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COURS DE DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTA

IRE ET INTERNATIONALE

Année académique 2021-2022

Dispensé par : Pr ABANE ENGOLO Patrick Edgard

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

I- OUVRAGE, MEMOIRES, ARTICLES


1- PLANTEY (A), LORIOT (F), Fonction publique internationale, organisations
mondiales européennes, CNRS Editions, Paris, 2005, 497p.
2- ZANKIA (Z.), Le contentieux de la fonction publique communautaire de la CEMAC,
Université de Dschang, DEA, 2008.
3- KAMWE MOUAFFO KENGNE, « CEMAC, le contentieux de la fonction publique
communautaire », Legavox, 2014.
4- Cabinet WOLL avocat «Droit de la fonction publique internationale,» Paris, rue Jean
Jacques ROUSSEAU, en ligne.
5- NYEMBO BAATIE (N.), Statut juridique des fonctionnaires internationaux : cas du
secrétariat général de l’ONU, Université Protestante au Congo, 2009.

II- TEXTES
1- Statut et Règlement du personnel de l’Organisation des Nations Unies, 1er janvier
2018.
2- Statut des fonctionnaires des Communautés européennes
3- Statut des fonctionnaires de la CEMAC, 11 décembre 2009.

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Introduction générale

Nombreuses sont aujourd’hui les personnes physiques et morales exerçant une activité
qui débordent les frontières étatiques. L’apparition de besoins nouveaux au-delà du seul cadre
national a permis au droit international de se développer. Ce sont ces besoins qui
progressivement ont fait naitre la fonction publique internationale et communautaire. Le droit
de la fonction publique internationale peut être défini comme l’ensemble des règles qui
régissent les relations de travail entre un fonctionnaire international et l’institution
internationale qui l’emploie. Cette définition peut être reprise mutatis mutandis pour le droit
de la fonction publique communautaire.

Introduire un cours de droit de la fonction publique internationale et communautaire,


nécessite que soit présentés dans un premier temps, l’évolution de la fonction publique
internationale et communautaire (I), dans un deuxième temps, le lien qui existe entre le
service public national et la fonction publique internationale et communautaire (II) et dans un
troisième temps, les sources même du droit de la fonction publique internationale et
communautaire (III).

I- L’évolution du droit de la fonction publique internationale et communautaire

La notion de fonction publique s’est progressivement dégagée et définie non


seulement en raison du développement de l’administration internationale et communautaire
dont elle est un élément, mais aussi selon l’état des relations politiques, diplomatiques,
économiques entre les pays.

L’évolution qui a suivie ne coïncide pas toujours d’une organisation à l’autre, d’un
continent à l’autre. Cependant, des règles générales peuvent être dégagées. Au XIXème
siècle, les premières activités qui sont sorties du cadre national et ont été assurées sur le plan
supranational ont été confiées tantôt à des administrations publiques étatiques, tantôt à un
service intergouvernemental (bureau, office…). Le personnel nécessaire était le plus souvent
formé de ressortissant des pays où ces institutions nouvelles avaient leur siège. Les agents
étaient soit recrutés comme l’étaient les employés des grandes sociétés privées, soit détachés
d’une administration publique, en général celle du pays hôte.

Les structures et taches de ces organismes se sont accrues en même temps que leur
nombre augmentait. Il était plus que nécessaire de soustraire les administrations
internationales et communautaires naissantes aux cadres juridiques traditionnels, notamment

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au droit de l’Etat où elle siège. Ceci explique que progressivement l’on ait cherché à placer
leurs agents dans une situation différente, indépendante du gouvernement local. La Société
Des Nations (SDN) a offert l’exemple du premier Secrétariat politique international et la Cour
Permanente de Justice Internationale a offert l’exemple d’un premier greffe organisé. Le
rapport BALFOUR de 1920, précise bien que les membres du Secrétariat général de la SDN
ne sont plus au service des gouvernements. Un an après, en 1921, le rapport NOBLEMAIRE
quant à lui établit que leur recrutement et leur carrière doivent être fondés sur le mérite et non
sur la protection nationale ou politique et souhaite que le niveau de leurs salaires soit
supérieur à celui de l’administration nationale la mieux rémunérée du monde.

II- Le lien entre le service public national et la fonction publique internationale et


communautaire

Issue du service public national, la fonction publique internationale et communautaire


tire de lui certaines caractéristiques :

- L’indépendance à l’égard des préoccupations strictement pécuniaires ;


- La promotion des intérêts supérieurs de la collectivité ;
- Le respect des impératifs moraux et professionnels du service public.

Toutefois, même lorsque l’agent international exerce sa mission au sein des frontières
d’un pays, la motivation à laquelle répondent ses fonctions est profondément différente de
celle du service national : il ne s’agit pas de la défense d’intérêts nationaux, mais de l’exercice
d’une compétence attribuée par un groupe d’Etats. La rupture entre le fonctionnaire
international ou communautaire et les préoccupations strictement nationales, se produit d’elle-
même par l’expression linguistique, le cadre de vie, les conditions et méthodes de travail.

La protection des fonctionnaires contre les pressions et manœuvres des Etats est la
condition du caractère international ou communautaire de leurs missions. A cet égard, il
convient de donner tout son mérite à la jurisprudence des tribunaux administratifs relative à la
« mutuelle confiance » entre les organisations et leurs agents (CJCE, 29 juin 1994, KLANKE,
C 298/93, Rec 3009).

III- Les sources du droit de la fonction publique internationale et communautaire

Comme toute discipline ; le droit de la fonction publique internationale et


communautaire n’est pas une discipline ex nihilo. Il est la résultante d’un certain nombre de

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sources qui sont écrites pour certaines et non écrites pour d’autres. Au rang de ces sources,
nous pouvons citer :

- Les règles législatives

L’accord des gouvernements constitue le véritable pouvoir législatif des organisations


internationales et communautaires. Comme règles législatives, on peut citer :

-les accords internationaux : le traité constitutif de l’organisation internationale et


communautaire est référence impérieuse pour l’administration. Certains actes constitutifs
contiennent des clauses définissant les conditions dans lesquelles doivent être établis le statut
du personnel. Le pacte de la SDN ne contenait aucune stipulation relative au personnel de
l’organisation, il en était de même du projet de charte des Nations Unies. Mais l’expérience
du Secrétaire général de la SDN porte finalement à fixer dans le texte même les principes
généraux commandant la situation des fonctionnaires.

D’autres accords internationaux et communautaires peuvent être convoqués. Ainsi, la


Convention européenne des droits de l’homme est un texte exécutoire dans les Etats qui l’ont
ratifié, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, la Charte africaine des
droits de l’Homme et des peuples, peuvent servir de référence, il y a aussi les conventions qui
régissent les points particuliers tels les privilèges et immunités des agents.

-les délibérations exécutoires : l’accord des volontés étatiques se traduit aussi par les
d’libérations des organisations internationales et communautaires où sont représentés les
gouvernements. Ces actes internes à l’institution font partie de son corps de droit.

- Les mesures réglementaires

Le pouvoir réglementaire est subordonné. En effet, la réglementation administrative


doit respecter le statut. Il est attribué à l’autorité administrative la plus élevée : Secrétaire
général (ONU), directeur général (UNESCO), ce pouvoir est reconnu à l’autorité supérieure
parfois même dans le silence des textes (CJCE 1-7, 1964, Huber, Rec 71) car le statut de base
ne peut tout réglementer. Ce pouvoir réglementaire porte sur de nombreuses matières
(financières, administratives, comptables, professionnelles). Le pouvoir réglementaire n’est
pas toujours autonome, parfois il nécessite la consultation ou l’approbation du conseil ou d’un
comité (c’est le cas à l’Union Européenne où la consultation du comité du statut est
obligatoire). Les circulaires et les autres actes sont exécutoires s’ils ont été régulièrement pris

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ou approuvés. Ils se différencient des guides informels ou officieux, des simples mesures
d’ordre intérieur ou instructions de service qui ne constituent des actes de caractère
réglementaire pouvant faire grief.

- La pratique administrative

Dès lors qu’elle est stabilisée et incontestée et qu’elle ne va pas à l’encontre des principes
généraux du droit, la pratique administrative constitue un complément de règles statutaires.
Cette pratique est parfois propre à une organisation particulière, elle peut aussi être commune
à plusieurs institutions. La notion de pratique constante ne se justifie que si elle est un moyen
d’assurer l’égalité et la stabilité des situations des agents.

- La jurisprudence

Dès 1921, l’opinion a été formulée par Albert THOMAS, directeur du Bureau
International du Travail, qu’il convenait de s’inspirer du modèle du Conseil d’Etat français
pour établir au sein de l’organisation internationale, un corps juridique chargé d’assurer le
règlement des différends entre l’administration et ses agents de façon impartiale.

- Les principes généraux du droit

Tout comme l’administration nationale, l’administration internationale et


communautaire doit appliquer les principes généraux du droit. Ces principes correspondent à
des normes juridiques et morales admises de façon suffisamment générale pour être
considérées comme nécessaires et obligatoires même sans texte écrit. Il s’agit entre autre du
principe du contradictoire, la présomption d’innocence, le principe de non discrimination…

L’existence indéniable d’un service international et communautaire ne peut réellement


prospérer par lui-même, c’est à travers les agents qui en ont la charge (Ière partie) que celui-ci
retrouve toute sa plénitude. Le développement de la coopération entre Etats a donné naissance
à d’importantes administrations internationales et communautaires et progressivement à de
nouvelles juridictions chargées d’en consacrer l’achèvement. C’est devant ces dernières que
sera porté le contentieux y afférent (IInde partie).

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Ière partie : LES AGENTS DE LA FO NCTION PUBLIQUE INTERNATIONALE ET
COMMUNAUTAIRE

D’entrée de jeu, il faut souligner que le droit de Fonction publique internationale et


communautaire, n’est pas unifié ni entre les institutions, ni même parfois au sein de la même
institution. Si donc ce droit n’est pas unifié, la situation des agents qui assurent le service
public international ne peut être que pareille, elle peut alors être différente d’une institution à
l’autre. Il ne pouvait en être autrement car chaque organisation internationale ou
communautaire recrute librement ses agents. Il faut toutefois relever qu’il existe des éléments
communs ou semblables entre ces institutions.

Au regard du nombre suffisamment élevé des organisations internationales et


communautaires à travers le monde, une étude exhaustive de celles-ci ne peut être faite dans
le cadre de ce cours. Il se donc étudié le personnel de certaines d’entre elles. Ces précisions
étant faites, il sera étudié dans un chapitre 1er, la diversité d’agents de la fonction publique
internationale et communautaire et dans un second chapitre, nous analyserons la carrière de
ces agents.

Chapitre I : La diversité d’agents de la fonction publique internationale et


communautaire

Tout comme la fonction publique nationale, la fonction publique internationale et


communautaire n’est pas constituée d’un personnel unique. Les agents de cette fonction sont
divers en fonction d’un certain nombre de critères. Ces derniers impactent forcément sur les
droits et privilèges des agents en question. Ainsi, les privilèges sont fonction de la situation et
meme de la position de l’agent concerné.

On analysera d’une part les agents de la fonction publique internationale et


communautaire en fonction du lien de service qui existe entre eux et l’organisation et en
fonction du régime qui leur est applicable (section I) et d’autre part les agents en fonction de
leur position (section II).

Section I : Les agents publics en fonction du lien de service et du régime applicable

Il sera étudié tour à tour, les agents de la fonction publique internationale et


communautaire au regard du lien de service qui les unit avec les institutions (paragraphe I) et
les agents publics en fonction du régime dont ils relèvent (paragraphe II).

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Para I : Les agents de la fonction publique en fonction du lien de service

La détermination exacte du lien de service qui unit l’agent à son organisation est
importante. C’est de ce lien que résulte la plupart des droits et obligations de chacune des
parties vis-à-vis de l’autre. Le lien qui unit les agents à leur service permet sans doute de les
différencier. C’est dans cette logique qu’on aura les fonctionnaires (A) et les non
fonctionnaires (B).

A- Les fonctionnaires

Toutes les organisations ne définissent pas le fonctionnaire de la même manière même


si la différence n’est pas toujours profonde. Le statut des fonctionnaires de la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) adopté le 9 décembre 2009 définit
le fonctionnaire communautaire comme « toute personne nommée et titularisée dans l’un des
emplois permanents ouverts dans les services d’une Institution, d’un Organe ou d’une
Institution Spécialisée de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale ».
Pour le Statut des fonctionnaires des Communautés européennes, est fonctionnaire, « toute
personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent
d’une des institutions des Communautés par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de
nomination de cette institution ». On remarque cette dernière définition précise la forme de
l’acte de nomination, qui doit être écrit, on peut s’interroger dans le cadre de la CEMAC si le
manque de précision de la forme de l’acte laisse envisager un acte de nomination verbal.

Alain PLANTEY et François LORIOT, définissent le fonctionnaire international de


façon générale, pour eux le fonctionnaire international est celui dont l’emploi échappe à
l’autorité directe d’un Etat souverain et est soumis à un régime juridique international, car ils
exercent des fonctions au service d’un groupe d’Etats ou plus communément d’une institution
internationale.

Le fonctionnaire est lié à l’organisation par le statut de celle-ci. C’est donc un lien
statutaire qui unit le fonctionnaire à l’organisation internationale ou communautaire. Ainsi,
l’administration de l’organisation fixe unilatéralement les principes de sa politique du
personnel, les obligations de service, les avantages pécuniaires, le régime disciplinaire, les
privilèges et immunités… Toutefois, il faut relever que même malgré la situation statutaire du
fonctionnaire, les éléments contractuels subsistent : la nomination n’est valable que si elle est
acceptée, le consentement permet ainsi d’entériner la nomination. Le Statut de l’ONU pose

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expressément que : « La lettre de nomination que reçoit tout fonctionnaire mentionne,
expressément ou par référence toutes les conditions d’emploi. Le fonctionnaire n’a d’autres
droits contractuels que ceux qui sont mentionnés expressément ou par référence, dans sa
lettre de nomination » (disposition 4.1). Le statut des fonctionnaires des communautés
européennes ne fait pas mention d’un autre genre d’agent à part les fonctionnaires. Dans les
statuts d’autres organisations internationales ou communautaires, il existe des agents qui ne
sont pas en principe liés à l’organisation par le statut de celle-ci : ce sont les non
fonctionnaires.

B- Les non fonctionnaires

Généralement, les non fonctionnaires sont des agents contractuels. Le lien qui les unit
à l’organisation est non pas le statut, mais le contrat. Sur le plan international et
communautaire, le contrat semble assurer la meilleure protection de sin bénéficiaire. En
signant le contrat, les deux parties en acceptent les clauses et en promettent l’exécution. Elles
le font en toute liberté puisque la contrainte physique voire morale, si elle était établie,
vicierait l’engagement (CJCE 1-3 1962, De Bruyn, Rec.43).

Pendant toute leur durée, les contrats sont appliqués et interprétés en tenant compte de
la commune intention des parties. Chacune des deux parties est responsable de l’exécution de
ses obligations telles qu’elles résultent de la lettre d’engagement, mais aussi des textes
auxquels celle-ci se réfère et qui fixent certaines conditions juridiques de l’emploi. Les
obligations peuvent aussi résulter de mentions marginales, de notes ou de documents annexes.

Le développement de l’administration et la multiplication du personnel permettent de


constater que de nombreuses règles de service ne pouvaient résulter des seules stipulations
contractuelles.

Des règlementations édictées en faveur du service public ou en faveur des


fonctionnaires, s’appliquent aux contrats dès leur signature. L’administration exige parfois
que l’agent renonce volontairement et clairement à tel de leur droit statutaire, mais cette
renonciation n’est pas toujours reconnue valable lorsqu’elle entraine une grave inégalité de
traitement entre fonctionnaires. Ainsi, le fait qu’un engagement est contractuel ne saurait
signifier que toutes les règles applicables au lien de service le soient. C’est dire que la
situation de l’agent n’est contractuelle que dans les matières régies par le contrat (voir par
exemple l’article 301 du règlement de l’ONU). Les clauses contractuelles ont tendance à

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s’abréger, il s’opère donc une sorte de contamination du contrat par le statut. On peut alors
conclure que la frontière entre le fonctionnaire et le contractuel n’est pas totalement tranchée.
Les agents de la fonction publique internationale et communautaire peuvent aussi être étudiés
en fonction du régime de droit qui leur est appliqué.

Para II : Les agents de la fonction publique en fonction du régime applicable

On distingue généralement au sein des organisations internationales et


communautaires, les agents relevant du droit local (A) et ceux relevant du droit international
ou communautaire (B). Mais, le Statut et Règlement du personnel de l’ONU dispose en son
article 1.1 a), que : « Tout membre du personnel est fonctionnaire international ». C’est dire
que l’ONU ne consacre pas l’existence des fonctionnaires locaux. Dans les organisations qui
les reconnait, fonction du régime auquel ils relèvent, ces agents bénéficient de certaines
indemnités et avantages.

A- Les agents relevant du régime local

Les organisations internationales et communautaires emploient des agents qui ne


relèvent pas du régime international mais bien du régime local. Ce sont des agents choisis
dans l’Etat de siège de l’organisation pour exercer des fonctions dans les institutions
internationales ou communautaires. Le statut des fonctionnaires de la CEMAC définit le
fonctionnaire du régime local comme toute personne ayant été nommée et titularisée dans un
emploi permanent relevant des classes CIV à CVII des services généraux tels que précisées à
l’article 35. Ce dernier précise que la catégorie des services généraux est ouverte au personnel
non cadre. Les agents relevant du régime local ne sont donc pas des cadres au sein de
l’organisation. Le Statut de l’ONU, tout en précisant que tout membre du personnel est
fonctionnaire international, distingue les fonctionnaires recrutés localement de ceux recrutés
sur le plan international. Les avantages des fonctionnaires locaux et ceux recrutés localement
sont moins considérables que ceux des agents du régime international ou communautaire.

Au sein de la CEMAC, les agents locaux bénéficient des avantages ci-après :

- Une indemnité de résidence


- Une indemnité spéciale CEMAC
- Une indemnité de transport
- Une indemnité de logement

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Les fonctionnaires internationaux recrutés localement au sein de l’ONU ne bénéficient pas de
la prime de rapatriement, du paiement des frais de déménagement occasionnés par la
réinstallation, du congé dans les foyers (disposition 4.5 b).

B- Les agents relevant du régime international et communautaire

Les agents relevant du régime international ou communautaire sont des cadres au sein
des organisations. Ils ne sont pas du régime local dans la mesure où ils ne sont pas choisis
dans l’Etat de siège de l’institution. Ce qui justifie qu’ils bénéficient de certains privilèges que
n’ont pas les locaux. En plus des avantages reconnus aux agents locaux, les agents
internationaux ou communautaires ont droit :

- Une indemnité d’éloignement


- Une indemnité de responsabilité
- Une indemnité forfaitaire de sécurité
- Une indemnité de domesticité (art. 70, Statut CEMAC).

Les agents en service dans les organisations internationales ou communautaires


peuvent aussi être distingués en fonction de leur position.

Section II : Les agents publics en fonction de leur position

Tous les fonctionnaires en service dans les organisations ne sont pas toujours dans la
même position. Ceux-ci se trouvent dans diverses positions en fonction de l’organisation.
Trois positions seront principalement étudiées ici, les fonctionnaires en activité paragraphe (I)
et les fonctionnaires en détachement et mis en disposition paragraphe (II).

Paragraphe I : Les fonctionnaires en activité

L’activité est une des positions du fonctionnaire international ou communautaire il


importe de relever les situations d’activité du fonctionnaire (A) avant d’étudier les cas exclus
(B).

A- Les situations d’activité

Au terme de l’article 36 du Statut des Communautés européennes, l’activité est la


position du fonctionnaire qui exerce les fonctions correspondant à l’emploi auquel il a été
affecté ou dont il assure l’intérim. Le fonctionnaire intérimaire est donc un fonctionnaire en

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activité dans la mesure où il est appelé à remplacer le titulaire d’un poste pendant son absence
(art 48 Statut CEMAC).

De même, le fonctionnaire en stage de perfectionnement ou en stage d’étude, est


réputé être en activité. Il en est de même de celui bénéficiant d’un congé administratif ou d’un
congé spécial. Le droit de la fonction publique ne méconnait pas le droit au congé de ses
agents. Concernant le congé administratif, il est accordé pour une période bien précise selon
l’organisation qui emploie l’agent en fonction des nécessités de service et si possible, en
accord avec le fonctionnaire bénéficiaire. Le congé n’excluant pas la position d’activité du
fonctionnaire, celui-ci est rémunéré pendant la période de son congé. Pour ce qui est congés
spéciaux, ils sont accordés pour des raisons familiales. Le statut de la CEMAC énumère les
cas suivants :

- Mariage du fonctionnaire ou de ses enfants : 5 jours ouvrables ;


- Naissance d’un enfant légalement déclaré : 2 jours ouvrables ;
- Décès du conjoint, des ascendants ou descendants en ligne directe :
- A l’occasion d’une maternité, un congé de maternité avec solde : 14 semaines ;
- Déménagement : 2 jours ouvrables.

B- Les cas exclus de la position d’activité

Pour le Statut des Communautés européennes, le congé pour convenance personnelle


et le congé militaire sont exclus de la position d’activité. Le fonctionnaire titulaire peut à titre
exceptionnelle et à sa demande, être mis en congé sans rémunération pour des motifs de
convenance personnelle (art.40 (8), Statut CE). Le congé de convenance obéit aux règles
suivantes :

- Il est accordé sur demande de l’intéressé par l’autorité investie du pouvoir de


nomination ;
- Son renouvellement doit être sollicité deux mois avant l’expiration de la période en
cours ;
- Le fonctionnaire peut être remplacé dans son emploi ;
- A l’expiration du congé, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré à la
première vacance, dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à
son grade (art 40 (8)(4), statut CE) .

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Le Statut de la CEMAC semble ne pas donner la même consistance au congé pour
convenances personnelles, il dispose que les autorisations d’absence pour convenances
personnelles peuvent être accordées au fonctionnaire jusqu’à concurrence de 16 jours
calendaires par an. Au-delà de cette limite, le nombre de jours supplémentaire est déductible
des droits au congé du bénéficiaire (art.56). On peut conclure qu’à la CEMAC, les absences
pour convenance personnelle sont rémunérées ce d’autant plus qu’elles sont traitées dans la
rubrique du fonctionnaire en activité.

Concernant le congé militaire, il faut dire que le fonctionnaire incorporé dans une
formation militaire pour effectuer son service légal cesse de percevoir sa rémunération, mais
continue de bénéficier des dispositions du Statut des CE concernant l’avancement d’échelon
et la promotion. Le Statut des fonctionnaires de la CEMAC ne fait aucune mention du congé
militaire, ce qui permet de croire qu’il n’existe pas dans sa règlementation.

Paragraphe II : Les fonctionnaires en détachement et les fonctionnaires mis en


disposition

On présentera dans un premier temps les fonctionnaires en détachement (A) et dans un


second temps, les fonctionnaires en disponibilité (B).

A- Les fonctionnaires en détachement

L’article 58 du statut des fonctionnaires de la CEMAC définit le détachement comme


la position du fonctionnaire qui par décision de l’autorité habilitée est mis temporairement à la
disposition :

- Soit de l’une des institutions Spécialisées de la communauté,


- Soit de tout autre organisme à caractère national ou international dont l’activité
intéresse directement ou indirectement la communauté.

Les traitements et indemnité du fonctionnaire en détachement sont à la charge de


l’organisme auprès duquel il est détaché. Durant la période de détachement, le fonctionnaire
continue de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite. La durée du détachement
dépend du Statut de chaque organisation. A la CEMAC par exemple, la durée maximum est
de deux (2) ans, elle peut être renouvelée deux fois pour la même durée (art 59), dans les
Communautés européennes, la durée du détachement dans l’intérêt du service est fixée par

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l’autorité investie du pouvoir de nomination (art 38(8). A la fin du détachement, le
fonctionnaire réintègre son service d’origine.

B- Les fonctionnaires à disponibilité

La disponibilité est la position du fonctionnaire touché par une mesure de réduction du


nombre des emplois dans son institution selon le Statut des CE. Cette définition n’est pas la
même que celle donnée par le Statut des fonctionnaires de la CEMAC, d’après celui-ci, la
disponibilité est la position du fonctionnaire qui sur sa demande dument motivée, est placé
temporairement hors de son cadre professionnel.

La réduction du nombre d’emplois dans un grade est décidée par l’autorité budgétaire
compétente (art 41 (2) Statut des CE). L’autorité investie du pouvoir de nomination, après
avis de la commission paritaire, détermine la nature des emplois qui seront affectés par cette
mesure.

Dans la position de disponibilité, le fonctionnaire cesse d’exercer ses fonctions et de


bénéficier de ses droits à la rémunération et à l’avancement (art.62, CEMAC ; art. 41(3), CE).
Le fonctionnaire mis en disponibilité dans les CE bénéficie d’une indemnité, ce qui n’est pas
le cas avec celui de la CEMAC. Au sein de la CEMAC, la disponibilité ne peut excéder 1(un)
an mais peut être renouvelée par période d’égale durée d’un terme maximum de cinq (5) ans.
Après la présentation de la diversité d’agents de la fonction publique internationale et
communautaire, il convient à présent d’analyser leur carrière.

Chapitre II : La carrière des agents de la fonction publique internationale et


communautaire

Le droit de la fonction publique internationale et communautaire organise toute une


carrière pour les agents qui assurent son service. C’est dire que le service public international
n’est pas temporaire, toutefois, il n’est pas exclu que certains agents peuvent être recrutés en
tant que temporaires. Les agents permanents peuvent faire carrière au sein de l’organisation.
Celle-ci débute par le recrutement (section I), puis le déroulement et enfin la cessation
définitive des fonctions (section II).

Section I : Les conditions et procédures de recrutement

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Le recrutement des fonctionnaires internationaux et communautaires, tout comme
celui des fonctionnaires nationaux, obéit à des conditions bien précises (paragraphe I) et à des
procédures déterminées (paragraphe II).

Paragraphe I : Les conditions de recrutement

Deux conditions de recrutement peuvent être relevées : la vacance de poste (A) et


l’ouverture d’un poste budgétaire (B). Il faut préciser que ces conditions ne sont pas
cumulatives.

A- La vacance de poste

La vacance de poste est l’une des conditions de recrutement des agents internationaux
ou communautaires. Pour le Statut des CE, le recrutement permet de pourvoir aux postes
vacants (art 29). Par définition, la vacance d’un poste traduit l’absence de titulaire d’un poste
déjà existant. L’absence dont il est question ici n’est pas temporaire, la vacance de poste
ouvre la voie au recrutement. Le recrutement doit correspondre à la nature, à la spécificité et à
la catégorie du poste vacant et répondre aux qualifications requises. En plus de la vacance de
poste, l’ouverture d’un poste ouvre la voie au recrutement.

B- L’ouverture d’un nouveau poste

Les nécessités de service et l’augmentation des besoins au sein des organisations a


pour conséquence, la mise en place de nouveaux postes et donc l’obligation de recruter.
L’ouverture d’un nouveau poste est une condition du recrutement au sein des organisations.
Le Statut de la CEMAC le reconnait expressément (art 21).

Le statut des CE n’en fait pas mention, il se limite à la vacance de poste. Ce silence
ne devrait pas laisser croire qu’il n’y a pas de recrutement pour cause d’ouverture d’un
nouveau poste. Il semble aller de soi que l’ouverture d’un nouveau poste entraine le
recrutement pour ce poste. Qu’en est-il des procédures de recrutement ?

Paragraphe II : Les procédures de recrutement

Dans les procédures de recrutement, on étudiera le mode de recrutement (A) et les


modalités de celui-ci (B).

A- Le mode de recrutement

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Le mode de recrutement le plus envisagé dans le droit de la fonction publique
internationale et communautaire est le concours. L’article 22 du Statut des fonctionnaires de
la CEMAC dispose que : « en vue de pourvoir aux postes vacants dans une Institution, un
organe ou une Institution Spécialisée de la Communauté, l’autorité investie du pouvoir de
recrutement peut ouvrir la procédure de concours (…) ». L’article 29 du Statut des CE, pose
que : « En vue de pourvoir aux vacances dans un emploi dans une Institution, l’autorité
investie du pouvoir de nomination après avoir examiné :

- Les possibilités de promotion et de mutation au sein des institutions ;


- Les possibilités d’organisation de concours internes à l’institution ;
- Les demandes de transfert des fonctionnaires d’autres institutions,
Ouvre la procédure du concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves ».

Le Statut des CE précise qu’une procédure de recrutement autre que celle du concours
peut être adoptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination pour le recrutement des
fonctionnaires des grades A1 et A2, ainsi que dans des cas exceptionnels, pour des emplois
nécessitant des qualifications spéciales. Tout en ouvrant la possibilité d’autres modes de
recrutement que le concours, le Statut ne précise pas ces modes de recrutement.

Le Statut du personnel de l’ONU reconnait le concours comme mode de recrutement


de son personnel (disposition 4.16).

B- Les modalités de recrutement

Pour être recruté comme fonctionnaire international ou communautaire, le candidat


doit être ressortissant d’un des Etats membres de l’organisation. Le Statut des CE ouvre la
possibilité d’une dérogation qui doit être accordée par l’autorité investie du pouvoir de
nomination (art 28 (1). Cette dérogation n’est pas prévue par le Statut des fonctionnaires de la
CEMAC.

Pour chaque poste, il doit être défini, de façon précise, sa nature, sa spécificité et sa
catégorie, ainsi que la qualification requise pour y accéder. L’avis de vacance doit également
indiquer les pièces à fournir pour la constitution des dossiers de candidature, ainsi que le délai
dans lequel les candidats doivent faire parvenir leur dossier.

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Le recrutement se fait de façon équilibrée entre les Etats membres en tenant compte du
genre. Il doit viser à assurer à l’institution le concours des fonctionnaires possédant les plus
hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

Section II : Le déroulement de la carrière et la cessation définitive des fonctions

Il sera étudié ici d’une part le déroulement de la carrière du fonctionnaire (paragraphe


I) et d’autre part, la cessation définitive des fonctions de celui-ci (paragraphe II).

Paragraphe I : Les éléments de gestion de carrière

Comme éléments de gestion de la carrière de fonctionnaire, il y a la notation (A),


l’avancement et la promotion (B).

A- La notation

La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à


l’exception de ceux des grades A1 et A2 font l’objet d’un rapport périodique établi au moins
tous les deux ans. Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y
joindre toutes observations qu’il juge nécessaire (art 43 du Statut des CE). Pour les
fonctionnaires de la CEMAC, il est établi pour chaque fonctionnaire une fiche annuelle de
notation comportant une note chiffrée de 0 à 20 et une appréciation générale exprimant la
valeur professionnelle (art 37).

Le pouvoir de notation appartient aux supérieurs hiérarchiques dont relève le


fonctionnaire. Chaque supérieur hiérarchique propose la notation de ses collaborateurs. La
note définitive est arrêtée par l’autorité compétente de l’Institution. La fiche de notation
comportant les notes et appréciations est transmise au fonctionnaire qui peut, s’il l’estime
nécessaire présenter ses observations par écrit. Il faut remarquer qu’aucun des deux statuts ne
précise si les observations du fonctionnaire noté peuvent conduire à la révision de sa notation.
Si cette possibilité n’est pas admise, les observations éventuelles du fonctionnaire sont sans
objet. La notation peut influencer l’avancement du fonctionnaire.

B- L’avancement et la promotion

Concernant l’avancement, celui-ci est le passage d’un échelon à l’échelon supérieur


dans la même classe. L’avancement d’échelon des fonctionnaires de la CEMAC s’effectue
tous les deux (2) ans sous réserve de l’obtention d’une note moyenne chiffrée égale ou

17
supérieure à 15/20. La décision d’avancement est prise par l’autorité compétente de
l’Institution après avis du comité consultatif de recrutement et d’avancement. Des
avancements exceptionnels pourront être attribués en tant que de besoin aux fonctionnaires les
plus méritants par l’autorité compétente (art 39 et s). Pourtant le fonctionnaire des CE, qui
compte deux (2) ans d’ancienneté dans un échelon de son grade, accède automatiquement à
l’échelon suivant de ce grade (art 44).

Pour ce qui est de la promotion, elle consiste pour le fonctionnaire à passer d’une
classe à une autre ou d’une catégorie à une autre. La promotion selon le Statut des
fonctionnaires de la CEMAC, est toujours subordonnée à l’existence d’un poste budgétaire
vacant ou à la création d’un poste nouveau. Elle a lieu soit par concours interne pour le
passage d’une catégorie à une autre ou d’une classe à une autre, soit par décision spéciale de
l’autorité investie du pouvoir de nomination. La carrière des fonctionnaires n’est pas éternelle,
elle prend fin par divers moyens.

Paragraphe II : La cessation définitive des fonctions

Il existe plusieurs causes de cessation définitive des fonctions, on peut les classer en
deux catégories : la cessation normale des fonctions (A) et la cessation prématurée (B).

A- La cessation normale

La modalité de cessation normale des fonctions, c’est la mise à la retraite pour limite
d’âge à laquelle on peut ajouter la retraite anticipée.

Les fonctionnaires des CE sont mis à la retraite d’office, le dernier jour du mois
durant lequel il atteint l’âge de 65 ans. Dans la zone CEMAC, l’âge d’admission à la retraite
est 60 ans pour les fonctionnaires du régime international et pour les autres fonctionnaires du
régime local, c’est l’application de la réglementation du pays de siège.

La retraite anticipée se fait à la demande du fonctionnaire et obéit à certaines


conditions :

Pour les CE, l’admission à la retraite anticipée se fait le dernier jour du mois pour
lequel la demande a été présentée lorsqu’il est âgé d’au moins 60 ans ou qu’ ayant atteint un
âge compris entre 50 et 60 ans, il réunit les conditions requises pour l’octroi d’une pension à
jouissance immédiate (art 52).

18
Pour la CEMAC, l’admission à la retraite anticipée est accordée au fonctionnaire âgé
de 50 ans ou comptant au moins quinze (15) ans de carrière dans les services de la
communauté. Il existe d’autres causes de cessation définitive des fonctions.

B- La cessation prématurée

Parmi les causes de cessation prématurée des fonctions, on peut citer : la démission, le
licenciement, le décès, la retraite pour invalidité.

La démission: La démission est un acte du fonctionnaire qui doit être écrit. Elle
marque sa volonté non équivoque de cesser définitivement toute activité dans l’institution. Le
Statut CEMAC, précise que la démission est subordonnée à un préavis de trois (3) mois, art
90. La décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination rendant la démission
définitive doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la réception de la lettre de
démission. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut refuser la démission si
une procédure disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire est en cours à la date de réception de
la lettre de démission ou si une telle procédure est entamée dans les 30 jours qui suivent (art
48 (8), CE).

Le licenciement: le licenciement est prononcé par l’autorité compétente et notifiée par


écrit à l’intéressé, la lettre de notification indique le motif du licenciement. Dans la zone
CEMAC, le licenciement peut intervenir :

- En cas d’usage de faux ;


- En cas de stage non satisfaisant ;
- En cas d’abandon de service sans motif valable pendant un (1) mois ;
- En cas de suppression d’emplois ou de compression d’effectifs
- En cas de condamnation judiciaire définitive à une peine afflictive et infamante, ou
à un emprisonnement ferme de plus de trois (3) mois suivi ou non de la perte de
droit civique ;
- En cas de récidive de sanctions majeures.

Le licenciement dans les CE, concerne uniquement le licenciement pour insuffisance


professionnelle (51).

19
Le décès: en cas de décès du fonctionnaire, les traitements et les indemnités de toute
nature acquis à la date du décès reviennent de plein droit aux héritiers. Le capital décès leur
est également versé.

La retraite pour invalidité : le fonctionnaire reconnu médicalement inapte à poursuivre


l’exercice de ses fonctions, est d’office admis à la retraite (CEMAC).

La multiplication du personnel international et communautaire a permis la mise en


œuvre des juridictions chargées de connaitre du contentieux y afférent.

IInde partie : LE CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE


INTERNATIONALE ET COMMUNAUTAIRE

Le droit en général semble ne pas pouvoir se concevoir sans juge. Le droit de la


fonction publique internationale et communautaire n’évolue pas en marge de cette conception.
L’ordre juridique qu’il soit international ou communautaire, s’il n’a pas de juge est voué à
l’échec et à la disparition. Ce fut le cas de l’UMOA qui n’a jamais eu de juge. De plus, il ne
suffit pas d’avoir un organe juridictionnel, il faut qu’il soit opérationnel. Les organisations
internationales et communautaires ont mis en œuvre des organes juridictionnels pour résoudre
les conflits en leur sein et donc les conflits opposant les agents aux organisations qu’ils
servent. Avant le règlement des différends devant le juge (chapitre I), les organisations ont
prévu les possibilités de règlement non juridictionnel des différend (chapitre II).

Chapitre I : Le règlement non juridictionnel des différends

Le règlement non juridictionnel est le mécanisme de règlement des différends en


dehors d’une juridiction. Les organisations internationales et communautaires ont mis en
œuvre les mécanismes de résolution non juridictionnels des différends entre leurs agents et
elles. Le droit de la fonction publique internationale et communautaire n’étant pas unifié,
chaque institution a organisé le règlement non juridictionnel en sa manière même si, on peut
relever des éléments communs chez certaines d’entre elles. Comme mécanisme de règlement

20
non juridictionnel, on peut citer le recours hiérarchique (section I) et le règlement à amiable
(section II).

Section I : Le recours hiérarchique

Le recours hiérarchique a été consacré dans certaines organisations. Le Statut des


fonctionnaires de la CEMAC le consacre à son article 114, le Statut du personnel de l’ONU le
consacre dans la disposition 11.2, le Statut des Communautés Européennes, lui consacre le
recours hiérarchique en son article 90. Seront examinées ici les conditions (paragraphe I) et
les autorités compétentes pour recevoir les recours hiérarchiques (paragraphe II).

Paragraphe I : Les conditions du recours hiérarchique

Pour qu’il y ait recours hiérarchique, il faut tout d’abord qu’il existe un différend, une
contestation (A), aussi un certain nombre de délais doit être respecté (B).

A- L’existence d’une contestation

Lorsqu’on parle de recours, c’est qu’il y a automatiquement une contestation. Il ne


peut y avoir de recours sans contestation. Dans le droit de la fonction publique internationale
et communautaire, la contestation émane de l’agent qui estime que son supérieur a pris
expressément ou implicitement un acte qui lui fait grief. C’est donc cet acte qui fait l’objet de
la contestation. L’existence d’une contestation conditionne le recours hiérarchique, en plus de
cette contestation, l’agent doit respecter les délais de saisine de l’autorité compétente.

B- Le respect des délais

Il existe des délais pour saisir l’autorité compétente d’une contestation. Ces délais
peuvent varier d’une organisation à l’autre. Dans le cadre de la CEMAC, la réclamation doit
être introduite dans un délai de deux (2) mois au plus. Ce délai court à compter :

- Du jour de la publication de l’acte, s’il s’agit d’une mesure de caractère général ;


- Du jour de la notification de la décision au destinataire, et en tout cas, au plus tard,
du jour où l’intéressé en a eu connaissance, s’il s’agit d’une mesure de caractère
individuel ;
- La date d’expiration du délai de réponse, lorsque la réclamation porte sur une
décision implicite de rejet au sens de l’article 114. (art 115).

Pour le Statut des CE, la réclamation doit être introduite dans les trois (3) mois à compter :

21
- Du jour de publication de l’acte s’il s’agit d’un acte général ;
- Du jour de la notification de la décision au destinataire ; s’il s’agit d’un acte
individuel ;
- A compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsque la réclamation porte
sur une décision implicite de rejet au sens du paragraphe 1.

Paragraphe II : Les autorités compétentes pour recevoir les recours hiérarchiques

On étudiera les autorités compétentes pour recevoir les recours hiérarchiques au sein
des Communautés Européennes (A) et de la CEMAC (B).

A- Au sein des Communautés Européennes

Au sein des CE, c’est l’autorité investie du pouvoir de nomination qui est habilitée à
recevoir les recours hiérarchiques du personnel des communautés. En effet, au terme de
l’article 90 (a), « Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du
pouvoir de nomination d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision (…) ».
L’alinéa b) quand à lui dispose : « Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité
investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief
(…).

B- Au sein de la CEMAC

Le Statut de la CEMAC semble instaurer ce qu’on pourrait appeler, un double degré


de recours hiérarchique. Ce qui met en exergue deux autorités compétentes pour le recours
hiérarchique. Le Statut parle de l’autorité compétente de l’institution, de l’organe ou de
l’institution spécialisée dont relève l’agent (art 114) et le comité consultatif de discipline (art
115). En effet, le fonctionnaire selon l’article 114, le fonctionnaire peut saisir en respectant la
voie hiérarchique, l’autorité compétente de l’Institution, de l’organe ou de l’Institution
Spécialisée dont il relève, de toute requête l’invitant à prendre une décision à son égard. A
l’expiration du délai de trois (3) mois le silence de l’autorité compétente vaut décision
implicite de rejet.

C’est cette décision implicite de rejet qui permet au fonctionnaire de saisir le comité
consultatif de discipline. Si le fonctionnaire n’est pas satisfait de l’avis du comité, il peut
saisir le juge.

Section II : Le règlement amiable

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La consécration du règlement amiable (paragraphe I) dans le règlement des différends
ne se fait pas sans effets de celle-ci (paragraphe II).

Paragraphe I : La consécration du règlement amiable

Le règlement amiable des différends opposant une organisation à son fonctionnaire a


été consacré par le Statut et Règlement de l’ONU (A) certaines organisations par contre ne
l’ont pas consacré (B).

A- La consécration par l’ONU

Dans le Statut du personnel de l’ONU, le règlement amiable des différends est


consacré par la disposition 11.1. L’alinéa a) dispose que : « Tout fonctionnaire qui estime que
ses conditions d’emploi ou son contrat de travail n’ont pas été respectés est encouragé à
tenter de trouver un règlement amiable (…) ». L’alinéa b poursuit : « Le fonctionnaire et le
Secrétaire général peuvent tenter de trouver un règlement amiable notamment par voie de
médiation (…)».

B- La non consécration par certaines organisations

Certaines organisations notamment communautaires n’ont pas consacré le règlement


amiable des différends. La CEMAC et les Communautés Européennes se sont contentées de
consacrer le recours hiérarchique, faisant fie du règlement amiable. Ceci contribue à
confirmer la disparité du droit de la fonction publique dans la mesure où chaque organisation
a ‘’son droit’’ de la fonction publique internationale ou communautaire. Le moins qu’on
puisse dire est qu’il est toujours préférable de régler les différends amiable pour éviter
l’engorgement des tribunaux.

Paragraphe II : Les effets du règlement amiable

Le règlement amiable peut avoir plusieurs effets : la prorogation des délais (A), la
suspension de l’exécution de la décision en cause et la résolution du différend (B).

A- La prorogation des délais

Le règlement amiable a pour effet de proroger les délais impartis pour le contrôle
hiérarchique de la décision administrative contestée et pour la saisine du tribunal. En effet,
lorsque la procédure de règlement amiable est déclenchée, le Secrétaire Général peut proroger
les délais dans les conditions fixées par lui, en attendant l’issue de toutes tentatives de

23
résolution du différend. Le règlement amiable peut aussi avoir pour effet la suspension de
l’exécution de l’acte querellé.

B- La suspension de l’exécution de la décision en cause

A propos de la suspension de l’exécution de la décision querellée, il faut relever qu’en


principe, l’introduction d’une demande de règlement amiable d’un différend n’opère pas
suspension de la décision administrative contestée (disposition 11.3a). Toutefois, lorsque cette
décision doit faire l’objet d’une tentative de règlement amiable, le fonctionnaire peut par voie
de requête, demander au Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies d’ordonner
qu’il soit sursis à l’exécution de la décision contestée en attendant qu’il soit procédé au
contrôle et que l’intéressé soit informé de l’issue dudit contrôle.

Le règlement non juridictionnel des différends permet de résoudre les conflits sans
pour autant passer devant un tribunal, mais en cas de non satisfaction, la procédure
juridictionnelle peut être déclenchée.

Chapitre II : Le règlement juridictionnel des différends

Le règlement juridictionnel des différends se fait devant un tribunal. Les organisations


internationales et communautaires ont instauré en leur sein des juridictions permettant de
résoudre les conflits qui les opposent à leur personnel en cas de non aboutissement des
procédures de règlement non juridictionnel. Porter un litige devant un tribunal obéit à un
certain nombre de règles, il faut respecter les conditions de saisine et de recevabilité (section
I) et le déroulement du procès (II).

Section I : Les conditions de saisine et de recevabilité

Dans toute juridiction, qu’elle soit nationale, internationale ou communautaire, il


existe un certain nombre de conditions de saisine et de recevabilité du juge et le contentieux
de la fonction publique internationale et communautaire ne déroge pas à cette règle. Ces
conditions sont subjectives (paragraphe I) et objectives (paragraphe II).

Paragraphe I : Les conditions subjectives

Pour saisir un juge, il faut respecter les conditions de saisine, celles-ci sont l’intérêt à
agir (A) et la qualité pour agir (B).

A- L’intérêt à agir

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L’intérêt à agir désigne le motif permettant à un individu de se prévaloir d’un intérêt
lésé et pour lequel il se pourvoit en justice. Une juridiction peut rejeter l’action d’un
justiciable en déclarant qu’il n’a pas d’intérêt à agir. L’intérêt à agir est donc une
caractéristique fondamentale définissant la notion de sujet de droit. Il consiste dans l’avantage
matériel ou moral qu’attend celui qui introduit l’action.

Au sein de la CEMAC, l’intérêt à agir est traité à l’article 14 de la Convention


régissant la Cour de Justice de la CEMAC. Cet article dispose que : « la Chambre Judiciaire
connait, sur recours de tout Etat membre, de tout Organe de la CEMAC ou de toute personne
physique ou morale qui justifie d’un intérêt certain et légitime (…) ». L’intérêt à agir doit être
certain et légitime sont donc exclus l’intérêt incertain ou l’intérêt illégitime.

B- La qualité pour agir

Un individu a qualité à agir lorsqu’elle est la première concernée par la prétention


qu’il demande au juge. La qualité pour agir nécessite de posséder un titre ou un droit
particulier pour pouvoir intenter l’action. Le titre qui donne qualité pour agir ici est le titre de
fonctionnaire international ou communautaire.

N’ont donc pas qualité pour agir, les fonctionnaires du régime local lorsqu’ils existent
dans une organisation (la CEMAC) : ce sont des fonctionnaires et agent liés par un contrat de
droit local (article 113 du statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la CEMAC ;
art.4 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC. Le statut du personnel de
l’ONU reconnait les fonctionnaires recrutés localement mais ils ne sont pas soumis au régime
local, car le statut précise bien que tout personnel de l’ONU est fonctionnaire international.

Paragraphe II : Les conditions objectives

Les conditions objectives de saisine et de recevabilité sont liées aux réclamations


préalables (A) et aux délais (B).

A- Les réclamations préalables (le recours gracieux)

Les réclamations préalables sont celles faites avant de recourir au juge, elles sont
généralement faites devant l’autorité hiérarchique. Elles conditionnent la recevabilité du
recours. C’est dire pour saisir le juge, il faut au préalable saisir l’autorité hiérarchique (telle
qu’étudiée dans le cadre des recours hiérarchiques au chapitre précédent). C’est en cas
d’insatisfaction que le litige peut être porté devant la juridiction compétente en fonction de

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l’organisation. Selon l’article 91 (2), du statut des CE, « Un recours à la Cour de justice des
Communautés européennes n’est recevable que si l’autorité investie du pouvoir de
nomination a été préalablement saisie d’une réclamation (…). Si le recours hiérarchique n’a
pas été fait, la requête devant le juge sera jugée irrecevable (arrêt n° 001/CJ/CEMAC/CJ/04
du 18 mars 2004, affaire Galbert ETOUA c/CEMAC, défaut de saisine préalable du Comité
consultatif de discipline).

Toutefois au sein de l’ONU, certains fonctionnaires ne sont pas tenus de demander le


contrôle hiérarchique de certains actes (disposition 11.2b) avant de saisir le tribunal du
contentieux administratif des Nations Unies, ils peuvent le faire directement (disposition 11.4
b)).

B- Les délais

La saisine d’une juridiction obéit également au respect des délais de saisine. Ces délais
sont variables en fonction des organisations et donc des juridictions. Dans le cadre des
Communautés Européennes par exemple, le recours devant le juge doit etre formé dans un
délai de trois (03) mois, ce délai court :

- Du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ;


- A compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsque le recours porte une
décision implicite de rejet d’une réclamation (art. 91 (3), statut des CE).

Le statut de la CEMAC aussi pose un délai de 3mois pour former un recours


juridictionnel (art. 119). Qu’en est-il du déroulement du procès?

Section II : Le déroulement du procès

Ici nous n’entrerons pas dans les débats au prétoire, nous analyserons l’office du juge
(paragraphe I) et la porttée de ses décisions (paragraphe II).

Paragraphe I : L’office du juge

L’office du juge sera étudié d’une part dans le cadre du contentieux en indemnisation
(A) et d’autre part dans le cadre du contentieux en annulation (B).

A- Dans le cadre du contentieux en indemnisation

26
Le fonctionnaire international ou communautaire, peut demander réparation d’un
dommage issue de sa relation de travail. L’article 20 de la Convention sur la Chambre
Judiciaire de la CEMAC dispose que celle-ci connait des litiges relatifs à la réparation des
dommages causés par les Organes de Institutions de la Communauté ou par les agents de
celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions.

Lorsque les conditions sont réunies, le juge prononce l’indemnisation du fonctionnaire


pour faute de l’Organisation ou de la Communauté. Généralement, il est difficile que la
demande en indemnisation soit la demande principale. Le fonctionnaire demandeur procède à
la combinaison des deux actions dans sa requête : la demande en annulation et la demande en
indemnisation, la demande en annulation étant la demande principale. Les demandes en
indemnisation comme action principale sont rares mais pas inexistant, c’est le cas de l’arrêt
n°002/CJ/CEMACICJ/09 du 27/03/2009, affaire Enoch DERANT LAKOUE c/ BEAC, le
fonctionnaire conteste sa mise à la retraite alors qu’il a atteint la limite d’âge, il demande
réparation du préjudice de ce qu’il considère qu’il s’agit d’une révocation déguisée. Mais la
demande n’a pas prospérée.

B- Dans le cadre du contentieux en annulation

Le fonctionnaire peut demander annulation d’une décision de l’organisation et de la


Communauté qui lui fait grief. Dans ce cas, le juge peut rejeter la demande si la contestation
n’est pas fondée. Dans le cas contraire, il prononce l’annulation de l’acte. Cette annulation a
un effet rétroactif. Celle-ci peut être totale ou partielle.

Au regard de la jurisprudence constante de la jurisprudence européenne, qui a été


reprise dans la pratique par le juge de la CEMAC, le juge ne saurait donner des injonctions
aux institutions de la Communauté ou de l’organisation internationale ordonnant par exemple
la mise en service d’un fonctionnaire illégalement licencié. Il revient à l’Organisation en
cause de recréer les conditions antérieures du fonctionnaire qui a obtenu devant la cour
l’annulation d’un acte qui lui fait grief. L’article 16 de la Convention de la CEMAC pose
qu’en cas de non exécution d’un arrêt de la Cour, l’Etat membre ou l’organe fautif, doit
prendre les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt, en cas de refus de se conformer, tout
Etat ou organe de la CEMAC saisit la Conférence des Chefs d’Etats. Ceci pourrait constituer
le départ d’un recours en manquement.

Paragraphe II : La portée des décisions du juge

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L’autorité des décisions du juge peut être examinée selon qu’on est en présence de la
consécration d’un seul degré de juridiction (A) ou du double degré de juridiction (B).

A- Avec la consécration d’un seul degré de juridiction

Certaines organisations internationales ou communautaires ont procédé à la


consécration d’un seul degré de juridiction, c’est le cas de la CEMAC. La Cour de Justice de
la CEMAC rend les arrêts en premier et dernier ressort (art 120). Il en est de même pour ce
qui est de la Cour de Justice des CE. C’est dire qu’il n’existe pas des possibilités d’interjeter
appel contre les décisions du juge. Lorsqu’elles sont rendues, elles doivent être exécutées.

La consécration d’un seul degré de juridiction peut constituer une limite à la bonne
administration de la justice. Ce qui n’est pas le cas avec la consécration du double degré de
juridiction.

B- Avec la consécration du double degré de juridiction

L’ONU est l’une des organisations ayant consacré le double degré de juridiction.
Ainsi, le fonctionnaire en tant que demandeur ou l’organisation en tant que défendeur peuvent
interjeter appel en cas de non satisfaction de la décision du juge de première instance. Le
fonctionnaire attaque les décisions administratives devant le Tribunal du contentieux
administratif des Nations Unies (disposition 11.4). La disposition 11.5 a), précise que le
Tribunal d’appel des Nations Unies est compétent pour connaitre des recours formés contre
les jugements du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies.

L’appel des décisions, permet un meilleur examen de l’affaire par d’autres juges. Ceci
est un gage de la bonne application du droit. Le juge de première instance peut commettre une
erreur de droit ou même de fait, qui pourra être corrigée par le juge d’appel.

Que ce soit un seul degré de juridiction ou un double degré de juridiction, le problème


de la non exécution des décisions juridictionnelles semble devoir se poser avec la même
intensité. L’autorité du juge est gravement remise en cause, lorsque c’est un Etat ou une
Organisation qui ne se soumet pas à la décision du juge.

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