’hui plus le cas avec la
Loi Climat et Résilience qui a notamment créé le délit notamment d’écocide et la faute de
mise en danger délibéré devient une des fautes des pollutions et certaines pollutions même si
elles n'ont pas de conséquence, ce sont désormais des incriminations. La mise en danger
devient l’élément moral d’une autre infraction.

Jusqu’à présent, pour les infractions non intentionnelles, quand il n’y avait pas de
dommages il n’y avait pas d’infraction et le Code Pénal vient incriminer pour la première fois
un comportement particulièrement dangereux bien qu’il n’y ait pas de dommages donc celui
qui faisait n’importe quoi au volant sans commettre de préjudice ne commettait pas de délit.

La mise en danger va aussi constituer une circonstance aggravante du chef de blessure


involontaire et d’homicide involontaire. Si cela arrive, on n’est plus sur le délit de risque
causé à autrui, on l’a tué ou blessé, on change d’incrimination, c’est plutôt homicide
involontaire ou blessures involontaires. Pour ces infractions, normalement une faute
d’imprudence simple suffit, en cas de mise en danger délibéré le Code prévoit que c’est une
circonstance aggravante selon l’article 221-6 pour l’homicide involontaire et 222-19. L’article
221-6 alinéa 2 dispose que « En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation
particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines
encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende ». De
plus, selon l’article 221-6-1 dispose que « Lorsque la maladresse, l'imprudence,
l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou
réglementaire de prudence ou de sécurité prévu par l'article 221-6 est commis par le
conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'homicide involontaire est puni de cinq
ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Avec en plus la faute de mise en
danger délibéré est aggravée, la peine encourue est alors de 7 ans. Il y a d’autres
circonstances aggravantes avec la très grande vitesse, sous produits stupéfiants, sous alcool,
sans assurance, délit de fuite ou encore le fait de ne pas avoir le permis. L’alinéa final de
l’article 221-6-1 dispose que « Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à
150 000 euros d'amende lorsque l'homicide involontaire a été commis avec deux ou plus
des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article ».

2 ) Atténuation.

On s’est servi de la mise en danger délibéré pour atténuer la répression, l’article 121-3
alinéa 4 du Code Pénal dit que « en cas de causalité indirecte, pour les personnes
physiques, une faute simple ne suffit plus ». Celui qui n’a pas causé directement le
dommage, la faute du mise en danger délibéré peut être utilisé dans une perspective
d’atténuation de la répression.

2 - La faute caractérisée.

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C’est une faute apparue dans le Code Pénal avec la loi du 10 juillet 2000, c’est la loi
qui a modifié l’article 121-3 alinéa 4 en prévoyant que en cas de causalité indirecte, les
personnes physiques sont responsables soit en cas de faute de mise en danger délibéré soit en
cas de faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne
pouvaient ignorer.

a - Le contenu.

Le Code Pénal ne définit pas réellement ce qu’est la faute caractérisée, cette faute est
une faute d’une gravité exceptionnelle proche de la faute inexcusable du droit de la sécurité
sociale, une faute particulièrement évidente, la jurisprudence est venue préciser le contenu de
la faute caractérisée notamment dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Poitiers du 2 février 2001,
c’est la première application de la loi du 10 juillet, c’est un arrêt du juge des fond et
l’appréciation de la faute est une question de fond, pour savoir si un comportement est une
faute il faut se référer aux juges de fond.

La Cour d’Appel de Poitiers dit qu’au regard des observations formulés devant
l’Assemblée Nationale et le Sénat, elle est allée chercher les travaux préparatoires, la faute
caractérisée est une faute qui apparaît avec une particulière évidence, une particulière
intensité avec une constance bien établie et correspondant à un comportement blâmable,
inadmissible, étant précisé que l’extrême gravité du dommage ne doit pas être de nature à
qualifier a posteriori la gravité de la faute. La faute s’apprécie en elle-même et pas au regard
de ses conséquences et de sa gravité, il peut y avoir des fautes caractérisées même si cela ne
finit pas par un homicide. La Cour de Cassation a précisé que cette faute pouvait s’analyser
comme un manquement à des obligations absolument essentielles, soit comme une
accumulation d’imprudence ou de négligence successive. La jurisprudence est attentive à la
conscience que devait avoir l’auteur des conséquences de son comportement, cela signifie
finalement que la faute caractérisée s’apprécie en réalité in concreto.

On a condamné un garagiste pour homicide involontaire parce qu’il avait prêté un


véhicule avec des pneus lisses ou usées dont l’éclatement avait provoqué un accident mortel,
on s’est montré sévère et cela est logique, c’est un manquement pour un garagiste considéré
comme particulièrement grave.

On a considéré qu’un instructeur de compagnies aériennes avait commis une faute


caractérisée en formant insuffisamment un pilote en lui remettant pas le manuel
d’exploitation.

La jurisprudence se montre désormais de plus en plus sévère, il y a une sorte de dérive


et la jurisprudence a tendance à aligner un peu le régime de la faute caractérisée sur le régime
de la faute simple.

Le 5 Octobre 2004, dans cet arrêt la Cour de Cassation examine le comportement


d’un agriculteur poursuivi pour homicide involontaire, cet agriculteur dans la région
d’Aix-en-Provence moissonne pendant l’été du blé, il la moissonne avec une moissonneuse

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batteuse n’est pas bien entretenue, des étincelles sortent du pot d’échappement, ces étincelles
mettent le feu au blé que le paysan est en train de couper, un incendie se propage et devient
un gros incendie, l’agriculteur moissonne l’été et à un moment le vent s’étend, des pompiers
et des canadairs viennent pour éteindre l’incendie, et deux pompiers meurent, on a considéré
que le paysan avait commis une faute caractérisée. On a considéré qu’il y avait une faute
caractérisée, la faute est de ne pas avoir fait entretenir sa moissonneuse ailleurs que chez les
concessionnaires. Cet arrêt semble glisser vers l’appréciation de la faute caractérisée à la
lumière de la faute simple, cela donne l’impression qu’on a regardé l’alinéa 4 de l’article
121-3 à la lumière de l’alinéa 3 du même article.

Cette impression est confirmée avec l’arrêt du 6 septembre 2005, dans cet arrêt une
classe et l’enseignant, c’est l’intercours au printemps, les fenêtres sont ouvertes et
l’enseignant discute avec certains de ses élèves pour organiser un voyage de fin d’année, et
un enfant s’assoit sur le rebord de la fenêtre tombe et meurt. On vient rechercher la
responsabilité de l’enseignant et la Cour de Cassation considère qu’il a commis une faute
caractérisée en disant que l’enseignant connaissait le danger de la situation résultant de
l’ouverture des fenêtres pour les enfants, qu’il n’avait pas pris à leur arrivée les mesures de
fermeture permettant d’éviter les dommages et avait ainsi commis une faute caractérisée
exposant les élèves à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, d’où il
résulte que le prévenu n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombait compte
tenu de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait. Cette formule est la méthode d’appréciation de l’alinéa 3 de la faute d’imprudence
simple, on peut dire qu’il a commis une faute caractérisée et donc a fortiori il n’a pas
accompli les diligences normales. La Cour de Cassation dit qu’il a commis une faute simple
au regard des diligences normales, donc il a commis une faute caractérisée ce qui est une
violation de l’article 121-3 alinéa 4.

Ce courant de jurisprudence est gênant puisque cela donne l’impression qu’on est très
sévère sur la faute caractérisée et que finalement on réduit la portée de la loi du 10 juillet
2000, lorsque la loi du 13 mai 1996 était intervenue, elle avait modifié l’alinéa 3.

La faute caractérisée doit avoir exposé autrui à un risque d’une particulière gravité
que son auteur ne pouvait ignorer, on pense à un risque de mort ou de blessures graves.

b - Le domaine.

La faute caractérisée est visée dans le Code Pénal seulement à l’article 121-3 alinéa 4,
cela signifie que la faute caractérisée n’existe que pour les personnes physiques en cas de
causalité indirecte. Une question s’est posée de savoir quel était le rapport entre la faute de
mise en danger délibéré et la faute caractérisée, on s’est demandé quel était le lien entre ces
deux fautes qui sont mises dans le même texte sur le même plan. En réalité, la faute
caractérisée est recherchée lorsque la faute de mise en danger délibérée n’est pas présente.
Autrement dit, la faute caractérisée a un caractère subsidiaire, elle est plus compliquée à
établir. La faute de mise en danger délibéré cela est plus facile, on va rechercher s’il y a un

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texte violé de façon manifestement délibérée. Si cela n’est pas le cas, on va rechercher la
faute caractérisée donc en fait, elles sont bien mises sur le même plan d’un point de vue légal,
mais dans la réalité les magistrats recherchent d’abord la faute de mise en danger délibéré
puis la faute caractérisée.

C - Faute civile et faute pénale non intentionnelle.


Ici il s’agit de se poser la question des rapports entre la faute pénale et la faute civile
non intentionnelle. Il est question ici des infractions d’homicide involontaire et de blessures
involontaires. Ce sont des infractions qui supposent un résultat, c’est un préjudice en droit
civil, le droit de la responsabilité civile a pour objet la réparation du préjudice donc lorsqu’il
y a l’une de ces deux infractions. Quand ces infractions sont constituées, vont naître en réalité
l’action publique au terme de laquelle on prononce une peine et l’action civile en réparation.
Il n’y a que les juridictions pénales qui peuvent condamner une peine, concernant l’action
civile, elle peut être exercée au choix soit devant les juridictions civiles soit devant les
juridictions pénales accessoirement à l’action publique.

Sous l’ancien Code Pénal, les articles 319 et 320 citaient comme faute l’imprudence
et la négligence. L’article 1383 du Code Civil devenu l’article 1241 aujourd’hui parle de la
faute civile d’imprudence, qui est défini comme l’imprudence ou la négligence, c’est-à-dire la
même chose. Cette proximité fait que si le juge pénal qui doit se prononcer en premier, se
prononce sur la faute pénale, le juge civil ou le juge pénal saisi de l’action civile, est-il libre
sur l’appréciation de la faute civile. Inversement, si le juge pénal a dit qu’il n’y a pas faute en
cas de causalité indirecte, le juge civil peut-il apprécier ?

La jurisprudence dans un premier temps à consacrer l’unité des fautes en 1912, elle
dit que c’est logique, s’il y a imprudence en matière pénale il y a également imprudence en
civile. Inversement, s’il n’y a pas imprudence en matière pénale, il n’y en aura pas en civile.
Le juge pénal a retenu des poussières de faute pour condamner civilement puisque s’il ne
condamne pas il n’y a pas de réparation, ce principe était contourné. Le juge civile
contournait aussi le principe en s’appuyant sur des mécanismes de responsabilité sans faute.

La loi du 10 juillet 2000 a introduit dans le Code de Procédure Pénale l’article 4-1 qui
dit que l’absence de faute pénale non intentionnelle n’interdit pas l’existence d’une faute
civile non intentionnelle. C’est la dualité des fautes qui est consacrée ici appliquer très
rapidement par la Cour de Cassation, cela signifie que s’il n’y a pas de faute pénale
d’imprudence il peut quand même y en avoir une en matière civile.

Même en cas de causalité directe, l’absence de faute simple pénale n’empêche pas
l’existence d’une faute simple civile, on a voulu alléger la responsabilité pénale et maintenir
la responsabilité civile.

La faute civile est aujourd’hui interprétée indépendamment de la faute pénale.

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SECTION 3 - LA FAUTE CONTRAVENTIONNELLE.
La faute contraventionnelle est la moins grave des fautes pénales, elle consiste en une
simple inobservation des prescriptions réglementaires sans intention ni même imprudence ou
négligence, la jurisprudence énonce que « en matière de contravention, il suffit en principe
pour l’application de la loi pénale que le fait punissable soit matériellement constaté ».
Certaines contraventions ont comme élément moral l’intention, si par exemple on donne une
gifle à quelqu’un, l’ITT est inexistante, c’est une contravention. Il y a quelques
contraventions d’imprudence comme les blessures involontaires, cela dépend de la gravité du
dommage, si c’est plus de 3 mois d’ITT ça constitue un délit, sinon c’est une contravention.
Dans les contraventions il y a des contraventions qui ont comme élément moral l’intention,
l’imprudence, et enfin la grande majorité des contraventions a comme élément moral la faute
contraventionnelle. La faute contraventionnelle est-elle encore une faute? Certains auteurs
disent qu’il n’y a pas d’élément moral, certains considèrent donc que la plupart des
contraventions sont des infractions purement matérielles, sans élément moral. L’article 121-3
dernier alinéa dispose que « Il n'y a point de contravention en cas de force majeur ». Cette
disposition figure dans l’article qui renvoie à l’élément moral, cela signifie qu’il y a bien une
faute contraventionnelle. Le dernier alinéa vient confirmer l’existence d’un élément moral,
simplement 99% du temps, cet élément moral ne sera même pas recherché, il sera contenu
dans l’élément matériel, même les contraventions les plus basiques ont un élément moral
même si on ne s’y intéresse quasiment jamais.

Dans certains pays, les contraventions relèvent du droit administratif, en France on a


une classification tripartite, ces contraventions ont un régime très particulier, d’abord elles
sont édictées normalement par le gouvernement et non pas par le Parlement, elles sont du
domaine réglementaire. Ensuite, il n’y a pas d’emprisonnement pour les contraventions, la
peine la plus lourde est 1500€ d’amende. Les contraventions même si elles ont un élément
moral n’est pas recherché alors que l’intention est essentielle pour les crimes et les délits,
pour les contraventions, l’élément moral est sans grand intérêt. La tentative n’existe pas pour
les contraventions, il n’y a pas de complicité en matière de contravention sauf provocation.
Pour les contraventions il existe le principe de cumul des peines, si on se gare mal un jour et
toute la semaine on va cumuler. Il y a en droit pénal de la consommation des infractions
qu’on a laissé contraventionnels notamment concernant les étiquettes sur les bouteilles
d’huile d’olive. On contourne toutes les garanties procédurales, il n’y a pas de présomption
de culpabilité en France sauf en matière de contravention, on se fiche de savoir qui conduisait
la voiture, c’est le titulaire qui est présumé responsable.

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