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1Dominique Barjot*
À partir de 1993, le groupe Lafarge est devenu une firme mondiale. 1993
marque en effet le point de départ d’une croissance soutenue qui en a fait le
numéro un mondial du ciment et des granulats. Grâce à une excellente maîtrise
de ses coûts de production et à un taux élevé d’investissement, le groupe a pu
maintenir un niveau élevé de rentabilité. D’importantes opérations de croissance
externe, les acquisitions successives de Redland [1997] et de Blue Circle [2001]
ont cependant contraint à un endettement croissant à long et moyen terme ainsi
qu’à un appel grandissant à un actionnariat de plus en plus international. Soumis
à la tyrannie des cours de bourse, le groupe a concilié néanmoins le versement
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de dividendes accrus avec le maintien d’un autofinancement substantiel. Cette
réussite est due à une efficace stratégie de marché : prépondérant en Europe et en
Amérique du Nord, Lafarge s’est imposé en Afrique, a conquis de bonnes positions
en Amérique latine et a réussi une exemplaire percée en Extrême-Orient, notam-
ment en Chine, en Corée du Sud et en Inde. Sa réussite doit aussi beaucoup à sa
politique des ressources humaines, à sa stratégie cohérente de développement
durable et surtout à un intense effort de recherche-développement. Il constitue la
clé ultime de l’avance prise sur la concurrence.
From 1993 the Lafarge group became a world firm. 1993 is indeed the starting
point of a sustained growth which led the group to be the world leader for cement
and aggregates. Thanks to an excellent control of production costs and to high
rates of investment, the group was able to maintain a high level of profitability.
Important operations of external growth, the acquisitions of Redland in 1997 and
Blue Circle in 2001 compelled the group to a growing debt, and to an increasing
appeal to an evermore international shareholding. Submitted to stock exchange
prices tyranny, the group nevertheless conciliated increasing dividends and subs-
tantial self-financing. This success is due to an efficient market strategy: leader in
Europe and North America, Lafarge compelled recognition in Africa, conquered
good positions in Latin America, and made an outstanding breakthrough in the Far
East, especially in China, South Korea and India. Its success is due to workforce
policy, coherent strategy of sustained development and to an important effort of
RD. It represents ultimate key for advance on competitors.
Mots clés / Key Words : Histoire des entreprises, croissance des firmes, finance-
ment des entreprises, matériaux de construction, industrie cimentière, mondialisa-
tion ; Business history, firm growth, bulding material, ciment industry, globalization
* Umr 8596 Centre roland mousnier, Université Paris-Sorbonne (Paris iV), maison de la
recherche, 28, rue Serpente 75006 Paris. Courriels : dominique.barjot@paris4.sorbonne.fr ; domi-
nique.barjot@recherche.gouv.fr
Cette étude a été menée à partir des rapports annuels d’activité du groupe Lafarge. L’auteur
remercie le groupe pour lui avoir communiqué rapidement tous les documents nécessaires.
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IntroductIon
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Cette position, il la doit à son internationalisation précoce1. fondée en 1833
par Léon Pavin de Lafarge, la maison Lafarge est demeurée familiale jusqu’en
1947 avant de devenir managériale2. Dès 1864, l’entreprise prend part, en
livrant de la chaux au canal de Suez, à son premier grand chantier internatio-
nal, puis, deux ans plus tard, s’implante en algérie. À la veille de la première
guerre mondiale, elle compte parmi les cinq premières entreprises mondiales du
secteur3. Servie par sa capacité d’innovation technique, elle passe mieux que
la plupart de ses concurrents la période de l’entre-deux-guerres, jouant un rôle
majeur dans la constitution, en 1937, du cartel international du ciment. après
la seconde guerre mondiale, échappant à la nationalisation, elle s’engage dans
la voie d’une multinationalisation rapide : sous l’impulsion de marcel Demon-
que, Lafarge surmonte les crises de la décolonisation, s’implante dès 1956 en
Colombie britannique, part à la conquête du marché nord-américain, renforce ses
positions au royaume-Uni, perce avec un inégal succès au Brésil et en espagne,
s’intéresse de plus en plus au plâtre et aux céramiques sanitaires, renforçant ainsi
sa vocation européenne (allemagne, Pays-Bas)4.
avec les deux chocs pétroliers, le groupe accroît ses ambitions internatio-
nales. il accède au leadership nord-américain grâce aux rachats successifs de
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une croissance soutenue du chiffre d’affaires et des profits
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Certes, les investissements totaux connaissent un recul, mais la productivité
du travail progresse. il s’ensuit un désendettement net, corrélatif d’une progres-
sion substantielle des fonds propres. Dans un contexte marqué par la plus forte
récession qu’ait connue le marché mondial de la construction depuis la seconde
guerre mondiale, Lafarge fait front.
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(en % du chiffre d’affaires ht)
Cette amélioration ne s’est pas traduite au niveau du résultat net, sauf entre
1993 et 1996, avant les grandes opérations de croissance externe.
entre 1993 et 2004, l’essor du groupe Lafarge s’appuie sur quatre métiers.
Seuls trois ont été conservés en cours de la période, le quatrième ayant donné lieu
à une réorientation stratégique, autour des années 1997-1998 : ciment, granulats
et béton, plâtre, le dernier (la toiture) s’étant substitué, à cette date, aux maté-
riaux de spécialité. Le groupe Lafarge produit d’abord du ciment1. Élaboré à
partir d’un mélange de calcaire et d’argile, progressivement porté à une tempé-
rature très élevée (1 450 °C), brutalement refroidi puis broyé, le ciment est une
poudre minérale qui forme, en présence d’eau, une pâte faisant prise et durcis-
sant progressivement. associé à des granulats, à de l’eau et à divers adjuvants,
le ciment peut devenir béton prêt à l’emploi. L’on comprend dès lors que, pour
produire ce béton au coût de revient le plus bas possible, les cimentiers se soient
intéressés à la production de granulats. Ces derniers sont des matériaux (sables,
graviers) extraits en carrière et qui, à la suite de traitements, deviennent des
produits industriels. il existe donc, à côté de la production de ciment, une branche
spécifique, dite granulats et béton.
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Des métiers de poids et de dynamisme très inégaux
Ces métiers se sont caractérisés, tout au long de la période, par un inégal
dynamisme.
1993-2004 1998-2004
Ciment ...................................................................................... + 5,1 + 5,3
Granulats et béton .................................................................... + 5,0 + 3,0
Plâtre ........................................................................................ + 4,8 + 5,0
matériaux de spécialités ........................................................... + 1,6 + 0,5*
toiture ...................................................................................... – 0,4
* activités cédées à matéris en 1999.
Source : Lafarge.
84
(% du total)
1993-1997 1998-2004
Ciment ...................................................................................... 44,9 45,3
Granulats et béton .................................................................... 28,7 32,4
Plâtre ........................................................................................ 9,5 8,2
matériaux de spécialités ........................................................... 16,9 1,3
toiture ...................................................................................... 0 12,8
total ......................................................................................... 100 100
Source : Lafarge.
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en tonnage, la production de granulats apparaît la plus considérable :
230,3 millions de tonnes produits en 20041. mais la croissance de la production
physique apparaît toutefois moins forte et, surtout moins continue, que celle de
ciment.
(en %)
1993-2004 1998-2004
Ciment ...................................................................................... + 5,0 + 5,0
Granulats .................................................................................. + 4,6 + 1,9
Béton ........................................................................................ + 2,9 + 1,2
Source : Lafarge.
85
tableau 10. Les effectifs employés : poids respectifs des différentes branches d’activité
(en % du total)
1939-1997 1998-2004
Ciment ...................................................................................... 47,7 48,4
Granulats et béton .................................................................... 29,2 26,6
Plâtre ........................................................................................ 8,3 6,4
matériaux de spécialités ........................................................... 14,8 2,0
toiture ...................................................................................... 16,6
total ......................................................................................... 100 100
Source : Lafarge.
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Tableau 11. Taux de croissance annuels moyen des effectifs employés
par branche de 1993 à 2004
(en %)
Ciment .................................................................................................................. 95
Granulats et béton ................................................................................................ 86
Plâtre .................................................................................................................... 112
matériaux de spécialités ....................................................................................... 105
toiture .................................................................................................................. 79
moyenne des secteurs .......................................................................................... 100
Source : Lafarge.
86
1993-2004 1998-2004
Ciment ...................................................................................... + 0,5 + 2,6
Granulats .................................................................................. + 1,8 + 2,3
Plâtre ........................................................................................ + 1,3 + 0,3
matériaux de spécialités ........................................................... + 0,7
toiture ...................................................................................... – 0,4
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Source : Lafarge.
tableau 14. Niveaux de rentabilité par branche : évolution du ratio revenu brut
d’exploitation/chiffre d’affaires hors taxes par période
(en %)
Le rachat des usines de Blue Circle et l’extension dans activités dans les
pays neufs ont entraîné une réduction des marges d’exploitation. Une évolution
du même type s’observe pour le plâtre. en revanche, la progression apparaît
spectaculaire pour les granulats et le béton. Cette branche a le mieux profité
des opérations de fusion des années 1998-2001. autrement dit, redland a plus
apporté à Lafarge que Blue Circle. Le confirme le haut niveau de rentabilité de
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du revenu brut d’exploitation. mais il n’a rien à voir avec le fort ralentissement
observé pour le plâtre et, plus encore, les granulats et le béton. Un optimum a
été atteint vers 1998-2002. ensuite, les gains de rentabilité fléchissent : redland
comme Blue Circle sont entrés dans Lafarge avec des installations en général
moins compétitives que celle du groupe acheteur ; de même, l’entrée de Lafarge
dans le secteur de la toiture s’est produite au moment où le marché allemand, le
plus important pour cette branche, entrait en dépression. Pour le plâtre joue l’in-
suffisance de taille face aux deux grands leaders mondiaux, l’américain United
States Gypsum Corporation (Usg) et le Britannique British Plaster Board (bpb).
il paraît difficile, comme le suggère le cas de la toiture, de ne pas prendre en
considération le paramètre géographique.
Les années 1993 à 2004 voient Lafarge devenir une firme mondiale. La part
de la france dans son activité ne cesse de décroître.
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tableau 17. Taux de croissance annuels moyens du chiffre d’affaires hors taxes
(en % du total et par période)
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amérique du Nord ...................................... + 3,9 + 1,8 + 5,4
Pays émergents ............................................ + 8,6 + 8,0 + 9,0
Source : Lafarge.
Cette conquête des marchés émergents domine toute la période. elle se retrouve
en termes d’emplois. La poussée s’opère de façon continue au profit des pays
émergents. en revanche, les années 1993 à 1997 voient s’opérer un reflux des
effectifs tant en europe occidentale qu’en amérique du Nord. Celle-ci connaît
une progression forte des créations d’emplois à partir de 1997-1998, à un rythme
presque équivalent à celui des pays émergents. il s’ensuit un rééquilibrage plus
marqué encore que pour le chiffre d’affaires. entre 1993 et 1997, l’europe occi-
dentale offrait plus de 55 % des emplois contre un quart pour les pays émergents
et un cinquième pour l’amérique du Nord. À partir de 1998, les pays émergents
concentrent près de la moitié de l’effectif employé. La réorientation s’est faite de
l’europe vers ces pays la part de l’amérique du Nord demeurant stable.
Cette dernière bénéficie en effet d’un important avantage sur les deux autres
zones en terme de niveaux de productivité du travail.
1. À savoir europe centrale et de l’est, pays du Bassin méditerranéens, afrique et océan indien,
amérique latine et ensemble asie-Pacifique.
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terranée, où il bénéficie d’une productivité élevée de la main-d’œuvre. il
ne fait guère de doute que le marché des pays émergents a constitué, durant
ces années, un facteur déterminant de la vigueur de la croissance du groupe
Lafarge.
Une bonne maîtrise de ses coûts de production assure au groupe une crois-
sance extensive, mais génératrice de gains de productivité, du fait d’une efficace
stratégie d’investissements.
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tableau 20. Structure du compte d’exploitation du groupe Lafarge
(en % du total et par période)
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Le stock de capital productif brut1 augmente plus que les effectifs employés. il
s’est donc produit, au cours de la période, une substitution du capital au travail.
Les années 1993 à 2004 ont vu, en outre, des gains de productivité globale.
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de l’augmentation des facteurs physiques de la production (+ 3,7 % par an en
moyenne). Le groupe Lafarge conserve, entre 1993 et 1994, un mode de crois-
sance extensif. mais les gains de productivité, parce que réels, traduisent l’effi-
cacité de la stratégie d’investissements, dans une industrie très capitalistique.
1. amortissements inclus.
92
tableau 24. Évolution du taux d’investissement du groupe Lafarge entre 1993 et 2004
(en % du chiffre d’affaires hors taxes et par période)
il l’a été surtout entre 1997 et 2001, dans la phase d’acquisition, comme le
montre l’évolution des investissements externes. Ceux-ci ont en moyenne été
plus importants qui les investissements internes.
1997 a donc vu une nette inflexion au profit de la croissance externe, puis
celle-ci a fait place, à partir de 2002, à une politique de cessions et de recentrage
sur les usines et installations du groupe. il s’est agi, d’une part, de procéder aux
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désengagements imposés par l’application des règlements anticoncurrentiels ou
d’implantations jugées non stratégiques, d’autre part, de moderniser les installa-
tions acquises de redland et de Blue Circle.
De 1993 à 1996, la croissance interne a mobilisé presque les deux tiers des
investissements totaux contre un peu plus d’un tiers pour les acquisitions exter-
nes nettes. C’est donc la récession mondiale de la construction observée en 1993
qui a poussé le groupe à s’affirmer comme un leader mondial. Durant les années
1997 à 2001, la croissance externe prévaut. Les acquisitions nettes représentent
près des deux tiers du total contre moins de 40 % pour les investissements indus-
triels. L’écart apparaît plus net encore si l’on élimine l’effet des cessions. en
1997 et en 1998, les acquisitions brutes ont absorbé plus des quatre cinquièmes
des dépenses d’investissement ; si l’on ne considère que les acquisitions nettes,
le rapport reste de trois quarts à un quart entre celles-ci et les investissements
industriels. La prise de contrôle de redland s’est donc accompagnée de cessions
plutôt modestes. tel n’a pas été le cas avec le rachat de Blue Circle : la période
2002 à 2004 a vu un net mouvement de désinvestissement externe.
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de désendettement à long et moyen terme. Cette stratégie d’investissements a
permis de préserver un haut niveau de rentabilité du groupe, lui-même confronté
à un besoin structurel de financement à court terme.
Le groupe Lafarge se caractérise, entre 1997 et 2004, par une rentabilité et une
structure financière satisfaisantes, mais aussi par une trésorerie structurellement
tendue.
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tableau 28. Évolution de la structure financière du groupe Lafarge de 1993 à 2004
(en % par période)
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long et moyen terme constitue donc, de 1993 à 2004, une nécessité constante
et irréfragable. il n’a pas suffi. Certes, les ressources permanentes1 ont dépassé,
par leur montant, celui des capitaux fixes en début de période, de 1993 à 1996,
puis en 1999, mais toutes les autres années ont connu un déficit, avec un point
critique en 2001 au moment de l’acquisition de Blue Circle. Ce déficit s’est accru
au cours de la période : exprimé par la différence entre ressources permanentes
et capitaux fixes, il s’élève à – 3,7 % en moyenne par an pour la période 1993-
2004, mais à – 5,7 % de 2000 à 2004. Le groupe a eu conscience du danger, car
le déficit s’est beaucoup réduit, presque de six fois, entre 2001 et 2004.
face à une trésorerie structurellement tendue, le groupe Lafarge doit en appe-
ler aux actionnaires. Le groupe procède de façon récurrente à des augmentations
de capital. Dès 1993, les dirigeants lancent, en octobre, une émission d’actions
aux États-Unis en vue de renforcer les moyens financiers de leur filiale Lafarge
Corporation. au terme de l’opération2, la maison mère dispose de 53,1 % du
capital. Ces moyens financiers nouveaux permettent la réorganisation de la plus
importante filiale du groupe. La maison mère elle-même3 émet en novembre de
nouvelles actions : elle en tire 1,5 millions de francs de fonds propres supplé-
mentaires. Cette augmentation de capital aide au désendettement du groupe. Le
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groupe renouvelle son appel aux actionnaires en mars 1998, cette fois à hauteur
de 3,2 milliards de francs, avec droit préférentiel pour les actionnaires anciens : il
s’agit à la fois de les fidéliser, d’accroître les moyens financiers du groupe et d’en
poursuivre le développement4. enfin, en 2003, le groupe émet pour 1,3 million
d’euros d’actions nouvelles, toujours avec droit préférentiel pour les actionnaires
anciens. il s’agit d’accompagner le processus de désendettement du groupe.
L’objectif est de constituer un actionnariat stable : tel est le sens des attribu-
tions d’actions gratuites auxquelles il est procédé par deux fois en janvier 1993 et
en juillet 1995. Les émissions d’actions auprès des salariés du groupe vont dans
le même sens. Dès le mois de décembre 1995, une première opération « Lafarge
en actions » concerne plus de 20 000 de ces salariés. elle reçoit un écho favorable
auprès de 15 000 personnes sur les cinq continents, travaillant dans 234 sociétés,
dont 136 en france. au terme de l’opération, les salariés détiennent 1,4 % du
capital social. Juillet 1999 voit se rééditer le processus : plus de 21 000 salariés
du groupe, dont 60 % hors de france, souscrivent à une augmentation de capital.
Ces augmentations de capital, quelle que soit leur forme, découlent à titre princi-
pal d’une logique de croissance subordonnée à la confiance de l’actionnaire.
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redland. redland constitue alors l’un des grands groupes britanniques du
secteur des matériaux de construction. fondé en 1919, il s’est rapproché dès
1953 de l’allemand Braas, spécialisé dans les travaux de toiture, où il prend alors
une participation au capital. en 1959, redland s’assure le contrôle de Braas et
engage sa diversification vers les granulats avant, un an plus tard, de s’intéresser
au béton prêt à l’emploi. en 1996, il crée redland Braas Building (rbb) pour
ses activités toitures en europe. au moment de son rachat par Lafarge, redland
emploie 18 000 salariés et réalise environ 3 milliards d’euros de chiffre d’affai-
res hors taxes. il exerce son activité dans les granulats et béton (33 % du total), la
chaux (4 %) et surtout la toiture (53 %), principalement en europe, mais aussi en
asie et en afrique. Dans ce dernier secteur, il se place au premier rang mondial,
mais bénéficie aussi de positions fortes dans les granulats et bétons (numéro un
en france, numéro trois aux États-Unis, numéro quatre au royaume-Uni).
La prise de contrôle s’opère vite. Le 13 octobre 1997, Lafarge lance une offre
publique d’achat (opa) sur 100 % des actions de redland Plc, société cotée
au London Stock exchange (les), au prix de 3,26 livres par action ordinaire,
pour un total de 1,66 milliard de livres. en novembre, Lafarge relève légère-
ment son offre à 3,45 livres par action ordinaire, soit 1,8 milliard de livres. Le
conseil d’administration de redland recommande alors à ses actionnaires d’ac-
cepter l’offre. Par suite, Lafarge renforce son leadership dans les matériaux de
construction, devient le numéro un mondial de la toiture, métier nouveau pour
le groupe, renforce sa compétitivité et améliore sa rentabilité, équilibre mieux
son portefeuille d’activité, réduit sa dépendance par rapport aux risques géogra-
phiques et crée de la valeur pour ses actionnaires. L’intégration s’effectue en
six mois : c’est une réussite. en 1998, le chiffre d’affaires progresse de + 53 %
dont + 50,9 % dus au seul effet de structure. Le seul problème réside dans la
progression de l’endettement : 3,3 milliards d’euros contre 2,7 avant la prise de
contrôle. Le groupe s’engage dès lors dans une politique de désinvestissement.
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janvier 2001. L’intégration de Blue Circle s’effectue rapidement. il s’ensuit un
renforcement des positions stratégiques du groupe : il se hisse désormais au rang
de premier cimentier mondial devant Holcim, avec un accroissement de 35 % de
ses capacités de production. L’effet sur la croissance globale du groupe s’étale
sur trois ans : le chiffre d’affaires hors taxes augmente de + 16 % en 2000, de
+ 12 % en 2001 et de + 7 % en 2002.
Blue Circle apporte 17 000 collaborateurs supplémentaires, dont l’intégration
s’avère un succès : pour preuve, 90 % des responsables opérationnels restent
en place au milieu de 2002. Les synergies dégagées apparaissent plus fortes
que prévues. Surtout le groupe Lafarge acquiert une position de leader dans
plusieurs pays à fort potentiel de développement : royaume-Uni, Grèce, Chili,
malaisie, où le groupe prend pied. La situation apparaît plus difficile au Nigeria
et aux États-Unis, en raison d’une conjoncture temporairement moins favora-
ble et, surtout, aux Philippines du fait de la guerre des prix entre producteurs.
Les frais financiers augmentent beaucoup, en 2000, l’endettement du groupe.
Celui-ci accélère sa politique de cession. en octobre 2001, par exemple, Lafarge
vend à Holcim deux filiales de Blue Circle en ontario. il s’agit d’appliquer les
recommandations des autorités canadiennes et américaines. en 2002, l’explica-
tion des cessions est cette fois uniquement financière : Cimpor, groupe portu-
gais allié à Lafarge, reprend 33 % du capital de la société sud-africaine Natal
Portland Cement ainsi que des actifs cimentiers situés dans le Sud de l’espagne.
Ces dernières cessions doivent beaucoup au souci de préserver la confiance de
l’actionnariat.
98
jusqu’en 2000, avec une spectaculaire poussée cette dernière année suite à l’ac-
quisition de Blue Circle. ensuite, on observe un sensible tassement. au total, de
1993 à 2004, le nombre d’actionnaires a presque doublé, passant de 123 000 à
245 000. Le groupe se caractérise en effet par une structure très éclatée de son
capital. Le phénomène majeur réside dans l’internationalisation du capital. Celle-
ci s’est fortement accentuée en 1998-1999 à l’occasion du rachat de redland,
puis en 2001, suite à la réussite de l’opa sur Blue Circle. en définitive, la part des
investisseurs institutionnels non-résidents est passée de moins de 40 % à plus de
50 % sur l’ensemble de la période. Celle des actionnaires individuels est tombée
de 27 à 15 % et celle des institutionnels français de 36 à moins de 34 %.
2003 2004
france ....................................................................................... 42,3 40,1
royaume-Uni ........................................................................... 17,7 17,5
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autre pays européens ............................................................... 23,2 25,2
amérique du Nord ................................................................... 15,4 14,4
autres nationalités ................................................................... 1,4 2,8
Source : Lafarge.
99
Commission inflige au groupe une amende de 250 millions d’euros pour entente
sur les marchés de la plaque de plâtre en allemagne et au royaume-Uni. L’appel
n’aboutit pas. en même temps, l’office allemand des cartels engage une enquête
anti-trust à l’encontre du groupe. au total, Lafarge doit constituer une provision
exceptionnelle de 300 millions d’euros. Certes, le groupe maintient son niveau
de dividende, mais l’annonce d’une diminution du revenu net par action pèse sur
l’évolution du cours de l’action (– 31,5 % en 2002).
Sur l’ensemble de la période, le cours de l’action Lafarge connaît des fluc-
tuations fortes. L’année 1993 voit une progression du titre, devenu alors la ving-
tième valeur du cac 40 en terme de capitalisation. L’action connaît trois années
de baisse de 1994 à 1996. Le titre traverse ensuite trois années fastes : 1997, 1998
et 1999. elles voient s’intensifier le volume des transactions, et Lafarge réalise
même, en 1998, la quatrième meilleure performance du cac 40. Néanmoins,
fin 1999, en raison d’une progression plus faible que celle de l’ensemble du
cac 40, le groupe ne se situe plus qu’au vingt-sixième rang. Dans un contexte
boursier indécis, Lafarge parvient fin décembre 2003 à remonter en dix-septième
position, grâce notamment à la vigoureuse spéculation sur le titre qu’engendre
le rapprochement avec Blue Circle. À cette date, en effet, le capital compte alors
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100 % de flottant. on comprend, dès lors, l’importance d’une politique visant
à servir des dividendes croissants, sans pour autant sacrifier l’autofinancement,
mais aussi à informer de mieux en mieux l’actionnaire.
La stratégie du groupe :
accroître les dividendes et informer l’actionnaire
(en %)
Le groupe cherche donc, dans les années 1993-2004, à faire bénéficier l’ac-
tionnaire de la progression la plus rapide possible.
100
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tableau 32. Évolution du partage de la marge brute d’autofinancement
entre bénéfice distribué et autofinancement brut
(en % du total, moyenne annuelle par période)
101
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à euronext en mars 2002 (DJ eurostoxx 50) : en contrepartie, le groupe s’est
retiré des Bourses de Londres, de francfort et de Düsseldorf. afin de demeurer
proche de ses actionnaires, le groupe a créé, dès 1994, un comité consultatif
d’actionnaires, a multiplié les rencontres avec ceux-ci, a cherché à formaliser ses
engagements vis-à-vis de l’actionnaire. Cette politique en faveur de l’actionnaire
n’aurait pu réussir sans une efficace stratégie de marché et la préservation d’un
modèle original de croissance.
102
du capital. Le groupe renforce encore ses positions en 1989 par accord avec
le cimentier est-allemand Karsdorfer, ce, avant même la fin du processus de
réunification. C’est le point de départ d’une grande stratégie européenne qu’il-
lustre le rachat, au début des années 1990, de Cementia, le numéro deux helvé-
tique derrière Holcim. Le groupe entre ainsi dans le capital d’asland sa, société
implantée en espagne, où se trouve son siège social, et en turquie.
Cette stratégie s’accompagne d’une réorientation au profit de l’europe occi-
dentale et au détriment de la france : 36 % des marchés en 1993. Le mouvement
s’est produit, pour l’essentiel, entre 1993 et 1997. 1993 voit ainsi la montée en
puissance de la cimenterie de Karsdorf, alors devenue la plus puissante d’eu-
rope, le renforcement de la participation majoritaire dans asland et, surtout,
la prise de contrôle total du premier cimentier autrichien Perlmooser. Puis,
le groupe Lafarge accroît son implantation allemande. Dans le même temps,
Lafarge consolide ses positions en autriche, dans le cadre d’une alliance avec
rhône-Poulenc [1994]. Cette stratégie de conquête s’étend à l’espagne1, aux
Pays-Bas et au royaume-Uni.
Le mouvement s’essouffle un peu partir de 1998. Néanmoins, Lafarge ne
reste pas inactif sur le front ouest-européen. Dès 1997, Lafarge a acquis Höganäs
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eldfast, leader scandinave des bétons réfractaires, ce qui permet, temporaire-
ment, à Lafarge de se hisser parmi les leaders mondiaux de ce secteur. Puis le
groupe s’intéresse à la Norvège, où il crée Lafarge réfractaires [1998] avant de
racheter une cimenterie en finlande [2001], et d’acquérir Kani, un producteur
suédois de tuiles métalliques, puis isokern, leader des composants de cheminées
en Suède et au Danemark. Bénéficiant du rachat de redland, Lafarge reprend, en
allemagne, plusieurs actifs du groupe britannique rmc [1998], Klöber, numéro
deux européen des accessoires pour toiture [2001], puis les activités plaques
de plâtre de bpb [2001]. en italie, le groupe Lafarge s’est doté, en 1994, d’une
nouvelle usine de plâtre (Corfinio) avant de prendre le contrôle de deux cimen-
teries et de deux centrales à béton prêt à l’emploi. enfin, dès 2000, Lafarge noue
une alliance stratégique avec le leader portugais du ciment, Cimpor, à qui, en
contrepartie, il cède, un an plus tard, ses intérêts dans le Sud de l’espagne.
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applications routières : en 1998, cette filiale contrôle 30 % de ce marché. Plus
spectaculaire encore est l’acquisition de warren, en 2000. Grâce à cet apport, le
groupe Lafarge se dote de 80 sites d’exploitation et d’une capacité de produc-
tion de 18 millions de tonnes de granulats par an. Parce que warren est aussi le
leader canadien des matériaux pour revêtements routiers. Lafarge se trouve en
concurrence directe avec Colas, filiale de Bouygues, et numéro un des travaux
routiers en amérique du Nord1. Ce type de concurrence se rencontre aussi dans
les pays émergents.
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1993, il rachète à Lone Star la totalité du capital de la Companhia Nacional
de Cimento Portland (cncp). Un an plus tard, c’est le tour de Concrebras,
spécialisée dans le béton prêt à l’emploi. en 1996, le groupe acquiert 20 % du
capital de tupi, troisième cimentier du pays, mais numéro un du béton prêt à
l’emploi. en 1998, Lafarge achète 60 % du capital de la cimenterie de maringa,
qui le met en position d’accéder au marché de São Paulo. au cours de 1999,
Lafarge Braas roofing s’assure le contrôle de 90 % du capital de telhas tegu-
las, premier producteur brésilien de tuiles béton. Lafarge ne limite pas son
action au Brésil. Le groupe s’implante au Venezuela dès 1994, suite au rachat
du second producteur national de ciment. Sa position se trouve renforcée en
1999, par l’acquisition de Premex, leader vénézuélien de béton prêt à l’emploi.
Puis il se tourne vers le Honduras, où, en 1998, il prend le contrôle du principal
cimentier du pays (60 % du marché). 2004 voit l’établissement en Équateur,
suite au rachat du second cimentier national. Surtout le groupe réalise une belle
percée au mexique, sur le sol même de Cemex, son plus redoutable concur-
rent mondial avec Holcim. en 2003, Lafarge s’engage dans la construction à
tula, d’une cimenterie ultramoderne afin de profiter des potentialités du second
marché latino-américain.
105
C’est en Chine que le groupe Lafarge obtient les résultats les plus spectacu-
laires. Précédant tous ses grands concurrents mondiaux, il s’y introduit en 1994.
avec un partenaire chinois, il crée un joint venture en vue de l’exploitation et du
développement d’une cimenterie près de Pékin. Puis, courant 1996, il s’associe
avec le groupe japonais ochiba onoda Cement (38 % du capital) et à la société
chinoise Shangai Shipping Corp (5 %) en vue de construire une usine de plaques
de plâtre à Shanghai, mais en tant qu’actionnaire majoritaire (57 %). elle ouvre
en 1998, date à laquelle Lafarge conclut un nouveau joint venture avec la société
chinoise Beijing Xingmi merchant Service Center à dessein d’exploiter un site
de granulats situé à 50 km de Pékin. Un an plus tard, le groupe conclut un accord
avec une compagnie chinoise en vue de construire pour 2005 la cimenterie la
plus moderne de Chine du Sud-ouest près de Chengdu. Le groupe ouvre ensuite,
en 2000, deux usines de production de tuile béton, qui viennent s’ajouter à celles
déjà exploitées par redland. en 2001, le groupe exploite au total six usines de
production de ce type de tuiles. L’année 2002 est marquée par l’ouverture, près
de Chengdu, d’une nouvelle cimenterie.
Cette réussite chinoise s’accompagne d’une percée en Corée du Sud et en
australie. Dès 1998, Lafarge Plâtres s’impose comme le leader coréen de la
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plaque de plâtre sur le second marché de la région après celui du Japon. Courant
2000, Lafarge rachète 39,9 % du capital de rH Cement Corp., quatrième cimen-
tier sud-coréen, qui se transforme dès lors en Lafarge Halla Cement Group.
Lafarge s’assure 35 % du marché coréen. en 2003, le groupe porte à 50,1 % sa
participation au sein de Lafarge Halla. À cette époque, il s’est également établi
en australie : en 1999, en effet, Lafarge, déjà propriétaire de 40 % des actions
de Pioneer Plasterboard, y porte sa participation à 100 %, s’imposant ainsi dans
le pays comme l’un des principaux producteurs de plaques de plâtre. il menace
ainsi les intérêts de Boral, le premier fournisseur local. Durant l’année 2000,
Lafarge (73 %) et Boral (27 %) forment un joint venture. il donne naissance à
une société leader, qui domine sur les marchés asiatiques à l’exception du Japon :
ainsi en Corée du Sud, en Chine, en indonésie, en malaisie et aux Philippines.
La nouvelle Lafarge Boral Gypsum in asia perce rapidement en thaïlande. Seul
le marché japonais lui échappe. toutefois, Lafarge a pu, en 2001, y établir une
tête de pont. Dans le cadre d’un joint venture avec aso Cement (5 % du marché
japonais), Lafarge en reprend les actifs cimentiers, en particulier ses deux usines
de Kyushu. Cette percée en extrême-orient atteste de l’efficience d’un modèle
original de croissance.
en effet, le groupe Lafarge se définit, entre 1993 et 2004, comme une firme
soucieuse de mobiliser efficacement sa main-d’œuvre autour d’un constant
effort d’innovation.
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sation et la mise en place d’un nouveau système de gestion de la performance,
l’eva (Economic Value Added). Le dernier conduit à l’application, dès 2001, à
plus de 1 400 cadres d’un système de rémunération équitable et compétitif. À
cette époque, l’intégration de Blue Circle révèle plus de synergies que prévues.
Ces deux intégrations aboutissent à un changement d’échelle. C’est pourquoi
les dirigeants du groupe proposent, à partir de 2002-2003, un nouveau projet
destiné à mobiliser l’ensemble des personnels autour de performances accrues :
« Leader for to morrow ». il se fonde sur quatre engagements fondamentaux :
– générer de la valeur pour les clients ;
– donner aux collaborateurs toutes les opportunités de contribuer au succès
du groupe et de développer leurs talents ;
– contribuer, autour du groupe, à la création d’un monde meilleur ;
– répondre aux attentes de création de valeur des actionnaires.
1. Émilie Dyevre, Pavin de Lafarge, une lignée industrielle 1833-1914, mémoire de maîtrise
d’histoire, Université Paris-Sorbonne (Paris iV), dir. J.-P. Chaline, juin 2000, 235 p. ; martine
müller (dir. de félix torrès), Lafarge-Coppée : de mémoire d’hommes. De 1946 à demain : un demi-
siècle de croissance industrielle, Paris, Public Histoire, 1989, 156 p.
2. Lafarge au lieu de Lafarge Coppée dès juin 1995.
3. Bertrand Collomb, rapport 2004, p. 11.
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dans le monde entier.
Le groupe Lafarge est ainsi engagé, dès 1993, dans des recherches sur les
aluminates de calcium, la réactivité des ciments, la mise au point d’adjuvants,
de ciments anticorrosion et de gypse de synthèse, mais aussi la valorisation des
résidus industriels, l’élaboration de techniques de recyclage. L’axe majeur de
l’effort d’innovation réside dans la mise au point de nouveaux produits. L’or-
ganisation de la recherche-développement, parce que orientée vers les marchés,
vise en effet à anticiper les tendances de la construction. Ces produits nouveaux
concernent le ciment, les granulats et bétons, en particulier les bétons autopla-
çants, la toiture, les plaques de plâtre, domaines dans lesquels la recherche-déve-
loppement apparaît inséparable du marketing. au total, chaque année le groupe
lance de nombreux produits nouveaux : trente en 1995 par exemple.
répondre aux besoins du client suppose cependant de concevoir « dès
aujourd’hui les matériaux de demain »1. C’est pourquoi le groupe développe,
autour de son centre de recherche de l’isle-d’abeau, des coopérations tantôt avec
les industriels (Bouygues et rhône-Poulenc, puis rhodia dès 1994), tantôt avec
de grands établissements de recherche (Polytechnique, les insa de Lyon et de
toulouse, les Universités de Berkeley, de Princeton et le massachusetts institute
de Boston aux États-Unis, celles de Laval et de Sherbrooke au Canada, ou encore
l’École polytechnique de Lausanne). en 2002, tous coopèrent activement avec
le centre de l’isle-d’abeau. À cette date, le groupe s’intéresse de près aux nano-
structures, qui ouvrent la voie à de nouvelles propriétés des matériaux. en 2004,
le mit considère d’ailleurs Lafarge comme « le seul acteur de la construction à
maîtriser l’approche nanométrique des matériaux2 ».
1. ag 1995.
2. ag 2004, p. 27.
3. ag 2004, p. 27.
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étroite du groupe Lafarge avec les plus grands architectes du temps : ruddy
ricciotti (passerelle de Séoul) ou Norman foster (millau) par exemple. Depuis
1998, Lafarge s’est d’ailleurs doté d’un prix de l’innovation afin de stimuler la
créativité au sein du groupe. toutefois, cette importance accordée à l’innovation
s’inscrit dans une vision plus large : celle du développement durable.
1. ag 2000, p. 6.
2. il se définit comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromet-
tre les capacités de générations futures à répondre aux leurs ». Source : Commission mondiale pour
l’environnement et le développement 1987.
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– le respect des standards sociaux et d’emplois ;
– la gestion des risques et l’intégration dans les communautés locales.
concLusIon
entre 1993 et 2004, le groupe Lafarge s’est imposé comme une firme
mondiale. il le doit à un recentrage sur ses métiers de base, ciment bien sûr,
mais aussi granulats, béton et plâtre, branche dans laquelle il est présent depuis
1904. il le doit, dans une moindre mesure, à une diversification vers la toiture,
suite à la prise de contrôle de redland, mais aussi à la cession de son secteur
« matériaux de spécialités ». Cette réussite découle d’une stratégie claire : ne
rester présent dans un secteur d’activité que dans la mesure où le groupe s’y place
au minimum au troisième rang mondial. tel est bien le cas dans le ciment : suite
entre autres au rachat de Blue Circle, sa production dépasse de 44 % celle de
son principal concurrent Holcim. en matière d’agrégats et bétons, il se place au
second rang mondial derrière le groupe britannique rmc, essentiellement spécia-
1. Lafarge passe même au premier rang sans l’amende infligée par la Commission européenne,
en 2002, pour entente illicite.
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(france) (Suisse) (mexique) Cement (allemagne) (italie)
marge d’exploitation :
rbe/caht (en %) .............. 20,8 26,7 30,9 17,4 24,3
rentabilité financière :
rn/fp (en %) ..................... 7,8 10 16 17,5 17,4
Niveaux de producti-
vité annuelle du travail
(Lafarge 100) ................... 100 98 nc 88 139
Source : rapports d’activités 2004 des cinq groupes.
1. en 2004, le ratio bénéfice net/chiffre d’affaires ht s’élève à 6,3 % pour Lafarge contre 3,4
pour Saint-Gobain.
2. en 2004, la productivité annuelle du travail est 1,05 fois supérieure chez Lafarge à celle de
Saint-Gobain.
111