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LA RENCONTRE AVEC UN ÉCRIVAIN EN CONTEXTE SCOLAIRE

QUÉBÉCOIS : POINTS DE VUE D’ÉLÈVES ET D’ENSEIGNANTS

Olivier Dezutter, Marie-Christine Beaudry, Mélissa Dumouchel, Myriam Lemonchois,


Érick Falardeau

Armand Colin | « Le français aujourd'hui »


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2019/3 N° 206 | pages 11 à 25
ISSN 0184-7732
ISBN 9782200932497
DOI 10.3917/lfa.206.0011
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2019-3-page-11.htm
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ET AILLEURS : UNE PRATIQUE
AUX ENJEUX ET AUX
MODALITÉS VARIÉS

Olivier DEZUTTER,
Marie-Christine BEAUDRY,
Mélissa DUMOUCHEL,
Myriam LEMONCHOIS &
Érick FALARDEAU

Clémentine BEAUVAIS

Alice BRIÈRE-HAQUET
LA RENCONTRE AVEC UN ÉCRIVAIN
EN CONTEXTE SCOLAIRE QUÉBÉCOIS :
POINTS DE VUE D’ÉLÈVES
ET D’ENSEIGNANTS
Olivier DEZUTTER
Université de Sherbrooke

Marie-Christine BEAUDRY
Université du Québec à Montréal
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Mélissa DUMOUCHEL
Université de Sherbrooke

Myriam LEMONCHOIS
Université de Montréal

Érick FALARDEAU
Université Laval

C’était une bonne idée d’avoir un vrai écrivain


qui vient à l’école pour nous enseigner l’écriture.
(Alexis, 12 ans)

Au Québec, depuis 1984, un programme de soutien financier1 a été


mis en place par l’État pour permettre aux milieux scolaires d’accueillir,
au sein des classes des écoles primaires et secondaires, des artistes et des
écrivains pour des visites ponctuelles ou des ateliers créatifs. Le programme
a connu certaines variations à travers le temps. Il est actuellement géré en
collaboration avec l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ),
fondée en 1977 afin d’assurer la promotion et la diffusion de la littérature
québécoise ainsi que la défense des droits socioéconomiques des écrivains.
L’UNEQ est responsable de la diffusion de l’existence du programme auprès
de ses membres et elle coordonne les inscriptions des écrivains volontaires
dans le Répertoire des ressources « culture-éducation ». Celui-ci compte plus
de 2 200 artistes, écrivains et organismes culturels professionnels pouvant
de ce fait bénéficier d’un possible soutien financier pour des interventions

1. Recherche financée par le Fonds de la recherche du Québec « Société-Culture ».

rticle on line
Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

en milieu scolaire. En plus de ce programme ministériel, plusieurs salons


du livre régionaux proposent dans le cadre de leurs activités périphériques
des tournées d’auteurs dans les classes.
Dans plusieurs endroits du monde, le début du vingt-et-unième siècle a
été marqué par une volonté de renforcer les liens entre culture et éducation
(Bamford 2006 ; Burnard et Swann 2010 ; Valentin 2006). Le Québec
n’a pas échappé à ce mouvement. L’opération de refonte des programmes
scolaires au début des années 2000 a été guidée, d’une part, par l’introduction
de l’approche par compétences et, d’autre part, par une volonté de renforcer
la dimension culturelle au sein de l’ensemble des disciplines scolaires. La
redéfinition des buts de l’école, initiée dans le cadre de la mise en place
du renouveau pédagogique, a conféré à l’enseignant un rôle majeur, celui
de « passeur culturel » (ministère de l’Éducation du Québec 2001), en lui
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demandant d’intégrer une dimension culturelle dans ses enseignements
(ministère de l’Éducation du Québec et ministère de la Culture et des
Communications 2003).
Dans les programmes officiels pour le primaire et le secondaire, la langue
et la culture sont considérées comme deux dimensions essentielles de la
classe de français. Les expériences culturelles sont valorisées pour permettre
le développement de compétences dans le domaine des langues (ministère
de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur 2006a, 2006b, 2009) : « Les
rencontres actives et vivantes, les relations directes avec les artistes ainsi que
les créateurs et créatrices, le contact avec les œuvres et l’environnement
culturel sont également des moyens de placer l’élève au cœur de sa culture »
(ministère de l’Éducation du Québec et ministère de la Culture et des
Communications 2003 : 36).
Pour encourager et faciliter la mise en place des activités culturelles
assurées par des experts externes dans les écoles primaires et secondaires,
les enseignants peuvent faire appel au programme de soutien, La Culture à
l’école,2 géré par les ministères de l’Éducation et de la Culture. Le programme
connait une certaine popularité et, grâce à lui, environ 1500 journées
d’animation sont assurées annuellement par des écrivains dans les classes3 .
Si l’on prend en compte le fait que plusieurs de ces journées sont organisées
dans un même établissement et que le Québec compte environ 2300
écoles primaires et secondaires, il faut conclure que plus de la moitié des
établissements scolaires ne recourent pas au programme. En outre, le budget
accordé par le gouvernement à ce type de programme n’est pas stable à
travers le temps, et les conditions de participation des artistes et écrivains
sont actuellement jugées non satisfaisantes par les responsables de l’UNEQ,

2. <http://www.education.gouv.qc.ca/dossiers-thematiques/culture-education/programme-
la-culture-a-lecole/>.
3. S. Marsan & M.-A. Boivin, Le programme La Culture à l’école, appui important à
l’apprentissage de la lecture, Savoir, magazine de la fédération des commissions scolaires du
Québec, 23 décembre 2016.

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La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

qui réclament entre autres une augmentation de la rétribution des auteurs


pour ces animations, qui n’a pas bougé depuis 2004. Il faut ajouter que les
activités culturelles, dont les rencontres avec les auteurs, font régulièrement
l’objet de menaces de boycott dans le cadre des discussions sur les relations
de travail, les syndicats d’enseignants considérant les activités culturelles
parmi les activités non essentielles dont les élèves peuvent être privés dans le
cadre d’actions de pression syndicale4 .
Le programme La Culture à l’école a fait l’objet d’une évaluation portant
sur sa mise en application de 2004 à 2006 (ministère de la Culture et des
Communications 2008). Bien que les milieux scolaires ayant bénéficié du
programme durant cette période aient souligné des effets bénéfiques dans
la formation culturelle des élèves, notamment en les éveillant au processus
de création et en favorisant des expériences culturelles, ils ont regretté que
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les activités ne donnent pas lieu à plus de réinvestissements sur le plan
pédagogique. Selon les données traitées dans le cadre de cette évaluation, les
projets ont été menés davantage au préscolaire-primaire qu’au secondaire.
Enfin, si le programme permet aux élèves issus de milieux défavorisés ou de
régions éloignées d’être en contact avec l’univers culturel (ministère de la
Culture et des Communications 2008), les organismes culturels impliqués
déplorent que la fréquentation des lieux culturels ne soit pas favorisée.
Au-delà de l’évaluation de ce programme spécifique, orientée essentielle-
ment sur son fonctionnement (application, processus de gestion, d’inscrip-
tion et de réinscription), fort peu de recherches sur les activités culturelles
en contexte scolaire et leurs impacts sur les élèves ont été menées au Québec.
Les recherches de M. Lemonchois (2010) portent essentiellement sur le
domaine des arts plastiques et sont centrées sur les activités impliquant
l’intervention d’un artiste dans la classe, pour comprendre les pratiques
des enseignants en lien avec celles-ci ou la participation des élèves dans ce
cadre. D’autres recherches ont étudié les liens entre école et culture, en
traitant surtout des représentations de la culture que se font les enseignants,
telles celles de É. Falardeau et D. Simard (2011) et D. de Saint-Jacques
et A. Chené (2002). L’influence des activités culturelles sur le cœur de la
mission du cours de français, à savoir les compétences de lecture et d’écriture,
n’a donc jusqu’à présent fait l’objet d’aucune recherche en contexte scolaire
québécois. Notre équipe a entrepris de combler ce manque en développant
un programme de recherche5 visant les trois objectifs suivants :

4. C’est cette situation qui a prévalu durant l’année 2015-2016 au cours de laquelle a été
recueillie une partie des données présentées dans cet article. Un boycott similaire a également
été observé en 2005-2006.
5. Programme soutenu par le Fonds de la recherche du Québec « Société-Culture », action
concertée lecture-écriture, L’Impact des activités culturelles sur le rapport à l’écrit des élèves et
sur leur motivation en lecture et en écriture (2015-2018), O. Dezutter, chercheur principal,
M.-C. Beaudry, M. Lemonchois et É. Falardeau.

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Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

- dresser un état des lieux des activités culturelles mises en place à l’école et
initiées par les enseignants de français ou dans le cadre des cours de français
au troisième cycle du primaire et aux deux cycles du secondaire au Québec ;
- analyser les impacts des différents types d’activités culturelles sur le
rapport à l’écrit et la motivation des élèves du troisième cycle du primaire et
des deux cycles du secondaire en milieu urbain et en milieu rural ;
- identifier les conditions optimales permettant d’accroitre l’impact des
activités culturelles sur le rapport à l’écrit et la motivation des élèves en
lecture et en écriture.
Pour la recherche globale, nous avons recueilli des données à propos d’une
variété d’activités culturelles : sortie au théâtre, visite d’une exposition dans
un musée, visite de la bibliothèque municipale et rencontre avec des auteurs.
Dans le cadre de cet article, après avoir présenté brièvement les résultats
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d’une enquête auprès des enseignants à propos de l’ensemble de ces activités,
nous présenterons les données spécifiques relatives aux expériences associées
à la présence d’un écrivain dans la classe. Une fois décrits les différents
types de dispositifs mis en œuvre dans les classes où se sont déroulées nos
observations, nous soulignerons les éléments mis en avant par des élèves
volontaires rencontrés lors de mini-groupes de discussion organisés après les
activités qui leur ont été proposées par leurs enseignants.

Une enquête en ligne auprès des enseignants du dernier


cycle du primaire et de l’enseignement secondaire
Afin de dresser un état des lieux sur les activités culturelles organisées
dans les cours de français, une enquête en ligne a été réalisée auprès de
269 enseignants du dernier cycle du primaire (40 % de nos répondants) et
des deux cycles du secondaire (60 % de nos répondants) répartis à travers le
Québec. La grande majorité des répondants (86,2 %) travaillent dans une
école publique.
Les questions de l’enquête étaient en grande majorité fermées, à choix
multiple ou à réponse selon une échelle de Likert.
Pour ce qui concerne les infrastructures d’ordre culturel présentes dans
les écoles, 54,2 % de nos répondants ont indiqué que leur école possède un
local d’arts plastiques ou de musique, 32,9 % ont signalé l’existence d’une
salle de spectacle dans l’enceinte de l’école et 15,3 % ont déclaré disposer
d’un lieu d’exposition. Une bibliothèque est présente dans les établissements
des trois quarts des répondants (73,6 %).
Interrogés quant à leur intérêt personnel envers les activités culturelles,
près des trois quarts des enseignants participants (72,5 %) ont déclaré avoir
beaucoup d’intérêt pour ce type d’activités, contre un quart (27,5 %) pour
qui l’intérêt pour ce type d’activités est plus limité. La lecture constitue
l’activité culturelle favorite de nos répondants. Seulement 23,4 % d’entre
eux affirment être engagés personnellement dans une activité culturelle

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La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

de type création ou interprétation (danse, musique, écriture de nouvelles,


photographie, etc.).
Presque la totalité des répondants (95,2 %) indique avoir organisé entre
une et plusieurs activités culturelles au cours des deux dernières années. Pour
près de la moitié des enseignants participant à l’enquête (48 %), la moyenne
d’activités organisées chaque année est de deux ou plus, tous types d’activités
confondus (rencontre avec un artiste, participation à un atelier de pratique
artistique ou réalisation d’un projet artistique d’envergure, participation à
un évènement culturel). Notre enquête a donc rejoint essentiellement des
enseignants déjà engagés, voire fortement engagés dans leur rôle de « passeur
culturel » au cours des deux dernières années.
La participation à un évènement culturel (salon du livre, sortie au théâtre,
visite dans un musée, etc.) est le type d’activité le plus fréquemment organisé
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pour les élèves (84,3 %). Viennent ensuite les projets de création artistique
(60,7 %), les activités de type rencontre avec un artiste (50,6 %), puis les
ateliers de pratique artistique (45,5 %).
Parmi les contraintes rencontrées lors de l’organisation de ces activités,
celles liées au budget sont les plus souvent évoquées par les enseignants
(41,2 %). Suivent celles liées à des raisons personnelles (statut précaire de
l’enseignant, congé de maternité, etc.) (31,9 %), à des raisons pédagogiques
(20,8 %) et administratives (20,4 %). Il faut ajouter que l’offre d’activités
ne semble pas du tout un frein majeur (11,6 %) ni la perception que les
enseignants peuvent avoir de l’intérêt éventuellement limité que portent les
élèves à ce type d’activité (10,2 %).
L’évaluation du programme La Culture à l’école relevait également que
le financement des activités culturelles, notamment par une subvention
gouvernementale, constituait un élément incontournable (ministère de
la Culture et des Communications et ministère de l’Éducation et de
l’Enseignement supérieur, 2008) dans la mise sur pied des activités.
Enfin, parmi nos répondants ayant organisé une activité culturelle dans
les deux dernières années, 81,8 % déclarent envisager en organiser au moins
une l’année suivante.
Les activités organisées sont de durée très variable, mais les activités courtes
sont les plus fréquentes : d’une journée ou moins pour près de la moitié
des répondants (46,9 %) à quelques jours (13,4 %), quelques semaines
(23,7 %), quelques mois (10,3 %) et plus rarement toute l’année scolaire
(5,7 %).
Quant aux compétences du cours de français associées à ces activités,
les répondants ont déclaré que les compétences de communication orale
(39,9 %) et d’écriture (37,3 %) sont davantage travaillées que les com-
pétences de lecture (22,8 %). Ce résultat peut surprendre et amène à
questionner la spécificité des rencontres avec des auteurs par rapport à celles
avec d’autres professionnels ou conférenciers qui interviennent dans les
classes. Enfin, les enseignants sont nombreux à relever les effets positifs des

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Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

activités à la fois sur la motivation des élèves par rapport au cours de français
et sur leur degré d’intérêt pour certaines pratiques culturelles.
Les données recueillies dans le cadre de cette enquête montrent qu’il existe
au Québec un nombre important d’enseignants qui offrent à leurs élèves
la possibilité de vivre une activité culturelle associée au cours de français.
Cependant, bien que ces activités soient inscrites au cœur du programme
de formation, elles sont loin d’être offertes dans tous les milieux scolaires,
et des facteurs nombreux et variés dont une partie tiennent aux conditions
de travail des enseignants limitent leur mise en œuvre. Ce constat met en
question la manière dont l’école assume son rôle de démocratisation d’accès
à la culture, étant donné qu’il demeure un nombre important d’élèves
qui sont privés d’expériences culturelles significatives durant leur scolarité.
Sans avoir de valeur statistique, une prise d’informations réalisée depuis
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quelques années auprès des étudiants qui suivent nos cours de didactique du
français dans le programme de formation à l’enseignement du français au
secondaire indique qu’environ le tiers d’entre eux seulement a eu l’occasion
de rencontrer des auteurs dans le contexte scolaire et de faire une sortie au
théâtre durant leur scolarité antérieure.
Pour compléter le point de vue des enseignants et l’écho de leurs pratiques
qu’ils ont livré à travers l’enquête, il nous a paru essentiel d’entrer dans les
classes afin de mieux comprendre dans quel contexte se déroulent les activités
culturelles qui y sont organisées, d’observer le comportement des élèves
et de nous mettre à leur écoute pour tenter de savoir ce qu’ils retiennent
des rencontres avec les auteurs et de l’impact de celles-ci sur leur rapport à
l’écrit.

Au cœur des rencontres avec des écrivains dans les classes


Dans le cadre de notre recherche globale, des activités culturelles ont
été observées dans quinze écoles auprès de vingt-deux groupes d’élèves
(neuf au primaire et treize au secondaire). Nous avons assisté à des activités
impliquant des écrivains dans quatorze groupes d’élèves (sept au dernier
cycle du primaire et sept au secondaire) répartis entre huit établissements
scolaires situés dans huit régions administratives différentes du Québec.
Au-delà des aspects budgétaires, plusieurs éléments sont à prendre en
considération par l’enseignant qui souhaite faire intervenir un auteur dans
sa classe. Au premier chef se situe le choix de la personne à inviter et de la
formule d’intervention.

Les auteurs6 impliqués dans les activités


Les créateurs impliqués dans les activités que nous avons pu observer
sont tous familiers des rencontres avec des élèves dans le contexte scolaire

6. Dans les lignes qui suivent, nous utilisons indifféremment les termes écrivains et auteurs,
même s’il peut être pertinent de les distinguer comme le fait par exemple É. Bédouin (2011).

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La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

québécois. Ils représentent la variété de la création littéraire pour enfants


et adolescents : auteurs (Michèle Marineau, Laurent Chabin et Claude
Dolbec) ; auteurs-illustrateurs (Marianne Dubuc, Annie Groovie et Stéphane
Poulin) ; bédéiste (Sampar) et rappeur (Dan Parker). Quatre d’entre eux
faisaient partie du programme La Culture à l’école au moment de la
rencontre (Groovie, Marineau, Chabin et Parker) et ont été invités grâce à
celui-ci, en plus d’une contribution de l’école concernée. L’auteur L. Chabin
a été invité à faire une résidence d’écrivain grâce au programme de soutien
Une École montréalaise pour tous qui favorise l’organisation d’activités
culturelles dans les écoles de quartiers défavorisés de la métropole. Les écoles
ont financé sur leurs fonds propres la venue des deux auteurs-illustrateurs
Marianne Dubuc et Stéphane Poulin, de l’auteur C. Dolbec et du bédéiste
Sampar.
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Plusieurs des écrivains sont très actifs, appréciés et reconnus au Québec, au
Canada et à l’échelle internationale dans le domaine de la littérature jeunesse ;
ils sont récipiendaires de plusieurs prix (entre autres, le prix du gouverneur
général du Canada pour M. Marineau, M. Dubuc et S. Poulin ; le prix TD
pour M. Dubuc, le prix du livre M. Christie pour M. Marineau, le prix
littéraire Hackmatack pour A. Groovie et Sampar, le prix Polar jeunesse du
festival de Saint-Pancôme pour L. Chabin). L’écrivain C. Dolbec et le rapper
Dan Parker travaillent, quant à eux, davantage sur la scène indépendante.
Aucun des écrivains ne semble être intervenu dans la préparation du dispositif
de la rencontre, sauf dans le cas de la résidence d’écrivain.
Dans son essai, Toute une vie sur les bancs d’école, François Gravel, un
auteur très populaire dans le domaine de la littérature de jeunesse au
Québec et qui assure de nombreuses animations en milieu scolaire, dresse
le portrait contrasté de deux types d’enseignants qui l’ont reçu dans leurs
classes. Il y a d’un côté les Karine « invariablement sympathiques, curieuses
et intelligentes » qui ont préparé la rencontre des semaines à l’avance et
attendent l’auteur avec impatience. Leurs élèves « ont des milliers de question
à vous poser et de suggestions à vous faire pour vos prochains romans, et ils
veulent tous vous montrer les dessins et les bricolages que vos livres leur ont
inspirés ». De l’autre côté, les Yannick qui ont appris grâce à des collègues du
clan des Karine que vous seriez de passage dans l’école et seraient intéressés
de vous accueillir parce que cela leur fera « une heure de moins à enseigner ».
Ils n’ont pas eu le temps de préparer la rencontre. Ils indiquent aux élèves
« qu’ils assisteront à une conférence et qu’ils ont intérêt à être polis, sinon il
y aura des conséquences »7 . Durant la rencontre, si les élèves sont calmes,
certains Yannick s’installent à leur bureau pour faire des corrections, d’autres
n’hésitent pas à sortir de la classe.
Au-delà de l’opposition un peu caricaturale entre deux profils d’ensei-
gnants, se dévoile un vécu qui génère apparemment chez l’écrivain en visite

7. Les différentes citations sont extraites du chapitre intitulé « Yannick », dans F. Gravel
(2016 : 87-92).

19
Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

dans les classes autant de satisfaction que de frustration. Examinons donc


d’un peu plus près le contexte dans lequel se déroulent ces rencontres, les
formes qu’elles prennent et ce que les élèves en retiennent.

Les dispositifs de rencontre mis en œuvre dans les classes


Toutes les activités observées se déroulaient au sein des établissements
scolaires, dans les salles de classe la plupart du temps, plus rarement à la
bibliothèque scolaire.
À la suite de cette collecte de données sur le terrain, en plus de la
distinction relative à la durée des interventions (une rencontre ou un atelier
ponctuel d’une durée d’une à trois heures versus un projet de création ou une
résidence d’une durée plus longue), nous avons pu dégager deux dispositifs
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de rencontre, avec des éléments communs et des variations. Les différences
les plus marquantes concernent l’arrimage aux activités régulières de la classe,
le type de contact avec l’œuvre de l’auteur rencontré et la participation des
élèves dans un processus créatif lors ou autour de la rencontre.
Pour les rencontres ponctuelles, le mode d’organisation le plus courant
est celui de la conférence-discussion devant l’ensemble du groupe-classe.
Lorsque l’intervenant est un auteur-illustrateur, l’animation ponctuelle
comprend une prestation artistique à laquelle les élèves sont parfois associés.
La préparation des élèves à cette rencontre a été réalisée par une discussion
menée par l’enseignant sur la venue de la personne invitée et la présentation
de quelques-unes de ses œuvres qui seront alors lues ou non avant la
rencontre. Lors de la rencontre, après s’être présenté en indiquant ce qui l’a
amené à s’engager dans ce métier, l’auteur a expliqué aux élèves quelques
éléments de sa démarche créative. Cette présentation était assez souvent
soutenue par du matériel : brouillons, planches originales. Les questions
émanaient à la fois de l’auteur ou des élèves. Les élèves peuvent avoir été
interrogés sur la signification de telle ou telle œuvre qui leur est présentée
et invités à partager leur appréciation. L’enseignant se tenait la plupart du
temps en retrait et lorsqu’il intervenait, ce n’était jamais pour établir un
lien explicite avec les notions vues en classe ou les expériences antérieures
de lecture des élèves. Lorsque la personne invitée est auteure et illustratrice,
elle a réalisé devant les élèves un dessin pouvant varier selon les souhaits
des élèves. Dans ce type de dispositif, les élèves n’ont toutefois jamais été
amenés eux-mêmes à dessiner ou à écrire.
Dans le deuxième type de dispositif, la rencontre ponctuelle s’insère dans
une séquence d’enseignement-apprentissage. Les élèves ont lu au préalable
une ou des œuvres des personnes qu’ils vont rencontrer et cette lecture est
associée à une activité (dessin, bricolage, préparation de questions, rédaction
d’un texte...) qui peut avoir été réalisée avant la rencontre ou qui aura lieu
après. Le contenu de la rencontre est du même ordre que celui du dispositif
précédent, mais les échanges diffèrent puisque les élèves ont une meilleure
connaissance de l’auteur grâce à la découverte préalable de l’une ou l’autre

20
La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

de ses créations. Dans un cas, au premier cycle du secondaire, les élèves ont
adressé avant la rencontre une lettre à l’auteur. À l’issue d’une rencontre
avec un auteur-illustrateur dans une classe du primaire, celui-ci a proposé
aux élèves de réaliser un dessin dans les prochains jours en exploitant une
des techniques utilisées par l’illustrateur et de le lui envoyer. Les différents
dessins ont servi à illustrer une fable imaginée collectivement et rédigée par
l’ensemble des élèves. Dans ce type de dispositif, l’enseignant intervient
davantage et il établit le lien avec ce qui a précédé la rencontre et/ou ce qui
va suivre.
Certains programmes de soutien financier sont prévus pour soutenir
une présence de longue durée des artistes dans le milieu scolaire. Selon le
programme, la résidence peut s’étaler de quelques semaines à trois mois.
Nous avons eu l’occasion de documenter un exemple de résidence de longue
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durée. L’intervention de Laurent Chabin, écrivain spécialisé dans le roman
policier, auprès d’élèves du dernier cycle d’une école primaire a duré douze
semaines et a débouché sur la création d’une œuvre collective publiée chez
un éditeur de littérature de jeunesse établi. Quatre classes de l’école ont
participé à cette création. Une préparation à la rencontre a été réalisée en
lisant une œuvre de l’auteur. Les rencontres comprenaient plusieurs sessions
de prises de décisions entre les groupes qui ont été perçues par les élèves
comme la partie la plus lourde du processus, car plusieurs élèves auraient
préféré que chaque classe puisse travailler à son propre roman. Lors de ces
séances collectives, animées par l’auteur, les élèves étaient amenés à formuler
des suggestions relatives au scénario du roman, puis ils votaient à main levée
pour arrêter les choix. Les élèves étaient régulièrement appelés à écrire de
courts textes sur des thèmes variés, qui serviront au roman : description
d’un lieu, caractéristiques d’un personnage, dialogue, séquence d’action,
description d’une scène de crime. Avant l’écriture, l’auteur donne parfois des
conseils aux élèves pour réaliser la tâche demandée, par exemple, comment
rédiger un dialogue punché qui suscite l’intérêt. Certaines notions théoriques,
par exemple en lien avec la construction du récit, sont vues par l’enseignant
en dehors des rencontres avec l’auteur. Les rencontres prévoient un moment
de partage, à l’intention de l’ensemble du groupe, des créations faites par
les élèves. L’auteur occupe un rôle d’expert qui commente les écrits des
élèves, soit en relevant des forces, soit en proposant des pistes d’amélioration.
L’enseignant demeure alors plus en retrait et assure la gestion de classe.

Le point de vue des élèves


Les discussions que vous avons tenues avec 14 groupes de cinq à sept
élèves volontaires (n=77) visaient à recueillir des informations sur leur intérêt
envers la lecture et l’écriture, sur leur motivation à lire et à écrire, sur les
éléments qu’ils ont le plus et le moins appréciés dans l’activité ainsi que sur
ce qu’ils ont retenu de cette activité et sur ses effets. La discussion visait
donc en particulier à mettre au jour de possibles effets de la rencontre sur

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Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

le rapport à l’écrit des élèves (Barré-De Miniac 2000, 2002 ; Chartrand et


Prince 2009 ; Mercier et Dezutter 2012). Ce sont ces éléments que nous
allons rapporter pour terminer. Nous présentons les éléments qui indiquent
une possible modification dans les représentations des élèves, et ne reprenons
que les éléments qui ont été évoqués par des élèves d’au moins deux groupes
de discussion.
Les chercheurs qui ont fait évoluer la conceptualisation du rapport à
l’écriture et du rapport à l’écrit, lequel inclut les dimensions de lecture
et d’écriture, ont proposé différentes composantes ou dimensions de ce
rapport. Nous utiliserons ici les dimensions proposées par S. Chartrand et
C. Blaser (2008) à savoir la dimension affective, à laquelle nous rattachons
les éléments associés à la motivation, ainsi que les dimensions conceptuelles,
axiologiques et praxéologiques.
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De nombreuses déclarations recueillies auprès des élèves indiquent que
l’expérience qu’ils ont vécue amène plusieurs d’entre eux à réviser la
représentation initiale qu’ils se faisaient de la figure de l’auteur et de la
nature de son travail créatif, ce qui se rapporte à la dimension conceptuelle
de leur rapport à l’écrit.
Peu importe le dispositif de rencontre mis en place, l’expérience a permis
d’associer l’auteur à une personne concrète (« c’est bien de voir ce qu’il
y a derrière le masque un peu du livre, pour voir ce qu’il y a derrière,
pour voir c’est qui qui l’écrit, ce qu’il ressent quand il écrit son livre », dit
Xavier8 , 11 ans), dont le projet créatif s’inscrit dans une histoire personnelle
et est associé à des émotions : « On peut savoir comment l’auteure elle
se sentait pendant qu’elle écrivait son livre pis pourquoi elle a commencé
ça » (Benoit, 13 ans). Selon son expérience personnelle dans des classes
françaises, N. Brillant-Rannou arrive au même constat : les élèves « repartent
avec le sentiment d’avoir rencontré une personne et non pas un simple nom
d’auteur » (2003 : 77).
Lorsque les auteurs partagent les différentes étapes de leur travail d’écriture,
cela permet à des élèves d’aller au-delà de certaines représentations et de
mieux connaitre la nature de ce travail singulier : « elle [l’auteure] disait que
nous on pensait qu’un métier d’écrivain c’est être assis et rester à écrire son
histoire, mais non. C’est prendre des idées dans la vie de tous les jours, pis
elle les déforme dans ses livres » (Noémie, 13 ans).
Plusieurs élèves interrogés affirment que la rencontre leur a permis de voir
différemment le processus d’écriture et de constater que les difficultés qu’eux-
mêmes rencontrent quand ils écrivent sont normales : « mais maintenant,
je me dis que c’est normal si on recommence un texte ou si on change
beaucoup de fois les paragraphes ou le contexte, là. Parce que tu sais des fois,
oui genre c’est long pi oui c’est quand même beaucoup de travail, mais, à la
fin, on est content du résultat ben ça vaut la peine » (Maxime, 13 ans). Un
élève du secondaire ayant rencontré fréquemment des auteurs dans le cadre

8. Nous utilisons des prénoms fictifs.

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La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

scolaire relève d’ailleurs que chacun a ses méthodes de travail : « Moi, les
plans qu’elle faisait avec les cases. Au primaire, j’ai rencontré d’autres auteurs
pis chaque auteur a une technique différente pis moi, de voir comment ils
travaillent, je trouve ça marquant » (Boris, 13 ans).
Sur les plans axiologique et praxéologique du rapport à l’écrit, à savoir
la valeur associée à l’écrit et les pratiques, plusieurs élèves ressortent avec
l’idée que l’écriture est une activité exigeante, mais dans laquelle cela vaut
la peine de s’engager : « Moi, ça m’a beaucoup marquée parce que c’est
peut-être quelque chose que j’aimerais faire plus tard » (Béatrice, 11 ans).
Et ce, peu importe le dispositif vécu. La rencontre semble agir comme un
renforcement à leur motivation à écrire un livre : « j’avais déjà commencé
un livre heu j’étais rendu à quatre-vingt-trois pages et dix chapitres, mais
j’ai arrêté pour comme deux ans. Mais là, j’ai le gout de continuer, là,
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franchement » (Joseph, 11 ans) ; « Parce que vu que je veux écrire un livre,
je voyais tout le travail qui avait derrière. Moi je suis une fille qui aime
genre vraiment surmonter des défis. Pis voir tout ce qu’elle avait à faire, ça
m’a vraiment motivée à écrire un livre. C’est vraiment ça que je veux faire
aussi » (Amélie, 13 ans). Pour certains se dessine même un véritable projet
de carrière. Deux élèves du primaire (un garçon et une fille) et une fille du
secondaire, qui mentionnent avoir des pratiques d’écriture extrascolaires,
affirment en effet que la rencontre leur a permis de réaliser qu’ils pourront
exercer le métier d’écrivain.
Selon les personnes, comme a pu le constater aussi H. Côté (2010), la
rencontre a aussi un effet sur la motivation en lecture qui se traduit par
une envie de découvrir davantage les productions de l’auteur rencontré :
« Moi, personnellement, j’aimais vraiment pas beaucoup lire, mais avec
cette activité, ça m’a intéressée pis certains de ses livres j’aimerais me les
procurer pis m’aventurer dans ses histoires » (Annie, 13 ans), ou par le gout
de s’ouvrir à un nouveau genre : « depuis notre rencontre avec Bryan Perro,
donc l’année dernière, hum avant, je lisais seulement le fantaisiste et tout
ce qui tourne autour de ça. Je lisais que ça. Depuis, je me suis beaucoup
intéressé aux romans policiers et j’aime beaucoup, maintenant. Et je pense
que c’est ça qui m’a un peu poussé pour essayer pis ça m’a un peu aidé »
(Johan, 14 ans). Ces témoignages soulignent également une évolution en
rapport avec la dimension affective du rapport à l’écrit.
Vus sous un certain angle, plusieurs indices tendent à montrer que certains
élèves sont très sensibles au fait que la rencontre ou le travail avec un auteur
leur fournit une occasion de vivre une autre forme d’apprentissage qui
tranche par rapport aux habitus scolaires :
Au début quand notre professeure nous a proposé cette activité, j’hésitais
entre : est-ce que je vais aimer ou est-ce que je vais pas aimer ? Et finalement
j’ai aimé parce que comme on donnait nos idées et pis qu’il y avait pas
de mauvaises réponses. On donnait tout ce qu’on pensait, pis il [l’auteur]

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Le Français aujourd’hui n° 206, « L’auteur dans la classe »

l’acceptait, pis il faisait avec. Donc c’est pour ça que j’ai aimé. (Marie, 12
ans)
Moi, je me suis rendu compte avec cette activité, qu’on peut apprendre tout
en, tout en ayant du fun, même si c’est pas vraiment un mot français, là,
mais. Ça nous aide même en apprenant et c’est ça la beauté de la chose.
(Hubert, 12 ans)

Conclusion
Les témoignages recueillis auprès des élèves sont éloquents. Les rencontres
avec les écrivains, quelles que soient leurs formes, sont irremplaçables. Elles
ont un impact intéressant sur la manière dont plusieurs élèves construisent
leur rapport à l’écrit et peuvent contribuer à renforcer leur motivation
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pour les activités de lecture et d’écriture tant à l’école qu’en dehors de
l’école. Considérant le fort potentiel de ces activités, il conviendrait que
les autorités politiques et éducatives dégagent les moyens financiers et
organisationnels nécessaires pour que tous les élèves aient la possibilité
de vivre ce type d’expérience durant leur scolarité obligatoire. Pour les
formateurs d’enseignants que nous sommes, les résultats de cette recherche
sur les activités culturelles réalisées dans le contexte scolaire laissent apparaitre
l’intérêt de porter davantage attention, à travers la formation initiale ou la
formation continue, aux dispositifs mis en œuvre dans ce cadre et aux formes
de collaboration à développer entre les enseignants et les intervenants du
milieu culturel pour soutenir au mieux le développement des compétences
en lecture et en écriture des élèves. Des recherches complémentaires seraient
nécessaires en ce sens pour vérifier dans quelle mesure les apprentissages en
lecture et en écriture peuvent différer entre les classes qui vivent l’expérience
de différents dispositifs de rencontre avec un écrivain et celles qui ne
bénéficient pas de cette opportunité.

Olivier DEZUTTER, Marie-Christine BEAUDRY,


Mélissa DUMOUCHEL, Myriam LEMONCHOIS &
Érick FALARDEAU

Références bibliographiques
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impact of the arts in education. Munster (Allemagne) : Waxmann Munster.
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didactiques. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion.
• BÉDOIN, É. (2011). Désir d’auteur, fiction d’auteur : à la rencontre de Sara.
Dans J.-F. Massol & F. Quet (dir.), L’Auteur pour la jeunesse, de l’édition à l’école
(pp. 189-209). Lyon : École normale supérieure de Lyon & UGA Éditions, coll.
« Didaskein ».
• BRILLANT-RANNOU, N. (2003). Jeux et enjeux des rencontres avec les
écrivains, analyse à partir des réactions des élèves. Lettres ouvertes, 16, 73-83.

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La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois...

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didactique de capacités langagières : apports et limites de la notion de rapport à
l’écrit. Dans S.-G. Chartrand & C. Blaser (dir.), Le Rapport à l’écrit : un outil pour
enseigner de l’école à l’université (pp. 107-127). Namur : Presses universitaires de
Namur.
• CHARTRAND, S. & PRINCE, M. (2009). La dimension affective du rapport à
l’écrit des élèves québécois. Canadian Journal of Education, 32(2), 317-343.
• CÔTÉ, H. (2010). La culture à l’école : pourquoi les élèves devraient-ils rencontrer
un écrivain ? Lurelu, 32(3), 99-100.
• FALARDEAU, É. & SIMARD, D. (2011). La Culture dans la classe de français :
Témoignages d’enseignants. Québec : Les Presses de l’université Laval.
• GRAVEL, F. (2016). Toute une vie sur les bancs de l’école. Montréal-Québec-
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Rapport. Québec : Gouvernement du Québec.
• MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(2006a). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement préscolaire,
enseignement primaire. Québec : Gouvernement du Québec.
• MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
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• MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(2009). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire,
deuxième cycle. Québec : Gouvernement du Québec.
• MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC (2001). La Formation à l’en-
seignement. Les orientations. Les compétences professionnelles. Québec : Gouvernement
du Québec.
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CULTURE ET DES COMMUNICATIONS (2003). L’intégration de la dimension
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