Vous êtes sur la page 1sur 87

AIX-MARSEILLE UNIVERSITE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

Diplôme Universitaire de l’ISPEC - 1re année

INTRODUCTION À LA CRIMINOLOGIE

Par Arnaud Derbey

Année universitaire 2017/2018

1
Introduction : Qu’est-ce que la
criminologie ?
Dans le cadre de ce cours, on peut donner une définition institutionnelle de la criminologie.
Ce serait un enseignement rattaché à la faculté de droit qui sert surtout à aider à la compréhension
du droit pénal, une discipline annexe. Mais cette définition ne nous aide pas vraiment à cerner
l’étendue de ce qu’est la criminologie, des sujets qu’elle recoupe.

On peut alors prendre une définition étymologique. La criminologie se définirait étymologiquement


comme l’étude du crime ou du criminel. Si on part du principe que c’est l’étude du criminel, on
étudie la criminologie d’un point quasi microscopique, en tentant de comprendre pourquoi le criminel
est passé à l’acte. C’est une étude positiviste (menée par des chercheurs appartenant au courant
positiviste). Ce sont les questions qui intéressent le plus l’opinion publique. Les questions que l’on
se pose dans ce cadre-là sont par exemple quelle partie du cerveau est dysfonctionnelle chez les
délinquants.

- Quels facteurs sont rentrés en compte

- Comment, à partir de cette connaissance, pourrait-on mieux prévenir les crimes ou


diagnostiquer et soigner les personnes qui seraient susceptibles d’en commettre ?

C’est un point de vue qui permettrait de prévenir le crime, c’est pourquoi ça intéresse le plus l’OP,
car on a généralement peur du crime.

Cette approche n’est cependant pas, à mon avis, la plus intéressante, car il est étrange de dire que
le crime est une pathologie physiologique ou sociale. C’est dérangeant d’un point de vue intellectuel
et on verra pourquoi dans la suite du cours.

On peut ensuite dire que la criminologie c’est l’étude plus générale du crime. Elle cherche à répondre
à des questions telles que  : quelles sont les grandes tendances  ? Quels types de crimes sont
commis dans quel type de société  ? etc. C’est une approche macroscopique. Elle a été initiée
principalement par la sociologie et notamment Durkheim dans son ouvrage Le suicide où des
statistiques très poussées (pour l’époque) ont été effectuées. On se demande par exemple quel est
le taux de récidive, quel est le taux de délinquance des mineurs à un moment donné et dans une
géographie donnée  ? On cherche des liens de causalité entre le type de crimes principalement
commis (même si, dans bien des cas, il s’agit de corrélations plus que de causalité). On s’intéresse
alors moins au criminel (seul), mais au criminel en relation avec son environnement et on
décrit le phénomène criminel dans sa globalité.

Il existe toujours deux problèmes  : cette approche est très critiquée, car elle déresponsabilise
l’individu. On peut très facilement observer par exemple que les pauvres commettent davantage de
crimes si on confond corrélation et causalité. Alors, avec cette approche on attribue la criminalité
au statut social de l’individu, à un facteur externe indépendant de sa volonté et cela à tendance à ne
pas satisfaire pleinement l’opinion publique qui cherche un responsable.

2
Jusqu’ici, on peut dire que la criminologie est une matière attenante au droit pénal, cherchant
à expliquer les causes du crime par l’individu ou son environnement. Le but est donc souvent curatif,
autrement dit on cherche à comprendre les crimes pour mieux les prévenir.

Pour autant cette approche de la matière n’est pas la plus intéressante, car la criminologie
consisterait à n’étudier que le crime. Mais pour étudier le crime, encore faut-il savoir ce que c’est.
Qu’est-ce que le crime finalement ? Le crime est un comportement stigmatisé par une institution
(la justice) et qui a été défini comme tel, donc comme un crime. En d’autres termes, le crime est
crime parce que la société a décidé qu’il en serait un.

Étudier la criminologie comme on vient de la décrire renvoie cependant à une approche très fermée
de la matière. Il s’agit seulement étudier ce que l’institution a décidé de définir comme étant le crime.
C’est une vision dogmatique de la criminologie. Cela a alimenté beaucoup de théories comme nous
le verrons dans la première partie du cours et ça continue, car c’est une vision très optimiste du
crime qui donne l’illusion qu’il serait possible de vivre sans crime en le comprenant et en le
« soignant ». Ce que les criminologues de ces écoles nous racontent est bien souvent un mythe tel
que celui de Thélème : une cité de « gens libres, bien nés, bien éduqués, vivant en bonne société »
où la seule règle est celle de la liberté absolue : « fais ce que tu voudras ». Une société de laquelle
la déviance a été supprimée ab initio et dans laquelle seuls les bons peuvent entrer. C’est une
société en paix, mais c’est avant tout la première utopie de la littérature française…

Il ne faut pas pour autant stigmatiser et brûler vif les criminologues de cette école. Leur production
scientifique s’inscrit dans une structure sociale déterminée qui est en demande de réponse à la
criminalité. Nous le verrons avec notamment la lutte contre la récidive (qui entretient l’utopie d’un
traitement efficace contre la réintégration d’infraction)  : des chercheurs étudient la récidive bien
souvent à la suite d’une demande d’une administration qui doit dépenser un budget de recherche.

Le troisième moyen d’envisager la criminologie est celui de la criminologie critique. Et cela


consiste d’abord à s’affranchir du dogmatisme précédent en refusant de prendre l’objet
« crime » comme donné et en s’interrogeant plutôt sur ce qu’est la déviance et comment est-
elle produite ?

Exemple : Howard Becker 1, qui fait partie du mouvement de l’interactionnisme symbolique


et que l’on peut ranger dans le camp des criminologues critiques, a par exemple étudié
les fumeurs de cannabis, Marie Juana, etc., et les a interrogés en faisant des entretiens semi-
directif 2Il se demandait comment on devenait fumeur. Howard Becker a déduit de ses
entretiens trois stades pour «  devenir un fumeur  »  : apprendre la technique, apprendre à
percevoir les effets et apprendre à aimer les effets. A priori, les fumeurs de marijuana ne sont
pas des criminels puisque s’il a pu les interroger c’est qu’ils n’étaient pas emprisonnés.

On voit donc que la criminologie ce n’est pas forcément l’étude du criminel puisque cet auteur
a fait de la criminologie sans interroger des criminels. Cela rejette la définition du crime et
propose une définition plus large de la criminologie qui devient davantage l’étude de la déviance.

1 H. Becker, Outsiders
2 Entretiens guidés pour comprendre l’action des fumeurs de marijuana
3
Il y a encore un autre aspect (ou « méta ») instauré par Beccaria et Bentham qui se sont demandés à
quoi devrait servir une loi. Ce questionnement a amené notamment Beccaria à conclure que «  la
peine capitale n’est ni utile ni nécessaire. » Bentham en arrive à la conclusion « qu’une prison utile
est un panoptique ». Ils attribuent une valeur utile à la loi et donc à la peine. Ils ont remis en cause la
légitimité de la peine et ont cherché une autre manière de légitimer la justice. Ils ont donc adopté un
point de vue critique.

On voit qu’il y a une dichotomie importante entre deux systèmes de valeurs  : ceux qui ne
remettent pas en cause la loi et lui attribuent une valeur absolue VS ceux qui la remettent en
question et étudient pragmatiquement les conséquences des choix de politique pénale. Ils
sortent du droit des livres pour aller voir le droit de la pratique.

Philippe Combessie, sociologue des prisons, a expliqué qu’empiriquement la plupart des couples se
forment à l’université et qu’on peut donc lui attribuer la fonction « Tinder ». Cette réflexion critique est
plus intéressante qu’une réflexion dogmatique, car elle permet de comprendre pourquoi certains
élèves préfèrent parler à leurs voisines (ou l’inverse, ou dans le sens que vous préférez selon votre
identité de genre) plutôt que d’étudier et d’écouter le prof. Vision dogmatique : la fonction de l’école
est d’apprendre des choses plus ou moins utiles VS vision critique l’école sert aussi à former des
couples.

Quand on se place seulement au point de vue juridique, on a un raisonnement incomplet et l’étude


de la criminologie doit savoir s’affranchir en temps voulu du droit pénal théorique pour autonomiser
son raisonnement et produire des réflexions originales.

Quand on regarde la terminologie de la criminologie critique, on se rend compte qu’elle


reprend une controverse millénaire sur le fondement de la morale. Dans ce cours, la morale se
définit comme un guide dans l’action, c’est ce qui permet de distinguer entre le bien et le mal, le
juste et l’injuste puis prendre une décision. = étude de l’axiologie = étude des valeurs. Car
fondamentalement, et peu important la vision (dogmatique ou critique que l’on ait de la criminologie),
il s’agira toujours d’étudier un comportement ou un individu qui a été qualifié dans un certain
contexte et par certaines personnes comme pratiquant le Mal.

En philosophie, la controverse naît sur le fondement de la morale. À partir de quoi décide-t-on de


ce qu’est le bien ou le mal ? En droit, il s’apprécie objectivement en fonction du non-respect de la
norme, mais on peut aussi juger la moralité d’une action subjectivement. Les réalistes moraux
comme Kant se sont beaucoup inspirés de la pénologie. Kant est un réaliste, selon lui il faut agir de
telle manière que l’action puisse être généralisable. Selon lui, il ne faut absolument jamais mentir, car
ce comportement n’est pas généralisable. Cependant, que fait-on quand on a, en temps de guerre,
des juifs cachés dans sa cage d’escalier ?

Généralement les lois pénales sont ainsi faites. Par exemple : il ne faut pas voler sinon on sera puni.
C’est une approche dogmatique et ne résiste pas aux faits, à l’étude empirique. En effet quand un
individu commet une infraction, il ne va pas forcément en prison, il n’est pas forcément puni, ni
même inquiété par les forces de l’ordre. Lorsque l’on étudie la pratique (ce que la criminologie fait),
on se rend compte que le pénal ne connaît pas d’absolutisme.

4
Le problème des moralistes moraux est qu’ils ne disent pas d’où proviennent leurs valeurs. Le
raisonnement de Schopenhauer est de dire que les lois est un arrangement entre les hommes
concernant leur liberté. Cela exigerait que toute action ait un motif suffisant pour la commettre.
Donc, si on admet qu’aucune loi morale n’existe a priori on se rend compte que toute moralité a
finalement un fondement hypothétique et relatif. C’est ce qu’on appelle le relativisme moral dont
Beccaria fait partie.

Il y a différentes méthodes pour analyser le relativisme moral : en fonction de ses conséquences ou


des motifs qui régissent l’action. Schopenhauer dit qu’une action est morale si elle n’admet
aucun motif égoïste, c’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir le bien ou le mal de l’agent qui commet
l’action. Sade nous dirait qu’il n’y a pas d’action qui n’est pas égoïste. Parmi les conséquentialistes,
il y a les utilitaristes  : John Stuart Mills, Bentham, Beccaria… Selon Bentham, l’action doit
maximiser le plaisir du plus grand nombre. Selon Beccaria, la loi devrait prévenir les crimes
plutôt que de les punir puisque ça coûte moins cher d’un point de vue économique.

La criminologie est aussi une science sociale. Durkheim en est l’un des pères fondateurs
de la sociologie et on perçoit son point de vue relativiste  : «  Pour chaque peuple, à un moment
déterminé de son histoire, il existe une morale, et c’est au nom de cette morale régnante que les
tribunaux condamnent et que l’opinion juge. Pour chaque groupe donné, il y a une certaine morale
bien définie. Je postule donc, en m’appuyant sur les faits, qu’il y a une morale commune, générale à
tous les hommes appartenant à une collectivité. »3. Il y a des morales qui sont différentes en fonction
des sociétés et il n’y a donc pas d’absolutisme moral quand on étudie les faits.

Pour bien commencer sur la morale, il faut le faire par Nietzsche puis lire de la sociologie ou de la
philosophie. Réfléchir aux fondements de la morale permet d’étendre le champ de la criminologie à
des objets qui ne sont a priori pas du crime. Les fumeurs de marijuana en font partie, les personnes
détenues provisoirement aussi. La criminologie étudie non pas le crime ou le criminel, mais ce
qui est globalement perçu comme mauvais qui peut faire l’objet d’une sanction pénale.

On doit maintenant parler de déviance plutôt que de criminalité. Le déviant est une
catégorie beaucoup plus large de personnes qui fait l’objet d’études criminologiques. Puisque la
criminologie étudie les jugements moraux, aussi, cela devient plus intéressant, car en faisant de la
criminologie, on étudie des valeurs morales d’une société à un moment donné.

Étudier la criminologie et la définition du crime/déviance permet de nous interroger sur ce qui


fonde notre société. Cela permet de mieux nous connaître et c’est pour ça que la prison est
intéressante parce qu’elle est pleine de tout ce que la société refoule en elle.

3 E. Durkheim, Sociologie de l’esprit


5
Plan du cours : On abordera dans un premier temps les principales théories criminologiques,
en se basant sur un article de Nicolas Carrier  : «  Les criminels des universitaires  » 4 qui donne un
résumé de toutes les recherches menées en criminologie. Il distingue trois types de théories :

• Th 1 : traite le criminel comme ayant une pathologie


• Th 2 : criminel est le produit d’une stratégie
• Th 3 : critique de la criminologie ; criminel serait le produit d’une construction sociale

Ensuite, nous continuerons le cours en regardant comment la criminologie parvient à répondre


aux questions fondamentales du droit pénal : qu’est-ce que le crime, comme mieux le punir et
mieux le traiter  ? Nous effectuerons une analyse critique des 4 fonctions traditionnellement
attribuées à la peine et adressées par les politiques pénales.

Nous en arrivons enfin à la conclusion que majoritairement la lutte contre le crime ou la déviance et
la criminologie « n’a jamais rien fait à propos du crime » (Howard Becker), mais que l’existence et la
persistance du crime ne sont pas tout à fait inexplicables. L’échec de la criminologie en tant
qu’outil de lutte contre la déviance est peut-être indépassable dans la mesure ou le crime fait
partie des conditions d’existence d’une société.

Pour conclure, nous désignerons criminologie par la définition suivante : une science humaine et
sociale qui étudie des faits suscitant une réprobation morale et qui peuvent potentiellement
faire l’objet d’une appréhension par le système pénal.

4 https://journals.openedition.org/champpenal/528
6
Avant d’aborder les théories criminologiques, il y a un point important à souligner : elles sont toutes
très imparfaites. La raison à cela est simple : on ne peut pas décrire parfaitement les comportements
humains, car c’est trop complexe. Mais c’est justement pour cela qu’on a besoin de théories. On a
besoin de faire des abstractions générales sur le comportement pour essayer de le comprendre dans
une certaine globalité. Si on s’embourbe dans toutes les nuances du comportement de la société, on
n’y comprendrait plus rien et ce n’est pas le but. En faisant abstraction des nuances, on parvient à
comprendre, à voir des ressemblances et des schémas qui se répètent. Le but n’est pas d’accéder à
la vérité pure, mais d’essayer de s’en rapprocher en prenant conscience que toutes les théories que
l’ont produit ne sont que des illusions partielles de la réalité. 5.

Ce qu’on attend d’une théorie, c’est qu’elle englobe assez largement les cas présentés et qu’elle
puisse être généralisable à d’autres cas sans se tromper trop lourdement.

Par ailleurs, la qualité des standards en science est intéressante. Il existe des standards à respecter.
Ex : un standard dans l’analyse statistique est d’utiliser des régressions logistiques, des odes ratio,
des arbres de choix, etc. ; cela permet, à l’aide d’algorithmes mathématiques de décrire une partie
d’un comportement observé et de prédire certains comportements ou décisions futurs. Les
standards permettent à la communauté scientifique de savoir si un résultat a été correctement trouvé
et si à quel point il est généralisable.

***

5Nietzsche, Vérité et mensonge au sens extra moral


Voir classique des sciences sociales
7
PARTIE I : LES THÉORIES
CRIMINOLOGIQUES CENTRÉES SUR
LES CRIMINELS
CHAPITRE I : ECOLE POSITIVISTE ITALIENNE

L’école positiviste italienne est essentiellement constituée par Lombroso, Ferri et Garofalo.

Lombroso : né en 1835, principal ouvrage L’homme criminel publié en 1876, a édité un Atlas dans
lequel il a reproduit l’ensemble des éléments sur lesquels il appuyait sa théorie : crânes, figures des
criminels, courbes d’analyse… Très sensible aux maux qui traversaient son pays à l’époque. Engagé
politiquement dans le PS. Voulait aider à résoudre les problèmes secouant l’Italie de l’époque. Était
très touché par la pauvreté, notamment le sud de l’Italie très peu développé par rapport à l’Italie
après sa réunification. 


Lombroso a eu très fort sur la recherche, car il a introduit la pensée positiviste en criminologie. Ce
que l’esprit positiviste cherche à faire c’est établir des lois sur un modèle scientifique, donc avec des
méthodes scientifiques d’analyse pour remplacer les croyances théologiques et/ou métaphysiques.
Les positivistes étudient d’abord et mesurent les faits et les phénomènes criminels. Ils les décrivent
dans leur réalité telle qu’ils l’observent dans le but de mieux comprendre le crime et donc d’être utile
à la société et d’en résoudre une partie des maux. On voit que son approche assimile le crime à un
problème médical (nous verrons par la suite que cette vision est loin de n’avoir tenu que Lombroso).


« modifier le sort de milliers d’individus, en donnant la sécurité aux citoyens, en prévenant le
crime et en analysant le criminel à travers des instruments de vérification de contrôle et de
neutralisation » Lombroso 1902 origine e natureal dei genii p 31.

Selon les positivistes, les prisonniers sont étranges et il existe des marqueurs physiques qui les
caractérisent. L’étude de Lombroso étude se fonde sur une étude biologique et un peu
psychologique du criminel. Il croit voir dans les criminels qu’il observe des stigmates qui seraient le
résultat d’une dégénérescence. À plus forte raison il croit que ce mal peut être soigné ou du
moins plus correctement diagnostiqué pour faire en sorte que la société vive en paix (mythe de
l’Abbaye de Thélème toujours présent et peur du crime présente). La pensée de Lombroso peut se
résumer comme cela  : individus présentent des caractères atavistiques6 qui sont à l’origine des
actes déviants. Ils commettent des faits, des forfaits par nécessité biologiques, car ils sont
déterminés biologiquement à devenir des criminels. Conclusion : il y aurait des criminels nés.

Atavisme = caractéristique physique anormale qui s’exprime chez un individu. Initialement utilsé en

6 critère physique anormal apparaissant sur les individus et qui est biologique. Il apparait à partir de
la création. Darwin l’utilise à propos des chevaux.
8
biologie évolutive pour étudier les fossiles et constater l’évolution des espèces en fonctions des traits
morphologiques recensés.

Il énumère des caractéristiques : forte mâchoire, arcades sourcilières proéminentes… La plupart du


temps ça se remarque sur les crânes des individus. Selon lui on verrait des traits, notamment sur la
fossette occipitale médiane.

Après avoir vu le crâne du centre de l’image et notamment la fossette occipitale médiane désignée
par les traits voici ce que Lombroso s’écrie :

« Cela ne fut pas une idée, mais une révélation. Voyant ce crâne, il me sembla voir
soudainement, éclairé comme une grande plaine sous un ciel enflammé, le problème de la
nature et du criminel : un être atavistique qui reproduit dans sa même personne les instincts
féroces de l’humanité primitive et des animaux inférieurs. Ainsi on expliquait, du point de vue
anatomique, les mandibules énormes, les pommettes saillantes, les arcades sourcilières
proéminentes, les sillons palmaires désunis, la dimension excessive des orbites, les oreilles en
anses* des délinquants, des saunages et des singes, paresse extrême, la passion libidineuse et
la concupiscence pour le mal en soi, le désir de supprimer la vie de ses victimes et d’en
mutiler le cadavre, d’en déchirer la chair et d’en boire le sang.

Le peu de développement du système pilaire, la faible capacité crânieuse, le front fuyant,


les sinus frontaux très développés, la plus grande fréquence des os Wormiens, les synostoses
précoces, la saillie de la ligne arquée du temporal, la simplicité des sutures, la plus grande
épaisseur os crâniens, le développement énorme des mâchoires et des zygomes, le
prognathisme, l’obliquité des orbites, la peau plus pigmentée, la chevelure plus touffue et
crépue, les oreilles volumineuses ». (Lombroso, 1899, p. 443)


C’est lorsque les déformations sont nombreuses qu’elles font régresser la personne vers un état
barbare et que celle-ci présente le plus de chances d’être criminelle :

« Lorsque, dans les criminels, nous avons ces réunions de plusieurs


anomalies surtout atavistiques (quelquefois elles sont pathologiques : par
exemple, asymétrie, ernies), nous disons qu’ils ont le type criminel » (Lombroso, 1899).

9
Les images ci-dessus présentent des exemples de physiques atavistiques présents dans l’atlas de
Lombroso.

Sur le plan moral, on peut d’ores et déjà observer une dérive de la théorie de Lombroso qui a
souvent était qualifiée de raciste parce que déterminée biologiquement. Identifier les criminels n’est
pas si différent que la doctrine nazie puisqu’il s’agit de mettre à l’écart ou de tuer des personnes
estimées comme nocives.

Mais sur le plan scientifique, on peut aussi lui reprocher l’échantillon utilisé. Il n’était pas si grand que
ça et les méthodes d’analyse étaient un peu approximatives aussi : vibrations de l’eau et doigt du
criminel dedans qui réagit à la diction de certains mots. cf image :

Il a fini par admettre que sa théorie était assez peu englobante, c’est à dire que quand il observait un
criminel, seulement 50 à 60 % de chance seulement pour qu’il exprime des caractères ataviques et
le type criminel.

Le seul point qui fera par la suite consensus sera que l’étude du crâne est intéressante et qu’on
observe généralement chez les criminels un plus grand développement de la région occipitale. Ce
courant est celui de la phrénologie et sera en partie repris par Ferri et Garofalo.

10
• FERRI & GAROFALO:

Ferri et Garofalo sont deux positivistes et tous deux nourrissent la même peur du crime et la même
volonté de résoudre ce problème que Lombroso. Et tous deux pensent que le crime doit être étudié
scientifiquement.

Garofalo est un magistrat

« Ce qui donne à ces doutes une réponse décisive, c’est que nous ne connaissons pas
uniquement le criminel par le fait de l’acte qui l’a révélé, mais par toute une série
d’observations démontrant la cohérence d’un acte de ce genre avec certains caractères de
l’agent ; d’où il s’ensuit que l’acte n’est pas un phénomène isolé, mais qu’il est le symptôme
d’une anomalie morale»7.

il distingue l’assassin, le violent et le voleur

Un premier fait non douteux c’est que dans une prison il est aisé de distinguer
les assassins des autres détenus. (p. 73) Ceux-là — le dit Lombroso — ont presque
toujours le regard froid, cristallisé, quelquefois l’œil injecté de sang, le nez
souvent aquilin ou crochu, toujours volumineux, les oreilles longues, les
mâchoires fortes, les zygomes espacés, les cheveux crépus, abondants, les dents
canines très développées, les lèvres fines, souvent des tics nerveux et des contradictions d’un
seul côté de la figure qui ont pour effet de découvrir les dents
canines en donnant au visage une expression de menace ou de ricanement 41 ».

Ferri est un politicien socialiste et relativise l’influence de l’atavisme. «  Certes l’influence des
caractères atavistiques est importante, mais ne l’est qu’en fonction de l’environnement dans lequel
évolue le criminel. »

Ferri cherche des causes partout et arrive à la conclusion qu’en hiver il y a davantage de crimes
commis à l’encontre des propriétés et des biens et en été davantage de crimes contre les
personnes. Cependant d’un point de vue statique on confond causalité et corrélation. Ferri comme
beaucoup d’autres ne se base donc que des corrélations et pas des liens de causalité.

7 R. Garofalo, La criminologie ; étude sur la nature du crime et la théorie de la pénalité, 1890.


11
Corrélation et Causalité

À ce stade du cours, nous avons abordé plusieurs fois la problématique de la corrélation et de la


causalité. Il est temps de préciser ce que cela veut dire et de montrer à quel point cette confusion
peut être source de faussetés.

Exemple  : une étude qui s’interroge sur les moyens de prévenir la récidive des personnes
incarcérées parvient au résultat que les sortants de prisons ayant travaillé durant leur incarcération
récidivent moins que ceux qui n’ont pas travaillé. Un twittos reprend ce résultat pour en tirer la
conclusion suivante : qu’attend-on nous pour mettre tous les prisonniers au travail, cela anéantirait la
récidive !

L’observation du faible taux de récidive est une corrélation c’est-à-dire que les deux variables : taux
de récidive et emploi en prison évolue en même temps. Cela ne veut pas dire que l’une cause l’autre,
cela ne veut pas forcément dire que ceux qui travaillent sont écartés de la récidive et que le travail
« soigne » de la déviance.

Une causalité attribue à un événement X une cause Y. les standards scientifiques permettent de
solidifier de telles conclusions, mais il peut toujours exister des variables cachées qui faussent
l’interprétation du résultat.

Dans notre cas, on ne peut pas conclure à une causalité pour une raison simple : le travail en prison
est une sorte de « cadeau », de gage de confiance et de récompense à un bon comportement. Le
travail est rare dans certaines prisons et permet aux détenus d’améliorer un peu leurs conditions
d’incarcération. Ainsi le travail est en fait réservé aux bons détenus, ceux la même qui sont les moins
dangereux, le moins susceptible de récidiver. Il est donc normal d’observer un taux de récidive bas
chez les détenus ayant travaillé, mais le travail n’est pas la cause de cela.

Autre exemple  : si l’on regarde les prisons américaines remplies de personnes noires  : doit-on en
conclure (avec Lombroso) que l’origine ethnique cause la criminalité de cette population ? Que cette
population est une population de barbares atavistiques ?

On peut trouver des milliers de corrélations toutes plus absurdes les unes que les autres. C’est un
piège dans lequel le citoyen éclairé ne doit pas tomber. Il faut toujours se demander ce qui pourrait
fausser le résultat d’une étude clamant une causalité entre deux événements.

Vous pouvez vous rendre sur ce site pour faire une pause et regarder le nombre de corrélations
absurdes que l’on peut établir : http://www.tylervigen.com/spurious-correlations

Ferri a comparé 700 soldats avec 700 détenus et il a trouvé que 63  % d’entre eux n’avaient pas
d’anomalie contre seulement 10 % qui en possédaient a priori les détenus possèdent donc 6 à 7 %
plus d’anomalies que les soldats. Il tire donc comme conclusion que l’expression des caractères
ataviques cause le crime.

Eux deux se posaient des questions intéressantes même si on peut ne pas être d’accord avec eux.
Ferri est le premier à s’intéresser au milieu social même s’il l’a relégué au second plan. Son
cheminement intellectuel est intéressant aussi  : questionnement sur la proportionnalité des peines
aux crimes, apprécier la valeur des circonstances atténuantes ou aggravantes par rapport aux
12
diminutions de peine. Il commence aussi à aborder des questionnements critiques sur le
fonctionnement du système pénal :

«Dès mes premières études de droit, j’avais commencé à me demander : comment se fait-il
que l’auteur du Code pénal ait pu savoir quels étaient exactement le genre et le degré
de peine convenable et suffisante pour chaque crime ou délit. Comment a-t-il
pu s’assurer, par exemple, que pour cinq années de maison de force le vol
qualifié est justement puni ; que deux ans suffisent pour le vol simple et pour
l’escroquerie ? Comment a-t-il fait pour apprécier la valeur de l’une ou l’autre
circonstance aggravante ou atténuante d’une manière si exacte qu’il en ait pu
déterminer l’augmentation ou la diminution de six mois, d’un an, de cinq ans, de dix
ans de peine ?... J’avais eu l’ingénuité de croire que l’auteur du code avait
procédé expérimentalement : de là mon admiration et ma curiosité. Je n’ai appris
que plus tard qu’il ne s’était pas soucié le moins du monde, pour établir ces
règles, d’en expérimenter l’efficacité.»

Qu’est ce qu’on sait de l’efficacité de la prison  ? C’est les premiers à vouloir voir l’efficacité des
prisons. Aujourd’hui encore on ne met pas en œuvre les moyens de mesurer l’efficacité de la peine.
On met les gens en prison sans savoir ce qu’ils vont devenir dedans ou pire : en sachant que cela ne
sert à rien et en les y mettant quand même faute de mieux. Nous verrons cela dans la partie critique
du cours.

Nombre de productions scientifiques tentent aujourd’hui de trouver les causes du crime, non plus
dans les crânes, mais dans les gènes, dans l’étude des neurosciences. Des chercheurs sérieux
produisent de la recherche et des conclusions selon les mêmes prémisses que Lombroso et
s’appuient même sur ses travaux en expliquant que les personnes mises à l’écart subissent des
traitements nutritionnels qui ont pour but d’améliorer le fonctionnement « préfrontal » des personnes
diagnostiquées positivement.

En septembre 2009, l’affaire Bayout : vengeance d’une personne qui avait été agressée et qui a tué
par la suite un de ses agresseurs. Il a été diagnostiqué, à la suite d’un scanner cérébral, comme
étant porteur du gène MAOA qui est visé depuis un certain nombre d’années par la recherche
criminologique et sociale comme étant un gène favorisant les accès violents des personnes.
L’expertise psychiatrique menée lors de cette affaire apporte la conclusion suivante  : individu
psychotique délirant en raison du gène délirant dont il est porteur. Un arrêt de la cour d’appel de
Trieste (CA Trieste, 18 septembre 2009) confirme la condamnation pour meurtre sur la base des
rapports d’expertise et de l’anomalie génétique attirée au prévenu, mais réduit la peine en raison de
l’expertise psychiatrique qui constitue une circonstance atténuante.

Donc on se base aujourd’hui sur des diagnostics neurologiques et génétiques pour mieux
condamner les gens. Ce qui peut apparaître comme un mythe à l’époque de Lombroso est en fait
en train de devenir plus ou moins une réalité. En étant confronté à une expertise psychiatrique et
génétique qui se base sur des preuves scientifiques et qui expliquent scientifiquement que le
prévenu est prédisposé à être violent, que faire ?

Julien Larregue distingue 4 branches de la criminologie sociale :

13
• Criminologie quantitative  : étude des influences génétiques et environnementales sur le
comportement humain en recourant à des études de jumeaux. Ce n’est pas de dire que tel gène
est impliqué dans le crime, mais c’est de rechercher des catégories de facteurs qui s’influencent
entre eux.

• Génétique moléculaire  : cherche à trouver des gènes scientifiquement corrélés à certains


comportements. Le gène MAOA relève de cette catégorie-ci puisqu’il influence le comportement
violent. Le but étant d’identifier les facteurs de risques qui augmentent les chances de développer
un comportement anti-social. In fine le but est de déterminer un indice de risque génétique. Il faut
prendre en compte la surcharge des tribunaux.

• Neurocriminologie : étude des facteurs neuropsychologiques qui favorisent la délinquance. Étude


des mécanismes cérébraux comme le self-control.

• Criminologie biologique ou biosociale : étude du développement biologique de l’humain et son


rôle dans le développement du comportement criminel. École qui a trois thèmes d’étude
principaux : hormones, rythme fréquence cardiaque, concentration de plomb dans le sang. Thèse
de Julien Larregue qui donne 5 raisons qui sont 5 bénéfices tirés de la biologie dans le champ de la
criminologie. La résurgence de cette criminologie s’explique assez facilement en réalité.

- Nouveauté  : ce champ de criminologie biosociale s’oppose frontalement à l’étude


criminologique classique qui est celle par le biais de la sociologie. Elle se fait en réaction à la
sociologie criminelle. Nouveauté par le caractère innovant des recherches et qui amène à des
conclusions tout à fait novatrices : gène MAOA. L’aspect innovant de ces recherches permet
de recruter des futurs doctorants qui vont reproduire ce champ de la recherche.

- Simplicité  : cherche à résoudre le problème du crime et la criminologie, prétend pouvoir


résoudre ce problème, résoudre notamment le problème de la causalité. En sociologie, ce
problème est très grave, car quand on a une méthode sociologique on ne peut pas dire que
tel facteur influence tel comportement.

- Accessibilité des travaux : comprendre d’où viennent les données sur lesquelles se basent
ces recherches. La plupart du temps il y a des bases de données publiques en génétiques
comportementales qui sont accessibles et peu coûteuses. Certaines d’entre elles ne coûtent
que 850 $, c’est donc moins coûteux que de faire un « terrain » en prison où il faut payer la
nourriture, l’hébergement, le trajet… Par opposition au terrain on peut faire des études
directement depuis son bureau. D’autres sont beaucoup moins accessibles  : études du
cerveau, car il faut louer une IRM et au mieux le plus récent. Ça coûte entre 25  000 et
35  000  $ selon les machines. Adrian Raine a réussi. L’accessibilité est aussi intellectuelle
c’est-à-dire que quand on donne des conclusions d’études biosociales au public c’est assez
facilement vulgarisante si bien que la plupart des chercheurs ne soient pas formés à la
biologie. C’est facile à produire et à lire.

- Visibilité des productions : la production scientifique est dans des revues scientifiques, mais
régulièrement on a des numéros spéciaux entiers qui traitent de la criminologie biosociale
parce que c’est facile d’accès et permet d’avoir une abondante production scientifique à
partir de mêmes données. Cette visibilité se mesure aussi à la controverse qu’elle suscite,

14
c’est à dire au nombre d’auteurs qui s’opposent à ce qui est présenté dans l’article. C’est
comme ça qu’on choisit quelles théories survivent à l’épreuve du temps et celles qui ne
survivent pas.

- Scientificité du résultat produit dans les traditionnelles idées reçues et les médias
populaires, la génétique est une science « dure » avec des données précises et des référents
empiriques clairement définis pour ses concepts, tandis que la sociologie est « souple », voire
pas scientifique du tout »

• Psychologie évolutionniste La psychologie évolutionniste se propose d’appliquer les principes


darwinistes de l’évolution par la sélection naturelle au comportement humain et, en particulier, aux
agissements criminels. En remontant le fil de l’évolution humaine, il serait ainsi possible de saisir
les causes ultimes du comportement criminel et de répondre à la question plus fondamentale du «
pourquoi ».

Il n’y a pas de consensus sur ces théories, la controverse n’est pas terminée et on ne peut pas
savoir si elles résisteront à l’épreuve du temps. Il faut réfléchir à savoir pouvoir on est confronté à
des théories qui proposent un indice de risque génétique ou biologique avec ce schéma en tête, ou
plutôt l’absence de schéma type. La chose qu’il faut garder à l’esprit, c’est que en tant que futur
acteur de la justice pénale, vous allez certainement être confronté à de telles théories dans votre
métier. Spécialement si vous êtes magistrats. Il vous faudra alors prendre du recul, par exemple vis-
à-vis des résultats des experts et se poser une série de questions qui vous permettront de faire un
choix personnel qui vous permettra, moralement, d’être satisfait de votre action.

Par exemple le programme Lombroso proposé par Adrian Raine vous semble-t-il utile, souhaitable,
injuste, etc. ? Personne ne peut répondre à ces questions à votre place et la moindre des choses en
tant que futur acteur de la justice pénale est de refuser que quiconque vous impose ses réponses, ni
les experts, ni les scientifiques, ni les professeurs.

15
CHAPITRE II : LES CAUSES SOCIALES

SECTION I : L’ANOMIE

I. L’anomie selon J.-M. Guyau

L’anomie signifie en grec «  a nomos  » c’est-à-dire sans repère. Cela renvoie donc a une idée de
désordre. Il est apparu dans la philosophie chez J-M Guyau au 18e siècle qui a écrit énormément,
mais est mort à 33 ans. Chez lui l’anomie a un sens philosophique assez particulier. Il voit ça comme
un idéal auquel doit tendre l’Humanité. Il a forgé ce concept en opposition à Kant et à son
absolutisme moral. Pour lui, il s’agit d’absence de règles fixes. Il refuse d’admettre qu’il existe des
règles fixes et universelles. En disant ça, il survalorise l’individu  ; c’est une doctrine très
individualiste dans la mesure où il permet de s’affranchir de toute règle dogmatique. Il applique ça à
la religion et il estime que l’anomie doit permettre sa propre disparition. C’est le premier concept
d’anomie.

Par exemple il applique ce raisonnement aux religions et en arrive à la conclusion que toute religion
doit tendre à sa propre disparition. Il exhorte les individus à devenir eux-mêmes créateurs de
valeurs, en inventant des formes et normes nouvelles. Ce n’est que dans ces conditions que nous
serons à même de découvrir des choses auxquelles on ne s’attendait pas et peut-être même des
choses dangereuses.

II. L’anomie selon E. Durkheim

C’est en opposition à ce concept que Durkheim l’a employé dans ses ouvrages. Ce sociologue du
19e, fils de Rabin et d’une famille où le respect des valeurs était très important et où la cohésion
avec la communauté juive était forte, explique ses valeurs morales et philosophiques.

Concernant sa philosophie, on peut admettre qu’il est assez relativiste en ce sens qu’il accepte
qu’il y ait plusieurs conceptions dans différentes communautés, mais il est assez difficile à
appréhender d’un point de vue moral. Ayant grandi dans une famille très stricte avec beaucoup de
valeurs, il a, du point de vue micro une idée très spécifique de la société qui conduira ses réflexions.
Pour lui, on observe des phénomènes à partir des faits et pas abstraitement cependant, étant
donné qu’il a des valeurs très fortes il se distingue du positiviste qui est quant à lui assez neutre.

« De quelque manière qu’on se représente l’idéal moral on ne peut rester indifférent à un
pareil avilissement de la nature humaine. Si la morale a pour but le perfectionnement
individuel, elle ne peut permettre que l’on ruine à ce point l’individu ».

Pour lui, la sociologie doit permettre le perfectionnement de l’individu et c’est modestement la tache
qu’il s’attribue. Durkheim est connu pour le fonctionnalisme qui est très intéressant dans la mesure
où il emprunte à la biologie quelques concepts et voit la société comme un organisme vivant et
cohérent. Pour lui les individus ne sont pas vraiment conscients des processus dans lesquels ils
sont impliqués  ; la fonction est le rôle ou le statut professionnel d’un individu, mais désigne
principalement la contribution d’un élément à l’organisation ou à l’action de l’ensemble dont il fait
partie.

16
Ces principaux ouvrages sont essentiellement sa thèse «  De la division du travail social  », «  Le
suicide » et d’autres dont on parlera quand on fera de la criminologie critique.

L’anomie apparaît à la fois dans la division du travail social (DTS), mais Durkheim connaissait le
concept d’anomie de Guyau et la réfute en bloc parce qu’il la trouve globalement anarchisante
c’est-à-dire absence de hiérarchie au sens premier du terme. Ex : les relations internationales sont
anarchiques, car il n’y a rien au-dessus des États donc l’ordre international est globalement
anarchique et c’est pourquoi on observe des communautés hégémoniques notamment l’Union
européenne. Chez Durkheim l’anomie est vraiment connotée négativement. Elle nie toute morale,
car il ne pourrait y avoir de règle de conduite sans sanction ni obligation morale.

Globalement la DTS est un phénomène qui veut que plus une société évolue, plus les fonctions des
individus se spécialisent. Durkheim estime qu’il y a deux sortes de lien qui unissent les individus au
sein d’une société :

• Solidarité mécanique  : se retrouve dans une société qualifiée de primitive ou inférieure et ici la
DTS est faible. Il y a cette solidarité quand les individus se ressemblent énormément et ne font
presque qu’un avec la société dans laquelle ils sont.

• Solidarité organique : résulte de la DTS et se retrouve dans la complémentarité des rôles ou des
fonctions qu’ont les individus une fois la division du travail effectuée.

La conséquence d’une DTS forte est que les individus sont globalement de moins en moins
interdépendants ce qui accroît leur isolement. On retrouve le concept d’anomie lorsque la DT ne
crée plus de solidarité. Ex : lors des grandes crises industrielles et commerciales, Durkheim analyse
ça comme une anomie.

En sciences également, plus les sciences évoluent plus elles se spécialisent et se fractalisent ce qui
peut être créateur d’anomie qui est vue par Durkheim comme un phénomène qui détruit la solidarité
et c’est donc un phénomène anormal pouvant à des dérives immorales.

Globalement on peut dire que l’anomie est une situation déviante de la société ou que l’anomie
est une situation qui peut faire basculer la société dans la déviance. Durkheim a appliqué
l’anomie au suicide dans un autre de ses grands ouvrages et qui est considéré pour beaucoup
comme le seul ouvrage de Durkheim qui en vaut la peine même s’il y a beaucoup d’erreurs
statistiques, mais c’est pas grave dans la mesure où il est fondateur dans la sociologie. C’est le
premier à mettre en place de telles statistiques et en arrive à la solution que «  chaque société est
prédisposée à livrer un contingent déterminé de morts volontaires.  » Il cherche a expliquer et
comprendre les causes du suicide. Il voit que le suicide croît avec l’âge, qu’il est supérieur chez les
hommes, que ça varie en fonction des jours de la semaine… Il part du principe que c’est toujours un
acte individuel pour satisfaire les psychologues, mais qu’il peut avoir des causes sociales différentes.

Il établit donc une typologie de suicides selon deux axes :

• Intégration dans la société  : liens réciproques qu’il y a entre les individus  ; on voit poindre
l’anomie. Lien vertical entre les individus.

• Régulation de la société : moyens qui rendent prévisibles et conformes les comportements des
individus. Lien horizontal.

17
Les 4 suicides sont :

• Suicide altruiste  : se retrouve essentiellement chez les individus fortement intégrés dans un
groupe. Ex : résultat de la mort d’un proche. « C’est l’état où le moi ne s’appartient pas. »

• Suicide égoïste : procède d’un état de dépression de l’individu qui était lui-même très faiblement
intégré horizontalement avec les individus de son groupe.

• Suicide fataliste : résulte d’une trop forte régulation sociale, « c’est le souci de celui dont l’avenir
est impitoyablement muré. » On pense à tous les suicides en prison notamment.

• Suicide atomique  : résulte lorsqu’il y a trop de tensions entre la réalité et les désirs de la
personne. C’est quand la réalité est déception face aux attentes. Première fois qu’on
applique le caractère anomique a un comportement qui peut être qualifié de déviant. « C’est
quand on a soif de choses nouvelles, réjouissances ignorées, de sensations innommées,
mais qui perdent toute leur saveur dès qu’elles sont connues. Dès lors que le moindre revers
survient et l’on est sans force pour le supporter. Toute cette fièvre tombe et on s’aperçoit à
quel point ce tumulte était stérile. »
• Un exemple de suicide anomique peut être celui du prisonnier oublié par l’administration
pénitentiaire coupé de toute activité et de liens sociaux (histoire vraie)

Le paragraphe suivant est une digression sur le suicide. Il remet en question certaines
conclusions de Durkheim en mettant en lumière une variables latente. cela permet d’illustrer
l’importance de la dichotomie corrélation causalité.
Des études ont ensuite été menées par Jack Douglas aux US qui se posait un peu les mêmes
questions sur le suicide des communautés juives, catholiques et protestantes. Certes, il y avait des
différences de taux de suicide, mais ce n’était pas forcément lié au degré d’intégration des
individus au sein des communautés (au degré d’anomie). Ce n’était pas lié à la faculté des
communautés de créer du lien. C’était lié à la personne qui établissait l’acte de décès, car il y
avait des communautés où le coronaire était élu donc comme il n’avait pas envie de froisser des
familles, il ne disait pas que c’était un suicide. Dans d’autres communautés, c’était un médecin
légiste non biaisé par son positionnement politique ; d’où les différences de taux.

Globalement, c’est un ouvrage intéressant du point de vue méthodologique puisqu’il est le premier à
faire ce genre de statistiques si précises, d’autant plus qu’il n’avait pas d’ordinateur. Pour lui,
l’intégration et la régulation sont des causes de suicide, mais, à vrai dire, il n’a fait qu’établir des
corrélations.

L’anomie chez Durkheim n’est pas spécifiquement reliée à l’explication de la déviance, mais elle
pose certaines prémisses utiles à la compréhension de certains comportent déviants ;

« le crime et la profession du criminel ne sont pas des formes anormales de la division du
travail social, mais seulement une différenciation »

18
IV. L’anomie selon R. Merton

Merton, sociologue américain (dont on dit qui s’inspire de Durkheim, mais ne le cite pas), utilise
spécifiquement le concept de l’anomie pour parler de la déviance. Il est aussi un fonctionnaliste, il
étudie les fonctions dans la société. Pour lui, il existe différentes sortes de fonctions :

• Fonctions manifestes qui ont les conséquences qu’on attendait. Ex  : fonction manifeste de la
détention provisoire : garder les individus en prison le temps qu’on les traduise en justice.

• Fonctions latentes dont les conséquences ne sont pas celles attendues ou exprimées
officiellement. Ex : système éducatif et formation des couples.

Merton a une acception différente de Durkheim concernant l’anomie parce que chez lui les buts à
atteindre sont clairement indiqués tandis que ce sont les moyens pour accéder à ces buts qui ne
sont pas accessibles. Donc pour lui l’anomie est conçue comme une rupture dans la structure
culturelle qui se produit en particulier quand il y a une discordance aigüe entre les normes et
buts culturellement admis et les possibilités déterminées socialement d’accéder à ces buts. Le
terme de structure culturelle désigne l’ensemble des valeurs normatives d’une société. Ex  :
survalorisation de l’argent serait source d’anomie parce que source de discordance entre cette
valeur et les moyens pour acquérir ce statut et cet argent qui sont finalement assez limités puisque
peu de personnes y arrivent. L’anomie donne alors lieu à des déviances dont le loup de Wall Street
est un exemple concernant l’argent.

Chez Merton l’anomie est davantage conçue comme un état intermédiaire entre la tension et la
déviance, elle peut éventuellement y conduire. C’est-à-dire que tout déséquilibre entre les buts et
les moyens accessibles n’est pas forcément anomique non plus. En revanche, les
comportements déviants selon Merton ne sont que des modes de réactions face à l’anomie. Pour
Durkheim, l’anomie résulte du trop-plein de possibilités (DTS trop forte) alors que pour Merton, les
buts sont clairement identifiés et ce sont les moyens qui sont inaccessibles et limités.

Merton en arrive à effectuer une typologie de l’anomie :

But Moyens

Conformité + +

Innovation + -

Ritualisme - +

Fuite, évasion, retrait - -

Rebelle +/- +/-

Innovation : Merton prend l’exemple d’Al Capone pour expliquer que quand on valorise les mêmes
buts en adoptant des moyens différents, on produit des formes amorales d’intelligence c’est-à-dire
qu’elles ne sont pas immorales, mais sont sans morale.

19
Ritualisme  : comportement routinier qu’adoptent généralement les agents de bureaucratie qui
renoncent aux buts généralement admis tout en pratiquant les moyens normaux  ; ils y renoncent
parce qu’ils craignent des déceptions. Ex : directeurs d’administration pénitentiaire qui indique que
ce qui la motive dans son métier est une lettre d’un ancien détenu la remerciant pour sa
réintégration.

Retrait ou évasion : mode de vie en marge. Ex : hippie.

Rebelle  : vrais déviants souhaitant modifier l’ensemble de la structure c’est-à-dire les buts et les
moyens.

V. L’anomie dans la sociologie américaine

L’anomie dans la sociologie américaine apparaît ensuite dans la théorie de l’écologie urbaine de la
délinquance. Deux écoles sont apparentent à cette théorie : École de Chicago/École de Colombia.

• L’école de Colombia a utilisé le mot d’anomie essentiellement pour se distinguer de l’école de


Chicago qui avait initialement plus d’influence. Pour faire simple, l’écologie de la délinquance est
l’étude de la délinquance au sein d’un écosystème donné  ; pour eux c’est l’écosystème qui est
facteur de délinquance.

L’école de Colombia est essentiellement menée par Bernard Lander qui s’inspire de Durkheim en
faisant des statistiques très poussées et en étant innovant sur l’utilisation de l’analyse multivariée
qui utilise une variable dépendante avec tout un tas de variables indépendantes. Il a étudié 8000
cas de délinquance juvénile qui ont eu lieu pendant 10 ans pour déterminer des véritables
explicatives expliquant selon lui la délinquance de ces jeunes gens. Il prend en compte les
facteurs socio-économiques et l’état d’anomie. Il cherche carrément à mesurer, à donner un
indice d’anomie aux quartiers et à dire combien un quartier est désorganisé et combien l’emprise
des normes sur la conduite individuelle s’est effondrée. Pour lui l’anomie se caractérise
essentiellement par le fort pourcentage de noirs par quartier (beaucoup de naissances
légitimes et beaucoup de migrants = facteur de désorganisation) et le faible taux de logement
occupé par les propriétaires (l’occupation étant signe d’une certaine stabilité).

Il en arrive à la conclusion que la délinquance de ces jeunes est fondamentalement liée à l’état
d’anomie de l’environnement dans lequel ils évoluent  ; sachant que l’instabilité sociale est un
facteur d’anomie.

On arrive à critiquer cette théorie en se basant sur Merton qui disait que l’anomie est un état
précédent la délinquance et donc on lui a rétorqué que la délinquance était une espèce d’anomie et
ne pouvait pas en être la cause. On voit la limite du mot anomie ; on a beaucoup de mal à s’entendre
sur l’acception de ce mot.

Philippe Besnard a rédigé sa thèse sur l’anomie et a critiqué son usage en disant qu’on a 4 sens
différents ; cette notion ne voulant donc plus rien dire.

• L’école de Chicago est une des écoles qui a le plus marqué la sociologie et a fortiori la sociologie
de la déviance  ; c’est de là que vient Howard Becker. L’histoire de la ville de Chicago explique
pourquoi on a eu la formation de cette école et pourquoi elle s’est formée de cette façon-là pour en
arriver à étudier la délinquance comme elle l’a fait. Cette école s’est essentiellement formée dans
20
les années 40 dans une ville qui était en très profonde transformation, car il y avait un enjeu
politique et social majeur à l’époque : l’immigration beaucoup plus importante que maintenant. La
croissance démographique de cette ville est énorme et c’est normal qu’il y ait eu tant de
problèmes. En 1900 la moitié de la population de Chicago était née en dehors des USA. Il y avait
beaucoup d’inégalités et c’était tout ce Chicago en conflit qui va être l’objet d’étude principal de
l’école de Chicago qui naît en 1990. Rockfeller a donné 35 millions de dollars pour fonder l’école,
sans contrepartie. Elle continue de fonctionner majoritairement grâce aux dons aujourd’hui. Son
fonctionnement financier lui permet d’être relativement indépendante dès le début ; c’est une école
encore aujourd’hui connue pour être le berceau de penseurs « hérétiques ».

Ils mettent tout en place pour garantir le succès de l’école  : programme de formation sur 4
semestres  ; mise en place d’une école doctorale dès le début ce qui valorise évidemment la
recherche, car ils pensent que seuls ceux qui cherchent peuvent enseigner à ceux qui apprennent
pour enseigner  ; création en 1992 du premier département d’anthropologie et de sociologie et
fondent une revue spécialisée.

Le premier chercheur important est Small, il va poser les bases de la recherche telles qu’il l’entend.
C’est la méthode de recherche qu’on sera le plus à même de mettre en œuvre lors de nos stages.

Il préconise une recherche empirique et encourage les étudiants à observer les gens au sein
des communautés dans lesquelles ils évoluent. Il cherche à opposer cette méthode aux
sociologues de fauteuil. Ex  : Durkheim a étudié les suicides de manière très macro, pas sur le
terrain.

À Chicago, on pense que le point de vue des délinquants est très intéressant pour étudier la
délinquance. C’est inspiré du pragmatisme qui est un courant philosophique dont certains auteurs
appartenaient à l’époque (William James) et qui consiste à vouloir comprendre les choses en
fonction des conséquences pratiques  ; cela s’oppose aux dogmes et aux conséquences
acceptés a priori. Pour eux, tout événement a une cause et le monde est rationnellement
intelligible. Cela a permis de comprendre certains comportements en étudiant le comportement
des délinquants sur le terrain.

La méthode qui a fait le succès de cette école est l’interactionnisme symbolique.

SECTION II : L’INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE

C’est la méthode phare de l’école de Chicago dans laquelle l’individu est vu comme ayant tout
intérêt à être étudié et est notamment intéressant dans son interaction avec l’environnement.
L’acteur devient sujet et n’est pas passif comme chez Durkheim ou Lombroso. Il ne subit pas une
sorte de somme de déterminismes, mais est actif. L’acteur construit son univers à travers une
activité délibérée qui donne un sens à son action, le but étant de chercher le sens et étudier l’action
en tant que telle.

L’interaction est le champ mutuel d’influence entre les individus. Ansem Strauss qualifie l’interaction
d’ordre négocié. La société est vue comme une structure vivante en permanence en train de se faire
et de se défaire au gré des différentes interactions. L’action réciproque des individus définit la
société.

21
Durkheim étudiait des faits sociaux comme les interactionnistes symboliques, mais d’un point de
vue macro c’est-à-dire qu’il ne s’intéressait pas aux individus qui, pour lui, subissaient l’anomie
résultant de la DTS. pour lui, la société est définie a priori alors que pour les autres elle l’est
défini en dernière instance par le comportement des acteurs.

SECTION III : THÉORIE ÉCOLOGIQUE DE LA DÉVIANCE

I. Théorie de C. Shaw

Le principal auteur en ce qui concerne la théorie écologique de la déviance est Clifford Shaw. Il
publie en 1929 « Delinquancy area » dont la base est qu’il a observé que le taux de criminalité variait
d’un lieu à l’autre. Il a cherché à savoir pourquoi et pense que la criminalité est liée à la structure
physique de la ville et a fortiori du quartier.

Avant d’aller plus en détail il faut dire que cette théorie se base sur des travaux précédents de l’école
de Chicago menés par Ernest Burgess qui a distingué 5 zones dans les villes selon des cercles
concentriques et estime que la désorganisation sociale décroît à mesure qu’on s’éloigne du centre.
La zone  2 est la plus fortement touchée
par ce phénomène :

I. Zone des affaires


II. Zone de transition (ou industrielle)
III. Lieu de résidence des classes
ouvrières
IV. Lieu de résidence des middle
classes
V. Banlieue

Shaw identifie des variables telles que


l e c h ô m a g e  ; l a p a u v r e t é  ;
l’hétérogénéité ethnique  ; la structure
de l’habitat ; la santé publique présente
dans les quartiers  ; présence de
services publics tels que la police ou
les pompiers.

Il observe que malgré des changements


très profonds dans la zone de transition
avec des nouvelles vagues de migrants,
la délinquance continue d’être forte
dans cette zone  2. Il en déduit que la
délinquance se transmet de manière
culturelle dans des lieux tels que celui-ci qui sont fortement marqués par la désorganisation
sociale.

22
Une fois ces variables mises en place, il a voulu régler les problèmes observés dans la zone 2 qui
est le plus marquée par la désorganisation sociale. En 1934, Shaw y crée le Chicago Area Project
qui est une organisation à but non lucratif qui a pour vocation d’aider les personnes résidant dans
les quartiers les plus défavorisés de Chicago afin de réduire la délinquance et la criminalité dans ces
zones. C’est une association qui existe encore et qui est très active. En son sein existent trois
volets  : organiser des activités sportives  ; améliorer l’environnement du quartier  ; aider
informellement les jeunes délinquants pour les aider à sortir de ces structures-là et les conseiller
même quand ils se retrouvent devant la justice.

On peut donc observer les aspects pratiques de la criminologie qui sont les mêmes que chez
Lombroso  : réduire le crime en travaillant sur ceux identifiés comme déviants potentiels non plus
génétiquement, mais socialement.

En gros, ils ont cherché à mettre en évidence des facteurs qui expliqueraient le crime.

Le problème principal de cette théorie, malgré sa beauté, est qu’elle n’est que très peu généralisable
à d’autres villes que Chicago et a fortiori à d’autres pays.

II. Théorie de E. Sherman

Certains auteurs ont voulu être plus précis que Shaw et ont cherché les zones au sein des territoires
désorganisés qui étaient les plus sensibles. En 1989, Sherman a analysé 323 980 appels de police
secours sur une année à Minneapolis et a établi que 3,3 % des adresses signalées étaient des coins
de rue à Minneapolis. Tous les vols étaient concentrés sur 2,2  % des lieux, les vols de voiture sur
2,7  % et les viols sur 1,2  %. Il en a déduit qu’il existait des hot spots correspondant à des
marqueurs spatiaux. Ex  : caisse auto des banques, sorties des centres commerciaux, taverne à
proximité d’un métro ou d’un parking…

On peut conclure que les infractions sont commises davantage sur certains lieux et on arrive à
calculer la probabilité qu’une infraction y soit commise. On crée donc un outil mathématique qui
s’appelle le Criminal geographic targeting qui a été implanté dans un logiciel Compstat à NY au
début. Il a permis de mieux diagnostiquer les besoins en sécurité d’un quartier et donc de réduire les
zones d’investigation de la police de 90  %, en lui faisant gagner du temps et des ressources. Cet
outils a été importé en 2001 par la préfecture de police de Paris. Cette importation se fait au même
moment qu’émergent les politiques managériales au sein de l’administration, car les services coûtent
très cher, il s’agit d’une polémique récurrente en politique qui a justifié la mise en place de ce qu’on
appelle les politiques du chiffre. Les deux sont concomitants, car l’un permet l’autre  ; COMPSTAT
permet de suivre les problèmes non résolus et les politiques managériales de mieux orienter les
ressources. Il s’agit d’une action de rentabilité.

L’aspect pratique de cette théorie est donc très visible elle est directement applicable pour orienter
le travail de lutte contre la délinquance. En revanche elle reste très pauvre sur le plan intellectuel et
ne nous aide pas à comprendre mieux ce qui cause la déviance.

23
SECTION IV : ASSOCIATION DIFFÉRENTIELLE

I. L’association différentielle de E. Sutherland

L’association différentielle est une théorie qui a été mise en place par E.Seutherland, sociologue
dans la continuité des études de l’interactionnisme symbolique. E. S est recruté à l’école de
Chicago en 1930 au département de sociologie. Il est aujourd’hui encore considéré comme l’un des
auteurs les plus influents en sociologie de la déviance. La raison de son succès tient à 3 choses : TH
de l’AD  ; pour ses recherches sur la criminalité en col blanc qui vient d’un discours prononcé en
1939 lorsqu’il a pris la présidence d’une revue et sa fameuse question «  Is white collar crime a
crime? » ; pour avoir essayé de recadrer ce que devait être la recherche sur le crime. Il l’a cadrée
selon trois questions : études des normes ; études des transgressions et études de la réponse des
autorités aux transgressions.

Pour l’AD, il y a trois prémices :

• Une question : pourquoi un individu devient déviant et pas un autre ? Question posée lors de
l’étude de la théorie écologique du crime.

• Comportement déviant n’est pas héréditaire


• Délinquant doit apprendre à devenir délinquant et cet apprentissage se fait selon 3 volets :

- Apprentissage du savoir-faire  : comment apprend-on à devenir déviant  ? Selon lui


«  l’apprentissage s’effectue en interaction avec d’autres personnes dans un processus de
communication  » à l’intérieur d’un groupe plus ou moins restreint (école, gangs, famille,
prison…).

- Motifs qui poussent à l’action

- Motivation

Selon lui la probabilité de devenir délinquant dépend du rapport différentiel existant entre les
conceptions, opinions ou jugements défavorables ou favorables des personnes avec qui on
est amené à communiquer. Il faut voir ça comme une balance c’est-à-dire qu’il faut juste peser les
poids des considérations négatives par rapport aux normes globales VS poids des considérations
positives. Quand la balance penche du mauvais côté, c’est à ce moment-là qu’on a le plus de
chance de devenir délinquant selon lui. Ex : un enfant qui vit dans une famille conformiste qui prône
le respect de la loi VS un enfant qui vit dans une famille dont les parents ont un point de vue neutre
sur la loi et qu’en même temps l’enfant rejoint un gang, la balance penche du mauvais côté et il a
plus de chance de devenir délinquant.

L’individu devient déviant lorsque les définitions transgressives l’emportent sur les définitions
conformistes

Ce qui est criminogène est d’être en contact régulier avec les déviants tout en étant isolés des
conceptions favorables vis-à-vis des normes. On voit ici l’importance du travail des CPIP en
prison, car ils jouent ce rôle de valoriser le respect des normes. Ça dépend du prestige, de
l’importance accordée aux normes.

24
Le mot important dans la théorie est le mot communication qui revêt deux aspects :

• Communication personnelle et pas impersonnelle comme avec le cinéma.


• Communication avec des tiers qui possèdent une intendance significative pour l’individu
en question : « significant other » de Sutherland.

La communication doit être fréquente, dense et antérieure ; doit durer et venir d’une personne
avec qui on a une affinité et à qui on accorde de l’importance. Donc, ce n’est pas seulement une
imitation du comportement de ces personnes, Sutherland refuse l’automaticité. Cette
communication porte sur les techniques, mais aussi sur les valeurs et les motifs de l’action en
délinquance.

Ex  : casa de papel où le braquage qui devait bien se passer parce que 5 mois de planification à
l’écart de tout. Le professeur transmet les techniques et les valeurs aux 10 personnes. Leur déviance
est simple a comprendre : ils n’ont pas eu d’autre vision que celle du professeur, leur balance pèse
nécessairement vers l’acte délinquant.

Il est possible de remédier à la délinquance selon Sutherland en modifiant les conditions qui
favorisent ou défavorisent le contact des individus avec les personnes qui auraient des ponts de vue
négatifs sur les normes en vigueur. L’Area Chicago Project met en place des actions pour aider les
jeunes et peut être vu comme une tentative de peser favorablement dans la balance.

Pour lui, on devient déviant si on partage les mêmes valeurs. Il ne faut pas oublier la possibilité de
rationaliser le crime parce que sous la menace on peut commettre des infractions : voler la banque
de billet parce que ça ne cause aucun préjudice à la personne, sauf aux otages. Exemple si on vous
dit qu’il est interdit de tuer on peut très bien penser (rationaliser) le fait que tuer quelqu’un qui nous
menace est légitime.

Les comportements déviants selon ET dépendent donc de la manière dont une société stimule
ou inhibe l’adhésion au modèle criminel et anticriminel.

La théorie est intéressante, mais limitée parce que partielle, car elle n’a jamais été consacrée par
Sutherland. Dans son ouvrage principal, elle ne prend que 2 pages ; c’est en fait une construction
prétorienne. Sutherland ne dit pas comment se déroule ce processus d’apprentissage exactement
et dit même que c’est assez difficile à mesurer. Comment objective-t-on le poids dans la balance de
milliers d’individus  ? Cette théorie est agréable parce que très imagée, mais assez difficilement
mobilisable.

Autre critique  : ne prend pas en compte les critères biologiques ou sociologiques, mais au
contraire les réfute. Cette théorie a beaucoup d’impact en prison notamment concernant la
différenciation des quartiers mineurs/majeurs pour éviter que les mineurs qui sont plus influençables
ne soient en contact avec des délinquants plus aguerris qui pourraient peser dans la balance. On y
pense aussi beaucoup avec la peur de la radicalisation contaminatrice potentielle de certains
prisonniers.

La théorie qui rejoint d’autres théorie comme celle de l’amour et du désir de René Girard qui est la
clé de la séduction et qui a pour fondement l’idée que l’Homme désire toujours ce que désire l’autre
ie que le désir est mimétique. « « L’homme désire toujours selon le désir de l’Autre ».

25
Sutherland a voulu étudier cette matière empiriquement et a écrit un livre sur un voleur professionnel
sous forme de roman, mais qui est une enquête psychologique. Il retrace la vie de ce voleur
(Corwell). Ouvrage qui permet de mettre en lumière le processus d’association différentielle par
lequel il est passé. Il n’était pas destiné à la délinquance, il était né dans un milieu aisé et un jour est
tombé amoureux d’une fille dans un music-hall et il a décidé de tout quitter pour elle et de devenir
souteneur. Il est rentré en interaction avec d’autres voleurs et a commencé à voler  : pickpocket,
voleur de grand magasin, escroc de plus grande ampleur…

Il avance comme assertion que le groupe des voleurs de profession constitue un groupe humain
qui a toutes les caractéristiques des autres groupes et que ça ne relève pas de la pathologie :
Corwell « J’exerce un métier comme les autres. » Pour lui c’est un métier ordinaire, car ça exige un
« ensemble de compétences, des techniques qui sont transmises à travers le groupe. Ex : plasticité
sociale, charisme théâtral… » et ça s’apprend à travers la communication entre le groupe de voleurs.
Sutherland explique pour appuyer sa thèse que les groupes de voleurs est un groupe humain est
que les valeurs sont universelles : partage des frais des braquages ou frais judiciaires.

Donc, ce qui était considéré comme de la désorganisation sociale auparavant notamment pour
l’école écologique du crime n’est qu’apparent, car il y existe son code, ses statuts et son
organisation comme dans tout groupe. Les groupes de déviants et le processus de communication
existant pouvaient et étaient orientés vers la transmission des valeurs.

Puisque pour Sutherland les déviants peuvent partager les mêmes valeurs que la société dans
laquelle ils évoluent, mais passaient à l’acte grâce à un processus de rationalisation. C’est ce
processus que Sykes et Matza ont appelé techniques de neutralisation. Nous les étudierons après
un détour par l’étude d’un des élèves de Sutherland ayant tenté de prolonger la th de l’AD à travers
l’étude spécifique des sous-cultures déviantes.

II. Les sous-cultures déviantes de Cohen

Thème abordé par Cohen qui est un étudiant de Sutherland et qui est lui aussi dans le courant de
l’interactionnisme symbolique. La valeur accordée aux actes déviants se manifeste dans les
interactions avec les individus. Ces significations peuvent varier entre les conceptions des membres
du groupe social et les différents types de conceptions par rapport à la culture dominante qui
constitue ce que Cohen appelle les sous-culture (SC) et qui s’élaborent pour lui en réponse aux
contraintes de l’ordre social dominant. On voit à peu près le même schéma à travers l’anomie. La
SC est un ensemble d’individus qui partage un même monde de valeurs. Il a fait des recherches sur
la délinquance juvénile. Pour lui, la SC constituée par ces bandes revêt 3 caractères :

• Non utilitaires : selon lui elles ne poursuivent pas nécessairement un but.

• Mal intentionnées, car les infractions commises le sont afin de nuire et faire souffrir.

• Négatives, car s’opposent systématiquement aux normes établies hie à la culture dominante.

« la SC délinquante tire ses normes de la culture globale, mais en inverse le sens. La
conduite du délinquant est normale par rapport aux principes de sa SC et cela précisément
parce qu’elle est anormale selon les normes de la culture globale. »

26
Un peu comme Merton, il souscrit à l’idée que la délinquance peut provenir du décalage entre
ce que l’individu désire et l’accessibilité des moyens pour l’obtenir. Pour Merton il y avait une
valeur unique qui gouvernait tous les membres de la société, il définissait des buts globaux par
lesquels tout le monde se positionnait. Or, pour Cohen, on admet qu’il peut exister plusieurs
systèmes de valeurs au sein de la même société ; ce sont les normes de conduite qui résultent de
ces SC et leur interaction avec les normes globales qui créent le conflit. On appelle ça une théorie
compréhensive de la déviance.

Comment se crée une SC ? Elle se crée par le besoin social qu’elle remplit parce que ça permet à
des personnes, en l’occurrence des jeunes, d’accéder à d’autres buts et d’autres moyens que ce
que leur propose la culture globale. C’est un système inclus dans la culture globale. Il explique
que les jeunes délinquants sont pris en étaux entre deux registres de prescriptions qui sont les
valeurs globales de la société et ceux de la SC ou de son environnement immédiat.

Il faut aussi distinguer cette th de la précédente puisqu’il a une approche plus fonctionnaliste. Elle
remplit la fonction pour les gens de la SC de se constituer une nouvelle identité et de s’accomplir
différemment au sein de cette sous-culture. «  Ca permet à l’individu de refuser de reconnaître les
règles comme s’appliquant à eux et à forger de nouveaux jeux avec leur propre règle ou critère de
statut à travers lesquels ils peuvent s’accomplir de manière satisfaisante. » Le point le plus important
par rapport à la théorie précédente c’est que la culture déviante n’est pas coupée de la culture
globale, mais est intégrée à elle puisqu’elle se constitue justement par opposition à elle.

III. La technique de neutralisation de Sykes et Matza

Sykes et Matza se sont appuyés sur ce point pour créer leur technique de neutralisation. Puisque la
SC est intégrée au système global, ils ont mené des entretiens avec des jeunes délinquants et se
sont rendus compte que la plupart des délinquants partagent les valeurs de la société globale
alors pourquoi ne pas adhérer à ces normes  ? Le déviant reconnaît l’indignité de son acte, est
conscient du préjudice causé, ressent souvent de la honte et de la culpabilité à l’égard de leur
action, exprime beaucoup de respect pour ceux qu’il estime être des honnêtes gens  : mère
célibataire. Ils peuvent même être choqués par les personnes qui commettent des infractions alors
qu’ils ne devraient pas (Cahuzac).

Ils se sont aperçus que le type d’infraction commis et la victime sont sélectionnés après une
évaluation morale. Ils ne choisissent pas une victime faible ou dans le besoin. Puisqu’ils sont
intégrés à la culture globale ils ont aussi vu qu’ils connaissaient les lois et les exigences de
conformité ne serait-ce parce qu’ils cherchent à en éviter les conséquences et admettent
quelque part la punition.

Puisqu’ils avaient les mêmes valeurs que les gens conformes, comment se fait-il qu’ils puissent
violer les normes censées protéger ces valeurs ? Pour Matza et Sykes il y a une incohérence dans ce
postulat-là. Ils écrivent un article en 1957 pour tenter d’expliquer ce phénomène selon lequel le
déviant est animé de mobiles de nature morale. Tout le monde a des valeurs morales globalement
partagées. On le voit en prison en séparant les pointus (infractions sexuelles) des autres prisonniers,
car ceux-là rejettent très fortement ces valeurs, c’est ce qui soude leur SC.

27
Ils suggèrent que ce que fait le déviant pour passer à l’acte et violer les normes globales est justifié
a priori comme a posteriori par une technique de neutralisation. Avant pour pouvoir moralement
passer à l’acte et après quand le remord les prend ils se constituent et façonnent une morale ad hoc
qui permet de faire fi des valeurs globales qu’ils acceptent. Ça permet de rationaliser l’acte. Ils
distinguent 5 types de techniques qui sont souvent mises en place par les délinquants :

• Déni de responsabilité : consiste à dire que ce n’est pas sa faute ; à prétendre avoir agi à cause
de conditions externes et/ou à se cacher derrière des excuses qui peuvent être un foyer désuni ou
des violences étant petit.

• Déni du préjudice : relativiser le sort subi par les victimes. Ex : vol d’ordi, mais pas grave parce
qu’assuré.

• Déni de la victime  : dire que la victime méritait le sort qu’on lui offert. Ex  : Dexter qui tue des
personnes non interpellées par la police est qu’il considère comme des criminels.

• Condamnation des condamnants  : consiste à jeter le discrédit sur les agents de répression  :
juges et policiers. On leur dénie le droit de condamner. Ex : défense de rupture de Jacques Verges
et procès Barbie ou dire que les policiers sont racistes.

• Se prévaloir d’une loyauté envers des valeurs supérieures : « j’ai commis un meurtre en raison
d’une valeur que j’estime supérieure aux valeurs globales. » Ex : ne pas dénoncer un compagnon
de vol parce qu’il y a un code d’honneur. Ex  : dernier Avengers et Thanos qui met la valeur de
l’humanité au centre de sa volonté de détruire la moitié du monde.

Ils disent que le déviant n’est pas étranger à la société, mais en est seulement un reflet
dérangeant, une caricature. Maztza est allé plus loin en 1954 en écrivant « Delinquency and drift »
en expliquant que le délinquant est une sorte d’entité à la dérive et qui glisse entre plusieurs
systèmes de valeurs. Ca rentre en contradiction avec l’AD qui était une théorie plutôt rigide hie que
ça penchait d’un côté OU de l’autre, mais là ça envisage la délinquance comme un état en
perpétuel mouvement.

Ex d’étude de SC qui a été mené par Whyte en 1943 à Boston qui permet d’illustrer la théorie de
Matza et Sykes. Il est allé dans un quartier d’immigrés italiens très pauvres dont beaucoup d’enfants
pratiquaient des activités délictuelles. Époque du New Deal donc pas très stable. Whyte s’y installe
pendant 3 ans pour étudier ce quartier. Il est plut accepté, car on dit de lui qu’il veut écrire un livre
sans savoir exactement la nature de cette enquête. Ça lui permet d’éviter le conflit et d’accéder à un
statut prestigieux. Il raconte comment les SC s’organisent et permet de relativiser la notion de
désorganisation en disant que le quartier peut paraître désorganisé, mais seulement aux yeux
des personnes extérieures. Le désordre apparent ne fait que masquer un autre ordre. C’est la
première fois qu’on arrive à cette conclusion ; il dénonce l’ethnocentrisme de la plupart des études
sociologiques menées jusqu’en 1943  c’est-à-dire que la plupart des études de sociologie
notamment celles étudiant le désordre ou l’anomie ne font que l’étudier en fonction de leur propre
système de valeur et de leur propre idée de l’ordre. L’idée de désorganisation recèle en fait un
jugement de valeur des personnes qui ignorent le fonctionnement de la SC. puisque c’est souvent
des sociologues des middle class blanches qui concluent à une désorganisation en fonction de leurs
28
propres valeurs puisque la SC étudiée réfute la société qui est la leur. Cette désorganisation n’est
ainsi qu’une question de point de vue.

Ce qu’on a vu jusqu’à présent est qu’on commence à toucher la problématique essentielle quand on
étudie le crime et la déviance c’est-à-dire que ce n’est pas le résultat d’un mauvais comportement,
mais le résultat d’une définition donnée par ceux qui jugent. Le crime ne serait que le résultat
d’une interaction entre des comportements et le pouvoir qui stigmatise ce comportement.

Une dernière explication très populaire parmi les chercheurs est à porter  : théorie de l’opportunité
qui suppose comme la th de la neutralisation que le déviant est quelqu’un de fondamentalement
rationnel8 dans ses actes.

IV. Les Théories de l’opportunité

Les théories de l’opportunité partent toutes du principe selon lequel le déviant est aussi un acteur
rationnel. C’est-à-dire qu’il recherche un maximum de satisfaction à partir d’un minimum d’effort. Il
recherche globalement le meilleur moyen pour arriver à ses fins et met en balance les avantages et
les inconvénients de son action en fonction des informations dont il dispose pour aboutir au choix
optimal.

Cette théorie de l’opportunité différentielle date de 1960 fait écho à la théorie de l’association
différentielle. Elle s’est basée sur une étude de délinquance juvénile issue de sociétés ouvrières
et cherche à mettre en lumière une variable non prise en compte par Sutherland qui semble être
importante : l’opportunité. Cette variable est déjà prise en considération par Merton quand il étudie
l’anomie.

Tout réside dans la possibilité d’accéder aux moyens, mais eux estiment que n’importe qui ne
peut pas devenir déviant de la même manière qu’on n’a pas tous accès aux moyens légitimes
ou illégitimes pour atteindre des buts globaux légaux ou illégaux. La personne doit donc avoir
les moyens de devenir un délinquant. On arrive à penser qu’il peut exister une anomie au sein de
l’anomie et qu’il peut y avoir des personnes en situation de double échec d’une part vis-à-vis des
moyens valorisés globalement d’accéder aux valorisés globalement et d’autre part vis-à-vis de
l’accès aux moyens d’accéder à ces buts par des moyens déviants.

Il faut avoir l’occasion de devenir délinquant. Un délinquant doit ici s’appréhender dans une
double relation  : celle de la structure normale qui offre des possibilités licites et celle qui
propose des opportunités déviantes. En conséquence, pour prévenir la délinquance puisque c’est
le but de ces sociologues, il faut faire en sorte que les personnes aient le moins de possibilités
d’accéder aux moyens et aux occasions de devenir délinquant.

Gary Becker effectue une analyse économique du crime. C’est un élève économiste de Chicago qui
a reçu le prix Alphonse Nobel9 pour son article « Crime and punishment » en 1968. Si l’on reste dans
l’optique que le délinquant effectue des choix rationnels alors Gary Becker nous explique qu’il y a un

8 recherche un maximum de satisfaction par un minimum d’effort en vue d’un objectif déterminé et met en balance les
avantages et inconvénients de l’action en fonction des choix

9 Pas le Prix Nobel mais un prix d’économie et n’a pas la même valeur
29
coût marginal à l’action délinquante. L’idée lui est venue alors qu’il était en retard à une soutenance
de thèse, il n’avait pas de place payante pour se garer donc il a effectué un choix économique et a
évalué les conséquences de l’action délinquante qu’il s’apprêtait à commettre : ne pas soutenir sa
thèse VS se prendre une contravention et il a préféré prendre le risque de la contravention. Le
postulat de cette théorie est que l’obéissance à la loi n’est pas la règle puisqu’a priori des gens
passent leur journée à tenter de prévenir les crimes et à appréhender les contrevenants. L’activité
criminelle possède un coût que l’acteur analyse avant de passer à l’acte et donc pour prévenir
le crime il faudrait augmenter les coûts, ce qui pousserait le criminel à revoir son jugement
parce que si on augmente les coûts on fait baisser les bénéfices.

«  L’élévation du coût de l’infraction fait varier positivement la décision de ne pas commettre


l’infraction. » On abordera ça après avoir fini d’exposer les différentes th criminologiques, on passera
du temps à évaluer et expliquer l’action du système pénal.

L’analyse du coup comporte trois variables :

• Résultat de l’infraction : résultat financier lié d’un vol

• Coût de la répression :

• Coût de l’application de la peine :

C’est compliqué à admettre, car G.Becker admet par là que le criminel prend la mesure de tout ce
qui peut arriver en vertu de la législation actuellement en vigueur. Il saurait évaluer le coût et toutes
les variables de son action : le changement de politique pénale qui accroîtrait la possibilité qu’il soit
arrêté et condamné… Becker, comme Beccaria conclue que la meilleure peine possible est
l’amende puisqu’elle a un coût évaluable facilement et permet également de réparer le crime,
elle est donc utile.
Pour lui la peine de prison possède un coût :
- pour le délinquant qui est inférieur à une peine financière pour la société qui est trop élevé
par rapport à l’amende (moyens humains et matériels)

Il refuse de donner à l’économie l’évaluation morale des politiques pénales, mais souhaite
juste réparer le coût de l’infraction. Il ne se prononce donc pas sur les fonctions de rétribution
morale, de neutralisation et réhabilitation de la sanction pénale, mais seulement sur son
aspect réparateur et dissuasif.

Toutes ces théories perçoivent la délinquance comme étant soit inhérent à l’individu, soit tenant à
son environnement. Dans tous les cas : il y a quelqu’un qui cloche autour du déviant. Le problème
c’est qu’aucune de ces théories ne fait aujourd’hui consensus et qu’aucune d’entre elles n’est
vraiment satisfaisante. Aucune d’entre elles n’est suffisamment généralisable pour penser la
déviance dans son ensemble. Souvent, ces théories sont cohérentes pour certains types de
comportements, mais jamais pour une grande généralité. Rappelez vous, dans ce cours nous
cherchons entre autres à savoir qui sont les criminels et donc ce que sont la déviance et le crime.

Donc soit on en conclut que la déviance c’est toutes ces théories mélangées, mais le problème
devient de savoir quand appliquer les théories, dans quelle cas choisir un théorie plutôt qu’une
autre  ? Il nous faudrait une théorie des théories et cela ne résout pas le problème. Soit on peut
postuler qu’il y a une erreur fondamentale dans chacune de ces théories.

30
On estime qu’une théorie est bonne quand elle prend en compte le plus de cas possibles, qu’elle
répond aux standards, etc., mais on valorise aussi une théorie quand elle répond à un test simple : le
test du rasoir d’okhcam. Ce test consiste à confronter plusieurs théorie et à choisir la plus simple et
jusqu’à présent aucune n’était vraiment simple, les théories avaient même plutôt tendance à se
complexifier (cf criminologie bio sociale).

Donc il doit y avoir une erreur quelque part. Cette erreur on l’a touchée du doigt en abordant
l’ouvrage de Whyte, qui dénonçait l’ethnocentrisme des sociologues : Toutes les théories défendent
un « certain point de vue et une certaine idée de la normalité ». Même G. Becker prétendait ne pas
tomber dans le champ de l’évaluation de normalité, mais est tombé dedans ne serait-ce parce qu’il
accepte celle qui est déjà en place. En somme, toutes ces théories se fondent sur une définition
préalable de la déviance, la leur (et bien souvent celle de l’État) sans chercher à comprendre
pourquoi cette définition existe ni même le processus par lequel elle est crée.

L’explication la plus simple serait de dire que la délinquance est moins liée à l’individu lui-
même, mais serait une qualité qui lui est attribuée de l’extérieur par une construction sociale.
Le crime ne serait finalement que ce qu’on définit comme tel. On va donc ici passer du temps à
tenter de savoir ce que ça veut dire.

Cette théorie a été mise en lumière dans «  Outsiders  » (1967) de H.Becker. Il réfute l’idée d’une
normalité a priori en disant que la normalité était construite à travers les interactions, car il est encore
dans le courant de l’interactionnisme symbolique. C’est quand on considère que la déviance est une
construction sociale qu’on peut arriver à se poser des questions satisfaisantes pour expliquer le
phénomène délinquant dans son ensemble. Ca va amener dans le cours à aborder les questions de
ce que Sutherland mettait en place hie la question de la réponse à la transaction des normes  ;
comment la déviance est construite  ? qui impose les normes  ; à quoi sert de punir et
comment critiquer la punition actuelle. Cette approche nous permettra d’aborder la critique du
système pénal actuel et notamment sa critique marxiste.

SECTION V : LA DÉVIANCE EN TANT QUE CONSTRUCTION SOCIALE (selon Howard Becker)

Il commence son ouvrage par s’interroger sur la définition du mot « outsider » c’est-à-dire quelqu’un
qui celui qui est en dehors de la société, qui est marginale. C’est soit que cette marginalité résulte du
groupe qui le désigne comme étranger soit que la personne refuse d’admettre la légitimité d’un
groupe auquel cas on se forgerait une entité d’outsider par rapport à ceux-là qu’il juge étrangers
(une sorte de déni de légitimité à la Matza)

Comment définir la déviance à partir de ça  ? Jusqu’alors on a dit que c’était par rapport aux
caractères intrinsèques de l’auteur, mais c’est pas satisfaisant, car conduit à étudier l’individu
seulement. Or, Becker et Sutherland avant lui ont aussi dit qu’« il est facile d’observer que différents
groupes de déviants ne qualifient pas les mêmes actions de déviantes ». C’est ce qui leur fait penser
que la déviance est davantage le résultat d’une interaction entre un individu et les personnes
qui émettent un jugement de déviance sur lui.

31
Becker parle ensuite des différentes conceptions de la déviance, dont 3 qui sont populaires :

• Conception statistique  : + un individu s’écarte de la moyenne, plus il est déviant, mais pour
Becker ce n’est pas satisfaisant et à ce titre les roux et les gauchers seraient déviants, car moins
nombreux. Ça fait totalement abstraction des valeurs et de la morale, cela ne permet pas de
rendre compte de l’idée de transgression qui, a priori, n’est à l’origine de la délinquance ni de
toutes les questions qui sous-tendent la sociologie de la déviance.

• Définition fonctionnaliste  : cf Durkheim, Merton qui recherchent la fonction qu’exerce l’individu


au sein de la société et donc les processus qui tendent à favoriser la stabilité du système et qui
sont dits fonctionnels. On peut voir la déviance comme un élément dysfonctionnel ou une
pathologie. Cela à la fois pour la société, mais pour les individus (anomie). Cette analyse est tirée
d’une analogie médicale et fait rentrer dans la déviance une idée de pathologie. C’est pourquoi
certains auteurs la traitent comme une maladie mentale. 

Cette vision est elle aussi assez limitée, car elle écarte le phénomène politique de jugement,
l’interaction de laquelle résulte la qualification de déviant. Elle est également moralisante et conduit
à des recherches ethnocentrées, car « ce qui est une fonction pour un groupe ou une organisation
n’est pas inscrit dans leur nature, mais se décide dans un conflit de type politique ».

• Définition qui se tire de la désobéissance du groupe. Un individu peut appartenir à plusieurs


groupes en même temps (cf association différentielle) ; un déviant partage les mêmes valeurs que
la culture globale et peut donc transgresser les normes d’un groupe tout en respectant les normes
d’un autre. À moins de croire que des normes sont absolues et transcendantes à tous les groupes,
même les déviants, ce qui n’est apparemment pas le cas, cette définition-là n’est pas satisfaisante
non plus pour Becker.

« Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression
constitue la déviance. En conséquence de quoi la déviance n’est pas déduite de l’action d’une
personne, mais bien du fait que son action suscite la réprobation, du fait que son action
suscite une stigmatisation spécifique par un groupe qui le définit comme transgresser aux
normes. »

Cette stigmatisation se manifeste par la peine, la sanction pénale ou morale. Il considère la déviance
comme « le produit d’une transaction effectuée entre un groupe social et un individu qui aux yeux du
groupe a transgressé une norme. » La déviance c’est donc ce que les autres définissent comme tel.
Elle ne se déduit pas seulement du comportement de l’individu, mais bien de l’interaction, entre lui et
le groupe, qui résulte de son comportement.

Comme Sutherland il considère que la sociologie de la déviance doit analyser la production des
normes et leur application, car c’est cela qui conditionne l’existence du déviant et de sa
criminalité. Un comportement peut donc constituer une transgression et peut être qualifié comme
déviant si elle est commise à un moment et à un endroit donné qui amène à une réaction sociale,
mais peut très bien ne pas l’être dans d’autres circonstances. «  Le caractère déviant dépend en
partie de l’acte, mais aussi ce que les autres font de cette transgression ».

32
Becker en arrive à un modèle séquentiel de la déviance :

Obéissant Transgression

Perçu Accusé à tort Déviant

Non-perçu Conforme Secrètement déviant

Les actes accusés à tort et secrètement déviants sont les plus intéressants. Un déviant secret est
par exemple un toxicomane qui cache sa maladie à son entourage, ou quelqu’un qui commet une
infraction sans pour autant que celle-ci ne soit connue ou sanctionnée.

Cela permet de penser les erreurs qu’ont commises les sociologues qui ne sont pas dans cette
démarche constructiviste parce que jusqu’à présent ils ne s’intéressaient qu’aux seuls déviants, aux
vrais déviants c’est-à-dire à ceux qui étaient stigmatisés spécifiquement comme déviants. Cette
approche nous permet d’ouvrir le champ de questionnement criminologique et de déplacer l’étude
non plus sur le délinquant seulement, mais sur ceux qui établissent les normes et/ou ceux qui es font
respecter. On peut dire que l’on passe d’une criminologie clinique à une criminologie politique
puisque la stigmatisation des comportements se fait dans un processus politique.

33
PARTIE II : ÉTUDE DU CRIME
Avant d’aller plus loin, il faut parler des statistiques pour comprendre en profondeur que la
délinquance n’est pas une notion vraiment accessible à cause du chiffre noir. Il n’existe pas de
bon chiffre de la délinquance. Généralement, on s’appuie sur deux types de statistiques :

• Administratives : tout ce qui ressort des registres des administrations ie police ou administration
pénitentiaire  ; chiffres officiels de la délinquance qui ne constituent en rien la réalité de la
délinquance. Leur objectif premier qui est de rendre compte à la hiérarchie de l’activité et d’être
mobilisées pour mettre en place la politique de l’administration en question. Ex  : dans
l’administration pénitentiaire, les statistiques qui reviennent sont souvent concernent le taux de
surpopulation carcérale (qui est supérieur à 100 % que dans les maisons d’arrêt). La plupart des
sociologues que nous avons étudiés jusqu’ici se sont basés sur ces registres officiels. Le premier
ayant été Quetelet qui cherchait dans ces statistiques pénitentiaires le moyen de déterminer les
causes du crime. Et cela pose deux problèmes :

• elles contiennent beaucoup d’erreurs. Ex  : stats d’évasion dont le résultat est le taux
d’évasion par rapport aux incarcérés pendant 1 an, on peut s’attendre à ce que les deux
chiffres du Conseil de l’Europe et de l’administration pénitentiaire coïncident, mais ce n’est
pas le cas.

• Elles ne rendent compte que des personnes étiqueté comme déviant à un instant donné et
plus précisément que des des déviants incarcérés qui ne sont que sous-sous partie des
déviants. Cela ne nous apprend rien sur le processus politique qui a abouti à leur
incarcération.

• Issues des enquêtes directes : enquêtes de terrain ou sondages qui consistent le plus souvent à
faire de la délinquance autoreportée c’est-à-dire quand on demande si telle ou telle infraction a
été commise. On peut supposer que la personne interrogée ne sera pas encline à répondre oui,
même sous couvert d’anonymat et ça dépend de l’appréciation qu’on a de l’acte déviant. Il y a
aussi les enquêtes de victimation qui consiste à demander aux gens s’ils ont été victimes de telle
ou telle infraction. Ce type de statistiques permettent de rendre un peu mieux compte du champ
de la délinquance à un instant donnée mais sont très sujettes à interprétation de la part des
interrogés.

Les limites de ces deux sources nous enjoignent donc à préférer les études qui confrontent les
modes de recueil de données, car cela permet de limiter les biais inhérents à chacune des
méthodes.

Problème du chiffre noir = chiffre de la délinquance secrète ou au moins celle qui n’est pas comprise
dans les statistiques officielles et qui équivaudrait au vrai nombre de crimes dans la société. On ne
sait pas quelle est la quantité de délinquance dans la société. Il reste a croiser le nombre maximum
de sources et voir quand elles concordent entre elles font des différences.

Nous allons maintenant étudier les différentes stats un peu plus spécifiquement

34
CHAPITRE I : CRÉATION DE LA CONNAISSANCE SUR LA DÉLINQUANCE À
PARTIR DES STATISTIQUES

SECTION I : STATISTIQUES OFFICIELLES

Le schéma suivant permet de bien comprendre ce que représentent les statistiques officielles. Elles
sont finalement le résultat de filtres successifs qui envoient les personnes inquiétées par la justice
soit vers le circuit dur (prison), soit vers la sortie du système répressif.

Admettons qu’il y a un réservoir de délinquants. Parmi ceux-ci seulement une partie d’entre eux vont
faire l’objet d’une plainte de la victime, puis une partie encore va se voir ouvrir une enquête à leur
endroit. Une partie seulement de ces enquêtes vont aboutir. Parmi les enquêtes aboutis seulement
certaines seront orientées par le parquet pour un jugement. Enfin ce n’est seulement qu’une partie
de prévenus qui seront condamnés à la prison et seulement une partie qui y ira réellement et ne fera
pas l’objet d’un aménagement de peine ab initio.

En résumé les chiffres des rapports administratifs ne disent pas autre chose que la constitution du
flux à un certain endroit de la chaîne pénale. Pour autant, de nombreuses études les utilisent.

Réservoir de délinquants

Enquête Pas enquête

JGT Pas JGT

Prison Aménagement de peine

Deux exemples d’utilisation de statistiques officielles dans la politique pénale actuelle.

35
I. Rapport Lamanda

C’est un rapport de la Première présidente de la Cass en 2008 contenant 23 propositions sur lequel
on s’est appuyé pour créer la RDS. Il a un peu modifié le travail des SPIP en proposant de l’axer
davantage sur la lutte contre la récidive et donc de mettre l’emphase sur l’évaluation des
personnes incarcérées. Comment limiter dès à présent les risques que vont courir les personnes
condamnées à une peine de réclusion criminelle d’au moins 15 ans bientôt purgée présentant une
particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive  ? Ce rapport
s’appuie sur les registres officiels de la justice et constate que le nombre de condamnations
sur lequel il va s’appuyer ne représente qu’une seule portion de la criminalité légale. Quand on
regarde le taux de personnes condamnées pour ce genre de crimes graves, on constate qu’il est
assez faible et ça ne plaide pas en sa faveur. Ex : en 2005, les assassinats ont représenté seulement
0,024  % de l’ensemble des 540  000 condamnations prononcées pour crimes et délits. Pareil pour
les viols sur mineurs qui représentaient 0,092 %. Il voit cependant que ces statistiques changent un
peu quand on regarde les personnes déjà condamnées pour des crimes antérieurs et qui
commettent des assassinats. 3,3 % des condamnés pour assassinats avaient déjà été condamnés
pour des crimes antérieurs, mais ça reste toujours assez faible et donc pas d’une importance
considérable.

Le tour de force de ce rapport est qu’il regarde l’ensemble des détenus et se rend compte « que les
personnes sanctionnées pour des infractions sexuelles, qu’elles soient criminelles ou délictuelles,
commises sur des majeurs ou des mineurs, représentent actuellement le groupe de détenus le plus
important (22 %). »

Ça prend tout de suite une autre ampleur. Ça lui permet de dire qu’il faut lutter contre. Pour cela il
s’appuie sur des méta-analyses qui font un résumé de toutes les autres analyses sur la
question, notamment la question du délinquant sexuel. Cette analyse conclut qu’en moyenne
13,7  % de ces délinquants sexuels commettent à nouveau une infraction sexuelle dans les 5 ans
après leur sortie de prison. Cette méta-analyse provient du Ministère de la Justice du Canada qui
s’intitule « L’exactitude des évaluations du risque de récidive chez les délinquants. » On arrive à un
tableau assez noir qui est de dire que 22 % des détenus sont des détenus pour crimes graves et
sexuels puis 13  % d’entre eux récidivent. Ça permet de faire des recommandations pour
améliorer le système pénal et la lutte contre ces infractions. Trois d’entre elles ont eu beaucoup
d’impact :

• Recommandation 5 : « ajouter la prévention de la récidive à la définition de la mission principale


de l’administration pénitentiaire » ; se retrouve maintenant dans la loi.

• Recommandation 6 vise les CPIP et veut «  faire figurer la prévention de la récidive dans les
missions des SPIP. »

• Recommandation 10 consiste à autoriser la mise en place d’une mesure de surveillance de sûreté


et est quand même moins intéressante.

Maintenant on va analyser tout ça. Ce rapport dit que le taux de récidive des criminels sexuels est
élevé et que leur taux de récidive important montre que c’est un problème grave. Maintenant qu’on a
vu Becker et sa vision de délinquance comme le résultat d’une construction sociale, on peut se dire
qu’une personne qui commet un acte sexuel est plus facilement conduite vers le circuit dur, et
qu’elle restera en prison plus longtemps. deux conséquences à cela :

36
• Le fait qu’elle reste plus longtemps augmente le stock de détenus de ce type et donc leur
proportion au sein des prisons. Cela ne nous dit rien sur les flux de personne entrants en détention
pour des faits de nature sexuels, on ne peut pas dire que beaucoup d’actes de cette nature se
commettent.
• Le fait d’avoir plus de chance d’aller en prison augmente forcement le risque d’être de
nouveau incarcéré par la suite quand la personne est à nouveau confrontée au système
pénal, ça fait mécaniquement augmenter son taux de récidive.

Lamanda réfléchit en stock ; pour éviter cette erreur, il aurait mieux valu réfléchir en flux. C’est
une erreur très grave surtout qu’il s’agit pour ce rapport de «  vendre  » des mesures qui modifie
profondément le visage de la politique pénale avec des mesures assez lourdes comme la
surveillance de sûreté.

II. Avis sur les demandes d’aménagement de peine

Les peines sèches/sorties sèches  : on a mis l’emphase sur les aménagements de peine, car on
considère comme acquis que les sorties sèches sont criminogènes. Ils permettent, une fois que
l’individu est incarcéré, de substituer sa peine de prison à une autre peine aménagée qui permet de
favoriser sa réinsertion et dont on pense qu’elle permet de lutter contre la récidive. Ex  : PSE
(bracelet), semi-liberté qui permettent aux incarcérés de sortir 1/2 journée pour travailler…

De quel postulat part-on pour indiquer que les aménagements de peine sont beaucoup plus
souhaitables que les sorties sèches  ? On constate que les détenus aménagés ont un taux de
récidive très inférieur à ceux qui sortent de manière sèche donc il faut aménager toutes les peines,
car apparemment ça réduit la récidive et c’est l’objectif principal de l’administration pénitentiaire.

Ca amène à des politiques comme celle de 2009 qui créent des procédures simplifiées
d’aménagement de peine (PSAP) qui voulaient que tous les gens qui avaient moins de 2 ans
d’emprisonnement à faire étaient automatiquement aménagés et donc devaient sortir. C’est resté un
vœu pieux et ça n’a pas marché. Tout simplement parce que ça ne doit pas être systématique et
encore moins automatique, car ça prend du temps pour constituer le dossier et un réel parcours
qui mobilise beaucoup d’acteurs.

Pour qu’un aménagement de peine soit mis en place, l’individu doit en faire la demande auprès du
greffe de la prison. Son dossier est ensuite dit «  enrôlé  » c’est-à-dire mis sur le rôle et se tient un
pré-débat contradictoire. L’administration pénitentiaire se réunit et émet un avis commun sur la
demande qui se base sur différents critères notamment sur le comportement de l’individu en
prison : s’il ne crée par d’incident, si ses relations avec les surveillants sont bonnes, s’il travaille en
prison… Ils évaluent ensuite le projet d’aménagement en lui-même. Il doit avoir des garanties et
doit passer par la preuve d’un emploi à venir et intéressant, par la preuve d’une habitation fixe… Le
SPIP émet aussi son avis sur la personne et notamment sur son risque de récidive.

Une fois cet avis rédigé, le débat contradictoire se déroule. Il se tient généralement dans les murs de
la prison, c’est une mini juridiction puisqu’il se fait en présence d’un représentant du Parquet, du
JAP, de l’avocat du détenu, du détenu lui-même, du SPIP et de l’administration pénitentiaire.
L’idée étant qu’à la fin du débat le JAP ordonne (car rend une ordonnance et non un jugement) un
37
aménagement de peine. Il se fonde sur l’avis du Procureur, sur l’évaluation faite du détenu, la
plaidoirie de l’avocat et sur l’avis de l’administration pénitentiaire. Il reprend les mêmes critères que
ceux qui ont amené à la rédaction de l’avis précontradictoire  : comportement, travail, risque de
récidive…

Pour les délinquants sexuels ça veut peut-être dire qu’on ne laisse pas sortir en aménagement de
peine et pas forcément qu’ils sont plus nombreux en prison. L’aménagement de peine est une sorte
de filtre et on se base sur le profil de l’individu pour dire si oui ou non il va sortir en aménagement de
peine.

Donc, il est absurde de penser que l’aménagement de peine lutte contre la récidive en matière
de délits sexuels même si, en règle générale, ça fait sens. Le seul moyen d’en faire la preuve
aurait été de faire sortir des gens dangereux et non dangereux aléatoirement et de voir quelles sont
les personnes qui récidivent ou non.

III. Résumé

Plus on remonte dans le système pénal, plus on observe ce à quoi peut ressembler le réservoir de
délinquance et plus ça veut dire quelque chose de la délinquance en elle-même. À l’inverse, plus on
regarde les stats produites par les administrations éloignées du réservoir de délinquants, plus ça
veut dire quelque chose sur le mécanisme de tri effectué et pas sur la délinquance en elle-même.
Quand on regarde les chiffres de l’administration pénitentiaire pour en conclure que la
délinquance sexuelle est plus grave que les autres c’est faux, on dit seulement que le système
pénal produit plus de délinquants sexuels que d’autre type de délinquance.

SECTION II : Exemple de recueil de statistiques officielles : MOYENS DONT LES SERVICES DE
POLICE CONSTATENT L’INFRACTION

• Moyen actif  : dépôt de plainte hie que l’officier va réagir aux faits qui sont portés à sa
connaissance.

• Moyen proactif : recherches et investigations concernant le trafic de stupéfiants.

Il ne faut absolument pas mélanger ces deux types de faits et en faire des agrégats. Ex : ONDRP qui
produisait chaque année un chiffre de la délinquance en agrégeant les différents types d’infractions.

Quand on a un nombre total d’affaires qui augmente par an, ça ne veut pas dire la même chose
selon que ces affaires ont été produites de manière réactive ou proactive.

Ex d’affaire produite de manière active  : viol. Si les gens se plaignent davantage, ça ne veut pas
forcément dire que le réservoir de délinquance a augmenté. Il se peut aussi qu’à un instant donné, les
enquêteurs prennent plus au sérieux ce type d’affaires quand il est porté à leur connaissance et ça va
augmenter le nombre total d’affaires ouvertes.
Ex d’affaire produite de manière proactive : trafic de stupéfiants.

Quand on agrège ces deux types d’affaires, on mélange deux réalités et on tente d’en tirer une
conclusion qui ne sera évidemment pas valable, car ces deux faits ne veulent pas dire la même
chose.

38
Deux raisons font que le dossier peut être traité sérieusement ou non la nature de l’infraction et les
personnes mises en cause. Cela fait appel au jugement subjectif de l’agent lui-même. Il a beau avoir
une hiérarchie il a son jugement et ses valeurs. Ça suppose qu’il soit rationnel et qu’il observe la
gravité de l’infraction selon par exemple le nombre de jours d’ITT de la victime ou le montant du vol.
Il va nécessairement conclure qu’un vol de 10  000  euros est plus important que 1000  euros. Ça
permet de mesurer de manière linéaire la gravité de l’infraction.

I. Évaluation sur la nature de l’infraction

L’agent, pour orienter les faits qui sont portés à sa connaissance, va s’appuyer sur une deux
échelles de valeurs  : métriques et culturelle. Ces échelles varient évidemment d’une époque à
l’autre d’un endroit l’autre et d’un agent à l’autre.

L’échelle métrique est simple à comprendre il s’agit des peines attribuées à certains comportements
ou bien des dommages mesurés de la victime. Ex nombre e jours d’ITT, nombre de kilos de drogue
saisis, quantum de peine, etc.

L’échelle culturelle est plus spécifique et sujette à l’interprétation de l’agent. Typiquement et


culturellement aujourd’hui, il est plus grave, même si ça l’a toujours été, d’être confronté à des faits
de viol qu’avant. Par ailleurs, il y a eu une augmentation du chiffre des violences familiales puis de
génération en génération c’est devenu de moins en moins « normal ». Les violences intrafamiliales
ont été progressivement amenées vers le circuit dur parce que culturellement c’est devenu de moins
en moins admissible.

L’agent s’intéresse aussi à l’utilité perçue de la réaction sociale. À l’instar de G.Becker, il fait un
calcul coûts/bénéfices qui va lui permettre de dire si ça vaut le coup qu’il engage des démarches. Ça
prend en compte le temps d’écriture des rapports et les différents types de bénéfices qui peuvent
être soit symboliques soit matériels. Pour le bénéfice symbolique, c’est là que les valeurs de l’agent
rentrent en jeu et c’est là ou c’est très bien que les personnes ayant de fortes valeurs veuillent
devenir policiers.

Mais cette évaluation utilitaire vaut aussi pour la victime, car si elle considère que les faits qu’elle a
subis sont peu graves, elle ne va pas forcément déposer une plainte. Les faits ne vont donc pas
forcément être portés à la connaissance des forces de l’ordre ou alors la victime va seulement
déposer une main courante.

Concernant les bénéfices matériels, ils consistent globalement à évaluer les chances pour une
victime de voir son préjudice réparé ; donc ça vaut pour les infractions matérielles ou les chances
de voir aboutir la procédure. L’agent va aussi regarder ce qu’une telle enquête peut lui apporter sur
le plan personnel ; ça vaut donc aussi pour sa carrière. Si c’est le énième fait d’infraction routière, il
peut être lassé de ça et ne va pas forcément faire l’effort de mettre en œuvre des procédures lourdes
et compliquées. À l’inverse si des perspectives carriéristes se présentent il va les prendre en compte
et potentiellement mettre en place ces procédures notamment parce que les commissariats sont
évalués sur le taux d’élucidation des enquêtes.

Le problème de cette évaluation est que ce chiffre ne veut pas dire grand chose non plus. D’abord
parce qu’il peut être supérieur à 100  % parce que ça prend en compte le nombre d’enquêtes

39
résolues en un an en rapport avec les faits connus en un an sauf que pendant l’année ils peuvent
élucider des enquêtes commencées à l’année n-1.

II. Évaluation vis-à-vis des profils/comportement des individus

Il y a une différence de traitement selon le comportement et le profil de l’individu. Le comportement


du suspect va fortement influer l’orientation de la procédure. Un suspect qui collabore a plutôt
vocation à sortir de détention provisoire par exemple. C’est aussi valable au niveau de
l’aménagement de peine, car lors du débat précontradictoire ou contradictoire le comportement de
l’individu en prison est évalué.

Au niveau du profil c’est plus intéressant, car il y a un traitement différencié entre ceux qui ont un
bon profil et qui sont conformes et ceux qui n’ont pas un bon profil c’est-à-dire ceux qui ne
présentent pas de garantie suffisante (travail, famille, santé). Cette appréciation peut être faite
de manière discrétionnaire par un agent c’est-à-dire qu’il prend en compte des critères qui ne sont
pas vus légalement comme une garantie (aveu) soit il peut être encadré par la loi  ; en matière de
détention provisoire, le fait de ne pas présenter de garantie de représentation suffisante constitue un
critère d’incarcération.

Le profil peut également être constitué et objectivé par des expertises notamment
psychiatriques ou, comme dans l’affaire Bayout, quelques fois par des expertises bio-sociales.
Globalement, les garanties de représentation sont les mêmes à tous les stades de la procédure. Cela
fait dire à P. Combessie, sociologue de la prison, que plus on passe successivement les filtres du
système pénal, plus on atteint « le cœur de cible » c’est-à-dire les personnes qui présentent le moins
bon profil, celles qu’il est le plus urgent de punir parce qu’elles ne correspondent pas au bon profil.

Mais, l’un des caractères les plus importants pour évaluer le profil de l’individu est son passé pénal,
ses antécédents judiciaires, s’il a déjà été confronté à la justice. Ça peut se caractériser par deux
manières c’est-à-dire

- si la personne comparaît à son jugement en étant incarcérée c’est-à-dire en détention provisoire


ou en étant détenue pour autre cause  ; la juridiction va interpréter cela comme un signe de
mauvais profil. C’est ce qui ressort des travaux de Raoult et Azoulay qui ont observés qu’une
personne qui comparait détenue en CI a 15 à 20 fois plus de chance de se voir décerner un
mandat de dépôt.

- si son casier judiciaire (B1) présente déjà des mentions, a fortiori des condamnations à des peines
de prison ferme.

La durée de la détention est également importante notamment en matière de détention provisoire.


Obusson de Cavarley observe quant à eux que dans 95  % des cas où une peine de prison est
prononcée à l’endroit d’un individu qui est en détention provisoire, la peine prononcée couvre la
durée dedétention provisoire c’est-à-dire qu’il est au moins condamné à une peine équivalente à la
durée pendant laquelle il a été incarcéré provisoirement. On fait cela pour éviter de réparer la DP
accusive.

40
Conclusion

Les chiffres des registres administratifs ne prennent donc en compte que ce que Becker appellerait
la déviance secrète ou les déviants accusés à tort. Ces flux et ces stocks enregistrés par
l’administration sont le résultat de tris et de filtres opérés successivement dans la chaîne pénale. Ces
filtres s’appliquent en outre de manière autoréférencée c’est-à-dire qu’il prend en compte ce qui a
été dit avant eux  : soit par le filtre précédent soit par le résultat d’un filtrage passé à travers les
antécédents judiciaires. En cela, et parce qu’il fait intervenir de nombreuses conceptions subjectives,
le tri n’est pas aléatoire et il est donc difficile d’interpréter les chiffres des registres administratifs
comme voulant dire quoi que ce soit des comportements déviants à un instant donné. Il faut
davantage l’interprété comme étant la réponse d’un système, d’une structure, à un comportement.
En résumé lorsqu’on observe une augmentation d’un certain type de délinquance il y a peu de
chance pour que cela veuille dire que cette délinquance a augmenté ; cela voudrait certainement dire
que la réponse à ce type de comportement a augmenté et sans doute que la tolérance à ce
comportement a diminué. Il faut donc donner la priorité à l’interprétation politique des registres
administratifs.

CHAPITRE II : LES ENQUÊTES DIRECTES

Les enquêtes directes se sont développées dans les années 50-60 pour tenter de combler tous les
défauts des registres administratifs. Les chercheurs voulaient découvrir le chiffre noir de la
délinquance c’est-à-dire tous ceux du réservoir de délinquant qui ne passent pas le premier filtre.
C’est une quête vaine dans la mesure si on considère que la délinquance est produite par le
système pénal donc regarder avant le système pénal ne rime à rien. Cependant, dans quelle
mesure les chiffres le plus en avant de la chaîne pénale c’est-à-dire les chiffres produits
essentiellement par les services de police refléteraient ce qu’on pouvait voir sur le terrain ? L’objectif
étant de voir l’impact des mesures de tri. Il existe deux types d’enquêtes directes : les enquêtes de
victimation/enquête pro réactives.

Leur limite est que les gens ont tendance à oublier certains faits ; ce qui est logique parce que toutes
les infractions qu’on a produites cette année ne sont pas forcément connues. Aussi, les individus
interrogés ont tendance à se conformer aux attentes de celui qui interroge. Ex  : quand on
interroge des détenus, ils ne disent pas la même chose selon l’individu qui mène l’entretien. La
principale raison étant l’attitude de l’interrogateur qui est plus ou moins moralisant.

Par ailleurs, les individus ont aussi tendance à se conformer à ce qui est perçu socialement
comme normal ou «  bien  ». C’est un fait très connu des enquêteurs notamment en période
électorale. Jusqu’avant 2012, on remarquait que beaucoup moins de gens disaient avoir voté par le
FN que ce qui était vraiment le cas. Ça vaut aussi pour le crime de masquer une action, mais quand
ce n’est pas masqué c’est au moins dissimulé ou atténué par les techniques de neutralisation
évoquées précédemment. Certaines personnes ont aussi tendance à valoriser le crime et à en
revendiquer une action qu’ils n’ont même pas commise.

Deux gros apports de ces enquêtes sont très intéressants : elles ont permis de casser une certaine
idée de la délinquance qui serait le résultat d’une lutte des classes entre riches et pauvres.
C’était l’idée que les pauvres commettent des infractions contre les riches, un peu à l’instar de Robin

41
des bois qui vole aux riches ce qui a été légalement volé aux pauvres. On a observé que le profil
des victimes interrogées était finalement assez semblable aux auteurs interrogés. Les
victimes sont semblables à ceux qui commettent les crimes. Ainsi on a observé que les hommes
marginalisés ont davantage de chances d’être victimes d’infractions  ; même s’il existe des
exceptions. Ex  : pour les victimes d’infraction sexuelle masculin c’est difficilement identifiable, car
c’est un tabou. On découvre aussi que certains types d’infractions sont fréquents dans les milieux
aisés 10 : insultes…

Le second apport est qu’on s’est rendu compte que la quasi-totalité des adolescents avoue avoir
commis une infraction dans leur vie. Ca permet de relativiser encore l’importance de la
délinquance c’est-à-dire qu’on est plus ou moins tous délinquants. On s’est donc mis à réfléchir en
termes de trajectoire c’est-à-dire qu’est ce qui fait qu’un délinquant demeure dans la trajectoire
déviante ou en sorte ?

À partir de ces réflexions, on a fait émerger l’idée de désistance c’est-à-dire le choix de ne pas
retourner devant la justice après une rencontre avec elle ou le fait de sortir de cette trajectoire
déviante sans rencontre11.

Aussi quand on croise les chiffres obtenus par les enquêtes et les chiffres obtenus par les enquêtes
administratives, on se rend compte qu’il n’y a pas les mêmes répercussions. Ex : quand il y a une
montée du taux de victimisation par rapport aux cambriolages, la police n’enregistre pas une hausse
brutale de ce type d’infraction, mais une petite hausse et inversement les chutes brutales ne sont
pas forcément répercutées par une chute brutale dans les statistiques officielles. On dit que la
police ou du moins son activité est inélastique parce qu’elle se conforme aux critères qui sont
les siens et qu’on a étudié précédemment.

Concernant le sentiment d’insécurité, qui n’a finalement rien à avoir avec la délinquance, on observe
que la manière dont on pose la question fait énormément varier la réponse. C’est un élément très
important pour orienter les politiques pénales et les politiques de sécurité publique ; c’est pourquoi
cette notion est éminemment politique et varie énormément en fonction des affinités politiques des
personnes. Cette notion est peut être la plus intéressante, car on cesse de croire qu’on va trouver ce
qu’est la délinquance et on se dit que si la délinquance est le résultat de la réaction sociale, il est
plus judicieux d’étudier réaction sociale, sa création et ses implications politiques.

Finalement, on voit qu’on ne sait pas grand chose au niveau de la criminalité et de la délinquance et
que si la délinquance n’est pas quelque chose d’intrinsèque à l’individu, mais que c’est
seulement le résultat d’une construction sociale, on ne peut que conclure que les politiques de
lutte contre la délinquance sont vouées à l’échec puisqu’elles ne vont faire qu’augmenter la
délinquance, les statistiques officielles sur lesquelles on va se baser pour mener de nouvelles
politiques de lutte, etc.

10 Voir ORDCS ; ONDRP ; CESDIP

11 Voir trajectoire judiciaire des mineurs et desistance infostat justice


42
C’est un cercle sans fin, mais dans ces conditions-là, à quoi sert la criminologie ? H.Becker dit que
c’est une science de la connaissance et qu’elle n’est pas là pour résoudre le problème du crime ;

Mais alors :

- À quoi sert de lutter contre la délinquance ?

À quoi servent les personnes qui sont impliquées dans le système de justice pénale  ? A priori on
pourrait dire que leur rôle est absurde, ce serait une sorte de Sisyphe. Peut-on donner du sens à
cette action ?

- Dans quelle mesure la lutte contre la délinquance peut être efficace ?

– quelle critique on peut faire des politiques de lutte mises en place

C’est ce qu’on va aborder dans cette dernière partie en demandant notamment pourquoi on assigne
les fonctions actuelles à la peine qui sont en fait comme le disait Merton des fonctions officielles.
Dans quelle mesure ces fonctions sont remplies. On essayera ensuite de déterminer les fonctions
latentes c’est-à-dire celles qui ne sont pas exprimées officiellement, mais qui rendent néanmoins en
ligne de compte.

On se demandera aussi pourquoi le crime continue d’augmenter et pourquoi il est vain d’essayer de
l’exterminer  ; pourquoi est-il déraisonnable de penser pouvoir vivre dans une société sans crime  ?
On verra notamment ce que Durkheim pensait sur cela12.

12 voir « Crime et santé sociale »


43
PARTIE III : ÉTUDE DES PEINES
CHAPITRE I : FONCTIONS DE LA PEINE

Classiquement on dénombre 4 fonctions à la peine selon deux catégories : morale ou utilitaire.

Nous allons les détailler avant d’observer quelques exemples de mise en pratique de ces fonctions.
Nous critiquerons ces mises en pratique en cherchant à comprendre si les modifications législatives
(et donc pénitentiaires) parviennent à remplir ces fonctions.

>> Rétribution.

forme la plus ancienne qu’on retrouve dans les droits anciens ; c’est la logique de œil pour œil dent
pour dent. Le Code d’Hammurabi (-1730) recense 282 lois qui fixent un prix à certaines infractions et
cette expression a été tirée de la 196e loi qui disposait  : «  si un homme détruit l’œil d’un autre
homme, on doit lui détruire son œil. » Cause un mal à la société et tu te feras causer ce même mal.
On tente de rééquilibrer la situation à travers le dommage réciproque. On peut assimiler cette
fonction rétributive à la fonction réparatrice bien que la réparation se situe plus sur le plan moral que
pécuniaire puisque rien ne peut compenser la perte d’un proche ou d’un œil. C’est censé être
linéaire  : plus le dommage causé est grave et plus sa répression sera sévère. C’est censé faire
comprendre au condamné la gravité de son acte à travers la gravité de la souffrance qu’on lui inflige.
C’est la seule fonction qui est tournée vers le passé de l’individu. Ça suppose que l’individu
puisse comprendre la gravité ; c’est pourquoi on a de tout temps exclus de cette fonction les fous
et les enfants parce qu’on estime qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre l’immoralité de l’acte
commis. C’est pour ça qu’on préfère les asiles pour les fous et les mesures éducatives pour les
enfants encore aujourd’hui.

Le dommage causé à la victime ou à la société est donc évalué par le juge qui prononcera le
quantum de la peine en conséquence. Comment fait-il ? Il y a globalement deux méthodes :

- Par rapport au quantum de peine fixé par la loi

- En représentant l’OP et selon la réaction que l’infraction a engendrée  : cependant la


plupart du temps l’OP n’est pas d’accord avec ce que fait le juge ou du moins tout le monde
n’est pas d’accord exemple  : 227-26 CP concernant les atteintes sexuelles sur mineur puni
de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ; c’est 10 ans si elle est commise par
plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, mais 442-1 CP interdit la
contrefaçon ou la falsification de pièces de monnaie ou de billets de banque est puni de 30
ans de RCP et de 350 000 euros d’amende.

>> Utilitaire.

44
La peine, d’un point de vue utilitaire sert avant tout à éviter que l’infraction en se reproduise elle y
arrive par 3 moyens :
- L’Intimidation : Bernard Bouloc dit que l’intimidation sert à éviter la contagion du mal. L’idée
étant de marquer à la fois l’esprit du public et celui de l’individu lui-même c’est-à-dire que
l’individu puni va montrer la voie au public par la peine qu’il subit et sa sévérité. L’intimidation
est l’une des fonctions qui a été mise en avant par Beccaria notamment quand il dit que
«  pour qu’une peine ne soit pas un acte de violence contre un citoyen, elle doit être
essentiellement publique, prompte, nécessaire, la moindre des peines applicables dans les
circonstances données, proportionnée au délit et prévue par la loi. » La fonction d’intimidation
se retrouve dans la publicité et la promptitude. La fonction d’intimidation est maintenant
davantage symbolique et presque idéalisée. Théorie de l’opportunité de Garry Becker  :
selon lui la peine est intimidante parce que plus la peine est sévère plus elle fait augmenter le
coût de l’infraction c’est-à-dire qu’elle a moins de chance d’être réalisée. Ça passe donc par
la promptitude et la certitude de l’exécution et de la sévérité.

- Réadaptation sociale : idée de la criminologie positiviste qui est de traiter le délinquant et


de faire en sorte qu’il ne recommence pas ses actes délinquants non pas parce qu’il a
été intimidé, mais parce qu’on l’a soigné ; parce qu’il a évolué et qu’on a fait disparaître le
mal contenu en lui. 


Ça se traduit aujourd’hui par la réinsertion sociale de l’individu et c’est l’une des fonctions
principales du SPIP ; l’idée est qu’il doit aider le détenu à réintégrer le corps social. Il s’agit
en réalité simplement d’un processus de normalisation. 


Les prémisses de cette fonction sont que l’individu commet une infraction soit en fonction de
ses caractères atavistiques (rare aujourd’hui) ou à cause de l’environnement dans lequel il
évolue. L’État se donne pour mission de réhabiliter les gens et recherche à effectuer des
changements dans les caractéristiques, les attitudes et comportements des condamnés
dans l’esprit de défense sociale. Mais pour ça il faut avoir une idée des causes du crime,
c’est l’une des raisons du succès des théories mises en avant au début du cours  :
l’administration (l’Etat) a besoin de connaître les causes du crime puisque son rôle est de les
neutraliser pour réinsérer le détenu. Elle est donc très avare de modèles criminologiques
explicatifs et valorise ces recherches.


Cette fonction a été mise en avant par le mouvement de la New Penology, courant de pensée
créé en 1870 et mis en place concrètement dans les politiques pénales à la suite d’un
congrès aux USA qui avait pour vocation de réformer le système pénitentiaire et disciplinaire.
C’est vraiment là que le modelé correctionnel accès sur la réhabilitation des individus a
vraiment pris un sens. Ce congrès 13 a conclu que la sentence curative était efficace dans le
cadre d’une individualisation de la peine. Il fallait adapter la peine non pas à l’acte commis,
mais à l’individu (on écarte donc la fonction de rétribution). Il a conclu aussi que l’objectif
suprême de la justice criminelle américaine était la réforme du criminel et non l’infliction
de souffrances vindicatives. La prison Elmira20 de l’état de New York était censée appliquer
les grands principes de réintégration des individus qui se sont dégagés du congrès.

13 Congress of Penitentiary and reformatory discipline


45
Globalement, la prison a fini surpeuplée et dégradée (comme toutes les autres) et sans
résultat de la délinquance. C’était un échec, mais l’idée qu’on devait réhabiliter les
délinquants, elle, a fait son chemin si bien que tout au long du XXe siècle, jusqu’aux
années  1970 cette idée a continué à grandir en orientant nos politiques pénales vers ce
double objectif d’individualisation de la peine et de réhabilitation. On a continué de penser
qu’on devait adapter la sentence à l’individu et non au crime. Malgré cela, une
controverse est née, suite à la publication d’un article de Robert Martinson («  what
works? »). Il a fait une méta-analyse de toutes les opérations pour réintégrer les individus et
se demande si on a la moindre idée de la façon de réhabiliter les contrevenants et de réduire
la récidive. Il conclut : « à de rares exceptions près qui sont des cas isolés, les efforts de
réhabilitation qui ont été jusqu’ici rapportés n’ont pas d’effets appréciables sur la
récidive.  » Il faut se remettre dans le contexte de l’époque, lui conclue au fait que rien de
marche dans les politiques actuelles de réinsertion, elle n’ont aucun impact mesurable sur la
délinquance et la récidive. Cet article a très vite été renommé en « nothing works ». Cela ne
veut pas dire que la fonction de réhabilitation est nulle et abandonnée, au contraire
(paradoxalement), car certaines personnes se réhabilitent, mais seulement que ça n’a pas
vraiment d’effet sur la récidive, mais c’est peut-être aussi que les programmes de
réhabilitation mis en place jusqu’à présent ne sont pas bons. Après ça, l’idée de réinsertion a
peu à peu décliné et même si elle fait encore partie des objectifs de l’institution pénale, ce
n’est plus l’objectif essentiel et primordial comme dans les années  60. C’est plus ou moins
vrai, car aujourd’hui, ceux qui réhabilitent sont les CPIP qui sont en tension entre cet idéal de
réinsertion et celui-là mission de probation.

- Neutralisation / élimination : fonction typique de la peine de mort. Sert à faire en sorte que
l’individu ne recommence pas parce qu’il est en incapacité matérielle de le faire : soit parce
qu’il est mort soit parce qu’il est privé de liberté. La privation de liberté n’est que partiellement
neutralisatrice. D’une part parce qu’elle n’est que temporaire et d’autre part parce qu’elle
n’empêche pas l’individu de commettre de nouvelles infractions à l’intérieur des murs de la
prison.

46
CHAPITRE II : CATÉGORIES DE PEINES

• Prison :

- Réclusion Criminelle (RC) : peine prononcée par une Cour d’assises pour un crime. Va de 10
à la perpétuité et peut être assortie d’une période de sûreté c’est-à-dire qu’on peut garder
l’individu dans un centre de rétention après sa peine. En 2017, 1  100 condamnations à la
réclusion criminelle ont été prononcées dont 11 à la réclusion criminelle à perpétuité. La
moyenne de la condamnation est de 14,5 ans.

- Prison ferme  : 130  000 condamnations prononcées avec pour moyenne 8 mois. Beaucoup
n’exécutent pas leur peine du fait des aménagements, de la D. 155 000 peines de sursis.

- Prison avec sursis : 150 000 et globalement équivalent à la prison ferme.

• Amende : 200 000 amendes prononcées pour une moyenne de 467 euros.

• Mesures alternatives : contrainte pénale14 ou les stages de citoyenneté par exemple : 63 000 et
23 000 mesures éducatives

Sur l’ensemble il y a quand même près de 30 % qui sont des peines fermes et c’est beaucoup. Il est
intéressant de regarder le taux d’écroués. C’est par là qu’on définit globalement la déviance c’est-à-
dire que quelqu’un qui n’est pas condamné à une peine ferme n’est généralement pas considéré
comme délinquant. Nous pouvons très facilement observer cela avec les condamnations à des
peines de sursis ou autre qui sont généralement à des mesures complaisantes, à des victoires pour
la défense. On peut dire, sans trop sourciller, que c’est la prison qui définit le déviant et le crime. Le
reste n’est pas assimilé aussi fortement à cette idée. Puisque la prison constitue un pourcentage
énorme des condamnations et qu’elle définit la déviance, il faut s’intéresser à elle, ses fonctions, sa
population, si l’on veut comprendre la construction sociale de la déviance.

Qui trouve-t-on en prison aujourd’hui ?

Au 1er mai 2018, il y avait 79  000 écroués, dont 19  000 prévenus. Donc il y a environ 25  % de
personnes qui ne sont pas condamnés et qui, pour autant, sont considérés comme des délinquants
parce qu’ils sont en prison. IL faut soustraire de ce chiffre les personnes écoutées, mais qui ne sont
pas détenues. C’est possible, car les personnes placées sous PSE (bracelet) sont écrouées et prises
en charge par l’administration pénitentiaire administrativement, mais exécutent leur peine chez eux.
La moyenne d’âge est de 31 ans. 30 à 40 % viennent de comparution immédiate (CI) ; 20 et 25 %
viennent du correctionnel. Dans la majorité des cas ce sont des peines allant de 6 mois à 1 an, donc
des courtes peines.

Pourquoi utilise-t-on autant la prison alors même que c’est la peine qui coûte le plus cher et
globalement elle est tant décriée (conditions d’incarcération, matelas au sol, école du crime,
etc.) ?

14 La contrainte pénale permet au condamné de rester à l'extérieur de la prison à condition de


respecter certaines obligations et / ou interdictions. Elle est prononcée en fonction de la situation
familiale, matérielle et sociale de la personne condamnée et de sa capacité à s'engager dans un
processus d'accompagnement.
47
Le prix par jour est de 600 euros et le PSEM c’est 10 euros par jour. Parce que de toutes les peines,
c’est celle qui répond aux plus de fonctions cf le schéma suivant que l’on retrouve dans sociologie
de la prison de P., Combessie.

La prison est la seule peine capable de remplir les 4 fonctions. Il est donc très difficile de trouver une
peine qui soit au moins autant fonctionnelle.

Initialement la prison était seulement une modalité de la peine. On n’en punissait pas par
l’emprisonnement  ; dans le Code d’Hammurabi, il n’y avait pas cette peine et Beccaria y était
opposé, il pensait que l’enfermement devait intervenir seulement au stade de la détention provisoire.
Il préférait l’esclavage et c’était un argument contre la PDM, on se privait d’un membre actif de la
société et il valait mieux le rendre utile. À partir de la fin du 18e siècle, on va commencer à adoucir

48
les condamnations, à les rendre moins cruels notamment avec la guillotine et on a commencé à
punir par l’enfermement. C’est devenu l’une des peines principales prononcées par les tribunaux.

Maintenant que l’on sait que la prison est LA peine du système pénal actuel, nous pouvons à travers
son étude effectuer une critique de ce dernier. Nous allons d’abord expliciter ce qu’est la prison
avant d’étudier comment, pratiquement et empiriquement elle remplit, ou non les 4 fonctions de la
peine. Nous en arriverons à la conclusion que finalement la prison en tant que peine n’est pas
vraiment efficace du point fonctionnel, ou du moins que l’on ne peut pas dire qu’elle le soit
réellement.

DIFFÉRENTS TYPES D’ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Ils sont orientés dans ces établissements selon leur peine et leur profil. Il y en a 99 en France.

• Maison centrale : pour les détenus les plus dangereux avec les plus longues peines. En théorie,
vraiment axée sur la sécurité. Il en existe 13 en France. Ont une densité carcérale, un taux de
surpopulation de 73 %. Globalement, tous les établissements sauf les maisons d’arrêt ont un taux
en dessous de 100 %. Il y a un numerus clausus.

• Maison d’arrêt : 131 établissements ou quartiers. Ont un taux de surpopulation de 142 % c’est-à-
dire que sur 100 places on met 142,2 détenus. Reçoivent des prévenus c’est-à-dire ceux en DP et
les détenus condamnés à une peine d’emprisonnement inférieure à 2 ans. Or, la majorité des gens
sont soit en DP soit condamnés à moins de 2 ans. C’est pour cela que ces établissements sont les
plus surpeuplés. Elles n’ont pas de numerus clausus c’est-à-dire que le directeur ne peut pas
refuser d’accueillir de nouveaux détenus.

• Centre de semi-liberté : 30 en France pour les aménagements de peine. Occupés à 67 %.

• Centre de détention : 65 ; c’est où les détenus aux longues peines purgent la fin de leur peine, car
ces établissements sont mieux apportés avec des régimes de porte ouverte. C’est vu comme une
faveur qu’on fait aux détenus.

49
Globalement la prison a pour vocation d’empêcher les gens et les objets illicites de rentrer ou de
sortir. Elle est constituée comme une poupée russe, s’est des espaces de plus en plus restreinte au
sein du mur d’enceinte. Ce sont des structures en gigogne, ces murs sont régulièrement percés par
des portes qu’on traverse selon un système de sas c’est-à-dire qu’on ne peut pas passer d’un
environnement à un autre tant que l’autre porte n’est pas fermée : barbelés… Les barbelés sont très
scientifiques d’ailleurs. La prison se construit et évolue en fonction des événements qui la détruisent
ou qui en démontrent les failles. Elle s’est aussi construite par rapport aux évolutions législatives et
ça a fait débat en ce qui concerne les fouilles corporelles. Elles ont été interdites récemment et ça
pose souci en mesure que les surveillants ne peuvent plus contrôler ce qui rentre et qui n’est pas
détectable : armes blanches en céramique…

Le mirador est un autre moyen de protection  ; c’est pourquoi les prisons se sont progressivement
distanciées du centre-ville c’est-à-dire pour garantir l’efficacité des miradors. En centre-ville, quand
on tire on risque d’avoir des balles perdues qui vont se loger dans les appartements voisins.

LA vraie problématique de la prison est le contrôle des flux de personnes. Il y a plusieurs moyens
passifs que l’on vient de décrire, mais il y a un moyen actif  : les agents eux-mêmes. Ils ont la
responsabilité de gérer les flux de détenus à l’intérieur de la prison (promenades, travail, activité,
réintégration de cellules, etc.) des détenus. La promenade est un moment très important de la
détention, car tout un bâtiment (ou une aile) de détenu migre des cellules au bâtiment des
promenades. C’est dangereux et doit être géré par des murs, des détecteurs, de barreaux aux
portes, mais aussi par les surveillants. Le souci étant que le taux de surpopulation notamment ne
maison d’arrêt ne cesse de croître. Les problématiques inhérentes à ces établissements sont
inhérentes au flux de personnes qui transitent dans la prison. Paradoxe : il y a de moins en moins de
personnel et celui-ci est de moins en moins peu impliqué (sans doute. à raison). C’est un métier
difficile et ils sont sujets à beaucoup d’absentéisme notamment l’été. Ca crée un paradoxe, car
puisque les surveillants sont de moins en moins nombreux, quand on modernise les prisons on axe
davantage l’architecture vers de nouveaux moyens de surveillance passifs. Les prisons sont dons
moins humaines ce qui fait qu’à la fois les détenus et les surveillants préfèrent exercer dans des
prisons anciennes alors même que leurs hygiènes et leur qualité leur sont moins favorables. C’est ce
que David Scheer appelle le paradoxe de la modernisation carcéral. Globalement, quand on
rencontre des anciens, ils disent tous que c’est mieux dans les prisons d’avant où ils parlaient aux
détenus et les cellules s’ouvraient avec des clés, mais maintenant non. Il y a de moins en moins de
lien et malgré la modernisation, les cellules restent insalubres. On peut donc parler de double échec
de ce point de vue là.

QUE FAIT-ON EN PRISON QUAND ON EST DÉTENU ?

Les activités dans la prison participent à la gestion du flux, car globalement s’il n’y en avait pas les
détenus seraient en tension. Il en va de la sécurité des détenus et des personnels. Il y a des
gymnases  ; des terrains de foot parfois  ; les détenus sortent parfois grâce à des intervenants
extérieurs et c’est le travail du directeur  ; des groupes de parole détenus/victimes  ; beaucoup
passent l’équivalent du BAC, des doctorats et des masters  ; il y a du travail appelé
« classement » (on pourrait croire que le détenu accède à une classe supérieure au sein de la prison
50
[vision marxiste]). Il y a le travail avec les entreprises extérieures (INA travaille avec les détenus de
Poissy et les détenus sont formés à numériser les films de l’INA) et il y a le classement pour la prison
en elle-même c’est-à-dire que les détenus travaillent pour la prison. La détention vit donc en
autarcie. Le travail en prison est vraiment quelque chose de valorisant malgré le très bas salaire.

Le maillage territorial des prisons n’est pas équitablement réparti ; c’est vrai surtout pour les femmes
puisqu’il y en a très peu il y a très peu de prisons pour femmes et peu de chance d’être près de sa
famille ce qui rend l’incarcération d’autant plus difficile. Cette affirmation est vraie également pour les
ressortissants ultra-marin ou corse qui sont, presque nécessairement isolés de leur famille, ne serait-
ce que pendant le temps de détention provisoire et le temps que leur dossier de transfert soit traité.

Le plus important pour ce qui nous intéresse est le travail du SPIP sur les détenus. Le SPIP était
initialement rattaché au JAP avant de gagner son indépendance. IL a été officiellement créé en 1999
et intervient aussi bien en milieu ouvert qu’en milieu fermé. En 1999 on a fusionné deux services : les
comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL) qui exerçaient en milieu ouvert et les
services sociaux éducatifs qui intervenaient en prison. Les CPIP travaillent aussi ne milieu semi-
ouvert et donc en semi-liberté. Initialement le SPIP était un assistant social, mais aujourd’hui c’est
bien plus que cela et n’allez surtout pas dire à un SPIP qu’il est assistant social (à moins de
vouloir l’énerver, ce qui peut être utile dans le cadre d’un entretien). La mission du SPIP s’est
beaucoup précisée dans la loi pénitentiaire de 2009  ; sa mission principale est aujourd’hui la
prévention de la récidive.

«  Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à


l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la
prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société,
des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à
assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes condamnées. »

On retrouve l’idéologie de la new penology malgré sa désuétude. Ils ont aussi pour mission de
réduire le risque de récidive en évaluant la personne. Néanmoins les deux objectifs de réinsertion de
gestion des risques sont en pratique confondue puisque la prévention des risques passe justement
par la réinsertion de la personne. Toutefois, ce n’est plus vraiment de la réinsertion stricto sensu ; ils
font de la prévention de la récidive dans l’optique de défendre la société contre les individus qui
seraient tentés de re-commettre des actes délinquants. Le SPIP a toutefois toujours gardé en lui
cette vocation d’aider les gens et de participer à leur réinsertion. ON observe des tensions entre
l’objectif de probation et l’objectif de réinsertion. Ça s’est cristallisé dans l’affaire de Pornic en 2011.
Tony Mayon 31 ans est libéré et enlève, tue et découpe une jeune femme de 20 ans avant de la jeter
dans un étang. Ça a fortement choqué l’OP ; comment un individu aussi dangereux peut être libéré
sans suivi et comment se fait-il qu’on n’ait pas eu l’idée qu’il puisse commettre un acte pareil ? Si on
en croit les criminologues, un acte aussi grave aurait pu être décelé. Sarkozy a pris la parole et a
promis des sanctions lourdes contre les « dysfonctionnements graves » des services de police et de
justice ayant permis la remise en liberté de l’individu qui, à l’époque, était suspect. Les SPIP se sont
sentis visés, à juste titre puisqu’ils n’avaient pas correctement diagnostiqué l’individu. On peut
présumer qu’ils avaient préféré lui donner une chance, car il n’avait jamais été condamné pour des
crimes de sang de cette ampleur. On voit la tension entre Sarkozy qui aurait préféré l’incarcération
de cet individu et les SPIP qui préfèrent le faire sortir. Ca conduit à un comportement encore visible
aujourd’hui chez les professionnels de la justice qui est un prénomme de blâme avoidance.
Généralement le directeur du SPIP et les politiques ont tendance a favoriser la fonction de probation
51
et de prévention de la récidive à l’évaluation au détriment de la réinsertion qui elle est favorisée par le
SPIP qui exerce souvent pour le côté humain du métier.

COMMENT SE PASSE LE TRAVAIL DU CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation)

Globalement, il s’entretient avec les détenus ou les personnes placées sous main de justice et qui
sont en milieu ouvert. Il vérifie que la personne respecte les obligations auxquelles elle est soumise
par le juge, mais il aide aussi dans différentes démarches d’insertion. Ex : en milieu semi-ouvert, on a
un emploi, mais il peut arriver le perdre auquel cas le SPIP accompagne dans les démarches et
vérifie que l’emploi déclaré n’est pas fictif.

Concernant l’appréciation de la dangerosité qui donne lieu à un rapport transmis au JAP, au départ,
est un jugement non structuré de la part du CPIP. Il exprime seulement son ressenti sur l’individu,
apprécie sa bonne volonté et tente de le retranscrire au mieux. Le problème étant que ça repose sur
son ressenti à lui et que c’est pas structuré donc potentiellement entre différent d’un CPIP à l’autre.
Un détenu qui s’entend mal avec son CPIP est «  foutu  » et va souvent demander à changer. Cela
peut introduire une inégalité de traitement avec laquelle on s’accommode mal aujourd’hui.

Le problème devient alors de savoir comment introduire plus d’égalité de traitement, plus de
structuration dans le travail du SPIP et dont comment quantifier précisément le risque ?

Par à coups, on a tenté de mettre en place des outils, des guides qui ont pour vocation sinon de
remplacer totalement le jugement non structuré du CPIP, du moins de l’accompagner et de le cadrer
un peu plus. Ça rentre dans une logique managériale, car avec un jugement non structuré, c’est
difficile de sortir des stats et c’est difficile de faire remontrer des informations au niveau hiérarchique.

Le diagnostic à visée criminologique (DAVC) a tenté d’être mis en place en 2011. Il se décomposait
en 5 champs et permettait une prise en charge différenciée des individus en fonction de comment
l’individu rentrait dans les cases du DAVC  : situation pénale  ; appropriation de la condamnation et
reconnaissance de l’acte commis  ; inscription dans l’environnement social et familial  ; situation
médicale ; conclusion du diagnostic. Le but était d’harmoniser les pratiques entre les conseillers et
donc essayer d’atteindre le plus possible une égalité de traitement, mais aussi d’accélérer les
procédures. LE but était de structurer le travail du CPIP, mais à la fin le CPIP avait quand même
une latitude dans la rédaction des conclusions. Cet outils qui consistât globalement à cocher des
cases a été très controversé notamment par la CGT parce que les SPIP dénonçaient l’effet pervers
du DAVC, ne trouvaient pas ça si pertinent pour évaluer l’individu et s’estimaient rabaisse dans leurs
compétences professionnelles dans la mesure où il  s’agissait seulement de cocher des cases.
L’analyse allant plus vite, ils n’avaient pas le temps d’aller dans le détail de la vie de l’individu. Il a été
abandonné en 2013. Suite à l’affaire Pornic, le jugement était non structuré et le DAVC permettait
d’objectiver le jugement et de comprendre comment il était structuré afin de déresponsabiliser
l’individu.

Cet outil a beau être abandonné on cherche tout le temps à en imposer de nouveaux parce
qu’E.Dubourg, sociologue travaillant beaucoup sur les SPIP, relève que des 10aine sinon des
100aines études considèrent que les évolutions cliniques non structurées présentent des estimations
proches du hasard. Elle reproche aux cliniciens (les SPIP) une surévaluation des risques de récidive
(blame avoidance), la mobilisation de concepts psychanalytiques imprécis sans rapport avec les
comportements délictuels à prédire. Elle relève une fidélité interjuges qui est relativement faible,
52
c’est-à-dire qu’on donne un même cas à 2 CPIP différents, si les 2 CPIP sont amenés à une
conclusion différente, la fidélité est faible, a contrario la fidélité sera forte. C’est pourquoi
l’administration pénitentiaire a vraiment besoin de structure l’analyse du CPIP bien qu’il se retrouve
en désaccord avec cela.

En juillet 2016, est sorti le rapport Préva qui avait pour objectif de tester 6 outils d’analyses, qui
auraient été applicables en milieu fermé comme en milieu ouvert. Ils voulaient tester l’approbation
des CPIP, leur accueil et la fidélité inter-juge avec ces outils. C’est une recherche action hie une
recherche qui met en pratique une TH et des outils pour en mesurer le résultat en vue d’une
application future.

Ce rapport a été mené par Astrid HIRSCHELMANN, maître de conférence en psychologie, par D.
Lafortune qui est directeur de l’école de criminologie de Montréal et Jean-Pierre GUAY professeur
agrégé à l’école de criminologie de Montréal. Ils ont donc tous une formation en psychologie et ne
sont pas des sociologues et ça va influencer les résultats.

Ces outils sont basés sur le RBR (risque, besoin, réceptivité) élaboré dans les années  1980 et
globalement, même à Aix en ce moment, le rapport se base sur cette méthode pour mieux analyser
le risque de récidive et donc aider les praticiens dont le but est de réduire la récidive. Intervenir
auprès de qui, sur quoi et comment sont les principales questions qui se posent.

Le principe du risque veut que le traitement soit davantage orienté sur les délinquants présentant le
risque le plus élevé hie les interventions doivent cibler les personnes diagnostiquées à haut risque et
c’est là qu’interviennent les outils, car ils analysent le risque et permettent au SPIP de rationaliser
leur action.

Le principe de besoin voudrait que les interventions ciblent en priorité les facteurs associés au
passage à l’acte pour être efficace.

La réceptivité peut être soit générale soit spéciale. C’est là qu’interviennent les psychologues, car la
réceptivité générale stipule que les stratégies les plus efficaces pour réduire la récidive sont
d’orientation «  cognitivo-comportementales  ». La réceptivité spéciale indique que les interventions
doivent être adaptées à leur style d’apprentissage et plus largement aux personnes. La motivation au
changement, le style de personnalité de même que des aspects culturels ne sont que quelques
exemples de facteurs liés à la réceptivité à prendre en compte dans la mise en œuvre de
programmes susceptibles de réduire la récidive.

Le RBR (risque besoin réceptivité) indique des facteurs de risque et de besoins qui permettent au
CPIP d’orienter son action sur les individus qui présentent le plus de risque. Ex  : un indicateur de
risque correspond aux attitudes pro-criminelles c’est-à-dire la rationalisation de la criminalité ou les
attitudes négatives envers la loi  ; toxicomanie… Le but de l’intervention étant de réduire l’abus
d’alcool et de drogue et prévoir des remplacements. Le CPIP travaille aujourd’hui avec ça et selon
ces principes de réceptivité.

Le rapport Préva préconise l’outil LSCMI qui est basé sur l’approche RBR et qui s’accompagne de
documents complémentaires qui les CPIP remplissent parmi lesquels figurent un formulaire qui
renseigne les antécédents judiciaires relatifs à la nature des infractions, etc. Le cadre d’entretien
survole les différentes risques de la personne et développe ses besoins. Il y a 43 items qui mesurent
53
8 dimensions  : antécédents (8 items)  ; éducation  ; famille (4)  ; loisirs (2)  ; fréquentations de la
personne  ; problèmes d’alcool  ; comportement social et attitudes pro-criminelles. On retrouve un
peu toutes les th criminologiques vues jusqu’à présent  : AD, environnement social de l’école
d’écologie du crime de Chicago. C’est l’outil le plus utilisé par le CPIP et le rapport Prévu préconise
sa mise en place. La CGT intervient pour critiquer ce rapport et les conclusions des auteurs. À juste
titre d’une part parce qu’il y a encore une place prédominante pour les antécédents (donc on
condamne le futur d’une personne sur son passée) et à cause du biais d’auteur. En effet la critique la
plus juste est qu’il est fondamentalement biaisé par les auteurs eux-mêmes. Les 6 outils utilisés
dans la recherche Prévan ont été inventés par les auteurs et se retrouvent dans une position de juge
et partie sans que ça ne les gène. En outre et ce que préconise le rapport c’est qu’il faudra, si les
outils sont mis en place, former les agents à leur manipulation, mais qui va s’en occuper  ? Les
auteurs eux-mêmes moyennant des honoraires importants.

Mais la critique à formuler est plus sur la lutte contre la récidive en elle-même puisque globalement,
on part du principe qu’il faut lutter contre la récidive parce qu’un taux de récidive élevé serait le
signal de l’échec de la prison en tant que peine. Est-ce vrai ? Il faut s’intéresser à ce que veut dire
«  récidive  ». On désigne la récidive d’une pathologie dont on voit à quel point le crime est perçu
comme une pathologie. Dans le domaine juridique, à la base la récidive est juste une CAG due à
l’existence d’une condamnation antérieure et qui permet selon 132-9 CP de doubler le quantum de
peine encouru. Elle intervient lorsque la personne a déjà été condamnée définitivement au moins 5
ans après l’expiration de sa précédente condamnation. Sauf que dans le débat public on n’a pas
cette conception. Elle signe souvent le renouvellement d’un comportement jugé intolérable et c’est
souvent l’occasion de se demander pourquoi un individu qui commet de tels actes n’a pas été mis
hors «  état de nuire. Le problème est aussi que dans les études qui analysent la récidive,
globalement, on n’a pas de consensus sur la définition de la récidive. C’est généralement le retour
d’un individu dans le système de flux du système pénal. C’est la réapparition d’un ancien client de la
justice devant une juridiction ou un service pénal. Donc, il y a sur le mot récidive une incertitude
sémantique très forte.

L’utilité de la récidive  : elle sert aujourd’hui à mesurer l’échec de la peine, l’échec des 4 fonctions
étudiées précédemment et plus précisément souvent l’échec de la prison en elle-même.

Degrieff, criminologue du XXe siècle a été médecin psychologique en prison pendant 30 ans et a
observé empiriquement qu’il y avait 3 groupes de détenus le plus souvent  : occasionnels,
marginaux et chroniques hie les récupérables, les douteux et les irrécupérables. C’est analysé
par  Claude Fraugeron et Frederic Leboulaire qui disent que les marginaux et occasionnels sont
sensibles aux fonctions de la peine, mais considèrent que le traitement carcéral n’a pas de prise que
les chroniques, les irrécupérables. Globalement la simple fonction d’intimidation suffit à écarter les
occasionnels du crime. La réinsertion peut permettre aux marginaux de se réorienter. En revanche
pour les chroniques, seule la neutralisation est efficace, mais elle est temporaire dans la mesure où il
n’y a pas a PDM et qu’une fois sortis de prison c’est eux qu’on retrouve.

Les fonctions utilitaristes de la peine et qui servent à prévenir le renouvellement de l’infraction n’ont
d’effet que sur les deux premiers groupes. Le taux de récidive ne sert donc qu’à désigner les
individus du 3e groupe qu’on n’est pas capable d’évacuer. Donc quand on désigne une
augmentation du taux de récidive, ça ne veut pas forcément dire que la récidive augmente en elle-
même. La récidive est quelque chose construit par la prison en elle-même et qui constitue un cercle
54
vicieux dans la mesure où l’existence de la prison en tant qu’outils neutralisant est justifié par les
personnes du groupe de délinquants chroniques parce qu’on enferme pour neutraliser or la
neutralisation ne marche pas donc on enferme davantage sans pour autant que la récidive
décroisse. Depuis le moment où on a commencé à analyser le taux de récidive, il n’a jamais cessé
de croître et n’est jamais nul donc si on considère que ce taux mesure l’échec de la prison, on
conclue que la prison est nécessairement vouée à l’échec, car elle enferme parmi les détenus
des personnes qui nécessairement vont récidiver.

Fraugeron et Leboulaire se demandent s’il ne faudrait pas plutôt voir dans ce taux non plus un échec
du système pénal, mais plutôt le signe de sa réussite. Le premier groupe correspond aux détenus
modèles qui démontrent l’inutilité de la prison en tant que peine puisque pour eux une simple
intimidation suffit à les détourner du crime. Le deuxième groupe aussi dans la mesure où la
réadaptation sociale pour eux est la fonction la plus prégnante. On peut d’ailleurs postuler sans trop
de mal que la réinsertion sociale peut se faire avec davantage de facilité en dehors des murs d’une
prison. C’est donc que le troisième groupe qui constitue le cœur de cible de la prison et sur lequel
doit viser l’évaluation de la récidive. Les auteurs arrivent à la conclusion qu’il vaudrait mieux enlever
des centres de détention, ceux qui pourraient être détournés du crime par d’autres moyens et laisser
en prison les individus dont on sait qu’ils vont récidiver. La conclusion peut paraître paradoxale, mais
il vaudrait alors mieux approcher du taux de 100 % de récidive. Cela témoignerait de l’efficacité
du système pénal à trier les gens en concentrant les fonctions utilitaristes de la peine sur les
personnes qui y sont réellement sensibles. Dans l’idéal la prison serait réservée qu’à une seule
couche de la population pénale qui est celle des irrécupérables et dont on sait qu’ils vont récidiver
d’où l’importance de l’évaluation de la récidive. Si on considère toujours que le taux de récidive est
l’échec d’une politique pénale, il y a un moyen très simple de le faire baisser : en incarcérant tout le
monde et en particulier ceux qui du premier et deuxième groupe parce que plus on augmente le
nombre de personnes de ces groupes plus leur proportion augmente comparé à ceux qui vont
récidiver. Mécaniquement il s’en suivrait une baisse du taux de récidive. Ce serait absurde, mais
c’est peut-être le seul moyen, dans un paradigme donnant à la récidive la mesure de l’échec de
l’incarcération, d’être satisfait de son action. En conclusion la lutte contre la récidive ne devrait pas
être l’alpha et l’oméga de la politique pénale, et encore moins l’indicateur de son échec ; pour autant
«  Le système pénal est obsédé par la récidive  » nous dit B.Schnapper et les nombreuses
transformations de l’administration pénitentiaire en vue de mieux en mesurer le risque témoigne de
sa paradoxale importance. Nous allons voir maintenant comment en dépit de tout cela, le risque de
récidive est aujourd’hui évalué par le CPIP, comment concrètement les outils de diagnostic
fonctionnent.

NOTION DE RÉCIDIVE

On va continuer avec la critique de Fraugeron et on va montrer que ce n’est pas un indicateur


performant pour le système pénal alors même que c’est l’objet principal de la peine.

RCS, Sacha Raoult, 2004, « L’évaluation du risque de récidive ; l’expert, le politique et la production
du chiffre  » qui est une méta-critique de la récidive. Il a recensé toute la production scientifique
essentiellement anglophone parue sur la prévention de la récidive. Il s’est interrogé sur la nouvelle
pénologie, la gestion du risque et des feux et pourquoi on met l’emphase sur la prévention de la
récidive. «  Comment le savoir sur la récidive est-il produit  ?  » est la problématique principale et

55
importante, car elle détermine la manière d’ont on détermine, prévoit et punit la déviance. Les
chercheurs qui se réfléchissent sur la récidive se posent trois questions :

• Est-ce qu’une prédiction de la récidive est politique utile ?


• Une prédiction de la récidive est-elle techniquement faisable ?
• Quelle est la meilleure méthode de prédiction ?

Les deux premières sont des questions préliminaires à toute recherche, sont les conditions de
réalisation de la troisième. Sacha Raoult s’est aperçu qu’il y avait deux groupes de chercheurs.

Le premier groupe de chercheurs est qualifié de chercheurs critiques et répond essentiellement aux
deux premières questions. Cette recherche aboutit toujours aux mêmes réponses ; c’est que cette
prédiction n’est ni faisable ni politiquement utile.

Le second groupe est le groupe des chercheurs empiriques qui répondent à la troisième question. Ils
produisent de nouveaux outils pour prévenir la récidive.

Le problme c’est qu’on remarque dans les champs de production scientifiques spécifiques comme
celui-ci c’est que les chercheurs critiques produisent aussi des outils. Ça a été le cas sur la PDM,
mais sur la récidive ce n’est pas le cas. Le seul groupe qui en produit est le groupe empirique ; ce
qui amène à une espèce de consensus virtuel sur le pouvoir de prédiction des outils d’évaluation.
Globalement, la recherche est globalement plus favorable aux outils qu’elle ne devrait l’être puisqu’il
y a tout un groupe de chercheurs qui ne participent pas à la controverse. À cause de ce consensus
virtuel, ce sera vers eux que vont se tourner les différentes politiques pénales visant à réduire la
récidive.

Il n’y a pas de méthode qui permet de diagnostiquer 100 % des récidivistes et des non récidivistes.
C’est vrai même en médecine, car quand on diagnostique une maladie il y a toujours une marge
d’erreur.

Les chercheurs empiriques cherchent donc une double maximisation celle de la moindre erreur (faux
diagnostic et absence de diagnostique alors qu’il y a récidive) et celle du plus grand taux de
diagnostiqué à raison, mais c’est impossible.

En termes scientifiques, lors d’un tel diagnostic il y a quatre issues possibles :

- diagnostiqué comme récidiviste en étant effectivement récidiviste (vrai positif)


- diagnostiqué comme récidiviste alors qu’il n’est pas récidiviste (vrai négatif)
- pas diagnostiqué comme récidiviste en étant effectivement récidiviste (faux positif)
- pas diagnostiqué comme récidiviste alors qu’il n’est pas récidiviste (faux négatif)

Sans évaluation du risque de récidive et dans lequel sont présents, de base 15  % de
récidivistes (on sait que 15 pour-cent des personnes vont récidiver) on applique deux
méthodes l’une laxiste et l’autre 0 risque pour voir l’effet en termes de vrai/faux positif/négatif.
La méthode laxiste consiste à n’étiqueter personne comme étant dangereux, l’autre consiste à
étiqueter tout le monde comme récidiviste.

56
15% de récidivistes Etiquette (ou diagnostic) N Récidivistes N Non récidivistes
identifiés

Méthode laxiste Dangereux 0 = vrais positifs 0 = faux positifs

Non dangereux 15 = vrais négatifs 85 = faux négatifs

Méthode 0 risque Dangereux 15 = vrais positifs 85 = faux positifs

Non dangereux 0 = vrais négatifs 0 = faux négatifs

La méthode laxiste « loupe » 15 récidivistes en les étiquetant à tort. La méthode 0 risque (celle que
l’on est plus susceptible de retrouver dans un système de blâme avoidance) ne loupe pas ces
récidivistes, mais diagnostic 85 personnes comme récidivistes alors qu’elles ne le sont pas. En
terme humain, cela peut très bien revenir dire que la méthode laxiste « cause » 15 crime de plus et
que le méthode 0 risque porte atteinte à la liberté de 85 (futur) innocents.

Une méthode visant à diagnostiquer la récidive en vue d’une réponse pénale adaptée oscillera
toujours entre ces deux conséquences. Il faut, à un moment donné faire un choix de nature politique
et moral entre ce que l’on préfère : plus d’innocents étiquetés ou plus de risque.

Même si la double maximisation est impossible dans l’absolu, certaines méthodes sont plus
efficaces que d’autres pour éviter les faux positifs et les vrais négatifs. Pour mesurer la performance
des méthodes d’évaluation on a donc recours à la courbe de ROC qui représente graphiquement le
taux de faux positifs (sensibilité) en fonction le taux de faux positifs d’une méthode (spécificité). Plus
précisément, on mesure l’aire sous la courbe (AUC : area under the curve).

À (0, 0) le classificateur déclare toujours « négatif » : il n’y a


aucun faux positif, mais également aucun  vrai positif. Les
proportions de vrais et  faux négatifs  dépendent de la
population sous-jacente. (méthode laxiste)

À (1, 1) le classificateur déclare toujours «  positif  »  : il n’y a


aucun vrai négatif, mais également aucun  faux négatif. Les
proportions de vrais et  faux positifs  dépendent de la
population sous-jacente. (méthode zéro risque)

Un classificateur aléatoire tracera une droite allant de (0, 0) à


(1, 1).

À (0, 1) le classificateur n’a aucun faux positif ni aucun faux


négatif, et est par conséquent parfaitement exact, ne se
trompant jamais. (méthode parfaite et AUC proche de 1)

À (1, 0) le classificateur n’a aucun vrai négatif ni aucun vrai


positif, et est par conséquent parfaitement inexact, se trompant toujours. Il suffit d’inverser sa
prédiction pour en faire un classificateur parfaitement exact.

57
Globalement il existe deux méthodes pour améliorer un modèle :

- en tirant la courbe vers le haut === augmentation de la sensibilité c’est-à-dire du nombre de vrais
positifs === plus de récidiviste identifié

- en la tirant vers la gauche === diminution de la spécificité c’est-à-dire augmentation du nombre de


faux positifs === plus de faux récidivistes identifiés comme tel

Derrière la complexité du chiffre, selon Sacha « pour résumer, dans un contexte où il y a 15 % de
récidive, on peut améliorer un modèle d’un même nombre de points soit en identifiant à raison un
récidiviste de plus et un seul donné, soit en innocentant 5,7 non-récidivistes jusque là identifiés à tort
à ce même seuil. »

Qui fait le choix ? C’est une question politique et morale. Vu que c’est politique, ça pose laquestion
de l’indépendance judiciaire puisque, finalement, tous les outils sont pour la plupart du temps
commandés par les autorités, l’administration pénitentiaire ou le M de la justice notamment qui, en
2006, avait fait une conférence de consensus. Ça pose la question de l’indépendance au niveau de
la justice rendue en elle même car la justice prédictive va avoir à se poser la même question.

Mais allons encore plus loin pour démontrer les effets pervers des diagnostics probabilistes. Nous
allons adopter un raisonnement basique, bayésien et voir ce que cela donne.

Exemple : dans une population, 0,1 % est atteinte d’une maladie, je passe le test et le test est positif.
Le médecin dit que si je l’ai vraiment, j’ai 90 % de chance que le test soit positif ; si je ne l’ai pas, j’ai
97  % que le test soit négatif. Les chances d’être vraiment malade sont vraiment très peu
nombreuses. Il faut appliquer le théorie de Bayes. On obtient comme résultat qu’on a 2,9 % de risque
d’être malade.

Appliqué à la récidive qu’est ce que ça donne ?

Prenons l’exemple de l’outil VRAG qui a une valeur prédictive positive de 0,46  % et négative de
0,88 % c’est-à-dire que si on n’est pas récidist le test sera vraiment dans 88 % des cas.

Pour une population de 10  000 détenus avec 15  % de récidivistes partis eux nous avons 1500
personnes qui sont récidivistes et 8500 qui ne le sont pas.

Donc pour les personnes qui vont récidiver dangereux, le test est vrai dans 46 % des cas c’est-à-
dire que parmi ceux qui ont passé l test, 810 sont dangereux et vont échapper au test ; ce sont des
vrais négatifs. 690 vont être diagnostiqués correctement. De l’autre coté, les non-récidivistes sont
8500, le test est vrai dans 87 % des cas donc 7300 ne seront pas étiquettes comme dangereuses,
mais 1200 vont l’être, mais à tort, car ils ne sont pas récidivistes. En tout, 1890 sont étiquetés
comme dangereux, mais parmi eux, 63,4 % ne sont pas récidivistes. En bref, il y a seulement 39 %
de chance pour, quand le test est positif, que la personne soit réellement dangereuse c’est-à-dire
que pour un vrai récidiviste, on en met 6 en prison.

on peut résumer cela par le schéma suivant :

58
Pour conclure, la récidive est aujourd’hui encore. L’alpha et l’oméga des politiques pénales qui n’ont
presque d’autre vocation et d’autre préoccupation de prévenir (ou de punir plus sévèrement) la
réitération d’infraction. Nous parlons de réitération d’infraction au sens large puisqu’aucun
consensus n’existe au sujet de la définition de la récidive (la définition légale n’a aucun sens en
pratique, ce qui semble compter pour les praticiens c’est, au sens large, la réitération de l’infraction).
Bien que l’idéal de réinsertion se soit plus ou moins évaporé à la suite des années 70, la lutte contre
la récidive, qui le remplace en reprend quelque principes  : l’individualisation de la peine et de la
probation et la réinsertion du détenu comme moyen de lutte. Aussi bien que l’on ne sache pas si la
réinsertion fonctionne (nothing works) ni ce qu’est vraiment la récidive l’administration pénitentiaire
n’a de cesse que de moderniser ses outils de suivi et de prévention. En faisant cela, nous avons vu
qu’elle effectuait un choix probabiliste digne de l’intercession d’Abraham avant la destruction de
Sodome et Gomorrhe. À combien d’innocents est-il acceptable de faire payer le prix de la récidive
des coupables ? Si l’on incarcère les personnes diagnostiquées comme dangereuses par les outils
de prévention de la récidive combien d’innocents est-il bon de voir en prison pour un coupable  ?
Blackstone (professeur de Bentham) avait sa formule pour répondre à ce dilemme :

« It is better that ten guilty persons escape than that one innocent suffer »
Or, avec un outil utilisé tel que le VRAG on voit que c’est pratiquement l’inverse qui se passerait dans
une application stricte et dans un contexte de blame avoidance  : ce serait 6 innocents (futur non
récidiviste) en prison pour un récidiviste.

59
Ainsi, en tant que futur praticien, la complexité des outils que vous aurez à manier et la scientificité
des auteurs qui les produisent ne doivent jamais vous faire oublier le dilemme moral qui se cachera
toujours derrière le droit pénal : est-il préférable de condamner des innocents ou de condamner une
victime.

L’effet dissuasif des peines :


Sacha Raoult, dans un article paru à la RSC, évalue l’efficacité des peines plancher aux USA. L’idée
des peines plancher est qu’il faut punir plus sévèrement ceux qui ont déjà été condamnés à travers
une augmentation de peines automatique. C’est une loi qui a été votée le 8 juin en 1982 et qui
s’intitule la déclaration des droits des victimes. Cette déclaration contenait une proposition  8
dont la finalité est d’assurer que les droits des victimes prévalent dans le système de justice
criminelle.

Concernant les règles de preuves, elles deviennent plus souples et la détention provisoire est plus
facile à mettre en œuvre. Avant la peine encourue pour l’auteur d’une infraction violente devait être
augmentée de 3 ans pour chaque incarcération antérieure, désormais la peine encourue par
l’auteur d’une infraction grave doit être augmentée de 5 ans. Les infractions graves incluent
toutes les infractions violentes mentionnées par le droit antérieur plus certaines infractions nouvelles
comme le cambriolage à domicile.

On prend en compte l’ensemble du casier judiciaire et non plus les seules dix dernières
années. Le but de cette loi était de réduire le crime en espérant dissuader, par une sanction
beaucoup plus forte, les auteurs d’infractions potentiels. Un article de Kessler et Piehl au sujet des
effets de cette loi et de sa proposition 8 montre que les prévenus concernés par les infractions
graves et qui avaient des antécédents ont globalement subi une augmentation significative
des peines de prison. Cette loi est un changement majeur dans la politique pénale de la Californie
qui devient très sévère. Mais ce qui est intéressant c’est que la mise en place de cette loi et de cette
rupture franche dans le système pénal permet de mesurer si une loi plus dure a un effet dissuasif
ou non. On peut donc mesurer l’efficacité d’une utilitariste : la dissuasion.

Avant, on avait du mal à faire une distinction entre l’effet dissuasif et l’effet neutralisant. « La limite de
la plupart de ces études empiriques est qu’elles ne parviennent pas à distinguer entre effet dissuasif
et effet neutralisant » (Raoult)

Levitt, dont l’article fait l’objet de la recherche de Sacha Raoult, affirme qu’il peut faire la différence
entre l’effet dissuasif et l’effet neutralisant. Il va mesurer la différence d’homicide en 1981 et en 1983,
car si cette différence est négative, cela voudra dire que l’effet dissuasif est réel, car dans cette
période de 2 ans l’effet neutralisant n’a pas encore joué son rôle. Si c’est juste neutralisant, d’un
point de vue utilitariste ce n’est pas ce que l’on cherche, on cherche avant tout. à prévenir
l’infraction donc à dissuader, c’était le but de cette loi. Pour justifier un allongement des peines
comme c’est le cas dans la proposition 8, il faut que cette augmentation ait un effet dissuasif.

60
Levitt observe deux courbes, les infractions visées par la proposition  8 (en noir pointillé) et les
infractions non visées par la proposition  8 (en noir solide). Il a mesuré les différences dans les
différences. On observe alors que dans la période concernée, les violences augmentent tandis que
les homicides baissent. Tout se passe comme si les meurtriers potentiels avaient été soudainement
dissuadés par l’entrée en vigueur de la proposition 8.

Le problème est que cette disjonction entre homicide et violence se retrouve dans tous les USA. Il y
a eu +28  % de violences, 20  % d’homicides en moins, il y a donc une différence de 48 points.
L’article en conclue que cela a réduit les homicides de 36 %, mais cela se retrouve partout dans les
USA, donc ce n’est pas seulement lié à la proposition 8 qui n’a été mise en place qu’en Californie. Ils
a alors comparé la différence de la différence en Californie et ils l’ont comparé avec les différences
du reste des USA. L’évolution des infractions non concernées par la proposition  8 est plus
importante en Californie que dans le reste des USA, car il y a une différence de 17 points. Selon lui,
voilà l’effet dissuasif prouvé.

Cet article de Levitt a eu beaucoup de succès du fait de sa méthode et qui est régulièrement cité en
France comme argument en faveur d’un durcissement de la loi pénale. L’institut pour la justice a écrit
une note sous la plume de Bébin en 2009 qui nous explique que l’efficacité de la sanction en matière
de prévention de la délinquance passe par 2 canaux principaux, la neutralisation et la dissuasion.
Personne ne conteste aujourd’hui que la certitude de la sanction a un effet préventif important. Plus
la probabilité d’être arrêté et condamné augmente, plus la délinquance diminue. L’effet dissuasif
d’une plus grande sévérité des sanctions est moins puissant, mais il n’en est pas moins réel comme
en témoignent les études économétriques les plus rigoureuses. Il cite l’article de Levitt.

Mais cet article a aussi fait l’objet d’une grande controverse puisque les auteurs de l’article ont pris
en compte les années impaires, mais si on prend aussi les années paires, on s’aperçoit qu’il y avait
une diminution des homicides dès 1980 et donc avant la loi.

61
Pour certains auteurs il y a donc une absence de faits à expliquer lorsque l’on tient compte des
années impaires. Il y a aussi le problème de la volatilité des deux groupes étudiés, d’un point de vue
théorique, c’est assez problématique de comparer des infractions graves et rares telles que le
meurtre et le viol avec des infractions moins graves et plus banales telles que les violences sans
arme et les vols. Les données avant la loi montrent que même si la tendance est la même, ces deux
groupes ne sont pas comparables en termes de taux, les crimes concernés augmentaient plus vite
que les crimes non concernés. On s’aperçoit que cette étude a des limites et la controverse qui est
toujours ouverte devrait engager à davantage de prudence lorsqu’on la cite pour réclamer des
peines planchers ou même des peines plus sévères pour plus de dissuasion. On ne sait pas
aujourd’hui dire si l’effet dissuasif des peines fonctionne réellement.

Pourquoi alors continue-t-on à punir plus sévèrement si on ne sait pas pourquoi ?

Pourquoi veut-on dissuader et neutraliser alors que cela ne marche pas, ou peu ?

Comment en est-on arrivé à remplir des prisons comme aux USA et en France ?

Quelles sont les conséquences du durcissement des peines et donc de l’incarcération de masse ?

Travis Western et Redburn vont écrire un rapport sur la hausse de l’incarcération de masse aux USA
et ils ont exploré les causes et les conséquences.

Qu’entend-on par incarcération de masse ?

Ces auteurs observent que de 1980 à 2010, on a un recours à l’incarcération qui a quadruplé aux
USA et si bien que maintenant la population carcérale concerne 1  % de la population adulte.
Comme l’incarcération concerne davantage les hommes que les femmes, il y a en réalité 2 % de la
population adulte masculine qui est concernée. Elle concerna aussi majoritairement les jeunes
hommes noirs, elle représente 10 % de ces personnes si bien qu’en fait, un noir dans sa courbe de
vie a 33 % de chances d’être incarcéré. 1/3 des jeunes hommes noirs vont être incarcérés au cours
de leur vie.

23  % des personnes incarcérées au monde sont aux USA. La chine représente 16  % de la
population carcérale mondiale. La France et l’Allemagne sont à 1  %. Le taux d’incarcération aux
62
USA. Pour 100 000 habitants aux USA c’est de 700. En France c’est 100 incarcérés pour 100 000
habitants.


La partie la + intéressante du rapport est celle sur les conséquences de l’incarcération de masse
selon les auteurs du rapport. Ils en distinguent deux types :

• Conséquences pour les prisonniers : Comme critère on a les conditions plus ou moins humaines
du fait de la surpopulation carcérale qui développe des troubles psychologiques. Ils s’appuient sur
des études sur l’effet criminogène de la prison qui démontrent selon eux que plus on passe de
temps dans une prison à haute sécurité et dans des conditions d’incarcération difficile plus le taux
de récidive augmente. C’est un bête bête de dire ça, car a priori si on est dans ces prisons, c’est
sûrement parce qu’on est déjà récidiviste ou très fortement dangereux. L’effet sur la santé publique
est le plus intéressant et sur le développement de maladies infectieuses au sein de la prison. Le
taux de séropositifs en prison est 2 à 7 fois supérieur à la population générale. En prison, aux USA,
il y a 1,5  % d’individus qui sont séropositifs. Les auteurs du rapport estiment que 17  % des
séropositifs des USA sont déjà passés par la prison, mais le sida fait aujourd’hui l’objet de
beaucoup d’attention, même en France. ON distribue des préservatifs gratuits en prison. Il y a
aussi le souci de la syphilis qui touche 27 % des femmes incarcérées. Sauf que selon une auteure,
Lara Mahi, la prison a aussi une fonction de sanitarisation c’est-à-dire une fonction de soigner les
gens (tu ne te soignes pas tu as plus de chance d’aller en prison, justement pour t’y faire soigner).

L’hépatite C touche 2 à 7 fois plus la population carcérale. Le souci étant que ces maladies ne
restent pas en prison, car les individus malades sortent. Une fois les individus sortis, elles se
propagent donc à l’extérieur de la prison. Cette propagation fait que la prison a un coût
invisible qui se compte en termes de morts aussi bien ans le camp des détenus que dans le
camp des civils.

Par ailleurs, il y a des conséquences sur l’emploi même s’il n’y a pas d’étude longue et historique
qui permet de dire de manière fiable l’impact de l’incarcération sur l’emploi de gens, on sait malgré
tout que les personnes incarcérées sont aussi celles qui ont le plus de difficulté avec l’emploi. On
sait aussi que quand on interroge les employeurs et qu’on leur demande s’ils sont réticents à
embaucher quelqu’un qui a un passé pénal, on voit que la réponse est oui. La question du casier
chez les ex détenus noirs américains est une question d’importance pour eux. Il y a peut-être des
effets sur l’emploi.

• Conséquences collectives pour la société :

- Familiales : l’incarcération vient secouer la stabilité des couples et c’est bien souvent associé
à des liens familiaux plus faibles notamment quand on est incarcérés, on voit ses enfants et
sa femme moins souvent. Davantage de ruptures familles s’effectuent quand la personne est
incarcérée. Parfois ce sont des pères violents qui sont emprisonnés et c’est mieux donc cette
affirmation n’est pas une généralité. A contrario il existe des nurseries pour garder le lien
familial entre une femme et son enfant. Westerne met en lumière une courbe représentant le
nombre d’enfants. Il faut prendre en compte que globalement, pour 1 père incarcéré il y a
environ 2 enfants qui se retrouvent sans père à domicile. C’est à peu près pareil pour le
nombre d’enfants par mère incarcérée sauf que comme le nombre d’incarcérés femmes est
beaucoup plus faible il y a moins d’enfants qui se retrouvent sans mère.

- Communautaires  : certains quartiers, notamment à NY, sont davantage touchés par


l’incarcération que d’autres. ON peut penser que c’est le quartier qui cause l’incarcération
(théorie écologique du crime), mais il faut se demander si on n’enferme pas le quartier dans
63
une sorte de spirale qui fait que plus on incarcère, plus on ancre le quartier dans ce
phénomène, etc. Ces conséquences se retrouvent aussi sur les représentations que les
politiques publiques se font de certaines minorités notamment les minorités noires aux USA
mas ça vaut aussi pour les jeunes en France. Ils disent que l’incarcération de masse rend
certaines inégalités invisibles. Ca se concrétise par le fait que «  l’inflation de l’incarcération
des noirs donne l’impression que la condition des noirs s’est davantage améliorée que ce qui
est réellement le cas.  » Simplement, car les personnes incarcérées ne rentrent pas dans
certaines stats officielles notamment celles du chômage. Donc quand on dit qu’il y a 10 % de
jeunes hommes noirs incarcérés, quand on étudie le chômage de cette communauté, on ne
prend pas en compte les incarcérés donc le taux est 10 points trop haut. Il y a différents coûts
fiscaux qui augmentent de ce fait. de 1980 à 2010 on est passé de 6,7 milliards de $
consacrés à l’administration pénitentiaire à 53 milliards. En France, de 1974 à 2011, on est
passés de 404 millions d’euros à 2,8 milliards. Augmentation de 600  %, mais ce qui est
intéressant est la part de l’administration pénitentiaire dans la part du Ministère de la Justice.
Environ 10 % en 1974 à 39 % en 2011. Donc la prison devient progressivement une part plus
grande du budget de la justice15 .

Donc les politiques pénales ultra sévères qui conduisent à l’incarcération de masse sont fondées sur
des pensées utilitaristes seulement quand on confronte les conséquences de cette logique et ce qui
fonde les politiques pénales on se demande encore une fois si tout cela est bien justifié. Peut être
après tout, mais il s’agit d’une question morale qu’il faut trancher personnellement et ne surtout pas
se laisser imposer.

Alors, comment en sommes-nous arrivés là ?

C’est la question qui se pose David Garland dans un livre intitulé « La culture du contrôle » qui n’est
pas traduit en français, mais il a fait un compte rendu dans la revue de champ pénal en français (cf
biblio). Garland est un penseur critique qui étudie non pas la criminalité en tant que telle, mais les
changements à l’œuvre dans les politiques pénales dans les sociétés américaines et britanniques.
Ses observations sont valables pour le RU mais également, dans une certaine mesure, pour la
France puisque la France rentre dans le concept qu’utilise Garland dit «  concept des sociétés à
modernité tardive. » Les changements culturels qu’il y décrit s’appliquent aussi aux USA.

« L’arrivée de la modernité tardive, j’entend par là la référence à certains faits dans les
relations sociales, économiques et culturelles qui ont changé la façon dont nous vivons et qui
ont eu des conséquences néfastes dans le domaine de la délinquance et dans les politiques
de santé publique. »

Il ne s’intéresse pas aux criminels ou aux victimes ; c’est un penseur structuraliste c’est-à-dire que
différents éléments composent une société et sont reliés par de multiples liens. Ce type de penseurs
(dont Marx est un illustre représentant) ne s’intéressent pas à ce qui compose la société en détail la
société, mais à la dynamique relationnelle entre ces différents groupes qui fondent la structure
sociale.

15 Regarder site crimino corpus


64
Les changements qu’il observe sont intervenus pendant la hausse de l’incarcération c’est-à-dire au
début des années  1970. cf schéma de la hausse de l’incarcération) Il observe globalement 9
changements dans les sociétés à modernité tardive qui expliquent l’incarcération de masse :

• Déclin des idées de réinsertion : aujourd’hui on prévient le risque plutôt qu’on ne réinsère.

• Réémergence des mesures ouvertement rétributives et l’émergence d’une justice


exemplaire  : c’est-à-dire on abandonne l’aspect utilitaire de la peine, ce qui fait sens dans la
mesure où on ne sait pas si le système marche, pour donner à la peine, à la sanction, aucune autre
fin que le fait d’exister.

• Émergence de la victime en tant que sujet majeur des politiques pénales : on l’a vu avec la loi
de 1982 pour garantir le droit des victimes. Aux USA, 29 états accorde dans leurs constitutions les

65
droits des victimes. Dans les nouvelles politiques pénales, la victime est sanctifiée et elle est
opposée au délinquant qui est quant à lui frappé d’anathème.

• Changement de ton émotionnel dans le discours pénal : on dramatise beaucoup plus qu’avant
les crimes et infractions qu’il peut y avoir.

• Politisation de la politique pénale  : et fait davantage l’objet de populisme c’est-à-dire que les
hommes politiques et les législateurs se sont impliqués beaucoup plus directement dans
l’administration de la justice et on l’a vu avec l’affaire où Sarkozy avait blâmé les SPIP qui avait
laissé sortir un individu qui avait ensuite découpé sa copine.

• Alpha et oméga de la nouvelle politique pénale est la protection du public à travers


notamment la gestion du risque : les électeurs réclament maintenant la protection de l’E. C’est
logique dans la mesure où ça va de pair avec l’individualisme qui caractérise notre époque. On
cherche davantage à être protégé soi-même plutôt qu’à protéger globalement la société. L’objet
qui fait l’objet de la protection, désormais, est l’individu et non plus la société.

• Réinvention de la prison  : au début des années  1970, les commentateurs de la prison, les
chercheurs considéraient que la prison était une mesure qui, dans l’avenir, ne serait plus utilisée
qu’en dernier recours. On constate aujourd’hui que c’est exactement l’inverse, car aujourd’hui la
prison est une institution centrale dans la politique pénale et de première importance. C’est un
mécanisme indispensable d’exclusion, de contrôle et de punition.

66
• Commercialisation du contrôle de la délinquance va de pair avec de nouvelles infrastructures
de prévention de la délinquance et de sécurité publique. Les polices privées, c’est davantage vrai
au Royaume-Uni, ont des effectifs qui écrasent en nombre ceux de la police publique. En France il
y a 150  000 agents prévis contre 250  000 publics dont on tend vers ça. Privatisation des
établissements pénitentiaires : en France on ne connaît pas de prison totalement privée comme
c’est le cas aux USA. Partenariats public/privé  : cela permet de construire des établissements
sans engager des crédits initiaux c’est-à-dire qu’on va déléguer la construction de l’établissement
à une entreprise privée, la plus connue étant Bouygues. Des nouveaux palais de justice de Paris
ont été construits en PPP. On leur rembourse ensuite sur une très longue durée, à savoir 27 ans
pour la plupart des prisons à un taux extrêmement élevé qui est entre 2 et 3  %. Pourquoi on
s’endette comme ça ? Parce que ça permet de ne pas engager de frais tout en répondant à des
attentes politiques et à des besoins matériels, car les prisons sont pleines. Le PPP est une
mécanisme fustigé par la Cour des comptes en 2017 et on devrait normalement revenir dessus
pour les prochains plans de construction des prison. Ca a été qualifié de « fuite en avant » pas la
Cour des comptes qui dit que ce mécanisme ne saurait être considéré comme une solution
raisonnable pour les finances publiques, car ça crée une dette psychologique qui empêche de
penser autrement que par la prison.

• Transformation culturelle de la pensée criminologique : il y a un déplacement des valeurs qui


modifie la façon dont les responsables administratifs pensent la criminologie et le crime. C’est là
que Garland invoque la notion de culture du contrôle qui pilote la politique, réoriente les pratiques
et façonne les décisions. Les responsables politiques mettent désormais l’accent sur le contrôle de
la situation pré-criminelle relativement aux études de l’école de l’écologie du crime, le contrôle
social, et le contrôle de soi qui est globalement relatif au développement criminologique primaire.
Ce changement culturel va de pair avec le développement de la société de consommation, car ce
dernier va faire qu’on va utiliser différemment les revenus pour faire l’acquisition de toute une série
de biens nouveaux (voitures, TV, iPhone…) et que cela crée davantage d’opportunités de
délinquance et donc d’opportunité d’être victime de délinquance. Pour lui, le meilleur prédicateur
de l’évolution de la délinquance est l’évolution de la société de consommation et globalement
l’augmentation des opportunités de délinquance. Cela veut dire que les gens se sentent beaucoup
plus concernés qu’avant par la délinquance et notamment la délinquance de prédation qui est
reliée à l’accumulation de biens matériels et globalement à l’augmentation des opportunités de
délinquance ; ce qui existe le populisme dont fait l’objet la politique pénale maintenant. On cherche
donc à contrôler le comportement des gens puisqu’on ne s’intéresse pas aux causes de la
délinquance, mais on analyse les changements culturels. Ce qui explique notamment que quand
on cherche à contrôler les gens on met en place des restrictions notamment sur la consommation
d’alcool pour limiter les opportunités du crime. On peut aussi poser des grilles, mise ne place de
forces de l’ordre à des endroits clés que l’on sait dangereux grâce à des logiciels.

Une autre dynamique explique al mise en place de cette culture du contrôle selon Garland ce serait
aussi due à ce que Guy Debord appelle la «  société du spectacle  » qui correspond au fait qu’on
médiatise et dramatise davantage les crimes. C’est un poncif de dire que le crime fait vendre du
papier et ainsi, alors même que les personnes concernées par l’augmentation des crimes ne sont
pas les citoyens lambda, on se sent quand même davantage concernés. Ex : aux USA, en 1970-80 il
y avait une énorme hausse du taux d’homicide qui était largement médiatisée, mais qui ne
concernant presque exclusivement les vendeurs de crack. Le nombre n’avait donc pas réellement
augmenté, mais le sentiment d’insécurité oui et donc le contrôle.

67
Garland analyse donc deux dynamiques : la société de consommation qui fait craindre et augmente
la potentialité d’être victime avec l’imaginaire collectif qui se sent davantage concerné par
l’augmentation de la délinquance à cause de la société de spectacle mis ensemble font naître un
besoin de la culture du contrôle. On commence donc à comprendre qu’à la question de pourquoi on
punit, Garland nous donne un indice en nous orientant sur la question culturelle. On comprend donc
que ce qui fait qu’à un instant donné dans l’histoire un comportement est qualifié de déviant ou non
a tout à voir avec la culture dans laquelle s’inscrit historiquement la société qu’on étudie. Ex : procès
de Flaubert avec Madame Bovary, car globalement cette œuvre a été mise à l’index par un tribunal
pour des délits « d’outrage à la morale publique et religieuse et outrage aux bonnes mœurs ».

Pour comprendre pourquoi on punit : si le crime est la réaction sociale et si celle-ci est définie par la
culture dans laquelle elle vie, il faut s’intéresser à ce qu’on entend par le terme « culture » que l’on
assimilera ici au terme «  idéologie  ». L’idéologie et le droit intéressent depuis longtemps les
penseurs, le premier d’entre eux étant Jhering qui postulait que le DP est le reflet des valeurs d’une
société. Engels et Marx d’y intéressaient aussi, car l’objet de leur étude en 1932 sur l’idéologie
allemande (retranscrit dans un ouvrage éponyme). C’est là que la pensée Marxiste s’est bien
développée et on s’est intéressait à ce qu’était l’idéologie. On donne souvent une coloration
péjorative à ce mot, ici ce n’est pas le cas, c’est un outil descriptif. L’idéologie se définit comme un
système cohérent d’idées qui nous permet d’avoir une représentation de la façon dont le monde
fonctionne et de comment il devrait fonctionner et de ce qu’on peut en attendre. Pour certains
penseurs, l’idéologie se confond avec l’idéalisme. Ce n’est pas une vision du monde ancrée dans la
réalité, mais un point de vue idéalisé. Trois aspects existent : aspect descriptif ; aspect moral et un
autre normatif.

La philosophie matérialiste se différencie du positivisme que l’on a vu précédemment qui


abandonnait la philosophie au profit de la science et de l’étude des faits purs. Mais selon Marx, la
première l’étude des faits «  purs  », d’une science «  toute nue  » (nous disait althusser) est un non-
sens, car le scientifique qui met en pratique sa science a lui-même une idée de sa science, il idéalise
le champ dans lequel il évolue et les faits qu’il observe. La science sans idéologie comme le
préconise ne positivisme n’existe pas selon Marx. D’ailleurs l’étude de Whyte dont on a parlé
précédemment commençait à se rendre compte de cela lorsqu’elle dénonçait l’ethnocentrisme des
études sociologiques de l’époque ; il s’agissait d’une prise de conscience de l’idéologie spontanée
qui sous-tendait (et biaisait) les études de l’époque. Marx nous dit qu’il faut prendre conscience de
l’idéologie spontanée dans laquelle on évolue pour justement pratiquer une science philosophique et
critique consciente du monde dans laquelle elle évolue et qu’elle se prétend étudier. Et il faut, pour
cela d’une part étudier l’idéologie, la comprendre, puis donner à ses actes (en tant que chercheur ou
praticien) sa propre idéologie, nous pourrions dire sa propre morale. C’est globalement ce à quo on
tend avec ce cours, en tant que futur acteur du système pénal, vous devez avoir connaissance du
milieu dans lequel vous allez évolue. L’idéologie façonne l’existence et le matérialisme représente
l’exigence de se débarrasser de toutes les illusions, les idéologies, de tout ce qui sert de masque à
une activité.

68
Critique de l’idéologie qui a trait à toutes les activités.

Il y a quatre prémices, idées principales au marxisme selon R.Haron :

• Les hommes entrent dans des rapports entre eux qui sont déterminés et indépendants de
leur volonté : le marxisme analyse la structure des sociétés c’est-à-dire, pour employer les termes
du marxisme, les forces de productions et les rapports de production. Les forces de production
sont l’ensemble des travailleurs, mais également les machines, les outils de productions. C’est
fonction des connaissances scientifiques (qualification) du niveau de collectivisation et du niveau
d’utilisation.

Ca se base sur l’organisation du travail, selon si elle est plus salariée, basée sur l’esclavage… Les
rapports de production sont essentiellement les rapports de propriété et la répartition du revenu,
du produit de la société. Piketty expliquait dans le capital au 21e siècle que R > G c’est-à-dire que
les revenus du capital sont toujours supérieurs à la croissance de la richesse du pays === La
richesse se concentre, monte en s’accélérant sur certains individus.

• Détermination de plusieurs structures selon les penseurs marxistes on peut distinguer dans toute
société ce qu’ils appellent «  l’infrastructure  » qui est une base et une «  superstructure  » qui est
constituée de l’idéologie de la classe dominante, mais aussi globalement des institutions juridiques
et politiques16. L’infrastructure ou « base économique » permet à la superstructure de se reposer
sur elle. C’est une métaphore architecturale. La superstructure est déterminée en dernière instance
par l’infrastructure et la superstructure, en retour maintient l’infrastructure c’est-à-dire les moyens
de production et les rapports de production. Une idéologie capitaliste permet (et a pour vocation)
par exemple le maintien des rapports de production salariés comme on connaît aujourd’hui. Il y a
donc une autonomie relative de l’infrastructure et une autonomie relative de l’infrastructure.

• Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur réalité, mais la réalité qui
détermine leur conscience  : on est loin ici de l’interactionnisme symbolique (bien que certains
ponts puissent être faits) qui mettait l’acteur au centre des études et pensait que c’était la
conscience de l’acteur qui déterminait la réalité dans laquelle il évoluait. Le penseur marxiste va
évaluer l’ensemble des relations entre les acteurs en se désintéressant des acteurs eux-mêmes.

Althusser était un penseur marxiste qui a tué sa femme et n’est pas très connu, car mis à l’index
pendant très longtemps à cause de ça. Ce penseur de la deuxième moitié du XXe a écrit un article
pus un livre tiré de cet article s’intitulant «  Idéologie de l’État et appareil idéologiques d’État  ». Il
s’intéresse à l’action de la superstructure qui parvient à maintenir et reproduire les conditions
de production (c’est-à-dire ses conditions d’existence) qui ensuite vont déterminer et
maintenir al superstructure (et donc assurer sa survie). Il s’interroge sur les moyens dont dispose
la superstructure pour maintenir l’infrastructure, il souhaite aller plus précisément dans l’explication
fonctionnelle de la pensée marxiste. Il part du principe que si une formation sociale ne reproduit pas
les conditions de production en même temps qu’elle produit, elle ne survivra pas une année de plus.
Or il faut envisager une société donnée comme un être vivant dont le but premier est avant
tout de survivre. Prenons l’exemple d’un producteur de laine qui, pour vivre, vend de la laine.
Comment fait-il pour survivre dans le temps  ? Il doit continuer de vendre de la laine et donc
reproduire les conditions de sa production c’est-à-dire reproduire et stocker les matières premières,

16 art, famille, médias…


69
faire en sorte de garder les employés, de réparer les machines usées c’est-à-dire faire en sorte de
reproduire les forces de production. De la même manière, puisque les matières premières qu’il
reproduit ne viennent pas de nulle part il vaut mieux que ceux qui les produisent reproduisent à leur
tour leur propre moyen de production  ; de même, les employés doivent aussi reproduire les
conditions de production de leur activité c’est-à-dire survivre et nourrir leurs enfants qui participeront
plus tard à cette activité productrice en remplaçant leurs parents « usés ».

Donc, pour exister, toute formation sociale doit, en même temps qu’elle produit et pour pouvoir
continuer à produire, reproduire les forces productives et les rapports de production. Comment
s’assurer de cela ? D’une part en donnant à la force de travail le moyen matériel de se reproduire.
C’est ce qu’Althusser analyse comme le salaire. Il permet de se nourrir de se loger et de se présenter
70
au travail le lendemain. C’est de l’agréent qui est aussi nécessaire à l’élevage des enfants, leur
éducation c’est-à-dire les moyens de production de demain. Il faut s’assurer que les enfants des
employés puissent un jour servir de moyen de production. Il faut aussi reproduire les compétences
des employés. ON n’apprend pas sur le tas comme c’était le cas dans les formations sociales
esclavagistes, mais on apprend de plus en plus de compétences en dehors du système de base.
Ex  : la fac reproduit les moyens de production du système de justice pénal, elle nous apprend les
compétences, nous donnent des bourses pour constituer la force de production du système pénal.

Qu’en est-il pour la société et Althusser  ? Pour lui la reproduction de la structure sociale se fait
essentiellement grâce aux appareils idéologiques d’états qui servent à reproduire l’assujettissement
à l’idéologie dominante. Car le moyen le plus sûr d’assurer la reproduction est avant tout de faire en
sorte que les sujets d’une part ne remettent pas en cause la formation de la structure sociale et
d’autre part qu’ils adoptent cette idéologie, la fasse leur, et cherchent à leur tour à la reproduire.

Distinction appareil idéologique d’état et appareil d’état, la place de la justice pénale.

Pour Althusser l’état n’est pas autre chose qu’une machine de répression. Il distingue deux sortes
d’appareil d’état.

• Appareil spécialisé, celui qui sert le plus à réprimer et qui marche à la violence  : police,
tribunaux, prisons, armée puisqu’elle intervient comme force répressive de dernier recours.

• Appareil général : chef de l’état, administration.

L’objectif de la lutte des classes concerne le pouvoir d’État, et, par voie de conséquence l’utilisation,
par les classes (ou alliance de classes, ou de fractions de classe) détentrices du pouvoir d’État, de
l’appareil d’État en fonction de leurs objectifs de classe. Le prolétariat (les dominés) doit s’emparer
du pouvoir d’État pour détruire l’appareil d’État bourgeois existant

L’appareil idéologique d’état (AIE)

C’est le principal apport d’Althusser et nous allons voir pourquoi c’est un apport essentiel à la
criminologie.

Il permet de systématiser une idée qui nous intéresse pour penser le pénal.

Il ne se confond pas avec l’appareil répressif d’état (ARE).

« Nous désignons par Appareils Idéologiques d’État un certain nombre de réalités


qui se présentent à l’observateur immédiat sous la forme d’institutions distinctes
et spécialisées. »

II distingue l’AIE religieux, familial, syndical, scolaire (qui est le plus important pour lui), mais le plus
intéressant, pour nous est l’AIE juridique qui fait l’objet des notes de bas de page de l’article
d’Althusser pour préciser que le D appartient à la fois à l’ARE et aux AIE. Ce que cela veut dire pour
le droit pénal c’est qu’il occupe une place tout à fait particulière et tout à fait puissante, car
participant à la fois à la répression et à la fois à la reproduction de l’idéologie. Il est donc un élément
essentiel au maintien de la structure sociale. Nous verrons ce que cela veut dire pour les questions
que l’on se pose sur la peine et le crime.

71
AIE fonctionnent principalement à l’idéologie (tandis que les Æ fonctionnent principalement à la
violence).

À notre connaissance, aucune classe ne peut durablement détenir le pouvoir


d’État sans exercer en même temps son hégémonie sur et dans les Appareils
idéologiques d’État.

Quelle est la fonction des AIE ?

C’est ici qu’on répond à la Q de savoir comment on parvient à reproduire les moyens de production
qui sont en dernier ressort des conditions d’exploitation. L’ARE consiste principalement à assurer
par la force les conditions politiques de reproduction des rapports de production. Il contribue à se
reproduire lui-même par la violence. Tandis que les AIE assurent le bon fonctionnement et la
reproduction durable des ARE.

L’école fait partie de l’AIE et permet d’assurer pour une grande part la reproduction des rapports de
production. Elle sert, en tant qu’AIE a créer de bon sujets qui ne remettront pas en cause la structure
sociale et ses appareils, car il persuadé que leur existence est bonne et juste tout en les formant à
devenir à leur tour membre de ses appareils (reproduction des moyens de production). En tant
qu’étudiant en droit pénal nous ne sommes (généralement) pas autre choses que des agents de la
répression ou de la reproduction idéologique en devenir. (Sauf que maintenant vous le savez donc ce
n’est plus systématique)

Ex  : révolution française dont le but était de faire passer d’un état aristocrate à une idéologie
bourgeoise capitaliste et commerciale. L’objet de cette position la était la possession de l’ancien
ARE, mais aussi de s’attaquer et de détruire l’AIE n° 1 alors : l’église d’où la confiscation des biens
de l’église et le remplacement de cette ancien AIE par de nouveaux.

Aujourd’hui, selon Althusser, dans les sociétés capitalistes l’AIE principale est le système scolaire.
Althusser décrit le parcours scolaire comme une sorte de chemin duquel s’écartent progressivement
des masses de jeunes. Plus on s’égare tôt de ce chemin, plus on aura un rôle d’exploité puisqu’on
n’aura pas moins été façonné par l’idéologie dominante, si on ne l’a pas quitté trop tôt on sera plutôt
cadre, plus tard encore il y aura les agents de la répression c’est-à-dire qu’on va travailler pour l’ARE
et au bout du chemin on devient agent de l’idéologie, professionnel de l’idéologie. Ainsi on peut dire
que l’exposition et finalement l’intériorisation de l’idéologie détermine notre position sociale et
finalement les chances d’être confronté à la justice ; nous verrons cela plus loin.

On va maintenant s’intéresser aux professionnels. de l’idéologie avec Howard Becker, car si


finalement comme l’analysait Garland, l’incarcération de masse, la punition au sens large est définie
principalement par l’idéologie, il faut s’intéresser à ceux qui la façonnent et la transmettent ; a ceux
qui veulent créer par et dans les AIE ce qu’on appelle des « bons sujets », des sujets qui marchent
droit selon leur vision du monde, selon leur idéologie pour mieux voir advenir cette vision du monde,
cette structure sociale.

72
CONCERNANT LES IDÉOLOGIES

Deux exemples d’idéologies, le libéralisme est le nationalisme qui s’observe dans la superstructure
de certaines sociétés. Le libéralisme favorise la liberté des citoyens, il les voit comme des sujets
égaux et libres de faire leurs propres choix. Cela va avec des libertés comme la liberté d’expression,
la libre concurrence, l’initiative privée (libéralisme de droite), libéralisme des mœurs (libéralisme de
gauche).

Le nationalisme est l’idée que l’on appartient à un groupe défini par des valeurs, une histoire et qu’il
faut défendre ce groupe notamment des menaces étrangères. Le nationalisme de droite est plutôt
l’idée de conserver la tradition. Le nationalisme de gauche est le progressisme qui est l’idée qu’il faut
être progressiste et que les valeurs de son groupe méritent d’être étendues au-delà des simples
frontières du groupe de la nation.
Concernant les auteurs on trouve Beccaria, Bentham et Gary Becker qui sont des penseurs libéraux
qui ont influencé la pensée pénale. Cavidino et Dignan ont étudié l’impact du libéralisme sur les
politiques pénales, ils ont vu que dans le pays où il y avait un virage libéral fort, l’extension pénale et
la sévérité du champ pénal étaient plus fortes. Le droit pénal moderne a une évolution qui correspond
à une adaptation pour le rendre plus cohérent vis-à-vis de l’idéologie libérale. Il y a l’idée que la peine
puisse être dissuasive, c’est fondé sur la croissance du libre arbitre parce que si on est libre de nos
choix on peut en être dissuadé. Cela explique la punition plus sévère des crimes sexuels, dans une
société libérale on punit ce qui est non consenti.

L’idéologie managériale et le néo-libéralisme sont l’idéologie managériale couplée avec le libéralisme.


L’idéologie managériale est le culte du chiffre, on juge ce qui est bien ou mal, on dit ce qu’il faut faire
ou ne pas faire en fonction du chiffre s’il est bon ou mauvais. Par exemple à l’université on juge les
professeurs au nombre de publications dans les revues, on juge les écoles doctorales en fonction du
nombre d’abandons de thèses. En matière pénale, ce que l’on a appelé la nouvelle pénologie.

Dans leur article Feeley et Simon qui dit qu’il y a 4 indicateurs pour évaluer le système pénal, il y a les
taux d’élucidation, c’est-à-dire le nombre d’auteurs d’infraction que l’on a identifié, on va donc
privilégier les affaires facilement résolvables. On se retrouve alors avec une série de contentieux qui
explose. Le 2e indicateur est le taux de réponse pénale c’est-à-dire le taux d’enquêtes qui ne sont
pas classées sans suite. Le développement d’alternatives de peines faciles à mettre en place comme
le rappel à la loi fait diminuer ce taux. On a ensuite le taux d’exécution de peine, c’est le nombre de
peines prononcé par les tribunaux et effectivement effectué. Pour faire baisser ce chiffre, on va
développer les alternatives à la prison. Le dernier indicateur est le taux de récidive.

Le but d’un AIE est de transmettre l’idéologie de la classe dominante, c’est d’imposer des évidences
comme évidences, le sujet faisant désormais corps avec les idées qu’on lui a inconsciemment
transmises. Le système de la justice pénale est utilisé pour faire appliquer les normes et l’idéologie
dominante. Il y a deux appareils, les appareils d’état qui marchent à la violence et les AIE qui
marchent à l’idéologie. La justice pénale occupe une place particulière puisqu’elle dirige l’action de la
police, elle est donc à la fois un AIE complet et un appareil d’état complet. C’est donc normal que la
justice pénale fasse l’objet de tant de lutte pour sa maîtrise ou du moins pour essayer de la faire
changer.

73
LES ENTREPRENEURS DE MORALE D’H. BECKER

Comment une idéologie peut arriver à muter et arriver à changer la manière dont on punit ? Cela fait
l’objet d’une lutte menée par ce que Howard Becker a appelé les entrepreneurs de morale. Dans son
libre Outsider, il y a un chapitre entier consacré aux entrepreneurs de morale. Becker a une vision
plus microscopique des acteurs du changement d’idéologie. Ces changements s’opéraient par des
entrepreneurs de morale par le biais d’une négociation politique dont le but est de faire
accepter de nouvelles normes comme tacitement entendues et qui rentreront ensuite dans le
cercle de reproduction production.

Il dit qu’il y a deux types d’entrepreneurs de morales, il y a ceux qui créent les normes et ceux
qui les font appliquer.

Ceux qui créent les normes sont appelés les croisés de la morale puisque généralement leur
action peut davantage être considérée comme un croisade quasi religieuse plutôt que comme
un débat ou une volonté réfléchie faisant l’objet d’une réflexion poussée. Le croisé de la morale
n’est pas satisfait des normes existantes, il est choqué par elles, il est les trouves mauvaises en elles-
mêmes ou ils trouvent leurs conséquences mauvaises. Il entreprend donc une croisade pour la
réforme des mœurs. Lombroso et Lacassagne choqué par le système de justice pénale de l’Italie et
ses conséquences étaient des croisés de la morale en ce qu’ils souhaitaient voire le système pénal
plus performant vis-à-vis de l’identification des criminels et de la prévention d’infractions. Cet
entrepreneur met tous les moyens en œuvre, même des moyens moralement mauvais, mais cela ne
lui pose pas problème puisque pour lui la mission qui lui est conférée est sacrée donc peut importe
les moyens puisque la fin est noble. Il donne également un aspect humanitaire à son discours, il fait
cela pour le bien. Mais souvent, les entrepreneurs de morale en arrivent à mettre en place des
moyens, des arguments où des relations qui sont plus ou moins pures, ou licites, que la cause qu’ils
cherchent à défendre. Par exemple PETA est une association contre la souffrance animale et ses
membres n’hésitent pas à rentrer par effraction dans les abattoirs, à libérer les animaux et à détruire
le matériel. Mais ce n’est pas grave puisque l’entrepreneur de morale s’intéresse davantage aux fins
qu’aux moyens.

Howard Becker cite Gusfield qui reconnaît dans ce genre de croisade le mode d’approche d’une
classe dominante vis-à-vis de ceux qui occupent une place moins favorisée dans la structure
économique et sociale. La légitimité des entrepreneurs de moral moraux vient justement du fait qu’ils
sont dans la classe sociale dominante. La transformation des mœurs, de l’idéologie passe d’abord
par la création d’une panique morale, on fait peur à des gens sur un sujet particulier pour ensuite
espérer être relayé par les médias et donner du corps à la revendication et cela se fait souvent par ce
qu’on appelle la désignation du bouc émissaire. La panique morale se définit comme une réaction
disproportionnée de certains groupes face à des pratiques culturelles ou personnelles, souvent
minoritaires, jugées « déviantes » ou dangereuses pour la société. Une fois l’agitation gagnée, le but
est d’arriver à atteindre les sphères des classes dominantes pour créer une commission qui
réformera les mœurs selon le bon vouloir de l’entrepreneur de morale, c’est là que l’idéologie
dominante change et que le processus de reproduction entier change aussi.

Dans la mort du projet, soit l’entrepreneur abandonne totalement soit il abandonne le gros de son
projet pour en trouver des plus petits.

74
S’il réussit, il devient un professionnel de la morale et il recherche de nouveaux combats, c’est sa
raison d’être. Ainsi, en est-il de l’association LGBT qui renouvelle chaque jour ses combats, d’abord
sur le pays, puis sur le mariage homosexuel c’est aujourd’hui un combat pour faciliter la modification
de l’état civil et donc pour permettre aux personnes transcende de mettre leur papier en conformité
avec leur identité de genre. Leur combat ne s’arrêtera jamais si bien qu’il devient difficile lorsqu’on
observe les combats d’entrepreneur de moral de savoir si leur combat est mené pour les raisons
qu’ils évoquent et l’idéologie qu’ils véhiculent ou bien s’il s’agit simplement d’une lutte pour leur
propre survie. Il est impossible de répondre généralement, mais c’est une question qu’il est important
de se poser pour ne pas se laisser « endormir » par leurs arguments.

Le 2e type d’entrepreneurs est celui qui regroupe ceux font appliquer les normes, c’est globalement
les forces de police et plus généralement les membres des appareils répressif d’état. Ce sont les
membres des classes supérieures, mais ces personnes qui font appliquer les normes entrent en
conflit avec les entrepreneurs de morales qui cherchent à en créer de nouvelles et qui donc vont
bousculer l’ancienne raison d’être de celui qui applique les anciennes normes. Quelqu’un qui applique
les normes et qui se voit opposé à un croisé de la morale qui cherche à le réformer aura pour travail
de faire deux choses, d’abord donner une justification à son activité ou de gagner la légitimité de son
action essentiellement par la violence. Pour justifier la nécessité de l’activité il faut montrer que le
problème existe toujours et qu’il toujours plus prégnant, cela passe par des indicateurs matériaux
comme le taux de récidive, cela passe aussi par les entreprises de morales. Ainsi en est-il du compte
Facebook des surveillants pénitentiaires qui alerte chaque jours sur les incidents en prison et donc
sur la nécessite de leur action. On montre que le problème est plus grave que jamais, mais que la
résolution du problème est plus lointaine que jamais. Ils participent alors à la reproduction de
l’idéologie et donc de la structure sociale.

On arrive à une compréhension nouvelle de la déviance de Becker,

« On doit considérer la déviance et les déviants qui incarnent ce concept abstrait,


comme un résultat du processus d’interaction entre des individus ou des groupes, les uns
en poursuivant la satisfaction de leurs propres intérêts, élaborent et font appliquer les
normes sous le coup desquels tombent les autres qui en poursuivant la satisfaction de leurs
propres intérêts ont commis des actes que l’on qualifie de déviants. »

On punit pour satisfaire les groupes que l’on appelle les entrepreneurs de morale qui font partie des
classes dominantes et qui cherchent eux-mêmes à se reproduire. L’entreprise de morale et
l’application de normes pénales qui s’ensuit est l’œuvre des classes dominantes qui affirme et impose
leur idéologie.

De ce point de vue le crime n’est donc pas autre chose que le résultat d’entreprises de morale
successives menées dans le but soit de de voir advenir une version du monde, une idéologie,
de certains membres de la classe dominante soit pour ces membres de reproduire leur
domination et donc les conditions de leur propre existence.

La conséquence de cela est en pratique assez grave elle est ce qu’on appelle la justice de classe.
C’est, selon Sacha Raoult «  le fait fondateur de la sociologie de l’institution pénale  ». Toutes les
théories sur le crime que l’on a développé jusqu’ici ne seraient que des nuances à ce fait implacable :
la justice est avant la réaction d’une structure sociale sur ses membres dominés dans le but de
75
reproduire ses conditions d’existence. On peut observer toute la philosophie structuraliste ici
puisqu’on se désintéresse totalement de savoir les facteurs personnels liés à la commission
d’infraction. Ces facteurs peuvent avoir lieu et peuvent exister, le structuraliste ne les nie pas,
néanmoins, en adaptant une vision d’échelle plus large ce que l’on voit c’est qu’il existe une
dynamique beaucoup plus importante et déterminante pour prédire le crime  : l’appartenance aux
classes sociales dominées.

Ce fait a été mis en lumière assez tôt par un ouvrage essentiel  : « Peine et structure sociale » de
Rusche et Kirchheimer, ils observent des effets de structure du crime, ils s’interrogent sur les
fonctions attribuées à la peine et pour eux la seule fonction est la dissuasion.

« Les personnes menacées par le phénomène criminel ou dont on peut supposer


qu’elles risquent d’accomplir des actions réprouvées par la société doivent au moins n’y être
encouragées par la perspective de se faire pincer ou punir. On espère au contraire détourner
par là même, tous les membres de cette couche sociale ou du moins une grande partie d’entre
eux. La conséquence est que si la misère dans la prison n’est plus suffisamment importante et
si elle n’est pas plus importante que celle du taudis, alors la prison se remplira et le taudis se
videra ».

Il faut s’interroger sur la définition de ce qu’ils appellent les couches sociales inférieures. Les couches
sociales inférieures sont les personnes qui ne possèdent rien de plus comme richesse que leur force
de travail. Pour eux, c’est la situation du marché du travail qui définit les couches sociales inférieures
et qui en dernière instance définira le régime des peines. En situation de chômage fort, il y a
beaucoup de personnes sur le marché du travail et qui sont en concurrence, cela veut dire que la
richesse de ceux qui ne possèdent que leur force de travail diminue. À l’inverse lorsque le marché est
tendu, la richesse et la valeur des couches sociales inférieures augmentent. La conséquence pour
ces auteurs sur le régime des peines est que celui-ci aura un rôle différent à remplir en fonction de la
situation sur le marché du travail. Cela veut dire que dans une situation de fort chômage, la peine
devrait être davantage cruelle et dissuasive. En revanche, si le marché du travail est tendu et si la
richesse du travailleur est élevée, alors les couches inférieures ne sont plus constituées de miséreux,
mais de travailleurs qualifiés et le système de peine pourra se contenter d’exploiter cette richesse et
de les mettre au travail sans besoin de les punir fortement. On ne va pas se priver de travailleurs
riches de leur force de travail dans un marché où on manque de travailleurs. Dans toutes les sociétés
où se produit une pénurie de main-d’œuvre, il existe une tendance à abandonner le châtiment
corporel, c’est l’anéantissement du criminel, car le criminel a de la valeur sur le marché de l’emploi et
si c’est possible il vaut donc mieux exploiter.

Par exemple, vers 1600, en Allemagne, il y avait une pénurie de main-d’œuvre et on constate que
l’échafaud a globalement été remplacé par la peine privative de liberté dans laquelle on exploite les
travailleurs. Cette situation là s’est arrêtée au 18e siècle où la main d’œuvre a perdu de sa valeur à
cause de l’avènement des machines. Les prisons ne rapportaient plus et le travail en prison fut
remplacé par la torture et des conditions de travail se détériorant afin de rendre la peine davantage
dissuasive.

Comment cela se passe-t-il en France  ? On observe que les courbes de chômage et


d’incarcération sont très fortement corrélées, elles suivent les tendances à la hausse et l’hypothèse
est régulièrement testée par de nombreux auteurs, même Foucault admirait le travail de RetK et s’en
76
est largement inspiré. La justice de classe c’est le fait que globalement, les couches sociales
défavorisées sont les cibles privilégiées de la justice pénale. On peut regarder l’origine sociale
des détenus en comparution immédiate, à Marseille, les prévenus sans emploi constituent 59 % de la
population, les prévenus dans une situation précaire 14  % et globalement il n’y a que 17  % des
personnes qui représentent un emploi stable. À Nice il y a seulement 7  % de personnes avec un
emploi stable.

Évolution du taux de chômage en France.

Comme la courbe de l’incarcération, elle augmente presque sans relâche depuis les années 70. On
peut effectuer la même comparaison dans les prisons, on observait les personnes étaient
majoritairement pauvre et on pensait que la pauvreté causée la criminalité, mais on s’est ensuite dit
que les pauvres représentaient le cœur de cible du filtre effectué par le système pénal. Par exemple,
en prison, en 2010, Combessie dans son livre « Sociologie de la prison » a pris l’origine sociale des
détenus en France et il a comparé le pourcentage d’ouvriers agricoles dans les prisons avec les
pourcentages d’ouvriers agricoles dans la population générale liber. Il y a 4,4 % en prison alors qu’il y
en a 1,5 % en liberté. Il y a donc un coefficient d’aggravation, il y a 2,9 fois plus d’ouvriers agricoles
détenus que libres. Pour les ouvriers non qualifiés, il y en a 18,9 contre 8,9 et donc 2,12 fois plus
d’incarcérés. Dans la pensée marxiste, les ouvriers ne récupèrent en salaire que la fraction
nécessaire et suffisante pour vivre, il y a 43 % d’ouvriers qualifiés en prison contre 22 % en liberté. En
77
ce qui concerne les chefs d’entreprises, ils constituent 1  % de la population libre et 0,3  % des
détenus.

Comment explique-t-on que les pauvres soient davantage punis que les riches  ? La peine est
davantage l’histoire du rapport entre les deux nations qui composent le peuple, les riches et les
pauvres. Bruno Aubusson De Cavarlay explique en caricaturant la gestion différenciée des
inégalismes et il explique que « l’amende des bourgeoises et petites bourgeoises, l’emprisonnement
ferme et sous prolétarien, l’emprisonnement avec sursis et populaire ». L’accroissement de la sévérité
en cas de crise économique s’explique par le principe de moindres éligibilités c’est à dire à quel point
on rentre dans le cœur de cible du filtre.

À la question que se posait Sutherland qui se demandait si le crime en col blanc était un crime, il en
est arrivé à la conclusion que globalement les infractions des classes sociales supérieures sont
plus souvent traitées sur un circuit non pénal. Une autre explication de la gestion différenciée et
que les classes supérieures ont davantage de possibilités de dissimuler leur infraction ou le font plus
souvent  ! Ainsi les bonnes familles qui font l’objet de violences conjugales évitent de recourir à la
police pour échapper à la stigmatisation qui en découlerait.

Ce qui constitue un critère important de l’orientation pénale du dossier était les garanties de
représentation et ce sont ouvertement des marqueurs de classes. Puisque le casier judiciaire
reflète les choix faits en amont par des magistrats (et donc l’appartenance à cette classe sociale
inférieure), la prise en compte du casier vient aggraver les biais systématiques de la justice pénale.
L’utilisation du casier judiciaire amplifie les effets structurants de gestion différenciée.

Il faut s’attendre à ce que toutes détérioration de vie des classes inférieures se répercute sur
l’incarcération.
78
Le lien entre l’incarcération et le chômage en France a été régulièrement établi par des travaux
comme ceux de Bernard Laffargue et Thierry Godefroy (1984) ou de Nicolas Bourgoin (2009), tout
comme il a été établi aux États-Unis (par Bruce Western et Katherine Beckket  2001), ou dans le
monde arabe (Abdalrahman, 2017)

, il suffit de comparer les séries temporelles et d’adopter un schéma structuraliste pour comprendre
comment l’inflation carcérale doit être expliquée de prime abord, par la justice de classe avant toute
analyse plus nuancée.

La question de Garland de savoir quelles sont les causes de l’inflation carcérale, en regardant la
hausse de la courbe du chômage on aurait pu prévoir l’inflation carcérale. Cette théorie est de loin la
plus simple (l’un des critères de choix des théories, c’est la raison pour laquelle elle a la préférence
du prof : une explication simple, testable et testée)

Mais le paradoxe est qu’on en arrive à la conclusion que l’inflation carcérale est le fruit du
fonctionnement normal du système pénal puisque la criminalité des chômeurs appelle
davantage de réactions de celle des couches aisées. EN effet en période de fort chômage
comme aujourd’hui il semble don normal que les classes inférieures étant plus nombreuses et
moins puissante appellent davantage de réaction, car cela participe à la stabilisation de la
structure sociale : à la fois par la violence de la peine de prison et par l’idéologie que véhicule
le système pénal.

Puisque le fonctionnement normal du système pénal est de reproduire la structure sociale, on en


arrive à la conclusion que le criminel peut être quelque chose de bénéfique à la structure sociale,
c’est un argument que Durkheim a rédigé dans un article de 1895 intitulé « Crime et santé sociale ».
Indépendamment du mal que peut causer le crime aux victimes, il fait dans cet article un plaidoyer
pour l’utilité sociale du crime. Il part de la prémisse que le crime est normal dans la vie sociale. Le
crime est normal et lié aux conditions fondamentales de toute vie sociale. On ne peut pas imaginer
une société dans laquelle aucun individu ne diffère du type moyen. Paradoxalement, il arrive à
la conclusion qu’il est socialement normal qu’il y ait dans toute société des individus
psychologiquement anormaux. La normalité du crime n’est qu’un cas particulier de cette
proposition générale.

Pour lui il est utile que l’idéologie dominante ne se répète pas identiquement dans toutes les
consciences. Lorsqu’elle ne se répète pas identiquement cela produit soit du crime doit du
génie si bien que sans une déviance, toute transformation du monde serait rendue impossible.
De plus, il arrive parfois que le criminel soit le précurseur de la morale à venir.
Comment fabriquer des maximes nouvelles sans s’écarter des anciennes. De tout temps les grands
réformateurs de la morale ont condamné la morale régnante et ont été condamnés par elle.

Durkheim mis en parallèle avec Becker Althusser et Marx nous fait arriver à la conclusion qu’une
société sans crime serait même inconcevable

Si la conscience morale devenait assez forte pour que tous les crimes, jusque-là réprimés,
disparussent complètement, on la verrait taxer plus sévèrement des actes qu’elle jugeait
antérieurement avec plus d’indulgence ; que, par conséquent, la criminalité, disparue sous une
forme, réapparaîtrait sous une autre.
79
Pour lui, il est donc vain d’espérer la disparition du crime. Aussi, les criminologues tels que Lombroso
qui s’il avait fait disparaître le crime en évinçant les « criminels nés » (ou autre méthode) n’aurait fait
que construire une nouvelle structure sociale qui se serait alors empressée de découvrir et de punir
de nouveaux criminels.

Le crime est donc un élément constitutif de la structure sociale, mais pourquoi en est-il ainsi  ? On
peut considérer le crime comme un conflit (de classe) qui naît de la réaction du système pénal et qui
est résolu par la jugement. La sociologie du conflit de Lewis Coser (bien que très peu reprise) traite
des fonctions sociales du conflit et nous permet de mieux comprendre en quoi le crime est à la fois
nécessaire et bénéfique. Il met en lumière les valeurs positives du conflit et il essaye de démontrer à
quel point voir le conflit comme une anormalité ou une dysfonction est inadapté. La définition du
conflit par l’auteur est que c’est la lutte sur les valeurs et pour l’obtention d’un certain statut,
pouvoir ou ressource dans lequel le but des opposants est de neutraliser, blesser ou éliminer
leurs ennemis (on voit à quel point cela est applicable au crime). Ce livre contient 16
propositions qui tendent à montrer l’utilité du conflit social.

Le conflit permet par exemple de lier les différents membres d’un groupe. Il permet selon l’auteur de
maintenir l’identité de la structure sociale ainsi que ses frontières aussi physiques qu’idéologiques. Le
conflit est une occasion qui permet de réaffirmer l’identité du groupe dominant contre ceux qui veulent
le changer ou qui l’attaquent. Le conflit permet potentiellement de conserver la division sociale et
donc à la structure de se reproduire.
Le conflit avec un ennemi accroît également la cohésion interne parce qu’il permet aux membres d’un
groupe attaqué (ou attaquant d’ailleurs) de se souder, de se mobiliser et de mobiliser leur énergie
tous ensemble autour d’un intérêt commun. Le conflit permet de lancer des appels à des alliés qui
viendront lutter à nos côtés. Le groupe est donc perpétuellement en recherche d’ennemi puisque ce
sont eux qui lui permettent à la fois de subsister et de grandir. Permet de retenir sa cohésion interne
et sa structure. Un groupe peut se créer des ennemis fictifs.
Le crime s’inscrit dans cette recherche d’ennemi et n’est donc rien d’autre qu’une opération logique et
fonctionnelle de la structure sociale définissant un ennemi dans le but de s’affirmer, se reproduire et/
ou se modifie. Les périodes de fort chômage caractérisé par des peines plus nombreuses et sévères
sont donc tout à fait compréhensibles puisque :
- le chômage est quelque part le signe d’un dysfonctionnement de la structure sociale qui aura
d’autant plus intérêt à faire fonctionner ses appareils pour se reproduire
- le nombre «  d’ennemis  », c’est à dire le nombre de personnes étrangères à l’idéologie et au
fonctionnement de la structure sociale sont plus nombreux ; cela engendre forcément une réaction
de défense de la part de la structure sociale.

80
Conclusion générale
Pour conclure, certains ont eu l’impression d’un cours pessimiste à cause des critiques émises
envers le système pénal, mais il s’agit plutôt d’une tragédie. En effet, nous avons vu que, depuis le
début de l’histoire de la criminologie, cette science a toujours rassemblé des chercheurs souhaitant
lutter contre le crime. En outre, elle a toujours attiré les institutions étatiques qui cherchent, elles aussi
(parfois pour des raisons électorales) à lutter contre le crime. Or, nous avons vu que la criminalité
était le produit normal de la structure sociale, vouloir sa destruction est donc absurde, car cela va à
l’encontre des intérêts de la structure. En revanche lutter contre est, en soi, une chose utile. Peut
importe les fonctions que l’on rattache à la peine, ce ne sont souvent que des justifications hypocrites
dont on ignore, ou masque l’effectivité réelle. La criminologie orientée vers la lutte contre le crime,
celle dite ethnocentrée et non critique, participe de cette lutte et participe au jeu de la reproduction. La
criminologie critique quant à elle permet de mieux comprendre les enjeux et les forces politiques à
l’œuvre. L’une se rattache à l’action, l’autre à la connaissance. Les deux vous seront utiles en tant
que professionnels du droit pour d’une part comprendre les personnes à qui vous serez confronté et
comprendre les dynamiques structurelles qui vous dépassent et d’autre part vous forger votre morale,
votre guide dans l’action.

81
BIBLIOGRAPHIE
❤ Althusser, Louis. « Idéologie et appareils idéologiques d’état ». La Pensée, no 151
(1970).

http://classiques.uqac.ca/contemporains/althusser_louis/ideologie_et_AIE/
ideologie_et_AIE.pdf

❤ Azoulay, Warren, et Sacha Raoult. « les comparutions immédiates au Tribunal de


Grande Instance de Marseille ». Rapport de recherche de l’observatoire.
Observatoire Régional de la Délinquance et des Contextes Sociaux., juillet
2016. http://ordcs.mmsh.univ-aix.fr/publications/Documents/
Etudes%20et%20travaux%20ORDCS%20n8%20juillet%202016.pdf

❤ Becker, Howard S. « Whose side are we on ». Soc. Probs. 14 (1966): 239.

❤ 🎉 😍 Becker, Howard Saul. Outsiders: études de sociologie de la déviance. Paris:


Editions Métailié, 1964.

Cauchie, Jean-François, et Gilles Chantraine. « De l’usage du risque dans le


gouvernement du crime ». Champ pénal/Penal field, no Vol. II (24 février 2005).
https://doi.org/10.4000/champpenal.80.

Chantraine, Gilles. « La sociologie carcérale : approches et débats théoriques en


France ». Déviance et société 24, no 3 (2000): 297‑318.

❤ Combessie, Philippe : « Durkheim, Fauconnet et Foucault. Étayer une perspective


abolitionniste à l’heure de la mondialisation des échanges. » In Les sphères du
pénal avec Michel Foucault. Histoire et sociologie du droit de punir, 320.
Lausanne: Antipodes, 2007. 

http://classiques.uqac.ca/contemporains/combessie_philippe/
durkheim_fauconnet_foucault/durkheim_fauconnet_foucault.html.

Combessie, Philippe. Sociologie de la prison. La Découverte, 2010.

Danet, Jean. La réponse pénale: dix ans de traitement des délits. L’univers des normes.
Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2013.

❤ Durkheim, Émile. « Crime et santé sociale ». Revue philosophique de la France et de


l’étranger 39 (1895): 518–523.

Durkheim, Emile. De la division du travail social. Presses Électroniques de France,


1973. https://books.google.fr/books?
hl=fr&lr=&id=nRZ9CAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT3&dq=durkhei+de+la+divisio
n+du+travail+&ots=eAFgvo6vUJ&sig=93HooLnWONfRsUdae5mD6ex5jOU.

Durkheim, Émile. Définitions du crime et fonction du châtiment, 2006. 



http://blogofficieldewalkylouis.blogs.nouvelobs.com/media/
01/01/2257593833.pdf.

82
❤ Faget, Jacques. « La fabrique de la décision pénale. Une dialectique des
asservissements et des émancipations ». Champ pénal/Penal field 5 (2008).
https://champpenal.revues.org/3983?lang=en.

Faugeron, Claude, et Jean-Michel Le Boulaire. Quelques remarques à propos de la


récidive. CESDIP, 1992. 

http://www.cesdip.fr/IMG/pdf/edp65.pdf.

Feeley, Malcolm M., et Jonathan Simon. « The new penology: Notes on the emerging
strategy of corrections and its implications ». Criminology 30, no 4 (1992): 449–
474.
❤ Garland, David. « Adaptations politiques et culturelles des sociétés à forte
criminalité ». Déviance et Société 31, no 4 (3 janvier 2008): 387‑403.

https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-deviance-et-societe-2007-4-
page-387.html

Gautron, Virginie. « L’impact des préoccupations managériales sur l’administration


locale de la justice pénale française ». Champ pénal/Penal field 11 (2014). 

https://champpenal.revues.org/8715.

Gautron, Virginie, et Émilie Dubourg. « La rationalisation des outils et méthodes


d’évaluation : de l’approche clinique au jugement actuariel ». Criminocorpus.
Revue d’Histoire de la justice, des crimes et des peines, 26 janvier 2015. 

http://criminocorpus.revues.org/2916.
❤ Granier, Jean. Nietzsche. PUF. Que sais-je ?, 2006.

Guyau, Jean-Marie. Esquisse D’Une Morale Sans Obligation Ni Sanction. BiblioBazaar,


LLC, 2009.

Hirschelmann, Astrid, Denis Lafortune, et Jean-Pierre Guay. « PREVA - Un programme


d’évaluation des personnes placées sous main de justice fondé sur les principes
du risque, des besoins et de la receptivité. », 2016.

http://herzog-evans.com/wp-content/uploads/2016/10/PREVA-rapport-
final1.pdf

Jobard, Fabien, et Jacques de Maillard. Sociologie de la police. Armand Colin, 2015.

❤ Larregue, Julien. « La criminologie biosociale à l’aune de la théorie du champ.


Ressources et stratégies d’un courant dominé de la criminologie états-unienne ».
Déviance et Société 41, no 2 (12 juin 2017): 167‑201. 

https://doi.org/10.3917/ds.412.0167.

Lefebvre, Henri. Le marxisme. Que sais-je ? PUF, s. d.

❤ Martinson, Robert. « What works?-Questions and answers about prison reform ».


The public interest, no 35 (1974): 22.

Mucchielli, Laurent. Sociologie de la délinquance. Armand Colin, 2017.

83
❤ Mucchielli, Laurent, « Une société plus violente ? » Déviance et Société 32, no 2 (26
mai 2008): 115‑47.

https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-deviance-et-societe-2008-2-
p-115.html

Nietzsche, Friedrich. La volonté de puissance, s. d.

❤ Nietzsche, Friedrich. Le crépuscule des idoles, s. d.

Raine, Adrian. The anatomy of violence: The biological roots of crime. Vintage, 2013.

Raoult, Sacha. « Des méthodes et des hommes. La production sociale du savoir sur
l’efficacité de la peine de mort ». déviance et société 39, no 1 (2015): 99–121.

https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-deviance-et-societe-2015-1-
page-99.htm?1=1&DocId=509065&hits=37+36+20+19+

❤ 🎉 Raoult, Sacha. « L’évaluation du risque de récidive: l’expert, le politique et la


production du chiffre ». Revue de Sciences Criminelles et de Droit Pénal
Comparé 3 (2014). https://works.bepress.com/sacharaoult/32/.

❤ 🎉 Raoult, Sacha, et Arnaud Derbey. « La justice de classe, la nouvelle punitivité et le


faux mystère de l’inflation carcérale ». RSC, no 2018 (s. d.): p.255.

Renneville, Marc. « La criminologie perdue d’Alexandre Lacassagne (1843-1924) ».


Criminocorpus. Revue d’Histoire de la justice, des crimes et des peines, 1 janvier
2005. 

http://journals.openedition.org/criminocorpus/112.

Renneville, Marc. « Le criminel-né : imposture ou réalité ? » Criminocorpus. Revue


d’Histoire de la justice, des crimes et des peines, 1 janvier 2005. http://
journals.openedition.org/criminocorpus/127.

❤ 🎉 Rusche, Georg. « Marché du travail et régime des peines. Contribution à la


sociologie de la justice pénale ». Déviance et société 4, no 3 (1980): 215–228.

Rusche, Georg, et Otto Kirchheimer. Peine et structure sociale: histoire et" théorie
critique" du régime pénal. Les Editions du Cerf, 1994

https://www.persee.fr/doc/ds_0378-7931_1980_num_4_3_1049.

Saint-Martin, Arnaud. La sociologie de Robert K. Merton. Repères. La Découverte,


2013. http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-
La_sociologie_de_Robert_K__Merton-9782707168870.html.

Shaw, Clifford R. « Delinquency areas. », 1929.

Shaw, Clifford R. The jack-roller: A delinquent boy’s own story. University of Chicago
Press, 2013.

84
❤ Shaw, Clifford Robe, et Henry Donald McKay. « Juvenile Delinquency and Urban
Areas: A Study of Rates of Delinquency in Relation to Differential Characteristics
of Local Communities in American Cities (1969) ». In Classics in Environmental
Criminology, 103–140. CRC Press, 2016.

Sutherland, Edwin H. « Is" White Collar Crime" Crime? » American sociological review
10, no 2 (1945): 132–139.

85
TABLE DES MATIÈRES
Introduction : Qu’est-ce que la criminologie ? 2

PARTIE I : LES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES CENTRÉES SUR LES CRIMINELS


8

CHAPITRE I : ECOLE POSITIVISTE ITALIENNE 8

CHAPITRE II : LES CAUSES SOCIALES 16

SECTION I : L’ANOMIE 16

I. L’anomie selon J.-M. Guyau 16

II. L’anomie selon E. Durkheim 16

IV. L’anomie selon R. Merton 19

V. L’anomie dans la sociologie américaine 20

SECTION II : L’INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE 21

SECTION III : THÉORIE ÉCOLOGIQUE DE LA DÉVIANCE 22

I. Théorie de C. Shaw 22

II. Théorie de E. Sherman 23

SECTION IV : ASSOCIATION DIFFÉRENTIELLE 24

I. L’association différentielle de E. Sutherland 24

II. Les sous-cultures déviantes de Cohen 26

III. La technique de neutralisation de Sykes et Matza 27

IV. Les Théories de l’opportunité 29

SECTION V : LA DÉVIANCE EN TANT QUE CONSTRUCTION SOCIALE (selon Howard


Becker) 31

PARTIE II : ÉTUDE DU CRIME 34

CHAPITRE I : CRÉATION DE LA CONNAISSANCE SUR LA DÉLINQUANCE À PARTIR


DES STATISTIQUES 35

SECTION I : STATISTIQUES OFFICIELLES 35

I. Rapport Lamanda 36

II. Avis sur les demandes d’aménagement de peine 37

III. Résumé 38

SECTION II : Exemple de recueil de statistiques officielles : MOYENS DONT LES


SERVICES DE POLICE CONSTATENT L’INFRACTION 38

I. Évaluation sur la nature de l’infraction 39

86
II. Évaluation vis-à-vis des profils/comportement des individus 40

CHAPITRE II : LES ENQUÊTES DIRECTES 41

PARTIE III : ÉTUDE DES PEINES 44

CHAPITRE I : FONCTIONS DE LA PEINE 44

CHAPITRE II : CATÉGORIES DE PEINES 47

L’appareil idéologique d’état (AIE) 71

Conclusion générale 81

BIBLIOGRAPHIE 82

TABLE DES MATIÈRES 86

87

Vous aimerez peut-être aussi