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(1833-2005)
Dominique Barjot
Dans Relations internationales 2005/4 (n° 124), pages 51 à 67
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0335-2013
ISBN 9782130552710
DOI 10.3917/ri.124.0051
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INTRODUCTION
1. Léon Dubois, Lafarge-Coppée. 150 ans d’industrie, Paris, Belfond, 1988, 324 p. Cette étude
s’appuie en outre, pour la partie postérieure à 1990, sur le dépouillement des assemblées générales du
groupe Lafarge, que l’auteur remercie pour sa coopération. Pour les périodes antérieures, cette étude
a été menée à partir des fonds des Archives du monde du travail à Roubaix (séries 65 AQ S 198,
S 198 bis, SS a 1, 184 AQ TP 22, 205 AQ 57). L’auteur remercie la direction du Centre pour l’aide
apportée à son travail.
2. Émilie Dyèvre, Pavin de Lafarge, une lignée industrielle (1833-1914), mémoire de maîtrise
d’histoire, Université de Paris IV - Sorbonne, dir. J.-P. Chaline, juin 2000, 235 p.
3. Dominique Barjot, « Lafarge : The keys of a successful internationalisation process (1946-
1973) », in H. Bonin (sous la dir. de), Transnational Compagnies (XIXe-XXe siècles), Plage, 2002, p. 663-
680.
4. Jean-Pierre Daviet, Une multinationale à la française. Saint-Gobain, 1665-1989, Paris, Fayard,
1989, 336 p. ; Maurice Hamon, Du soleil à la terre. Une histoire de Saint-Gobain, Paris, J.-C. Lattès,
2e éd., 1998, 274 p.
Relations internationales, no 124/2005
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canadien à partir de la Colombie-Britannique, et, enfin, une implantation
plus hésitante au Brésil, en Espagne et en Allemagne. La troisième étape est
celle de la mondialisation au sens strict du terme. Elle débute en 1975 et
revêt une triple forme : conquête progressive des marchés européens,
ascension au rang de leader nord-américain, à travers les prises de contrôle
successives de General Portland, Redland et Blue Cirde, enfin implanta-
tion en Extrême-Orient. Dans l’histoire du groupe Lafarge, trois étapes se
sont en effet succédé : l’internationalisation, de 1864 à 1945 ; la multina-
tionalisation, entre 1945 et 1974 ; la mondialisation, de 1975 à 2005.
L’INTERNATIONALISATION (1864-1945)
5. Voir les rapports d’activité Lafarge et Saint-Gobain de 2003. À cette date, le chiffre d’affaires
de Saint-Gobain se montait à 29,6 millions d’euros, contre 13,7 à Lafarge.
6. Léon Dubois, Lafarge-Coppée, op. cit., p. 17-108.
7. Dominique Barjot, « Travaux publics et biens intermédiaires, 1900-1950 », in Maurice Lévy-
Leboyer (sous la dir. de), Histoire de la France industrielle, t. 23 : 1900-1950. L’âge de la technique, Paris,
Larousse, 1996, p. 296-319.
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ciment de laitier. Enfin, en 1908, l’entreprise introduit une innovation
majeure, le ciment fondu, obtenu par fusion de calcaire et de bauxite. Ce
produit s’impose par ses qualités exceptionnelles : durcissement rapide,
résistance aux hautes températures et à la corrosion.
De ce fait, à la veille de la Première Guerre mondiale, la maison
Lafarge s’est déjà nettement imposée au premier rang de l’industrie
cimentière française :
1 / Lafarge 320 20
2 / Ciments français et 130 8
2 / Poliet et Chausson 130 8
3 / Vicat 60 4
4 / Origny 30 2
Autres sociétés 830 58
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cation et la banalisation des applications du béton ainsi que la mise au
point, vers 1925, du nouveau procédé dit de la « voie humide », qui
domine la technologie cimentière jusqu’à la fin des années 1950 : il per-
met une amélioration considérable de la qualité des ciments artificiels,
mais oblige à d’importantes dépenses d’énergie. Lafarge doit cependant,
à l’époque, faire face à l’âpre concurrence de la part d’entreprises
comme les Ciments français, la Société Lambert Frères, les Ciments
Vicat, les Ciments d’Origny ou, plus encore, des Établissements Poliet
et Chausson, devenus, à la fin des années 1920, le leader français de la
profession.
La crise mondiale brise brutalement l’expansion de l’industrie cimen-
tière. Le ralentissement ou l’arrêt des grands travaux et de la construction
de logements s’accompagne, en France, de l’importation de quantités
massives de ciments depuis les pays voisins à monnaie dépréciée. Les prix
s’effondrent tandis que les coûts résistent à la baisse. Certaines entreprises
cimentières sont à deux doigts de disparaître, à l’instar des Ciments fran-
çais, passés alors sous le contrôle de la banque Lazard. Toutes les entre-
prises s’engagent dans la voie des restructurations et de l’austérité finan-
cière : Ciments français mais aussi Lafarge n’y échappent pas. Le
redressement, tardif, se trouve vite compromis par le second conflit
mondial.
Lafarge préserve les acquis
Face aux difficultés de la période, la maison Lafarge préserve les
acquis. Trois facteurs y contribuent. En premier lieu, un effort de restruc-
turation drastique. Devenue société anonyme dès 1919 sous la raison
sociale Société anonyme des chaux et ciments de Lafarge et du Teil, elle
se réorganise sous l’impulsion de Jean de Waubert (1889-1948), son prin-
cipal dirigeant. Gendre de Joseph Lafarge, il impose le transfert à Paris de
l’état-major de son groupe et restructure la société mère autour de quatre
fonctions : direction générale, direction technique, direction commerciale
et direction financière. Dans le cadre de la mise en place de ce modèle
fayolien d’organisation, J. de Waubert ouvre, en Charente, la puissante
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français et même européens. Y contribue beaucoup la force de ses
implantations dans l’outre-mer, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Elle y
fait figure de leader de manière incontestable. En conséquence de quoi,
elle s’impose comme une firme clé dans les cartels internationaux : tel est
le cas d’Intercement, fondé à Malmö, en Suède, en 1937, à l’initiative des
cimentiers belges.
Montant de la
Nom Montant du capital social capitalisation boursière
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1 / Poliet et Chausson 1 121 2 100
2 / Lafarge 476,5 1 800
3 / Ciments Français 180 1 200
4 / Lambert Frères 165 1 150
LA MULTINATIONALISATION (1945-1974)
9. Sociétés cotées à la Bourse de Paris en 1949 et classées par ordre d’importance de leur capital
social et de leur capitalisation boursière en octobre 1948 (en millions de francs).
10. Dominique Barjot, « Lafarge : The keys of a successful internationalisation process (1946-
1973) », art. cité. Voir aussi Dominique Barjot, « Les industries d’équipement et de la construction
1950-1980 », in M. Lévy-Leboyer (sous la dir. de), Histoire de la France industrielle, t. 4 : 1950-1980. Le
temps de l’expansion, op. cit., p. 412-433.
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Ils se lisent dans l’évolution des fonds de roulement net (capitaux pro-
pres + dettes à long et moyen terme – capitaux fixes) : il se resserre beau-
coup en 1957, 1961-1962 et devient même négatif en 1970 et 1971. Ces
tensions de trésorerie découlent, pour une part non négligeable, de
l’insuffisance structurelle de l’autofinancement. Ce dernier ne couvre
en effet qu’environ 50 % des besoins d’investissements. La situation
s’aggravant dans les années 1960, il faut trouver des financements exté-
rieurs sous forme d’émissions tantôt d’actions, tantôt d’obligations. Une
série d’émissions de capital permet d’élargir l’actionnariat, mais, à partir
des années 1960, l’endettement obligataire devient la première source de
financement des investissements. Parce que l’appel à de nouveaux apports
d’actionnaires implique une augmentation forte des dividendes, l’endet-
tement à long et moyen terme apparaît comme une solution appropriée
aux besoins financiers toujours accrus d’un groupe en expansion et en
voie d’internationalisation rapide.
Vigueur de l’internationalisation
Cette dernière résulte d’une stratégie délibérée d’investissement. Si la
société privilégie toujours les investissements productifs par rapport aux
investissements de portefeuille, la part relative de ces derniers aug-
mente beaucoup dans les années 1960-1973 (3,9 % environ des investis-
sements en moyenne, contre 10,5 % de 1949 à 1959). De surcroît,
ces investissements de portefeuille se réorientent, à partir de 1956-1957,
vers l’étranger. D’abord modeste, la tendance devient beaucoup plus
spectaculaire à partir de 1971 : leur part du total atteint 56,3 %
entre 1971 et 1973, contre 16,3 seulement de 1957 à 1963 et 33,7
de 1964 à 1970.
La percée à l’international bénéficie à l’ensemble du groupe : à partir
de 1971, ce dernier réalise toujours plus de 50 % de son chiffre d’affaires
TTC à l’étranger (50,3 % en 1971, 52,9 en 1972, 53,2 en 1973). Outre la
France, c’est alors le Canada qui constitue la zone privilégiée d’expansion,
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France 47,6
Amérique du Nord 35,8
dont Canada 33,2
dont États-Unis 2,6
dont Europe occidentale 8,3
dont Allemagne 5,7
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dont Royaume-Uni 1,7
dont Espagne 0,9
Afrique 4,8
Divers 31,0
11. Jung-yeon Lee, Poliet et Chausson : l’ascension d’une multinationale à la française durant les Trente
Glorieuses : Lafarge (1946-1974), mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Paris IV - Sorbonne,
dir. D. Barjot, septembre 2004, 331 p.
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ter la Tunisie en 1961, suite à la mise sous séquestre de tous les biens du
groupe, et l’Algérie, en 1968, du fait de la nationalisation de tous ses
actifs. Mais la plupart des personnels ont été rapatriés dès 1962. Si les pers-
pectives demeurent favorables au Maroc, l’Afrique du Nord ne représente
déjà plus, depuis le début de la décennie, qu’une part négligeable de
l’activité du groupe. À l’époque, la greffe nord-américaine a été réussie,
depuis longtemps.
Dès le début des années 1950, A. François et M. Demonque pensent à
s’implanter outre-Atlantique. Depuis plus de soixante ans, Lafarge exporte
du ciment aux États-Unis. Toutefois, il paraît difficile d’y créer une filiale,
comme l’a montré un premier échec en 1925. À l’inverse, le Canada paraît
plus favorable. Dans la première moitié des années 1950, le pays connaît une
grande prospérité. Plusieurs grands concurrents internationaux de Lafarge y
ont déjà investi : Holderbank (aujourd’hui Holcim) Associated Portland
Cement Manufactures (APCM, devenues ensuite Blue Circle, Royaume-
Uni), Cimenteries et briqueteries réunies (BR, Belgique). De plus, Lafarge
est déjà présent à Montréal, depuis 1948, à travers sa filiale LAC.
C’est néanmoins à Vancouver que Lafarge décide de s’implanter, à tra-
vers sa filiale Lafarge Cement of North America (LCNA), constituée pour
l’occasion en 1956, cotée à la Bourse de Toronto et confiée à J.-C. Loffi-
cier. Tirant avantage de la présidence de Frank Ross, alors gouverneur de
Colombie-Britannique, LCNA s’initie rapidement aux méthodes améri-
caines, l’emporte sur la concurrence d’APCM et dégage, dès 1961, ses pre-
miers bénéfices. La proximité de l’Exposition universelle de Montréal
en 1967 pousse à la création, dès 1965, d’une seconde filiale : Cement
Lafarge Québec. Elle se tourne rapidement vers l’exportation en direction
des États-Unis. Cette percée aux États-Unis se trouve facilitée par l’accord
conclu, dès 1967, avec Lone Star, le premier cimentier américain. Cet
accord se trouve à l’origine de plusieurs joint-ventures au Brésil et aux États-
Unis. Dès 1969, LCNA a, en outre, racheté Lafarge Québec. De la fusion
naît Lafarge Canada Cement Ltd, troisième cimentier canadien.
Reste à prendre pied dans l’Ontario. Dans ce but, les dirigeants
de Lafarge optent pour une fusion, réalisée en 1970, avec Canada
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En 1920, il avait été envisagé d’y créer une usine de fondu. En 1948
et 1950, deux missions y ont été envoyées, mais aucune ne débouche.
En 1958, Lafarge rachète une participation dans la Compahia Mineira de
Cimento Portland – Comini. Il faut pourtant attendre 1973-1974 pour
que la filiale, reprise en mains dans les années 1960 par J. François, dégage
ses premiers dividendes. Plus décevante encore est l’expérience espa-
gnole : en 1965, Lafarge tente en vain de s’associer avec Ideal Cement,
second cimentier américain, puis avec Lone Star pour construire une
cimenterie en Espagne. En 1968, Lafarge renouvelle l’expérience, dans les
Asturies et sous forme d’un joint-venture avec un groupe local, mais doit se
retirer de l’affaire dès 1975.
Transformation des activités et des structures
sans remise en cause des atouts traditionnels
L’internationalisation du groupe s’accompagne de transformations
profondes12. En premier lieu, Lafarge diversifie beaucoup son activité,
mais en pratiquant une diversification de proximité. Dans le secteur du
plâtre, Lafarge fait de Gypses et plâtres de France le troisième producteur
de plâtre, tout en s’alliant avec National Gypsum, second plâtrier améri-
cain, pour créer Prégypan. Désormais le groupe se trouve en mesure de
faire face à la concurrence du leader européen, le Britannique British Plas-
ter Board. De même, Lafarge se hisse au premier rang français en matière
de fabrication de briques réfractaires, de sacs de grande contenance, tout
en s’intéressant aux céramiques sanitaires : la prise de contrôle opérée
en 1971 de Carbonisation, entreprise et céramique (CEC) permet au
groupe de s’imposer, dans le secteur, comme l’un des principaux produc-
teurs d’Europe et de s’implanter aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et, sur-
tout, en Allemagne.
L’internationalisation, en second lieu, accélère le passage de la firme
entrepreneuriale à l’entreprise managériale. Dès 1951, les Ciments Lafarge
12. Martine Müller, Lafarge-Coppée : de mémoire d’hommes. De 1946 à demain : un demi-siècle de
croissance industrielle, sous la dir. de Félix Torrès, Paris, Public Histoire, 1989, 156 p.
Lafarge 61
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nelles : finances, recherche et technique, plan, encadrement, études
générales et recherche. Dans un contexte marqué par l’explosion des
effectifs du groupe, le décès subit de M. Demonque, en avril 1974, préci-
pite la transformation de la société mère en holding.
L’innovation technologique demeure toutefois un atout essentiel
pour Lafarge. Sous l’impulsion de François Le Bel, le Laboratoire central,
devenu Direction de la recherche en 1960, promeut le passage à la
« voie sèche », procédé assurant une meilleure homogénéisation du
ciment et diminuant le coût énergétique de la cuisson. Admirateur
des méthodes américaines, F. Le Bel pousse, comme M. Demonque,
J..C. Lofficier et O. Lecerf à la recherche de gains de productivité, à la
mise en place d’un système de gestion prévisionnelle et à engager
l’entreprise dans la voie du béton prêt à l’emploi. Lafarge se trouve ainsi
en mesure de faire à nouveau face à une conjoncture plus difficile et au
défi de la mondialisation.
LA MONDIALISATION (1975-2005)
13. Cette partie de l’étude repose, pour les années 1974 à 1987, sur l’ouvrage précité : Léon
Dubois, Lafarge-Coppée, op. cit., p. 251-284. Ensuite, un dépouillement systématique des assemblées
générales a été mené à bien.
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munes, Citadel. Du même coup, se trouve remise en cause l’idée d’une
association entre Lone Star et CCL, sur le modèle de celle réalisée en 1970
entre Canada Cement et Lafarge Canada Cement. Les dirigeants de
Lafarge décident alors d’acquérir une société cimentière américaine
d’envergure. Trois sociétés sont approchées, mais sans succès : Portland
Cement (Los Angeles), South Western Portland Cement (Los Angeles) et
Kaiser Portland Cement (Oakman, en Californie). En août 1980, General
Portland Inc. (GPI), contacté, rejette l’idée d’une fusion avec Citadel,
restée dans le giron de Lafarge, ou d’une prise de participation à hauteur
de 51 %. En revanche, l’acquisition de 100 % des titres serait possible. CCL
lance alors une OPA sur les titres de General Portland. Au terme de négo-
ciations difficiles, un accord est conclu à près de 47 $ l’action GPI. C’est
un succès : en novembre 1981, l’OPA est réalisée à 96 %. General Portland
contrôlant 7 % du marché des États-Unis, l’association CCL-GPI, bientôt
filialisée dans Lafarge Corporation, société cotée à la Bourse de New
York, donne naissance au premier producteur nord-américain (14 % du
marché total).
2002 – Rachat de Warren
Ce succès se trouve conforté en 2000 par le rachat de Warren Paving
& Materials Group Ltd, grâce auquel Lafarge devient l’un des premiers
producteurs de granulats en Amérique du Nord. Avec cet apport, le
groupe Lafarge se dote de 80 sites d’exploitation et d’une capacité de
production de 18 millions de tonnes par an. Important producteur de
granulats pour la construction au Canada, le groupe Warren est alors, au
Canada, le leader pour la fourniture d’asphalte (5 millions de tonnes par
an) et de matériaux pour revêtements routiers (ville et autoroute).
Lafarge se trouve dès lors en concurrence directe avec Colas, autre
La fusion Lafarge-Coppée
En 1979, le groupe Lafarge apparaît plus prospère que jamais. Sa stra-
tégie est alors dominée par trois préoccupations majeures : améliorer ses
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positions toujours fragiles, dans le réfractaire ; élargir les positions cimen-
tières sur le marché à haut potentiel des États-Unis ; pénétrer dans ce sec-
teur de technologies nouvelles. Si le second objectif a été réalisé par le
moyen que l’on sait, le premier et le troisième supposent une alliance. Elle
s’offre avec le groupe belge Coppée, déjà en relation de recherche avec
Lafarge à travers le GE Lafarge-Coppée Recherche. Le groupe Coppée s’est
formé en 1853. Il s’est vite imposé comme l’un des groupes leaders du sec-
teur charbonnier en Belgique, s’intéressant à l’emploi des sous-produits
(notamment le ciment de laitier, de la houille), à l’électricité et à l’acier, à
l’industrie chimique (ammoniaque), et même aux industries agricoles et
alimentaires (sucre, acides aminés). En 1962, il crée notamment Orsan, lea-
der des biotechnologies. En même temps, il développe d’importantes
compétences en ingénierie, lesquelles ouvrent d’intéressantes perspectives
au groupe Lafarge.
En 1980, voulant percer dans les biotechnologies, Lafarge acquiert,
avec le Crédit agricole, lui-même désireux d’investir dans les biotechno-
logies, le groupe Coppée. L’opération s’effectue dans le cadre d’une aug-
mentation de capital. Mais l’association devient vite intégration : certes
Lafarge accroît son effectif humain de 6 000 personnes, mais le capital
social de Coppée ne représente que 10 % de celui de Lafarge. De plus, la
période est difficile pour Lafarge, très endetté en Amérique du Nord et
confronté à de sérieux problèmes tant dans le réfractaire que dans
l’ingénierie. L’ère est au désengagement de ces deux secteurs, au grand
dam de l’héritage Coppée : en 1983, Lafarge Coppée cède à Lavalin, lea-
der canadien de l’ingénierie, ses bureaux d’études Coppée Courtoy et
Coppée Engineering.
17. Dominique Barjot, « Un leadership fondé sur l’innovation, Colas : 1929-1997 », in L. Tis-
sot, B. Veyrassat (éd.), Trajectoires technologiques, marchés, institutions. Les pays industrialisés, XIXe-XXe siè-
cles, Bern, Peter Lang, 2001, p. 273-296.
18. Léon Dubois, Lafarge-Coppée, op. cit., p. 181-249.
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et en Turquie, ainsi que de Perlmoor, une société autrichienne. Les
efforts du groupe Lafarge se portant aussi vers l’Europe de l’Est. En
dehors même de son établissement dans la partie orientale de l’Alle-
magne, le groupe s’intéresse à la République tchèque, où il acquiert une
participation majoritaire dans Cizkovicka Cementarna a Vapenice AS.
L’année 1995 voit l’accès au marché polonais : en 1995, Lafarge prend le
contrôle de la cimenterie de Kujawy, située près de Poznan, ainsi qu’une
participation de 27 % dans celle de Malogoszcz, près de Kielce, dans le
sud du pays. De ce fait, Lafarge s’impose comme le leader sur le marché
polonais.
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quième au premier dans les granulats. En outre, grâce à la filiale Braas de
Redland, Lafarge intègre un nouveau métier, la toiture, domaine dans
lequel il devient leader mondial.
En 2001, c’est au tour de Blue Circle de rejoindre le groupe. Cette
société britannique a été longtemps le leader mondial du ciment sous le
sigle APMC, avant de s’effacer au profit d’Holderbank. L’opération s’avère
ici plus difficile, malgré l’alliance stratégique conclue entre les deux grou-
pes, dès 2000, pour une activité commune en Afrique de l’Est. En effet,
l’OPA lancée sur Blue Circle Industries ne recueille pas la majorité des
actions, mais Lafarge acquiert 19,9 % du capital, portés à 22,6 % après
réduction. Début 2001, Lafarge réédite son offre, acceptée cette fois par le
management de Lafarge. Réalisé en juillet 2001, le rachat conduit à une
augmentation du chiffre d’affaires de 12 % en 2001 et de 7 % en 2002. Les
capacités cimentières du groupe progressent de 35 % et ses effectifs de
17 000 salariés nouveaux. Désormais Lafarge est coté au New York Stock
Exchange (NYSE), ce qui lui permet un meilleur accès au marché financier
américain. Surtout, il devient le numéro un mondial du ciment, tout en
restant le numéro deux dans le secteur des bétons et granulats. En
revanche, l’opération conduit à une rationalisation, le groupe se concen-
trant sur ses quatre métiers de base : le ciment, bétons et granulats, la toi-
ture, le plâtre.
CONCLUSION
Europe occidentale 42 32
Europe centrale et orientale 5 13
Bassin méditerranéen 4 4
Amérique du Nord 27 21
Amérique du Sud 10 14
Océan indien - Asie - Pacifique 8 10
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Source : Groupe Lafarge.
Taux
de croissance
1994 2004 1994-2000
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Dominique BARJOT,
Université de Paris IV - Sorbonne.