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(1958-1963)
Yacouba Zerbo
Dans Guerres mondiales et conflits contemporains 2003/4 (n° 212), pages 113 à 127
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0984-2292
ISBN 9782130534181
DOI 10.3917/gmcc.212.0113
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LA PROBLÉMATIQUE
DE L’UNITÉ AFRICAINE
(1958-1963)
Introduction
rêts au Kenya qu’elle déclara une guerre atroce aux Mau-Mau afin d’y
conserver ses intérêts2. Quoi de plus normal que d’orienter et de canaliser
les mouvements d’indépendance pour instaurer une coopération dont les
objectifs se confondent manifestement à ceux de la colonisation ? Au
Nigeria, les services secrets britanniques manœuvrèrent si bien que l’in-
dépendance fut accordée aux dirigeants acquis à la cause britannique.
La pléthore de leaders politiques africains issue de la colonisation du
continent par des métropoles différentes et de son morcellement en de
multiples entités politiques indépendantes constitue une sérieuse difficulté
qui pèse et pèsera encore sur les tentatives de regroupement en Afrique3.
Les divisions politico-idéologiques dont ils sont victimes, les divergences
d’intérêts économiques et stratégiques qui les opposent attestent l’exacer-
bation du micro-nationalisme, l’abandon et la négation du panafrica-
nisme. Les responsables politiques africains ne sont-ils pas à la hauteur des
problèmes qui leur sont posés pour amorcer la voie d’une véritable union
du continent ?, s’interroge Cheik Anta Diop.
Cette réflexion est d’autant opportune que le panafricanisme, qui est
un legs transatlantique, ne put s’intégrer aux réalités politico-idéologiques
du continent africain. S’il a servi de levain à la création de l’OUA en
mai 1963, il ne put exorciser les maux dont souffrait l’institution à la veille
de sa création.
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Il est plus que nécessaire ici de s’appesantir sur les origines transatlan-
tiques du panafricanisme et de reconnaître le rôle prépondérant joué par
certains de ses précurseurs. Aussi faudrait-il savoir comment le mouve-
ment a été transplanté en Afrique par les nouveaux leaders africains issus
de la décolonisation du continent africain.
2. Ibid., p. 118.
3. C. A. Diop, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire, Paris, Éd.
P. A., 1974, p. 32.
4. Ph. Decraene, Le panafricanisme, Paris, PUF, « Que sais-je ? », no 847, 1964, p. 11.
La problématique de l’unité africaine (1958-1963) 115
16. Revue française d’études politiques africaines, no 37, janvier 1967, p. 73.
17. C. A. Diop, op. cit., p. 31.
18. E. Kodjo, op. cit., p. 123.
19. Revue française d’études politiques africaines, no 37, janvier 1967, p. 73.
20. J. Sanou, Les résolutions de l’OUA, mémoire de maîtrise, Université du Bénin, Lomé, 1977.
21. F. Guy, Les conférences panafricaines et l’organisation de la communauté africano-malgache, AFDI,
1961, p. 762.
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des États africains dans leur conception des relations internationales fit
naître l’impérieuse nécessité d’union et de regroupement.
Mais comment aborder cette impérieuse question d’unité de l’Afrique
au moment où le continent se trouve déjà plongé dans une division idéolo-
gique sans précédent ? Comment organiser cette unité dans le contexte de
la guerre froide, où chaque bloc semble persuadé, que sa logique le porte
dans le lit majeur de l’Histoire et qu’il possède seul et exclusivement la
vérité ? L’Afrique devenant l’enjeu de cette croisade Est-Ouest, les tenta-
tives de regroupement apparaissent alors comme des tribunes de confron-
tation22. C’est pourquoi, malgré la « volonté » de regroupement des États,
les méthodes et les procédures adoptées, les objectifs envisagés en la
matière n’ont jamais fait l’unanimité. Si certains leaders africains étaient
favorables à l’abandon partiel ou total de leur souveraineté, c’est-à-dire le
renforcement de l’exécutif fédéral au nom de l’unité régionale ou conti-
nentale, d’autres, au contraire, tenaient à la souveraineté de leurs États,
craignant qu’une construction au sommet ne masque leurs réalités natio-
nales23. Si les premiers étaient favorables au regroupement des États dans la
perspective d’une unité continentale avec un gouvernement fédéral, les
seconds, au contraire, souhaitaient l’émiettement des États en vue d’une
cohésion des ethnies et des tribus24. À l’analyse de ces deux conceptions un
dilemme s’impose. Comment fusionner « des États sans écarter certains lea-
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22. MM. J. K. Dabire, Contribution à l’étude des rapports de coopération entre la France et la Haute-
Volta, thèse de 3e cycle, Université de Rouen, 1981-1982, p. 110.
23. Ph. Decraene, « Barthélémy Boganda ou du projet d’État unitaire centrafricain à celui
d’États-Unis d’Afrique latine », Relations internationales, no 34, juin 1983, p. 215-226, (p. 221).
24. G. d’Arboussier, « La coopération des États africains », Afrique Document, no 56, mars-
avril 1961, p. 62.
25. J.-B. Duroselle, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1979, p. 729.
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politique, l’unité d’action des Onze s’est manifestée lors des débats à l’ONU
sur le problème algérien. Si cette unité d’action du groupe de Brazzaville
traduit leur amitié avec la France, elle traduirait aussi le principe de leur
solidarité à l’égard de l’Algérie et de l’Afrique tout entière, car, déclarait
M. Masmoudi, ministre tunisien de l’Information : « Si le problème algé-
rien est déjà un problème international, ce qu’il faudrait éviter, c’est qu’il
ne dégénère en guerre internationale. »38
Mais le groupe des Onze auquel plus tard s’est associé le Togo a
connu beaucoup d’avatars parce que trop lié à l’Occident39. La coopéra-
tion économique qu’il développa entre ses États membres aboutit à la
création de l’OAMCE (Organisation africaine et malgache de coopération
économique) le 28 mars 1961 avec un support politique, l’UAM (Union
africaine et malgache) dont la charte fut adoptée à la conférence de Tana-
narive du 6 au 12 septembre 196140. Mais l’UAM, qui ne réussit pas à con-
clure un pacte militaire entre ses membres afin de maintenir les régimes
en place, disparut en 1964.
Pendant que le groupe des modérés s’activait sur la scène interafricaine
et internationale, celui des révolutionnaires entamait aussi son organisa-
tion par la création du groupe de Casablanca, suivie peu après par la créa-
tion du groupe de Monrovia. Cette escalade des tensions idéologiques
n’est pas étrangère à la crise congolaise.
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41. Y. Zerbo, Les relations franco-voltaïques de 1960 à 1972, thèse de doctorat, Université de
Paris I, t. 1, 1989, p. 174.
42. A. Kontchou-Kouomegni, Le système diplomatique africain. Bilan et tendance de la première
décennie, Paris, Pedone, 1977, p. 55.
43. L. Kaba, N’Krumah et le rêve de l’unité africaine, Paris, Éd. Chaka, mai 1991, p. 152.
44. Ibid., p. 153.
45. A. Kontchou-Kouomegni, op. cit., p. 55.
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54. Archives nationales Ouagadougou, Archives de la Présidence, chemise no 350, lettre no 180
de Élisabethville.
55. J. Sanou, op. cit, p. 40.
56. Ibid., p. 41.
57. Ibid., p. 40.
58. Ph. Decraene, op. cit.
59. J. Sanou, op. cit., p. 37.
La problématique de l’unité africaine (1958-1963) 127
Conclusion
Yacouba ZERBO,
Université de Ouagadougou,
Burkina-Faso.