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Evaluation de la politique étrangère du Cameroun à

partir des modélisations et de l’analyse du discours


(1982-2002)
Joel Tresor Nyonka’a

To cite this version:


Joel Tresor Nyonka’a. Evaluation de la politique étrangère du Cameroun à partir des modélisations et
de l’analyse du discours (1982-2002). Science politique. Université de Yaoundé II (Cameroun), 2021.
Français. �NNT : �. �tel-03548324�

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
Institut des Relations International Relations
Internationales du Cameroun Institute of Cameroon
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ECOLE DOCTORALE
UNITE DE FORMATION DOCTORALE EN RELATIONS INTERNATIONALES
LABORATOIRE DE GEOPOLITIQUE, DEFENSE ET SECURITE

THEME :
POLITIQUE ETRANGERE ET DIPLOMATIE CAMEROUNAISES (1982-2002) :
EVALUATION DE LA POLITIQUE ETRANGERE
D’UN ETAT AFRICAIN

Reformulé après soutenance publique, le 27 janvier 2021, pour le Titre de Docteur/Ph. D. en


Science Politique/Relations Internationales, et sur recommandation du Jury :

ÉVALUATION DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CAMEROUN À PARTIR


DES MODÉLISATIONS ET DE L’ANALYSE DU DISCOURS (1982-2002)

Par :
Joël Trésor NYONKA’A
Master en Science Politique

Sous la Direction de :
Monsieur le Professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE
Professeur Titulaire des Universités Hors Échelles

Jury de soutenance
Président : Pr Ibrahim MOUICHE, Université de Yaoundé II
Rapporteurs :
- Pr Christopher NSOH NDIKUM, Université de Yaoundé II
- Pr Hilaire de Prince POKAM, Université de Dschang
Membres :
- Pr Yves Paul MANDJEM, Université de Yaoundé II
- Pr Joseph Vincent NTUDA EBODE (Directeur de la Thèse), Université de Yaoundé II

Janvier 2021
L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les
thèses et mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

Page | ii
DEDICACES

A ma Famille,

A ma Patrie,

Au monde.

Page | iii
NOTE DE REMERCIEMENTS

Si nous avons pu surmonter un grand nombre des difficultés rencontrées pour


l’aboutissement de cette Thèse, c’est grâce à l’intervention de bienveillantes personnes qui nous
ont aidé de conseils, prêté des livres qu’il nous était difficile d’acquérir et rendu des services en
tout genre. Qu’elles reçoivent ici notre profonde gratitude pour leur inestimable apport.

M. Joseph Vincent NTUDA EBODE, notre Directeur de Thèse, Professeur Titulaire de


Science politique à l’Université de Yaoundé II qui, à travers l’encadrement qu’il nous a donné
depuis notre première année d’études de Science politique, soit déjà une douzaine d’années, a été
une véritable inspiration pour nous par sa rigueur intellectuelle, sa disponibilité et surtout son
ouverture d’esprit. Qu’il en soit mille fois remercié.

M. OUMAROU CHINMOUN, Secrétaire Général par intérim et Directeur des Affaires


d’Amérique et des Caraïbes au Ministère des relations extérieures (MINREX) du Cameroun, et
M. NDONGO ONANA BIYEGA Thomas, Sous-Directeur des Relations avec les Pays
d’Amérique du Nord, pour leur sollicitude à notre endroit, leurs conseils et encouragements.

A nos collègues, notamment ceux du Bureau 102 de la Direction des Affaires d’Amérique
et des Caraïbes, pour leurs appuis multiformes et leurs encouragements.

Au staff de Inside Consulting (INCO) et des Responsables et collègues du Comité PPBS


du MINREX. Leur sollicitude a permis des avancées décisives dans la rédaction et la finalisation.

Nos sœurs et frères, notamment nos sœurs ainées NYANGUI Carine et MAMBOUI Rita
qui n’ont ménagé aucun effort et aucune attention pour que nous arrivions jusqu’à ce point.

Nos parrains : le Padré Paul NDE, M. NGONDJO Jean Démosthène, et les Sœurs de
Ste Anne de MESSAMENDONGO, qui ont financé nos années d’études au Lycée, notre
formation à l’IRIC et notre premier cycle d’études universitaires.
Nos remerciements enfin à tous nos Enseignants, et à tous ceux dont les noms ne figurent
pas ici.
Nous sollicitons l’indulgence du lecteur pour toutes les imperfections qu’il pourra déceler
dans ce travail.

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SIGLES ET ABBREVIATIONS

ACP Afrique Caraïbes Pacifiques

AGONU Assemblée Générale des Nations Unies

BJ Beijing

BR Bruxelles

BRICS Brésil Inde Chine Afrique du Sud

CBLT Commission du Bassin du Lac Tchad

CDMT Cadre de dépenses à moyen terme

CEA Commission Economique des Nations Unies


pour l’Afrique

CEEAC Communauté Economique des Etats de


l’Afrique Centrale

CEMAC Communauté Economique et Monétaire de


l’Afrique Centrale

COI Concept Opératoire Isolé

ENS Ecole Normale Supérieure

EPI Economie Politique Internationale

FNLA Front National de Libération de l’Angola

FPAE Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en


Afrique Centrale

INC Institut National de Cartographie

Page | v
INCO Inside Consulting

IRIC Institut des Relations Internationales du


Cameroun

LA Lagos

MINEPAT Ministère de l’économie, de la planification


et de l’aménagement du territoire

MINREX Ministère des relations extérieures

MOOC Massive Online Opened Course

MPLA Mouvement Populaire de Libération de


l’Angola

NY New-York

OI Organisations internationales

OIF Organisation Internationale de la


Francophonie

ONG Organisation Non-gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

ONUDI Organisation des Nations Unies pour le


Développement Industriel

OTAN Organisation du traité de l’Atlantique nord

OUA Organisation de l’Unité Africaine

PA Paris

PPBS Planification, Programmation,


Budgétisation, Suivi/Evaluation

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RAP Rapport annuel de performances

RO Rome

SG-ONU Secrétaire général des Nations Unies

SOPECAM Société de Presse et d’Editions du Cameroun

SWAPO « South West Africa People’s Organisation »

UDEAC Union Douanière et Economique de


l’Afrique Centrale

UNESCO Organisation des Nations Unies pour


l’Education, la Science et la Culture

UNITA Union pour l’Indépendance Totale de


l’Angola

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SOMMAIRE
CHAPITRE INTRODUCTIF ......................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE.- MODELISATIONS GRAPHIQUES ET CARTOGRAPHIE DE LA


DIPLOMATIE CAMEROUNAISE A PARTIR DU DISCOURS ............................................... 88

CHAPITRE PREMIER.- MODELISATIONS GRAPHIQUES DE LA DIPLOMATIE


DISCURSIVE ........................................................................................................................... 96

CH II.- CARTOGRAPHIE THEMATIQUE DE LA DIPLOMATIE CAMEROUNAISE :


ENTRE GRAPHISME ET GEOGRAPHISME ..................................................................... 150

DEUXIEME PARTIE.- LA GEODIPLOMATIE PRESIDENTIELLE CAMEROUNAISE AU


PRISME DE L’ANALYSE DU DISCOURS ET DE LA THEORIE DES RELATIONS
INTERNATIONALES ............................................................................................................... 205

CH III.- L’ANALYSE DISCURSIVE : UNE ANALOGIE DE LA GEODIPLOMATIE


PRESIDENTIELLE ................................................................................................................ 216

CH IV.- L’INTERPRETATION : GEODIPLOMATIE PRESIDENTIELLE, POLITIQUE


ETRANGERE ET RELATIONS INTERNATIONALES...................................................... 281

CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................... 314

I. Rappel des objectifs et de la démarche ....................................................................... 314

II. Problématique ............................................................................................................. 316

III. Hypothèses de travail................................................................................................ 317

IV. Cadre théorique......................................................................................................... 317

V. Principaux résultats et interprétation .......................................................................... 321

VI. Nouvelles pistes de recherches ................................................................................. 322

Annexes................................................................................................................................... 324

Indexe alphabétique des concepts ........................................................................................... 373

Liste des figures ...................................................................................................................... 375

Liste des tableaux .................................................................................................................... 376

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 378

Page | viii
RESUME

Comment évaluer de façon systématique la politique étrangère d’un Etat comme le


Cameroun ? La littérature sur la diplomatie et celle sur l’analyse de la politique étrangère
s’accordent aussi bien sur l’appartenance de cette dernière au cercle des politiques publiques, que
sur la difficulté qu’il y a à l’évaluer. Les auteurs fondent leurs points de vue en la matière sur la
particularité de ladite politique, entre autres, sa grande réactivité à la conjoncture internationale et
sa permanence temporelle. Aussi, la question de l’échéance et des critères de l’évaluation de la
politique étrangère est-elle demeurée un problème à résoudre. Le présent travail se propose de
démêler l’écheveau de la possibilité ou non d’une évaluation (systématique) de la politique
étrangère, à partir de l’exemple du Cameroun. Il détermine, dans une perspective complexe, les
critères ou modalités d’évaluabilité, dont, entre autres, celui de partir non pas d’une organisation
lourde et plurielle telle qu’un ministère, mais d’un rôle institutionnel monolithique et complet à
l’instar de celui de président de la République, chef d’Etat. Il procède par l’exploitation d’un
corpus de discours archivés sur vingt ans et l’adoption de la démarche de modélisation graphique
et de la cartographie, le tout dans une approche hypothético-inductive propre à la sociologie des
Relations internationales. Le modèle d’évaluation ainsi établit permet de constater que sur les vingt
ans examinés, la politique étrangère camerounaise appréhendée à partir du discours diplomatique
a eu : 1) une perspective géodiplomatique occidentale élevée, avec fort ancrage en Europe de
l’Ouest et en France ; 2) une perspective géodiplomatique africaine relativement moyenne, limitée
au Nigéria (diplomatie bilatérale) au Gabon et à l’Ethiopie (diplomatie multilatérale) ; 3) une
perspective géodiplomatique asiatique faible, limitée à la diplomatie bilatérale et à la Chine. Par
ailleurs, sur la période considérée, l’Amérique Centrale et du Sud, l’Asie du Sud-Est, l’Océanie,
le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont demeurées des zones grises diplomatiques, et donc des
zones de moindre intérêt pour la politique étrangère camerounaise. L’Afrique culturelle reste en
outre négligée, alors que la diplomatie camerounaise sur ladite période a oscillé entre modernité
(réalisme classique et libéralisme institutionnel) et postmodernité théoriques (constructivisme
critique et néomarxisme).

Mots clés : Cameroun, Diplomatie, discours, évaluation, géodiplomatie, modélisations, Politique


étrangère.

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SUMMARY

How can the foreign policy of a State like Cameroon be systematically assessed? The
literature on diplomacy and on foreign policy analysis seem to agree, on the one hand, on the fact
that the later belongs to the public policy analysis domain and, therefore, on the other hand, on the
difficulty in assessing it. This, due to its particularity, groomed, among other things, in its great
reactivity to the international situation and its temporal permanence. Thus, the question of the
timing and criteria for assessing foreign policy has remained an unknown to be resolved. This
work attempts to unravel the tangle of the possibility or not of a (systematic) assessment of foreign
policy, based on the example of Cameroon. It then determines, in order to achieve this, in a
complex approach, the criteria of assessibility, including that of starting not from a heavy and
plural organization such as a ministry, department or agency, but from a monolithic and complete
institutional role like that of President of the Republic, Head of State. It proceeds by exploiting a
corpus of speeches archived over twenty years and by adopting the approach of graphic modeling
and mapping, all in a hypothetico-inductive perspective specific to the sociology of International
Relations. The results arrived at the end of the application of this new assessment model, show
that Cameroon's foreign policy, apprehended from the diplomatic discourse, had: 1) a high Western
geodiplomatic perspective, with strong roots in Western Europe and France; 2) a relatively average
African geodiplomatic perspective, limited to Nigeria (bilateral diplomacy) and in Gabon and
Ethiopia (multilateral diplomacy); 3) a weak Asian geodiplomatic perspective, limited to bilateral
diplomacy and China. Moreover, over the period under review, Central and South America, South-
East Asia, Oceania, the Middle East and North Africa remained diplomatic grey areas, and
therefore areas of lesser interest to Cameroonian foreign policy. Cultural Africa remains neglected,
while Cameroonian diplomacy over the said period has oscillated between theoretic modernity
(classical realism and institutional liberalism) and postmodernity (critical constructivism and
neomarxism).

Key words: Assessment, Cameroun, Diplomacy, Discourse, Foreign policy, Geodiplomacy,


modelling.

Page | x
CHAPITRE INTRODUCTIF

Page | 1
I. CONTEXTE ET MOTIVATIONS

Depuis de nombreuses années, les auteurs en matière d’analyse de la politique étrangère et


d’études diplomatiques s’accordent aussi bien sur l’appartenance de la première au cercle des
politiques publiques, que sur la difficulté qu’il y a à l’évaluer. Cette difficulté découlerait, d’après
eux, de la nature particulière de la politique étrangère en tant que politique publique perçue comme
soumise à une grande réactivité à la conjoncture internationale, ainsi que de sa permanence
temporelle. Aussi, la question de l’échéance et des critères de l’évaluation de la politique
étrangère est-elle demeurée une équation à résoudre. Il faut dans ce sens se référer aux travaux
de Frédéric CHARILLON qui a souligné ladite spécificité de la politique étrangère.

En 2002, dans Politique étrangère : nouveaux regards1, ainsi qu’à l’occasion de sa


contribution subséquente dans la revue Les Notices en 2006, l’auteur évoque, parmi les trois
raisons majeures qui fondent la particularité de la politique étrangère comme politique publique,
« la difficulté de son évaluation »2. Il note en général que, le rayon d’action de la politique
étrangère :

« Dépasse par définition le territoire national ; [et qu’]elle consiste souvent à réagir ou à s’adapter
à des évènements externes sur lesquels les décideurs n’ont aucune prise »3.

Toute chose qui le conduit à s’interroger sur : « comment évaluer les résultats d’une
politique étrangère, à quelle échéance, sur quels critères ? »4. Depuis la formulation de ces
observations et interrogations, la doctrine semble continuer d’y souscrire. L’échéance et les
critères d’une évaluation systématique (c’est-à-dire appartenant à un système intellectuel,
procédant avec méthode ou mieux avec un ensemble de données, de méthodes relevant d’un
système de pensée) de la politique étrangère n’ayant à ce jour fait l’objet d’une tentative de
détermination. Une attitude que nous envisageons dépasser dans le cadre de ce travail.

Un préalable s’impose en la matière. En effet, le point de départ de l’évaluation


systématique de la politique étrangère d’un Etat, et en particulier d’un Etat africain tel que le

1
CHARILLON, F., « Introduction », In CHARILLON, F. (dir), Politique étrangère : nouveaux regards, Paris : Presses
de Sciences Po., 2002, pp. 13-29.
2
CHARILLON, F., « Les Etats et leurs politiques étrangères », In CHARILLON, F. (dir), Relations internationales,
LES NOTICES, Paris : La documentation française, 2006, pp.63-67, p. 65.
3
CHARILLON, F., « Introduction », In CHARILLON, F. (dir), Politique étrangère : nouveaux regards… Ibid.
4
CHARILLON, F., « Les Etats et leurs politiques étrangères », In CHARILLON, F. (dir)… Ibid., p. 65.

Page | 2
Cameroun serait, de notre point de vue, de centrer le regard non pas sur la formulation de ladite
politique publique, mais davantage, et de façon relationnelle, sur sa mise en œuvre. En effet, ce
n’est pas tant le programme d’action publique internationale qu’est la politique étrangère ou le
moment de sa formulation qui seraient seuls pertinents dans l’entreprise de son évaluation
systématique5, mais plutôt sa relation avec le temps long et l’espace.

Néanmoins, faire le rassemblement des résultats ponctuels obtenus des différentes


évaluations annuelles de la mise en œuvre de la politique étrangère ne nous semble pas une
approche pertinente dans l’ambition de son appréciation globale. Si cela suffisait, les nombreuses
évaluations effectuées annuellement au Ministère des relations extérieures (MINREX) du
Cameroun depuis l’avènement dans ce département ministériel, en 2012, de la budgétisation par
programmes, communément appelée « budget programme », aurait été suffisant pour se faire une
lecture systématisée de la mise en œuvre de la politique étrangère. Le présent travail n’aurait en
rien innover dans ce cas-là.

Mais, le Ministère des relations extérieures, organisation lourde, plurielle et éclatée (avec
de nombreuses structures internes, un démembrement régional au plan national et de nombreux
services extérieurs à l’étranger), n’offre pas les conditions idoines d’une systématisation évaluative
pouvant rendre compte fidèlement de la nature réelle de la politique étrangère6. Une telle ambition
ne contribuerait qu’à confirmer la difficulté de l’évaluation de la politique étrangère, comme déjà
pointée du doigt par Frédéric CHARILLON.

Notre point de vue est qu’il convient plutôt de partir d’un rôle institutionnel
monolithique du point de vue ontologique, mais complet dans le sens de sa capacité à

5
Il nous semble important de souligner la dimension systématique de l’exercice d’évaluation que nous entendons
réaliser ici, car des évaluations ponctuelles de la mise en œuvre de la politique étrangère, notamment sur une base
annuelle, sont en effet possibles et sont même pratiquées dans le cadre ministériel. Au Cameroun, cet exercice est
mené au ministère des relations extérieures, dans le cadre des activités des Comités internes de gestion de la Chaîne
Planification, Programmation, Budgétisation, Suivi/Evaluation en matière d’Investissement Public (PPBS). Ces
derniers ont été réactivités au sein du MINREX par Circulaire n° 050/MINEPAT du 24 septembre 2009, tandis que
les responsables y relatifs ont été désignés par Décision du ministre des relations extérieures n° 0763/DIPL/DAG du
23 novembre 2018. Ledit exercice de préparation du budget fait suite à la promulgation, en décembre 2007, du nouveau
régime financier qui pose les fondements d’une gestion des finances publiques responsabilisante, transparente et axée
sur les résultats. Nous avons eu l’opportunité, de 2016 au moment de la rédaction de ce travail, de faire partie du
Programme 077 (Chapitre budgétaire n° 06) desdits Comités, intitulé « Redynamisation de la coopération
multilatérale et de la coopération décentralisée », en tant que cadre d’appui.
6
Voir dès 1985, MERLE, M., « La politique étrangère », In GRAWITZ, M., et LECA, J., Traité de Science Politique
4 : Les politiques publiques, Paris : Presses Universitaires de France, 1985, pp. 467-533.

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déterminer aussi bien les orientations de la politique étrangère, qu’à jouer une partition
décisive dans sa mise en œuvre.

Cette complétude définitionnelle de la politique étrangère et participative à sa mise en


œuvre n’est reconnue, dans les Etats modernes, qu’au rôle institutionnel qui remplit la fonction de
chef d’Etat. Il peut s’agir, selon les cas, du président de la République (dans les pays à régime
présidentiel) du Premier ministre (dans les régimes parlementaires), du Souverain (dans les
royaumes). Au Cameroun, ladite capacité est l’apanage du président de la République. Aussi
Narcisse MOUELLE KOMBI estime-t-il que ce dernier jouît en la matière d’une « prééminence
institutionnelle ». Car, pour cet auteur, du fait notamment qu’il est placé :

« Au sommet de la pyramide étatique, le président de la République conçoit, conduit et détermine la


politique étrangère du pays »7.

Dans le cadre de ce travail, nous appellerons le moment de la participation du président de


la République à la conduite, c’est-à-dire à la mise en œuvre de la politique étrangère, la
« diplomatie présidentielle »8. Nous revenons plus en détails sur le sens à donner à cette notion
dans les pages qui suivent. Pour l’heure, approfondissons notre compréhension de la figure de
président de la République dans l’histoire institutionnelle française qui l’a vu naître, en Afrique et
particulièrement en Afrique francophone.

En effet, le président de la République est une figure remarquable de la vie institutionnelle


des Etats républicains modernes9, surtout ceux ayant en partage la langue française. Les liens
historiques entre ces derniers sont très souvent plus significatifs que la simple adoption par chacun
d’eux de ladite langue, dans le sens du rattachement selon les cas, à une même puissance coloniale,
mandataire sous la Société des Nations ou tutélaire sous l’Organisation des Nations Unies à savoir

7
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun, Paris : L’Harmattan, 1996, pp. 15-16.
8
A l’entame de ce travail, la notion de « diplomatie présidentielle » figurait au centre de notre réflexion et partant de
la formulation de notre thématique (voir Annexe II), à côté du concept de géopolitique qui faisait écho à la spatialité
de toute activité de mise en œuvre. Une dimension pertinente dans l’évaluation systématique que nous tentons ici.
9
Cette importante envergure des rôles institutionnels présidentiels se reflète de la plus belle des manières à l’occasion
de leurs déploiements internationaux, que ce soit dans le cadre de visites d’Etat ou de travail. Illustration qui a défrayé
la chronique : la rencontre au Sommet, le 12 juin 2018 à Singapour, entre le Président américain Donald TRUMP et
le chef d’Etat nord-coréen KIM JONG-UN (rencontre historique, la toute première entre dirigeants des deux pays,
après 70 ans d’antagonisme).

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la France. Le président de la République se caractérise ici par sa dimension protéiforme, son
omniprésence, son omnipotence et même son omniscience.

En tant que chef de l’Etat, il joue ou a joué un important rôle dans la construction des Etats
dans lesquels il trône en souverain quasi incontesté. Où il advient des contestations de son autorité,
l’on observe par ailleurs, en général, une déstabilisation profonde et une instabilité soutenue de la
société. Il suffit d’observer la réalité des crises sociopolitiques en Afrique francophone pour s’en
rendre compte.

Pourtant, ces instabilités du fait de la quasi toute-puissance du président de la République


n’est pas l’apanage de l’Afrique noire francophone. Le cas de la France, sous les IIIe et IVe
Républiques notamment, est évocateur. Mais paradoxalement, ici, deux écoles se distinguent :
celle qui considère que l’instabilité peut être attribuée à la faiblesse institutionnelle du président
de la République, et l’autre qui considère que cette dernière découlerait davantage de sa toute-
puissance. Allant dans le sens de la deuxième hypothèse, qui nous intéresse particulièrement,
Marie-Anne COHENDET confirme que la source première de l’instabilité institutionnelle dans les
régimes présidentiels, notamment en France, se justifie par les :

« Abus de pouvoirs présidentiels, spécialement dans son opposition à l’émergence d’un Premier
ministre à la fois légitime, responsable et puissant »10.

En effet, l’Occident, considéré comme le berceau du rôle institutionnel de président de la


République moderne, et dont la France s’avère l’Etat le mieux représentatif, continue
d’appréhender, notamment sous la Ve République, ledit rôle comme encore trop « surpuissant et
incontrôlable »11. D’après Marie-Anne COHENDET :

« Hors cohabitation, il parvient à jouer le rôle d’un « super-président », d’un « hyper-président » ou


même d’un « omni-président ». De 2007 à 2012, il est partout. Les ministres ? On ne les voit pas, tant
ils sont confinés dans son ombre. Le Premier ministre ? Il est réduit à n’être que son
« collaborateur ». Les députés ? Ils sont accusés de fronde dès qu’ils émettent une opinion non
estampillée par l’Elysée. Le président répète à l’envi qu’il est responsable de tout… alors justement
qu’il est quasiment irresponsable. Voilà en fait le chef de l’exécutif le plus puissant et le plus

10
COHENDET, M-A., Le président de la République, Paris : Dalloz, 2e éd., 2012, p. 2.
11
Ibid., p. 1.

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incontrôlable de l’Union européenne. Il cumule les pouvoirs de fait du premier ministre anglais et
l’irresponsabilité de la Reine d’Angleterre »12.

Si en France, seul pays de l’Union Européenne dans lequel, hors cohabitation, le régime
parlementaire bireprésentatif fonctionne dans un système présidentialiste, le président de la
République est parfois « le chef de la majorité à la tête de l’exécutif et parfois un contre-pouvoir
modérateur »13, la situation des pays d’Afrique francophone, et notamment du Cameroun, est tout
autre. Ici, en effet, les efforts semblent aller dans le sens de la non limitation des pouvoirs du
président de la République, que ce soit en matière d’établissement de sa responsabilité devant le
Parlement ou pour ce qui est de sa soumission à toute obligation de contreseing de ses actes,
notamment par le Premier ministre. Cette lecture, du président de la République en Afrique
francophone, incontrôlable et surpuissant, est partagée par Frédéric Joël AIVO.

Dans une étude publiée en 200714, l’auteur explore la genèse, les mutations et envisage
l’avenir de la fonction présidentielle en Afrique noire francophone. Relogeant l’exercice de ladite
fonction dans son environnement institutionnel, il élabore « la trame d’exercice de l’autorité
présidentielle dans une sphère culturelle spécifique »15, en l’occurrence l’Afrique noire
francophone, afin d’évaluer l’« exceptionnelle particularité » des différents outils de pouvoir qui
y sont en usage16.

S’appuyant sur les travaux des auteurs comme Jean-François BAYART, Jean-François
MEDARD, Daniel BOURMAUD, Luc SINDJOUN, Maurice KAMTO, Gérard CONAC et
Dominique DARBON, Frédéric Joël AIVO présente :

« Le président de la République, dans nombre de ces régimes politiques postcoloniaux [comme étant]
[…] un outil de prédation qui réduit la classe politique à un état de servitude, de servilité, et confine
les acteurs institutionnels dans un rôle de prébendiers insincères »17.

Frédéric Joël AIVO soutient en effet que :

12
COHENDET, M-A., Le président de la République… Op. cit., p. 1.
13
Ibid., p. 16.
14
AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone : genèse, mutations et avenir de la fonction,
Paris : L’Harmattan, 2007.
15
Ibid., p. 29.
16
Idem.
17
Ibid. p. 28.

Page | 6
« […] dans plusieurs pays africains et quel que soit le mode d’organisation sociale, le président de
la République est un des points les plus crédibles d’attraction de l’intérêt national. Il possède seul la
principale énergie de captation de toutes les clientèles politiques, sociales, économiques et culturelles
du corps social. Ce personnage de l’Etat détient généralement entre ses seules mains, l’essentiel du
pouvoir exécutif. Il joue de ce fait, un rôle prépondérant dans la détermination et la conduite de la
politique de la nation18. Le président de la République reste aussi l’animateur principal du système
et du jeu politique à l’échelle nationale. En toute logique, nombre de textes constitutionnels
consacrent au profit du chef de l’Etat les pouvoirs dits « régaliens » qui étendent son autorité de
manière presque exclusive aux domaines stratégiques de la conduite des affaires publiques »19.

Dans le même ordre d’idées, l’auteur note que :

« Le président africain exerce en réalité, en dehors des fonctions que lui confère les textes, un rôle
bien plus complexe et bien plus étendu que celui qui découle de manière classique de la fonction. Son
charisme, l’expression de sa personnalité, la conception qu’il a lui-même de sa fonction et le
paternalisme qui caractérise sa conduite vis-à-vis de ses compatriotes, sont sans commune mesure
avec l’exercice classique de la fonction de président de la République »20.

En définitive, pour Frédéric Joël AIVO :

« A la mesure de plus de quatre décennies de pratique institutionnelle, il découle une perception


mystique, syncrétique, patrimoniale de la fonction présidentielle. Comme jadis les monarques
africains, le président de la République que reproduit l’appropriation d’outils coloniaux, ne peut
répondre de ses actes devant le peuple. Il ne pourrait le faire que devant les ancêtres »21.

Mais, plus précisément, quelles sont les attributions du président de la République en


matière notamment de politique étrangère ? Pour Marie-Anne COHENDET, le président de la
République demeure également ici, « surpuissant et incontournable »22.

Dans les Républiques de l’ère post westphalienne, il est à la fois acteur et instrument de la
mise en œuvre de la politique étrangère de l’Etat. Chef de l’Etat, il est un acteur exclusif de la
définition, et primordial de la mise en œuvre de ladite politique. Une primordialité qui s’établit par

18
C’est nous qui soulignons.
19
AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone … Ibid., p. 26.
20
Idem.
21
Ibid. p. 24.
22
COHENDET, M-A., Le président de la République, Paris : Dalloz, 2e éd., 2012, p. 1.

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action (implication physique et personnelle dans la mise en œuvre) ou par destination (implication
par l’intermédiaire de représentants dit personnels - Ambassadeurs, envoyés spéciaux, etc.).

En tant que variable instrumentale de la mise en œuvre de la politique étrangère, le


président de la République, chef de l’Etat, emporte la spécificité d’être monolithique, c’est-à-dire,
contrairement aux instruments de mise en œuvre des politiques publiques constitués de plusieurs
acteurs individuels en corps, avec souvent des vues contradictoires pouvant perturber l’action, le
président de la République a la capacité, parce qu’incarnant en principe l’Etat, d’agir pour le
compte de ce dernier sans aucun intermédiaire. Tel est généralement le cas quand il s’implique
dans la formulation d’abord, et la mise en œuvre parfois, de la politique étrangère. S’il existe
d’autres instruments ou acteurs de la mise en œuvre de la politique étrangère, du moins pour ce
qui est du Cameroun, ceux-ci s’avèrent simplement des acteurs délégués et se limitent à un rôle
d’accompagnement, en amont, de l’action du président de la République ou de simples conseils23.
Ce dernier est alors seul responsable de l’action qu’il produit personnellement, au nom de l’Etat,
sur la scène internationale, qu’elle soit à caractère ontologique (déplacements officiels), écrite
(échanges épistolaires avec les autres souverains, signatures d’actes administratifs à caractère
diplomatiques, signatures de traités ou promulgations de conventions internationales) ou
discursive (discours à caractère diplomatiques).

Dans le contexte camerounais, la maitrise des contours du statut institutionnel de président


de la République doit pouvoir se faire à la lumière des dispositions constitutionnelles pertinentes.
Celui-ci a en effet été soumis, dans le temps, à une intense activité de construction/déconstruction
en fonction des modifications opérées dans la loi fondamentale du pays. Ainsi, de président de la
République du Cameroun avec l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 mars 1960, on est passé
à président de la République Fédérale du Cameroun, puis à président de la République Unie du
Cameroun avant d’opérer un retour à l’appellation président de la République avec les révisions
constitutionnelles des années 1972.

Suivant les dispositions de la loi n° 96/6 du 18 janvier 1996 modifiée par la loi n° 2008/001
du 14 avril 2008 portant Constitution de la République du Cameroun, le président de la République

23
Surtout que dans la pratique, formulation et mise en œuvre de la politique étrangère se co-accompagnent dans un
cycle infini où le chef de l’exécutif d’Etat agit en déconstruisant des formulations antérieures des différentes politiques
étrangères en vue de maximiser les chances de sauvegarde des intérêts nationaux.

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et le gouvernement sont les deux éléments qui forment le pouvoir exécutif. Cinq articles de la
Constitution sont consacrés au président de la République (articles 5 à 10). L’article 5 l’érige en
Chef de l’Etat (alinéa 1), entité qui : incarne l’unité nationale ; définit la politique de la nation ;
veille au respect de la Constitution ; assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des
pouvoirs publics ; est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la
permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords internationaux (alinéa 2).

Au statut institutionnel président de la République, viennent s’adjoindre des rôles


institutionnels. Ralph LINTON (1893-1953) :

« Partant d’une observation de G.H. Mead concernant la fonction de socialisation des jeux enfantins
de « prise de rôle » (role taking), […] définit les notions de statut (position sociale : père, professeur,
élève, etc.) et de rôle (comportement attendu de l’individu qui occupe un certain statut). Le statut
renvoie à la structuration de la société en différentes positions et le rôle relève des modèles culturels
associés à chaque statut, il est la traduction culturelle du statut »24,25.

LINTON précise en outre qu’un statut :

« Dans la mesure où il est distinct de l’individu qui l’occupe, n’est qu’une collection de droits et de
devoirs. Ceux-ci ne pouvant s’exprimer que par l’intermédiaire des individus, il est extrêmement
difficile de maintenir une distinction entre les statuts et les individus qui les détiennent et qui assument
les droits et les devoirs constitutifs de ce statut. […] Un rôle représente l’aspect dynamique du statut.
L’individu est socialement assigné à un statut, lui-même lié à d’autres statuts. Quand il met en œuvre
les droits et les devoirs qui constituent le statut, il remplit un rôle. Le rôle et le statut sont parfaitement
inséparables et les distinguer n’a qu’un intérêt théorique. Il n’est pas de rôle sans statut et pas de
statut sans rôle »26.

La réalité de l’omnipotence, de l’omniscience et de l’irresponsabilité politique qui


caractérise le président de la République africain, plus précisément d’Afrique noire francophone,
et qui marque sa toute-puissance, telle que rapportée par la littérature, s’avèrent donc le fondement
de notre interrogation générale sur la possibilité et la nécessité d’apprécier systématiquement son
action.

24
DELAS, J-P., et MILLY, B., Histoire des pensées sociologiques, Paris : Armand Colin, 4e éd., 2009, p. 272.
25
Dans la même lancée, LINTON différencie « le statut assigné » reçu à la naissance, qui caractérise les étapes de la
vie (enfant, adolescent, adulte, vieillard…) et « le statut acquis » (professionnel ou associatif, par exemple) qui dépend
des réalisations personnelles et prend de l’importance dans les sociétés industrielles.
26
DELAS, J-P., et MILLY, B., Histoire des pensées sociologiques,… idem

Page | 9
En prenant le cas camerounais, pour des raisons de faisabilité de notre étude, nous
formulons la question de départ suivante : si l’on considère, dans le temps long, la diplomatie
présidentielle mise en œuvre par le sommet de l’Etat, ainsi que sa géopolitique ou dimension
spatiale, quels sont les critères et la démarche idoines de l’évaluation systématique de la
politique étrangère ?

Considérant l’ambition heuristique du travail à mener, nous devons préalablement sacrifier


au rituel de la clarification des concepts clés de notre réflexion à savoir : politique étrangère,
diplomatie, diplomatie présidentielle, géopolitique et évaluation.

II. CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Dans l’optique d’une « première problématisation sociologique »27 de notre objet d’étude,
dont le processus de construction s’avère généralement tortueux pour le sociologue, et de façon
générale pour le chercheur en sciences sociales, il nous semble indispensable de faire notre le
conseil de Serge PAUGAM, d’après qui ledit processus devrait impliquer « au moins autant un
travail sur soi qu’un travail sur les notions du sens commun, sur les catégories de la vie courante
dont l’usage peut conduire à l’aveuglement »28. Il est donc important de procéder au préalable à
la clarification des concepts et notions clés qui structurent notre thématique.

Nous proposerons d’abord le sens que devrait prendre le concept de diplomatie


présidentielle en lien avec la notion de politique étrangère (1), avant d’envisager la clarification de
celui de géopolitique (2).

1. La politique étrangère, la diplomatie et la diplomatie présidentielle

Pour mieux appréhender les contours du concept de diplomatie présidentielle (c), il


convient de passer par la clarification de ceux de politique étrangère (a) et de diplomatie (b).

a) La politique étrangère

L’étude de la politique étrangère en tant qu’entreprise théorique fondée sur une


investigation empirique mobilisant les outils des sciences sociales, a débuté au milieu des années

27
PAUGAM, S., La pratique de la sociologie, Paris : PUF, 2008, p. 15
28
Idem.

Page | 10
1950. En une dizaine d’années, plusieurs chercheurs ont posé les bases de ce qui va devenir l’un
des domaines les plus fertiles de l’étude des relations internationales29. C’est sous le prisme d’une
politique publique, quand bien même particulière, que les auteurs s’accordent aujourd’hui au sujet
de la définition à donner à la politique étrangère.

D’après Frédéric CHARILLON :

« La politique étrangère reste bien l’instrument par lequel l’Etat tente de façonner son environnement
politique international […]. Au même titre qu’une politique de santé, elle peut être vue comme une
politique mise en œuvre par les services de l’Etat avec des moyens précis, dans le but d’atteindre des
objectifs bien définis. Mais il s’agit d’une politique publique très particulière : son rayon d’action
dépasse par définition le territoire national ; elle consiste souvent à réagir ou à s’adapter à des
évènements externes sur lesquels les décideurs n’ont aucune prise »30.

La politique étrangère est « à la fois dépendante de facteurs externes, les rapports de force
internationaux, ou les stratégies par des acteurs transnationaux, mais également de réalités
domestiques, faites de contraintes institutionnelles et culturelles et de pressions émanant de
différents groupes sociaux »31. Cet aspect de double dépendance de la politique étrangère nous
intéresse à plus d’un titre. Il s’agit, pour reprendre le modèle de Robert PUTMAN, d’un « jeu à
deux niveaux » (« two-level game ») dans lequel un accord au niveau international modifie les
contraintes internes ; les transformations de la politique intérieure ouvrent de nouvelles possibilités
aux accords internationaux32.

De ce qui précède, notamment dans le sens du jeu à deux niveaux putmanien, il s’avèrerait
intéressant que nous posions, dans le cadre de ce travail, l’hypothèse suivant laquelle la double
dépendance de la politique étrangère entrainerait ipso facto une double dépendance correspondante
de l’activité de sa mise en œuvre, c’est-à-dire la diplomatie. Ramenée à la diplomatie
présidentielle, la prise en compte de cette double dépendance devrait permettre d’éclairer les
modalités et les facteurs (externes et internes) ayant guidé ses trajectoires sur la scène

29
BATTISTELLA, D., et al., Dictionnaire des relations internationales :approches, concepts, doctrines, Paris :
Dalloz, 3e éd., 2012, pp. 440-442.
30
CHARILLON, F., « Introduction », in CHARILLON, F., (dir), Politique étrangère : nouveaux regards, Paris :
Presses de Sciences Po., 2002, p. 13.
31
BATTISTELLA, D., et al., Dictionnaire des relations internationales : approches, concepts… ibid.
32
Idem.

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internationale, un jeu à deux niveaux dans un espace-temps déterminé, et d’interpréter
évaluativement ladite action.

b) La diplomatie

Parler de diplomatie revient à s’intéresser à la mise en œuvre. Il convient donc de


s’accorder sur les contours à donner au concept de mise en œuvre.

Selon Antoine MEGIE :

« La mise en œuvre ou implémentation d’une politique publique constitue le processus d’application


des décisions. Parler de mise en œuvre permet de caractériser un moment de l’action publique où la
décision se confronte à la réalité à travers l’application des directives gouvernementales »33.

Pierre MULLER reprend la grille de lecture séquentielle de l’analyse des politiques


publiques proposée par Charles O. JONES sur la forme d’un schéma en cinq étapes. La mise en
œuvre y figure à la troisième place, entendue comme :

« Phase d’application des décisions. Elle comprend l’organisation des moyens à mettre en œuvre,
l’interprétation des directives gouvernementales et leur application proprement dite »34.

L’importance de la mise en œuvre en matière de politique étrangère a conduit, dans les


études qui s’y sont consacrées, à son autonomisation. Le caractère ininterrompu de la politique
étrangère de l’Etat permet en effet que sa phase de mise en œuvre, correspondant, d’une part, à la
diplomatie (information et négociations pour la préservation réciproque entre Etats, de leurs
valeurs Centrales), et d’autre part à la guerre (confrontation armée entre entités souveraines), fasse
l’objet d’une attention particulière.

La mise en œuvre de la politique étrangère, c’est-à-dire la confrontation des décisions de


politique étrangère à la réalité, peut donc prendre la forme de la conquête armée et partant du
mouvement des troupes, mais aussi et très souvent celle de la coopération et de la négociation
pacifique, la diplomatie. Parlant de cette dernière tendance de la mise en œuvre de la politique

33
MEGIE, A., « Mise en œuvre », dans BOUSSAGUET, L., JACQUOT, S., et RAVINET, P. (dir.), Dictionnaire des
politiques publiques, Paris : Presses des Sciences Po., 4e éd., 2014, pp. 343-350.
34
MULLER, P., Les politiques publiques, Paris : PUF, Que sais-je ?, 11e éd., 2015, pp. 21-22. La mise en œuvre est
précédée de deux étapes (l’identification du problème et le développement du programme), et suivi de deux autres
étapes (l’évaluation du programme et sa terminaison).

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étrangère, le président de la République en Afrique francophone et notamment au Cameroun, en a
fait son « domaine réservé » au même titre d’ailleurs que la définition de la politique étrangère
proprement dite. Il est donc très souvent en première ligne sur la scène diplomatique internationale.

Gabriel ROBIN distingue la diplomatie de la politique étrangère :

« La diplomatie n’est pas la politique. D’abord parce qu’elle lui est étroitement subordonnée. Elle ne
s’exerce qu’à l’intérieur d’un espace que bornent, en amont, les instructions qu’elle reçoit, en aval, la
ratification dont ses actes ont besoin. […] Ensuite, la diplomatie n’est qu’une partie de la politique.
[…] De la politique elle ne recueille que ce qui exige d’être négocié avec des tiers. Elle n’en a que la
partie oratoire. En même temps, cependant, qu’elle est la servante de la politique, la diplomatie en est
la sœur jumelle […] en quelque sorte […] ce que le vêtement est au corps, ou plus précisément ce que
la parole est à la pensée »35.

Tentant de « préciser davantage l’identité du concept « diplomatie », […] en le situant


dans son rapport à la politique étrangère »36, Thierry BALZACQ, Frédéric CHARRILLON et
Frédéric RAMEL soulignent que le terme « a une extension large, mais l’essentiel a trait aux
relations internationales »37. Se référant à l’Encyclopédie Larousse, ils posent que :

« La diplomatie désigne, premièrement, l’« action et [la] manière de représenter son pays auprès
d’une nation étrangère et dans les négociations internationales » ; ensuite, elle renvoie à la
« politique extérieures d’un pays, d’un gouvernement » ; enfin, la diplomatie est la « branche de la
science politique qui concerne les relations internationales »38.

La diplomatie, d’après l’Encyclopédie Larousse, renvoit donc :

« Au moins à trois réalités distinctes : […] une activité particulière, un secteur d’intervention de
l’Etat et une sous-spécialisation de la science politique. Mais le mot peut aussi servir à désigner, au
sein de la fonction publique, la carrière consacrée à représenter un pays ou l’ensemble des personnes
qui relèvent de cette fonction »39.

35
ROBIN, G., « Diplomatie », In De MONTBRILA, T., et KLEIN, J. (dir), Dictionnaire de stratégie, Paris : PUF,
2000, pp. 178-183.
36
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie », in BALZACQ,
T., CHARILLON, F., RAMEL, F. (dir), Manuel de diplomatie¸ Paris : Presses de Sciences Po., 2018, pp. 7-22, p. 8.
37
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Op. cit., p. 7.
38
Idem.
39
Idem.

Page | 13
Les auteurs s’emploient par ailleurs à situer dans l’histoire, le phénomène diplomatique.
Ils relèvent dans ce sens que :

« Les normes, institutions et instruments (protocole, note et traité, etc.) de la diplomatie existaient
bien avant les périodes grecque ou florentine qui les accaparent. En effet, pendant près de deux mille
ans (c’est-à-dire entre 2500 et 609 av. J.-C. environ), le Proche-Orient ancien a connu des échanges
dont la forme s’apparente à ce qui est saisi actuellement sous le nom de diplomatie. Par conséquent,
les recherches récentes sur l’histoire de la diplomatie plaident pour une reconnaissance de la
diversité de ses origines, voire son décentrement (Sharlach, 2005) »40.

Ils poursuivent en soulignant que :

« L’on peut déceler d’un point historique à l’autre – certes, avec des variations plus ou moins
notables – une série d’idées, de normes, de pratiques et de rôles structurant les rapports entre entités
politiques, parfois souveraines, lesquelles caractérisent encore aujourd’hui les interactions
diplomatiques »41.

Partant de la diplomatie du Proche-Orient ancien ou « diplomatie cunéiforme », avec « des


documents datant de 2500 av. J.-C. » qui « évoquent l’existence d’envoyés ou messagers des
rois »42,43, les auteurs affirment que :

40
Ibid., p. 8.
41
Ibid., p. 9.
42
Idem.
43
L’on peut toutefois s’étonner du fait que malgré l’importance des recherches historiques démontrant l’antériorité de
la civilisation égyptienne par rapport à celles nées au Proche-Orient, les auteurs estiment devoir trouver la pratique
des envoyés et messagers des rois en Basse Mésopotamie, entre 3400 et 3200 av. J.-C. D’autant plus que d’après eux,
la « diplomatie cunéiforme », sur la base de l’écriture du même nom figurant sur les documents anciens retrouvés,
justifierait la primeur historique sumérienne en matière de diplomatie. Si on est d’accord avec les auteurs que les
normes, institutions et instruments de la diplomatie existaient bien avant les périodes grecs et florentine, nous ne
partageons toutefois pas leur point de vue qui situe l’origine des premiers éléments de diplomatie à Sumer (Sud de la
Méditerranée, actuel Irak). Car, comment comprendre sur cette base que l’Egypte ancienne soit considérée, à la
lumière des découvertes archéologiques, comme « la mère de toutes les civilisations » ? Cette civilisation égyptienne
ancienne aurait-elle pu essaimer dans le monde y compris vers le Proche-Orient et l’Occident sans user du duopole
guerre et paix, c’est-à-dire du soldat et du diplomate ? Comment comprendre en outre, dans la même lancée, que des
historiens, égyptologues tels que SAUNERON, arrivent à affirmer que : « à parcourir les textes grecs anciens, on ne
peut se défendre de l’idée qu’aux yeux de ces vieux auteurs, l’Egypte était comme le berceau de toute science et de
toute sagesse. Les plus célèbres parmi les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la mer pour chercher auprès
des prêtres, l’initiation à de nouvelles sciences et s’ils n’y allèrent pas, leurs biographes s’empressèrent d’ajouter aux
épisodes de leur vie ce voyage devenu aussi traditionnel que nécessaire ». SAUNERON, S., Les prêtres de l’Egypte
ancienne…, cité par ANTA DIOP, C., Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ?, Paris :
Présence africaine, 1993, p. 99. Des échanges culturels aussi importants entre ressortissants grecs et égyptiens
auraient-ils pu exister sans que ces derniers n’aient une maîtrise poussée antérieure des échanges officiels entre entités
politiques et donc de diplomatie ?

Page | 14
« Une partie importante des pratiques diplomatiques du Proche-Orient ancien nous est parvenue
grâce à des tablettes d’argile découvertes en différents sites. Deux corpus en forment le noyau. Le
premier, les Archives royales de Mari (1700-1670 av. J.-C.), a été mis au jour en Syrie. Dans celui-
ci, les normes, outils et organismes chargés de la diplomatie s’épaississent. […] Les Archives
d’Amarna, découvertes en Egypte, fournissent des enseignements supplémentaires. La pierre
angulaire du système d’Amarna, c’est l’émissaire, doté de talents diplomatiques exceptionnels »44.

44
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Ibid., pp. 9-
10. Les auteurs situent par ailleurs l’Age d’El Amarna entre 1460 et 1220 av. J.-C. Ces datations qu’ils proposent
continuent de nous laisser perplexes, notamment quand nous les rapportons aux travaux menés par les historiens et
visant à faire découvrir l’évolution politico-sociale de l’Egypte ancienne. Il est en effet reconnu par les historiens, sur
la base de documents comme la célèbre Palette de Narmer, la fondation des deux premières dynasties égyptiennes
(Etats monarchiques) entre 3000 et 2778 av. J.-C., tandis que la troisième dynastie avait achevé sa « centralisation
monarchique » entre 2778-2723 av. J.-C. (Voir ANTA DIOP, C., Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité
historique ?, Op. cit., p. 148.). Comment comprendre dès lors que des Etats monarchiques effectivement constitués,
viables et conquérants tels que les premières dynasties égyptiennes anceniennes n’aient pas pu développer des
« normes, institutions et instruments (protocole, note et traité, etc.) de la diplomatie » ? D’autant plus que, comme le
souligne encore ANTA DIOP, dans les pages 163 et 164 et précisément à la note 38 de son Antériorité des civilisations
nègres : mythe ou vérité historique ?... Op. cit., sur la foi des passages de la « stèle d’Israël », le Pharaon MENEPTAH
parle des peuples du Proche-Orient et du pourtour de la Méditerranée comme « des habitants de pays vassaux en état
de rébellion et qu’il a pacifié ». Il ajoute dans les mêmes références que « ce sont les Egyptiens qui ont appris l’écriture
à tous les peuples qu’ils avaient colonisés à des degrés différents, aux Phéniciens en particulier qui l’ont répandue
ensuite en Grèce et dans toute la Méditerranée sous la forme alphabétique ». Nous pourrons revenir plus en détails,
dans des travaux subséquents visant à jeter plus de lumière sur ces aspects qui nous semblent contradictoires, au sujet
des sources anciennes des pratiques diplomatiques et en particulier l’apport de l’Egypte antique en la matière. Parlant
de la contribution de Cheikh ANTA DIOP aux Relations internationales, le Professeur Jean-Emmanuel PONDI
abonde dans le sens de nos présentes observations et interrogations. D’après ce dernier, DIOP « défend l’idée de
l’incontestable antériorité de la présence des acteurs africains sur la terre, et donc, de leur antériorité toute aussi
logique, dans l’inspiration des premières relations entre les premiers êtres humains. Avant de parler des spécificités
qui caractérisent Athènes et Sparte (dans la Grèce antique) considérées comme période de la genèse des relations
internationales dans les écoles diplomatiques occidentales, n’aurait-il pas été plus judicieux de s’interroger sur la
nature et l’identité des civilisations qui bien longtemps avant, précédèrent ces deux Etats ? N’aurait-il pas été plus
« scientifique » - en termes de démarche – de s’appesantir d’abord sur le processus de naissance, de consolidation et
de désintégration des innombrables civilisations qui devancèrent la Grèce, Athènes et Rome ? Etaient-elles des
civilisations surgies de nulle part ? Ex-nihilo ? […] s’il est convenu de manière quasi-unanime aujourd’hui, que
l’Afrique est bien le berceau de l’humanité […], alors quoi de plus logique que de soutenir que c’est bien à partir de
cette terre que se concevront les premières formes de relations internationales ? ». Après ces interrogations profondes,
qui habitent la plupart des chercheurs en relations internationales africains ayant fleurté avec l’importante production
historique de l’école diopiste reconnue et promue depuis des décennies (au moins depuis la tenue du Colloque du
Caire en 1974) par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), PONDI
soutient que DIOP « place le début des relations internationales non pas en Grèce, mais bel et bien en Egypte,
civilisation qui enfanta la Grèce ». Il ajoute que « L’Occident s’étant déclaré centre du monde, tous les autres
continents (y compris l’Asie) furent considérés par ce dernier comme des entités périphériques ». Pourtant, il est
dorénavant de notoriété scientifique que « les penseurs du XXe siècle – même s’il existe encore de nombreuses poches
de résistance à ces idées – ne sauraient prétendre avec sérieux que l’Afrique n’a joué aucun rôle dans l’éclosion des
relations internationales avant la montée en puissance de l’Egypte, ou que son histoire stricto sensu ne commence
qu’avec sa « découverte » par les navigateurs portugais, dans les années 1460 ». Pour toutes ces citations, voir
PONDI, J-E., Cheikh Anta Diop dans la sphère des relations internationales, Yaoundé : Editions Afric’Eveil, 2020,
pp. 59-61.

Page | 15
Poursuivant leur présentation, ils distinguent en outre la « diplomatie classique », de la
« diplomatie moderne ».

Au sujet de la diplomatie classique, lesdits auteurs soulignent qu’elle « renvoie tant à


l’héritage de la Grèce antique qu’à celui de la République romaine (509 à 27 av. J.-C.) et de
l’Empire romain (27 av. J.-C. à 641 apr. J.-C., correspondant à la chute de l’Empire romain
d’Orient) »45. Allant encore plus loin, BALZACQ, CHARILLON et RAMEL notent que :

« La Grèce antique, surtout durant l’ère hellénistique, a contribué au développement ou au


renforcement de certaines institutions diplomatiques. Par exemple, au VIe siècle av. J.-C., Sparte
invente le mécanisme d’alliance multilatérale afin de garantir la sécurité et de préserver la paix
commune »46. De même, deux autres institutions de cette époque sont mises en exergue. D’une part,
« le recours à l’arbitrage comme moyen de résolution des différends » et d’autre part « l’appel au
proxenos, citoyen de l’Etat dans lequel il réside, chargé de protéger les intérêts des citoyens de l’Etat
dont il est le représentant »47, 48.

S’il est vrai que « la diplomatie de la Grèce antique a fourni au modèle romain un certain
nombre d’éléments » les auteurs soulignent néanmoins que « la République romaine et l’Empire
romain sont rarement associés à la diplomatie. On préfère relater leurs prouesses militaires »49.
Pourtant, il demeure constant que « si Rome est devenue un empire, elle le doit autant à son génie
militaire qu’à son habilité diplomatique »50, car, reprenant Brian CAMPBELL, ils soulignent que
« dans sa conquête de l’Italie, Rome […] a usé tantôt de la guerre, tantôt de la négociation pour
densifier son réseau d’alliés »51. En outre :

« L’on notera quand même que la signature des traités, comme la déclaration de guerre, est soumise
à un rituel scrupuleusement exécuté, présidé par le collège des Fétieux (collège des prêtres de la
Rome antique) »52.

Les principales fonctions de la diplomatie romaine étant alors :

45
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Ibid., p. 10.
46
Ibid., pp. 10-11.
47
Ibid., p. 11.
48
Le proxenos peut être considéré comme l’ancêtre des consuls honoraires.
49
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Op. cit., p.
11.
50
Idem.
51
Idem.
52
Idem.

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« La construction de la paix, le partage des butins de guerre, la signature des traités, la résolution
des différends commerciaux et la régulation du commerce »53.

Parlant de la diplomatie moderne, BALZACQ, CHARILLON et RAMEL soulignent


qu’elle est « tributaire de la Renaissance Italienne », même si cette dernière « n’a pas inventé la
diplomatie »54. En revanche, elle y a introduit plusieurs innovations. En l’occurrence, au niveau
des acteurs de la diplomatie, l’apparition, au XIIIe siècle en Italie, de :

« La figure de l’Ambassadeur (ambactiare – « aller en mission ») », qui porte en elle « les traces de
celle du nonce (nuncius) et celle du procurateur (procurator) »55.

Le nonce :

« Agit comme une « lettre vivante », en ce sens qu’il récite au destinataire le contenu du message
confié oralement par l’expéditeur »56.

Porteur du message d’un autre, il « est un envoyé dont la marge de manœuvre est nulle »57.
Quant au procurateur, il :

« Jouit d’un droit d’initiative. […]il peut négocier les termes d’un accord avec un souverain étranger,
[…] conclure ledit accord au nom du souverain qui l’a mandaté »58.

Son champ d’activité « s’étendait aux affaires privées »59. C’est ainsi que « le conseiller
de Frédéric II, Peter della VIGNA, représenta l’empereur lors de son mariage avec Isabelle
d’Angleterre en 1235 »60.

Au sujet de l’origine de l’usage du titre d’« ambassadeur », les auteurs soulignent qu’il est
difficile à circonscrire. Ils relèvent toutefois qu’on :

53
Ibid., p. 12.
54
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Op. cit., p.
12.
55
Idem.
56
Idem.
57
Idem.
58
Ibid., pp. 12-13.
59
Idem.
60
Ibid., p. 13.

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« Appelait « ambassadeur » toute personne chargée d’une mission publique à finalité pacifique
(Maulde la Clavière, 1892-1893). Ainsi, même des citoyens ordinaires pouvaient avoir leurs
ambassadeurs auprès d’autres citoyens »61.

Aussi ajoutent-ils que « les circonstances qui entourent l’émergence de la figure de


l’ambassadeur résident, entre le milieu du Moyen Age et le XVe siècle »62. Les principales
fonctions qui lui étaient dévolues comprenaient alors :

« La collecte et la transmission des informations à son souverain et la fonction de représentation


cérémonielle, par exemple à l’occasion d’un mariage, d’une naissance ou d’un décès »63.

Par ailleurs, les auteurs rappellent que la diplomatie moderne a favorisé la diffusion
d’institutions et de pratiques inédites. Par exemple :

« Primo, si jusqu’au XVIe siècle, il suffisait de prêter serment sur un traité pour que ledit serment soit
reconnu comme valide, dès le XVIIe, la ratification (signature et apposition d’un sceau sur le
document) devient la norme. Secundo, on assiste à la généralisation des lettres de créance […].
Tertio, l’organisation de grandes conférences « multilatérales » s’impose comme mécanisme
privilégié pour régler les problèmes internationaux les plus urgents […]. Enfin apparaissent des
chancelleries capables de conduire les relations diplomatiques de manière continue et le système des
immunités se consolide »64.

Globalement, ils définissent le terme « diplomatie » de la façon suivante :

« Le terme « diplomatie » est d’origine grecque, et à double usage. D’une part, en tant que verbe –
diploo -, il renvoyait à un double pliage et, d’autre part, en tant que nom – diploma -, il désignait,
tout au long du Moyen Age, des documents officiels pliés d’une manière singulière et qui conférait à
leur porteur des droits et des privilèges. A la Renaissance, les diplomas sont associés à des actes du
pape. En particulier, un diploma est une lettre de nomination papale. Ces lettres sont écrites par un
clerc que l’on appelle un diplomatarius. L’ensemble des méthodes nécessaires à la vérification de
l’authenticité de ces documents sera identifié, dès la fin du XVIIe siècle, sous le vocable diplomatica.
C’est d’ailleurs dans ce sens que le mot fait irruption pour la première fois dans le Dictionnaire de
l’Académie française de 1762 »65.

61
Idem.
62
Idem.
63
Idem.
64
Ibid., pp. 13-14.
65
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Op. cit., p.
17.

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Enfin, relèvent-ils, le terme « diplomatie » effectue son entrée dans l’édition de 1798 du
Dictionnaire de l’Académie française en signifiant la :

« « Science des rapports, des intérêts de Puissance à Puissances ». Dans le Dictionnaire Webster de
1817, ajoutent-ils, la diplomatie est abordée de manière plus large, puisqu’elle couvre désormais
« les coutumes et règles des ministères publics, les formes de négociation ; le corps des ambassadeurs
et des envoyés. […] En somme, outre les variations conceptuelles rythmées par les soubresauts de
l’étymologie, on peut souligner que la diplomatie s’inscrit dans un domaine pratique distinct : celui
de la guerre, de la paix et des alliances. En d’autres termes, celui de la politique. A cet égard, tout
ce que l’on qualifie exagérément de nouvelles « diplomaties » (humanitaires, culturelle ou autres)
sert d’abord ces objectifs premiers de la diplomatie »66.

Pour finir avec les éléments définitionnels du terme « diplomatie », BALZACQ,


CHARILLON et RAMEL s’interrogent sur les liens qui existent entre ledit concept et celui de
politique étrangère. Ils précisent dans ce sens qu’à leur avis :

« Diplomatie et politique étrangère évoluent à des niveaux distincts mais complémentaires. La


politique étrangère se situe à un niveau méta. Elle formule les objectifs que la diplomatie exécute.
Certes, la diplomatie est de l’ordre des moyens et des instruments. Mais elle participe aussi de la
forme que prennent les interactions. Un mauvais ambassadeur peut faire dérailler des années de
relations sereines »67.

c) La diplomatie présidentielle

Revenant au concept de diplomatie présidentielle, force est de souligner que retrouver les
premiers efforts de sa consécration implique de remonter à la deuxième moitié des années 1900,
dans la doctrine anglo-saxonne.

En 1958, Elmer PLISCHKE publit Summit Diplomacy: Personal Diplomacy of the


President of the United States. Il y décrit la diplomatie de Sommets des Etats-Unis d’Amérique,
de Georges WASHINGTON à Dwight D. EISENHOWER68. Pouvant se traduire en ce que nous
appelons la diplomatie présidentielle, la diplomatie de Sommets (« Summit Diplomacy »), d’après

66
Ibid., p. 18.
67
Ibid., pp. 18-19.
68
PLISCHKE, E., Summit Diplomacy: Personal Diplomacy of the President of the United States, Maryland: College
Park, 1958.

Page | 19
l’auteur, est celle conduite par les individus placés au sommet des exécutifs d’Etat (chefs d’Etat
ou/et de Gouvernement). Pour lui en effet:

« The term “summit,” while somewhat inexact, generally means the level of the Chief Executive
including both the chief of state and the head of government. In the United States it normally is
identifiable with the presidential level for the obvious reason that in the American constitutional
system the President typifies the summit »69.

Partant de ce constat, l’auteur pense que la diplomatie de sommet, qui voit l’implication
directe et personnelle des chefs des exécutifs d’Etat et donc des présidents, ou mieux des présidents
de la République, peut être généralement appréhendée, comme renvoyant à :

« The determination and publicizing of foreign policy and the management of foreign affairs at the
chief of state or head of government level. Such diplomacy encompasses the following principal
elements: (1) presidential policy formulation, enunciation, and formalization; (2) Personal
presidential communications; (3) presidential Personal representatives; (4) state visits; and (5)
summit conferences »70.

Suivant cette lecture, la diplomatie présidentielle serait donc constituée de cinq (05)
éléments à savoir : 1) la formulation, l’énonciation et la formalisation de la politique étrangère ; 2)
les communications présidentielles personnelles ; 3) les représentants personnels du président de
la République à l’étranger ; 4) les visites d’Etat et 5) les conférences au sommet.

Rappelons que dans le cadre de ce travail, la diplomatie sera prise au sens déjà rappelé de
la mise en œuvre de la politique étrangère, et donc, distincte de l’énonciation, la formulation et la
formalisation stratégique de cette dernière. Une mise en œuvre dont l’étude, dans le champ de
l’analyse des politiques publiques :

« Nécessite de ne pas rester figé sur les objectifs et les intentions légalement définis […] en partant
du constat qu’il existe également un décalage entre les intentions d’une politique et ses résultats
concrets »71.

Plus proche de nous, Yves Alexandre CHOUALA peut être considéré comme le
contemporain ayant proposé la définition de la diplomatie présidentielle la plus opératoire dans le

69
PLISCHKE, E., Summit Diplomacy: Personal Diplomacy of the President of the United States... Op. cit, pp. 4-5.
70
Ibid., p. 5.
71
MEGIE, A., « Mise en œuvre »,… op. cit.

Page | 20
cadre du présent travail. Parlant des processus de mise en œuvre de la politique extérieure du
Cameroun, perçue comme « ensemble de principes et objectifs de l’Etat vis-à-vis de l’extérieur »72,
l’auteur souligne, entre autres, ce qu’il appelle « les processus politico-diplomatiques » dont au
moins trois principaux sont au centre de la mise en œuvre de la politique extérieure de l’Etat,
notamment :

« Les commissions mixtes, les voyages officiels du chef de l’Etat à l’étranger sans oublier la pratique
des envoyés spéciaux et des émissaires auprès des puissances étrangères »73.

En bonne place desdits processus politico-diplomatiques figurent donc les voyages officiels
du chef de l’Etat à l’étranger, une des dimensions de ce que l’auteur appelle « les actions au
sommet »74. D’après lui en effet :

« Parce qu’elles mettent personnellement en scène le chef de l’Etat, chef attitré de la diplomatie ou
l’impliquent à tout le moins, les actions au sommet constituent les temps les plus forts de l’action
internationale. Ces actions au sommet prennent des formes variées dont trois peuvent être retenues
[…] : la participation aux sommets internationaux, les voyages officiels du chef de l’Etat et la pratique
de l’envoi des émissaires ou envoyés spéciaux »75.

Dans la même lancée, il souligne que :

« Les voyages officiels du chef de l’Etat sont […] des moments cruciaux de mise en œuvre de la
politique extérieure et de rayonnement diplomatique […]. Quel que soit le registre sous lequel ils se
déclinent, tous ces voyages contribuent à la mise en œuvre de la politique extérieure et, partant, au
rayonnement diplomatique national. […]. Ces voyages font partie de l’activité diplomatique
présidentielle »76.

Du concept d’« activité diplomatique présidentielle » à celui de diplomatie présidentielle,


il ne semble y avoir qu’un pas.

72
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionale s,
Paris : Editions Karthala, 2014, p. 113.
73
Ibid., p. 128.
74
Ibid., p. 133.
75
L’action internationale du chef de l’Etat camerounais : itinéraires et enjeux de ses déplacements à l’étranger de
1996 à 2006, mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention partielle du Master II en Science Politique, Université
de Yaoundé II – Soa, 2006. Cité par CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun … Idem.
76
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 135-137.

Page | 21
Cette précision étant faite, il convient de souligner avec Luc Van CAMPENHOUDT et
Raymond QUIVY, que :

« Construire un concept consiste d’abord à déterminer les dimensions qui le constituent et par
lesquelles il rend compte du réel », et ensuite à « en préciser les indicateurs grâce auxquels les
dimensions pourront être mesurées », ces derniers étant des « manifestations objectivement repérables
et mesurables des dimensions du concept »77.

Les auteurs distinguent en suite le concept systémique (non directement induits par
l’expérience ; construits par raisonnement abstrait : déduction, analogie, opposition, implication,
etc.) du concept opératoire isolé (COI) (construit empiriquement à partir d’observations directes
ou d’informations rassemblées par d’autres)78.

Suivant les travaux d’Elmer PLISCHKE sus-rappelés, le concept de diplomatie


présidentielle79 présente les caractéristiques d’un COI, construit empiriquement à partir
d’observations directes ou d’informations rassemblées par d’autres. C’est donc à juste titre que
l’auteur espère :

« That professional practitioners may be inspired also to recount their manifold experiences and
judgments respecting the perhaps more prosaic but exceedingly important techniques of
diplomacy »80.

Une espérance que semble combler partiellement le travail proposé par Yves Alexandre
CHOUALA, qui énonce pour la première fois, en contexte camerounais, le concept de diplomatie
présidentielle, à tire de démonstration des processus de mise en œuvre de la politique extérieure
dudit pays. Dans un esprit de mesure, d’évaluation et de compte rendu systématisé, il ne nous reste
qu’à élargir le champ d’analyse de ladite diplomatie, tout en approfondissant les secteurs.

C’est fort de ce qui précède que, dans le cadre de ce travail, la diplomatie présidentielle
renverra, d’une part, à la contribution spatio-dynamique, entendue comme déploiement
physique personnel dans l’espace géographique, et d’autre part, à la contribution discursive
et juridico-règlementaire du statut institutionnel de président de la République, chef de

77
VAN CAMPENHOUDT, L., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales, Paris : Dunod, 4e éd., 2011,
p. 122.
78
Ibid., pp. 123-124.
79
Que l’auteur qualifie de « Summit Diplomacy ».
80
PLISCHKE, E., Summit Diplomacy: Personal Diplomacy of the President of the United States… Op. cit., p. V

Page | 22
l’Etat (ou tout autre statut institutionnel destiné à remplir le même rôle), à la mise en œuvre
de la politique étrangère. En tant que concept opératoire isolé, il a une double dimension :
physico-spatiale (visites officielles et conférences au Sommet, ce que CHOUALA appelle les
« actions au sommet »81) et juridico-discursive (signature des accords et conventions
internationaux, et actes de discours en milieux et contextes diplomatiques). Il a également
quatre modalités : bilatérale, multilatérale, passive, et active.

Ainsi, notre étude ne se limitera pas, même si l’exploitation de nos données de terrain
pourrait permettre d’enrichir le corpus y relatif existant, à la prise en compte de l’énonciation, de
la formulation ou de la formalisation de la politique étrangère82. Elle ne s’intéresse pas non plus
au déploiement du président de la République camerounais par légation active, c’est-à-dire, à
travers ses représentants personnels à l’étranger, comme le suggère Elmer PLISCHKE 83. Ce qui
l’intéresse, c’est le déploiement en personne du chef de l’Etat, dans le cadre de la mise en œuvre
de la politique étrangère. Sons saisis ici ses actes de discours actifs (à l’étranger) et passifs (au plan
national).

La diplomatie présidentielle est en réalité un autre nom de la « diplomatie des


sommets » telle que définit par PLISCHKE, avec cette particularité qu’elle désigne la
contribution à la mise en œuvre de la politique étrangère par les chefs d’Etat sous les régimes
politiques présidentiels84.

A ce point de nos développements, une objection qui pourrait nous être opposée est celle
de la nature de l’objet d’étude choisi. Sommes-nous réellement en présence d’un fait social au sens
durkheimien pur et dur ? Si oui à quel type de fait social appartient la diplomatie présidentielle ?

81
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun…, Op. cit.
82
Il s’agit en effet d’un aspect déjà largement exploré par la doctrine. Voire notamment MOUELLE KOMBI, N., La
politique étrangère du Cameroun, Paris : L’Harmattan, 1996 ; CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du
Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionale s, Paris : Karthala, 2014 ; OYONO, D., Avec ou
sans la France ?: la politique africaine du Cameroun depuis 1960, Paris : L’Harmattan, 1991.
83
PLISCHKE, E., Summit Diplomacy: Personal Diplomacy of the President of the United States… Op. cit.
84
Elle prendra donc l’appellation diplomatie royale ou impériale pour les monarchies constitutionnelles.

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De la diplomatie présidentielle comme phénomène social

Commençons par rappeler ce qu’est un fait social avant de démontrer, sur cette base, que
notre objet d’étude appartient bel et bien à cette catégorie de phénomènes.

D’après Emile DURKHEIM :

« Est fait social toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une
contrainte extérieure ; ou bien encore, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en
ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles »85.

Plus encore, il s’agit :

« Des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles
existent en dehors des consciences individuelles. Non seulement ces types de conduite ou de pensée
sont extérieurs à l’individu, mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de
laquelle ils s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non »86.

L’auteur identifie ainsi trois types de faits sociaux : les croyances, les pratiques et les
courants sociaux87. Au sujet du troisième type, il souligne qu’il s’agit :

« Des grands mouvements d’enthousiasme, d’indignation, de pitié qui se produisent » et « n’ont pour
lieu d’origine aucune conscience particulière. Ils viennent à chacun de nous du dehors et sont
susceptibles de nous entrainer malgré nous »88.

La question est donc de savoir à quel de ces types de faits sociaux appartiendrait l’action
internationale officielle du président de la République, et qui fonderait le fait de la considérer
« comme une chose » ?

Nous pensons, pour rester en phase avec la doctrine, qu’il s’agit d’une variante des règles
de droit en tant que fait social. En fait, nous soutenons que ce ne sont pas les règles de droit en
elles-mêmes qui par leur existence ou leur consécration sociale leur donne le caractère de faits
sociaux, mais plutôt que ce dernier caractère se trouve dans les effets de contrainte que leur mise

85
DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique, Paris : PUF, 14e éd., Quadrige, 2013, p. 14.
86
Ibid., p. 4.
87
Ibid. p. 6.
88
Idem.

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en œuvre produit sur les agents sociaux, les individus. A titre illustratif, Emile DURKHEIM
souligne que :

« Si j’essaie de violer les règles du droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte
s’il en est temps, ou à l’annuler et à le rétablir sous sa forme normale s’il est accompli et réparable,
ou à me le faire expier s’il ne peut être réparé autrement »89.

L’action présidentielle qui s’inscrit dans sa participation à la mise en œuvre de la politique


étrangère de l’Etat est un produit des règles de droit qui régissent l’organisation politique de la
communauté étatique. Par le truchement des règles de droit constitutionnel et électoral, notamment
leur mise en œuvre par le suffrage universel direct, un individu, membre de la communauté, est
porté à la tête de l’Etat qu’il incarne par principe et représente dans tous les actes de la vie
publique90, sous-entendu à l’interne comme à l’international.

Tout comme le souligne DURKHEIM, l’action officielle internationale du président de la


République, indépendamment du titulaire changeant du statut, et surtout en Afrique francophone,
dont au Cameroun, exerce une contrainte extérieure sur les citoyens pris dans leur individualité
qui ont par principe majoritairement élu ledit titulaire du statut. Son action engage tous ceux-ci,
qu’ils le veuillent ou non. Il s’agit donc de manières officielles et publiques de faire du président
de la République qui, par principe de l’incarnation de l’Etat en un représentant élu de tous par le
truchement du droit positif, s’imposent à tous ses concitoyens.

La diplomatie présidentielle est donc une variante de fait social dont la coloration varie
avec le changement des titulaires du statut dans le temps, et est générale à toute la société tout en
ayant une existence propre, indépendante des volontés individuelles des citoyens dont lesdits
titulaires statutaires sont issus.

Toute chose qui fonde la possibilité d’envisager la contribution du président de la


République à la mise en œuvre de la politique étrangère, ou mieux la diplomatie présidentielle,
comme fait social pouvant faire l’objet d’une analyse socio-historique dans le temps, et
géopolitique dans l’espace, en reconstruisant les logiques spatio-conjoncturelles pouvant permettre
la compréhension et l’explication des configurations systémiques régionale et globale, et celles

89
Ibid., p. 4.
90
Cf. article 8 (1) Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996.

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propres à chacun des titulaires du statut. Ceci devrait permettre, dans une certaine mesure, non
seulement de faire le bilan de la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Etat, mais aussi et
surtout de confirmer ou d’infirmer le respect par le statut institutionnel de président de la
République, des motivations énonciatives de ladite politique étrangère.

2. La géopolitique

Le souci d’étudier les rapports de la politique à son environnement géographique, émerge


très nettement dans les œuvres des écrivains les plus anciens91. Reprenant la classification de
KRISTOF, Gérard DUSSOUY pense en effet que :

« L’époque prémoderne de la géopolitique s’étire depuis l’Antiquité jusqu’au milieu du XIX e siècle.
C’est-à-dire jusqu’à la publication des livres de Ratzel. Dans la période prératzelienne donc, le
professeur américain distingue deux noms, ceux d’Aristote et de Jean Bodin »92.

Le premier, étudiant l’environnement naturel du point de vue de son impact sur le caractère
humain et de ses implications sur les nécessités économiques et militaires de l’Etat idéal, et le
second, pour sa théorie sur l’influence du milieu naturel sur le système politique93. Jacques
SOPPELSA renchérie en citant les noms des figures de ce qu’il appelle « la première école »
géopolitique94. Il y range notamment Alexandre le GRAND, le vietnamien GIAP, CESAR,
RICHELIEU (père de la notion de frontières naturelles), VAUBAN (premier stratège français),
FREDERIC II, MONTESQUIEU et BISMARK95.

Pour SOPPELSA, « à la différence de la géographie politique (qui décrit « l’organisation


du monde divisé en Etats à un moment donné ») », la géopolitique tente de relier entre eux les
principaux facteurs dynamiques rendant compte de ladite organisation pour :

« « Aboutir à la synthèse d’une situation politique existante et de ses possibilités ». Parmi ces facteurs,
certains sont relativement stables (divisions de l’espace, structure et configuration du territoire),

91
Confère DUSSOUY, G., Les théories géopolitiques : traité de relations internationales (I), Paris : L’Harmattan,
2006, p. 115.
92
DUSSOUY, G., Les théories géopolitiques… Op. cit., p. 115.
93
Ibid., p. 116.
94
SOPPELSA, J. (dir), Lexique de géopolitique, Paris : Dalloz, 1988, pp. 129-131
95
Idem.

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d’autres beaucoup plus variables, comme les ressources naturelles, les populations ou les structures
politico-sociales » »96.

Une définition opératoire que complète les travaux postérieurs, notamment ceux de
Philippe MOREAU DEFARGES97.

Après avoir souligné que « la géopolitique est une démarche intellectuelle », DEFARGES
rappelle en effet que le mot « géopolitique » est forgé, à l’extrême fin du XIXe siècle, par un
professeur suédois d’histoire et de science politique, Rudolf KJELLEN (1846-1922), comme
référence à « l’étude de l’Etat considéré comme un organisme géographique, ou encore comme
un phénomène spatial, c’est-à-dire comme une terre, un territoire, un espace, ou, plus exactement
encore, un pays »98. En vue de simplification, l’auteur propose la définition suivante :

« La géopolitique s’interroge sur les rapports entre l’espace (dans tous les sens du mot) et la
politique : en quoi les données spatiales affectent-elles le ou la politique ? Et aussi pourquoi, comment
le politique se sert-il de l’espace ? »99.

Il poursuit en précisant que la géopolitique analyse les relations entre l’homo politicus et
l’espace. Cette discipline s’interroge sur le poids des facteurs spatiaux dans les choix et les rapports
politiques, et sur l’impact de ces données politiques sur l’organisation, le contrôle de l’espace. La
géopolitique, si elle ne veut pas s’enfermer dans un déterminisme mécaniste, doit appréhender
l’homme et l’espace dans leurs multiples et constantes interactions100.

Cette perspective définitionnelle adoptée par DEFARGES a l’avantage de ne pas enfermer


la géopolitique dans un déterminisme pouvoiriste, rivaliste ou simplement belliqueux, auquel nous
ne souscrivons guère. En effet, est plutôt mis en avant la perspective méthodologique de la
géopolitique perçue comme « démarche intellectuelle », contribuant à l’analyse des relations entre
l’homme et l’espace, entre le ou la politique et l’espace101. Une perspective qui nous convient
amplement dans la logique du présent travail.

96
Idem.
97
DEFARGES, P., M., Introduction à la géopolitique, Paris : Editions du Seuil, 1994
98
DEFARGES, P., M., Introduction à la géopolitique… Op. cit., pp. 9, 39.
99
Ibid., p. 9.
100
Ibid., p. 155.
101
Cette lecture s’oppose par exemple à celle proposée par Alexandre DEFAY, qui donne pour objet à la géopolitique,
« l’étude des interactions entre l’espace géographique, le « milieu » (ses composants territoriaux, physiques et
humains, mais aussi les flux humains, économiques et culturels qui l’affectent) et les rivalités de pouvoir qui s’y

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Stéphane ROSIERE abonde dans notre sens quand il établit une distinction opératoire entre
géographie politique, géopolitique et géostratégie102. Pour lui :

« Lorsque l'espace est envisagé en tant qu'enjeu, il devient l'objet de la géopolitique. […] On peut par
contre définir trois thèmes incontournables (mais pas nécessairement suffisants) pour mener une
analyse géopolitique : l'étude des dynamiques territoriales, celle des acteurs et celle des enjeux qui
les motivent »103.

Dans sa perspective, si l’espace devient le théâtre d’affrontements, notamment armés,


même s’il demeure un enjeu, c’est-à-dire un objectif en termes de possession par l’un ou l’autre
des acteurs impliqués, l’analyse passe dans le ressort de la géostratégie104.

Cette dernière dimension de l’analyse, dans l’étude de l’objet qui nous intéresse, c’est-à-
dire l’évaluation de la politique étrangère à partir de la diplomatie présidentielle, n’est pas celle
qui sied. Nous envisageons plutôt rester dans la logique de la lecture méthodique des
configurations spatiales da la diplomatie présidentielle dans le temps et en fonction des objectifs
avoués ou non des acteurs institutionnels titulaires du statut à un moment ou à un autre de l’histoire,
en vue d’une interprétation allant dans le sens de faire l’état de la pratique de 1982 à 2002. C’est
pourquoi la perspective en termes de méthodes de la géopolitique, chère à François THUAL, nous
sied également.

Pour François THUAL en effet :

déploient ». Confère DEFAY, A., La géopolitique, Paris : PUF, Que sais-je ?, 2005, p. 4. Yves LACOST abonde dans
le même sens quand il souligne que : « le terme de géopolitique, dont on fait de nos jours de multiples usages, désigne
en fait tout ce qui concerne les rivalités de pouvoirs ou d’influences sur des territoires et les populations qui vivent :
rivalités entre des pouvoirs politiques de toutes sortes – et pas seulement entre des Etats, mais aussi entre des
mouvements politiques ou des groupes armés plus ou moins clandestins -, rivalités pour le contrôle ou la domination
de territoires de grande ou de petite taille. Les raisonnements géopolitiques aident à mieux comprendre les causes de
tel ou tel conflit, au sein d’un pays ou entre des Etats, mais aussi à envisager quelles peuvent être, par contrecoup,
les conséquences de ces luttes dans des pays plus ou moins éloignés et parfois même dans d’autres parties du
monde »., LACOST, Y., Géopolitique : la longue histoire d’aujourd’hui, Paris : Larousse, 2006, p. 8.
102
ROSIERE, S., « Géographie politique, géopolitique et géostratégie : distinctions opératoires », In: L'information
géographique, volume 65, n°1, 2001. pp. 33-42.
103
ROSIERE, S., « Géographie politique, géopolitique et géostratégie : distinctions opératoires »… Op. cit.
104
« Lorsque l'espace est considéré comme « théâtre » (lieu de la confrontation de forces armées) il reste un enjeu,
mais la rivalité, la confrontation entre les acteurs, se développe avec des moyens militaires (on peut aussi envisager
une compétition et une lutte économiques, objet de la géoéconomie). […] Un problème géopolitique devient
géostratégique s'il y a conflit. Le niveau stratégique n'annulant jamais la dimension politique, fondamentale, on peut
donc considérer la géostratégie comme un développement spécifique de la géopolitique », ROSIERE, S.,
« Géographie politique, géopolitique et géostratégie : distinctions opératoires »… Idem.

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« La géopolitique n’est qu’une méthode dont le but est d’éclairer les situations diplomatiques, les
configurations militaires, bref tous les facteurs qui concourent aux relations internationales. Mais
elle n’est pas l’histoire des relations internationales, ni l’histoire militaire, et s’en distingue dans la
mesure où elle repère les constantes à l’aide de l’histoire et de la géographie. C’est bien dans la prise
en compte de ces constantes, issues, pour se répéter, de l’histoire ou des histoires, de la géographie
ou des géographies, que réside l’originalité de la géopolitique »105.

Avec Pascal LOROT, l’auteur rappel que :

« Bannie pendant de longues décennies […] accusée des malheurs du siècle […] sortie d’un
purgatoire […], la géopolitique est de retour sous un registre plus modeste, celui de l’investigation
des intentions et des comportements des acteurs de la scène internationale, investigations menées sur
la longue durée »106. « Depuis une quinzaine d’années, soulignent-ils, elle opère […] un retour rapide
et s’impose comme méthode pour décoder – voire prévoir – les intentions et stratégies des différents
acteurs des relations internationales »107.

Cette présentation va dans le sens des objectifs du présent travail, qui vise à décoder le
comportement et les intentions diplomatiques de l’acteur institutionnel des relations
internationales qu’est le président de la République du Cameroun. Pour se faire, et toujours en
accord avec LOROT et THUAL, nos investigations s’inscriront sur la longue durée (1982 à 2002)
soit 20 ans.

François THUAL et Pascal LOROT poursuivent en notant que :

« La méthode géopolitique a besoin d’outils conceptuels pour rendre compte du réel foisonnement
que sont les relations internationales. La notion de dispositifs permet de regrouper sous un terme
générique, un ensemble d’actions quotidiennes inspirées par l’horizon géopolitique d’un pays. Si le
dispositif […] permet une coupe synchronique de l’action et de la posture géopolitique d’un pays à
un moment donné, la notion de processus, elle, permet l’étude sur le court, moyen et long termes du
déploiement et des mutations des dispositifs »108.

Dans ce sens, analyser la diplomatie présidentielle camerounaise entre 1982 et 2002, devrait
nous permettre d’identifier les régularités et les variations dans les trajectoires spatiales et ainsi

105
THUAL, F., Méthodes de la géopolitique : apprendre à déchiffrer l’actualité, Paris : Ellipses/Editions marketing
S.A., 1996, p. 9.
106
LOROT, P., et THUAL, F., La géopolitique, Paris : Montchrestien, 1997, p. 7.
107
Ibid., p. 9.
108
Ibid., p. 71.

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d’approfondir la compréhension du processus géodynamique de la mise en œuvre présidentielle
de la politique étrangère du pays. Rappelons dans ce sens que : « […] le concept de dispositif […]
rend compte à la fois de l’aspect hiérarchisé et ordonné de l’action et du comportement d’un
pays »109. Le dispositif géopolitique :

« Permet de hiérarchiser les postures, de sélectionner l’ordre de grandeur des intentions et de


pyramider l’importance des menaces »110. Il permet également « de classer les zones prioritaires
d’actions, les attitudes diplomatiques, les ambitions et les menaces de toute sortes »111.

C’est notamment dans ses vertus classificatoires des attitudes et ambitions diplomatiques
qu’il convient de faire appel au concept de dispositif diplomatique dans le présent travail. Il nous
permettra en effet d’établir et de classer les zones prioritaires d’action, d’établir l’ordre de grandeur
de la diplomatie présidentielle camerounaise, de voir également dans quelle mesure, entre 1982 et
2002, ces attitudes diplomatiques correspondent aux ambitions de politique étrangère
préalablement et concomitamment définis.

L’intérêt du dispositif diplomatique relève en outre du fait que, comme le soulignent LOROT
et THUAL :

« L’action diplomatique d’un pays peut se décliner de façon différente de ses intentions
géopolitiques »112. Surtout que, « la géopolitique […] tout en se servant des données de l’histoire
diplomatique, va remonter en amont de cette action quotidienne. Elle va chercher les motivations
profondes, qu’elles relèvent de l’ordre territorial ou de l’ordre identitaire, des comportements
diplomatiques »113.

Un autre outil conceptuel de la géopolitique qui nous sera d’un apport certain dans l’analyse
de la diplomatie présidentielle est celui de configuration systémique, entendue, au sens de Gérard
DUSSOUY, comme la :

109
Idem.
110
Ibid., p. 72.
111
Idem.
112
LOROT, P., et THUAL, F., La géopolitique... Op. cit., p. 72.
113
Ibid., p. 73.

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« Figure globale que forment les acteurs dans l’espace, en fonction des corrélations de force, mais
aussi des orientations et des conduites stratégiques des principaux d’entre eux guidés par leurs
intérêts et influencés par les mythes sociaux »114.

Lesdites configurations résultent, d’après l’auteur, « de l’intersection du réel et de


l’imaginaire qui se relativisent mutuellement »115. L’analyse configurationnelle est, dans ce sens,
un artefact de la géopolitique pragmatiste :

« Simultanément topographique (le fait qu’il rende compte du cadre naturel et des situations
géographiques des acteurs), topologique (le fait qu’il reflète leur hiérarchie et leurs perceptions
mutuelles) et praxéologique (le fait qu’il résulte de l’interaction des stratégies des acteurs) […] en
fait un moyen heuristique pour interpréter l’état et le fonctionnement du monde, d’une façon à la fois
systémique et multiperspectiviste »116.

Cette dernière approche dite pragmatiste de la géopolitique contemporaine sera donc l’un
des points d’ancrage de notre travail. Il s’agit in fine d’une perspective géopolitique qui permet
d’appréhender méthodologiquement la spatialité, non pas rigide et insurmontable, mais malléable
et interactive, des relations internationales117.

III. INTERET DE L’ETUDE

Il n’est nullement question ici de céder le pas à une quelconque « induction utilitaire » qui,
d’après Gaston BACHELARD, « conduit à des généralisations exagérées »118. Dans un processus
de « formation psychologique de la pensée scientifique »119 comme celui dans lequel nous sommes
engagés, il importe de se méfier de cet obstacle potentiel en abordant, avec mesure, l’exposé de
l’intérêt.

Toutefois, il est également nécessaire de garder à l’esprit que, pour parler comme
DURKHEIM repris par Frédéric RAMEL, « la sociologie ne vaut pas une heure de peine si elle

114
DUSSOUY, G., Quelle géopolitique au XXIe siècle ?, Paris : Les Editions Complexe, 2001, pp. 30-31.
115
Ibid., p. 31.
116
DUSSOUY, G., « La géographie », in BALZACQ, T., RAMEL, F., Traité de relations internationales, Paris :
Presses de Sciences Po., 2013, pp. 327-348.
117
Idem.
118
BACHELARD, G., La formation de l’esprit scientifique, Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 2011 (1938), p.
111. Pour l’auteur en effet, « la poussée utilitaire conduira presque infailliblement trop loin. Tout pragmatisme, par
le seul fait qu’il est une pensée mutilée, s’exagère fatalement. L’homme ne sait pas limiter l’utile. L’utile, par sa
valorisation, se capitalise sans mesure ».
119
Ibid., p. 116.

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n’a de finalité pratique »120. Notre effort résiderait donc plutôt en l’éloignement de l’énoncé
desdits intérêts de nos sensibilités personnelles en les rattachant à la quête d’une vérité scientifique
universellement reproductible. Notre souci est plutôt, en définitive, celui de donner les motivations
profondes de notre patience scientifique121, une patience qui, sans intérêt, comme le souligne
également Gaston BACHELARD repris par RAMEL « serait souffrance. [Mais] avec cet intérêt,
[…] est une vie spirituelle »122. L’intérêt ainsi envisagé est aussi bien scientifique (A) que pratique
(B).

A. Intérêt scientifique
L’intérêt scientifique du présent travail est d’abord méthodologique avant d’être théorique.

Du point de vue méthodologique, notre étude entend contribuer à remettre au goût du jour
l’approche hypothético-inductive dans l’étude des relations internationales. Ce choix
méthodologique s’avère novateur en ce qui concerne spécifiquement l’étude des relations
internationales à partir de l’Afrique où, très souvent, la lecture holistique de la scène internationale
prime sur celle individualiste. Comme le rappelle fort opportunément Dario BATTISTELLA
reprenant DEVIN :

« Issue du behaviorisme, celle-ci (l’approche hypothético-inductive) privilégie une démarche


empirico-inductive : partir des objets d’étude pour dégager des conclusions éventuellement
généralisables plutôt que de choisir préalablement le paradigme qui va conduire la recherche »123.

Partir de l’objet d’étude qu’est la contribution du président de la République à la mise en


œuvre de la politique étrangère d’un pays d’Afrique noire francophone, comme le Cameroun,
devrait permettre de poser un nouveau regard sur la nature des politiques étrangères de ces
derniers en aboutissant à leur théorisation, c’est à dire une ou des perspectives d’interprétation
globale de leur être sur la scène internationale. Mais un être plus en phase avec la réalité car issue

120
RAMEL, F., « La sociologie », dans BALZACQ, T., et RAMEL, F. (dir), Traité de Relations Internationales,
Paris : Presses de Science Po., 2013, pp. 499-522.
121
Ibid., p. 12.
122
Idem.
123
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses des Sciences Po. 5e éd. 2015, p. 31-32,
note 50.

Page | 32
de la pratique sur le terrain, la détermination des régularités historiques de cette dernière, avant
toute généralisation, au lieu de procéder de façon inverse comme il est généralement de coutume.

En outre, la perspective d’analyse géopolitique introduite par la présente étude


permettra d’explorer le rapport existant entre le statut présidentiel et l’espace géographique,
dans son rôle de participation à la mise en œuvre de la politique étrangère. D’après Philippe
MOREAU DEFARGES124, il est question d’une interrogation :

« Sur les rapports entre l’espace (dans tous les sens du mot) et la politique : en quoi les données
spatiales affectent-elles les orientations de la politique ? Et aussi comment le politique se sert-il de
l’espace ? ».

En se saisissant du statut présidentiel étant, dans les Etats d’Afrique noire francophone, à
la tête du pouvoir politique en général, et exécutif en particulier, il est question de mieux cerner
l’utilisation qu’il fait de l’espace dans sa contribution à la mise en œuvre de la politique étrangère,
le tout dans une logique de compréhension en vue d’explication.

Ne perdons pas de vue qu’au Cameroun, « le président de la République est le Chef de


l’Etat »125, et représente en conséquence ce dernier « dans tous les actes de la vie publique »126,
sous entendue à l’intérieure comme à l’extérieure du territoire national. S’il est établi, du point de
vue théorique, que dans une certaine mesure « l’Etat c’est lui », et que d’après Rudolf KJELLEN
la géopolitique est « la science de l’Etat en tant qu’organisme géographique tel qu’il se manifeste
dans l’espace »127, il devient donc possible d’envisager cerner la vivacité de l’Etat-nation
camerounais sur la scène internationale au travers de l’occupation dudit espace par celui qui
l’incarnerait.

Il est en outre question, à partir de la présente étude, de contribuer à l’élargissement


du champ des données qui entrent en jeu en matière d’évaluation des politiques publiques.
Comme le relève Steve JACOB :

124
MOREAU DEFRAGES, P., Introduction à la géopolitique, Paris : Editions du Seuil. 3e éd, 2009, p. 9.
125
Article 5 de la Constitution du 18 janvier 1996.
126
Ibid., article 8 (1).
127
SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., Dictionnaire des Relations internationales, Paris :
Dalloz, 2e éd., 2006, p. 247.

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« De nos jours, l’évaluation regroupe une variété de pratiques très différentes les unes des autres qui
gonflent le « courant des études et des données » en vue de documenter le fonctionnement de l’Etat.
Il existe une telle diversité de perspectives qu’il est impossible de les recenser toutes »128.

En introduisant la démarche géopolitique dans l’évaluation des politiques publiques


ou mieux de l’action publique à travers la saisine de la contribution du président de la
République à la diplomatie, il est question pour nous de poser un nouveau regard sur
l’évaluation en approfondissant les secteurs jusqu’aux acteurs primordiaux de la mise en
œuvre des politiques publiques, et notamment de la politique étrangère. Nous envisageons
donc établir quel aura été l’impact de la diplomatie présidentielle en termes de construction, de
déconstruction ou de maintien de l’appareil diplomatique, ou encore de respect effectif des
principes de la politique étrangère de l’Etat.

De même, face aux atermoiements de la doctrine au sujet de l’évaluation de la politique


étrangère, il est question de proposer ce que nous pouvons qualifier de « deep assessment » ou
un modèle d’évaluation sur la longue durée, en mobilisant des outils et une démarche
innovants.

A noter que l’évaluation du programme, dans la perspective de Charles O. JONES reprise


par Pierre MULLER :

« Est une phase préterminale de mise en perspective des résultats du programme. Elle comprend la
spécification de critères de jugements, la mesure des données, leur analyse et la formulation de
recommandations »129.

Nous nous inspirons des deux Programmes majeurs, pris au sens d’« ensemble d’actions à
mettre en œuvre au sein d’une administration pour la réalisation d’un objectif déterminé dans le
cadre d’une fonction »130, sur lesquels repose la budgétisation des activités des administrations
publiques camerounaises et du MINREX depuis 2012. Il s’agit dans ce dernier cas, du Programme
076 intitulé « Valorisation du potentiel de la coopération bilatérale » et le Programme 077 intitulé
« Dynamisation de la coopération multilatérale et de la coopération décentralisée ».

128
JACOB, S., « Évaluation », dans BOUSSAGUET, L., JACQUOT, S., RAVINET, P. (dir), Dictionnaire des
politiques publiques, Paris : Presses de Sciences Po., 4e éd., 2014, pp. 257-266.
129
MULLER, P., Les politiques publiques… Op. cit., p. 22.
130
Guide méthodologique d’élaboration des Cadres de dépenses à moyen termes, MINEPAT, avril 2020, p. 56.

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Ces deux Programmes représentent en réalité les deux principales modalités de l’action
diplomatique d’un Etat, à savoir la diplomatie bilatérale et la diplomatie multilatérale.

Depuis leur conception, suite au lancement du budget programme en 2007131, ces deux
Programmes affichent chacun un objectif et un indicateur de mesure.

Le Programme 076 a ainsi pour objectif de « capitaliser au bénéfice du Cameroun le


potentiel qu’offre la coopération bilatérale ». Son indicateur est : « nombre annuel d'instruments
juridiques de coopération bilatérale négociés, mis en forme ou signés »132.

Quant au Programme 077, son objectif est de « maximiser et diversifier les opportunités à
caractère sécuritaire et socioéconomique de la coopération multilatérale et de la coopération
décentralisée ». Son indicateur est : « nombre de projets et programmes à caractère sécuritaire et
socioéconomique mis en œuvre au Cameroun grâce à la coopération multilatérale et la
coopération décentralisée »133, 134.

Il va donc sans dire, à l’analyse, que l’action diplomatique du Cameroun a eu à poursuivre


depuis la fondation de l’Etat, les deux objectifs clés ci-dessus rappelés aux plans bilatéral et
multilatéral. Que ce soit au niveau du déploiement des services compétents du Ministère des
relations extérieures présenté comme « le chef de file du sous-secteur des Relations Internationales
et de la Diplomatie (économique, multilatérale et bilatérale) »135, ou dans le cadre de la
participation des autres Départements ministériels, administrations et rôles institutionnels à la mise
en œuvre de la politique étrangère. La diplomatie présidentielle appréhendée ici ne saurait donc y
déroger. Aussi pouvons-nous nous inspirer de ce qui précède pour préciser les cinq critères

131
Ce sont les lois n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant nouveau régime financier de l’Etat et n° 2012/014 du
21 décembre 2012 portant Loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2013 qui ont donné lieu à
la formulation des premiers budgets en mode programme par les Administrations et les Rapports Annuels de
Performance correspondants.
132
Projet de loi de finances pour l’exercice 2019, Chapitre 06 : Ministère des relations extérieures, p. 11.
133
Ibid., p. 17.
134
Le Ministère des relations extérieures a également deux autres Programmes, pour un total de quatre Programmes.
Le Programme 078 intitulé « Gestion des Camerounais à l’étranger », avec pour objectif : « Améliorer la contribution
des camerounais à l’étranger à la vie politique, sociale et économique du pays », et pour indicateur : « Niveau de
participation des camerounais à l’étranger à la vie politique, économique et sociale ». Le Programme 079 intitulé
« Gouvernance et appui institutionnel ». Il a pour objectif : « Améliorer la coordination des services et assurer la mise
en œuvre des Programmes » et pour indicateur : « Taux de réalisation des activités budgétisées ». Voir Ibid.
135
Voir Rapport annuel de performances (RAP) 2019, Chapitre 06 : Ministère des relations extérieures, p. 7.

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fondamentaux (extensibles à tous les Etats) de l’évaluation systématique de la politique
étrangère :

1. Elle se fait sur la base des deux principales modalités que sont la diplomatie bilatérale et la
diplomatie multilatérale ;
2. L’objectif est de systématiser la compréhension du comment les Etats maximisent,
capitalisent et valorisent-ils leurs potentiels face aux opportunités qu’offre la coopération
internationale aux plans bilatéral et multilatéral ;
3. Elle se fait à partir de la prise en compte de la contribution d’un rôle institutionnel, acteur
monolithique, à la mise en œuvre de la politique étrangère ;
4. Elle se fait sur la longue durée, à partir de dix ans, étant donnée le caractère permanent 136
de la politique étrangère ne pouvant enregistrer des variations qu’avec les changements des
rôles institutionnels à la tête des exécutifs d’Etat ;
5. Eu égard à la spatialité ou la territorialité consubstantielle à la mise en œuvre de la politique
étrangère, son évaluation comportera une nécessaire inscription spatiale, une dimension
géopolitique. On parlera alors de géodiplomatie.

Les critères de jugement ou mieux d’interprétation des résultats statistiques et empiriques


obtenus seront ici calqués sur ceux en vigueur au Ministère camerounais de l’économie, de la
planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT). Quand il s’agit en effet d’apprécier
le degré ou le niveau de pertinence d’une activité, dans le cadre de l’évaluation annuelle des
activités des différents Départements ministériels, le MINEPAT prescrit une appréciation :

« Sur une échelle de LIKERT à trois modalités : faible, moyen et élevé. Le niveau de pertinence sera
jugé : Faible137 si l’apport de l’activité n’est pas considérable à l’atteinte de la cible de l’indicateur
de l’action ; Moyen si l’apport de l’activité est considérable à l’atteinte de la cible de l’indicateur de
l’action ; Elevé si l’apport de l’activité est très considérable à l’atteinte de la cible de l’indicateur de
l’action »138.

136
Il convient toutefois de relativiser ce caractère permanent de la politique étrangère d’un Etat, notamment si l’on
prend en compte l’hypothèse selon laquelle il peut arriver qu’un Etat disparaisse ou plus trivialement meurt. Dans ce
cas de figure, la politique étrangère sera également appelée à prendre fin.
137
C’est nous qui soulignons.
138
Voir Référentiel technique de la revue des activités des administrations publiques, février 2020, p. 12.

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Le modèle d’évaluation de la politique étrangère que nous proposons prendra donc en
compte cinq possibilités continentales et 193 possibilités étatiques139. Il sera question de dire quel
aura été le niveau de pertinence (faible, moyen ou élevé) de la géodiplomatie du rôle institutionnel
concerné, dans le cas d’espèce, du président de la République du Cameroun, vis-à-vis de chacune
des trajectoires spatiales considérées. Auxdits trois niveaux de pertinence nous ajouterons un
niveau, celui dit « zone grise diplomatique », devant correspondre aux zones de non couverture
diplomatique.

B. Intérêt pratique
Sur le plan pratique, le travail entrepris vise à introduire dans l’analyse de l’action
publique, une nouvelle grille d’évaluation. En matière politique, ceci devrait permettre une
meilleure saisine, sur la longue durée, des contours de l’intervention des statuts considérés
dans l’action publique et d’envisager, le cas échéant, des recadrages politiques, législatifs ou
réglementaires.

Il contribue à la clarification de la portée des activités du statut institutionnel de


président de la République, dans le cadre de la diplomatie, à travers la perspective historique
de son déploiement physique et l’exploitation de sa production discursive.

Dans cette entreprise, il convient de ne pas céder le pas à une quelconque attitude
d’autocensure scientifique face à la pression sociale ambiante qui attribue au statut présidentiel un
caractère « sacro-saint ». Ceci est particulièrement vrai au Cameroun et, dans une certaine mesure,
dans toute l’Afrique francophone. Cette nouvelle démarche évaluative pourra par la suite être
reproduite à différentes échelles (locale ou globale) au sein des appareils administratifs
publics ou privés au Cameroun et dans d’autres Etats d’Afrique et du monde.

La nature du statut, et par ricochet de ses rôles à analyser, ne devrait en aucun cas s’avérer
être un frein à l’effort de conquête de l’objet, de sa construction et de sa constatation. La sacralité
supposée d’un statut ne devant être considérée comme un obstacle au progrès scientifique.
Raymond ARON ne conseille-t-il pas au sociologue, dans sa leçon inaugurale au Collège de

139
Correspondant aux 193 Etats membres des Nations Unies.

Page | 37
France, tel que le rapporte Frédéric RAMEL, « de ne pas fuir en dépit de tous les obstacles, les
objets d’étude à propos desquels les partis s’opposent et les passions s’enflamment »140 ?

En outre, le choix de cet objet d’étude nous plonge dans les méandres de la sociologie des
institutions. Comme le souligne Olivier NAY :

« Si une institution peut être plus ou moins objective – dans le droit, dans la coutume, dans une
organisation… - elle n’existe pas en dehors des pratiques de ses membres. Cela suppose de porter
attention à la façon dont les rôles institutionnels (ex. : rôle de président de la République, de député,
de porte-parole d’intérêts collectifs…) sont appris, intériorisés, voire remodelés par ceux qui les
occupent au cours de l’histoire. La sociologie des institutions est donc aussi une sociologie de la
socialisation et de la prise de rôle. Elle permet de comprendre les effets de l’appartenance
institutionnelle sur les individus, aussi bien que les effets sur les institutions de l’action de ceux qui
les peuplent141 »142.

Mieux que l’ambition de comprendre les effets de l’appartenance institutionnelle sur les
individus, il est plutôt question pour nous, dans la logique d’une sociologie des instituions
internationalisées, de nous intéresser à la portée de l’action des individus les ayant peuplé, à partir
d’indicateurs précis, en particulier de l’action du rôle présidentiel en matière de diplomatie.

De façon générale, en prenant pour critère d’appréciation la mise en œuvre de la politique


étrangère, il est question de comprendre quelles relations il y a entre l’action diplomatique du chef
de l’Etat camerounais et l’espace géographique, en vue de faire l’économie de sa contribution et
d’expliquer les formes, les variations et décalages éventuels d’avec les desseins de politiques
étrangères de l’Etat, et les enjeux qui les ont sous-tendus. Ceci devrait donc permettre la
compréhension des changements survenus dans lesdites politiques au cours de l’histoire, et
de faire évoluer la compréhension de l’histoire diplomatique du Cameroun.

On cherchera, enfin, à ouvrir la porte à la possibilité d’analyse de la dimension


diplomatique des mandats électoraux ou des prises de rôles administratifs 143 en science

140
RAMEL, F., « La sociologie », In BALZACQ, T., et RAMEL, F. (dir), Traité de Relations internationales… Ibid.
141
C’est nous qui soulignons.
142
NAY, O., Lexique de Science politique : vie et institutions politiques, Paris : Dalloz., 2008, p. 261.
143
Rôles de ministre, de maire, de conseiller municipal, de directeur de banque ou d’établissements administratifs
autonomes, etc.

Page | 38
politique. Comme le relèvent Guillaume DEVIN et Marie-Françoise DURAND, notre recherche
devra montrer autre chose que la résolution d’une énigme particulière, et proposer :

« Des pistes de réflexion pour d’autres cas comparables ou pour des questions d’intérêt général à
l’étude des relations internationales »144.

Au finish, sur le plan professionnel, le présent travail vise l’approfondissement de nos


connaissances en matière de politique étrangère et d’histoire diplomatique camerounaises,
ainsi que l’acquisition de nouvelles aptitudes en matière de travail cartographique pour ce
qui est de la construction de cartes géographiques thématiques. A la constatation suivant
laquelle l’université de Yaoundé II et particulièrement l’Institut des Relations Internationales du
Cameroun (IRIC) n’offrent pas encore de séminaires spécialisés aux apprenants sur la cartographie
thématique, le présent travail ouvre des perspectives intéressantes en matière d’enseignement
de la cartographie thématique en Relations internationales et études stratégiques.

IV. DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE

Nous présenterons en premier les limites spatiales de l’étude (A) avant celles temporelles
(B).

A. Délimitation spatiale
Sur le plan spatial, l’unité de base, le cas d’étude pertinent de notre travail se trouve être
l’Etat du Cameroun. D’après l’article 1er alinéa 2 de la Constitution du 18 janvier 1996 :

« La République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Elle est une et indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle reconnait et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes
démocratiques, aux droits de l’homme et à la loi. Elle assure l’égalité de tous les citoyens devant la
loi ».

Sur le plan géographique, cette communauté étatique de 475 440 kilomètres carrés et plus
de 24 millions d’habitants est située en plein cœur du continent africain, dans le Golfe de Guinée.
Dans la description qu’il fait du pays, François MATTEI note qu’:

144
DEVIN, G., et DURAND, M-F., « Décrire, représenter, interpréter », in Méthodes de recherche en relations
internationales, Paris : Presses de Science Po., 2016, pp. 17-37.

Page | 39
« En renversant la carte du pays, qui représente un cône, entre ses frontières avec le Tchad, le Nigéria,
le (sic) Centrafrique, le Congo-Brazzaville et le Gabon, on découvre d’ailleurs en réduction la forme
du continent africain »145.

A la tête du pays se retrouve un président de la République qui, suivant les termes de


l’article 5 alinéas 1 et 2 de la Constitution du 18 janvier 1996 en vigueur au moment où nous
écrivons, est :

« Le Chef de l’Etat. Elu de la nation toute entière, il incarne l’unité nationale […] définit la politique
de la nation […] est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la
permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords internationaux ».

L’article 8 alinéas 1 et 3 stipule en plus que : « le Président de la République représente


l’Etat dans tous les actes de la vie publique » et « veille à la sécurité intérieure et extérieure de la
République ». Plus encore, suivant l’article 4, il exerce concurremment avec le Parlement,
l’autorité de l’Etat.

C’est sur la base de ce qui précède qu’étudier la contribution du président de la République


en matière de mise en œuvre de la politique étrangère nécessite une certaine globalité au vu de son
emprise légal e sur l’action extérieure de l’Etat. En réalité, à partir du Cameroun, il sera question
de prendre en compte l’ensemble des Etats de la planète avec lesquels le chef de l’Etat aurait eu
un contact direct, personnel, physique, discursif ou règlementaire. Cela laisse donc présager qu’il
faudra envisager une étude qui prenne en compte l’espace géographique mondial. À partir du
Cameroun, on s’étendra aux quatre points cardinaux du globe terrestre.

B. Limites temporelles
Les limites temporelles du présent travail vont de 1982 à 2002, soit 20 ans. Vingt ans qui
correspondent, d’une part, à l’accession à la magistrature suprême du président Paul BIYA146, en
tant que troisième chef de l’Etat camerounais et deuxième président de la République, et d’autre
part à la publication des premières anthologies des discours du président de la République du
Cameroun. 2002 marque également l’entrée dans le troisième millénaire, avec l’éruption du
terrorisme moderne marqué par une mutation des modes opératoires des acteurs terroristes et une

145
MATTEI, F., Le code Biya, Paris : Blaland, 2009, p. 11.
146
Le 6 novembre 1982.

Page | 40
complexification de l’ordre sécuritaire international dorénavant lu sous le prisme de l’insécurité
globale.

Notre choix se justifie par l’impératif de l’analyse sur la longue durée, propre à la démarche
géopolitique. Dans ce sens, François THUAL souligne qu’« après l’identification des
comportements, leur inscription dans une analyse de longue durée historique »147, c’est
l’inscription spatiale qui complète les trois temps de la réflexion géopolitique. Pour cet auteur en
effet :

« La pertinence de la méthode géopolitique repose sur […] la mise en perspective sur la longue durée
[des]comportements et des intentions »148, dans le sens où « repérer les intentions des Etats et des
groupes humains et les inscrire dans la durée met en évidence des continuités sur plusieurs décennies,
voire sur plusieurs siècles »149.

Cela étant dit, il convient à présent d’évoquer les éléments de la doctrine qui tendent à
analyser l’action officielle du président de la République du Cameroun en termes de diplomatie,
en vue de nous assurer de la pertinence de notre trajectoire analytique.

V. REVUE DE LA LITTERATURE

Pour Luc VAN CAMPENHOUDT et Raymond QUIVY :

« Le propre du scientifique, qui est censé avoir été formé à la systématique et aux fondements de sa
discipline, n’est pas de tout savoir de cette discipline ou de cette sous-discipline mais bien, comme le
dit Pierre BOURDIEU, de « savoir ce qu’il ne sait pas », c’est-à-dire de ne pas ignorer l’existence
de ce qu’il ne maitrise pas et de pouvoir dès lors situer correctement son mode d’approche dans
l’espace des approches possibles, en d’autres termes sa portée et ses limites »150.

Ainsi résument-ils la nécessité d’une revue de la littérature dans une discipline ou sous-
discipline donnée par un chercheur qui s’y intéresserait, avant toute entreprise sérieuse
d’exploration scientifique de l’objet d’étude choisi.

147
THUAL, F., La méthode géopolitique : apprendre à déchiffrer l’actualité, Paris : Ellipses, 1996, p. 23.
148
THUAL, F., La méthode géopolitique… op. cit., p. 22.
149
Idem.
150
VAN CAMPENHOUDT, L., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales, Paris : Dunod, 4e éd., 2011,
p. 100.

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Il est question de voir si, dans un secteur de connaissance donné, « […] personne […] n’a
traité toute cette matière, et que ceux qui en ont traité des parties, l’ont fait de manière à laisser
beaucoup au travail d’autrui »151.

La revue de la littérature sur la diplomatie présidentielle que nous proposons partira des
considérations doctrinales extra-africaines et africaines, pour aboutir sur celles camerounaises
proprement dites.

D’entrée de jeux, il convient de souligner qu’il est pratiquement impossible de faire l’Etat
des lieux de la politique extérieure d’un pays, sans évoquer la dimension relative à la contribution
des acteurs institutionnels dans sa formulation et sa mise en œuvre. Dans cette optique, il est très
souvent loisible de retrouver des références audits éléments analytiques dans les travaux sur la
politique étrangère des Etats152. Malgré tout, très peu d’études se sont focalisées sur l’analyse de
la diplomatie présidentielle proprement dite, dans l’optique d’en rendre compte de façon
systématique pour le cas d’un Etat en particulier ou d’un groupe d’Etats.

1. Au plan extra-africain

Au plan extra-africain, il convient de noter que les premières analyses ayant porté sur la
diplomatie présidentielle, dans une logique de spécificité et d’exhaustivité, datent des années 1950
aux Etats-Unis d’Amérique. Dans Summit Diplomacy : Personal Diplomacy of the President of
the United States, publié en 1958, Elmer PLISCHKE fait l’état de ce qu’il appelle « la diplomatie
des Sommets », entendue comme la diplomatie des hautes autorités de l’Etat au niveau du pouvoir
exécutif, notamment de celui du président des Etats-Unis d’Amérique, chef de l’Etat. L’auteur
établit cinq (05) éléments principaux constitutifs de la diplomatie présidentielle à savoir : la
formulation, l’énonciation et la formalisation de la politique étrangère ; les communications
présidentielles personnelles ; les représentants personnels du président de la République ; les
visites d’Etat, et les conférences au sommet153.

Dans cette contribution, l’auteur s’intéresse à la diplomatie personnelle des chefs d’Etat
américains. Il remarque dans ce sens que l’implication des souverains dans la conduite des

151
GROTIUS, H., Le droit de la guerre et de la paix (1625 (extrait)), cité par RAMEL, F., Philosophie des relations
internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2e éd., 2011, p. 124.
152
Dans ce travail, nous utilisons indistinctement les concepts de politique étrangère et de politique extérieure.
153
Voir PLISCHKE, E., Summit Diplomacy : Personal Diplomacy of the President of the United States, … Op. cit.

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« affaires du dehors » et notamment la conclusion des traités et accords remonte au moins à
l’antiquité, comme en témoigne la négociation du traité entre le pharaon RAMSES II et le roi des
Hittites KHETASAR, en 1280 avant J-C. Une pratique qui s’est répétée tout au long de l’histoire
à travers notamment les empereurs, rois, princes, dictateurs, premiers ministres et présidents,
d’Alexandre le Grand au Kaiser William II, en passant par Napoléon Bonaparte, la Reine Elizabeth
II, Julius César, pour ne citer que ceux-ci154.

En prenant pour cas d’étude la diplomatie personnelle du président des Etats-Unis


d’Amérique, PLISCHKE entend rendre compte de la « diplomatie de Sommets », terme dont il
attribue la paternité au président Winston CHURCHILL dans un discours à l’occasion de la mort
de STLAIN en 1953, quand il appelait alors à la tenue urgente d’une « Conférence au Sommet
entre leaders des puissances Occidentales et l’union Soviétique »155. D’après l’auteur, le terme
« Summit » ferait référence au niveau de chef de l’Exécutif, comprenant aussi bien le chef de l’Etat
que du gouvernement. Toutefois, faut-il le souligner, aux Etats-Unis comme d’ailleurs au
Cameroun et dans la quasi-totalité des Etats d’Afrique francophone, le « Sommet » renvoie au
niveau présidentiel, étant donné que ce dernier, ici comme là-bas, représente le Sommet de
l’Etat156.

Sur la base de ces considérations, Elmer PLISCHKE propose donc la définition rappelée
supra de la « diplomatie de Sommet » synonyme, dans le contexte de notre étude, de la diplomatie
présidentielle.

2. Au plan afro-camerounais

Dans une perspective large, les travaux de Frédéric Joël AIVO ne sauraient être négligés,
quand il s’agit de parler de la contribution des chefs d’Etat d’Afrique francophone à la mise en
œuvre de la politique extérieure de leurs Etats. En 2007, l’auteur publie, Le président de la
République en Afrique noire francophone : genèse, mutations et avenir de la fonction. Dans cette
contribution, il observe que :

154
PLISCHKE, E., Summit Diplomacy… Op. cit., p. 2.
155
Ibid., pp. 3-4.
156
Ibid., p. 4-5.

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« Le présidentialisme africain n’est pas marqué que par la concentration du pouvoir exécutif aux
mains du président de la République. Il est aussi l’expression d’un pouvoir personnifié et
personnalisé. Insatiable et sans limite réelle, il apparait plutôt comme un pouvoir prédateur qui « est
partout présent », qui « partage ou s’accapare les pouvoirs des autres organes de l’Etat » »157.

Reprenant les travaux de Maurice KAMTO, l’auteur « voit dans l’autocentricité primaire
du commandement africain, « le refus du pouvoir contrôlé ». Un pouvoir qui ne se soumet à aucun
autre »158.

Sur le plan diplomatique, relève AIVO :

« Il n’existe vraisemblablement pas en Afrique noire, de pouvoir abstrait, impersonnel et général. Le


pouvoir politique y a, un visage, bref, un support humain qui ne connait ni concurrence, ni de
frontières […]. Les constituions africaines sont sans ambiguïtés sur la définition des pouvoirs du
président de la République dans le domaine des affaires étrangères. […]. Les compétences
diplomatiques du président de la République se résument dans cette formule commune au Bénin, au
Togo, au Gabon au Cameroun et au-delà, à tous les autres pays de l’Afrique noire francophone : « le
président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des
puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires des puissances étrangères
sont accrédités auprès de lui » »159.

Sur le cas spécifique du Cameroun, l’auteur observe que le pays « concentre


successivement entre les mains d’Ahmadou AHIDJO et de Paul BIYA, la réalité des pouvoirs
diplomatiques »160. Au Cameroun, ajout-il, « plusieurs travaux ont notamment mis en évidence le
penchant patrimonial et très personnel de l’exercice des compétences diplomatiques de l’Etat »,
une patrimonialisation accompagnée d’une forte personnalisation en tant que trait marquant des
diplomaties africaines161. En effet, d’après l’auteur, s’appuyant notamment sur les travaux de Jack
HAYWARD, les relations diplomatiques constituent l’un des trois facteurs qui conduisent à la
personnalisation du pouvoir162 :

157
AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone… Op. cit., p. 170.
158
Idem.
159
Ibid., pp. 171-172.
160
Ibid., p. 174.
161
Ibid., p. 175.
162
Les deux autres étant la sélection des dirigeants et les crises étrangères telles que les guerres.

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« La nécessité d’entretenir des relations avec les autres est la seconde raison menant à la
personnalisation du pouvoir dans un homme d’Etat international »163.

Plus important encore, l’auteur souligne que :

« Les sommets bilatéraux ou multilatéraux permettent […] aux dirigeant de personnifier la nation
d’une façon moins ouvertement partisane, endossant ainsi le manteau de l’homme d’Etat »164.

Dans une longue présentation, l’auteur insiste sur les caractéristiques de la personnalisation
du pouvoir politique africain par les relations diplomatiques :

« La personnalisation de la politique étrangère en Afrique noire francophone se traduit d’abord par


la volonté constante de tous les chefs d’Etat de concevoir par eux-mêmes, les grandes orientations du
positionnement stratégique de leurs pays sur la scène africaine et internationale. Cette
personnalisation des pouvoirs diplomatiques va d’autre part s’apprécier à travers l’exclusivité que
s’accorde le chef africain dans la réalité de ses relations non seulement avec ses pairs mais aussi
avec tous les officiels étrangers. C’est ainsi qu’il est par exemple très rare, voire presque inexistant,
de voir un chef d’Etat étranger dans ses échanges, avoir à faire à un autre personnage de l’Etat ou
plus simplement à une personnalité politique autre que le président de la République lui-même. En
dehors des membres du gouvernement dont le rôle s’arrête strictement à l’accueil du chef d’Etat hôte
et éventuellement, à la participation à une séance de travail, aucune autre personnalité de l’Etat, sans
être expressément habilitée, ne peut avoir de contact officiel avec lui. Que ce soit sur le territoire
national ou à l’extérieur, le président de la République se réserve à lui et à lui seul, le droit et le
privilège, d’être en relation avec les chefs d’Etat étrangers. Il en est de même de tous les autres
officiels, Ministres, présidents d’institution, envoyés plénipotentiaires, hauts fonctionnaires
internationaux en séjour dans le pays. La pratique diplomatique et protocolaire largement répandue
en Europe et dans un certain nombre de régimes politiques ouverts et modernes, qui consiste à mettre
un hôte quel que soit son rang, en contact avec l’ensemble des acteurs de la scène politique, de la
société civile ou du monde économique, n’est pas valable en Afrique noire francophone »165.

C’est dans ce trait spécifique déjà observé par Gérard CONAC qui veut que « l’Afrique des
Etats a des liaisons personnalisées »166 que le présent travail trouve une partie de son fondement.
Alors qu’une grande partie de la doctrine semble se limiter soit à une présentation des prérogatives
présidentielles, notamment en matière de politique étrangère et de diplomatie du Cameroun, ou,

163
HAYWARD, J., « Un Premier ministre pourquoi faire ? », dans Le Premier ministre, Pouvoirs n° 83, p. 9, cité par
AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone… Op. cit., p. 176.
164
Idem.
165
AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone… Op. cit., pp. 176-177.
166
Cité par AIVO, F. J., Le président de la République en Afrique noire francophone… Ibid., pp. 177.

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pour une autre partie arborant un manteau un peu plus post positiviste voir critique, à l’influence
de l’idiosyncrasie ou aux liens entre politique politicienne du président de la République et
typologie ou tendances discursives de ce dernier, notre approche se veut innovante. Dans le détail,
quels sont nos devanciers sur le terrain de l’analyse de la diplomatie présidentielle camerounaise
et dans qu’elle mesure ont-ils laissé assez de matière à notre réflexion ?

Il faut en effet attendre 1996 pour voir des travaux suggérant une analyse du phénomène
socio-institutionnel « président de la République du Cameroun », et particulièrement de son action
sur la scène internationale. Les analystes qui se sont attelés à l’étude de la diplomatie camerounaise
avec une emphase sur le rôle du président de la République, chef d’Etat, peuvent être rangés en
deux groupes : les classiques et les critiques.

Le groupe des classiques rassemble les auteurs qui proposent une analyse emprunte de
l’épistémologie positiviste, qui accepte comme cadre donné pour l’action, le monde tel qu’il se
présente, avec ses relations sociales et de pouvoirs ainsi que les institutions qui l’organisent. Il
s’agit de travaux dont la perspective analytique de la contribution du président de la République
en matière de politique étrangère s’avère plutôt lisse, le rôle institutionnel étant présenté comme
agissant toujours dans le sens de l’intérêt général, ou mieux de l’intérêt national, y compris en
s’armant parfois de l’idiosyncrasie du titulaire du statut. On y retrouve des travaux d’importance.

Évoquons en premier lieux ceux, en 1996, de Narcisse MOUELLE KOMBI. Dans La


politique étrangère du Cameroun167, l’auteur s’interroge sur « la nature, les orientations et les
composantes de la politique étrangère du Cameroun »168. Il se met :

« A la recherche des modalités, des finalités et des lignes directrices de l’usage par l’Etat
camerounais, de ses compétences externes. C’est-à-dire, celles qu’il exerce en tant que membre
souverain de la société internationale et qui sont relatives à ses fonctions diplomatiques »169.

En claire, l’auteur entend :

« Montrer d’une part, que l’Etat camerounais s’est doté d’un appareillage, juridico-institutionnel lui
permettant d’encadrer et de valoriser ses compétences externes, cette valorisation s’inscrivant
prioritairement dans le cadre d’une stratégie de développement national. Et d’autre part, que

167
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun, Paris : L’Harmattan1996.
168
Ibid., p. 7.
169
Ibid., p. 10.

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Yaoundé essaie de mettre en œuvre une politique étrangère empreinte de réalisme et de pragmatisme,
axée sur quelques principes fondamentaux mais se prêtant opportunément et utilement à des
adaptations commandées par les circonstances »170.

Dans cette logique, présentant les fondements de l’action internationale du Cameroun,


l’auteur met un point d’honneur à souligner la prééminence institutionnelle du président de la
République. « En la matière, relève-t-il, le Cameroun n’a pas innové »171 et reste plutôt dans le
champ du traditionalisme, avec non pas un mimétisme mais un réel « souci d’adapter un appareil
diplomatique jeune aux exigences habituelles des rapports interétatiques »172. Dans ce cadre :

« Placé au sommet de tous les organes constitutionnels, le président de la République a toujours eu


un rôle de premier plan dans l’élaboration et la direction de la politique étrangère du pays. […] chef
de l’exécutif […] il définit, conduit et détermine la politique de la nation (de façon générale). […] Au
total [il] est le « monarque républicain », le souverain capable de vouloir et d’agir pour la nation
tout entière »173,174.

Dans la même veine, Yves Alexandre CHOUALA publie, en 2014, La politique extérieure
du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionales 175
. L’objectif fondamental
de l’auteur est alors de « dépasser la simple perspective juridique, au demeurant assez limitée, qui
a caractérisé les premières études y consacrées au profit de la restitution à la fois juridico-
politique et historico-sociologique de la politique étrangère »176 du Cameroun. Analysant la

170
Ibid., p. 11.
171
Ibid., p. 15.
172
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun…, ibid., p. 15
173
Ibid. p. 16-17.
174
Dans une veine similaire, Elvis NGOLLE NGOLLE s’interroge en 1996 sur l’impact que pourrait avoir le processus
de démocratisation des années 1990 sur le comportement extérieur du Cameroun : « what are the consequences of
these democratic changes on our external behavior? What do these changes mean for our relations with the external
world? How are these changes to be viewed by the external environment? What kinds of external reactions would
contribute in not only establishing a democratic Cameroonian polity but also one that would stand the test of time? ».
Aussi l’auteur conclut-il qu’en plaçant son analyse dans le cadre des principes et des objectifs qui caractérisent la
politique étrangère camerounaise, il a fait « valoir que les efforts actuels en faveur du changement politique
démocratique sont porteurs de conséquences sur la politique étrangère parmi lesquelles la gestion de la politique, le
style de formulation des politiques, notre crédibilité internationale, notre efficacité, prévisibilité et cohérence. Compte
tenu de ces conséquences, nous avons ajouté que l’avenir de notre politique étrangère reflétera des changements de
style, de portée, de degré d’accentuation, de degré de compréhension et de maîtrise du phénomène de politique
étrangère tout en maintenant le modèle de continuité avec les acteurs de l’environnement extérieur » (c’est notre
traduction). Voir NGOLLE NGOLLE, E., « Democratic change and foreign policy in Africa: the Case of Cameroon
» ETH Zürich Reasearch collection (Working Paper), Beiträge Nr. 4/Juni 1996, Juin 1996. Pris sur:
https://doi.org/10.3929/ethz-a-001620772
175
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionale
s, Paris : Karthala, 2014.
176
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun … Op. cit., p. 9.

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constellation des acteurs de la politique extérieure du Cameroun, l’auteur relève le rôle joué par
les acteurs décisionnels prééminents177. Comme Marie-Christine KESSLER, il appréhende ces
derniers comme étant ceux « qui détiennent des pouvoirs particuliers conférés par les normes
constitutionnelles et législatives, et par les structures administratives qui institutionnalisent leurs
rôles »178. Parmi ces acteurs, le président de la République est présenté comme occupant une place
de choix à côté du Premier ministre et du Parlement. C’est dans cette logique que l’auteur présente
le président de la République camerounais, en résonnance sans doute avec l’analyse proposée par
Luc SINDJOUN179, comme un « véritable « pontife » en matière de politique étrangère de par les
pouvoirs constitutionnels qu’il détient et les fonctions diplomatiques qu’il exerce »180.

Concernant les fonctions diplomatiques du président de la République au Cameroun, sur


une base constitutionnelle, l’auteur en identifie quatre principales, dont celle de « représentation
et d’incarnation officielles de l’Etat »181. Toutefois, l’auteur semble voir comme unique
déclinaison de cette fonction présidentielle le fait qu’elle établit le président de la République
comme « destinataire des hommages adressés à la nation par les Etats amis »182 :

« Considéré comme « point focal du processus de représentation », comme « dépositaire de la


souveraineté nationale », le président de la République reçoit ainsi, souligne l’auteur, en vertu de
cette position prééminente et ce, au nom de la nation tout entière, les messages de toutes natures
adressés à la nation par les Etats amis »183.

S’il faut reconnaitre à ces deux auteurs le mérite de présenter de façon non ambiguë la
portée constitutionnelle des pouvoirs et du rôle du président de la République camerounais en
matière de politique étrangère, avec notamment la présentation d’importantes données sur les lieux
et dates de certaines visites à l’international de ce dernier184, il reste que, l’un des reproches majeurs
pouvant être émis à l’encontre de certaines recherches en sciences sociales peut leur être fait : celui
de se saisir de la réalité sociale sans rechercher la construction d’une réalité sociologique. Ils

177
Ibid., p. 72.
178
Idem.
179
Voir infra.
180
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… ibid., p. 73.
181
Les trois autres étant celles de : « concepteur, architecte, et de régulateur de l’activité diplomatique » ; récepteur
des vœux du Corps diplomatique ; et de réception des lettres de créance des ambassadeurs étrangers. CHOUALA, Y.
A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 75-76.
182
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit.
183
CHOUALA, Y. A., Ibid., p. 75-76
184
Ibid., p. 138.

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opèrent, dans leur saisine de l’objet social qu’est le statut présidentiel camerounais, « une
description de l’objet, [et] non […] la recherche d’un réseau de relations explicatif, au-delà des
structures apparentes »185. C’est comme si décrire la profondeur constitutionnelle de l’action
internationale du statut présidentiel suffisait, par une alchimie dont on ne saurait rendre compte, à
établir de façon définitive que ce dernier joue un rôle prépondérant en matière de politique
étrangère, qui par ailleurs s’avère être une politique publique et à ce titre, bénéficie d’une
matérialité certaine en matière de mise en œuvre. Si cela peut s’avérer exacte en ce qui concerne
la formulation de la politique en question, une pareille analogie quant à son action réelle sur le
terrain de la mise en œuvre, c’est à dire de la diplomatie, nous semble inappropriée. Car, ce faisant,
nous négligerions alors cette observation de Pierre BOURDIEU reprise par Madeleine
GRAWITZ suivant laquelle : « nombre de sociologues […] agissent comme s’il suffisait de se
donner un objet doté de réalité sociale, pour détenir du même coup un objet doté de réalité
sociologique »186. Surtout que la discipline des relations internationales, faut-il le rappeler,
appartient au vaste champ des sciences sociales, lui empruntant les mêmes méthodes, démarches
et même théories, avec pour spécificité l’étude des phénomènes sociaux internationalisés.

L’on retrouve également parmi les travaux classiques sur la diplomatie présidentielle
camerounaise, celui proposé par RANE MKPOUWOUPIEKO Zoulica.

Se penchant sur Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun : le cas


du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassi187, l’auteure effectue une analyse de
l’influence des acteurs institutionnels camerounais, et notamment du président de la République,
dans le processus ayant conduit à la prise de la décision de faire recours au règlement judiciaire
dans la gestion du conflit frontalier sur la presque-île de Bakassi avec le Nigéria. L’auteure met
clairement à jour la prééminence du statut institutionnel de président de la République du
Cameroun dans la prise de décision des pouvoirs publics visant à privilégier le règlement
juridictionnel dans l’issue de ce conflit, alors que l’option militaire, perçue comme extrême,
devenait de plus en plus envisageable.

185
GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences sociales, Paris : Dalloz, 11e édition, 2001, p. 382.
186
Idem.
187
RANE, M. Z., Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun : le cas du recours au règlement
judiciaire dans le conflit de Bakassi, Mémoire de Master, IRIC, 2011.

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Pour l’auteure, Malgré les apports institutionnels non négligeables des divers départements
ministériels et le rôle tout aussi important des fonctionnaires qui y exercent dans la prise de
décision sur le conflit de Bakassi :

« Quelle que soit la pertinence d’une option, la décision finale revient au Chef de l’Etat qui, selon son
tempérament et sa culture, choisit la solution qui lui parait la plus appropriée. Il est selon Ferry de
KERCKHOVE, « le décideur de base » »188.

C’est contre ce background que l’auteure s’intéresse à la variable idiosyncratique, c’est-à-


dire « aux qualités particulières qui distinguent un dirigeant des autres par ses choix politiques et
son comportement »189. Une variable qui, d’après elle, prenant appui sur le point de vue de James
ROSENAU affirmant son importance dans l’analyse de la prise de décision en politique étrangère,
est la « plus important[e] dans l’explication du comportement international des pays en
développement »190. Cette logique pousse l’auteure à se donner pour ambition « la connaissance
du passé d’un dirigeant » en l’occurrence le président de la République du Cameroun191 à travers
son expérience accumulée (formation reçue et carrière administrative) et son code opérationnel
(croyances philosophiques et croyances instrumentales)192, pour « mieux saisir son
comportement »193. Dans le cas d’espèce, l’auteur pense que :

« Le système de croyance du président Paul BIYA a influencé le comportement international du


Cameroun de deux manières. A travers la persévérance dans la voie du pacifisme, et la prudence
pragmatique dont le recours à la CIJ est le reflet »194.

Si l’auteure emporte le mérite de mettre en exergue de façon pertinente les principaux


facteurs qui sont à l’origine du choix porté par le Cameroun sur la CIJ pour le règlement du conflit
de Bakassi d’une part, et d’autre part, d’avoir testé, également avec intérêt, l’applicabilité des

188
RANE, M. Z., Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun… Op. cit., p. 77.
189
Idem.
190
RANE, M. Z., Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun… Idem.
191
Institution incarnée au moment des travaux de l’auteure par Monsieur Paul BIYA.
192
Sur ce, l’auteure se rapproche des études de psychologie politique internationale, un courant de la discipline des
Relations internationales qui a eu son heure de gloire dans les années 1950 et 1970 sous la plume des auteurs tels
Ralph WHITE, Ole HOLSTI, Alexander GEORGE, Nathan LEITES, Stephen WLAKER, John STEINBRUNER et
Robert JERVIS, pour ne citer que ceux-ci. Sur l’histoire de la psychologie politique internationale dans le champ des
Relations internationales, voire MEUR, E., et LEGENDRE, M., « La psychologie politique internationale », in
BALZACQ, T., et RAMEL F. (dir), Traité de Relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2013, pp.
933-987.
193
RANE, M. Z., Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun… Op. cit., p. 80-84.
194
Ibid., p. 85.

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modèles explicatifs de la décision de politique étrangère généralement élaborés dans des pays
développés, et en particulier anglo-saxons, sur une décision prise par un pays africain dit en
développement, il convient néanmoins de relever quelques limites.

La perspective analytique du rôle du statut présidentiel dans la décision du recours au


règlement juridictionnel dans la crise frontalière de Bakassi nous semble empreinte de
déterminisme. Celui-ci, d’après Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, serait très
présents dans les sciences sociales modernes. Il s’agirait d’un a priori construit par les sciences
sociales contemporaines suivant lequel :

« Les sciences sociales doivent se donner une théorie causaliste du comportement : une théorie selon
laquelle le comportement humain devrait s’expliquer essentiellement par l’action de forces
socioculturelles »195.

Pour ces auteurs, il convient de distinguer deux manières opposées d’expliquer le


comportement humain : la manière finaliste et la manière causaliste :

« Dans une analyse de type finaliste, exposent-ils, on explique le comportement humain par les
intentions, les motivations et les raisons qui animent l’acteur social. Dans une analyse de type
causaliste, on l’explique par l’évocation de certaines forces, qu’il s’agisse de forces psychologiques,
de forces biologiques ou, pour ce qui concerne les sciences sociales, de forces socioculturelles »196.

Et les auteurs d’ajouter, pour le déplorer, que :

« L’une des raisons majeures du caractère peu satisfaisant d’une grande partie des sciences sociales
d’aujourd’hui réside dans le fait que, lorsqu’elles cherchent à rendre compte de certains
comportements, elles abusent du modèle causaliste. Elles acceptent trop facilement l’idée de la toute-
puissance des effets de socialisation [qui] colporte une vision déterministe du comportement : elle
n’explique pas grand-chose, mais suppose beaucoup »197.

En basant son analyse de l’implication présidentielle dans la résolution judiciaire de la crise


sur la presqu’île de Bakassi sur l’idiosyncrasie du titulaire du statut, l’auteure de Le processus
décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun : le cas du recours au règlement judiciaire

195
BOUDON, R., BOURRICAUD, F., Dictionnaire critique de la sociologie, Paris : PUF, 7e éd., 2012, p. VII.
196
Ibid. p. IX.
197
Ibid. p. X.

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dans le conflit de Bakassi198, pêche par son trop de confiance aux déclarations autobiographiques
de ce dernier, sans se donner les moyens d’une certaine distanciation critique en s’interrogeant par
exemple sur les finalités personnelles et communautaires qui auraient pu sous-tendre le choix par
le statut présidentiel camerounais du règlement juridictionnel en question. N’en a-t-il pas été ainsi
simplement par crainte des couts (sociaux, économiques, humanitaires, politiques…) d’une guerre
sanglante avec le Nigéria ? Le gain politico-électoral n’y est-il pas pour quelque chose ? Quid du
rôle des puissances étrangères alliées ?

En faisant sienne l’idiosyncrasie du statut présidentiel dans son analyse, l’auteure a ignoré
la remarque de SIMMEL reprise par BOUDON ET BOURRICAUD d’après laquelle :

« Une expérience de l’enfance peut être à l’origine de comportements divers, voire opposés, chez
l’adulte. Ainsi, celui qui a été maltraité dans l’enfance peut développer des comportements de dureté
mais aussi de générosité à l’égard des autres une fois devenu adulte »199.

Par ailleurs, reconnaitre que « le système de croyance du président Paul BIYA a influencé
le comportement international du Cameroun […] »200 nous semble un aveu digne d’intérêt pour
notre travail. En effet, si son « système de croyance » a la capacité d’influencer le comportement
international de l’Etat, qu’en est-il de son action officielle dans le cadre de ses attributions
diplomatiques constitutionnelles ?

Le deuxième groupe des travaux ayant porté sur la diplomatie présidentielle


camerounaise est constitué des auteurs que nous pouvons qualifier de critiques, entendues comme
ceux qui ne considèrent pas comme allant de soi les institutions et les relations sociales et de
pouvoir, mais les remet en question en s’intéressant à leurs origines et en se demandant si et
comment elles pourraient entrer en changement. Ces auteurs basent donc leurs analyses sur une
épistémologie post-positiviste. Celle-ci met l’accent sur la dimension individualo-rationnelle de la
diplomatie présidentielle, en tentant de mettre en lumière la rationalité de l’individu derrière le
statut. Un titulaire du statut agissant pour une maîtrise, mieux une jouissance maximale et continue
des retombées dues à l’occupation effective dudit statut.

198
RANE, M. Z., Le processus décisionnel dans la politique étrangère du Cameroun : le cas du recours au règlement
judiciaire dans le conflit de Bakassi, Mémoire de Master, IRIC, 2011.
199
BOUDON, R., BOURRICAUD, F., Dictionnaire critique de la sociologie… Ibid., p. XII.
200
Ibid., p. 85.

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En l’état actuel de la doctrine, une seule étude mérite d’être relevée.

En juin 2013, s’appuyant sur la production discursive du président Paul BIYA de 1982 à
2002, Claudine AMBOMO, dans sa thèse de Doctorat en science du langage intitulée Analyse d’un
discours politique présidentiel : étude lexicométrique (Paul BIYA, Cameroun, 1982 à 2002), se :

« Propose de comprendre et d’expliquer comment Paul BIYA fait usage de la parole politique face
aux situations de crise qui menacent directement ou indirectement son pouvoir »201.

Il est question, pour l’auteure, d’interroger, scruter de près et analyser la parole


présidentielle « en vue de montrer, par rapport aux enjeux d’une crise conjoncturelle, comment
s’y prend le président camerounais en tant qu’orateur politique »202. Au moins trois crises
conjoncturelles sont ainsi répertoriées par l’auteure.

D’abord la crise politique qui intervient peu de temps après la passation de pouvoir entre
Paul BIYA et son prédécesseur, entrainant : « une vague de stigmatisation politique des élites du
Nord […] et la condamnation à mort par contumace de l’ancien président contraint de s’exiler au
Sénégal »203. Ensuite, la crise économique :

« Due au dérèglement du libéralisme planifié en 1987 et qui atteint son paroxysme en 1993, avec la
baisse drastique des salaires des fonctionnaires et la diminution des effectifs de la fonction publique,
puis en 1994 avec la dévaluation du Franc CFA »204.

Enfin, la crise sociale issue de :

« L’instauration du multipartisme le 5 décembre 1990 alors qu’une certaine frange de l’opposition


civique et politique appelle à la réinstauration du fédéralisme »205.

S’inscrivant dans la lignée de Jean-François MEDARD soulignant l’importance que prend


le discours du Chef de l’Etat africain « du fait de la singularité des systèmes politiques africains
(patrimonialisation de l’Etat) où l’accès au pouvoir conditionne l’accès aux ressources

201
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique (Paul BIYA, Cameroun, 1982
à 2002), Thèse de Doctorat, Linguistique, Université de Franche-Comté, 2013. Repéré à https://tel.archives-
ouvertes.fr/tel-01293663.
202
Ibid. p. 14.
203
Ibid., p. 13.
204
Ibid., p. 14.
205
Idem.

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économiques »206, l’auteure affirme que ledit discours s’inscrit dans une stratégie de légitimation
à deux niveaux, la « légitimation symbolique » et la « légitimation idéologique » :

« Exprimée par des mythes, au premier plan desquels le mythe du développement et celui de l’unité
et de l’intégration nationale, des slogans, des discours stéréotypés tournant à la langue de bois […]
(qui) monopolisent et banalisent le terrain de la parole publique autorisée et constituent de plus […]
des mises en scène, notamment institutionnelles, du pouvoir »207.

L’auteure s’engage ainsi à.

« Dégager à l’aide des outils théoriques de l’analyse du discours, et des méthodes lexicométriques
les éléments saillants du discours politique de Paul BIYA, en posant que […] c’est autour de cette
saillance lexicale que se structure le contenu idéologique »208.

C’est sur cette base que l’auteure inclut dans son corpus, constitué d’une série textuelle
chronologique « c’est-à-dire par la réunion de textes similaires produits par une même source
textuelle au cours d’une période de temps »209, six types de discours de Paul BIYA selon différents
auditoires210. Parmi ces derniers, deux ont une envergure diplomatique, c’est-à-dire qui concerne
« les allocutions prononcées devant les diplomates en poste au Cameroun […] des discours et
toasts prononcés lors de la visite et en présence de chefs d’Etat ou diplomates étrangers » que

206
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique … Op. cit., p. 13.
207
MEDARD, J-F., cité par AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique… Op.
cit., p. 13.
208
Ibid., p. 15.
209
SLAEM, cité par AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique… Ibid., p.
90.
210
L’auteur recense les six types de journaux suivant : « Jeunesse (Messages radiotélévisés prononcés chaque année
par Paul Biya à l’attention des jeunes camerounais à l’occasion de la fête de la Jeunesse) ; Public (Discours
prononcés in situ, in praesencia, généralement à l’occasion de visites du chef de l’État en province, ou à l’occasion
d’une inauguration d’un lieu public, etc) ; Gouvernement (Discours prononcés devant un auditoire politique que ce
soit devant le Parlement, à l’Assemblée nationale ou au sein d’un ministère, à l’intérieur du Palais présidentiel, etc.) ;
Parti (Discours prononcé devant les membres du parti présidentiel (RDPC), lors de Congrès et de rassemblements
divers) ; Diplo_int (Allocutions diplomatiques prononcées devant les diplomates en poste au Cameroun (recoupe la
section Allocutions diplomatiques des Éditions des discours présidentiels) augmentées des différents discours et toasts
prononcés lors de la visite et en présence de Chefs d’État ou diplomates étrangers.) ; Diplo_ext (Discours prononcés
à l’étranger que ce soit devant la communauté camerounais émigrée ou non) ». AMBOMO, C., Ibid, p. 89.

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l’auteure qualifie de « diplo_int »211,et les « discours prononcés à l’étranger que ce soit devant la
communauté camerounaise émigrée ou non », qualifiés par l’auteure de « diplo_ext »212.

A côté de ces références diplomatiques dans le travail que nous propose l’auteure et qui
font explicitement allusion au champ des relations internationales et de la politique étrangère,
figure également un autre référent à l’international à savoir l’usage par l’auteure du concept de
géopolitique dans une logique analytique.

Abordant l’analyse du discours politique de Paul BIYA par les désignants nationaux,
l’auteure relève que :

« Dans le discours politique, les paradigmes désignationnels sont particulièrement importants, et plus
précisément ceux qui constituent ce que nous appellerons les désignants nationaux. Ces derniers
servent à désigner la communauté nationale que représente le président de la République »213.

Dans cette veine, « pays » est, pour l’auteure, le désignant national le plus utilisé par Paul
BIYA (1687 occurrences), une utilisation qui, pour l’auteure, entre principalement dans le sillage
« d’un discours géopolitique où les relations nord/sud, pays industrialisés/pays en voie de
développement sont commentées »214, dessinant ainsi, dans une certaine mesure, « la carte mentale
géopolitique du président BIYA »215.

Sur un autre plan, l’analyse du désignant national Cameroun et de ses co-occurrents permet,
au sens de l’auteure : « d’appréhender l’image du Cameroun que le président veut donner à son
peuple et aux officiels étrangers »216. Pour l’auteure « dans la lignée de « pays »217, « Cameroun »
sert bien entendu à représenter la communauté nationale devant les officiels étrangers »218.

Si l’auteure emporte le crédit de parvenir à mettre à jour les principaux axes thématiques
du discours du président, d’analyser avec finesse et de façon pertinente les stratégies énonciatives

211
Cette catégorie de discours prononcés au plan local en présence de dignitaires étrangers, au vu de leur encrage
géographique stationnaire au plan local, correspondra à ce que nous appellerons géodiplomatie présidentielle passive,
par opposition aux discours prononcés à l’occasion d’un déplacement à l’étranger, appelant une projection
géographique extérieure, que nous qualifierons de géodiplomatie présidentielle active.
212
Idem.
213
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique… Op. cit., p. 128.
214
Ibid., p. 135.
215
Ibid., p. 137.
216
Idem.
217
C’est nous qui soulignons.
218
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique… Ibid., p. 139.

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majeures du président de la République, de même que d’explorer de façon précise l’adaptation de
ce dernier à ses divers auditoires, il n’en demeure pas moins qu’une limite principale se doit d’être
relevée.

En effet, en évoquant la dimension géopolitique dans l’analyse des désignants nationaux


du discours présidentiel de Paul BIYA, l’auteure souscrit à un usage banalisé du concept de
géopolitique. En effet, comme nous l’avons rappelé supra, la géopolitique renvoie à la démarche
analytique qui s’interroge, d’après Philippe MOREAU DEFARGES :

« Sur les rapports entre l’espace (dans tous les sens du mot) et la politique : en quoi les données
spatiales affectent-elles les orientations de la politique ? Et aussi comment le politique se sert-il de
l’espace ? » 219.

Toute analyse géopolitique devrait donc, à notre sens, s’atteler à rechercher ou à déterminer
les points de rencontre entre la politique de l’Etat et l’espace géographique. Il s’agit donc d’une
perspective spatio-politique dans l’analyse, qui vise à analyser la dimension spatiale des objectifs
de la politique étrangère et de la diplomatie de l’Etat ou des Etats. Pour aller plus loin, l’approche
analytique géopolitique aurait pour but, d’après François THUAL :

« D’éclairer les situations diplomatiques, les configurations militaires, bref tous les facteurs qui
concourent aux relations internationales. […] elle repère les constantes à l’aide de l’histoire et de la
géographie »220.

Dans son travail, Claudine AMBOMO ne semble pas accorder assez d’intérêt à cette
dimension de l’analyse. Peut-être aurait-il alors été souhaitable qu’elle parlât, de façon plus
mesurée, de discours diplomatique, pour faire référence aux allocutions dans lesquels le président
Paul BIYA projette l’image utopique du Cameroun qu’il se fait à l’appréciation de ses divers
auditoires étrangers ou à l’étranger.

Nous inscrivant à la lisière des travaux des groupes d’auteurs présentés plus haut, notre
étude ambitionne de combiner, dans l’analyse, approches positiviste et postpositiviste. D’une part,
l’emphase sera mise sur la stato-rationalité du président de la République en matière notamment
de représentativité à l’international au profit de l’Etat, et d’autre part, sur la rationalité individuelle

219
MOREAU DEFRAGES, P., Introduction à la géopolitique, Paris : Editions du Seuil, 3e édition, 2009, p. 9.
220
THUAL, F., Méthodes de la géopolitique : apprendre à déchiffrer l’actualité, Paris : Elipses/édition marketing
S.A., 1996, p. 9.

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du titulaire du statut en matière notamment de quête de légitimité internationale et par ricochet
d’affirmation légitimatoire interne par mise en scène internationale, dans un contexte de crise de
popularité.

Dans cette veine, soulignons, pour rappel, que les objets sociaux, dans leur saisine par
l’analyste en relations internationales, se doivent de souscrire à l’exigence d’une construction
rigoureuse. Il s’agit, d’après Madeleine GRAWITZ, d’aller à la découverte :

« Derrière le langage commun et les apparences, à l’intérieur de la société globale, des faits sociaux
liés par un système de relations propre au secteur étudié »221.

Une construction qui, d’après Pierre BOURDIEU, ne peut s’effectuer :

« Qu’en fonction d’une problématique théorique permettant de soumettre à une interrogation


systématique les aspects de la réalité mis en relation par la question qui leur est posée »222.

Toute chose qui nous conduit à la problématisation suivante.

VI. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL

Comme déjà souligner, le président de la République, rôle institutionnel primordial à la tête


des Etats républicains occidentaux comme africains, jouit d’une omnipotence, d’une omniscience
et d’une irresponsabilité politique qui marquent sa toute-puissance. Ceci est particulièrement
prégnant en Afrique noire francophone, tel que rapporté par la doctrine. Une situation qui cristallise
l’attention sur la portée de son action dans l’appréciation systématique de la mise en œuvre de la
politique étrangère.

Dans la réalité du pouvoir hautement concentré et personnalisé du président de la


République africain, spécifiquement d’Afrique noire francophone, et considérant qu’au Cameroun
il est la clé de voute et la clé de tout dans le domaine de la politique étrangère, il est question de
parvenir à une évaluation de cette dernière en partant de sa contribution opérationnelle en la
matière. Aussi notre question de départ portant sur les critères et la démarche de l’évaluation

221
GRAWITZ, M. (2001), Méthodes des Sciences sociales… Op. cit., p. 383.
222
Cité par GRAWITZ, M., ibid., p. 384.

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systématique de la politique étrangère d’un Etat sera-t-elle reformulée en une problématique
(A), de laquelle découle un modèle d’analyse ou des hypothèses (B).

A. Problématique

L’interrogation occupe une place centrale dans la démarche scientifique. En effet :

« Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu
question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est
construit »223.

Ce rappel de Gaston BACHELARD permet de relever à suffisance l’importance de la


formulation d’une question ou mieux d’un questionnement autour duquel le processus de
recherche tout entier devrait prendre encrage. D’où la question principale suivante, et les questions
secondaires qui l’accompagnent.

Question principale

Comment évaluer de façon systématique la politique étrangère d’un Etat comme le


Cameroun ?

Questions secondaires

1. Prenant en compte la spatialité et la longue durée dans la mise en œuvre de la politique


étrangère, quels sont les outils pertinents de son évaluation ?
2. Quelles sont les méthodes d’analyse et les démarches d’interprétation des résultats à
mobiliser ?

B. Le modèle d’analyse
Le modèle d’analyse, d’après Luc VAN CAMPENHOUDT et Raymond QUIVY, renvoie
à un « ensemble structuré et cohérent composé de concepts, avec leurs dimensions et leurs

223
BACHELARD, G., La formation de l’esprit scientifique… Op. cit., p. 16.

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indicateurs, et d’hypothèses articulés les uns aux autres »224. Il « donne une orientation
opérationnelle à la recherche mais ne constitue pas une conclusion anticipée »225.

Une hypothèse, élément constitutif, avec les concepts, du modèle d’analyse, est, d’après
ces auteurs :

« Une proposition qui anticipe une relation entre deux termes qui, selon les cas, peuvent être des
concepts ou des phénomènes. Une hypothèse est donc une proposition provisoire, une présomption,
qui demande à être vérifiée »226.

Madeleine GRAWITZ la perçoit comme :

« Une proposition de réponse à la question posée. […] Elle doit être vérifiable de façon empirique ou
logique. La démarche scientifique implique que l’hypothèse soit formulée en des termes tels que
l’observation et l’analyse, la conception de la recherche puissent fournir une réponse à la question
posée »227.

Luc VAN CAMPENHOUDT et Raymond QUIVY établissent deux formes d’hypothèses.


L’une se présentant comme « l’anticipation d’une relation entre un phénomène et un concept
capable d’en rendre compte », et l’autre comme « l’anticipation d’une relation entre deux
concepts ou, ce qui revient au même, entre les deux types de phénomènes qu’ils désignent »228. De
ce qui précède, l’hypothèse de ce travail se présente sur la forme d’une anticipation de relation
entre la diplomatie présidentielle et sa spatio-temporalité, dans une perspective évaluative.
Toujours selon Luc VAN CAMPENHOUDT et Raymond QUIVY :

« Construire une hypothèse ne consiste pas simplement à imaginer une relation entre termes. Cette
opération doit s’inscrire dans la logique théorique de la problématique. Il est rare d’ailleurs que l’on
s’en tienne à une hypothèse. C’est, le plus souvent, un corps d’hypothèses que l’on construit »229.

224
VAN CAMPENHOUDT, L., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales… Op. cit., p.114.
225
Ibid., p.121.
226
Ibid., p.128.
227
GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences sociales… Op. cit., p. 398.
228
Idem.
229
VAN CAMPENHOUDT, L., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales… Op. cit., p.129.

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D’où le corps d’hypothèses dressé ci-après, en gardant bien évidemment à l’esprit,
l’observation suivant laquelle : « une bonne hypothèse n’est pas une hypothèse qui se vérifie, mais
bien une hypothèse qui favorise la découverte »230.

Hypothèse générale231

Evaluer la politique étrangère d’un Etat nécessite la prise en compte de sa mise en œuvre
dans la longue durée par un rôle institutionnel monolithique, au travers de la mobilisation d’outils
méthodologiques et de paradigmes d’interprétation idoines.

Hypothèses secondaires

1. Les outils méthodologiques pertinents de l’évaluation systématique de la politique


étrangère sont les modélisations graphiques et géographiques.
2. La méthode d’analyse pertinente est, dans le cas d’espèce232, l’analyse du discours dans le
sens des méthodes de la pensée politique en Relations internationales, tandis que les
théories qui ont cours dans la même discipline scientifique permettent l’interprétation des
résultats de l’évaluation.

VII. CHAMP METHODOLOGIQUE ET THEORIQUE

Nous présenterons tour à tour la méthodologie (A) et le champ théorique (B).

A. La méthode en tant que technique de collecte des données


Elle englobera l’observation directe (1) et l’entretien non-directif (2).

1. L’observation directe

L’observation directe constitue notre technique principale de collecte des données. Elle est,
d’après Luc Van CAMPENHOUDT et Raymond QUIVY :

230
Ibid., p. 143.
231
Pour VAN CAMPENHOUDT, L., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales… Op. cit., pp.120-
121 : « le nombre de concepts et d’hypothèses composant le modèle d’analyse doit rester relativement restreint. (…)
une hypothèse générale va se démultiplier en hypothèses plus précises, dites « de travail » ou « empiriques » qui
seront davantage susceptibles de guider effectivement le travail de terrain et d’être confrontées à ce qu’il révélera ».
232
Saisine de la diplomatie présidentielle par le discours.

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« Celle où le chercheur procède directement lui-même au recueil des informations, sans s’adresser
aux sujets concernés. Elle fait directement appel à son sens de l’observation. Par exemple, pour
comparer le public du théâtre à celui du cinéma, un chercheur peut compter les gens à la sortie,
observer s’ils sont jeunes ou vieux, comment ils sont habillés, etc. […] La particularité et l’avantage
de l’observation directe sont que les informations recueillies par le chercheur sont « brutes » dans
le sens où elles n’ont pas été spécialement aménagées voire arrangées pour lui »233.

Nous avons été témoin oculaire, d’une part, de l’activité extérieure du président de la
République au cours des dernières 20 années au moins, et d’autre part, de la conduite, en tant que
partie prenante depuis 2016, des travaux de préparation du budget du Ministère camerounais des
relations extérieures avant et après la mise sur pied du Comité de Planification, Programmation,
Budgétisation, Suivi/Evaluation (PPBS). Nous avons veillé à confirmer nos données par la
consultation de certaines sources d’information. Celles-ci ont principalement été constituées de
travaux scientifiques (articles, sections d’ouvrages, ouvrages, thèses et mémoires), des
publications institutionnelles (notes, rapports, guides, etc.) et d’internet.

2. L’entretien non-directif

Le présent travail, sur le plan du type d’enquête à mener, a oscillé entre enquête qualitative
et quantitative.

D’après BRECHON, l’enquête qualitative implique :

« De recueillir le point de vue subjectif des acteurs sociaux sur leur action, sur des évènements
auxquels ils ont participé ou dont ils ont été les témoins, sur leurs visions des choses, d’eux-mêmes et
des autres »234.

Pierre BRECHON identifie trois types d’entretiens qualitatifs : directifs, non-directifs et


semi-directifs235.

233
CAMPENHOUDT, L.V., et QUIVY, R., Manuel de recherche en sciences sociales, Paris : Dunod, 4e éd., 2011, p.
150.
234
BRECHON, P., « Enquête qualitative : les principes », dans BRECHON, P. (dir), Enquêtes qualitatives, enquêtes
quantitatives, Grenoble : PUG, 2011, pp. 17-30.
235
Ibid., p. 22.

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L’entretien directif « est un questionnaire entièrement formulé, comportant des questions
ouvertes, c’est-à-dire qui ne spécifient pas les différentes modalités possibles de réponse »236.

L’entretien non-directif quant à lui :

« Est celui dans lequel enquêteur et enquêté ont le maximum de liberté. Il commence par une consigne
générale, c’est-à-dire une phrase qui est formulée de la même manière auprès de tous les enquêtés.
En réaction à cette consigne, l’enquêté s’exprime longuement, l’enquêteur n’étant là que pour
soutenir l’auto-exploration de sa pensée par l’enquêté. Il relance par différentes techniques le propos
de l’enquêté, mais toujours à partir [de] ce qui a été dit par lui »237.

Quant au troisième type d’entretien qualitatif, à savoir l’entretien dit semi-directif, en plus
de la consigne générale, il est composé d’une grille de thèmes prévus à l’avance :

« Dont le responsable de l’enquête souhaite qu’ils soient systématiquement abordés au cours de


l’entretien. Après la consigne, le déroulement peut d’abord être conforme à la situation de non-
directivité. Puis, si certains thèmes n’ont pas été spontanément abordés par l’enquêté, l’enquêteur les
impulse, dans l’ordre qu’il juge le plus opportun, en essayant si possible de rattacher les thèmes
nouveaux à des éléments discutés antérieurement »238.

Pour Pierre BRECHON, l’entretien semi-directif :

« A l’avantage de permettre l’approfondissement par l’enquêté de son discours, mais aussi, du fait
d’une grille d’entretien commune, d’autoriser une comparaison de l’ensemble des discours
produits »239.

Nous avons essentiellement fait usage de l’entretient non-directif. L’objectif étant de faire
parler nos interlocuteurs sur le sujet de la diplomatie présidentielle et de la politique étrangère afin
de leur permettre de livrer des informations sur leur perception de l’histoire diplomatique du
Cameroun en lien avec l’activité présidentielle dans ce sens.

236
Idem.
237
BRECHON, P., « Enquête qualitative : les principes »… op. cit., p. 23.
238
Ibid., p. 24.
239
Idem.

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B. Méthode en tant que traitement des données

Le champ des méthodes d’analyse mobilisées par notre étude est constitué des
modélisations graphiques et géographiques (1), de la méthode historique (2), et de la méthode
comparative (3).

1. Les modélisations graphiques et géographiques

Au-delà des résultats déroutants, par leur simplicité, auxquels conduit généralement la
modélisation, MOLINES et CUADRADO pensent que cette dernière est :

« Une excellente démarche de compréhension des phénomènes géographiques qui place l’étude
spatiale au centre du débat, et qui utilise la représentation cartographique et graphique comme
support principal de la démonstration et du raisonnement »240.

En guise de définition de la modélisation, lesdits auteurs proposent que l’on l’appréhende


comme :

« La science et l’activité de l’élaboration des modèles. Comme activité de recherche, la modélisation


intègre le raisonnement hypothético-déductif et permet la comparaison de résultats différents. […]
par ses objets, sa démarche et son raisonnement, elle initie à la pensée systémique. Elle exige un
fondement théorique solide et ne doit en aucun cas être confondue avec un résumé ou une
simplification »241.

Nous revenons avec plus de détails sur la définition de la modélisation aussi bien graphique
que géographique, ainsi que sur son opérationnalisation, dans la Chapitre II du présent travail. Pour
le moment, limitons-nous à souligner que la modélisation graphique nous a permis de faire le
décompte de la contribution présidentielle à la mise en œuvre de la politique étrangère sur vingt
ans, à partir des discours. Elle nous a également permis de faire le premier lien entre discours et
zones ou territoires d’énonciation. Préparant de ce fait la modélisation géographique ou
cartographique qui a suivi.

La cartographie fait partie des techniques de traitement des données en vue d’analyse que
nous avons mobilisé dans ce travail. Comme il ressort de notre problématique exposée supra, nous

240
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée », In : L'information
géographique, volume 61, n°4, 1997. pp. 144-153, p. 145.
241
Ibid., p. 146.

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nous intéressons à la dimension spatiale de l’action internationale du président de la République
du Cameroun dans une perspective évaluative. Il est notamment question d’en proposer une
analyse configurationnelle systémique au sens notamment de Gérard DUSSOUY242. Il s’agit, en
droite ligne des conseils que nous donnent Marie-Françoise DURAND et Benoît MARTIN243 sur
comment penser la dimension spatiale des acteurs et des sociétés sur le plan méthodologique en
Relations internationales, de cartographier les échelles de la diplomatie présidentielle et ainsi
ressortir sa dimension multiscalaire ; son espace ou son cadre ; l’histoire de ces découpages, leurs
fluctuations et leurs perspectives ; les lieux de la diplomatie présidentielle, leur hiérarchie et
contiguïté dans une approche comparative des trajectoires de chacun des titulaires du statut
présidentiel.

In fine, dans une logique descriptive cartographique, il nous a été donné de réaliser des
cartes originales nécessaire à notre démonstration, au vu de l’inexistence de représentations
cartographiques du phénomène étudié pouvant être inventoriées et exploitées. Les données
obtenues sur sa géodynamique244 nous y aiderons. En bref, comme le soulignent Guillaume
DEVIN et Marie-Fraçoise DURAND, il nous sera possible d’arriver à « des résultats que l’on
n’attendait pas par la production de données inattendues »245.

2. La méthode historique

Pour Madeleine GRAWITZ, la méthode historique implique d’« accumuler les matériaux
et à travers eux de laisser parler les faits »246. Faute de pouvoir définir ce qu’est le fait historique,
elle souligne, à la suite de LANGLOIS, que les historiens français vont poser en principe que :

« Le caractère historique n’est pas dans les faits ; il n’est que dans le mode de connaissance… Il n’y
a pas de faits historiques comme il y a des faits chimiques. Le même fait est ou n’est pas historique
suivant la façon dont on le connaît. Il n’y a que des procédés de connaissance historique »247.

242
DUSSOUY, G., Quelle géopolitique au XXIe siècle ?, Paris : Les Editions Complexe, 2001.
243
DURAND, M-F., et MARTIN, B., « Penser et représenter la dimension spatiale des acteurs et des sociétés », in
DEVIN, G., (dir), Méthodes de recherche en Relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2016, pp. 93-
114.
244
Entendue comme dynamisme spatial du corps physique.
245
DEVIN, G., et DURAND, M-F., « Décrire, représenter, interpréter », in DEVIN, G., (dir), Méthodes de recherche
en Relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2016, pp. 17-37.
246
GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales, Paris : Editions Dalloz, 11e éd., 2001, p. 238.
247
GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales,… Op. cit., pp. 238-239.

Page | 64
Ainsi donc, pour ces auteurs, « l’histoire n’est plus qu’une méthode »248, une méthode qui,
contrairement à celle dite sociologique :

« Va combler les lacunes des faits et évènements, en s’appuyant sur un temps, peut-être
artificiellement reconstruit, mais assurant une continuité, une trame aux phénomènes »249.

D’après Laurent WILLEMEZ :

« Les sociologues et les politistes qui font de l’analyse des phénomènes historiques le centre de leurs
recherches peuvent être distingués selon qu’ils pratiquent une sociologie historique macroscopique,
dans une démarche comparatiste, ou qu’ils privilégient, dans une perspective plus microscopique
et à partir d’un travail d’archives, l’analyse de la genèse des catégories, des institutions et des
pratiques contemporaines. Tous, en revanche, tiennent le pari de pratiquer leur travail de
sociologue sur des matériaux du passé »250.

L’auteur prend appui sur les travaux d’Auguste COMTE qui :

« Dans sa théorie des trois états présentée dans les Cours de philosophie positive (1830-1842),
place les phénomènes historiques au centre de la démonstration : « il importe beaucoup de rattacher
indissolublement l’état présent de l’esprit humain à l’ensemble de ses états antérieurs, en
reconnaissant convenablement qu’elle dût être longtemps aussi indispensable qu’inévitable » »251.

Si nous admettons comme fondamentale la méthode historique dans le cadre du présent


travail, rappelons néanmoins que c’est en relation avec la méthode comparative qu’elle sera
utilisée dans une logique de recherche des variables concomitantes dans la pratique diplomatique
présidentielle camerounaise. Ou mieux, dans une logique de recherche des discontinuités sur
l’objet relativement continu qu’est la diplomatie présidentielle.

Notons ainsi que Laurent WILLEMEZ pense que la comparaison historique :

« Constitue la marque des sociologues qui tentent de proposer un schéma général d’analyse des
sociétés et du changement en leur sein. Si tous partent des œuvres de Weber et Durkheim, tous

248
Ibid., p. 239.
249
Alors que la méthode sociologique viserait l’atteinte d’un « résultat discontinuiste sur un objet relativement
continu ». Elle s’applique donc à l’analyse de « la typologie des phénomènes sociaux totaux, typologie qui […] tend
à saisir une réalité assez indistincte pour en accentuer les différences ». GRAWITZ, M., Méthodes des sciences
sociales,… Ibid., p. 422.
250
WILLEMEZ, L., « SOCIOLOGIE HISTORIQUE », Encyclopædia Universlais [en ligne]
: http://www.universlais.fr/encyclopedie/sociologie-historique/, consulté le 22 juillet 2017.
251
Ibid.

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utilisent pourtant l’histoire de manière différente. Norbert Elias reste, parmi les sociologues, celui
qui a le plus pratiqué la comparaison historique, en s’efforçant de mettre en valeur des processus
historiques de transformation des sociétés, et il invite, dans Qu’est-ce que la sociologie ? (1970), à
« distinguer, par-delà la diversité des faits historiques isolés, le parallélisme structurel qui sous-
tend l’évolution du champ social dans son ensemble ». Mais par rapport à ses devanciers, Norbert
Elias est plus attentif à la précision de la périodisation et s’appuie sur une analyse historique
beaucoup plus précise et affinée, par exemple lorsqu’il étudie avec Eric Dunning le « football
populaire dans l’Angleterre médiévale et prémoderne » comme un exemple du processus général de
transformation des sensibilités – dans le sens d’une moindre tolérance à la violence, d’un
autocontrôle plus important et d’un renforcement des relations d’interdépendance entre les
individus »252.

Même si à un moment ou à un autre de nos développements nous serons amenés à ressortir,


au-delàs de la comparaison et dans une logique bourdieusienne telle que reprise par WILLEMEZ,
« la genèse empirique des phénomènes sociaux […] et de rappeler que les formes politiques ou
intellectuelles d’aujourd’hui ont une histoire »253, c’est surtout la segmentation ou le découpage
historique dans une logique comparative, et la détermination des trajectoires différentiées de la
diplomatie présidentielle camerounaise, qui nous intéressent au premier chef. Nous garderons dans
ce sens à l’esprit que :

« Du reste, la sociologie historique ne constitue pas seulement un horizon épistémologique ; elle


permet aussi de proposer des analyses convaincantes du monde social tel qu'il existe aujourd'hui en
reconstituant la genèse des manières contemporaines de se représenter la société et de se penser soi-
même dans le monde social. Les travaux de sociologie historique peuvent ainsi permettre de pratiquer
une forme de sociologie de la connaissance profane de l'environnement social et symbolique des
individus, qu'il s'agisse d'expliquer la mise en place des formes de socialisation ou de repérer la
naissance des catégories de perception et de compréhension du monde »254.

3. La méthode comparative

D’après DURKHEIM :

252
WILLEMEZ, L., « Sociologie historique », in Encyclopædia Universlais [en ligne]
: http://www.universlais.fr/encyclopedie/sociologie-historique/, consulté le 22 juillet 2017.
253
Ibid.
254
Ibid.

Page | 66
« Quand […] la production des faits n’est pas à notre disposition et que nous ne pouvons que les
rapprocher tels qu’ils se sont spontanément produits, la méthode que l’on emploie est celle de
l’expérimentation directe ou méthode comparative »255.

« Puisque […] les phénomènes sociaux échappent évidemment à l’action de l’opérateur,


la méthode comparative est la seule qui convienne à la sociologie »256. Même si nous pensons
avec DURKHEIM, reprenant Auguste COMPTE, qu’il est « nécessaire de la compléter par […]
la méthode historique »257. L’auteur explique que ceci est dû notamment à la conception
particulière des lois sociologiques qui « doivent principalement exprimer, non des rapports définis
de causalité, mais le sens dans lequel se dirige l’évolution humaine en général »258.

Précisons avec Thomas LINDEMANN, qu’étant donné notre encrage épistémique dans le
champ des études politistes, nous feront usage de la « méthode « comparative »
contextualisée »259. Cette dernière, d’après l’auteur, implique une spécificité par le politiste dans
l’étude de cas, comparativement à l’approche de l’historien :

« Pour le politiste, le cas n’est en effet intéressant que dans ce qu’il présente de « typique ». On peut
dire qu’il analyse le cas non pour lui-même, mais comme un prétexte pour « monter en généralité ».
Cette approche comparative, plus contextualisée, propose l’élaboration de théories intermédiaires,
c’est-à-dire de théories qui ne procèdent pas par affirmations générales (le commerce favorise la
paix), mais qui précise dans quelles conditions et avec quels acteurs, les hypothèses avancées
paraissent confirmées »260.

Dans une pareille démarche comparative, comme le martèle l’auteur, le politiste :

« Doit en effet « contextualiser » ses variables. Il doit se demander si une « démocratie » au début du
troisième millénaire fait partie de la même catégorie de phénomènes qu’une « démocratie » du début
du XIXe siècle »261.

255
DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique, Paris : PUF, 14e éd., Quadrige, 2013, p. 124.
256
DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique… Op. cit., p. 124.
257
Idem.
258
Ibid., pp. 124-125.
259
LINDEMANN, T., « La construction de l’objet et la comparaison dans l’étude des relations internationales », in
DEVIN, G., (dir), Méthodes de recherche en relations internationales, Op. cit., pp. 39-56.
260
Ibid.
261
Ibid.

Page | 67
Dans la même logique, il sera question pour nous de nous demander si la diplomatie
présidentielle camerounaise dans son découpage temporel et suivant le changement des titulaires
du statut, est restée constante.

4. L’analyse du discours

Suivant Madeleine GRAWITZ citant TROGNON, « L’analyse du discours est l’étude


visant à repérer par l’analyse linguistique, les conditions de production d’un texte »262. Elle
rappelle que « interprétée de façon restrictive on peut l’opposer (l’analyse du discours) à l’analyse
de contenu, limitée à des résultats quantifiés »263.

Si ce travail privilégie l’analyse du discours au lieux de l’analyse de contenu qui, elle, a


déjà été l’objet d’études par les auteurs sur le même corpus264, il retient toutefois l’idée, empruntée
à l’analyse de contenu, de travailler sur un corpus donné. Il s’agit, d’après André D. ROBERT et
Annick BOUILLAGUET, d’un :

« Recueil de documents spécifiques sur lesquels va prendre appui l’analyse et qui permettront de
répondre aux interrogations de la problématique. On peut avoir parfois à distinguer le texte total (la
totalité des documents-supports) et le texte pertinent (la partie des documents adaptée à la
problématique et qui sera seule analysée) »265.

Notre corpus sera constitué des documents pertinents, adaptés à notre problématique, seuls
à faire l’objet d’analyse. Il sera question des discours et autres allocutions du président de la
République prononcés à l’occasion de ses déplacements officiels à l’étranger ou de la réception
des dignitaires étrangers et chefs d’exécutifs d’Etats. Les allocutions dites diplomatiques,
prononcées à l’occasion de la présentation des lettres de créances des ambassadeurs des pays
partenaires du Cameroun nouvellement accrédités, ne seront pas pris en compte du fait que lesdites

262
GRAWITZ, M., Méthode des sciences sociales, Paris : Dalloz, 11e éd., 2001, p. 634.
263
La note de bas de page que propose GRAWITZ à ce sujet et qui reprend les travaux de FAVRE est évocatrice.
Pour ce dernier en effet, « dans l’analyse du discours, les critères sont endogènes, le discours peut être recomposé,
les références sont multiples et liées au concept de performance […], l’étude est qualitative, enfin les conditions
sociales de production des discours sont essentielles ». Ibid., pp. 634-635.
264
Nous revenons plus en détails sur la notion de « corpus » en l’entame du premier chapitre.
265
ROBERT, D. A., et BOUILLAGUET, A., L’analyse de contenu, Paris : Presses Universitaires de France, 2e éd.,
2002, pp.27-28.

Page | 68
allocutions ne sont pas issues ou ne font pas directement référence aux échanges qui ont cours au
niveau des chefs d’exécutifs d’Etat266.

Notre corpus sera le même que celui sur lequel a travaillé, en son temps, Claudine
AMBOMO267.

Au lieu de faire l’objet d’une analyse lexicométrique de fond, dans le sens des travaux
produits notamment en linguistique, ledit corpus sera le matériau de base à partir duquel seront
identifiés, analysés et expliqués les indicateurs de la géodiplomatie présidentielle, les thématiques
abordées en la matière, et les conditions, en termes de contexte, de production desdits discours.
Cette contextualisation sera complétée par les archives de la presse et les notes administratives, le
cas échéant.

Ce sont donc ces documents discursifs permettant le décompte des visites officielles à
l’étranger et la réception d’homologues, qui constitueront la dimension quantitative de notre
travail. Les archives privées seront par ailleurs grandement sollicitées, de même que le recours aux
centres de documentation tels que les archives nationales.

C. Les théories
La nature de l’objet d’étude ayant motivé le présent travail, c’est-à-dire, l’évaluation
systématique de la politique étrangère de l’Etat du Cameroun à partir de l’activité diplomatique de
l’acteur individualo-institutionnel ou institutionnalisé qu’est le président de la République, nous
impose une démarche analytique appropriée. La démarche hypothético-inductive que nous avons
choisi semble apparaît ainsi comme une exigence pour la bonne conduite de notre travail. C’est
dans la sociologie des relations internationales qu’il convient donc de se situer.

Rappelons au passage cette lecture que propose Guillaume DEVIN au sujet de la sociologie
des relations internationales :

« A dire vrai, la sociologie des RI est même issue d’une certaine frustration engendrée par des
constructions théoriques qui ne nous disent pas grand-chose sur le fonctionnement pratique des RI,

266
Critère premier de la diplomatie des sommets telle que définie par PLISCHKE.
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique (Paul BIYA, Cameroun, 1982
267

à 2002), Thèse de Doctorat, Linguistique, Université de Franche-Comté, 2013. Repéré à https://tel.archives-


ouvertes.fr/tel-01293663.

Page | 69
sur la diversité des acteurs concernés, sur leurs combinaisons, leurs contradictions, leurs objectifs et
leurs productions. De nombreux objets de recherche internationaux (les transformations de la
diplomatie, les négociations multilatérales, les nouveaux modes de régulation des conflits, les
nouvelles pratiques de la coopération, etc.) échappent aux théories générales ou sont rabattus sur
quelques catégories (l’Etat, la puissance, l’intérêt, l’identité) dans le cadre d’un affrontement de
paradigmes relativement abstraits (réalisme , institutionnalisme, constructivisme et leurs versions
« néo ») qui sont aussi le produit d’une compétition dans le champ académique étatsunien, dominant
parmi les spécialistes des relations internationales »268.

Avec les théories générales des relations internationales par exemple, l’individu en tant
qu’entité simple ou entité institutionnelle ou institutionnalisée, semble hors du champ d’analyse
pertinent. Ici en effet, c’est la lecture holistique de la réalité sociale internationale qui est retenue,
avec comme « acteurs » ou objets d’analyse privilégiés, l’Etat et/ou ses dérivées. Chaque fois
qu’une analyse de l’individu est tentée, c’est toujours dans la perspective de le traiter comme
simple « support de structure ».

L’introduction de la lecture sociologique des relations internationales vient trancher avec


celle holistique de la scène internationale. Il est question de partir de l’action réelle de l’individu
ou des groupes d’individus en tant qu’acteurs à part entière de la scène internationale, pris en
dehors des considérations juridico-conventionnelles de leur communautarisation dans le cadre de
l’Etat-nation.

La sociologie des relations internationales permet en effet au chercheur d’adopter la


démarche empirico-inductive dans l’analyse des phénomènes internationaux.

Reprenant DEVIN, Dario BATTISTELLA pense qu’ :

« Issue du behaviorisme, celle-ci (la sociologie des relations internationales) privilégie une
« démarche empirico-inductive : partir des objets d’étude pour dégager des conclusions
éventuellement généralisables plutôt que de choisir préalablement le paradigme qui va conduire la
recherche »269.

Allant dans le même sens, Jean-Jacques ROCHE souligne que, jusqu’à une certaine
époque, « la méthode inductive permettait, sur la base d’informations fondées sur des observations

268
DEVIN, G., Sociologie des relations internationales… Op. cit., p. 4.
269
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses des Sciences Po., 5e éd., 2015, pp. 31-
32, note 50.

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particulières, d’aboutir à des affirmations générales »270. C’est notamment avec les travaux de
Karl POPPER, relève-t-il, que la tendance sera remise en cause. D’après ce dernier auteur, « de
telles généralisations peuvent toujours être infirmées. Ce n’est pas parce que la majorité des
cygnes sont blancs que tous les cygnes sont de cette couleur (…) »271.

Le travail que nous proposons ici envisage de s’ancrer dans le champ de la sociologie des
relations internationales, plus ouverte à la démarche empirico-inductive. Guillaume DEVIN
oppose la sociologie des relations internationales aux autres « constructions théoriques » qui
d’après lui, « ne nous disent pas grand-chose sur le fonctionnement pratique des RI, sur la
diversité des acteurs concernés, sur leurs ambitions, leurs contradictions, leurs objectifs et leurs
productions »272. L’analyse à visée évaluative de la politique étrangère à partir de la production
diplomatique d’un statut institutionnel, dans laquelle nous envisageons nous plonger, ne saurait, à
notre sens, se passer de la perspective analytique propre à la sociologie des relations
internationales. Car, au-delà de l’approche empirico-inductive, elle nous permet d’envisager la
découverte des ambitions, des contradictions, et des objectifs de cette catégorie d’acteurs
institutionnels des relations internationales qu’est le président de la République.

La découverte des actions des individus, des régularités qu’elles dessinent dans le temps et
l’espace, pourront ainsi donner lieu à l’exploration de grilles d’interprétations variées pouvant faire
sens avec les courants théoriques généraux des Relations internationales. Il sera loisible de
s’interroger sur le fait de savoir si la saisine dans le temps et dans l’espace de l’action du président
de la République en matière de mise en œuvre de la politique étrangère, permet de situer l’action
internationale du Cameroun dans le modernisme paradigmatique des Relations internationales
(réaliste classique, libérale, néoréaliste, néolibérale, etc.) ou au contraire, répond plus à une
interprétation en termes postmoderniste (constructiviste - classique ou/et critique - , néomarxiste,
des théories critiques, ou encore de la théorie de la reconnaissance en Relations internationales).
En un mot, « on cherchera à aboutir à une « interprétation créatrice », solidement fondée sur

270
ROCHE, J-J., Théories des relations internationales, Paris : Montchrestien, Lextenso éd., 2010, p. 15.
271
Idem.
272
DEVIN, G., Sociologie des relations internationales, Paris : La Découverte, 3e éd., 2013, p. 4.

Page | 71
l’étude d’un cas particulier mais susceptible de déboucher sur des propositions plus
générales »273.

Eu égard à ce qui précède, rappelons succinctement à quoi renverront chacun des


paradigmes les plus à même de nous servir de grille d’interprétation au terme de notre
investigation. Il s’agit notamment du réalisme classique (1), du libéralisme (2) du constructivisme
critique (3) et du néomarxisme (4).

1. Le réalisme classique

Tenter d’évaluer la politique étrangère d’un Etat, surtout à partir de la saisine du


déploiement spatio-temporel de son rôle institutionnel le plus significatif, revient indubitablement
à s’inscrire dans une lecture en terme réaliste classique.

Le réalisme peut être défini par les quatre propositions suivantes :

− La scène internationale est caractérisée par l’anarchie et son corolaire, l’état de guerre, que
nulle autorité supranationale ne peut empêcher ;
− Les acteurs principaux des relations internationales sont les Etats ;
− Les Etats cherchent à maximiser leur intérêt national défini en termes de puissance ;
− La stabilité internationale ne peut être assurée, de façon provisoire, que par l’équilibre des
puissances274.

A ces quatre propositions principales s’ajoutent quatre autres secondaires étayées par
BATTISTELLA :

− « Lorsque la politique extérieure ne parvient pas à atteindre l’intérêt national par les
moyens pacifiques, le recours à la guerre est un moyen légitime » de cette dernière, qui ne
« saurait être jugée d’après des critères éthiques applicables aux comportements
individuels »275 ;

273
DEVIN, G., et DURAND, M-F., « Décrire, représenter, interpréter », in Méthodes de recherche en relations
internationales, Op. cit.
274
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales, Paris : Editions Karthala, 2008, p. 35. Lui-même
inspiré par BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2ème éd. Revue
et augmentée, 2006.
275
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5ème éd. Mise à jour,
2015, p. 125.

Page | 72
− « Les organisations interétatiques et les entités non étatiques ne sont pas des acteurs
autonomes car ils n’agissent au mieux que pas l’intermédiaires des Etats »276 ;
− « La politique extérieure, synonyme de high politics, prime sur la politique intérieure,
considérée comme de la low politics, et la prise en compte de l’opinion publique est un
obstacle à la bonne conduite diplomatique »277 ;
− « L’existence et l’effectivité du droit international et des institutions de coopération sont
fonction de leur conformité aux intérêts des Etats les plus puissants »278.

Le réalisme est issu, d’après BATTISTELLA, d’une longue tradition philosophique


associée à HOBBES, ROUSSEAU, THUCYDIDE, MACHIAVEL et CLAUSEWITZ pour ne
citer que les auteurs anciens les plus importants279. Ses fondamentaux définitionnels ont été
précisés par des contemporains tels que Reinhold NIEBUHR, Edward H. CARR, Hans
MORGENTHAU, Raymond ARON, Max WEBER280, Nicholas SPYKMAN281, Carl
SCHMITT282 et même le naturaliste anglais Charles DARWIN283. On y compte également des
praticiens tels Georges KENNAN et Henry KISSINGER284.

Dans le cadre de ce travail, le paradigme réaliste des relations internationales se révèle


fertile dans sa proposition concernant la maximisation de l’intérêt national recherché par les Etats,
et notamment via l’action diplomatique de ses rôles institutionnels au premier rang desquels l’on
trouve le chef de l’exécutif d’Etat. Au Cameroun, celui-ci prend l’appellation de président de la
République.

En effet, si le Cameroun s’est doté d’une politique étrangère, c’est, comme la totalité des
Etats dans le monde, pour sauvegarder, voir maximiser son intérêt sur la scène internationale. Loin
de plonger dans les débats inter paradigmatiques notamment entre réalisme classique et

276
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5ème éd. … Op. cit., p.
125..
277
Idem.
278
Idem.
279
Ibid, pp.125-126.
280
Voir Ibid., p. 126.
281
Idem.
282
Idem.
283
Idem.
284
Plusieurs autres auteurs et précurseurs de ce paradigme sont recensés par BATTISTELLA : Frederick
SCHUMANN, Nicholas SPYKMAN, Max WEBER, Carl SCHMITT et Charles DARWIN.

Page | 73
néoréalisme sur la définition de l’intérêt national ou de la puissance, il est plutôt question pour
nous de constater que le déploiement diplomatique du chef d’Etat camerounais sur la scène
internationale, tout comme son activité diplomatique intérieure, a eu, tout au long des vingt
premières années du magistère de Paul BIYA, des trajectoires principalement interétatiques.

Nous espérons peut-être parvenir à déterminer, de façon comparative, si au sens réaliste, le


président de la République du Cameroun dans la mise en œuvre de la politique étrangère par la
régularité numérique de ses déploiements, aura permis de confirmer la proposition secondaire
suivant laquelle « la politique étrangère, synonyme de high politics, prime sur la politique
intérieure, considérée comme de la low politics »285.

Accessoirement et apriori, les trajectoires diplomatiques du chef d’Etat camerounais


analysées dans le cadre de ce travail ont été orientées vers les Organisations Internationales. D’où
la référence ici au paradigme libéral des relations internationales.

2. Le libéralisme

Au cours de ses vingt premières années de magistrature suprême (1982-2002), le président


Paul BIYA aura surement usé de la diplomatie multilatérale 286 pour sécuriser ce qui, à ses yeux,
constituait l’intérêt national du Cameroun. Les arènes de matérialisation de cette dernière auront
été les Organisations Internationales, dans le cadre des conférences diplomatiques à l‘étranger ou
au Cameroun.

MARCHESIN situe l’origine du paradigme libéral des relations internationales au :

« Début du XXe siècle, plus précisément au discours en quatorze points du président WOODROW
Wilson le 22 janvier 1917. Tirant les leçons de l’incapacité d’éviter la guerre de 1914-1918, le
président américain veut « rendre le monde sûr pour la démocratie » et préconise à cette fin une
diplomatie transparente, un désarmement généralisé, l’ouverture commerciale, le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes et la création d’une association de nations respectant le droit
international »287.

285
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales… Ibid., p. 125.
286
Voir PETITEVILLE, F., et PLACIDI-FROT, D., « La diplomatie multilatérale », In, BALZACQ, T.,
CHARILLON, F., et RAMEL, F. (dir), Manuel de diplomatie, Paris : Presses de Sciences Po., 2018, pp. 43-57.
287
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales… Op. cit., p. 38.

Page | 74
Ce faisant, souligne l’auteur, WILSON reprend dans son discours, « les idées bien plus
anciennes des libéralismes républicain, commercial et institutionnel, développées respectivement
par KANT, MONTESQUIEU et GROTIUS »288.

BATTISTELLA, dans la même lancée, souligne l’antériorité du libéralisme dans les


Relations internationales. Pour lui en effet :

« Le réalisme n’a pas été le premier paradigme central des Relations internationales : en effet, c’est
le libéralisme, dans sa variante idéaliste, qui a prévalu lors de la naissance de la discipline. Ajoutée
au fait que le réalisme contemporain doit en partie sa prédominance à la critique qu’il a proposée de
cet idéalisme […], cette prééminence chronologique explique que le libéralisme est volontiers
considéré comme la deuxième approche générale principale en Relations internationales »289.

De façon générale, nous estimons avec Stanley HOFFMANN, repris par BATTISTELLA,
que « la dimension internationale du libéralisme n’a guère été autre chose que la projection à
l’échelle mondiale de la philosophie libérale »290. Aussi pense-t-on percevoir dans le discours
diplomatique du président Paul BIYA, développé tout au long des vingt premières années de son
magistère, les thèses de la philosophie libérale de la nature humaine sensible au bien d’autrui, la
promotion de la paix démocratique à l’intérieur des Etats comme sur la scène internationale, que
« les comportements égoïstes sont finalement dus à l’imperfection des institutions »291, la nécessité
d’un « libéralisme régulatoire »292, un « libéralisme interventionniste qui se caractérise d’abord
par sa volonté « de réformer le milieu international » »293, la « substitution d’une « politique de
puissance » par une « politique de responsabilité » »294. C’est la dimension institutionnelle du
libéralisme, dans la lecture des trajectoires diplomatiques présidentielles, qui nous intéressera. Sera
particulièrement considérée la perception qu’ont les libéraux internationalistes des Organisations

288
Idem.
289
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5ème éd. Mise à jour,
2015, p. 171.
290
HOFFMANN, S., « Taking Preferences Seriously. A Liberal Theory of International Politics »… cité par
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5ème éd. Mise à jour, 2015,
p. 171.
291
Idem.
292
KEOHANE, R., « International Liberalism Reconsidered »… Cité par BATTISTELLA, D., Théories des relations
internationales… Ibid., p. 180.
293
Ibid., p. 182.
294
Idem.

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Internationales comme lieux et structures de « rencontre de gouvernements avec d’autres
gouvernements »295, des chefs d’Etat avec d’autres chefs d’Etats.

Analysant lesdites trajectoires ainsi que la densité du déploiement dans l’espace


international du président BIYA, tout comme l’accueille par le Cameroun des conférences
diplomatiques portées par les Organisations Internationales d’importance stratégique, le présent
travail accordera une attention particulière au libéralisme institutionnel. Ce faisant, faut-il le
souligner, le président de la République du Cameroun, dans une tendance libérale propre à l’Ecole
anglaise296, pourrait également s’inscrire comme partisan d’une société internationale serte
anarchique, mais constituée d’Etats qui :

« Conscients de certains intérêts et valeurs communs, se conçoivent comme étant liés par un ensemble
de règles communes dans leurs relations réciproques et participent au bon fonctionnement
d’institutions communes »297.

3. Le constructivisme critique

D’entrée de jeu, rappelons succinctement, avec Thierry BALZACQ, les axiomes du


constructivisme. D’après cet auteur, la thèse constructiviste consiste à poser que :

« (1) les individus agissent à l’égard d’autres individus et/ou objets en fonction des significations que
ces individus et/ou objets revêtent pour eux ; (2) lesdites significations émergent des interactions »298.

Citant en outre Stefano GUZZINI, l’auteur ajoute que :

« L’on doit aborder le constructivisme dans un double sens « à la fois en tant que construction sociale
du sens (en ce compris la connaissance) et construction sociale de la réalité ». Le verbe « construire »
renvoie dès lors, d’une part, à la construction des objets de la pensée, d’autre part, grâce aux
interactions, à la construction des institutions, des règles et des connaissances collectives »299.

295
ZIMMERN, A., The League of Nations and the Rule of Law… Cité par BATTISTELLA, D., Théories des relations
internationales… Ibid., p. 181.
296
Avec pour principaux représentants, d’après MARCHESIN, Adam WATSON et Hedley BULL. Voir
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales… Op. cit., p. 39.
297
BULL, H., The anarchical society, New-York, Columbia University Press, 1977, p. 46. Cité par MARCHESIN,
P., Idem.
298
BALZACQ, T., Théories de la sécurité : les approches critiques, Paris : Presses de Sciences Po., 2016, p. 172.
299
Ibid., pp. 172-173.

Page | 76
Plus encore, avec Martha FINNEMORE et Kathryn SIKKINK, il propose de considérer le
constructivisme comme :

« Une approche pour laquelle 1) les interactions humaines sont façonnées par des facteurs idéels et
non seulement matériels ; 2) les facteurs idéels les plus importants sont les croyances intersubjectives
largement partagées, lesquelles ne sont pas réductibles aux individus ; 3) ces croyances partagées
participent de la construction des intérêts et des identités des acteurs orientés vers un objectif »300.

Aussi en résulte-t-il que :

« Les constructivismes partagent une même assiette ontologique, laquelle établit une rupture avec les
approches rationalistes sur trois principes : la constitution de l’intérêt et de l’action par l’identité, la
co-constitution de l’agent et de la structure et l’importance accordée, à côté des structures
matérielles, aux structures idéelles et normatives »301.

Sans entrer dans les détails desdits principes de différentiation entre constructivismes et
approches rationalistes, focalisons-nous sur les contours à donner au constructivisme critique qui
nous intéresse particulièrement ici.

D’après BALZACQ, il ressort de la littérature sur le constructivisme et ses évolutions


récentes, que deux propositions classificatoires « occupent la cime des catégorisations :
constructivisme moderniste versus constructivisme postmoderniste »302. Le premier, avec pour
principal zélateur Alexander WENDT, « opère dans le giron du positivisme, et ne parle donc pas
aux postpositivistes »303 ou réflexivistes. D’après les constructivistes modernistes, le rapport entre
théorie et réalité se conçoit de manière asymétrique, la théorie reflétant la réalité 304. Toute chose
qui exclut « une influence ontologique de l’acteur sur le monde telle que l’affirment les
réflexivistes pour lesquels la réalité reflète aussi la théorie »305. Il convient, dans le sens de préciser
la perspective constructiviste critique, de souligner avec BALZACQ que :

300
Ibid., p. 173.
301
BALZACQ, T., Théories de la sécurité : les approches critiques… Op. cit., p. 173.
302
Ibid., p. 183.
303
Ibid., p. 185.
304
Ibid., pp. 185-186.
305
Ibid., p. 186.

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« Les préceptes censés valoir pour le constructivisme critique rendent toute confrontation avec le
postmodernisme illusoire, dans la mesure où le constructivisme critique et le postmodernisme
semblent traduire les mêmes prémisses théoriques et méthodologiques »306.

Par ailleurs, il s’avère, d’après BALZACQ citant Ted HOPF, que « le constructivisme
conventionnel [moderniste] est « dépourvu de la cohérence théorique et épistémologique » qui
caractérise le constructivisme critique »307 dans le sens où le premier entretien un certain
« hiatus » en son sein. « Comment, en effet, peut-on concilier une ontologie sociale ou
intersubjective et une épistémologie attachée au positivisme ? »308, s’interroge BALZACQ. Aussi
l’auteur estime-t-il que « c’est donc à partir d’une recherche de logique qu’il faut interpréter
l’émergence du constructivisme « cohérent » »309.

Plus précisément, Thierry BALZACQ présente le constructivisme critique de la manière


suivante :

« […] le constructivisme critique considère que le rapport de l’identité à l’intérêt n’est pas
unidirectionnel. De fait, l’imbrication de l’identité et de l’intérêt est telle qu’il est compliqué de les
sérier avec exactitude. Ensuite, le constructivisme critique s’oppose […] au positivisme. Mais il est
moins antipositiviste que postpositiviste […]. La négligence du langage par certains (WENDT et ses
épigones) ainsi que le traitement désincarné de celui-ci par les approches purement linguistiques
(BUZAN, WÆVER et leurs collègues) constituent pour le constructivisme critique deux obstacles
majeurs auxquels il faut remédier. Les approches linguistiques n’accordent que peu de poids, voire
aucun, au contexte d’énonciation. La validité des énoncés relève du respect des seules règles
constitutives du langage. De plus, les analyses linguistiques sont incapables de transcrire les luttes
politiques qui sous-tendent les différentes articulations. En sens inverse, le constructivisme critique
défend une vision sociologique de la constitution des objets, des phénomènes et des sujets. En d’autres
termes, ceux qui sous-estiment le langage sont plus nombreux, et appartiennent majoritairement au
constructivisme conventionnel. Même si WENDT, par exemple, reconnaît ici et là une contribution
certaine du langage, il ne lui accorde pas de place à la hauteur de son rôle dans la construction et la
transmission des significations sociales »310.

306
Idem.
307
Ibid., p. 187.
308
Idem.
309
Idem.
310
BALZACQ, T., Théories de la sécurité : les approches critiques… Op. cit., p. 188.

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Dans la perspective constructiviste conventionnelle, « les acteurs communiquent
prioritairement avec des gestes, ils semblent muets »311. Dans une interrelation gestuelle entre ego
et alter :

« La réponse de l’alter découle […] de l’interprétation qu’il fait des qualités physiques de l’égo. Mais,
est-ce suffisant pour produire une interprétation partagée de la situation ? Comment la transmet-il
aux autres ? »312.

L’aphonie des acteurs ainsi constatée, perçue par Maja ZEHFUSS et reprise par
BALZACQ, sert d’après eux, un objectif épistémologique.

« En effet, en concevant les interactions entre les acteurs sur le mode signal-interprétation-réponde,
le constructivisme conventionnel s’assure de la codification de ses principes par la théorie des jeux
sur laquelle s’appuient aussi les réalistes et certains libéraux. Communiquant à travers les gestes, ils
ne peuvent donc justifier ce qu’ils font, ni argumenter pour convaincre de leur point de vue. A
l’opposé, le constructivisme critique s’intéresse avant tout au pouvoir constitutif du langage et des
règles sur les faits sociaux et l’intersubjectivité »313.

Tout ce qui précède justifie à suffisance notre penchant pour une interprétation à partir de
la théorie constructiviste critique. En effet, l’angle d’analyse de la politique étrangère choisi ici,
dans une perspective évaluative, est sa mise en œuvre par le rôle institutionnel de président de la
République, au travers de ses actes de langage ou discours. Nous sommes donc moins intéressés
par sa gestuelle ou celle de ses alters diplomatiques.

Il convient toutefois de préciser qu’au sein du constructivisme critique qui est notre horizon
interprétatif partiel, nous prenons ancrage, pour la même raison que celle subséquemment évoquée,
dans la théorie de la sécuritisation. Non pas dans le versant sociologique de cette dernière cher à
Thierry BALZACQ, mais davantage dans la perspective de l’Ecole dite de Copenhague qui se
focalise sur le discours ou les actes de langage des acteurs de la sécuritisation.

311
Ibid., p. 189.
312
Idem.
313
BALZACQ, T., Théories de la sécurité : les approches critiques… Op. cit., p. 189.

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Comme le souligne en effet BALZACQ, la théorie de la sécuritisation se présente comme
l’une des « innovations théoriques les plus remarquables dans les études de sécurité » des vingt
dernières années314.

« Le COPRI (Copenhague Peace Research Institute) peut être considéré, notamment grâce au
croisement des travaux d’Ole WÆVER et de Barry BUZAN à la fin des années 1980, comme pionnier
dans le domaine »315.

Aussi, le concept de « sécuritisation », emprunté au vocabulaire bancaire, et qui renvoie à


« la construction discursive de la menace »316 s’imposera comme « la perspective privilégiée de
ce qui deviendra, dans les termes de Bill McSWEENEY, l’Ecole de Copenhague »317.

Charles-Philippe DAVID318 confirme que ladite théorie est introduite dans les études de
sécurité comme un sous-ensemble du paradigme constructiviste, en rappelant que ceci a été
l’œuvre de l’Ecole dite de Copenhague, sous l’impulsion d’auteurs comme BUZAN, WÆVER, et
DE WILDE.

DAVID souligne par ailleurs l’apport de l’Ecole de Copenhague :

« Représentée par BUZAN, WÆVER et De WILDE (1998), [elle] constitue, dit-il, une percée
significative dans la compréhension de la sécurité […]. Pour elle, la sécurité est une démarche où
l’on quitte le cours normal des négociations et des compromis politiques pour entreprendre une
construction, un processus de « securitization » […]. Ce processus, par lequel on produit la sécurité,
est basé sur la désignation subjective d’une menace à la survie, sur la nécessité de prendre des
mesures urgentes et sur l’acceptation par l’audience visée du message véhiculé dans cette désignation
de la menace »319.

314
Ibid., p. 190.
315
Idem.
316
Idem.
317
Ibid., p. 191.
318
DAVID, C-P., La guerre et la paix : approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences
Po., 3e éd., 2013.
319
Ibid., p. 59.

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Cette innovation théorique de l’Ecole de Copenhague a largement été commentée par la
doctrine, aboutissant à l’approfondissement de sa compréhension320. L’un des commentateurs les
plus emblématiques est, nous l’avons vu, Thierry BALZACQ.

Allons plus loin en soulignant que pour cet auteur, il convient aujourd’hui d’évoquer la
théorie de la sécuritisation au pluriel. Avec Stefano GUZZINI, il observe que plusieurs catégories,
plus ou moins liées, plus ou moins différentes les unes des autres, ont été proposées en vue d’une
meilleure saisine des théories de la sécuritisation : approches linguistiques/discursives opposées
aux approches orientées vers la pratique de la sécuritisation, approche sociologique contre
approche philosophique, approche explicative contre approche constitutive ou normative321. C’est
dans ce sens qu’il suggère d’appréhender la sécuritisation comme un idéaltype au sens weberien
du terme, dont les différentes théories de la sécuritisation ne seraient que les différentes facettes
d’une réalité plus grande. Fervent partisan de l’approche sociologique de la sécuritisation, il
identifie trois éléments constitutifs de cette dernière : la détermination du contexte, de l’audience
et des pouvoirs responsables de la sécuritisation (« deontic powers »)322.

Sur le plan sécuritaire, le président BIYA, dans son déploiement diplomatique des vingt
premières années de magistère à la tête du Cameroun, notamment à partir de la deuxième moitié
de la décennie 1990, aura été un acteur majeur de la sécuritisation des nouvelles menaces dans la
sous-région Afrique centrale et dans le Golfe de Guinée. Une activité qui s’est avérée
particulièrement vivace pour ce qui concerne la menace posée par les coupeurs de route et le
terrorisme transnational. Les actes de langage du président de la République du Cameroun seront
ici perçus dans le sens de l’approche philosophique de la sécuritisation, non pas simplement
comme des actes locutoires (dire quelques chose) ou des actes illocutoires (ne décrivant pas ce qui
est dit mais ce qui fait), mais plutôt comme des actes perlocutoires visant « à changer les émotions,
les croyances et les actions du destinataire (l’audience dans la sécuritisation) »323.

320
D’après BALZACQ, repris par Charles-Philippes DAVID : « la sécuritisation actualise rhétoriquement une
anxiété, une situation d’incertitude, alors que la sécurisation est l’art de sécuriser, c’est-à-dire l’art de mobiliser un
ensemble de moyens financiers et humains […]. Dans la plupart des cas, la sécuritisation précède la sécurisation ».
DAVID, C-P., La guerre et la paix… Idem.
321
BALZACQ, T., et GUZZINI, S., « Introduction: ‘What kind of theory – if any – is securitization?’ », European
Journal of International Relations, vol. 29 (1), March 2015, pp. 97-102.
322
Voir BALZACQ, T., « The ‘Essence’ of securitization: Theory, ideal type, and a sociological science of security »,
European Journal of International Relations, vol. 29 (1), March 2015, pp. 103-113.
323
BALZACQ, T., Théories de la sécurité : les approches critiques… Op. cit., pp. 196-197.

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Dans ce travail, nos analyses partiront donc de l’agent Paul BIYA qui, incarnant en principe
la structure nationale qu’est l’Etat du Cameroun, se déploie au nom de ce dernier dans la scène
internationale qui, elle, constitue la superstructure multi ou pluriétatique.

De façon générale, l’on devrait voir que le président Paul BIYA, au-delà de l’exportation
d’une identité virtuelle camerounaise de pays pauvre, très endetté appartenant au Sud par
opposition au Nord, n’aura pas été un exportateur de l’identité réelle, endogène, camerouno-
africaine, érigée en intérêt national.

4. Le néomarxisme et l’Ecole dite de la Dependencia

Il faudra également se tourner vers les théories de l’économie politique internationale (EPI)
en vue d’une interprétation la plus exacte possible des résultats de l’exercice d’évaluation auquel
nous nous soumettons ici.

La nature de notre objet d’étude qui s’avère la clé de voute de la réalisation de notre objectif
d’évaluation, à savoir le rôle institutionnel de président de la République dans son déploiement
discursif international, nous oblige à nous situer entre orthodoxie et hétérodoxie en matière de
théories de l’EPI. Nous reprenons ici la présentation que fait Stéphane PAQUIN de ces deux
cultures scientifiques324.

D’après lui en effet, l’école orthodoxe dans les théories de l’EPI, est :

« Massivement positiviste et valorise l’élaboration de théories causales. Le style est réductionniste et


la plupart des auteurs adoptent, dans leurs recherches, l’individualisme méthodologique, voire la
théorie du choix rationnel. Les orthodoxes possèdent une vision matérialiste du monde. Dans leurs
analyses, les idées, l’identité et les valeurs sont secondaires. L’école orthodoxe met également en
valeur l’utilisation des méthodes quantitatives et de plus en plus la modélisation formelle »325.

Quant à l’école hétérodoxe, souligne PAQUIN, elle est :

« Caractérisée par son approche très critique à l’égard des théories orthodoxes dominantes. Elle est
partagée entre l’école britannique, notamment autour des travaux de Susan STRANGE, et l’école
néogramscienne, dont le fondateur est Robert COX. […] les hétérodoxes ont plusieurs points
communs : leurs approches sont plus explicitement normatives, elles n’acceptent pas le monde tel

324
PAQUIN, S., Théories de l’économie politique internationale, Paris : Presses de Sciences Po., 2013.
325
PAQUIN, S., Théories de l’économie politique internationale… Op. cit., p. 16.

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qu’il est comme cadre pour l’action. Les hétérodoxes intègrent dans leurs travaux des enjeux éthiques,
de justice et d’équité. Ils sont également très critiques à l’égard de la culture scientifique des
théoriciens orthodoxes. Les hétérodoxes sont majoritairement non positivistes ou postpositivistes »326.

Il s’avère en effet que la saisine de notre objet d’étude tel que rappelé plus haut, devrait
nous situer dans un entre-deux. Ce, dans le sens où, rendre compte de la contribution de cet acteur,
cet agent monolithique de la mise en œuvre de la politique étrangère à partir du discours, et donc
de l’empirie discursive y relative, appelle nécessairement le recours aussi bien aux modélisations
(orthodoxie) qu’à l’interprétation des données empiriques obtenues dans une approche
multidisciplinaire mettant en avant le sens et les valeurs (hétérodoxie). C’est à ce niveau
qu’interviendra l’approche néomarxiste, en particulier de l’Ecole dite de la Dependencia327, dont
les trois concepts clés sont dépendance, centre, et périphérie328.

Il s’agit d’un renouveau de la perspective marxiste des relations internationales qui conçoit
l’impérialisme comme une relation d’exploitation essentiellement économique, contrairement au
sens que lui donnaient les marxistes classiques comme faisant référence aux sociétés
précapitalistes victimes de conquêtes territoriales de la part d’Etats capitalistes329. Les idées de
cette Ecole de pensée seront généralisées au-delà des économies latino-américaines, à l’ensemble
des relations entre pays industrialisés et pays sous-développés par André GUNDER FRANK,
ARGHIRI EMMANUEL et Samir AMIN330. « Selon ces auteurs, souligne BATTISTELLA, le
« développement du sous-développement » des pays du Tiers Monde, leur « croissance sans
développement » s’explique par la dépendance de la périphérie par rapport au centre »331 dû

326
Ibid., pp. 16-17.
327
D’après PAQUIN, il s’agit de l’une des trois perspectives théoriques déjà évoquées par Robert GILPIN dans un
article de l’International Organization paru en 1975. Les deux autres étant le modèle Sovereignity at Bay et la dernière
étant la perspective « mercantiliste ». PAQUIN souligne que « dans le manuel que Robert GILPIN publie en 1987, la
perspective Sovereignity at Bay devient la « libérale », la perspective « dépendantiste » devient la « marxiste » et la
perspective « mercantiliste » devient celle du « nationalisme économique » ». Aujourd’hui, ajoute-t-il, « les
spécialistes de l’EPI distinguent encore très généralement trois perspectives ou écoles de pensée » : l’approche
libérale reprise dans presque tous les manuels, la perspective « nationaliste » remplacée par la « mecrantiliste » ou la
« réaliste » ou la « réaliste statocentrée », et la perspective marxiste également nommée alternativement approche
« structuraliste », « dépendantiste », « système-monde » ou parfois même « théorie critique ». Voir PAQUIN, S.,
Théories de l’économie politique internationale… Ibid., pp. 73-74.
328
Voir BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5e éd., 2015, p.
254.
329
Ibid., p. 253.
330
Ibid., pp. 254-255.
331
Ibid., p. 255.

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notamment à un « échange inégal »332. Une seule stratégie est identifiée par l’auteur comme porte
de sortie de la domination par les centres capitalistes pour les pays sous-développés : « sinon la
révolution socialiste, du moins la rupture avec l’économie capitaliste mondiale »333.

En prenant le contre-pied de la perspective marxiste et léniniste de l’impérialisme, Johan


GALTUNG, avec pour base le concept de violence structurelle334, appréhende l’impérialisme
comme :

« Une relation de domination par l’intermédiaire de laquelle une entité collective influence une autre
entité collective, que ce soit dans le domaine de la production des biens que cette dernière est autorisée
à produire, des institutions politiques qu’elle est amenée à adopter, de la protection militaire qu’elle
peut espérer, ou des informations et des valeurs qu’elle a le droit d’importer. Surtout, une telle relation
existe indépendamment de tout recours à la violence armée : de même qu’il y a violence structurelle
sans qu’il n’y ait violence physique, personnelle, intentionnelle, manifeste, de même « il n’y a que
l’impérialisme imparfait qui ait besoin de recourir aux armes ; l’impérialisme professionnel s’appuie
plutôt sur la violence structurelle que sur la violence armée » »335.

Et BATTISTELLA de souligner que « la seule spécificité de la théorie structurelle de


l’impérialisme […] consiste à faire reposer la capacité d’un Etat à dicter la conduite d’un autre
sur la collaboration privilégiée entre leurs centres respectifs »336.

C’est la même réalité impériale, à quelques exceptions près, qu’illustre Immanuel


WALLERSTEIN avec son concept d’« économie-monde », emprunté à l’historien français
Fernand BRAUDEL337. Pour WALLESRTEIN en effet, comme souligne BATTISTELLA, « le
seul véritable système social [est] le système-monde »338 qui a pris deux formes concrètes dans
l’histoire :

D’abord des « empires-mondes, dans lesquels un seul système politique règne sur la zone considérée »
et ensuite, des « économies-mondes, dans lesquelles « il n’y a pas de système politique unique

332
Idem.
333
Idem.
334
Qu’il appréhende comme une situation dans laquelle « des êtres humains sont influencés de telle façon que leur
accomplissement actuel, somatique et mental, est inférieur à leur accomplissement potentiel ». GALTUNG, J., “A
Structural Theory of Imperialism”, Art. cité., cité par BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Op.
cit., pp. 257-258.
335
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Op. cit., p. 258.
336
Ibid., pp. 258-259.
337
Voire ibid., p. 259.
338
Idem.

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s’étendant sur tout l’espace politique considéré » mais multiplicité de centres de puissance en
compétition les uns avec les autres, et où le mécanisme de transfert des ressources est assuré par
l’intermédiaire du marché, toujours en faveur du centre »339.

Toute chose qui conduit BATTISTELLA à constater que « de nos jours, le système-monde
est une économie-monde qui, née à la fin du cycle de croissance de l’empire-monde féodal, s’est
progressivement diffusé des villes-Etats italiennes à l’Angleterre en passant par la vallée rhénane,
avant de couvrir, par Etats-Unis interposés, le globe entier »340.

L’économie-monde actuelle, constate WALLERSTEIN, se caractérise par une double


structure : d’abord, l’inexistence d’une autorité prenant en charge le mécanisme d’allocation des
ressources, et ensuite, une subdivision en trois zones reliées entre elles par des relations d’échanges
inégales et d’exploitation à savoir : 1) le centre (comprenant les économies avec des productions
nécessitant les degrés de qualification du facteur travail et de concentration du facteur capital les
plus élevés) ; 2) la périphérie (comprenant les économies au sein desquelles sont localisées les
matières premières et dont est extrait le surplus qui va enrichir le centre, grâce à la collusion
qu’entretient la classe dominante de la périphérie avec les élites du centre) ; 3) la semi-périphérie
(hybride car pénétrée par le capital du centre sans pour autant disposer d’une base industrielle
autonome, et jouant un rôle vital dans la reproduction du système grâce à la présence de
gouvernements autoritaires garantissant la reproduction de cette zone)341.

Présenté sous cet angle, l’impérialisme structurel, dont la traduction idéologique semble
à tous égards être le néocolonialisme tel que défini par KWAME NKRUMAH342, semble décrire
de façon saisissante la réalité postcoloniale des peuples du Tiers Monde343, notamment d’Afrique
noire. Le constat de l’échange inégal entre Etats du centre capitaliste et périphéries sous-
développées ne semble souffrir en effet d’aucune contestation, l’assise épistémologique du
paradigme étant solide.

339
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Op. cit., pp. 259-260.
340
Ibid., p. 260.
341
Ibid. p. 261.
342
Voire supra.
343
Terme inventé par Georges BALANDIER et Alfred SAUVY pour « qualifier les pays du Sud exclus du
développement » et « créée par référence au tiers-état, acteur central de la Révolution française ». Voire BONIFACE,
P., Atlas des relations internationales, … Op. cit., pp. 28-29.

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Toutefois, force est de constater que pareille démonstration, qui prend ses racines dans les
travaux de la théorie politique en Amérique latine postcoloniale, marquant ainsi l’empreinte
indélébile des penseurs latino-américains comme Enzo FALLETTO, Celso FURTADO et F.
Henrique CARDOSO dans le champ des paradigmes des relations internationales, ne semble
qu’avoir contribué à renforcer le statut de l’Afrique noire comme simple espace de test des
paradigmes des relations internationales sortis des moules occidentaux.

Les traces du vocabulaire de l’impérialisme structurel devraient s’avérer nombreuses dans


le discours diplomatique présidentiel camerounais des vingt premières années de magistrature
suprême de Paul BIYA. L’on devrait y rencontrer les catégories pauvre/développé, Nord/Sud,
industrialisés/sous-développés, etc. Plus que de simples éléments de langage, la géodiplomatie
présidentielle, dans une logique évaluative de la politique étrangère, aura surement tendance à
confirmer que le déploiement diplomatique du chef d’Etat camerounais sur la période considérée,
coïncide avec ses tendances discursives. Celles-ci auraient tendance à positionner le Cameroun et
l’Afrique comme pays et zone de la périphérie africaine dépendants du centre occidental. L’on
aura donc surement à constater la prédominance des trajectoires diplomatiques occidentalo-
centrées sur celles afro-centrées dans la géodiplomatie présidentielle. Toute chose qui sera
traductible en termes de dépendance culturelle et économique du Cameroun et de l’Afrique vis-à-
vis de l’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis, en termes de davantage d’importation des modèles
occidentaux au détriment de l’exportation d’une quelconque identité camerouno-africaine érigée
en intérêt national.

VIII. ORGANISATION DU TRAVAIL

Le travail est présenté en deux parties. La première (modélisations graphiques et


cartographie de la diplomatie camerounaise à partir du discours) est composée de deux chapitres
comportant chacun deux sections. Descriptive, elle est consacrée d’une part à la présentation
théorique des modélisations graphiques et de la cartographie en tant que démarches mobilisables
en Relations internationales. D’autre part, lesdites considérations théoriques aboutissent à la mise
en pratique par l’exploitation d’un corpus de discours en tant que produits de la diplomatie
présidentielle camerounaise de 1982 à 2002, mobilisés au travers de fiches de lecture (voir annexe
I). Cette partie correspond à notre première hypothèse sur les outils méthodologiques pertinents
de l’évaluation systématique de la politique étrangère.

Page | 86
La deuxième partie quant à elle (la géodiplomatie présidentielle camerounaise au prisme
de l’analyse du discours et de la théorie des Relations internationales) a une vocation analytique
et interprétative. Également constituée de deux chapitres et de quatre sections, elle inscrit les
données issues des modélisations effectuées en première partie dans leur contexte historique de
réalisation (au travers de l’analyse du discours et notamment de l’analyse analogique propre aux
méthodes de la pensée politique en Relations internationales). Il est enfin question de soumettre
les données obtenues à un exercice de théorisation diplomatique en prenant appui sur les théories
pertinentes des Relations internationales.

Page | 87
PREMIERE PARTIE.- MODELISATIONS GRAPHIQUES
ET CARTOGRAPHIE DE LA DIPLOMATIE
CAMEROUNAISE A PARTIR DU DISCOURS

Page | 88
Revenons sur les travaux d’Yves Alexandre CHOUALA, intitulés La politique extérieure
du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionales, publiés en 2014.

L’objectif fondamental de l’auteur, rappelons-le, est de :

« Dépasser la simple perspective juridique, au demeurant assez limitée, qui a caractérisé les
premières études y consacrées au profit de la restitution à la fois juridico-politique et historico-
sociologique de la politique étrangère »344 du Cameroun.

Analysant la constellation des acteurs de la politique extérieure du Cameroun, l’auteur


relève le rôle joué par les acteurs décisionnels prééminents345. Dans la lignée de Marie-Christine
KESSLER, il appréhende ces derniers comme étant ceux « qui détiennent des pouvoirs particuliers
conférés par les normes constitutionnelles et législatives, et par les structures administratives qui
institutionnalisent leurs rôles »346. Parmi ces acteurs, le président de la République est présenté
comme occupant une place de choix à côté du Premier ministre et du Parlement. C’est dans cette
logique que l’auteur présente le président de la République camerounais, en résonnance sans doute
avec l’analyse proposée par Luc SINDJOUN, comme un « véritable « pontife » en matière de
politique étrangère de par les pouvoirs constitutionnels qu’il détient et les fonctions diplomatiques
qu’il exerce »347.

Concernant les fonctions diplomatiques du président de la République au Cameroun, sur


une base constitutionnelle, l’auteur en identifie quatre principales, dont celle de « représentation
et d’incarnation officielles de l’Etat »348. Toutefois, l’auteur voit comme unique déclinaison de
cette fonction présidentielle le fait qu’elle établit le président de la République comme
« destinataire des hommages adressés à la nation par les Etats amis »349 :

« Considéré comme « point focal du processus de représentation », comme « dépositaire de la


souveraineté nationale », le président de la République reçoit ainsi, en vertu de cette position

344
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionale
s, Paris : Editions Karthala, 2014, p. 9.
345
Ibid., p. 72.
346
Idem.
347
Ibid., p. 73.
348
Les trois autres étant celles de : « concepteur, architecte, et de régulateur de l’activité diplomatique » ; récepteur
des vœux du Corps diplomatique ; et de réception des lettres de créance des ambassadeurs étrangers. Ibid., pp. 75-76.
349
Op. cit.

Page | 89
prééminente et ce, au nom de la nation toute entière, les messages de toutes natures adressés à la
nation par les Etats amis »350.

Mais c’est davantage le rôle du président de la République dans l’activation de certains des
« processus politico-diplomatiques » de la mise en œuvre de la politique étrangère, qu’il convient
de relever. Yves Alexandre CHOUALA souligne à cet égard que :

« La politique extérieure est le domaine par excellence de la grande politique ; c’est-à-dire celle qui,
se nourrissant de la raison d’Etat et du principe de la souveraineté, promeut et défend les intérêts
nationaux de l’Etat aussi bien au plan interne qu’externe. Pour la défense desdits intérêts au plan
externe, les Etats recourent à la technique ou plutôt à l’outil du dialogue et de la négociation que
constitue la diplomatie. Au moins trois principaux processus diplomatiques et politiques sont au
centre de la mise en œuvre de la politique extérieure de l’Etat camerounais notamment les
commissions mixtes, les voyages officiels du chef de l’Etat à l’étranger sans oublier la pratique des
envoyés spéciaux et des émissaires auprès des puissances étrangères »351

Parmi lesdits principaux processus diplomatiques cités par l’auteur, c’est bien celui qui
consiste en les voyages officiels du président de la République du Cameroun (Chef de l’Etat), et
particulièrement ceux à l’occasion desquels il aura prononcé des discours, allocutions solennelles,
fait des déclarations ou accordé des interviews aux médias classiques (Presse, radio, télévision),
qui nous intéressent. Il en est de même de ceux prononcés par lui et par ses homologues étrangers,
à l’occasion des visites officielles de ces derniers au Cameroun. L’ensemble de tous ceux-ci est
rassemblé dans ce que la littérature qualifie d’« actions au sommet »352. En effet :

« Parce qu’elles mettent personnellement en scène le chef de l’Etat, chef attitré de la diplomatie ou
l’impliquent à tout le moins, les actions au sommet constituent les temps les plus forts de l’action
internationale. Ces actions au sommet prennent des formes variées dont trois peuvent être retenues
et brièvement présentées : la participation aux sommets internationaux, les voyages officiels du chef
de l’Etat et la pratique de l’envoi des émissaires ou envoyés spéciaux »353.

Reprenant Philippe CHRESTIA, Yves Alexandre CHOUALA défini les sommets


internationaux comme :

350
Ibid., p. 75-76
351
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 128.
352
Ibid., p. 133.
353
Idem.

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« La rencontre ou le contact entre deux ou plusieurs dirigeants qui, placés à la tête d’un Etat et y
disposant de l’imperium, se soustraient à la lourdeur des procédures diplomatiques et administratives
habituelles en vue, d’une part, de prévenir, atténuer ou réprimer une situation de crise ou de tension
internationale, régionale ou locale, d’autre part, d’examiner, en commun, la conjoncture
internationale du moment »354.

Fort de ce qui précède, l’auteur fait une brève présentation de la participation du président
de la République, chef de l’Etat du Cameroun, aux sommets internationaux355 entre 1996 et 2006,
sans, toutefois, entrevoir leur inscription spatiale proprement dite. Il s’agit pour lui, à l’analyse, et
dans une première approximation, de recapituler les rencontres du chef de l’Etat avec ses
homologues étrangers dans le cadre des sessions des Organisations Internationales auxquelles
participent le Cameroun, dans l’espace-temps indiqué.

Tableau 1: Les sommets ayant connu la participation du chef de l'Etat entre 1996 et 2006

Source : CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 134.

354
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 133-134.
355
Pris ici au sens multilatéral, « notamment dans le cadre des conférences internationales, des réunions statutaires
ou ad hoc des organismes internationaux [qui] offrent […] l’opportunité de faire connaître sa position ou son analyse
des grandes questions
Tableau 2:de
Lespolitique
sommets internationale. Ce sont desdutribunes
ayant connu la participation à travers
chef de l'Etat entre lesquelles « le président […] parle
1996 et 2006
à l’Afrique et au monde » ». CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 135.

Page | 91
Les rencontres au sommet peuvent avoir lieu aussi bien dans un cadre multilatéral (voir le
tableau ci-dessus), que bilatéral. Aussi, rappelle l’auteur, « lorsqu’ils ont lieu dans un cadre
bilatéral, les rencontres au sommet sont des moments de renforcement des relations amicales de
coopération entre Etats concernés »356.

Tout compte fait, la participation du président de la République du Cameroun à ces


différents sommets, si ces derniers ne se tiennent pas au Cameroun, appelle nécessairement qu’il
voyage pour l’étranger, notamment à titre officiel. Les voyages officiels du chef de l’Etat, souligne
Yves Alexandre CHOUALA, « prennent, en fonction de l’importance des sujets à l’ordre du jour
et de la nature des relations personnelles entre les chefs d’Etat qui se rencontrent, la forme soit
de « visite d’Etat », de « visite d’amitié », de « visite de travail » et même d’« escale technique »,
etc. »357. Tentant une distinction entre ces différents types de visites, l’auteur s’inspire des travaux
de Jean-Paul PANCRACIO, pour relever que :

« « Les visites de travail et d’amitié » ne sont pas destinées à constituer des cadres pour des grandes
discussions d’ordre politique voire même technique. « Au contraire, la visite de travail est destinée à
faire avancer et à développer des relations concrètes entre deux pays ; ce qui n’exclut pas au
demeurant certaines festivités pour honorer l’hôte » »358.

Ces visites diffèrent, par le niveau de prestige et de solennité, de celles qualifiées de


« visites d’Etat »359 qui, elles-mêmes, se distinguent des « visites officielles »360 et des visites dites
« privées » effectuée par un chef d’Etat en « simple qualité de personne privée et non dans le cadre
d’une mission de représentation de [l’]Etat »361. Ces dernières répondent généralement à des fins
médicales, touristiques, familiales ou s’effectuent dans le cadre de simples vacances.

Mais de façon générale, l’auteur rappelle avec pertinence que :

356
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 134-135.
357
Ibid., p. 135.
358
Ibid., pp. 135-136.
359
Qui ne sont pas orientées à titre principal vers « la discussion, la négociation, le travail ; mais plutôt vers la
célébration ». Ces visites ont pour but « de marquer soit une longue amitié entre deux pays, soit une réorientation ou
un renforcement notable des relations bilatérales ». Ibid., p. 136.
360
« Catégorie intermédiaire entre la visite d’amitié, la visite de travail et la visite d’Etat » qui, par sa nature mixte,
mêle « discussions politiques, examen des dossiers techniques et un cérémonial protocolaire rapproché de la solennité
de la visite d’Etat ». Idem.
361
Ibid., p. 137.

Page | 92
« Quel que soit le registre sous lequel ils se déclinent, tous ces voyages contribuent à la mise en
œuvre de la politique extérieure et, partant, au rayonnement diplomatique national. […] Ces voyages
font partie de l’activité diplomatique présidentielle »362.

En vue d’illustrer schématiquement cette contribution géodynamique du président de la


République à la mise en œuvre de la politique étrangère, l’auteur propose le tableau ci-après des
différents pays et villes ayant reçu le chef de l’Etat camerounais entre 1996 et 2006.

Tableau 6: Les différents pays et villes ayant reçu le chef de l'Etat camerounais entre 1996 et 2006

Source : CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 138.

Tableau 7: Les différents pays et villes ayant reçu le chef de l'Etat camerounais entre 1996 et 2006
362
CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 137..

Page | 93
Yves Alexandre CHOUALA effectue une présentation tabulaire du panorama des
sommets, pays et villes qui ont reçus le président de la République du Cameroun entre 1996 et
2006. Il offre de ce fait une première lecture systématisée, quand bien même limitée, de la
contribution géodynamique dudit président à la mise en œuvre de la politique étrangère. D’où
l’ambition complémentaire du présent travail en la matière.

En premier lieux, le panorama géodynamique que présente l’auteur ne parvient pas à aller
au-delà du simple tableau. La modélisation, aussi bien graphique que géographique, n’est donc pas
à l’ordre du jour du travail proposé. Pourtant, ces dernières auraient, nous semble-t-il, permis une
meilleure systématisation du regard et de l’analyse des trajectoires et dynamiques géospatiales de
la diplomatie présidentielle camerounaise tout en permettant un approfondissement de la
compréhension des enjeux qui ont structuré le déploiement de la diplomatie camerounaise sous
Paul BIYA. On aurait de ce fait dépassé le discours, les principes et les options énoncés de la
politique étrangère et saisi les exceptions pratiques existantes en matière de mise en œuvre.

De plus, la temporalité choisie par l’auteur (1996-2006), soit dix (10) ans, ne nous semble
pas suffisante pour une objectivation modélisatrice assez proche de la réalité tendancielle. D’autant
plus que l’auteur semble se focaliser uniquement sur la connaissance des lieux du président de la
République dans ladite temporalité. Il ne s’appesanti en effet pas sur l’abondante production
discursive de ce dernier à l’occasion desdits voyages officiels qui se décline en un corpus constitué
de discours et déclarations, complété par des interviews. Toute chose qui aurait pourtant permis
de mieux cerner les rapports existants entre zones, modalités diplomatiques privilégiées, et enjeux
géopolitiques voire géostratégiques du déploiement diplomatique présidentiel.

A titre complémentaire, nous nous proposons d’élargir le corpus à analyser en prenant


l’année 1982 pour borne inférieure et 2002 pour borne supérieure. Au-delà des lieux des voyages
officiels du président de la République à l’étranger et de la réception de ses homologues étrangers
au Cameroun, nous effectuerons une analyse du discours présidentiel en vue, d’une part, de
comprendre et mieux expliquer les enjeux qui ont sous-tendu le déploiement diplomatique de ce
dernier, et d’autre part, de tenter une montée en abstraction, une interprétation évaluative en
rapport avec les paradigmes des relations internationales (deuxième partie). Les données
exploitées et présentées par Yves Alexandre CHOUALA ne serviront dans cette optique que pour
une analyse projective enrichie par nos travaux subséquents publiés en 2017 dans la Revue Enjeux

Page | 94
de la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique Centrale (FPAE) et de ceux que nous
avons menés en 2018, dans le cadre d’une contribution faite aux Mélanges en l’honneur du
Professeur Laurent ZANG de l’Université de Yaoundé II. Les modélisations graphiques (Chapitre
I) et la cartographie (Chapitre II) auxquelles nous aurons recours dans cette première partie, ont
pour rôle de rendre plus aisée la saisine des lieux et milieux géographiques par le discours
diplomatique présidentiel.

Page | 95
CHAPITRE PREMIER.- MODELISATIONS GRAPHIQUES DE LA
DIPLOMATIE DISCURSIVE

Commençons par rappeler de façon détaillée, la description du corpus sur lequel repose
l’ensemble des démonstrations qui seront faites dans la suite de ce travail. Nous nous appuyons
pour ce faire, sur la présentation qu’en fait Dominique MAINGUENEAU363 quand il aborde les
relations entre discours, texte et corpus364.

Il constate que les analystes du discours emploient sans cesse, en dehors de la notion de
« discours », celle de « « texte ». […] Certains ne jugent pas nécessaire d’établir une différence
entre eux. […] D’autres l’emploient pour désigner les données à partir desquelles ils
travaillent »365. En réalité, d’après l’auteur, « la relation entre texte et discours est très différente
si l’on associe à un ensemble de textes un seul discours, ou à chaque texte un discours »366.

Dans le premier cas (un discours pour un ensemble de textes), « les discours existent au-
delà des textes particuliers dont ils sont composés »367. Ici, « discours » peut alors correspondre à :

« Une discipline (« le discours de la géographie », « de l’astrologie »…) ; un positionnement dans


un champ (le « discours communiste », le « discours surréaliste »…) ; une thématique (« le discours
sur la sécurité » ; « le discours sur l’Afrique »…) ; la production associée à une aire déterminée de
la société (« le discours journalistique », « le discours administratif »…) ; des productions verbales
qui sont spécifiques d’une catégorie de locuteurs (« le discours des infirmières », « le discours des
mères de famille »…), etc. »368.

Dans le second cas de figure (un texte pour un discours), le texte est produit à l’intention
des lecteurs qui sont alors appelés « à construire le sens à partir du texte pour en faire une réalité
communicationnelle. En d’autres termes, ils doivent interpréter le texte comme un discours qui
fait sens pour eux »369.

363
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours, Paris : Armand Colin, 2014, p. 216.
364
Ibid.
365
Ibid., p. 31.
366
Idem.
367
Ibid., p. 32.
368
Idem.
369
WIDDOWSON cité par MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Idem.

Page | 96
L’usage du concept de « texte » peut être regroupé, d’après MAINGUENEAU, suivant
trois axes majeurs, soit comme « texte-structure », « texte-produit » ou comme « texte-
archive »370.

Comme « texte-structure », il est l’objet de la linguistique textuelle, qui l’appréhende alors


« comme un réseau de relations de phrase à phrase […] ou de groupements de phrases »371. Dans
le sens de « texte-produit », le concept de « texte » s’appréhende « comme la trace d’une activité
discursive – orale, écrite ou visuelle – référée à des dispositifs de communication, des genres de
discours : des plus élémentaires (une étiquette sur une marchandise) aux plus complexes (un
roman) »372. Comme « texte-archive », le texte est « considéré comme quelques chose qui demeure
par la fixation sur un support matériel ou par la mémoire : il peut être transmis, modifié,
commenté, réemployé… »373. Dans cette dernière approximation (texte-archive), le texte recouvre
en réalité deux phénomènes très différents : les textes matériels inscrits sur un support (« tablette
d’argile, parchemin, scanner, magnétophone, base de données numériques… ») ; les textes :

« Considérés indépendamment de tel ou tel support physique particulier. Quand on dit « ce texte de
Stendhla », on peut désigner par là un objet particulier, tel livre, mais aussi bien une œuvre,
appréhendée sans prendre en compte son existence matérielle (« c’est un texte d’une grande
profondeur », « un texte qu’on commente depuis un siècle »…) »374.

La discipline de l’analyse du discours « ne peut étudier des textes que s’ils sont convertis
en corpus »375. D’après MAINGUENEAU :

« Un corpus peut être constitué d’un ensemble plus ou moins vaste de textes ou d’extraits de textes,
voire d’un seul texte. […] Les analystes du discours n’étudient pas des œuvres, mais ils construisent
des corpus, ils rassemblent les matériaux qu’ils jugent nécessaires pour répondre à tel ou tel
questionnement explicite, en fonction des contraintes qu’imposent les méthodes auxquelles ils
recourent. […] Une distinction s’impose ici entre les corpus qui groupent des textes existants au
préalable et les corpus qui résultent d’une transcription. Une carte postale, un journal imprimé,
un livre… sont des textes préalables ; en revanche, une conversation, un débat à la télévision
n’existent comme textes dans un corpus que parce qu’ils ont été découpés et transcrits selon

370
Ibid., p. 33.
371
Idem.
372
Idem.
373
Ibid., p. 34.
374
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 34.
375
Ibid., p. 36.

Page | 97
certaines conventions. […] Ces transcriptions elles-mêmes peuvent devenir à leur tour des textes-
archives, des objets d’étude, par exemple dans le cadre d’une recherche qui porterait sur les
pratiques de tels ou tels analystes du discours. […] les chercheurs. De plus en plus, […] sont
amenés à travailler sur des données qui ont été sélectionnées et traitées pour devenir des
corpus »376.377

MAINGUENEAU ne manque toutefois pas de souligner que des problèmes subsistent :

« Quant au choix des textes retenus, au traitement qu’on leur fait subir pour les stocker et les classer,
à la manière dont ils sont mis à dispositions. A ce niveau, interviennent inévitablement des enjeux
politiques, comme le montrent par exemple les débats que soulève l’archivage systématique des
imprimés auquel se livre Google à l’échelle planétaire »378.

De façon générale, l’auteur pose que « discours » et « texte » est un couple qui « renvoie à
une polarité constitutive de toute étude de la communication verbale : la parole se présente à la
fois comme une activité et comme une configuration de signes à analyser »379.

C’est fort de ce qui précède qu’il convient de rappeler les éléments constitutifs du corpus
que nous exploitons dans le cadre des démonstrations effectuées dans ce travail.

Malgré que pour ce travail nous avons exploité le même corpus que Claudine
AMBOMO380, il a surtout été question d’y appliquer une autre démarche analytique, à savoir la
démarche géopolitique couplée aux modélisations graphiques et géographiques, ainsi qu’à
l’analyse du discours. Contrairement à la proposition faite par Claudine AMBOMO qui s’attèle
essentiellement à une analyse lexicométrique dudit corpus dans le travail ci-dessus rappelé, il sera
question de dépasser ladite approche dans le sens d’un complément en la matière, à travers une
inscription spatio-contextuelle. L’on pourra de ce fait également vérifier les conclusions
auxquelles arrivent AMBOMO sur la dimension diplomatique de ses analyses d’une part, dégager
de nouvelles conclusions d’autre part, et poser le bilan prospectif de la politique étrangère et de la

376
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., pp. 36-37.
377
C’est nous qui soulignons.
378
Ibid., pp. 37-38.
379
Ibid., p. 38.
380
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique (Paul BIYA, Cameroun, 1982
à 2002), Thèse de Doctorat, Linguistique, Université de Franche-Comté, 2013. Repéré à https://tel.archives-
ouvertes.fr/tel-01293663, Op. cit.

Page | 98
diplomatie camerounaise sous le prisme de l’activité diplomatico-discursive présidentielle sous
Paul BIYA.

Ledit corpus est constitué, de façon précise, des trois volumes de 650 pages, 580 pages et
599 pages, de l’Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun
(1982-2002), Yaoundé : SOPECAM. La dimension prospective de notre travail sera toutefois
enrichie par les tabulations proposées par Yves Alexandre CHOUALA 381 et, éventuellement, par
les discours jugés pertinents prononcés entre 2003 et 2019.

Il convient à présent de rappeler quelques considérations théoriques issues de la doctrine


sur les modélisations dans les sciences sociales et la discipline des Relations internationales
(Section I), avant de procéder à la quantification et à la modélisation graphique proprement dites
des discours jugés pertinents du président de la République du Cameroun entre 1982 et 2002. Non
sans avoir relevé les points de difficultés que pose le corpus choisi dans l’entreprise amorcée ici
(Section II).

SECTION I.- RAPPEL DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES

Les considérations théoriques et doctrinales dont il est question ici tournent autour de
l’usage des mathématiques dans les Relations internationales (Paragraphe I), ainsi que des
modèles (Paragraphe II).

Paragraphe I.- Mathématiques et relations internationales


S’il faille s’en tenir aux développements proposés par Jacques VIRET, dans « Les
mathématiques et les modélisations » paru dans le Traité des Relations Internationales en 2013,
le traitement des données mathématiques implique, outre leur croisement cartographique éventuel,
l’usage de la démarche graphique propre à « la théorie des graphes ». Cette dernière, selon l’auteur,
a remplacé la théorie des jeux depuis la fin de la guerre froide (A). Toutes choses qui ont ouvert le
champ analytique à « la théorie des catastrophes » qui permet l’interprétation, du point de vue
opérationnel, des graphiques produits (B), en plus des vertus autres, comme c’est le cas avec
l’analyse du niveau d’évolution politico-idéologique, notamment démocratique, des sociétés

381
Voir CHOUALA, Y. A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit.

Page | 99
humaines. Dans cette perspective, sont également explorés la « queue d’aronde » et son processus
évolutif, de même que l’« ombilic » dans le cadre de l’analyse du système international.

A. De la théorie des jeux à celle des graphes

Tout serait parti du constat d’une certaine inefficacité de la théorie des jeux, due, entre
autres : à leur « sophistication démesurée » entrainant « de plus en plus d’incertitudes dans leurs
élaborations et, partant, dans leurs interprétations »382 ; le fait que les jeux en Relations
internationales, se jouent entre individus, notamment les chefs d’Etat avec leurs « propres qualités
intellectuelles, émotionnelles, culturelles et morales, variables à souhait »383 ; et le fait qu’ « un
jeu se joue dans le présent, sans préoccupation des évolutions sociétales en cours. Or le monde
change perpétuellement dans une échelle de temps beaucoup plus longue que celle de
l’anticipation d’un coup à jouer » 384. Plus encore, l’auteur observe que le fait que le nouvel ordre
mondial serait devenu singulier n’a pas favorisé le maintien au premier plan de la théorie des jeux.
La scène internationale, avec :

« La multiplication des agents sociétaux de différente nature (individus, entreprises multinationales,


réseaux de croyances, ONG humanitaires), n’est plus aujourd’hui strictement interétatique ; les
problèmes stratégiques sécuritaires, bien que toujours d’actualité, ont cédé à la pression des
problèmes internes (chômage, crises sociales), et les acteurs sociétaux ne sont donc plus les seuls
représentants des Etats »385.

Du fait de ce qui précède, l’approche graphique serait devenue la nouvelle démarche


mathématique des Relations internationales.

Un graphe, d’après Jacques VIRET, « constitue un ensemble de points dont certains sont
directement reliés par un lien. Les points sont les sommets (ou nœuds) du graphe, et les liens en
sont les arrêts »386.

382
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations », in BALZACQ, T., et RAMEL, F. (dir), Traité de relations
internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2013, pp. 373-409, p. 377.
383
Idem.
384
Idem.
385
Idem.
386
Idem.

Page | 100
L’auteur souligne en outre qu’avec la modélisation qualitative387 :

« La démarche finale diffère […] des mathématiques habituelles au sens où il s’agit d’analyser les
résultats non pas dans le but d’obtenir des détails quantitatifs supplémentaires du système local
étudié, mais d’en tirer des lois qui peuvent être retrouvées et généralisées dans des systèmes plus
globaux »388.

Il précise par ailleurs que, ce type de modélisation « permet avant tout d’expliquer et de
comprendre le système complexe étudié, et la seule prédiction possible concerne alors ce qui peut
arriver, mais pas ce qui va arriver »389.

B. La théorie thomienne des catastrophes

L’apport de « la théorie des catastrophes » élaborée par René THOM390, est également
explicitée par Jacques VIRET391. D’après ce dernier :

« Elle a pour but de construire le plus simplement possible des modèles dynamiques continus pouvant
engendrer des morphologies données empiriquement, ces morphologies pouvant comporter un
ensemble de phénomènes discontinus. Cette construction repose sur des fonctions polynomiales dite
potentielles. On étudie qualitativement une fonction potentielle en observant les points où sa courbe
change brusquement de forme. Ces points, qui sont en général des minima ou des maxima, sont dits
singuliers. Lorsque deux points singuliers sont proches, le passage rapide de l’un à l’autre est appelé
singularité ou « catastrophe » »392.

387
Qualifiée par René THOM de semi-globale, elle diffère de celle quantitative qui « repose sur des observations
quantitatives mais locales, traitées quantitativement par des méthodes mathématiques formelles ». Ibid., p. 383.
388
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »… Op. cit., p. 383.
389
Idem.
390
« La théorie des catastrophes a été développée par le mathématicien français René THOM (1923-2002) dans les
années 1960. Elle fut ensuite popularisée dans les années 1970 par le mathématicien Christopher ZEEMAN, qui
continua à appliquer la théorie aux sciences comportementales et biologiques. René THOM reçut la médaille Fields
en 1958 pour ses travaux en topologie, l'étude des formes géométriques et de leurs relations. La théorie des
catastrophes concerne généralement les systèmes dynamiques qui décrivent la dépendance temporelle de certaines
quantités (comme le battement du cœur) et la relation de ces systèmes avec la topologie […]. La recherche de René
THOM visait à mieux comprendre comment les actions continues (comme un comportement régulier et stable dans
les prisons ou entre deux pays) pouvaient conduire brusquement à une modification discontinue (mutinerie ou guerre).
Il montra comment de tels phénomènes pourraient être décrits sous la forme de surfaces mathématiques abstraites,
sous des noms tels que le papillon ou la queue d'aronde. Le dernier tableau de Slavador DLAI, Queue d'aronde (1983),
s'inspirait de la théorie des catastrophes. Son tableau intitulé Enlèvement topologique d'Europe : Hommage à René
THOM (1983) décrivait un paysage fracturé, ainsi que l'équation qui l'expliquait ». Voire https://www.futura-
sciences.com/sciences/dossiers/mathematiques-histoire-mathematiques-10-dates-cles-1057/page/9/, consulté le 16
juillet 2019.
391
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit.
392
Ibid. p. 384.

Page | 101
Allant plus loin, il précise que :

« La catastrophe mathématique de René THOM n’a rien à voir avec quelque drame humain, et la
« théorie des catastrophes » est plutôt à considérer comme un classement des types de singularités,
d’où son emploi possible pour modéliser toute discontinuité apparaissant sur fond continu, toute idée
de rupture ou tout événement soudain. La force de cette théorie […] est justement de tenir compte
qualitativement des phénomènes comportant des variations soudaines, autrement dit des
singularités »

La théorie des catastrophes a « d’abord été appliquée dans la simulation des objets
naturels, mais aussi dans des domaines aussi variés que la géologie, la mécanique appliquée,
l’optique géométrique, la linguistique ou la biologie. ISNARD et ZEEMAN l’ont étendue aux
sciences humaines […], mais de façon controversée »393, ajoute l’auteur.

Il n’existe que, d’après VIRET, citant THOM, sept formes de catastrophes, dont « quatre
pour une seule variable interne (Sic)394 (le pli, la fronce, le papillon et la queue d’aronde), et trois
pour deux variables internes (les ombilics) »395. A titre illustratif, l’auteur présente
schématiquement deux formes géométriques donnant lieux à des interprétations sur la base de la
théorie des catastrophes, à savoir le pli et la queue d’aronde. Il fait en suite l’analyse de la
signification physique de la queue d’aronde, en commençant par la définition de ses trois variables
orthogonales : une variable structurale (la structuration résultant de l’étirement exercé, c’est-à-dire
d’une force de traction, même si le même résultat pourrait s’obtenir par « des forces de poussées
ou pressions lors de certaines morphogénèses de systèmes complexes »396) ; une variable qui
correspond à un potentiel397 (prenant la forme d’une « « différence de potentiel » gravifique entre
le haut et le bas du paysage » de la morphologie d’une queue d’aronde « et un gradient de potentiel
de l’arrière vers l’avant, le potentiel étant plus important en A qu’en B, et en B qu’en C »398 ; et
une troisième variable de nature fonctionnelle, qui se déroule au niveau de « la zone de
recouvrement des deux couches qui se superposent dans la partie médiane de la morphologie »399

393
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 384.
394
Nous pensons que l’auteur aurait surement voulu opposer les variables externes (le pli, la fronce, le papillon et la
queue d’aronde), aux variables internes de ladite queue d’aronde que sont les ombilics.
395
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Ibid. p. 385.
396
Ibid. p. 386.
397
Au sens de puissance, de ressource dont ont peu disposer.
398
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Ibid., p. 386.
399
Ibid., p. 387.

Page | 102
de la queue d’aronde. Il est alors possible de « changer très rapidement l’ordre des couches de
recouvrement par de légers mouvements verticaux et de sens opposés, exercés sur les extrémités
latérales de la queue d’aronde »400.
La description ainsi faite de la queue d’aronde est illustrée par l’auteur comme suit :

Figure 1:Les variables de la queue d’aronde

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 387

Le flot initial d’énergie issue de la structuration et s’écoulant de l’arrière vers l’avant de la


queue d’aronde « se partage en deux bassins, l’un dirigé vers la région B et l’autre vers la région
C »401. Aussi appelées en théorie des2:Les
Figure catastrophes bassins
« queue
variables de la d’attraction » ou « attracteurs »,
d’aronde
lesdits bassins se subdiviseront, avec le flot d’énergie sus-évoqué, en attracteur dominant (pourvu
d’un potentiel plus important, en l’occurrence le point B) et en attracteur dominé (C). Aussi
l’auteur explique que « le changement rapide et brutal d’attracteur dominant (C prenant plus de
potentiel et B en perdant sous l’action des impulsions verticales opposées) correspond à cette
action extrêmement rapide que THOM appelle « catastrophe » »402.

Toujours à titre illustratif, Jacques VIRET établit l’équivalent sociologique de la queue


d’aronde en convoquant la bipolarité aux niveaux sociopolitiques interne et des relations

400
Idem.
401
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 387.
402
Idem.
Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 387 Page | 103
internationales. Il cite dans ce sens l’exemple d’une démocratie occidentale de type parlementaire,
en l’occurrence la France. Il souligne que cette dernière résulte d’une :

« Poussée sociétale, elle-même décomposable en plusieurs poussées facilement identifiables par


l’histoire du peuple de ce pays, et qui ont conduit à un régime démocratique bipolaire, avec la droite
et la gauche. Cette polarité, on l’aura compris, se traduit par l’existence de deux attracteurs qui
disposent d’à peu près le même potentiel de puissance et qui, d’ailleurs, alternent plus ou moins
régulièrement à la faveur des élections. […] Cette alternance résulte elle-même, la plupart du temps,
d’une impulsion de mécontentement, de la pression sociale d’une partie de la population vis-à-vis du
pouvoir en place »403.

Poursuivant sa description, VIRET ajoute que l’axe structural de la queue d’aronde :

« Répond à la poussée d’un ensemble d’individus qui partagent un certain nombre de caractères
communs (une nation) »404 tandis que « l’axe potentiel résulte de la capacité de ces individus à
actualiser l’énergie qu’ils représentent, c’est-à-dire à s’organiser pour mieux vivre ensemble. Ce
« mieux vivre ensemble » correspond justement ici à la fonctionnalité d’un régime démocratique,
qui est de produire du droit. Le pouvoir légitime par les élections (l’attracteur dominant) possède
plus de potentiel que l’opposition (l’attracteur dominé) »405.

Dans cette société démocratique à régime parlementaire, la production du droit, en


l’occurrence le vote d’une loi, constitue un échange, un dialogue entre les deux attracteurs (qui
agissent par leurs poussées respectives), au niveau de leur zone dite de « recouvrement », qui, en
d’autres termes, est une zone d’interaction sociologiques entre lesdites entités (partis de droite et
de gauche française), dans laquelle « l’action est transversale à la structuration démocratique »406.

Pour illustrer l’applicabilité de la queue d’aronde dans le domaine des relations


internationales, VIRET se réfère à la relation bipolaire entre deux Etats, « développée dans un
espace plus vaste défini par les relations de puissance (axe potentiel), l’organisation
internationale locale, garante de l’existence de chaque pays (axe structural) et leurs relations
diplomatiques (axe fonctionnel) »407. Dans le cas d’espèce, la relation entre les deux Etats :

403
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 388.
404
Idem.
405
Idem.
406
Ibid., p. 389.
407
Idem.

Page | 104
« Considérés ici comme deux attracteurs, peut se situer soit au niveau de la zone de leur
recouvrement, ce qui favorise une action de dialogue et débouche alors sur la production d’une
entente de type traité […], soit au-delà de cette zone par une action de non-dialogue de type guerre,
l’Etat attracteur le plus puissant désirant détruire ou affaiblir l’autre »408.

Figure 26:Régime démocratique et production du droit

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 389

Figure 27:Régime démocratique et production du droit

408
Ibid., p. 389.

Page | 105
Figure 58:Relations bipolaires entre deux Etats au travers de la queue d’aronde

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 390

VIRET explicite par la suite le processus évolutif de la queue d’aronde (1), avant d’aborder
l’explication de l’ombilic comme suite de cette dernière (2).

1. Le processus évolutif
Figure queue entre
de labipolaires
59:Relations deux Etats au travers de la queue d’aronde
d’aronde

L’auteur relève que, malgré les apparences découlant de la morphologie de la queue


d’aronde telle que présentée jusqu’ici, celle-ci « est développée non pas dans un espace à trois
dimensions, […] mais à quatre. Comme il est impossible de dessiner sur un plan une figure à plus
de trois dimensions, il nous faut rechercher une nouvelle vue en trois dimensions de cette
morphologie. […] Si nous introduisons une nouvelle dimension (ici le temps) à la place de la
hauteur précédente »409, nous obtenons un axe évolutif. Ce dernier correspond alors à la
« succession de trois états stables » ayant nécessairement un aspect temporel « dans le sens où
pour arriver au stade de la queue d’aronde […], la morphologie doit franchir les stades successifs
du pli arrondi et du pli « anguleux » »410.

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 390

409
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 390.
410
Ibid., p. 391.

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Figure 60:Relations bipolaires entre deux Etats au travers de la queue d’aronde
Jacques VIRET note en passant la possibilité d’une évolution négative dans ledit processus
évolutif de la queue d’aronde : « Cependant, si le temps est irréversible, un processus ne l’est pas
nécessairement. Il peut en effet connaître soit une évolution au sens strict du mot, soit une
involution, c’est-à-dire un retour en arrière »411.

Comme équivalents sociologiques du processus évolutif de la queue d’aronde, l’auteur


prend l’exemple, à l’intérieur d’un Etat, de l’évolution sociologique qui conduit à la démocratie.
De la droite vers la gauche de la morphologie évolutive de la queue d’aronde :

« Le pli arrondi modélise l’anarchie. A ce stade, aucune autorité n’est prépondérante sur les autres
en termes de puissance, et la poussée sociétale n’est pas très forte. Il s’agit d’une juxtaposition de
populations homogènes qui vivent plus ou moins indépendamment les unes des autres, avec parfois
une collaboration commune pour certaines tâches trop lourdes à supporter par un seul groupe
d’individus […]. La possibilité de conflits survient lorsque, d’une part, la densité de population
augmente, ce qui entraine une poussée sociétale, et, d’autre part, lorsque le mécontentement d’une
partie de la population (diminution des ressources de survivre, pauvreté, classes sociales
défavorisées, etc.) entraine une augmentation de la pression sociale et, partant, d’un potentiel
d’agressivité qui ne demande qu’à s’actualiser. Cette possibilité de conflit constitue le germe d’une
révolution […]. La pression sociale pouvant être vécue par le pouvoir en place comme une menace
pouvant le déstabiliser, ce dernier, qui dispose de la puissance policière ou militaire, soumet alors
généralement la population mécontente à son autorité. Le régime politique devient dans ce cas de
type féodal, militaire ou dictatorial […]. Elle correspond à une stabilisation de l’évolution de cette
queue d’aronde au stade du pli anguleux. Cependant, tôt ou tard, et après plusieurs épisodes de
régimes autoritaires, un dialogue organisé entre tendances attractives survient, ne serait-ce qu’en
raison de la chute du potentiel de puissance due aux dépenses très importantes nécessaires au
maintien de tels régimes. Un autre régime, démocratique celui-là, peut alors se mettre
progressivement en place »412.

Cette situation évolutive est représentée dans la figure ci-après :

411
Ibid., p. 391.
412
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., pp. 391-392.

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Figure 90: L’anarchie, fondement de la démocratie illustrées par la queue d’aronde

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 392

Dans le domaine des relations internationales, la queue d’aronde évolutive donne


également lieu à interprétation :
Figure 91: L’anarchie, fondement de la démocratie illustrées par la queue d’aronde
« On trouve le pli arrondi qui en est à l’origine, et qui décrit l’anarchie comme principe fondateur
des relations internationales. Il n’existe en effet aucune autorité Centrale au-dessus des Etats. Ces
derniers ne sont pas indépendants pour autant car, pour qu’il y ait « relations internationales », il
est nécessaire que ces Etats soient en relation les uns avec les autres. Les relations sont régulières et
horizontales et les Etats, ne reconnaissant aucune autorité au-dessus d’eux, sont souverains. Hobbes
(1971) résume cette situation en définissant l’état de nature comme l’absence de « pouvoir commun »
tenant les Etats indépendants en respect. Or cette souveraineté, pour durer, implique que chaque Etat
assure sa propre sécurité, donc adapte sa puissance à celle des autres dans une démarche générale
de dérive croissante ».413

La direction « évolution » de la queue d’aronde comme ci-dessus illustrée, présente donc


deux sens, l’un qualifié par l’auteur de « néguentropique » c’est-à-dire qui se définit comme un
facteur d'organisation des systèmes physiques, biologiques, et éventuellement sociaux et humains,
et donc s’oppose au deuxième sens de cette évolution, à savoir la tendance naturelle à la
Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 392

413
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 393.

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Figure 92: L’anarchie, fondement de la démocratie illustrées par la queue d’aronde


désorganisation (entropie). Toute chose qui pousse VIRET à conclure que « on peut donc
légitimement être étonné de voir que la dictature (si l’on se réfère au système national) ou l’empire
(dans un cadre international) vont dans le sens de la néguentropie, c’est-à-dire l’évolution
proprement dite avec tout ce que ce mot contient de connotation valorisante »414.

L’auteur complète cette description de la dimension évolutive de la queue d’aronde adaptée


aux relations internationales (du moins telles qu’elles se présentaient, du point de vue Occidental,
durant la première moitié du XXe siècle, fondée sur l’anarchie comme principe fondateur, sur les
rapports de puissance entre les Etats, et d’un point de vue strictement stato-centré et réaliste) par
une démonstration historique de l’évolution de la scène internationale depuis l’avènement de l’Etat
au sens Occidentalo-centré :

« Après la guerre de Trente Ans, la paix de Westphalie a induit un état d’anarchie et d’équilibre
multipolaire des pays européens. Cette « entropie », que l’on ressent plutôt comme une
dégénérescence, a en fait été à l’origine d’une nouvelle néguentropie, celle de l’avènement des pays
démocratiques et d’un fonctionnement bipolaire international. L’anarchie apparait donc bien, à long
terme, comme un principe fondateur de la démocratie. De plus, on peut retrouver ici une loi tout à
fait naturelle et contenue dans la théorie des catastrophes, qui consiste à dire que chaque processus
évolutif ne peut se développer qu’à partir d’un stade marqué par une involution préliminaire. De ce
point de vue, chaque crise internationale constitue à la fois un conflit certes inconfortable pouvant
entrainer un état de guerre (une involution), mais aussi un germe possible d’évolution »415.

2. L’ombilic, suite de la queue d’aronde : la globalisation comme équivalent sociologique

L’ombilic se présente comme la suite de la queue d’aronde, utilisée pour la première fois
en 1977 par René THOM « pour modéliser l’ouverture de la bouche en embryologie animale »416.
Il s’agit d’imaginer une situation où, sur l’effet de facteurs extérieures venants intervenir sur le
processus évolutif de la queue d’aronde et prenant la forme d’une onde de choc qui frapperait les
deux attracteurs simultanément, est provoquée, soit une simple déformation de leur zone de
recouvrement (si elle n’est pas pénétrante), soit l’ouverture de ladite zone (si elle est pénétrante)
en créant de ce fait deux lèvres de chaque côté de la génératrice. Jacques VIRET estime que selon

414
Ibid., p. 394.
415
Ibid., p. 395.
416
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 396.

Page | 109
l’intensité de l’onde de choc et la capacité de dialogue entre les deux attracteurs, cette situation
peut conduire à deux conséquences :

« La première conséquence, la plus brutale, est la déchirure complète de la morphologie […] en deux
plis, à la manière d’un coup de hache qui fend la bûche en deux morceaux qui doivent évoluer chacun
pour leur propre compte […]. Notons qu’à ce stade, c’est la partie des attracteurs en situation de
conflit et non de dialogue qui l’emporte […]. La seconde conséquence possible est le maintien de ce
qui reste de la zone de dialogue initiale […]. Or, ce qui reste est essentiellement constitué des deux
lèvres et des deux côtés de cette zone de recouvrement qui correspondent à la région […] des anciens
attracteurs en situation de dialogue »417.

Les différentes coupes ainsi présentées, rassemblées pour reconstituer la morphologie des
changements induits par l’effet des facteurs externes sur la queue d’aronde est ce que René THOM
appelle ombilic. Cette nouvelle morphologie de la théorie des catastrophes pourrait, du point de
vue de Jacques VIRET, être considérée « comme une suite à la queue d’aronde »418, même si en
réalité elle ne serait plus de même nature. VIRET précise en effet que pour qu’advienne cette
nouvelle morphologie, il n’y a pas eu « attaque » de la queue d’aronde par l’onde de choc en tant
que phénomène extérieur, « mais incorporation de cette onde de choc comme faisant partie
intégrante du processus évolutif lui-même »419. Toute chose qui signifie que « le processus évolutif
révèle un aspect qui était resté jusque-là caché, mais qui était en lui et qui finit par émerger,
moyennant l’ajout d’une dimension nouvelle. Il s’agit bien là d’un « prolongement » dans un
espace plus complexe »420.

417
Ibid., p. 396.
418
Idem.
419
Idem.
420
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 397.

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Figure 122: L'ombilic, suite de la queue d'aronde
Déformation de la génératrice de la queue d’aronde

Conséquences de l’ouverture de la génératrice

Source : Jacques VIRET, « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit. p. 397

Pour illustrer l’équivalent sociologique de l’ombilic, causée par une onde de choc sociale,
Jacques VIRET convoque l’exemple de la globalisation.

Déformation de la génératrice de la queue d’aronde

Page | 111
Il rappelle tout d’abord que ladite onde de choc émerge de la queue d’aronde elle-même,
pour venir « détruire la génératrice de ses attracteurs sur lesquels reposent les relations
internationales, au sens des relations entre Etats »421. Parler de cette onde de choc, précise-t-il, ne
signifie pas faire référence à la naissance d’un :

« Nouvel attracteur structuré, mais plutôt d’un flux de grande intensité, pouvant même être
suffisamment dévastateur pour détruire la queue d’aronde. Cette onde de choc présente, pour ainsi
dire, des propriétés irrationnelles que l’on attribue généralement plutôt à la psyché humaine422. Il
est possible, sinon probable, que cet état irrationnel « au-delà des Etats » puisse résulter de la
cristallisation collective de certaines propriétés individuelles de l’âme humaine qui, en quelque sorte,
s’assemblent dans un contexte transnational »423.

Comme exemples de ces « passions partagées », ces « intérêts communs » ou


« représentations combinées », l’auteur cite les droits de l’homme, la lutte des classes, la
mondialisation, les mouvements altermondialistes, les ONG, l’écologie et l’expansionnisme
religieux424. Il s’agit de types de « cohésion » au sens de BAECHLER, qui peuvent « conduire à
l’ébranlement, voire au renversement du pouvoir à l’intérieur d’un Etat, comme ce fut le cas lors
des révolutions française et russe »425. L’auteur souligne à cet effet que :

« La mondialisation s’est diluée dans un ensemble d’acteurs interétatiques avec l’appui des Etats
occidentaux. C’est qu’en effet, dans chaque cas, le pouvoir (ou le contre-pouvoir) a pu intégrer ces
cohésions. L’onde de choc n’a pas été suffisamment pénétrante pour entrainer une chute significative
du potentiel de puissance des attracteurs des Etats. […] L’ « international » n’est pas devenu le genre
humain Malgré les différents mouvements d’origine marxiste »426.

Ce sont des phénomènes de « turbulence » en relations internationales, au sens de James


ROSENAU, c’est-à-dire des « faits qui apparaissent chaotiques, aléatoires et imprévus, avec
comme conclusion qu’il était impossible de prévoir quoi que ce soit » mais tout au plus tenter de
comprendre ces faits a posteriori427. Sont également compris, parmi ces « représentations

421
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 398.
422
Entendue comme, pour reprendre JUNG, « les grandes passions comme la colère, l’état amoureux, la jalousie, la
recherche de gloire, etc., que l’on nomme « complexes » en psychologie, ces complexes étant connus, par leur intensité
énergétique, pour venir parfois envahir totale ment la personnalité d’un individu ». Idem.
423
Idem.
424
Idem.
425
Idem.
426
Ibid., pp. 398-399.
427
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,…Op. cit., p. 400.

Page | 112
combinées » qui constituent l’onde de choc de la queue d’aronde, les réseaux sociaux. Ces derniers
sont appréhendés par Jacques VIRET comme étant des « groupes d’individus rassemblés dans le
but de perpétuer et de consolider leurs activités »428. D’après lui :

« On peut considérer que ces rassemblements correspondent à des « organisations » non structurées
(de type cohésion), mais qui tentent de se structurer pour permettre aux individus d’agir
conformément à ce qui les unit […]. On peut aussi considérer ces réseaux comme un nouveau stade
évolutif de la théorie des catastrophes, celui de la levée d’inhibition d’une variable restée cachée
jusque-là, bien qu’appartenant déjà au processus évolutif, en l’occurrence celui des relations
internationales »429.

Analysant les conditions d’émergence et la nature des réseaux sur la scène internationale,
dans une logique comparative avec celle des relations entre Etats, l’auteur souligne que :

« L’émergence du réseau repose sur l’importance et non plus sur la puissance. Si cette dernière est
caractérisée par des relations verticales qui dépendent du potentiel de puissance des Etats, les
relations d’importance sont horizontales entre les individus, ou les groupes d’individus, constituant
le réseau. Ces interactions, d’un point de vue qualitatif, sont plutôt faibles mais innombrables en
comparaison de celles des relations hiérarchiques verticales, plutôt fortes mais moins nombreuses.
De plus, l’importance provient essentiellement du besoin de reconnaissance, tandis que la puissance
relève du pouvoir. Puissance et importance ne sont donc pas de même nature et ne peuvent pas être
à l’origine d’un même fonctionnement. Enfin, si être reconnu constitue la première étape de
l’importance, vouloir agir en est la seconde. Or, contrairement à la puissance qui agit
« légalement» parce qu’elle est supportée par un attracteur, l’importance ne peut le faire que par
un déferlement de contestation ou de révolte. Le besoin d’importance naissant généralement d’une
frustration, l’action qui en découle relève en effet de la revendication. […] Les révolutions française
et russe, qui ont conduit à renverser les régimes monarchiques de ces pays, en témoignent »430.

L’auteur ajoute qu’il existe, à l’international, « une confusion entre puissance et


importance » aux points de contacts entre les entités hétérogènes que sont le réseau (onde de choc)
et les Etats (attracteurs de la queue d’aronde). Par ses poussées successives, l’onde de choc
déforme progressivement la base des attracteurs de puissance, affaiblissant peu à peu leur potentiel
(affaiblissement de la notion d’Etats souverains). Les contacts directs qui ont ainsi lieux :

428
Ibid. p. 401.
429
Idem.
430
Idem.

Page | 113
« Peuvent favoriser des transferts d’influence entre l’importance et la puissance, ou autrement dit,
entre le réseau431 et les Etats, qu’il s’agisse pour le réseau d’obtenir de la puissance, ou pour les Etats
de transformer l’importance du réseau en potentiel de puissance »432.

Dans cette nouvelle situation, marquée par le déferlement de l’onde de choc du système
international sur les attracteurs de puissance des Etats, Jacques VIRET estime que « le réseau exige
et les Etats décident. Les Etats […] ne sont plus opposés et complémentaires […] mais dorénavant
en véritable situation de conjonction des opposés »433. A titre illustratif, l’auteur convoque le cas
du continent africain :

« Où les démocraties imposées par les Etats occidentaux restent faibles, mais où les revendications
ethniques sont nombreuses. À elles de s’unir en relations horizontales dans un vaste réseau
d’importance, que Jean Bosco OYONO nomme « l’âme africaine » (OYONO, 2009) »434.

En conclusion, en prenant pour base d’analyse que la discipline des Relations


internationales est par définition « complexe », comme le domaine de la science politique, et la
branche des sciences humaines et sociales en général à laquelle elle appartient, Jacques VIRET
pense que :

« La complexité ne peut être abordée (même en sciences exactes d’ailleurs) que par des
modélisations. Cela implique que la modélisation des systèmes complexes ne peut pas aboutir à
décrire parfaitement ces systèmes et qu’il est impératif soit d’éliminer un certain nombre de
paramètres (sinon il n’y aurait pas « modélisation ») et de n’en espérer que des conclusions
générales, soit d’étudier précisément un système localisé, d’en tirer des lois, mais en renonçant à
toute conclusion quantitative. […] Il semble préférable de s’adresser aux modélisations qualitatives
des processus évolutifs, qui permettent sans doute mieux d’appréhender les tendances à venir »435.

Poursuivant son analyse, l’auteur souligne qu’il reste constant et évident que, malgré que
la théorie des catastrophes adaptée à l’étude des relations internationales avec sa queue d’aronde

431
Les exemples de réseaux à l’échelle international que cite l’auteur comprennent celui constitué par les
multinationales économiques, les mouvements altermondialistes (mécontents ou victimes du système économique
mondial), les ONG, et ceux nés de la cohésion de représentations de culture religieuse (Islamistes dans certains pays
musulmans ou évangélistes en Amérique Latine). Voir VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,… Op.
cit., pp. 402-403.
432
Ibid., p. 402.
433
Ibid., p. 404.
434
Ibid., p. 405.
435
Ibid., p. 406.

Page | 114
« modélisant les relations interétatiques dans des rapports de puissance, puis l’ombilic
s’adressant aux systèmes transnationaux »436, cette modélisation :

« Reste générale et encore une fois essentiellement qualitative, et qu’elle ne prédit rien. Néanmoins,
elle propose des possibilités, des anticipations de situations, des évolutions probables. De plus, la
continuité queue d’aronde-ombilic forme un tout en faisant, à certains stades du processus évolutif
qu’elle modélise, apparaître des variables internes (les réseaux notamment) qui, jusqu’à ce stade,
étaient cachées mais déjà présentes. En ce sens, la théorie des catastrophes décrit la « globalisation »
du système international, et non sa rupture. En effet, chaque étape évolutive conduit à un état stable,
qui connaît cependant une fin, et si cette fin est apparemment destructrice, elle est en réalité
l’occasion d’une nouvelle construction. Cette théorie est donc assez proche du point de vue des
constructivistes actuels : déconstruire pour mieux construire »437.

Il ressort de ce qui précède que, la démarche de schématisation/modélisation graphique des


trajectoires spatio-géographiques, catégorisées et cumulées, de la diplomatie présidentielle
camerounaise en vue d’une montée en abstraction généralisatrice, devra viser, dans le travail que
nous proposons, d’une part, à ressortir ou « reconnaître les régularités sociales, en permettant
d’accéder à ce qui n’est pas apparent et de saisir ce qui échappe à l’examen des seuls
individus »438. D’autre part, il s’agira de procéder à la systématisation des relations temporellement
et contextuellement marquées, qui existent entre différents lieux ou pôles géographiques de
l’action diplomatique présidentielle. L’on devrait ainsi parvenir à donner « des résultats
quantitatifs utiles à l’interprétation de faits sociaux passés »439, en l’occurrence de la contribution
passée du chef de l’Etat du Cameroun à la mise en œuvre de la politique étrangère dudit pays. Il
sera question d’utiliser « les techniques mathématiques, au sens de manipulation des nombres,
associées à des paramètres estimés pertinents entrant en jeu dans les relations
internationales »440, notamment de géographie politique, de géopolitique voir de géostratégie.

Dans cette phase de systématisation processuelle de la diplomatie présidentielle


camerounaise, nous considérerons le système diplomatico-présidentiel comme « une boîte noire

436
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit.
437
Idem.
438
Ibid., p. 374.
439
Idem.
440
Ibid., p. 381.

Page | 115
dans laquelle on introduit des variables de contrôle, et dont on recueille une variable d’état441
dont les variations (les singularités obtenues) doivent en principe rendre compte du
fonctionnement de cette boite »442. D’autant plus que, comme davantage relevé par Jacques
VIRET, la théorie des catastrophes convoquée :

« Place le potentiel en situation privilégiée et connue, ses variations d’intensité (dans l’espace et
dans le temps) peuvent alors rendre compte de l’évolution de cette boite noire. On peut dès lors
étudier soit sa transformation dans l’espace, soit son évolution dans le temps, et ainsi avoir accès à
un processus »443.

Il conviendra donc de mieux comprendre comment les actions continues de


diplomatie présidentielle (perçue comme un comportement régulier et stable de tissage et
d’entretien des liens de coopération entre le Cameroun, incarné par son chef d’Etat, et les
autres entités semblables ou dérivées de la scène internationale444) ont été marquées par des
brusques modifications discontinues ou des « catastrophes » ou encore des « singularités », et
pourquoi.

L’analyse à partir du modèle de la queue d’aronde devrait par ailleurs nous permettre de
déterminer, sur la base des tendances statistiques de la diplomatie présidentielle et après analyse
graphique, dans quelle mesure le Cameroun, au-delà des discours de politique sur le non-
alignement optionnel du pays, aura été plus ou moins aligné et à quel paradigme de l’ordre
international, entre l’Ouest libéralo-capitaliste et l’Est socialiste, pendant et après la période de la
guerre froide. Lesdites tendances confirment-elles une option idéologique présidentiallo-
camerounaise en termes de « libéralisme communautaire » ?

441
VIRET souligne qu’en théorie des catastrophes, « dans la fonction polynomiale de type y = axn + bxn-2 + …., y
représente l’état énergétique du système, x est une variable d’état dite interne, qui représente l’intensité avec laquelle
se transforme cette énergie, et a et b sont des variables externes ou de contrôle, qui modifient cette intensité ». VIRET,
J., « Les mathématiques et les modélisations »,… Op. cit., p. 385.
442
Idem.
443
Idem.
444
Et pour ce faire, nous mobiliserons la variable d’état que sont ses déplacements officiels à l’étranger et l’accueil de
ses homologues à l’occasion desquels des discours auront été prononcés et archivés, de même que les variables
externes ou de contrôle que sont le temps, l’espace et le contexte.

Page | 116
Paragraphe 2.- Les modèles

Il convient préalablement de définir la notion de modélisation (A), avant de présenter les


différents types de modèles (B).

A. Définition de la modélisation

La pensée de Nathalie MOLINES et Valérie CUADRADO au sujet de la modélisation,


objet d’un article paru en 1997 et intitulé « La modélisation et la géographie enseignée », par sa
dimension pédagogique, permet de cerner davantage le processus de construction des modèles
graphiques.

Il en ressort en effet que « la démarche modélisatrice (modèles graphiques et modèles


systémiques) » a d’abord été l’objet d’un « effet de mode parce que perçue comme simple voire
simpliste »445. Elle a entrainé de ce fait, d’après lesdits auteurs, la multiplication, et sans souci
apparent d’efficacité pédagogique, des « exemples de modèles sur la France, l’Europe, sur les
Etats-Unis ou sur le Brésil »446. A aucun moment, soulignent-ils, ces derniers ne tentent
l’explication du processus de modélisation.

Au-delà des résultats déroutants, par leur simplicité, auxquels conduit généralement la
modélisation, MOLINES et CUADRADO pensent que cette dernière est « une excellente
démarche de compréhension des phénomènes géographiques qui place l’étude spatiale au centre
du débat, et qui utilise la représentation cartographique et graphique comme support principal de
la démonstration et du raisonnement »447.

En guise de définition de la modélisation, lesdits auteurs proposent qu’on l’appréhende


comme :

« La science et l’activité de l’élaboration des modèles. Comme activité de recherche, la modélisation


intègre le raisonnement hypothético-déductif et permet la comparaison de résultats différents. […]
par ses objets, sa démarche et son raisonnement, elle initie à la pensée systémique. Elle exige un

445
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée », In : L'information
géographique, volume 61, n°4, 1997. pp. 144-153, p. 145.
446
Idem.
447
Idem.

Page | 117
fondement théorique solide et ne doit en aucun cas être confondue avec un résumé ou une
simplification »448.

Ils soulignent toutefois qu’une meilleure compréhension de la modélisation passe


forcément par la clarification préalable du concept de modèle, qui oscille, au sens commun, « entre
un idéal (modèle de loyauté) à atteindre ou une norme usuelle (modèle d’écriture) », chacune des
deux significations étant introduite dans l’usage scientifique du terme449. S’appuyant sur les
travaux de François DURAND-DATÈS et Franck AURIAC, les auteurs soulignent deux
définitions phares qui permettent de s’interroger aussi bien sur la fonction du modèle, que de
s’intéresser à son écriture graphique.

Le modèle est alors présenté comme étant « une représentation schématique de la


réalité, élaborée en vue d’une démonstration »450. En tant que tel, il est aussi bien :

− « Une simplification qui aide à comprendre l’organisation d’une réalité spatiale. Il implique
forcément des choix dans l’appréhension de cette réalité, et suppose une démarche vers
l’abstraction ».
− « […] une représentation élaborée […], une construction intellectuelle. Il est issu de la réalité et
permet d’y revenir, mais il n’est pas la réalité et ne prétend pas coïncider avec elle. Autrement dit,
le modèle est une interprétation de la réalité perçue. Il fait appel à un savoir conceptuel qui privilégie
le raisonnement hypothético-déductif ».
− « Dans sa finalité [le modèle est], orienté vers une démonstration. Cela qui lui attribue une double
fonction. La première fonction est heuristique. Elle permet d’expérimenter et de tester des
hypothèses, donc de dégager des tendances, des régularités, sinon des lois. […] La seconde fonction
est dialectique. Elle exprime graphiquement le résultat d’une recherche, d’un processus. Dans les
deux cas, le modèle permet de construire une vision du monde, assez riche pour manifester la
complexité du réel et assez simple pour être lisible et mémorisable451 »452.

Pour finir, et toujours dans la lignée de DURAND-DATÈS et AURIAC, les auteurs


ajoutent dans leur approche définitionnelle du modèle qu’il est « également une représentation

448
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée »… Op. cit., p. 146.
449
Idem.
450
Ibid., p. 146.
451
C’est nous qui soulignons.
452
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée »… Ibid., p. 146.

Page | 118
formalisée et épurée du réel […]. Son but pouvant être « l’action, la prédiction, ou
l’explication » »453.

B. Typologie des modèles

Trois grands types de modèles sont proposés.

Premièrement, le modèle « dur » de construction mathématique, qui est théorique et


abstrait. « Il requiert un très grand niveau de connaissances ou d’informations ainsi que des
savoir-faire élaborés. La mise en œuvre de simulations est l’objectif principal de ces modèles »454.

Le deuxième type de modèle est celui dit générique-explicatif, qui est un modèle « dur »
utilisé simplement. « Il est du type prédictif en ce qu’il autorise la formulation d’hypothèses »455.

Le troisième type est le modèle explicatif-illustratif, « très répandu dans les manuels et
dans les pratiques de classe. Il est plus qualitatif et se réduit souvent à un schéma explicatif ou à
l’expression graphique d’une série statistique (courbe de tendance). […] On l’utilise pour passer
d’un tableau à double entrée à son expression tendancielle graphique »456. Il convient à ce point
de souligner qu’au vu de la nature de notre objet d’étude, ce troisième type de modèle s’avère
adéquat à l’exercice de modélisation à laquelle nous entendons nous soumettre.

De façon générale, MOLINES te CUADRARDO précisent que le modèle graphique est à


différencier de la carte :

« La carte montre, localise et nomme les lieux. Le modèle explique, révèle les structures de l’espace.
La carte décrit ; le modèle construit, déconstruit, reconstruit un certain nombre de combinaisons
simples. […] Il est par excellence l’outil géographique qui intègre l’espace dans sa construction »457.

Pour parvenir à une modélisation réussie, deux opérations essentielles sont à poser458 :

453
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée »… Ibid., p. 146.
454
Idem.
455
Ibid., p. 147.
456
C’est ce dernier type de modèle que nous mobilisons dans le premier chapitre du présent travail destiné à la
modélisation graphique de la diplomatie présidentielle. Ibid., p. 147.
457
Idem.
458
Idem.

Page | 119
− Procéder dans un premier temps à l’analyse de la réalité perçue ou conçue en système.
Il s’agit d’une opération d’abstraction ;
− Déboucher par la suite sur le transcodage de ce système dans un modèle graphique.

La modélisation telle que présentée ci-dessus est donc in fine, d’après MOLINES et
CUADRADO, « un outil pour la géographie »459. Nous y reviendrons infra, en guise de transition
de la modélisation graphique à la modélisation géographique ou mieux la cartographie de la
diplomatie présidentielle appréhendée par l’inscription spatiale des discours du chef de l’Etat
camerounais.

Mais avant d’y parvenir, procédons par étape. Il est question pour nous de travailler, d’une
part, à la quantification et la tabulation des lieux et milieux diplomatico-présidentiels aux plans
global et régional, et d’autre part, sur la base de ladite quantification tabulée, parvenir à des
modélisations graphiques visant à dégager les tendances, « simplifications » ou « catastrophes »
éventuelles de ladite diplomatie présidentielle. Une démarche qui s’avère difficile, mais réalisable.

SECTION II.- MODÉLISATIONS GRAPHIQUES DE LA DIPLOMATIE


PRÉSIDENTIELLE DISCURSIVE : DIFFICULTÉS ET POSSIBILITÉS

Partir de l’inscription spatiale des discours diplomatiques présidentiels pour parvenir à une
modélisation graphique susceptible de permettre une analyse tendancielle sous le prisme de la
théorie des catastrophes s’avère une entreprise difficile (Paragraphe I). Cette difficulté semble
toutefois surmontable sous certaines conditions. Toutes choses qui devraient conduire à une
modélisation graphique acceptable (Paragraphe II).

Paragraphe I.- Les difficultés d’une modélisation graphique : le corpus et son


contenu
Nous considérons avec Madeleine GRAWITZ que :

« Les modèles mathématiques permettent de trouver des analogies que l’on ne percevait pas, de poser
de nouveaux problèmes. L’intérêt des mathématiques, c’est au-delàs du donné, d’explorer le domaine
du possible, d’envisager tous les systèmes, même ceux qui n’existent pas dans la réalité et de permettre
alors de se demander pourquoi. […] Les mathématiques semblent plus facilement utilisables dans la

459
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée »…Op. cit., p. 147.

Page | 120
partie mécanique de la vie sociale, ce qui résiste au changement, c’est-à-dire dans ce qui relève d’une
logique sociale, d’un rituel »460.

L’auteure établi en outre, au sein de ce qu’elle qualifie de « mathématiques


qualitatives »461, le rapport de distanciation existant entre quantification et mesure. Pour elle, la
quantification signifie « énumérer, compter des unités, dénombrer les objets à étudier ou à décrire,
relever la fréquence d’apparition d’un phénomène »462. Elle précise en outre qu’« en sciences
sociales, on appelle souvent mesure, le classement des éléments dans un certain ordre, par rapport
à un critère de plus ou de moins (plus ou moins autoritaire, plus ou moins de participation,
etc.) »463, avant de conclure qu’ « il faut donc distinguer lorsque l’on parle de « quantification »
en sciences sociales, s’il s’agit d’ordre, c’est-à-dire de mathématique non numérique, ou de
mesure et de quel type de mesure »464. Nous combinerons donc quantification (nombre
d’occurrence des déplacements géodiplomatiques du président de la République du Cameroun) et
mesure (plus ou moins de géodiplomatie bilatérale ou multilatérale, active ou passive, de paix ou
sécuritaire, etc.).

Ce qui précède nous permet d’ores et déjà de fixer le cadre et d’envisager la portée de
l’exercice de dénombrement et de quantification ou encore d’arithmétique puis de modélisation,
que nous souhaitons effectuer dans cette partie. Il s’agira en effet d’énumérer, de compter, de
dénombrer, de quantifier et de classer les visites discursives à l’étranger du président de la
République du Cameroun et celle de ses homologues ou dignitaires étrangers au Cameroun entre
1982 et 2002.

Aussi examinons nous ici les difficultés que pose à l’entreprise d’évaluation systématique
de la mise en œuvre de la politique étrangère, prise comme politique publique au sens de l’analyse
des politiques publiques, avant de tenter, malgré tout, un examen et une modélisation graphique
au prisme de la théorie des catastrophes. Les difficultés sur lesquels il convient de mettre le doigt
portent d’une part, sur le fait que nous travaillons sur une « monographie corpusculaire » et non

460
GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales… Op. cit., pp. 365-366.
461
Ibid., p. 366.
462
Idem.
463
Idem.
464
Idem.

Page | 121
son pendant pluraliste (A), et d’autre part, et par voie de conséquence, sur la faible teneur annuelle
des occurrences discursives qui en découle (B).

A. Monographie versus pluralité corpusculaires

Qu’est-ce qu’une monographie ? Quid d’une « monographie corpusculaire » ? A quoi


renvoi son pendant pluraliste ?

D’après Larousse, l’on entend par monographie « l’étude détaillée portant sur un point
précis d’histoire, de littérature, sur une personne, sa vie, etc. »465. Dans un sens plus sociologique,
Madeleine GRAWITZ propose d’y voir la « description et analyse d’un lieu (village), d’un
système (entreprise, asile), d’un groupe »466.

En transposant le concept dans la discipline et le langage de l’analyse du discours, en lien


avec la notion de corpus, nous distinguons les « monographies corpusculaires » entendues comme
analyses tangentielles et de comparaison historique des occurrences contextualisées portant sur les
discours d’un seul individu ou émetteur archivés sur forme de corpus, des « analyses sur corpus
multiples » ou « pluralité corpusculaire ». Ces dernières porteront quant à elles sur deux ou
plusieurs corpus issus d’émetteurs distincts et donc comparable ontologiquement, ainsi que dans
le temps contextuel.

Le présent travail se situe dans la première approximation de la monographie


corpusculaire, avec pour encrage le corpus constitué des discours, allocutions et interviews
du président Paul BIYA. Ce qui impose une capacité d’analyse sans précédents, visant à ressortir
les points et lignes de démarcation thématiques, temporelles et spatiales, à même de permettre une
analyse comparative et donc de monter en pertinence analytique. Il s’agit d’une démarche dont la
grande complexité fera l’objet de développements dans la conclusion générale.

Nous tenons simplement à relever ce premier niveau de difficulté qu’il a fallu surmonter
pour parvenir à produire des modélisations graphiques et cartographiques dans une logique
comparative. Cette difficulté se prolonge dans le fait qu’elle impose de travailler avec le risque de

465
Maxi poche 2009, Larousse. Maquette : Nord Compo, p. 906.
466
GRAWITZ, M., Lexique des sciences sociales… Op. cit., p. 282.

Page | 122
manquer un nombre de données significatives, ce que nous appelons une faible teneur, pouvant
favoriser une analyse de fond.

B. La teneur des occurrences

Dans quelle mesure la faible teneur annuelle des occurrences discursives de la


géodiplomatie présidentielle, perçue à partir d’un corpus donné, s’avère-t-elle une difficulté
majeure dans l’exercice de mesure ou d’évaluation systématique de la mise en œuvre de la
politique étrangère ?

Le travail sur une monographie corpusculaire, comme c’est le cas dans cette contribution,
expose également à la difficulté de se heurter à une situation de faible teneur des occurrences du
phénomène observer ou à desceller dans le corpus choisi. Dans le cas d’espèce, tiraillé par les
situation internes de gestion quotidienne des problèmes publics de son pays, un chef d’Etat
effectuera parfois moins de déplacements à l’étranger qu’à l’interne, et recevra moins de
dignitaires étrangers. Quand bien même ce serait le cas, il se limitera parfois à un simple acte de
présence (sans discours officiels, allocutions ou interview à archiver dans un corpus
ultérieurement).

Cette difficulté a plus de chance d’être levée en cas d’analyse comparative entre deux ou
plusieurs corpus issus d’émetteurs différents (comme par exemple les corpus issus des différents
présidents américains depuis l’an 2000). Chaque président étant unique, avec un style distinct des
autres, il devient ainsi possible d’identifier les points de ruptures et de continuité dans les discours
des uns et des autres, de comparer leurs modélisations graphiques et cartographiques. Pour
contourner cette difficulté, dans le cadre de ce travail, nous avons misé sur le temps long (20 ans)
que couvre le corpus choisi. Ce qui nous a permis de proposer les modélisations ci-après, analysées
au prisme de la théorie dite des catastrophes.

Paragraphe II.- Essai de modélisation : au prisme de la théorie des catastrophes


A. Tableaux statistiques et modélisations graphiques de la géodiplomatie présidentielle
discursive camerounaise au plan bilatéral

L’analyse ici portera d’une part sur la modélisation graphique de la géodiplomatie


présidentielle discursive camerounaise sous le président Paul BIYA dans une logique de légation

Page | 123
active au sens des visites discursives à l’étranger (1), et d’autre part, dans une logique de légation
passive au sens des réception discursives de ses homologues étrangers au Cameroun (2).

Page | 124
1. La logique active de la géodiplomatie présidentielle bilatérale entre 1982 et 2002

Tableau 10:Données relatives aux pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre 1982 et 2002

Années 198 1983 198 198 1986 198 198 198 1990 1991 199 1993 199 199 199 199 199 199 200 200 200
2 4 5 7 8 9 2 4 5 6 7 8 9 0 1 2

Villes
(Pays)

Paris *16 *20- *3 avril


(France févri 21
) er juill
et

Lagos *20
(Nigéria avril
)

Rome *1er
(Vatica novem
n) bre

Bruxell *8-
es 11
(Belgiq ma
ue) i

New- *4 mai
York (investisse
urs)

Page | 125
(Etats-
Unis)

Beijing *26-27
(Chine) octobre
(PR-
Chine,
Univers
ité et
opérate
urs éco)

Source : Réalisé par l’auteur

Page | 126
Tableau 11: Statistique des pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre 1982 et 2002

Année France (PA) Nigéria (LA) Vatican (RO) Belgique (BR) Etats-Unis (NY) Chine (BJ)
1982
1983 1 1
1984
1985
1986 1
1987
1988
1989 1
1990 1
1991 1 1
1992
1993 1
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Total général 3 1 1 1 1 1 8
Source : Réalisé par l’auteur

Page | 127
Figure 123:Pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre 1982 et
2002 2
1,8
1,6
1,4
1,2
1 Chine (BJ)
0,8
Etats-Unis (NY)
0,6
0,4 Belgique
0,2 Vatican (RO)
0
Nigéria (LA)

France (PA)

Source : Réalisé par l’auteur

Après exploitation de notre corpus, nous avons pu réaliser les tableaux des données avec
les logiciels de traitement de textes Word et statistiques Excel, ainsi que, à partir de ce dernier, le
graphique ci-dessus.

Il en ressort qu’entre 1982 et 2002, le président Paul BIYA a effectué des visites officielles
discursives dans six (06) pays et villes dans le monde : Nigéria (Lagos) ; France (Paris) ; Vatican
(Rome) ; Belgique (Bruxelles) ; Etats-Unis d’Amérique (New-York) et Chine (Beijing).

Sur l’espace-temps considéré, la destination privilégiée du chef de l’Etat camerounais


s’avère être la France, sur le continent européen, avec trois (03) visites discursives en 1983, 1990
et 1991. Les autres pays visités ne l’ont été qu’une fois sur la même période.

L’année 1983, quelques mois après le début effectif de la magistrature suprême du


président BIYA, le 6 novembre 1982, s’avère la plus riche et la plus intense sur le plan de la
géodiplomatie présidentielle discursive. La France y apparaît comme la trajectoire privilégiée.
L’ensemble de tout ce qui précède peut être interprété au prisme de la « théorie des catastrophes ».

Aussi nous semble-t-il opportun de rappeler que, d’après René THOM, dont la pensée est
explicitée par Jacques VIRET467, la théorie des catastrophes :

467
VIRET, J., « Les mathématiques et les modélisations »…, Op. cit.

Page | 128
« A pour but de construire le plus simplement possible des modèles dynamiques continus pouvant
engendrer des morphologies données empiriquement, ces morphologies pouvant comporter un
ensemble de phénomènes discontinus. Cette construction repose sur des fonctions polynomiales dite
potentielles. On étudie qualitativement une fonction potentielle en observant les points où sa courbe
change brusquement de forme. Ces points, qui sont en général des minima ou des maxima, sont dits
singuliers. Lorsque deux points singuliers sont proches, le passage rapide de l’un à l’autre est appelé
singularité ou « catastrophe » »468.

L’analyse de notre graphique nous fait identifier a priori les cinq clés de lecture ou postulats
que nous proposons afin de faciliter l’interprétation des données produites, à partir de la théorie
des catastrophes :

− L’existence de points minima et maxima, qui peuvent être étendus (sur plusieurs années
successives) ou non ;
− L’existence de grands maxima et de petits maxima, en fonction de la taille des occurrences
géodiplomatiques discursives par an ;
− Le passage d’un point maxima à un point minima permet l’existence de singularités ou
catastrophes ascendantes et descendantes ;
− Plus grand est le nombre de points minima et maxima, plus dynamique est la géodiplomatie
discursive ;
− Plus étendues sont les points maxima, plus intense est l’activité géodiplomatico-
présidentielle. De l’autre côté, plus on a des minima étendus, moins intense est ladite
activité géodiplomatique.

Il ressort donc du graphique des pays et villes objets des visites discursives du président
BIYA entre 1982 et 2002, l’identification de pas moins de douze (12) singularités (dont 4 maxima
parmi lesquelles 2 grandes dont une étendue sur 5 ans (1988-1992), et 7 minima). Les 2 maxima
les plus grandes sont occasionnées par le couple des deux visites discursives par an enregistrées
dans les années 1983 et 1991 (les 16 février 1983 et 3 avril 1991 en France, et les 20 avril 1983 au
Nigéria et 4 mai 1991 aux Etats-Unis d’Amérique).

468
Ibid. p. 384.

Page | 129
Pour aller plus loin dans le détail, on peut observer que la première singularité ou
catastrophe maximale étendue apparait entre 1983 et 1984. Des points à minima étendues s’en
suivent, c’est-à-dire des années au cours desquelles aucune visite discursive n’est enregistrée, à
savoir 1984 et 1985. Une catastrophe ou singularité moyenne est par la suite enregistrée grâce à la
visite discursive que le chef de l’Etat camerounais effectue au Vatican en 1986. Une période de
minima étendue s’installe à nouveau entre 1987 et 1990. Le maximum catastrophique survient une
deuxième fois en 1991. A cette occasion, on observe pour la première fois une situation de maxima
étendue, qui révèle une intense activité de géodiplomatie présidentielle discursive à l’étranger entre
1988 et 1992. Une période durant laquelle il visitera la France et les Etats-Unis d’Amérique où il
prononcera une allocution devant les investisseurs américains rassemblés à New-York.

Mis à part ce dernier cas, où il n’a pas été question pour le chef de l’Etat camerounais de
rencontrer discursivement l’un de ses homologues étrangers, il convient d’observer globalement
que la géodiplomatie présidentielle discursive bilatérale dans une logique de légation active, a été
marquée par sept (07) visites à l’étranger dont 1e en Afrique et 6 en Europe. Une tendance qui
vient révéler, pour la première fois dans le cadre de ce travail, la forte orientation occidentallo-
centrée de la diplomatie présidentielle camerounaise bilatérale sous Paul BIYA. La projection
cartographique qui en est faite dans le chapitre suivant permet de simplifier ladite représentation
géodiplomatique.

Page | 130
2. La logique passive de la géodiplomatie présidentielle bilatérale entre 1982 et 2002

Tableau 12: Visites discursives au Cameroun des chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers entre 1982 et 2002

Années 19 1983 19 19 1986 1987 1988 19 1990 19 19 19 19 1995 19 19 19 1999 2000 20 2002
82 84 85 89 91 92 93 94 96 97 98 01

Pays

Franc *20 juin *14 *24-


e (MITTE mars 25
RAND) (CHIRA juillet
C) (CHI
RAC)

Vatica *1 *14-
n 0 17
ao septe
ût mbre
(Je (Jean
an Paul
Pa II)
ul
II)

Allem *15 *16


agne nove novembr
mbre e
(Mini
stre (Chanc.
Coop HELMU

Page | 131
. T
Eco.) KOHL)

Nigéri *8
a décembr
e (Gen.
BABAN
GIDA)

Royau *21
me- mars
Uni (Prin
ce et
Princ
esse
Glale
s)

ONU *10 *2
février mai
(SG De (SG
CUEL ANN
LAR) AN)

Chine *31
août
(PM
Chin
ois)

Source : Réalisé par l’auteur

Page | 132
Tableau 13: Visites discursives au Cameroun des chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers entre 1982 et 2002

Année France Nigéria Vatican Allemagne Royaume-Uni Chine SG-ONU


1982
1983 1
1984
1985 1
1986 1
1987 1 1
1988 1
1989
1990
1991 1
1992
1993
1994
1995 1
1996
1997 1
1998
1999 1
2000 1
2001
2002 1
Total général 3 1 2 2 1 1 2 12
Source : Réalisé par l’auteur

Page | 133
Figure 124:Visites discursives au Cameroun des chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers entre 1982 et 2002

2
1,8
1,6
1,4
1,2
1 SG-ONU
0,8 Chine
0,6
Royaume Uni
0,4
0,2 Allemagne
0 Vatican
Nigéria
France

Source : Réalisé par l’auteur


On peut observer des tableaux et du graphique qui précèdent qu’entre 1982 et 2002, le
président Paul BIYA a reçu en visites officielles discursives, c’est-à-dire avec prononcé de
discours, allocutions ou déclarations, sept (07) homologues et assimilés provenant d’autant de pays
partenaires et d’une organisation internationale à vocation universelle : le Nigéria, la France, la
Vatican, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et l’ONU. D’entrée de jeu, mis à part les cas de
la Belgique et des Etats-Unis d’Amérique, une réciprocité quasi parfaite semble ressortir des
dimensions active (6 visites du chef de l’Etat à l’étranger) et passive (7 cas d’accueil des
homologues étrangers et assimilés) de la géodiplomatie présidentielle discursive bilatérale sous le
président BIYA dans l’espace-temps considéré.

Il en ressort également que, le plus grand nombre de visites discursives d’un homologue
du président BIYA ou assimilé est venu de la France, pays européen, avec trois (03) visites
discursives en 1983, 1987 et 1999 (réciprocité parfaite avec le nombre de visites effectuées par le
président BIYA en France sur la même période). Viennent ensuite le Vatican avec les visites du
Pape (1985 et 1995), l’Allemagne (1986 et 1987, soit le ministre de la coopération économique et
le Chancelier), et l’ONU (1988 et 1999, par les visites du Secrétaire général de ladite organisation
internationale).

Page | 134
Les homologues nigérian, britannique et chinois du chef de l’Etat camerounais n’ont, quant
à eux, visité le Cameroun qu’à une reprise chacun sur la période considérée. Soit une réciprocité
parfaite avec le Nigéria et la Chine.

A noter que Malgré les deux visites discursives allemandes, le président BIYA n’y a
effectué aucune visite sur la période considérée. Quant au cas des visites discursives du président
de la République du Cameroun à l’ONU, nous y reviendrons dans le paragraphe consacré plus bas,
aux sommets internationaux ayant vu la participation discursive de ce dernier.

L’année 1987, soit cinq (05) ans après le début effectif de la magistrature suprême du
président BIYA, s’avère la plus riche et la plus intense sur le plan de la géodiplomatie
présidentielle discursive bilatérale dans sa dimension de légation passive ou mieux d’accueil de
ses homologues étrangers et assimilés en terre camerounaise. Deux (02) visites discursives sont
enregistrées pour cette seule année, contre une pour les autres années.

Suivant la logique précédente d’interprétation au prisme de la « théorie des catastrophes »,


en termes de singularités ou catastrophes sur la base des points de graphes à minima et à maxima,
l’on peut identifier treize (13) singularités ou catastrophes pour la dimension passive de la
géodiplomatie présidentielle discursive (contre douze (12) pour la dimension active préalablement
analysée), avec huit (08) maxima et huit (08) minima. Les maxima résultent des trois (03) visites
des hauts dignitaires français (20 juin 1983, 14 mars 1987 et 24-25 juillet 1999), combinées aux
deux visites du Pape (10 août 1985 et 14-17 septembre 1995), des hauts dignitaires allemands (15
novembre 1986 et 16 novembre 1987), et du Secrétaire général de l’ONU (10 février 1988 et 2
mai 2000).

Une seule singularité ou catastrophe maximale étendue apparait, pour le cas de l’accueil
des homologues étrangers. Elle se situe entre 1984 et 1988 (5 ans) suite à des visites annuelles
successives, avec un pique de deux visites pour la seule année 1987. Elle est accentuée par les
points à minima qui s’en suivent, c’est-à-dire des années au cours desquelles aucune visite
discursive n’est enregistrée, à savoir 1984, 1989, 1989-1990, 1992-1994, 1998 et 2001. Deux
catastrophes ou singularités moyennes non étendues (contre une pour la dimension active
précédente) sont enregistrées grâce aux visites discursives successives des dignitaires étrangers en
1985 et 1987, puis en 1999 et 2000

Page | 135
Parmi les 12 visites discursives présidentielles des dignitaires étrangers au Cameroun, seule
une, celle en novembre 1986 du ministre de la coopération économique allemand, n’était pas du
niveau de chef d’Etat.

De façon globale, l’on observe ici que la géodiplomatie présidentielle discursive bilatérale
dans une logique de légation passive, a été marquée par 12 visites de dignitaires étrangers dont 11
du niveau de chef d’Etat, 1e d’un dignitaire africain (Nigéria), 4 d’Europe, 1e d’Asie (Chine) et
deux du Secrétaire général de l’ONU, organisation internationale à vocation universelle. Ainsi se
confirme, aussi bien dans ses dimensions de légations active et passive, l’hypothèse préalablement
formulée d’une forte orientation occidentallo-centrée de la diplomatie présidentielle camerounaise
bilatéralesous Paul BIYA. Une cartographie y relative permettra de simplifier davantage ladite
lecture.

Pour résumer, on peut partir d’un tableau à trois entrées pour, à partir des postulats proposés
plus haut, parvenir à une conclusion partielle du bilan de la géodiplomatie présidentielle bilatérale
discursive des 20 premières années de magistère de Paul BIYA. Il en ressort que cette dernière a
été plus dynamique dans sa dimension passive d’accueil des homologues étrangers (13 singularités
ou catastrophes), que dans sa dimension active de voyages à l’étranger (12 singularités ou
catastrophes). Elle a également été plus intense dans sa dimension passive (2 maxima étendues)
que dans celle active (1e étendue).

Page | 136
Tableau 14: Comparaison des modalités géodiplomatiques présidentielles bilatérales active et passive au prisme de la théorie
des catastrophes

Modalités Géodiplomatie bilatérale Géodiplomatie bilatérale


discursive passive discursive active

Nombre de singularités ou 13 12
catastrophes

Nombre de points 8 (1e grande, 7 petites. 2 4 (2 grandes dont 1e étendue)


maxima étendus)

Nombre de points minima 8 (2 étendus) 7 (3 étendues dot 1e à l’extrême)

Nombre de visites 7 6

Source : Réalisé par l’auteur

B. Tableaux statistiques et modélisations graphiques de la géodiplomatie présidentielle


discursive camerounaise au plan multilatéral

Nous examinerons la dimension active multilatérale (1), avant celle passive multilatérale
(2).

Page | 137
1. La logique active de la géodiplomatie présidentielle multilatérale entre 1982 et 2002

Tableau 15: Sommets à l’étranger avec participation discursive du président Paul BIYA entre 1982 et 2002

Années 19 19 19 19 19 1987 1988 1989 19 19 19 19 19 1995 1996 19 1998 19 2000 20 2002


82 83 84 85 86 90 91 92 93 94 97 99 01

Sommets
à
l’étranger

Sommet *27
s août
CEEAC
(3e
somm
et,
Libre
ville,
Gabo
n)

AG *29 *23 *10 *9 mai


ONU septe octobre septe (AG
(New- mbre (Cinquan mbre Extraor
York, (AG tenaire dinaire
Etats- ONU ONU) sur
Unis) + l’Enfant
Grou )
pe
africa
in)

Comité *9
Ambass mai

Page | 138
adeurs (Brux
ACP elles,
Belgi
que)

Sommet *11 mars *28


s (Copenh juin
mondiau ague, (Genè
x Danemar ve,
dévelop k) Suiss
pement e)
social

OUA *28 juin


(31e
(Addis sommet)
Abeba,
Ethiopie
)

FAO *18
(Rome) novemb
re
(sommet
mondial
sur
l’alimen
tation)

Non- *7
alignés septe
(Durban mbre
) (12e
somm
et)

Source : Réalisé par l’auteur

Page | 139
Tableau 16: Statistiques des sommets à l’étranger avec participation discursive du président Paul BIYA entre 1982 et 2002

Dévpt Social
CEEAC AG-ONU (Copenhague & OUA (Addis- Non-Alignés
Années (Libreville) (New-York) ACP (Bruxelles) Genève) Abeba) FAO (Rome (Durban)
1982
1983
1984
1985
1986
1987 1
1988 1
1989 1
1990
1991
1992
1993
1994
1995 1 1 1
1996 1
1997
1998 1
1999
2000 1 1
2001
2002 1
Total
général 1 4 1 2 1 1 1 11
Source : Réalisé par l’auteur

Page | 140
Figure 125: Sommets à l’étranger avec participation discursive

2,5

Non Alignés (Durban)


2

FAO (Rome
1,5
OUA (Addis-Abeba)

1
Dévpt Social (Copenhague &
Genève)
0,5 ACP (Bruxelles)

0 AG-ONU (New-York)
1982 1984
1986 1988
1990 1992 CEEAC (Libreville)
1994 1996
1998 2000
2002

Source : Réalisé par l’auteur


Sans nécessairement faire usage du même schema des développements détaillés adopté
pour rendre compte de la géodiplomatie discursive présidentielle bilatéralesous Paul BIYA dans
ses dimensions active et passive, tel que présenté dans les analyses ci-dessus, nous pouvons ici
nous contenter d’une présentation sommaire assortie de tableaux récapitulatifs, à la lumière de la
théorie des catastrophes, de chacune des deux dimensions de la géodiplomatie présidentielle
discursive multilatérale. Avec un tableau ultime, visant à compiler, en vue de comparison, les
modalités issues desdites dimensions analytiques, nous clôturerons les développements relatifs à
la modélisation graphique de ladite géodiplomatie.

Cela étant dit, qu’est-ce qu’il convient de retenir des tableaux et du graphisme cidessus,
dédiés à la dimesnion active de la géodiplomatie présidentielle discrusive multilatérale sous Paul
BIYA ? A noter que par « active » ici nous désignons, dans le sens de la notion de légation active,
les visites discursives à l’étranger du chef de l’Etat cmerounais destinées à sa participation aux
sommets et conférences internationales dans le cadre des activités des Organisations
Internationales aussi bien à vocation universelle que régionale, sous-régionalevoire technique. En
récapitulant les modalités qui en découlent, ont obtient le tableau à deux entrées ci-après.

Page | 141
Tableau 17: Récapitulatif de la modalité géodiplomatique présidentielle multilatérale active au prisme de la théorie des
catastrophes

Modalités Géodiplomatie multilatérale discursive


active

Nombre de singularités ou catastrophes 9

Nombre de points maxima 6 (1e grande, 1e moyenne et 3 petites), deux


étendues sur 5 et 4 ans

Nombre de points minima 6 (2 étendues sur 5 ans chacune)

Nombre de visites 11

Source : Réalisé par l’auteur

Il convient en outre de souligner que l’unique trajectoire privilégiée des déplacements du


président BIYA à l’étranger, dans le cadre de sa géodiplomatie discursive multilatérale active entre
1982 et 2002, s’avère être sa particition aux sessions de l’assemblée générale de l’ONU et autres
assemblées extraordinaires de ladite organisation internationale à New-York (Etats-Unis
d’Amérique). Sur la période considérée, l’on dénombre en effet 4 occurrences géodynamiques
pour la destination ONU, contre une pour d’autres destinations discursives multilatérales à
l’étranger à savoir les sommets ou conférences : des non alignés (Durban), de l’OUA (Addis-
Abeba), sur le développement social (Copenhague et Genève), des ACP (Bruxelles) et de la
CEEAC (Libreville). Sur les 11 déplacements discursifs, le continent africain ne compte que pour
2 déplacements, l’Europe 3, et l’Amérique du Nord 4. L’on constate une fois de plus une certaine
marginalisation de la trajectoire panafricaine dans ladite géodiplomatie présidentielle discursive,
sous réserve des failles du corpus évoquées plus haut.

Page | 142
2. La logique passive de la géodiplomatie présidentielle multilatérale entre 1982 et 2002

Tableau 18: Sommets organisés au Cameroun avec participation discursive du président Paul BIYA (1982-2002)

Années 1982 19 19 19 1986 19 1988 19 1990 19 1992 1993 1994 19 1996 19 19 19 2000 2001 2002
83 84 85 87 89 91 95 97 98 99

Sommets au
plan
national

Sommets de *17 *7-8 *21-


l’UDEAC
et 18 déce 22
déce mbre déce
mbre mbre
(24e (30e
e
(18 som som
som met) met)
met)

Sommets de *23
la CEEAC
et 24
janvi
er
(2e
som
met)

Conférences *18
des ministres
avril
de la CEA
(12e
sessio
n)

Sommets *14
CBLT févri
er
(7e

Page | 143
som
met)

Conférenc *6
es Union avri
interparle l
mentaire (87e
confér
ence)

Conférenc *6
es de déce
l’ONUDI mbre
(5e
confér
ence
génér
ale)

OUA 8-10
(Yaoundé) juill
et
(32e
som
met)

Sommet *18
sur la mars
conservati
on des
forêts en
Afrique
Centrale
(Yaoundé)

OIF et *24 *9
Common janvier juillet
wealth (Colloq (27e
(Yaoundé) ue sur session
« Dém assembl
ocratie ée

Page | 144
et parleme
sociétés ntaire
pluriell de
es) l’OIF)

Sommets *18
France- janvi
Afrique er
(Yaoundé)

Sommets *10
CEMAC déce
(Yaoundé) mbre
(3e
som
met
ordin
aire)

Source : Réalisé par l’auteur

Page | 145
Tableau 19: Statistiques des sommets organisés au Cameroun avec participation discursive du président Paul BIYA (1982-2002)

Conservation
des forêts en
Union Afrique OIF et France-
Années UDEAC CEEAC CEA CBLT interparlementaire ONUDI OUA Centrale Commonwealth Afrique CEMAC
1982 1
1983
1984
1985
1986 1 1
1987
1988 1
1989
1990 1
1991
1992 1
1993 1
1994 1
1995
1996 1
1997
1998
1999
2000 1 1
2001 1
2002 1 1
Total
général 3 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 14
Source : Réalisé par l’auteur

Page | 146
Figure 126: Les rencontres internationales multilatérales au Cameroun avec participation discursive du président Paul BIYA

CEMAC
2
France-Afrique
1,8
1,6 OIF et Commonwealth
1,4
Conservation des forêts en
1,2 Afrique centrale
1 OUA
0,8
ONUDI
0,6
0,4 Union interparlementaire
0,2
0 CBLT

CEA

CEEAC

UDEAC

Source : Réalisé par l’auteur

En récapitulant les modalités de la logique passive (organisation au Cameroun des sommets


et conférences internationales sous l’égide des Organisations Internationales à vocation
universelle, régionale ou sous-régionale) de la géodiplomatie présidentielle multilatérale, l’on
obtient le tableau à deux entrées ci-après.

Page | 147
Tableau 20: Récapitulatif de la modalité géodiplomatique présidentielle multilatérale passive au prisme de la théorie des
catastrophes
Modalités Géodiplomatie multilatérale discursive
passive

Nombre de singularités ou catastrophes 14

Nombre de points maxima 8 (3 grandes, 5 petites), deux étendues sur 5 et


4 ans

Nombre de points minima 8 (2 étendues sur 3 ans chacune)

Nombre de visites 14

Source : Réalisé par l’auteur


De façon générale, on peut constater qu’alors que dans son versant actif, la géodiplomatie
discursive présidentielle a révélé que la trajectoire privilégiée du chef de l’Etat camerounais était
l’ONU, une organisation internationale à vocation universelle, il ressort du versant passif une
primeur à l’intégration sous-régionale dans le cadre de l’UDEAC-CEMAC (4 occurrences), suivi
par la coopération culturallo-linguistique dans le cadre de l’Organisation Internationale de la
Francophonie (OIF) et du Commonwealth (2 occurrences).

Pour finir, procédons à la comparaison des données issues des deux modalités
multilatérales de géodiplomatie présidentielle discursive que nous venons de présenter. Rappelons
encore une fois dans cette optique, deux des cinq principaux postulats proposés plus haut et inspirés
de la théorie des catastrophes :

− Plus grand est le nombre de points minima et maxima, plus dynamique est la géodiplomatie
discursive ;
− Plus étendues sont les points maxima, plus intense est l’activité géodiplomatico-
présidentielle. De l’autre côté, plus on a des minima étendus, moins intense est ladite
activité géodiplomatique.

L’analyse comparative des données des deux dimensions de la géodiplomatie présidentielle


discursive multilatérale présentées plus haut découlera du tableau à trois entrées ci-après.

Page | 148
Tableau 21: Comparaison des modalités géodiplomatiques présidentielles multilatérales active et passive au prisme de la théorie
des catastrophes

Modalités Géodiplomatie multilatérale Géodiplomatie


discursive passive multilatérale discursive
active

Nombre de singularités ou 14 9
catastrophes

Nombre de points maxima 8 (3 grandes, deux étendues sur 5 6 (1e grande, 1e moyenne et
et 4 ans), 5 petites. 3 petites), deux étendues
sur 5 et 4 ans

Nombre de points minima 8 (2 étendues sur 3 ans chacune) 6 (2 étendues sur 5 ans
chacune)

Nombre de visites 14 11

Source : Réalisé par l’auteur

Au vu de ce qui précède, on peut conclure qu’entre 1982 et 2002, le président Paul BIYA,
sur le plan diplomatique, a d’avantage fait jouer, en matière de diplomatie multilatérale, la
promotion de la destination Cameroun comme hub diplomatique. Il n’a que très peu effectué le
déplacement de l’étranger pour faire entendre la voix du Cameroun. Malgré tout, en matière de
géodiplomatie multilatérale, on constate que l’arène la plus privilégiée a été l’ONU, organisation
à vocation universelle avec siège à New-York aux Etats-Unis, suivi par l’UDEAC-CEMAC469
organisation d’intégration économique sous-régionale.

469
Institué le 8 décembre 1964 à Brazzaville (Congo), et remplacé par la CEMAC, le 16 mars 1994, suite à un traité
signé à N’Djamena (Tchad), entré en vigueur en juin 1999.

Page | 149
CH II.- CARTOGRAPHIE THEMATIQUE DE LA DIPLOMATIE
CAMEROUNAISE : ENTRE GRAPHISME ET GEOGRAPHISME

Après avoir rappelé quelques éléments théoriques liés aux notions de carte et de
cartographie dans les sciences sociales et dans la discipline des Relations internationales (section
I), nous nous attèlerons à la cartographie proprement dite de la diplomatie présidentielle discursive
camerounaise entre 1982 et 2002 (section II) en tant que prolongement de sa modélisation
graphique.

SECTION I.- CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES

A la définition de la notion de carte (paragraphe I) succédera l’appréciation de l’usage


des cartes en sciences sociales de façon générale, et dans la discipline des Relations internationales
notamment à travers la démarche géopolitique de façon spécifique (paragraphe II).

Paragraphe I.- La carte et la cartographie thématique

La définition de la carte (A) offre une entrée en vue d’une meilleure appréhension de la
cartographie thématique (B).

A. La carte

Par nature, souligne Alexis GONIN dans le cours intensif sur internet de l’Ecole Normale
Supérieur (ENS) de France dédié à la cartographie thématique, « toute carte est une réduction de
la réalité » qui procède « d’une succession de choix » étant entendu qu’elle entraine, comme
conséquence inévitable, « la nécessité de sélectionner les éléments qui figureront sur la carte. Il
faut aussi choisir le signe, le symbole »470.

Allant plus loin, Alexis GONIN est d’avis que « la carte apparait aussi clairement comme
un instrument du pouvoir qui sert à justifier, et souvent de façon très convaincante grâce à son
caractère visuel, justifier un projet politique sur un territoire »471. De son point de vue, une bonne
carte doit remplir quatre (04) conditions : « un message principal se dégage rapidement.

470
Cours en accès libre via l’application Coursera disponible sur la plateforme de téléchargement des applications
pour Androïde, Play Store.
471
Idem.

Page | 150
L’information est facile à lire, la représentation de l’information est précise et la carte est belle à
regarder »472.

Pour Jacques SOPPELSA et al., l’on entend par carte la « représentation concrète, selon
des méthodes et des projections variées et à différentes échelles, des phénomènes graphiques d’une
partie de la surface terrestre »473. Ils ajoutent de façon illustrative que les cartes topographiques
ou thématiques :

« Ont joué […] un rôle capital dans la préparation stratégique (cartes à petite échelle) et dans la
préparation tactique (cartes à grande échelle) des batailles et des conflits. […] les cartes
topographiques ou thématiques à grande échelle localisant avec précision des données de base et des
informations d’intérêt stratégique ou tactique »474.

Toutefois, soulignent-ils, « l’ère des satellites d’observation et de la course technologique


a bouleversé les conditions de collecte des éléments nécessaires à la réalisation des cartes »475 par
l’accessibilité tous azimuts auxdites données qu’elles permettent. Cette observation est d’autant
plus pertinente en cette deuxième décennie du deuxième millénaire de notre ère, avec le
développement des applications informatiques et téléphoniques spécialisées telle que « Google
Maps ». Toutes choses qui ajoutent un surcroit de dynamisme à l’usage des cartes et à la
cartographie à l’ère moderne.

Comme le souligne fort pertinemment Pascal BONIFACE, reprenant Gérard CHALIAND,


au sujet du rôle de la carte en géopolitique et des perceptions volontairement déformées auxquels
elle expose parfois les lecteurs :

« Les lignes d’expansion, comme les menaces à la sécurité sont dessinées à l’avance sur les cartes du
globe. […] La carte peut par ailleurs avoir un effet déformant. Nous sommes habitués à la projection
Mercator qui situe l’Europe au centre du monde. Elle est réaliste, mais d’un point de vue européen
seulement, et Gérard CHALIAND a frappé l’opinion française en publiant en 1984 un atlas
stratégique où le simple fait de publier des cartes avec l’URSS, la Chine et les Etats-Unis au centre
du monde modifiait la perception à laquelle avait été habitués, pendant pratiquement toute leur vie,
les lecteurs français. […] L’environnement géographique peut offrir des opportunités et des risques.

472
Ibid.
473
SOPPELSA, J., (dir), Lexique de géopolitique, Paris : Dalloz, 1988, p. 53.
474
Idem.
475
Idem.

Page | 151
Cependant il n’oblige pas le responsable politique à agir comme s’il n’avait pas d’autre choix que de
se conformer aux éléments. Une carte ne suffit pas automatiquement à éclairer nos actions »476.

Même si nous adoptons une lecture critique, tendant à fustiger l’importation et le placage
telles quelles dans les travaux des Relations internationales en général et de géopolitique en
particulier, des cartes produites pour des contextes étrangers, notamment occidentaux, il n’en
demeure pas moins que nous choisissons de garder les projections cartographiques préparées par
les organismes spécialisés occidentaux (en termes notamment de fonds de cartes) étant donnée le
difficile accès à ceux (s’il en existe) produits par les organismes nationaux de cartographie
africains ou camerounais à l’instar de l’Institut national de la cartographie (INC). Les fonds de
cartes obtenus sur différents sites internet seront donc utilisés pour y représenter une cartographie
thématique des discours diplomatiques du Président de la République du Cameroun. Ce faisant,
nous entendons contribuer à une certaine originalité géo-analytique, d’autant plus que la
cartographie des discours semble être un travail pionnier dans le champ qu’est le nôtre, au moins
au plan national.

B. La cartographie thématique et la nécessaire évolution de l’école géopolitique


camerounaise

La cartographie est appréhendée par Jacques SOPPELSA et al., comme la « la science de


la représentation des cartes »477.

N’ayant pas trouvé, dans la doctrine camerounaise des relations internationales en général
et de la géopolitique en particulier, des précédents cartographiques sur le discours et l’analyse du
discours, notamment de l’analyse du discours présidentiel, nous avons dû saisir l’opportunité que
nous offre la fulgurante révolution numérique de notre temps. Ceci a notamment été possible grâce
à l’exposition aux informations disponibles sur internet, en l’occurrence la proposition par des
organismes internationaux d’enseignement et de formation tels que l’ENS478 de France et Sciences

476
BONIFACE, P., La géopolitique : 50 fiches pour comprendre l’actualité, Paris : Editions Eyrolles, 2019, p. 16.
477
SOPPELSA, J., (dir), Lexique de géopolitique. Op. cit., p. 54.
478
L’ENS est un établissement d’enseignement supérieur pour les études prédoctorales et doctorales (graduate school)
et un haut lieu de la recherche française. Elle offre à 300 nouveaux étudiants et 200 doctorants chaque année une
formation de haut niveau, largement pluridisciplinaire, des humanités et sciences sociales aux sciences dures.
Régulièrement distinguée au niveau international, l’ENS a formé 10 médaillés Fields et 13 prix Nobel. (Cette
présentation est issue de l’application Coursera de l’ENS de France).

Page | 152
Po. Paris, des cours intensifs en ligne (« Massive Online Open Courses » - MOOC) sur différentes
disciplines dont la cartographie thématique.

Aussi avons-nous pu accéder à un cours en ligne, grâce aux propositions issues des
échanges réguliers sur l’état d’avancement de nos travaux avec les condisciples au sein du
laboratoire de géopolitique, défense et sécurité de l’IRIC, et après avoir téléchargé via Play Store
pour Androïde, l’application Coursera de l’ENS de France, qui offre, entre autres, un cours en
accès libre sur la cartographie thématique, dispensé par Alexis GONIN, géographe à l’Université
Paris Nanterre et Anne Le FUR, cartographe-géographe de l’atelier AFDEC (Paris). Ledit cours,
étalé sur huit (08) semaines, nous a permis de faire face aux contraintes techniques de temps, de
coût, et de taille dans le travail inédit de cartographie thématique du discours présidentiel
camerounais auquel nous aspirions, notre temps et notre budget étant limités.

De façon générale, les objectifs de ce MOOC se sont révélés compatibles avec nos visées
cartographiques, dans ce sens qu’il nous a donné les connaissances nécessaires, dans un court laps
de temps, pour réaliser les meilleurs choix possibles, d’une part, et pour accéder à une maîtrise
suffisante des outils informatiques à même de faire à ce que la technique ne soit pas un obstacle
dans la réalisation desdites cartes, d’autre part.

Les connaissances ainsi acquises, qui nécessitent sans aucun doute d’être améliorées voire
perfectionnées, s’avèrent une ressource pouvant permettre au laboratoire de géopolitique, défense
et sécurité de l’Unité de formation doctorale en relations internationales logé à l’IRIC, d’ouvrir
pour la première fois au Cameroun, dans les enseignements de Relations internationales et de
géopolitique, un cours de cartographie thématique. Aussi les apprenants pourront-ils avoir une
corde nouvelle à leurs arcs, dans la compétition mondiale des savoirs et des savoir-faire.

Mais avant tout travail de cartographie proprement dite des discours diplomatico-
présidentiels camerounais entre 1982 et 2002, il convient de souligner le préalable qu’est le travail
de statistique cartographique qui a été entamé dès l’exercice de modélisation graphique ci-dessus
présentée. Une adaptation au modèle des tableurs cartographiques desdites données a été
nécessaire. Les ressources pédagogiques exploitées dans la construction de nos cartes sont par la
suite évoquées.

Page | 153
Paragraphe II.- La construction des cartes thématiques géodiplomatiques :
présentation de la démarche
Après le rappel du travail de modélisation graphique préalable et son rôle de préparation à
celui de cartographie (A), nous présenterons succinctement les ressources pédagogiques que nous
avons exploitées dans ce cadre (B).

A. La préalable modélisation graphique et les tableurs adaptés

Comme présenté au chapitre premier du présent travail, la modélisation graphique des


données issues de l’exploitation de notre corpus nous a conduit à l’élaboration des tableaux de
données et statistiques, d’où ont été tirés des graphiques, aux plans bilatéral et multilatéral, passif
et actif, des discours diplomatiques du président de la République du Cameroun entre 1982 et
2002.

Rappelons cette définition de la modélisation à laquelle nous souscrivons, proposée par


MOLINES et CUADRADO :

« La science et l’activité de l’élaboration des modèles. Comme activité de recherche, la modélisation


intègre le raisonnement hypothético-déductif et permet la comparaison de résultats différents. […]
par ses objets, sa démarche et son raisonnement, elle initie à la pensée systémique. Elle exige un
fondement théorique solide et ne doit en aucun cas être confondue avec un résumé ou une
simplification »479.

Rappelons également que d’après eux, le modèle est « une représentation schématique de
la réalité, élaborée en vue d’une démonstration »480. Les modèles graphiques que nous avons
élaborés et présentés plus haut se sont bel et bien avérés être des modèles explicatif-illustratifs,
plus qualitatifs et se réduisant « à un schéma explicatif ou à l’expression graphique d’une série
statistique (courbe de tendance) »481. Mais, plus important encore s’avère la différenciation que
proposent les auteurs entre le modèle et la carte qui, en dernière analyse, se présente en réalité
comme une entrée vers l’activité de cartographie, en rappelant en filigrane la complémentarité qui
existe entre les deux exercices.

479
MOLINES, N., et CUADRADO, V., « La modélisation et la géographie enseignée », … Op. cit., p. 146.
480
Idem.
481
Ibid., p. 147.

Page | 154
Pour ces auteurs en effet :

« La carte montre, localise et nomme les lieux. Le modèle explique, révèle les structures de l’espace.
La carte décrit ; le modèle construit, déconstruit, reconstruit un certain nombre de combinaisons
simples. […] Il est par excellence l’outil géographique qui intègre l’espace dans sa construction »482.

C’est donc à cette localisation, cette nomination des lieux qu’a pu nous conduire la
modélisation graphique préalablement entreprise, des discours diplomatiques présidentiels. Grâce
à ce passage obligé, la notion de géodiplomatie présidentielle discursive devrait prendre tout son
sens, à travers des cartes. Des ressources pédagogiques indispensables pour nous ont toutefois dû
être mobilisées et exploitées dans cette optique.

B. Les ressources pédagogiques exploitées

Commençons par définir les concepts clés qu’il nous a fallu maîtriser avant de nous lancer dans
la construction des cartes thématiques des discours diplomatiques présidentiels.

Les cartes que nous proposons infra appartiennent à la famille des cartes dites
Choroplèthes. Il s’agit de la « représentation cartographique par plages de couleur ou de niveaux
de gris. La carte choroplèthe est le type le plus courant de carte statistique ».

Un figuré est un « élément graphique de base. On distingue les figurés ponctuels, linéaires
ou zonaux ». Dans le cadre des cartes que nous avons élaboré, nous faisons davantage usage des
figurés ou implantations ponctuels et linéaires. Ces derniers offrent en effet la possibilité
d’élaborer des cartes d’unités à coller et dénombrables (nombre d’occurrences) pour ce qui est des
figurés ponctuels, et des cartes de réseaux ou de flux dans le cadre des figurés linéaires. Ces figurés
nous ont permis de représenter les occurrences par zones géographique ou pays, des visites
discursives du président Paul BIYA dans le monde, ainsi que les niveaux de flux y relatifs, dans
une logique comparative.

Bien sûre, toutes les cartes thématiques proposées sont construites sur un soubassement de
fonds de cartes. Il s’agit de « l’ensemble des éléments géographiques nécessaires à l’identification
de l’espace présenté par la carte. Le choix du fond de carte est lié à l’échelle de la carte et au
sujet traité ». Deux des trois projections présentées au début de l’Atlas des relations

482
Idem.

Page | 155
internationales483 ont été mobilisées par nous, à savoir la projection « Bertin » et la projection
« Mercator ».

483
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales, Paris : Hatier, 2003, p. 7.

Page | 156
Figure 127: Une typologie des projections cartographiques

Source : BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales, Paris : Hatier, 2003.

Page | 157
Après génération des cartes, il nous a été donnée d’œuvrer à leur généralisation cartographique.
Il s’agit de l’opération consistant en la :

« Simplification indispensable à toute représentation cartographique. La généralisation s’applique à


tous les éléments de la carte : au tracé du fond de carte, aux représentations thématiques ainsi qu’aux
écritures. Les trois mots-clés de la généralisation sont sélection (limiter la densité de l’information),
schématisation (simplifier la géométrie des objets) et harmonisation (mise en cohérence des deux
opérations précédentes) ».

Les cartes ont été finalisées par un habillage, effectué à l’aide du logiciel de dessin
Inkscape :

« L’habillage comprend les éléments nécessaires à la présentation et à la compréhension de la carte.


Au minimum, il y a le titre, la légende, l’échelle. Peuvent s’y ajouter la source des données,
l’orientation (nord), des coordonnées géographiques, des cartons ».

A noter que toutes les définitions ici proposées sont issues des documents ressources
disponibles en accédant à l’application de cours en ligne de l’ENS de France Coursera, obtenus à
l’occasion de l’exploitation du cours de cartographie thématique qui y est proposé en accès libre.

Nous nous sommes donc armés, pour ce travail, des trois volumes de « Les docs de granit »
rédigés par le Professeur Philippe WANIEZ484 et Charles CHEUNG et al.485. Lesdits documents,
publiés par le groupe l’UMR 5185 ADES, sont présentés par leurs auteurs comme il suit :

« Ils contribuent à la réalisation des objectifs du groupe par la diffusion de documents didactiques
portant sur les méthodes de traitement de l’information territoriale. Les DOCS de GRANIT
s’adressent aux étudiants de Master et de Doctorat, aux ingénieurs, chercheurs, enseignants-
chercheurs et plus largement, à tous ceux qui ont à analyser des informations portant sur les
territoires (chargés d’études, élus…). Ils facilitent la compréhension et la mise en pratique des
techniques d’analyse spatiale et de cartographie géographique, en évitant le jargon, sans sacrifier la

484
WANIEZ, P., Les docs de granit n° 1 : cartographie thématique et analyse des données avec Philcarto 5.xx pour
Windows, CNRS - Université Victor Seglaen Bordeaux 2 - Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 ; et Les docs
de granit n° 2 : digitalisation, importation et exportation de fonds de cartes avec Phildigit 2.xx et ShapeSelect 1.xx
pour Windows, CNRS - Université Victor Seglaen Bordeaux 2 - Université Michel de Montaigne Bordeaux 3.
Documents pris sur : philcarto.free.fr, le 27 février 2020.
485
CHEUNG, C., PENIN, M-L., et PISSOAT, O., Les docs de granit n° 3 : le dessin cartographique avec Inkcape
pour Windows, CNRS - Université Victor Seglaen Bordeaux 2 - Université Michel de Montaigne Bordeaux 3. Pris
sur : philcarto.free.fr, le 27 février 2020.

Page | 158
rigueur méthodologique. Les DOCS de GRANIT présentent aussi des logiciels gratuits,
téléchargeables sur Internet, qui permettent d’appliquer les méthodes exposées ».

Cela étant dit, place à l’application !

SECTION II.- CARTOGRAPHIE DE LA DIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE


PAR LE DISCOURS : DU DISPOSITIF DIPLOMATICO-INSTITUTIONNEL À
LA COMPARAISON GÉODYNAMIQUE DES OCCURRENCES

Il nous a semblé opportun de partir de l’existant institutionnel en matière de « carte


diplomatique » camerounaise (paragraphe I), avant d’effectuer une inscription spatiale de la
diplomatie présidentielle discursive pour parvenir à une cartographie de cette dernière ou mieux à
une géodiplomatie présidentielle discursive. Ses différentes modalités bilatérale, multi et
plurilatérales, active et passive permettent, in fine, d’enrichir la valeur analytique des cartes ainsi
produites (Paragraphe II).

Paragraphe I.- Les cartes du dispositif diplomatico-institutionnel

Le langage administratif camerounais sur « la carte diplomatique » s’est focalisé, au fil des
ans, sur une représentation tabulaire ou littérale des zones de couverture diplomatique du
Cameroun à l’étranger. En d’autres termes, quand était évoquée l’idée d’une carte diplomatique
du Cameroun, il était généralement question de faire la liste des pays et régions qui accueillent une
mission diplomatique et/ou un poste consulaire du Cameroun à l’étranger.

Il a fallu attendre les années récentes, avec la mise à niveau du site internet du ministère
des relations extérieures du Cameroun486, pour voir s’ajouter à cette présentation tabulaire
classique (A), une représentation cartographique en bonne et due forme (B). Nous avons choisi de
les reprendre intégralement ici l’une et l’autre, moyennant quelques amendements sur des aspects
de contenu qui nous ont semblées non essentiels. Car, faut-il le souligner, lesdites représentations
tabulaires et cartographiques représentent pour nous les sources des données officielles les plus
actuelles sur le dispositif diplomatique institutionnel du Cameroun à l’étranger.

486
https://diplocam.cm/index.php/fr/annuaire/ambassades-et-consulats-camerounais-a-l-etranger, consulté le 28 mars
2020.

Page | 159
A. Une présentation tabulaire classique du dispositif diplomatique institutionnel

Ladite présentation tabulaire est ici illustrée. C’est la même perspective tabulaire de « la
carte diplomatique » du Cameroun qu’a adopté la littérature en la matière jusqu’à ce jour.

Page | 160
Tableau 22: Ambassades, hauts-commissariats et consulats du Cameroun à l’étranger

Afrique (16)

ALGERIE – ALGER S.E. MBAFOU Claude Joseph 5, Rue J. Aprement, Air-De-


France, Algers (Alger),
Algérie

CENTRAFRIQUE - BANGUI S.E. NZOYOUM Nicolas B.P. 935 BANGUI (RCA)

CONGO – BRAZZAVILLE S.E. HAMIDOU KOMIDOR Avenue Bayardelle BP 2136


NJIMOLUH Brazzaville

CONGO DEMOCRATIQUE – S.E. CHUNGONG AYAFOR Martin N° 171 Boulevard du 30 juin


KINSHASA BP 1988 Kinshasa Royla –
Gombe (RDC)

COTE D’IVOIRE – ABIDJAN S.E. NGUINI Lafred 06, BP 326 Abidjan 06

EGYPTE – LE CAIRE S.E. MOHAMADOU Labarang 15 Mohamed Sedky Suleiman


Street 12411 Mohandessin,
Cairo BP 2061 Cairo

ETHIOPIE – ADDIS – ABEBA Bole Road (Kile Kelema)


Kebele 01, house n168 BP
1026 Bole Road Addis Abeba

GABON – LIBREVILLE S.E. Edith Félicie Noëlle Ondoua Ateba Bd Léon MBA 14 001
née Ngaeto Zam LIBREVILLE

GUINEE ÉQUATORIALE – S.E. MPOUEL BLAA Lazare Clale Bongoro, centro


MALABO Commercial, Malabo

Page | 161
LIBERIA - FREETOWN S.E. GANG BENG YELA Augustine

MAROC – RABAT S.E. 20, rue du Rif Souissi BP 1790


MOHAMADOU RABAT
YOUSSIFOU

SENEGLA – DAKAR S.E. KOE 157 rue Joseph T. GOMIS BP


NTONGA Jean 4165 DAKAR

TCHAD – N’DJAMENA S.E. Mohaman Rue des poids Lourds, quartier


Sani Tanimou Klémat, BP 58 N’DJAMENA

TUNISIE – TUNIS S.E. Victor LOE Angle Rue Hédi Chaker et Habib
Thameur, n24
2016
Carthage Byrsa Tunis

AFRIQUE DU SUD - PRETORIAT S.E. KOUAMBO 80 Marais Street Brooklyn 0181


JOMAGUE Prétoriat P.O BOB 13790
Adrien Hatfiled 0028

NIGERIA – ABUJA S.E. 429/470 Lobito Cresiant Wuse II


SLAAHEDINNE Abuja BP : BMB 5238
ABBAS
Ibrahima

Amérique (3)

BRESIL – BRAZILIA S.E. MBENG Chancellerie


Martin AGBOR SHIS QI 09 CONJ. 07 Casa 01
LAGO SUL
CEP: 71625-070 Brasilia – DF

Page | 162
ETATS – UNIS – WASHINGTON S.E. ETOUNDI 2349 Massachusetts Avenue
DC ESSOMBA N.W. Washington DC 20008

CANADA – OTTAWA S.E. ANU’A 170 Avenue Clemow Ottawa,


GHEYLE Ontario KIS 2B4 CANADA
Solomon AZOH
– MBI

Asie (4)

ARABIE SAOUDITE – RIYAD S.E. IYA Tidjan B.P. 94336


RIYAD 11693

CHINE – PEKIN S.E. MPANA Martin 7. Dongwujie Sanlitun 1006 00


Beijing, Chine

ISRAEL – TEL - AVIV S.E. Jean Pierre Biyiti 28 Moshe Sharet Street 5242538
Bi Essam Ramat-Gan Tel Aviv

JAPON – TOKYO S.E. NDZENGUE Minanu Twin House A et B


PIERRE 3-27-16 Nozawa Setagaya-Ku
Tokyo 1540003

Europe (11)

ALLEMAGNE - BONN S.E. MPAY Jean Marc Kurfursten Damm 136 –


10711 Berlin

BELGIQUE – BRUXELLES S.E. EVINA ABE’E Daniel Avenue Brugman


131/133-B-

Page | 163
1190 Bruxelles,
Belgique

ESPAGNE – MADRID S.E. Timothée TABAPSSI (Chargé CLALE Rosario Pino n3


d’Affaire A.I.) 28 020 Madrid

FRANCE – PARIS 73, Rue d’Auteuil 75016


Paris 16ème France

ITALIE – ROME S.E. AWONO ESSAMA Dominique Via SIRACUSA 4/6


Rome 00161

PAYS-BAS – LA HAYE S.E. MELONO Odette AMALIASTRAAT 14


2514 JC LA HAYE

RUISSIE - MOSCOU S.E. MAHAMAT PABE SLAE 40 Rue Povarskaya BP


136 Poste International
Moscou

SUISSE S.E. BINDZI Henri Léonard 20 A Dr haasstrasse


3074, Muribei Berne

VATICAN - VATICAN S.E. ZANGA Antoine Via Siracusa 4/6 Rome


00161

ROYAUME-UNI – LONDRES S.E. FOTABONG Labert NJOTEH 84, Holland Park W. 113
SB LONDRES

TURQUIE - ISTANBUL S.E. TCHATCHOUWO Victor

Les consulats du Cameroun à l'étranger

Page | 164
Consul Adresse
Pays ville

ARABIE SAOUDITE – S.E. OUMAR ABOU ABBA La – Nuzlah La-Sharqiyah District, Bah
DJEDDAH Ajyad Street
Building n81 Near Yemen consulate BP
15 517 DJEDDAH 21454

FRANCE – PARIS S.E. OBEN ENOH Victor 19/ 21 Quai Laphonse le Glalo 92100
Boulogne Billancourt 73 rue d’auteil
75016 Paris

NIGERIA – LAGOS S.E. Mme MANGA BESSEM 5, Elsie Ferni Pearse Street Victoria
Elisabeth Island, P.M.B 2476 LAGOS

GUINEE ÉQUATORIALE – S.E. ETOUNDI MVENG B.P. 477 BATA GUINEE


BATA Nicolas Richard ÉQUATORIALE

NIGERIA – CALABAR S.E. ONANA Patrice 21 Ndidem Usang Iso Road BP 863
CALABAR

Page | 165
Consul Adresse
Pays ville

FRANCE -MARSEILLE S.E. BIDIMA Innocent Bertin 13, Rue du Docteur Comblaat 13006
Marseille

ÉMIRATS ARABES UNIS – S.E. MEBOUEGUE


DUBAI Donancien

KENYA – NAIROBI S.E. NAIN KUMA Vivian

REPUBLIQUE DU CONGO – S.E. BOATI Isaac Blaise


OUESSO

Missions Permanentes

CANADA – MONTRELA (DELEGATION AUPRES DE L’OACI) 99, Rue Université Suite 1230 Montrela H
3C5J9
Tél : 514 954 83 62 / 514 954 57 05
Fax: 541 954 67 38 / 541 26 14 955

Page | 166
ETATS UNIS – NEW-YORK (MISSION PERMANENTE AUPRES DE L’O.N.U) S.E. 22, East 73 , Street 10021 New-York
TOMMO Tél : 1212 794 22 99 / 1212 794 22 96
MONTHE Fax: 1212 249 05 33
Michel

ETHIOPIE – ADDIS-ABEBA (Représentant Permanent du Cameroun auprès de l’Union S.E. 3243 Addis-Abeba
Africaine) NDOUMBE 673, Banjul (Gambie)
EBOULE Tél : 220 4 39 29 62
Jacques Fax: 220 4 39 07 64
Lafred

SUISSE – GENEVE (MISSION PERMANENTE AUPRES DE L’OFFICE EUROPEEN DES S.E. NKOU Rue du Nant 6-8 Genève, Suisse
NATIONS UNIES) Anatole Tél : 4122 787 50 45 / 4122 917 01 23
Fabien Fax: 4122 736 21 65 / 4122 917 20 22

Source : https://diplocam.cm/index.php/fr/annuaire/ambassades-et-consulats-camerounais-a-l-etranger, consulté le 28 mars 2020

Page | 167
Il convient d’observer que la lecture et la représentation classique, uniquement tabulaire de
l’idée de « carte diplomatique » semble avoir été adoptée par les auteurs camerounais des relations
internationales et des études diplomatiques. Ici et là en effet, quand on évoque la carte
diplomatique du Cameroun, on s’évertue à élaborer une liste, et dans le meilleur des cas, à dresser
un tableau des missions diplomatiques, postes consulaires et représentations permanentes du
Cameroun à l’étranger. C’est dans cet ordre d’idées que Yves Alexandre CHOUALA récence, sur
cinq (05) tableaux, les missions diplomatiques et consulaires du Cameroun sur chacun des cinq
continents que compte le globe terrestre487. Narcisse MOUELLE KOMBI ne fait pas autre chose
quand il dresse, en 1996, le nombre de représentations diplomatiques du Cameroun à l’étranger
entre 1960 et 1972488.

L’alternance489 politique survenue à la tête de l’Etat camerounais le 6 novembre 1982 suite


à la démission du président Ahmadou AHIDJO, a eu un impact sur la politique extérieure de la
nation. Comme le souligne Yves Alexandre CHOUALA, avec l’avènement de Paul BIYA à la tête
de l’Etat et la promotion d’un nouveau programme de gouvernement dit de « renouveau national »,
les fondements doctrinaux de la politique étrangère du Cameroun seront enrichis de nouveaux
principes et sa mise en œuvre va connaître une nouvelle impulsion. Parmi les nouveaux principes
qui vont émerger, figure la présence et la participation active dans les affaires internationales,
présenté entre autres comme une ambition d’œuvrer à l’accroissement de la présence du Cameroun
dans le monde à travers l’ouverture de nouvelles représentations diplomatiques. Toutes choses qui
ont conduit le président Paul BIYA à affirmer que « le Cameroun poursuivra son rayonnement
par une présence active et réaliste sur la scène internationale […] »490.

C’est ainsi que l’on assistera à l’ouverture de nouvelles représentations diplomatiques et


consulaires à travers le monde. Le bras diplomatique du président de la République qu’est le
Ministère des relations extérieures se verra par ailleurs attribuer pour mission d’assurer la mise en
œuvre et le suivi des intérêts de la nation dans ses relations avec les Etats étrangers, les
Organisations internationales et les autres sujets de la Communauté internationale. L’objectif sera

487
Voir CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun…, Op. cit., pp. 156, 164, 166, 177, 182.
488
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun… Op. cit., p. 80.
489
Les développements qui suivent, relatifs à l’élargissement de la carte diplomatique du Cameroun, ont été repris
dans le cadre de notre contribution au numéro spécial 2020 du magazine « Hommage à la République », dédié aux
100 actions du président Paul BIYA en faveur de la paix au Cameroun et dans le monde.
490
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun…, Ibid., p. 35.

Page | 168
surtout de consolider les vielles amitiés, d’assurer aux Camerounais établis à l’étranger aide et
assistance, et de conforter le positionnement du Cameroun et/ou des Camerounais sur la scène
internationale. L’établissement des relations diplomatiques et par ricochet celle des missions
diplomatiques permanentes entre Etats ayant en effet pour vocation, la promotion des relations de
paix et d’amitié.

Narcisse MOUELLE KOMBI récapitule, en 1996, le nombre de représentations


diplomatiques du Cameroun à l’étranger entre 1960 et 1972. Le tableau y relatif se présente comme
suit :

Tableau 23: Evolution dans le temps du nombre de représentations diplomatiques du Cameroun (1960-1990)

ANNEE NOMBRE DE ANNEE NOMBRE DE


REPRESENTATIONS REPRESENTATIONS

1960 7 1967 18

1962 11 1968 20

1963 13 1969 23

1964 15 1970 25

1965 16 1971 29

1966 17 1972 32

Source : Narcisse MOUELLE KOMBI, La politique étrangère du Cameroun… Op. cit., p. 80.

D’après l’annuaire national 1991491, le Cameroun comptait, à l’entame de la décennie 1990,


29 ambassades à l’étranger ainsi que 6 consulats et 2 représentations permanentes (soit 37 missions
diplomatiques et postes consulaires dans le monde).

491
Annuaire national (National Year Book) 1991, Ministère de l’information et de la culture, pp. 234-239.

Page | 169
Tableau 24: Ambassades, consulats et représentations permanentes du Cameroun à l’étranger en 1991

Villes siège des missions Nombre de postes Villes siège des missions
Pays diplomatiques consulaires permanentes
Afrique du Sud Monrovia
Algérie Alger
Allemagne Bonn 1 (Hambourg)
Arabie Saoudite Riyad
Belgique Bruxelles
Brésil Brasilia
Canada Ottawa
Chine Pekin
Congo Brazzaville
Cote d'Ivoire Abidjan
Egypte Caire
Emirats Arabes Unis
Espagne Madrid
Etats-Unis Washington DC New-York
Ethiopie Addis-Abeba
France Paris 2 (Paris et Marseille)
Gabon Libreville
Guinée Équatoriale Malabo 1 (Bata)
Israël Tel-Aviv
Italie Rome
Japon Tokyo
Liberia
Maroc Rabat
Nigeria Lagos 1 (Calabar)
Pays-Bas La Haye
République Centrafricaine Bangui

Page | 170
République Démocratique du
Congo Kinshasa
Royaume-Uni Londres
Russie Moscou
Saint Siège (Vatican City)
Sénégal Dakar
Suisse Berne 1 (Genève) Genève
Tchad N’Djamena
Tunisie
Turquie
Total général 492 29 6 2
Source : Données compilées par l’auteur

492
Soit 37 ambassades, missions permanentes et postes consulaires à l’étranger en 1991.

Page | 171
Entre 1960 et 1972 donc, le Cameroun comptait en tout et pour tout, 32 représentations
diplomatiques et consulaires dans le monde pour, à l’entame de la décennie 1990 (Annuaire
National 1991) en dénombrer 39 (soit 32 Ambassades ; 02 Consulats généraux et 05 Consulats).
En 2020, ce pays bénéficie de 47 missions diplomatiques et postes consulaires, repartis tel qu’il
suit :

Tableau 25: Récapitulatif des missions diplomatiques et consulaires du Cameroun en 2020

Afrique Europe Amérique Asie


Ambassades/Haut- 16 11 03 04
commissariat

Missions 01 01 02 //
Permanentes

Consulats 01 01 // 01
Généraux

Consulats 04 01 // 01

Source : Données compilées par l’auteur

Soit un accroissement de l’ordre de 10 missions diplomatiques et postes consulaires


dans le monde depuis 1991. La présence du Cameroun sur la scène internationale ne se limite
toutefois pas à ces données représentées, étant entendu que ce pays applique le principe
conventionnel de l’accréditation multiple. Au total, seulement 34 pays sur 193 Etats membres de
l’ONU accueillent une mission diplomatique permanente du Cameroun (soit une couverture en
pourcentage de 17,9%).

Page | 172
Encadré 1 : Qu’est-ce que les BRICS ?
Pour justifier l’étalement
diplomatique du Cameroun, il Jim O’NEIL, économiste chez Goldman Sachs, la grande
institution bancaire new-yorkaise, écrit en 2001 une note
convient de relever que ce dernier intitulée Building Better Global Economic BRICs qui
évoque un groupe de pays émergents qu’il faut suivre de
intervient, à l’observation, d’une
près : les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine)… Le rapport
donne mondiale qui voit l’émergence Dreaming with BRICs : The Path to 2050 émis par la
banque d’investissement américaine en 2003 consacre le
de nouvelles puissances à l’exemple succès de ce groupe vers lequel se ruent les investisseurs en
des BRICS : Brésil, Russie, Inde, mal de rendements : il expliquait en effet que ces quatre
pays, qui ne rassemblaient alors que 15% du PIB des six
Chine, Afrique du Sud (Voir encadré premières puissances mondiales, dépasseraient en 2050 le
1). Par réalisme, le Cameroun total de ces six PIB… Bref, ils incarnaient l’économie de
demain et les aider à émerger plus vite pouvait profiter aux
redéfinit donc ses alliances pour investisseurs. […].
accentuer son efficacité diplomatique. Après la crise [2008], les classements ont évolué et
Depuis 2011, près de sept procédures l’appellation même de BRIC pour qualifier les plus grands
pays émergents a été remise en question du fait des fragilités
d’établissement de relations russes. Mais finalement, les institutions financières voient
diplomatiques ont abouti à la toujours en la Russie un pays plein de promesses et se
refusent à parler de BIC (Brésil, Inde, Chine) ou de BASIC
signature de Communiqués (avec, en plus, l’Afrique du Sud). Quant à l’Afrique du Sud
elle n’aurait pas sa place dans ce groupe de géants suivant
conjoints493.
l’opinion du créateur de l’acronyme, Jim O’NEIL, très
surpris de l’invitation faite à cette dernière en décembre
En marge des missions 2010 de se joindre au sommet des BRIC d’avril 2011 qui
devenait ainsi le sommet des BRICS. […].
diplomatiques, il est dorénavant
question, depuis une décennie, de Il n’en reste pas moins difficile de récupérer
géopolitiquement un concept né de la finance,
densifier le réseau consulaire. Ledit géopoliticiens et économistes ne parlant pas toujours la
réseau répond à l’exigence : de la même langue : si seuls les critères macro-géoéconomiques
sont pris en compte, l’émergence géopolitique est partielle
protection des Camerounais établis à puisque celle-ci doit aussi prendre en compte d’autres
éléments jouant en faveur des pays émergents dans les
l’étranger, ainsi que de la délivrance
rapports de force mondiaux. L’émergence géopolitique peut
des visas, et d’actes d’état civil. Par aussi être moins évidente sur le plan économique, comme
le montre le cas de l’Afrique du Sud, puissance régionale
ailleurs, de nombreux Chefs de postes ambitieuse qui dispose d’atouts réels pour être un grand
consulaires honoraires de la pays émergent.

République du Cameroun à l’étranger Extrait de DELANNOY, S., Géopolitique des pays


émergents : ils changent le monde, Paris : PUF, 2012, pp.
ont également été désignés. En retour,
11-12.

Les analyses reprises ici ont fait l’objet de notre contribution au numéro spécial 2020 de Hommage à la République,
493

magazine institutionnel dédié aux 100 actions du président Paul BIYA en faveur de la paix au Cameroun et dans le
monde.

Page | 173
le pays a accueilli et admis sur son territoire de nombreux Consuls et Consuls honoraires des pays
amis.

Pour aller plus loin, il convient de souligner que depuis 2011, près de huit (08) procédures
d’établissement des relations diplomatiques ont abouti à la signature de Communiqués conjoints
marquant l’ouverture effective des relations diplomatiques, notamment avec la Mongolie, la
Lettonie, l’Uruguay et Saint-Kitts-et-Nevis.

Par ailleurs, de nombreux chefs de postes consulaires honoraires de la République du


Cameroun à l’étranger ont également été désignés. En retour, le pays a accueilli et admis sur son
territoire de nombreux consuls et consuls honoraires des pays amis depuis 2011. Près d’une
vingtaine d’exequatur ont ainsi été conçus et transmis à la sanction du chef de l’Etat camerounais.

B. Une évolution récente de la pratique administrative : la cartographie proprement dite du


dispositif diplomatique institutionnel

La projection cartographique proposée par le MINREX est représentée sur la figure ci-
après.

Page | 174
Figure 128: La carte diplomatique du Cameroun

Source : https://diplocam.cm/images/carte_diplomatique_cameroun.fw.png,, consulté le 28 mars 2020

Deux zones (l’Europe et l’Afrique), qui concentrent le plus grand nombre de missions
diplomatiques du Cameroun à l’étranger (11 et 16 respectivement494), méritent une attention
particulière en termes de projections cartographiques. D’où celles élaborées par nous, et présentées
ci-après.

494
Contre 3 en Amérique (2 au Nord, 1e au Sud) et 2 en Asie (1e en Chine, 1e au Japon).

Page | 175
Figure 129: Missions diplomatiques permanentes du Cameroun en Europe

Il en ressort que le Cameroun y détient 11 missions diplomatiques permanentes sur 42


possibles (Russie et Turquie inclus), soit un taux de couverture de 26,1%. Toutes les grandes
agglomérations européennes sont couvertes par une mission diplomatique permanente

Page | 176
camerounaise. L’Europe occidentale bénéficie d’une couverture bien plus dense que l’Europe
Centrale et de l’Est495. Des facteurs historico-civilisationnels et culturels pourraient expliquer, de
notre point de vue, cet état des choses. Qu’en est-il du continent africain ?

Comme nous le voyons sur la carte suivante, en Afrique, le Cameroun a ouvert, en couvrant
toutes les sous-régions, 16 missions diplomatiques permanentes, sur les 54 possibles. Soit un taux
de couverture de 29,6%. Ici également, toutes les grandes agglomérations semblent avoir été prises
en compte.

Il ne nous a pas semblé opportun ici de construire des représentations cartographiques


dédiées uniquement aux continents américain et asiatique, du fait de leur faible couverture en
mission diplomatiques permanentes camerounaises tels que déjà évoquée. Toutes choses qui nous
fondent à penser qu’inévitablement, ces continents devraient s’avérer, dans les moyen et long
termes, les zones privilégiées d’ouverture de nouvelles missions diplomatiques camerounaises. La
naissance de nouveaux rassemblements d’Etats dits du Sud tels que les BRICS 496, devraient
grandement favoriser ce déploiement en fonction des évolutions sociopolitiques et
socioéconomiques internes au Cameroun497.

495
Avec l’exception notoire de la Russie et, plus récemment, de la Turquie.
496
Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
497
Les récentes ouvertures de missions diplomatiques permanentes à Ankara et Djeddah semblent d’ailleurs nous
conforter dans cette lecture, avec l’observation d’une sorte de méfiance de la part des pouvoirs publics camerounais
actuels, vis-à-vis des pays d’Amérique Centrale et du Sud. Même si les informations obtenues du ministère des
relations extérieures du Cameroun nous permettent de souligner ici le niveau très avancé des négociations relatives à
la formalisation des relations diplomatiques avec Cuba et les prospections très avancées, dans le même sens, avec
plusieurs pays d’Amérique Centrale et des Caraïbes.

Page | 177
Figure 130: Missions diplomatiques permanentes du Cameroun en Afrique

Page | 178
Soulignons enfin que, d’après l’article 3 alinéa 2 de la Convention de Viennes de 1961 sur
les relations diplomatiques à laquelle est partie le Cameroun depuis son accession à
l’indépendance, « aucune disposition de la présente Convention ne saurait être interprétée comme
interdisant l’exercice de fonctions consulaires par une mission diplomatique »498. L’article 3 de la
Convention de Viennes de 1963 sur les relations consulaires renchérie dans le même sens en
disposant que : « les fonctions consulaires sont exercées par des postes consulaires. Elles sont
aussi exercées par des missions diplomatiques conformément aux dispositions de la présente
Convention »499.

Peut-être cette possibilité d’exercice supplémentaire des fonctions consulaires par les
missions diplomatiques pourrait expliquer le fait que le Ministère des relations extérieures du
Cameroun n’ait pas jugé utile d’élaborer une carte consulaire du Cameroun en bonne et due forme,
à présenter aux visiteurs de son site internet. Les outils de cartographie auxquels nous avons eu
accès, au cours de l’élaboration du présent travail, nous ont permis de construire la carte consulaire
du Cameroun présentée ci-après.

498
Convention de Viennes du 18 avril 1961, document pris sur
https://legla.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/9_1_1961.pdf, le 28 mars 2020.
499
Convention de Viennes du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, document pris sur
https://legla.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/9_2_1963.pdf, le 28 mars 2020.

Page | 179
Figure 131: Carte des postes consulaires du Cameroun à l'étranger (1991-2020)

Page | 180
Il en ressort que les zones privilégiées de déploiement consulaires du Cameroun dans le
monde ont régressé avec le temps. De l’Europe occidentale (4 en 1991500 à 2 en 2020501) elles
s’orientent ces dernières années vers l’Afrique de l’Est et vers le Moyen-Orient (de 0 en 1991 à 3
en 2020502), suivant la même trajectoire d’évolution observée plus haut avec les missions
diplomatiques permanentes du pays à l’étranger.

Tout en gardant à l’esprit les dispositions de l’article 3 alinéa 2 de la convention de Viennes


de 1961 sur les relations diplomatiques et de l’article 3 de la convention de Viennes de 1963 sur
les relations consulaires rappelées plus haut, nous pouvons observer de la carte ci-dessus que les
continents américain (Nord et Sud), asiatique, l’Australie et l’Europe de l’Est demeurent des
« zones grises » consulaires pour le Cameroun. Sur le continent africain, cette observation
s’applique à l’Afrique du Nord et à l’Afrique Australe.

De façon générale, qu’il s’agisse des missions diplomatiques permanentes ou des postes
consulaires du Cameroun à l’étranger, le mouvement de « l’élargissement de la carte
diplomatique » semble aller, après la conquête du continent africain à commencer par la sous-
région Afrique Centrale, et du continent européen surtout de l’Europe de l’Ouest, vers l’Orient
asiatique.

Ces rappels et ces précisions étant faits, il incombe à présent d’analyser comparativement
la carte diplomatique institutionnelle du Cameroun et celles des déplacements diplomatiques
discursifs à l’étranger du président Paul BIYA entre 1982 et 2002, dans une sorte de légation active
géodiplomatique présidentielle, ainsi que ses sorties discursives au Cameroun, à l’occasion de la
visite de ses homologues et autres hauts dignitaires étrangers assimilés, dans une sorte de légation
passive géodiplomatique présidentielle.

Paragraphes II.- Cartographie géodynamique de la diplomatie présidentielle


discursive : les trajectoires bilatérales et multilatérales
Après avoir explicité la notion de diplomatie bilatérale, nous présenterons la cartographie
que nous avons construite de la géodynamique présidentielle discursive y relative, dans ses

500
Paris, Marseille, Genève et Hambourg.
501
Paris et Marseille.
502
Nairobi, Djeddah et Dubaï.

Page | 181
dimensions de légation active et passive (A). Nous procéderons au même exercice pour ce qui
concerne aussi bien la diplomatie multilatérale que la géodynamique présidentielle discursive y
relative (B). Il convient de rappeler que l’espace-temps considéré demeure la période allant de
1982 à 2002.

Cela étant, chacune des deux séries cartographiques sera précédée de quelques précisions
sur le sens à donner à la relation bilatérale et à celle multilatérale en matière de diplomatie. Dans
cette optique, seront évoquées tour à tour, les contributions que font en 2018, Alice PANNIER503,
Franck PETITEVILLE et Delphine PLACIDI-FROT504, dans le Manuel de diplomatie.

A. La géodynamique diplomatico-discursive présidentielle bilatérale

Pour Alice PANNIER, « les relations bilatérales constituent l’élément fondateur des
relations internationales », « « la forme élémentaire du jeu diplomatique » » pour reprendre
Thomas GOMART505. Il s’agit de « ce que l’on qualifie de « diplomatie traditionnelle » ou de
« vieille diplomatie » »506.

La relation bilatérale a, pour l’auteure, un rôle stratégique dans le sens où « elle permet de
promouvoir l’intérêt national et structure les négociations internationales »507 commerciales et en
matière d’investissement, de promotion de l’image et de la culture nationale, ou encore de
communication avec les diasporas508. Lesdites relations permettent en outre d’aborder les
négociations internationales :

« Les intérêts communs se construisent d’abord au niveau bilatéral afin de pouvoir constituer des
coalitions et mettre en avant ces intérêts plus efficacement dans les négociations multilatérales. […]
Tout l’intérêt des relations bilatérale s’est alors de parvenir à poursuivre ces intérêts par la

503
PANNIER, A., « La relation bilatérale », in BALZACQ, T., CHARILLON, F. et RAMEL, F., Manuel de
diplomatie… Op. cit., pp. 25-41.
504
PETITEVILLE, F., et PLACIDI-FROT, D., « La diplomatie multilatérale », in BALZACQ, T., CHARILLON, F.
et RAMEL, F., Manuel de diplomatie… Op. cit., pp. 43-57.
505
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Ibid., p. 25.
506
Idem.
507
Idem.
508
Deux de ces éléments (investissements-commerce et promotion de l’image) meublent notamment la première visite
discursive à l’étranger du président BIYA, le 16 février 1983, comme l’illustrent les discours devant la communauté
camerounaise en France et devant le Conseil National du Patronat français.

Page | 182
coopération, sans toutefois porter atteinte à sa souveraineté ou à sa liberté d’action. […] les relations
bilatérales restent à ce jour l’échelon privilégié des accords conclus internationalement »509.

Quand elle aborde la question de la conduite des relations bilatérales, Alice PANNIER
souligne en outre, et à juste titre, que :

« La plupart des relations bilatérales sont davantage structurées autour des relations entre chefs
d’Etat et/ou de gouvernement, des ambassades, des acteurs privés et des relations entre les sociétés
civiles »510.

Concernant particulièrement les relations entre chefs d’Etat et de gouvernement, qui nous
intéresse ici, l’auteure évoque en premier les visites officielles qui « rythment les relations
bilatérales »511. Parlant dans ce cadre des visites d’Etat, impliquant le chef d’Etat, elle précise que
ces dernières « constituent le plus haut niveau de contact diplomatique entre deux Etats. Elles sont
accompagnées d’un ensemble de cérémonies et durent généralement plus d’une journée »512. En
dessous d’elles, l’auteure situe :

« Les visites officielles (ou visites de travail), qui peuvent impliquer le chef d’Etat (monarque,
président, etc.) ou de gouvernement (Premier ministre, chancelier, etc.). Les sommets bilatéraux
impliquent également les chefs d’Etat et de gouvernement et ont la particularité de se tenir de façon
régulière, selon une périodicité établie par les partenaires impliqués »513.

Il existe en outre, d’après Alice PANNIER :

« De nombreux cercles de partenariats donnant lieu à des rendez-vous au sommet, tels que les
partenariats globaux, partenariats stratégiques et dialogues politiques de sécurité entretenus par un
Etat avec des régions particulières »514.

Evoquant les fonctions que remplissent les sommets et les visites, dans la diplomatie
bilatérale, l’auteure note qu’ils :

509
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Ibid., p. 26.
510
Ibid., p. 27.
511
Idem.
512
Idem.
513
Idem.
514
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Op. cit., p. 27. Le sommet France-Afrique auquel prend part le président
BIYA pour la première fois au cours de ses 20 première années de magistrature à la tête du Cameroun, apparait comme
un exemple typique.

Page | 183
« Permettent d’envoyer des signaux diplomatiques quant à l’importance de la relation bilatérale en
question, de consolider la relation, de faire avancer les dossiers qui ne peuvent pas ou plus être traités
au niveau des ambassades et de signer des déclarations et/ou accords contraignants (traités ou
accords intergouvernementaux concernant le commerce, la coopération technique, etc.) »515.

De plus, du fait du rôle structurant des rencontres bilatérales, explique l’auteure, on insiste
volontiers :

« Sur l’identité et sur le rôle des chefs d’Etat et de gouvernement, et sur la qualité de leurs relations
interpersonnelles. Celles-ci sont considérées comme affectant directement la teneur des rapports
bilatéraux et les avancées possibles en termes de coopération ou de règlement des contentieux »516.

515
Ibid., pp. 27-28.
516
Ibid., p. 28. Certes intéressante, cette démarche n’est toutefois pas la nôtre. Elle nous semble plus proche de la
démarche propre à l’histoire diplomatique, c’est-à-dire l’études rapports entre chefs d’Etat et de gouvernement à
travers leurs déclarations, gestes et symboles qui accompagnent les rendez-vous bilatéraux. Notre perspective
géodiplomatique pourrait quant à elle s’apparenter à une sorte de « quasi-histoire diplomatique » qui se limite à
l’identification des lieux de prononciation des discours diplomatiques des chefs des exécutifs d’Etat, leur analyse
spatio-temporelle et analytico-discursive.

Page | 184
Figure 132: Carte des visites bilatérales discursives du président Paul BIYA à l'étranger (1982-2020)

Page | 185
Il ressort de la carte ci-dessus qu’entre 1982 et 2002, le président Paul BIYA a effectué
huit (08) visites discursives (soit d’Etat, soit de travail), auprès de ses homologues à l’étranger. La
dimension discursive desdites visites renseigne sur leur importance517, et pourrait expliquer leur
prise en compte dans le travail d’archivage effectué par la Société de Presse et d’Editions du
Cameroun (SOPECAM) au titre du corpus que nous avons exploité.

Des visites discursives actives ainsi recensées au plan de la relation bilatérale, l’on constate
la place privilégiée accordée à la France avec trois (03) visites, contre une pour les autres pays
comme le Vatican, la Belgique, le Nigéria et la Chine518.

Le nombre élevé de visites discursives bilatérales présidentielles en France par rapport aux
autres destinations répertoriées, nous pousse à conclure que pour Paul BIYA, la relation avec la
France a toujours été une « relation privilégiée » ou « spéciale » au sens de Helen WLALACE
reprise par Alice PANNIER. Il s’est agi en effet d’une relation fondée « sur une proximité
culturelle et/ou une histoire commune […] ». Ce sont les « relations les plus abouties et les plus
durables du système international »519. Dans cette logique, la relation avec la France peut être
« jugée comme faisant partie de l’« intérêt national » et non vue comme un simple intérêt
économique ou sécuritaire qui serait conjoncturel » vis-à-vis du Cameroun. D’où, en effet, leur
institutionnalisation au travers de « sommets réguliers, visites fréquentes, travail quotidien et
échange de personnel entre les administrations, le tout encadré par des accords
intergouvernementaux, traités, protocoles »520.

Dans une interview accordée à Cameroon Tribune à l’issue de sa première visite en France,
le 17 février 1983, le président Paul BIYA rappelait le bienfondé de sa démarche :

« […] la visite que je viens d’effectuer en France avait pour but de prendre un premier contact avec
les autorités françaises afin d’une part, de réaffirmer, dans le cadre de la continuité, les positions
traditionnelles du Cameroun sur le plan de nos relations bilatérales et de nos similitudes de vues sur
nombre de problèmes africains et internationaux et, d’autre part, d’explorer des voies nouvelles pour
le renforcement de notre coopération. […] d’apprécier l’état actuel de cette coopération et de mettre

517
Car nous estimons que sa parole étant rare, le chef de l’Etat camerounais ne l’ait fait officiellement entendre à
l’étranger que lors des visites qu’il aura jugé importantes.
518
L’ONU a été considéré ici dû au fait qu’elle apparait comme la seule organisation internationale ayant occasionné
le déplacement du chef de l’Etat camerounais, sur la période considérée, hors du continent africain.
519
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Op. cit., p. 36.
520
Idem.

Page | 186
en particulier l’accent sur le renforcement des liens multiples qui unissent nos deux pays. […] Sur le
plan strictement commercial, je relève que les échanges sont en constante augmentation et que le
Cameroun est devenu l’un des principaux partenaires de la France en Afrique au sud du Sahara »521.

Accueillant réciproquement son homologue français, François MITTERAND, le 20 juin


1983, dans son allocution de bienvenue, Paul BIYA réaffirmait l’importance de la relation
bilatérale avec la France en observant que :

« Ces relations trouvent leur fondement dans une histoire commune au cours de laquelle Camerounais
et Français ont appris à se connaître et à forger en commun les valeurs essentielles de leur civilisation
respective. Elles se veulent exemplaires dans la recherche d’un co-développement authentique »522.

Avec la Belgique, si la relation bilatérale a, comme il ressort des discours du président Paul
BIYA, parfois été animée par l’intérêt que porte le chef de l’Etat camerounais au cercle relationnel
que représente les ACP, il n’en demeure pas moins que ce dernier y a logé, du moins au début de
son magistère, un certain espoir. Il le dit clairement dans le toast qu’il prononce à l’occasion du
dîner offert par le Gouvernement belge, le 8 mai 1989 à Bruxelles :

« Notre coopération a largement évolué dans de nombreux domaines grâce à la Commission mixte
créée par la Convention générale d’assistance technique depuis près de vingt ans. […] La coopération
belgo-camerounaise se porte très bien, et peut être considérée comme un modèle du genre. Toutefois,
nous pouvons la renforcer davantage, si nos deux pays le décident vraiment. De grandes perspectives
nous sont offertes »523.

Le manque de renouvellement de cette relation bilatérale prometteuse par des rencontres


fréquentes au sommet entre le chef de l’Etat camerounais et ses homologues belges pour le restant
des 20 premières années de sa magistrature, et même après, peut expliquer le manque d’embellie
observable dans lesdites relations belgo-camerounaises.

A l’occasion de ses différentes visites discursives bilatérales à l’étranger au cours des 20


premières années de sa magistrature suprême, le président BIYA n’a souvent pas manqué de
s’adresser aux Camerounais établis à l’étranger, notamment dans les pays où il s’est rendu. De

521
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986), pp. 593-594.
522
Ibid., p. 205.
523
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 134.

Page | 187
façon générale, le message transmis a souvent tourné au tour de l’appel à la solidarité, à l’unité et
au patriotisme. Cette attitude a été inaugurée à l’occasion de sa toute première visite bilatérale
discursive en France en tant que chef d’Etat, au cours d’un discours devant la communauté
camerounaise, le 16 février 1983. Il estimait alors que :

« […] c’est pour moi un très grand plaisir de vous rencontrer, pour la première fois, en ma qualité
de Président de la République Unie du Cameroun, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement. […] la
chronique du temps retiendra 1982 comme l’année qui aura profondément marqué le cours du destin
de notre pays. […] à l’occasion du changement intervenu à la tête de l’Etat, en novembre de cette
année historique, changement dans l’ordre, la légalité et la continuité, le peuple camerounais tout
entier a eu conscience de vivre, dans une émotion intense et sans précédent, faite de consternation
d’abord, une consternation bien compréhensible, d’assurance et de foi retrouvée ensuite, un
évènement d’une portée capitale pour le présent et l’avenir du Cameroun »524.

Il conseillait par la même occasion à ces derniers de :

« […] pratiquer la solidarité et l’entente mutuelle indispensables […] Car, ici en France, les
Camerounais doivent d’abord compter sur les Camerounais. Car encore, ici à l’étranger, toute
Camerounaise, tout Camerounais est un représentant du Cameroun ! »525.

C’est le même esprit de pédagogie à l’unité, à la solidarité et au patriotisme entre les


Camerounais établis à l’étranger qui ressort de ses différents discours à leur attention lors des
autres visites discursives au Nigéria et en Belgique.

En effet, dans son discours devant la communauté camerounaise à l’occasion de la visite


officielle en République Fédérale du Nigéria, le 20 avril 1983, le président Paul BIYA martelait à
ses compatriotes que :

« Je voudrais […] vous exhorter à veiller, à sauvegarder et à renforcer par l’union des cœurs et des
esprits, la cohésion interne, l’adhésion, la discipline, la solidarité, l’entente, la tolérance parmi vous.
Je voudrais vous assurer solennellement ici, dans cette maison du Cameroun, que comme par le passé,
vous pourrez toujours compter sur la sollicitude de votre ambassade pour vous encadrer, pour vous

524
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986), pp. 101-102.
525
Ibid., p. 105.

Page | 188
aider dans la mesure du possible, et pour rechercher ardemment les solutions les plus adéquates, les
plus réalistes à vos problèmes »526.

En matière économique, les différentes visites discursives bilatérale à l’étranger du


président Paul BIYA n’ont pas été vides.

En effet, au cours de la première visite discursive en France, le 16 février 1983, il avait


rencontré le patronat, rassemblé au sein du Conseil National du Patronat français. Il s’était félicité
de l’occasion ainsi offerte pour s’adresser non seulement à son audience immédiate, mais
également :

« A l’ensemble du monde des affaires en France, compte tenue de l’importance de ses rapports
économiques avec le Cameroun. Aussi cette rencontre […], après les changements intervenus à la
tête de l’Etat au Cameroun, […] donne au nouveau Président de la République l’occasion d’avoir un
premier contact avec vous, et de rappeler quelques-unes de nos options et réalités politiques et
économiques potentielles »527.

Pour sa première visite discursive en Chine, le 27 octobre 1993, devant les opérateurs
économiques chinois, il nota que :

526
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986), p. 139.
527
Ibid., p. 107.

Page | 189
Encadré 2 : La géopolitique du Vatican : la diplomatie spirituelle

« Vous le savez […], la […] Christianisme et romanité ont partie liée dès l’origine même de
la révélation. Le christianisme est né en Palestine, avec Jérusalem
coopération économique
comme épicentre, et il s’est construit autour de la Grèce et de Rome,
entre les deux pays est prenant Athènes et Rome comme piliers constructeurs. Trois villes et
fructueuse. Le Cameroun deux cultures qui font du christianisme la religion synthétique de la
est aujourd’hui le plus foi hébraïque et de la culture gréco-romaine, et des chrétiens les
héritiers d’Abraham, de Thucydide et de Virgile. […] La religion
important partenaire chrétienne est ainsi la continuité de la romanisation et lorsque, à partir
économique de la Chine en du XVIe siècle, les chrétiens quittent leurs territoires pour évangéliser
Afrique Centrale. Plus des peuples non romains, c’est la romanité qu’ils leur apportent, avec
cette foi et cette culture chrétiennes qu’ils transmettent. Rome est
d’une vingtaine d’accords
donc […] la capitale de la chrétienté, a tête où est présent le chef de
de coopération ont été l’Eglise, le pape.
signés entre nos deux pays
[…] Du point de vue de sa superficie, le Vatican est le plus petit Etat
dans des domaines aussi du monde. Du point de vue de son influence et de sa puissance
divers que l’aide diplomatique, il est l’un des plus grands. Le Saint-Siège […] n’a
financière, l’énergie pourtant ni le hard power des Etats-Unis, ni la profondeur stratégique
de la Russie, ni la puissance culturelle et économique de la France, ni
hydro-électrique et le
l’industrie de l’Allemagne, ni l’attractivité de la Chine. Il n’est
commerce. Une grande présent ni au G20 ni invité dans les sommets internationaux.
commission mixte sino-
[…] Le Siège apostolique possède la particularité d’être à la fois sujet
camerounaise se réunit de droit canonique et sujet de droit international. […] La souveraineté
alternativement tous les de l’Eglise est davantage d’ordre théologique que politique, ce qui lui
deux ans à Yaoundé et à donne sa spécificité. Le Saint-Siège ne se confond pas avec l’Etat de
la Cité du Vatican, ou Vatican, qui est un Etat à part entière. […] Si
Beijing pour faire l’état de la juridiction de la Cité du Vatican s’étend sur les 44 hectares du
notre coopération et la quartier romain, celle du Saint-Siège s’exerce sur toute l’humanité.
renforcer. Cette Le pape et les diplomates de l’Eglise sont des citoyens du Vatican,
mais ils exercent leurs charges pour le compte du Siège apostolique
coopération de qualité
(en 2014, le Saint-Siège a 180 représentations à travers le monde, ce
s’est concrétisée sur le qui en fait un des Etats les plus représentés, avec les Etats-Unis et la
terrain par des France).
réalisations à caractère […] Le Vatican est un Etat incontournable dans la diplomatie
économique, social et mondiale. […] Il vise le spirituel, le cœur et l’âme de l’homme, des
culturel : le barrage idéaux sur lesquels il n’a pas de concurrent puisqu’il est le seul Etat
à défendre ce type de réflexion. […] C’est une géopolitique atypique,
hydro-électrique de Lagdo comme l’est l’essence de son discours. C’est une géopolitique qui
dans la Province du Nord ; peut se vanter d’une puissance réelle, depuis des siècles.
le Palais des Congrès de
Extrait de NOE, J-B., Géopolitique du Vatican, Paris : PUF, 2015,
Yaoundé ; les hôpitaux de pp. 7-12.
Mblamayo et de Guider,
deux localités des
provinces du Centre et du
Nord ; le lancement récent

Page | 190
du projet de cultures maraîchères à Batchenga dans la province du Centre. Des échanges
commerciaux existent également et plusieurs foires d’exposition ont été organisées par la Chine au
Cameroun. Mais, le niveau actuel de ces échanges, comme celui de la coopération économique, reste
en deçà des possibilités de nos deux pays et j’invite personnellement les opérateurs économiques
chinois à investir au Cameroun »528.

La relation bilatérale avec le Vatican quant à elle, a été marquée par une tendance
axiologique poussée, tournée vers l’adhésion aux valeurs et principes issues de la foi religieuse
catholique romaine, chère au chef de l’Etat camerounais, aux droits de l’homme, ainsi qu’à
l’appelle à un accompagnement spirituel dans la confrontation aux situations de catastrophes
naturelles et autres calamités. C’est notamment à l’occasion de ses sorties discursives y relatives
que le chef de l’Etat a officiellement, pour les seuls fois, évoqué « Dieu et son Fils » (Voir encadré
2).

En effet, à l’occasion de la seule visite discursive au Vatican des 20 premières années de


son magistère, le 1er novembre 1986 à Rome, il remercia son hôte d’avoir bien voulu partager avec
lui sa « foi en Dieu et en son Fils » ainsi que l’« espoir d’un avenir meilleur »529. Il avait en outre
exprimé, au nom de ses compatriotes et en son nom propre, « son admiration, son estime, sa
vénération et sa sincère affection », avant de rappeler qu’entre le Vatican et le Cameroun, il existe
« des liens d’une amitié qui dure depuis plus de vingt-cinq ans »530. Aussi, le président Paul BIYA
a-t-il souligné à cette occasion que :

« Bien des malheurs accablent le continent africain : la famine, la sécheresse, le sous-développement,


les épidémies, la misère sous toutes ses formes et les catastrophes naturelles. D’ailleurs le bilan a été
très lourd dans le Nord-Ouest du pays après la catastrophe du lac Nyos : plus de 1500 morts, 20.000
personnes sinistrés et des villages entiers anéantis. […] je tiens à vous remercier personnellement,
Très Saint-Père, des prières que vous avez offertes pour nos morts, pour les personnes éprouvées et
pour les survivants »531, 532.

528
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002), pp. 36-37.
529
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986), p. 475.
530
Ibid., p. 476.
531
Ibid., p. 477.
532
Cette attitude de quête de soutien moral n’est pas à confondre avec celle éventuelle de « sécuritisation » proprement
dite, au sens de l’Ecole du constructivisme critique en Relations internationales, ou de quête des moyens de sécurité
face à diverses menaces environnementales. Nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre III.

Page | 191
Que dire à présent de la géodynamique présidentielle discursive bilatérale passive entre
1982 et 2002 ?

Page | 192
Figure 133: Carte des visites bilatérales discursives des homologues chefs d'Etat et hauts dignitaires étrangers au Cameroun
(1982-2020)

Page | 193
Comme on peut le voir, et comme déjà évoqué dans le chapitre précédent consacré à la
modélisation graphique de la géodiplomatie discursive du président Paul BIYA entre 1982 et 2002
dans une tendance analytique propre à la théorie des catastrophes, dans sa perspective passive
(accueille discursif au Cameroun des homologues et autres hauts dignitaires), cette dernière
apparait nettement plus étoffée sur la période considérée que celle active, cartographiée et
examinée plus haut. L’on dénombre en effet un total de douze (12) visites discursives des
homologues chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers, en provenance de France, du Vatican, du
Nigéria, de Chine, d’Allemagne, du Royaume-Uni, ainsi que le Secrétaire général de l’ONU pris
ici au rang de chef d’Etat.

L’on constate également dans ce versant passif de la géodiplomatie présidentielle


discursive, la prééminence de la France comme trajectoire géodiplomatique privilégiée, avec une
réciprocité parfaite de trois (03) visites d’Etat et/ou de travail sur la période 1982-2002. Une
réciprocité parfaite est également observée en ce qui concerne le Nigéria et la Chine, avec une
visite chacun.

Le seul cas de déséquilibre dans la réciprocité des visites discursives en faveur du


Cameroun s’établit avec le Vatican, du fait des deux visites papales au Cameroun (août 1985 et
septembre 1995), contre une, effectuée en novembre 1986 par le président Paul BIYA, comme
précédemment évoqué.

A contrario, les deux visites discursives allemandes (novembre 1986 et novembre 1987)
n’ont pas fait l’objet d’attention réciproque par la géodiplomatie présidentielle discursive
camerounaise. Le fait que la situation n’ait pas changé à ce jour pourrait signifier la volonté
constante du chef de l’Etat camerounais de garder une certaine distance diplomatique avec ce pays
qui semble discuter le leadership européen à la France, partenaire bilatéral privilégié du Cameroun.
Ce, Malgré que l’Allemagne joue les premiers rôles sur le plan économique en Europe et aurait pu
être d’un apport plus substantiel au Cameroun dans ses différentes tribulations économiques depuis
la fin des années 1980. Toutes choses qui semblent confirmer le caractère spécial de la relation
bilatérale entre la France et le Cameroun, la première ayant été puissance mandataire puis tutélaire
du second aussi bien sous l’égide de la Société des Nations que de l’ONU, au détriment de
l’Allemagne qui administra préalablement un régime de protectorat sur le Cameroun entre 1884-
1885 et 1916. Une situation qui cadre avec l’observation faite par Alice PANNIER suivant

Page | 194
laquelle : « des « relations particulières » peuvent également exister entre les anciennes
puissances coloniales et leurs colonies »533.

Du point de lecture géodiplomatique discursif donc, l’on peut conclure qu’alors que la
relation bilatérale avec la France s’avère « privilégiée » ou « spéciale », celle avec les autres pays
destinataires de la géodiplomatie présidentielle discursives camerounaise entre 1982 et 2002
(Nigéria, Belgique, Vatican et Chine) peut être qualifiée, à ce stade, de relation d’amitié534. Ces
dernières se situent, d’après Alice PANNIER, à un degré moins exigeant que les premières, et :

« Peuvent être (semi-)institutionnalisées par des traités ou partenariats permettant une coopération
approfondie dans certains secteurs. [Les amitiés], en revanche, ne supposent pas un degré de
consultation mutuelles ou de symbolisme, comme c’est le cas dans les « couples » et « relations
spéciales » »535.

L’on aurait également pu voir naître, dans les années 1990, une relation bilatérale
conflictuelle entre le Cameroun et le Nigéria, au sujet de l'affaire dite de la frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigeria, n’eut été, d’après les auteurs et les observateurs avertis,
l’impact en faveur de la paix, des qualités intrinsèques et du code philosophique du président Paul
BIYA. Nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre III, dédié à une analyse thématique et
contextuelle de la géodiplomatie présidentielle camerounaise suivant l’approche de l’analyse du
discours536.

Pour l’heure, que peut-on dire de la cartographie de la géodynamique diplomatico-


présidentielle multilatérale discursive camerounaise entre 1982 et 2002 ?

533
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Op. cit., p. 37.
534
Même si prospectivement, la relation bilatérale avec la Chine va, dès l’entame du XXIe siècle, passée de la simple
relation d’amitié à une relation que l’on peut qualifier aujourd’hui de privilégiée ou spéciale., au vu de la multiplication
des visites discursives d’Etat ou de travail entre le président BIYA et les chefs d’Etat chinois.
535
Idem.
536
Une relation de conflictualité entre deux Etat est une situation dans laquelle « le conflit est entretenu par la
reproduction d’une image de l’autre qui est représenté comme un « ennemi » ; c’est-à-dire qu’il est vu comme
constituant intrinsèquement une menace existentielle. Cela repose sur un discours mettant en avant des différences
d’intérêts, de cultures, d’idéologies, et/ou d’identités considérées comme irréconciliables. C’est la bilatéralité,
combinée à cette construction de l’autre comme ennemi, qui peut entrainer la « montée aux extrêmes » conceptualisée
par Carl Von CLAUSEWITZ, résultant potentiellement en la « guerre absolue » ». PANNIER, A., « La relation
bilatérale »… Op. cit., p. 37.

Page | 195
B. La géodynamique diplomatico-discursive présidentielle multilatérale

Evoquant les liens qui existent entre les relations bilatérales et le contexte multilatéral,
Alice PANNIER relève que « de fait, toute négociation multilatérale […] requiert des pré-
négociations et la constitution de coalition qui se font au niveau bilatéral »537. Citant GOMART,
elle souligne qu’« ainsi, la relation bilatérale « s’avère toujours nécessaire […] comme une
condition indispensable du mode multilatéral » »538. Aussi, souligne-t-elle :

« Les partenaires bilatéraux peuvent donc affecter les négociations à l’échelle multilatérale ; et en
retour, des relations bilatérales fortes tendent à influencer les stratégies et prises de position
nationales dans les arènes multilatérales. D’une part, une relation bilatérale considérée comme très
importante […] peut, dans une négociation multilatérale donnée, amener un gouvernement à prendre
une position qui ne paraît pas conforme à « l’intérêt national », en vue de préserver ladite relation
bilatérale A l’inverse, une relation bilatérale conflictuelle peut avoir des effets de blocage sur des
relations multilatérales »539.

D’après PETITEVILLE et PLACIDI-FROT, au sens strict :

« La diplomatie multilatérale met en relation un minimum de trois Etats. En pratique, elle rassemble
couramment des dizaines d’Etats (représentés par leurs diplomates et leurs délégations) et un nombre
croissant d’acteurs non étatiques »540.

Ces auteurs précisent que :

« Dès que les Etats modernes ont établi des relations diplomatiques entre eux, ils ont été
régulièrement confrontés à des situations de paix collective à reconstruire via la diplomatie
multilatérale, comme l’illustre l’épisode fondateur des traités de Westphalie en 1648. Pendant les
trois siècles suivants, les Etats ont poursuivi la diplomatie multilatérale à intervalles réguliers
(grandes conférences de paix), en même temps qu’ils en transformaient la pratique, en mondialisant
la concertation au-delà de l’Europe, en l’institutionnalisant via les Organisations Internationales, et
en l’ouvrant de manière croissante aux enjeux non militaires et aux acteurs non étatiques »541.

537
PANNIER, A., « La relation bilatérale »… Op. cit., p. 34.
538
Idem.
539
Ibid., p. 35.
540
PETITEVILLE, F., et PLACIDI-FROT, D., « La diplomatie multilatérale »… Op. cit., p. 43.
541
Ibid., p. 56.

Page | 196
Encadré 3 : Les Organisations internationales (OI)

Nées du système des conférences diplomatiques périodiques entre Etats, les


Ils relèvent institutions internationales que sont les Organisations internationales (OI) ou
particulièrement le Organisations internationales gouvernementales (OIG) présentent « un trait
commun, qui est d’être fondées et constituées par des Etats, et animées par
changement intervenu les représentants des gouvernements qui ont qualité pour agir au nom de ces
Etats » (La première d’entre elles serait la Commission centrale pour la
dans la diplomatie navigation du Rhin, fondée en 1815).
multilatérale au XXe Au moins cinq fonctions des OI sont répertoriées :
siècle, en soulignant
1) Celle de cadre préétabli et permanent de dialogue, enceinte où ils
que cette dernière a ont « non seulement la possibilité mais aussi l’obligation d’exposer
leurs thèses et de débattre de leurs prétentions respectives en
eu, à cette époque, présence et sous le contrôle des autres pays » en litiges. Les OI
mettent à disposition des moyens annexes à la coopération
« tendance à se bilatérale, dont « la combinaison peut désamorcer une crise ou
faciliter son dénouement » ;
mondialiser au-delà 2) La fonction de légitimation grâce à laquelle « elles interviennent
de l’Europe » et à au gré des circonstances pour valider des situations de fait et leur
conférer une légitimité » (admission et exclusion d’Etats membres,
s’institutionnaliser validation des pouvoirs des délégations originaires des pays où le
pouvoir est contesté, la valeur symbolique des résolutions qui serve
« en se déployant à la validation ultérieure ou non de situations de fait, etc.) ;
3) La fonction d’interventions opérationnelles (votes de crédits pour
principalement dans financer un programme d’assistance, de développement ou
d’alphabétisation, octroi d’aides, etc.) ;
les enceintes des 4) La fonction d’information à travers une masse impressionnante de
grandes documents statistiques produits chaque année qui servent de
« référence commune aux acteurs et constituent […] un miroir qui
Organisations reflète l’évolution de la situation mondiale ». Il faut également
ajouter les « nombreux rapports établis périodiquement par les
Internationales »542 groupes d’experts sur les questions les plus diverses », et les
informations recueillies au cours de débats ;
(voir encadré 3). 5) La fonction de « réducteur de tension à l’échelle internationale »
en évitant, par l’égalité entre Etats qu’elles instituent (principe d’un
Même si la guerre Etat une voie), l’expression du jeu des rapports de force déployés à
froide a porté un coup l’état pur. Elle s’efforce de faire « entendre la voix du nombre, qui
est aussi celle des plus déshérités » entre les Etats.
d’arrêt à l’expansion
Le réseau des OI occupe donc sans conteste une place importante
de la diplomatie dans les relations internationales, obligeant les Etats à participer activement
à leur fonctionnement s’ils veulent protéger leurs intérêts et ménager leur
multilatérale «à influence. Car, en effet, les plus grandes potentialités des Organisations
internationales résident « dans la chance que celles-ci offrent aux moins
l’ONU en particulier. puissants d’influencer le climat de l’opinion et les valeurs admises en
En témoigne, dès les fonction desquelles les décisions sont prises… et elles peuvent devenir un
moyen de donner à la majorité des pays les moins puissants une plus grande
années 1950, la voix collective dans le traitement des affaires mondiales »

polarisation de MERLE, M., Sociologie des relations internationales, Paris: Dalloz, 3e éd,
1982, pp. 334-358.
l’Assemblée générale
de l’ONU entre Etats

542
PETITEVILLE, F., et PLACIDI-FROT, D., « La diplomatie multilatérale »… Op. cit., p. 45.

Page | 197
affiliés au « camp Occidental » et Etats inféodés au camp socialiste »543. Parallèlement à cet
empêchement de la diplomatie multilatérale sur l’ensemble de la guerre froide :

« La décolonisation, l’émergence des Etats du tiers-monde et du Mouvement des non-alignés ajoutent


un clivage Nord-sud au sein de la diplomatie multilatérale à la suite de la conférence de Bandung
(Indonésie, 1955), puis de la création du G77 en 1964 à Genève, qui se mobilise à l’Assemblée
générale de l’ONU durant les années 1970, en faveur de l’instauration d’un « nouvel ordre
économique international ». Il faut donc attendre la fin de la guerre froide pour voir la diplomatie
multilatérale reprendre tous ses droits à l’ONU »544.

En effet, poursuivent PETITEVILLE et PLACIDI-FROT, depuis la fin de la guerre froide :

« La diplomatie multilatérale se donne de plus en plus à voir dans des grandes conférences mondiales
sur des enjeux autres que stratégiques : environnement, économie, aide au développement, droits
humains »545

Aussi la diplomatie multilatérale est-elle dorénavant devenue « un exercice de diplomatie


désormais planétaire, axé non plus sur un enjeu classique de high politics et pourtant désormais
largement considéré comme tel »546.

La relation multilatérale, comme celle bilatérale, s’avère donc d’une importance certaine
en diplomatie, et partant dans la diplomatie présidentielle. A l’observation, les trajectoires, lieux
et milieux internationaux de cette dernière conforte l’analyse de PETITEVILLE et PLACIDI-
FROT présentée plus haut en ce qu’elle s’est exprimée non pas sur des enjeux classique de high
politics (dans les années 1990), même si avec l’avènement d’abord du phénomène des coupeurs
de routes dans la sous-région Afrique Centrale vers la deuxième moitié des années 1990 et du
terrorisme moderne depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d’Amérique, les
questions de paix et de sécurité se sont inscrits au cœur de la diplomatie présidentielle discursive
multilatérale. Nous y reviendrons au chapitre III.

Fort de ce qui précède, nous avons procédé à une cartographie de la diplomatie


présidentielle discursive multilatérale, dans ses dimensions active et passive, sur la base des
analyses graphiques précédentes. Ceci vise à mieux illustrer, dans une perspective d’analyse

543
Ibid., pp. 45-46.
544
Ibid., p. 46.
545
Ibid., p. 47.
546
Idem.

Page | 198
géopolitique, les zones géographiques privilégiées de déploiement international présidentialo-
diplomatique. Est ensuite évoquée, en clôture du présent chapitre, la carte des « zones grises »
géodiplomatiques présidentielles discursives.

Page | 199
Figure 134: Carte de la géodiplomatie multilatérale discursive active et passive (1982-2002)

Comme l’illustre la carte ci-dessus de la géodiplomatie présidentielle discursive


multilatérale aux plans actif et passif, le président Paul BIYA s’est davantage consacré, entre 1982

Page | 200
et 2002, à une activité géodiplomatique discursive intense au plan sous-régional passif (accueil des
conférences et sommets de diverses Organisations Internationales et des rencontres multilatérales
rassemblant au moins trois représentants officiels de gouvernements étrangers).

Du point de vue de sa géodiplomatie discursive multilatérale au plan actif (participation


aux conférences et sommets organisés à l’étranger), sur la même période, le continent africain se
place au même pied d’égalité que l’Europe, avec trois (03) participations chacun. Mais la palme
d’or des participations discursives du chef d’Etat camerounais revient, bien entendu, à
l’organisation internationale universelle qu’est l’ONU (quatre (04) au total) et donc au continent
américain. Force est toutefois de constater ici que cette donnée contraste avec celle issue de la
géodiplomatie présidentielle discursive bilatérale, à la faveur de laquelle l’on a pu constater que le
continent américain n’enregistrait aucune visite discursive du président Paul BIYA (que ce soit au
Canada, aux Etats-Unis ou même au Brésil où le Cameroun entretient pourtant des missions
diplomatiques bien avant la période 1982-2002).

Globalement, et comme déjà souligner plus haut à l’occasion de la représentation graphique


de ladite géodiplomatie discursive multilatérale, le président Paul BIYA a davantage fait jouer, en
la matière, la promotion de la destination Cameroun comme hub diplomatique qu’il n’a effectué
le déplacement de l’étranger pour faire entendre la voix du Cameroun. Pour finir, on constate que
le continent asiatique demeure, sur la période considérée, une zone vierge géodiplomatico-
présidentielle discursive. La situation n’a changé qu’avec la tenue à Beijing, du premier sommet
du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), le 6 novembre 2006547.

Les « zones grises » géodiplomatiques discursives présidentielles (1982-2002)

Par « zones grises » ou « terrœ incognitœ », l’on désigne, d’après Pascal BONIFACE :

« Des zones – et des populations – exclues du réseau mondial de l’autorité politique, de l’économie
d’échange, de l’information et qui se structurent selon leurs propres lois, atteignant un haut degré
d’autonomie et d’opacité. En outre, il convient de distinguer une variante de terrœ incognitœ, illustrée
par de rares Etats, exerçant une autorité absolue sur des zones qu’ils décident de couper de tout
contact extéreiur »548.

547
Voir www.french.xinhuanet.com, consulté le 8 avril 2020.
548
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales, Paris : Hatier, 2003, p. 60.

Page | 201
Figure 135: Carte des "zones grises" géodiplomatiques présidentielles discursives (1982-2002)

Nous inspirant de cette définition, nous désignons comme « zones grises »


(géo)diplomatiques dans ce travail, des pays sur la carte du monde exclus du réseau ou du dispositif

Page | 202
diplomatique institutionnel d’un pays donné, et qui, de ce fait, se trouvent obligés de structurer
leur propre système adhoc de liaison diplomatique avec ledit pays, que ce soit par pays interposés
désignés comme représentants, ou à l’occasion des rencontres périodiques et/ou occasionnelles au
sein des Organisations internationales ou encore à l’occasion de différents sommets et conférences
internationales.

Les « zones grises » géodiplomatiques présidentielles discursives seront donc constituées


des pays du globe terrestre n’ayant jamais reçus une visite présidentielle discursive, d’Etat ou de
travail, soit sur la durée déterminée d’un mandat présidentiel ou d’un chef d’Etat donné, soit sur
la durée de tous les mandats des chefs d’Etat successifs d’un pays donné. Les « zones grises »
géodiplomatiques présidentielles discurisves se distinguent donc des « zones grises »
(géo)diplomatiques stricto sensu, dans ce sens qu’elles ne dépendent pas forcement de l’étalement
du dispositif institutionnel ou de la « carte diplomatique » institutionnelle de l’Etat constitutée
principalement de ses missions diplomatiques et postes consulaires à l’étranger.

En effet, la géodiplomatie présidentielle peut aussi bien se déployer dans des zones de
couverture diplomatique institutionnelle existante, que sur des « terrœ incognitœ » diplomatiques,
soit dans le cadre de la participation à des sommets ou conférences internationales, et donc à une
activité de diplomatie multilatérale, soit à titre d’activation des relations diplomatiques jusque-là
inexistentes avec un potentiel pays amis ou partenaires.

Aussi convient-il de constater sur la carte déssinnée à partir des données issues de notre
corpus discursif sur la période 1982-2002, qu’à l’entame du troisième millénaire, le président Paul
BIYA n’avait visiter discurivement que 07 pays sur 192 possibilités sur la carte du monde, pour
un taux de couverture de 3,6%549. Toutes choses qui semblent laisser d’intéressantes possibilités
et perspectives de déployement future de la géodiplomatie présidentielle camerounaise.

De façon générale, il est à observer que la carte diplomatique institutionnelle ou le dispositif


diplomatique du Cameroun demeure largement non découvert, du point de vue géodiplomatique
présidentiel, avec des nombreuses « zones grises ». Ceci est révélateur d’une diplomatie

549
A noter qu’en mars 2013, le président Paul BIYA a effectué une visite d’Etat en Turquie.

Page | 203
camerounaise qui se situe encore en deçà de son potentiel et en déphasage du discours officiel
d’une diplomatie mature et triomphante.

Page | 204
DEUXIEME PARTIE.- LA GEODIPLOMATIE
PRESIDENTIELLE CAMEROUNAISE AU PRISME DE
L’ANALYSE DU DISCOURS ET DE LA THEORIE DES
RELATIONS INTERNATIONALES

Page | 205
Quelle compréhension peut-on se faire de l’analyse du discours diplomatique présidentiel
camerounais, à la lumière de sa modélisation graphique et de sa cartographie ?

À cette question, nous avons proposé comme hypothèse que l’analyse du discours
diplomatique présidentiel camerounais à la lumière de sa modélisation graphique et de sa
cartographie, permet de comprendre l’impact du contexte et le sens des enjeux géopolitiques
l’ayant influencé sur la période considérée. Pour valider ou infirmer cette hypothèse, nous nous
proposons de faire appel aux outils de l’analyse du discours, notamment de l’Ecole de Cambridge
dans la discipline des Relations internationales.

Mais avant d’y arriver, il nous semble opportun de rappeler ce qu’est la discipline ou la
méthode de l’analyse du discours de façon générale. Quel est son objet ? Comment sa mobilisation
dans le cadre de ce travail participe à l’éclosion d’une systématisation, quand bien même
méthodologiquement complexe, de l’évaluation de la politique étrangère en tant que politique
publique ?

Aussi nous référerons-nous aux travaux de Dominique MAINGUENEAU dans Discours


et analyse du discours, parus en 2014550. L’auteur fait état, de façon préliminaire, de ce que :

« Depuis les années 1960, un champ de recherche nouveau s’est développé sous le nom d’« analyse
du discours » ou, plus récemment, d’« études de discours » […] Il s’agit […] d’une entreprise
foncièrement transdisciplinaire, voire pour certains postdisciplinaire, qui, traversant l’ensemble des
sciences humaines et sociales et des humanités, va à l’encontre de la tendance à la division du savoir
en domaines de plus en plus spécialisés »551.

L’apparition de ce champ serait liée, d’après lui, à la « « tertiarisation croissante de


l’économie » et au développement des médias audiovisuels puis l’internet »552, phénomènes qui
accroissent « l’importance des interactions verbales et multiplient les techniques de traitement des
signes ». Des évolutions qui s’accompagnent en outre d’une « technologisation du discours »553
au sens de FAIRCLOUGH qui vise, dans différents secteurs (l’entreprise, la santé, la politique ou
l’éducation notamment), l’accroissement de l’efficacité des acteurs par l’analyse de leur propre

550
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours, Paris : Armand Colin, 2014, p. 216.
551
Ibid., p. 3.
552
Idem.
553
Idem.

Page | 206
communication externe et interne et celle des concurrents, notamment au sujet des énoncés
produits sur eux.

Des « espaces voués au commentaire de la parole » se multiplient également (des


émissions de radio ou de télévision sur l’analyse de la communication du personnel politiques, aux
espaces de « discussion », de « réaction », d’« opinion » etc., que propose internet)554. Le champ
de l’analyse du discours se trouve ainsi aujourd’hui, « mondialisé et en expansion continuelle »555.
Il résulte de la « convergence de courants de recherche issus de disciplines très diverses
(linguistique, sociologie, philosophie, psychologie, théorie littéraire, anthropologie, histoire…) et,
en retour, il exerce son influence sur elles »556. Toutes choses qui ont poussé les auteurs à parler
« d’un « tournant linguistique » pour la philosophie, pour l’histoire ou pour les sciences sociales
de la seconde moitié du XXe siècle »557. La science politique et sa sous-discipline, les Relations
internationales, ne sauraient donc, de ce point de vue, constituer des exceptions558.

Dans une perspective de complémentarité à la littérature spécialisée existante, le but de


MAINGUENEAU, dans Discours et analyse du discours, est :

« D’aider ceux qui, pour une raison ou une autre, sont amenés à rencontrer les études de discours, à
mieux appréhender les lignes de force qui structurent ce champ, à identifier les catégories sur
lesquelles reposent les méthodes d’analyse, à prendre conscience de l’hétérogénéité du discours »559.

Il est question de permettre à ces derniers d’« acquérir le recul nécessaire pour s’orienter
efficacement dans le labyrinthe des terminologies et des méthodes »560. Le travail qu’il propose
n’est pas « celui d’un historien ou d’un sociologue de sciences, mais celui d’un praticien de
l’analyse du discours qui l’a vue évoluer considérablement depuis les années 1970 et qui s’efforce

554
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 4.
555
Idem.
556
Idem.
557
Idem.
558
L’on pourrait même parler, depuis la Thèse de Doctorat de Claudine AMBOMO, soutenue en 2013, et celle
subséquente de François Mark MODZOM, soutenue en 2017, d’un tournant linguistique de la discipline des Relations
internationales au Cameroun. Le fait que jusqu’ici, ces études aient toutes porté sur un corpus réservé à la
communication du président de la République camerounaise, ne serait que la conséquence logique de la grande
prégnance de ce rôle institutionnel dans la vie sociopolitique de ce jeune Etat.
559
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., p. 5.
560
Idem.

Page | 207
de réfléchir sur ses conditions de possibilité, ses catégories majeures et ses tensions
constitutives »561. Ledit travail repose, d’après lui, sur trois présupposés majeurs :

− « […] les problématiques d’analyses du discours […] se trouvent aujourd’hui prises dans un espace
de recherche qui est mondialisé, où les hybridations conceptuelles se multiplient ;
− Le champ des études de discours doit être distingué de celui, plus restreint, de l’analyse du discours,
qui définit un point de vue spécifique sur le discours ;
− L’univers du discours, le matériau à partir duquel travaillent les analystes du discours, est
foncièrement hétérogène : on ne peut pas l’unifier autour du modèle dominant de la communication
orale en face à face »562.

C’est ainsi que la première partie de Discours et analyse du discours (chapitres 1 à 5) traite
globalement des « études de discours et analyse du discours », la deuxième partie (chapitres 6 à
8) des « unités de l’analyse du discours » et la troisième partie (chapitres 9 à 15) « de l’univers du
discours ».

Dans la première partie, l’auteur s’emploie à présenter quelques éléments d’histoire (A), à
définir la notion de discours (B), à la distinguer de celles de texte et de corpus, à préciser les
disciplines du discours et à distinguer de façon unificatrice l’analyse du discours de l’analyse
critique du discours. Nous nous limitons ici à la présentation des deux premiers aspects qui nous
semblent d’utilité opératoire dans le cadre de ce travail.

A. Quelques éléments d’histoire sur l’analyse du discours

Concernant les éléments d’histoire de la discipline de l’analyse du discours, abordés au


chapitre I, MAINGUENEAU, commence par préciser qu’il « n’existe pas d’équivalents de
Newton, de Pasteur ou de Durkheim, de personnalités dont le rôle déterminant est reconnu par
l’ensemble de la communauté »563 dans le champ de l’analyse du discours. Car, il s’agit « d’un
espace de recherche foisonnant et qu’on ne peut rapporter à un lieu d’émergence précis »564. De

561
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 5.
562
Ibid., pp. 5-6.
563
Ibid., p. 9.
564
Idem.

Page | 208
son point de vue, « on ne peut construire une histoire à peu près linéaire que si l’on se restreint à
certains courants »565.

Aussi, souligne-t-il que le terme « analyse du discours » :

« A été introduit par le linguiste distributionnaliste Z. S. HARRIS (1909-1992)566, dans un article


intitulé précisément « Discourse Anlaysis » (HARISS, 1952) où « Discourse » désigne une unité
linguistique qui est constituée de phrases, un texte donc. […] dans une perspective structuraliste, il
employait le terme « analyse » dans son sens étymologique, celui d’une décomposition. Son projet […]
était en effet d’analyser la structure d’un texte en se fondant sur la récurrence de certaines de ses
éléments, en particulier les pronoms et certains groupes de mots. Il envisageait aussi la possibilité de
mettre en relation les régularités textuelles ainsi dégagées avec des phénomènes d’ordre social. […]
l’attitude de HARISS ressemblait à celle du structuralisme littéraire français des années 1960 qui
postulait qu’il fallait commencer par une analyse « immanente » du texte, puis mettre la « structure »
ainsi dégagée en correspondance avec une réalité sociohistorique placée hors du texte »567.

Et Dominique MAINGUENEAU de préciser qu’une telle démarche structuraliste et proche


de celle de HARISS, était « très éloignée des problématiques actuelles du discours, qui récusent
l’opposition même entre un intérieur et un extérieur des textes »568. En effet, ces problématiques
sont apparues, d’après l’auteur, « dans les années 1960, principalement aux Etats-Unis, en France
et en Angleterre »569, et ce n’est qu’à « partir des années 1980 que s’est constitué un espace de
recherche véritablement mondial »570 grâce à l’intégration « des courants théoriques qui s’étaient
développés indépendamment les uns des autres dans des disciplines et dans des pays distincts »571.
L’accent, d’après lui, reprenant ANGERMÜLLER, « est désormais mis sur la mondialisation du
savoir théorique » en matière d’analyse du discours, avec « des traditions théoriques autrefois
séparées » qui « donnent naissance à des cultures scientifiques hybrides »572.

A titre illustratif, dans les années 1960, aux Etats-Unis notamment :

565
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 9.
566
C’est nous qui soulignons.
567
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid.., p. 10.
568
Idem.
569
Idem.
570
Ibid., pp. 10-11.
571
Ibid., p. 11. L’auteur fait notamment état de la publication en 1986 d’un ouvrage collectif en quatre volumes, dirigé
par T. VAN DIJK, intitulé Handbook of Discourse Anlaysis, et qui « rassemblait en effet sous une même étiquette
(« discourse anlaysis » des travaux extrêmement divers menés de part et d’autre de l’Atlantique », Idem.
572
Idem.

Page | 209
« L’étude du discours a été alimentée par des courants divers : […] l’ethnographie de la
communication […] étroitement liée à l’anthropologie, l’ethnométhodologie […] qui se voulait une
théorie sociologique, l’analyse conversationnelle […] qui, comme son nom l’indique, proposait une
méthode d’analyse des interactions orales. […] Ces divers courants, en dépit de leurs divergences,
ont progressivement partagé un même espace de recherche »573 qui s’est par la suite enrichie
d’apports théoriques divers.

Plus globalement, MAINGUENEAU relève que la réflexion sur le discours « a bénéficié


d’apports venus de la philosophie et de la linguistique », la première ayant été « préoccupée par
la question du langage » avec l’idée défendue suivant laquelle « le travail conceptuel de la
philosophie suppose une analyse préalable du langage », et la seconde a été pour sa part,
« imprégnée des courants pragmatiques, qui abordaient la parole comme une activité et mettaient
l’accent sur le caractère radicalement contextuel de la construction du sens »574. Dans le même
temps, et en parallèle au développement de l’analyse du discours dans les années 1960, se
développait la discipline nouvelle de la linguistique textuelle visant « à dégager des régularités
au-delà de la phrase »575.

En France, l’un des principaux lieux de développement de l’analyse du discours d’après


MAINGUENEAU, cette dernière s’est spécifiquement appuyée sur le structuralisme. C’est en effet
en France que l’auteur situe la définition, pour la toute première fois, de ladite discipline sous le
nom d’analyse du discours, en tant que « entreprise à la fois théorique et méthodologique
spécifique ». La « grande année » de l’analyse du discours étant fixée à 1969576, avec, d’une part,
la parution du numéro spécial (numéro 13) de la revue de linguistique Langages577, et d’autre part,
celle de deux ouvrages clés d’une part, de Michel PÊCHEUX (Analyse automatique du discours)
selon qui « en procédant à une analyse – une décomposition – des textes, on cherche à révéler
l’idéologie qu’ils sont voués à dissimuler »578, et d’autre part, de M. FOUCAULT (Archéologie
du savoir) « qui place la notion de discours au centre de la réflexion »579 même si, comme le

573
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 11..
574
Ibid., p. 12.
575
Idem.
576
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., p. 12.
577
MAINGUENEAU ne manque pas de souligner que « les articles des contributeurs de ce numéro spécial proposent
des visions très diverses » du champ de l’analyse du discours, préfigurant de ce fait l’hybridation ou la mondialisation
du champ observée dans les années 1980. Ibid., pp. 11-12.
578
Ibid., p. 14.
579
Ibid., pp. 12-13.

Page | 210
souligne MAINGUENEAU reprenant J. HART, ce qui intéressait FOUCAULT « c’étaient les
règles »580 . Jean DUBOIS, linguiste et responsable de ce numéro spécial 13 de la revue Langages,
estime alors que « développer l’analyse du discours est une manière d’élargir les travaux de
linguistique sur les relations entre langue et société »581 :

« Dans sa perspective, note MAINGUENEAU, l’analyse du discours apparait comme une discipline,
premièrement où l’on étudie des textes de tous genres (ce qui tranche avec les pratiques très
restrictives des facultés de lettres, tournées vers les corpus prestigieux, littéraires en particulier),
deuxièmement à l’aide d’outils empruntés à la linguistique, troisièmement dans le but d’améliorer
notre compréhension des relations entre les textes et les situations sociohistoriques dans lesquelles
ils sont produits »582.

B. La notion de discours

Abordant la notion de discours dans le chapitre deux de Discours et analyses du discours,


Dominique MAINGUENEAU rappelle d’entrée de jeu que cette dernière souffre d’une certaine
instabilité. Ladite instabilité résulte du fait que la notion de « discours » s’avère jouir d’une
polyvalence lui permettant « de fonctionner à la fois comme référant à des objets empiriques (« il
y a des discours ») et comme quelque chose qui transcende tout acte de communication particulier
(« l’homme est soumis au discours ») »583. Elle s’emploie de deux façons, souligne-t-il :

- « Comme substantif non comparable (« cela relève du discours », « le discours structure nos
croyances »…) ;
- Comme substantif comparable qui peut référer à des événements de parole (« chaque discours est
particulier », « les discours s’inscrivent dans des contextes »…) ou à des ensembles textuels plus ou
moins vastes (« les discours qui traversent une société », « les discours de la publicité »…) »584.

580
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours … Op. cit., p. 14. En effet, FOUCAULT, tel que souligné
par MAINGUENEAU, « refusait les démarches qui cherchaient à mettre au jour une sorte d’inconscient textuel ».
Citant FOUCAULT, il note qu’il était question pour celui-ci de « saisir l’énoncé dans l’étroitesse et la singularité de
son événement […]. On ne cherche point, au-dessous de ce qui est manifeste, le bavardage à demi-silencieux d’un
autre discours […] ». MAINGUENEAU préconise en plus de distinguer « le cas de PÊCHEUX et de FOUCAULT,
deux philosophes dont les apports relèvent plutôt de ce qu’on appelle aujourd’hui la théorie du discours », de celui
du linguiste Jean DUBOIS, qui « s’ancre dans les sciences du langage pour analyser les pratiques verbales d’une
société ; ses perspectives vont surtout susciter des recherches sur le discours politique, stimulées par le contexte social
des années qui suivent 1968 » en France. Voir MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., pp.
14-15.
581
Ibid., p. 13.
582
Idem.
583
Ibid., p. 17.
584
Idem.

Page | 211
Dominique MAINGUENEAU distingue l’usage de la notion de discours en linguistiques
et en dehors de la linguistique. Chez les linguistes, « le discours est communément défini comme
« l’usage de la langue » »585. Elle entre alors dans « trois oppositions majeures : entre discours et
phrase, entre discours et langue, entre discours et texte »586. Quand la notion de discours est
opposée à celle de phrase, « le discours est considéré comme une unité linguistique
« transphrasique », c’est-à-dire constituée d’un enchaînement de phrases »587. En revanche,
« l’opposition entre discours et langue peut être appréhendée de diverses façons, mais elles
opposent toutes la langue conçue comme système et son usage en contexte »588. Mais de façon
générale, l’auteur souligne que dans la littérature anglophone, la notion de « language in use »,
perçue comme paraphrase de « discours », « associe étroitement les deux oppositions […] :
textuelle (discours vs phrase) et contextuelle (discours vs langue) ». Le discours étant alors défini
dans la logique de SCHIFFRIN, comme « un type particulier d’unité linguistique (au-delà de la
phrase), et une focalisation sur l’usage de la langue »589.

En dehors de la linguistique, les acceptions de la notion de « discours » ont eu à interagir


avec nombre des courants théoriques qui traversent les sciences sociales, en l’occurrence la
philosophie du langage, la théorie des actes du langage, la conception inférentielle du sens, mais
aussi et pas seulement, l’interactionnisme symbolique, l’ethnométhodologie et le
poststructuralisme590. Elle est également « entrée en résonance avec certains courants
constructivistes, en particulier la sociologie de la connaissance de P. L. BERGER et Th.
LUCKMANN, les auteurs de La Construction sociale de la réalité (1966) »591.

Aussi, de nombreuses idées forces se dégagent aujourd’hui quand on parle de discours,


perçu à la fois comme : 1) une organisation au-delà de la phrase dans ce sens qu’il « mobilise
des structures d’un autre ordre que celle de la phrase »592 dans une logique transphrastique, alors
soumise à des règles d’organisation593 ; 2) une forme d’action. Parler étant alors considéré comme

585
C’est nous qui soulignons.
586
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., pp. 17-18.
587
Ibid., p. 18.
588
Idem.
589
Idem.
590
Ibid., p. 19.
591
Idem.
592
Idem.
593
Lesdites règles opérant à deux niveaux : « les règles qui gouvernent les genres de discours en vigueur dans un
groupe social déterminé (consultation médicale, talk-show, roman, thèse de doctorat…) ; les règles, transversales aux

Page | 212
forme d’action sur autrui « et pas seulement une représentation du monde »594. La problématique
des « actes de langage » ou « actes de parole » ou « actes de discours » ayant « montré que toute
énonciation constitue un acte (promettre, suggérer, affirmer, interroger…) qui vise à modifier une
situation », et sont, en s’intégrant dans des genres de discours déterminés, « autant d’activités
socialement reconnues »595, l’inscription du discours parmi les activités facilitant de ce fait sa mise
en relation avec les activités non verbales596 ; 3) une inter-activité, dans le sens ou le discours
engage deux ou plusieurs partenaires, avec l’exception notable que « toute énonciation, même
produite sans la présence d’un destinataire ou en présence d’un destinataire qui semble passif, est
prise dans une interactivité constitutive. Toute énonciation suppose la présence d’une autre
instance d’énonciation par rapport à laquelle on construit son propre discours »597 ; 4) le discours
est contextualisé, car on ne saurait dire qu’il « intervient dans un contexte, comme si le contexte
n’était qu’un cadre, un décor ; hors contexte, on ne peut assigner un sens à un énoncé. On parle
souvent à ce propos d’« indexicalité » »598 ; le discours est pris en charge par un sujet dans ce sens
qu’il n’est « discours que s’il est rapporté à un sujet, un JE, qui à la fois se pose comme source
des repérages personnels, temporels, spatiaux (JE-ICI-MAINTENANT) et indique quelle attitude
il adopte à l’égard de ce qu’il dit et de son destinataire (phénomène de « modalisation ») »599 ; 5)
le discours a une normativité, dans la mesure où « l’activité verbale, comme tout comportement
social, est régie par des normes. […] chaque acte de langage implique des normes particulières
[…] qui régissent tout échange verbal : être intelligible, ne pas se répéter, donner les informations
appropriées à la situation, etc. au-delà, […] les genres de discours sont des ensembles de normes
qui suscitent des attentes chez les sujets engagés dans l’activités verbale »600 ; 6) le discours est

genres, qui gouvernent un récit, un dialogue, une argumentation, une explication… ». MAINGUENEAU, D.,
Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 19.
594
Ibid., p. 20.
595
Idem.
596
Idem.
597
Idem. A noter qu’en matière d’inter-activité du discours, le cas du discours diplomatique présidentiel est particulier.
En effet, ce dernier est à la fois conversationnel dans une interactivité constitutive (discours et allocutions au plan
national et lors de déplacements officiels à l’étranger) devant des destinataires passifs, et conversationnel (interviews
et déclarations en conférences de presse) devant des destinataires actifs.
598
Ibid., p. 21.
599
Idem.
600
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., p. 22. Il convient de souligner que dans le sens de
la normativité discursive, la particularité du discours diplomatique est de susciter des attentes aussi bien des sujets
passivement engagés dans ladite activité verbale au plan international (partenaires gouvernementaux ou opinion
publique étrangers situés dans d’autres pays) qu’au plan national (représentants officiels de gouvernements étrangers,
touristes en séjour dans le pays et plus globalement, l’ensemble de la population).

Page | 213
pris dans un interdiscours, en ceci qu’il « faut le mettre en relation, consciemment ou non, avec
toutes sortes d’autres sur lesquels il s’appuie de multiples manières »601, c’est-à-dire avec « les
autres textes du même genre »602. En effet, la moindre intervention discursive politique « ne peut
être comprise si l’on ignore les discours concurrents, les discours antérieurs et les énoncés qui
circulent alors dans les médias »603 ; 7) le discours construit socialement le sens, dans la logique
où il constitue « une sorte d’enveloppe commune pour des positions parfois divergentes. On est
plutôt dans une logique de « l’air de famille » que dans celle d’un noyau de sens qui serait commun
à tous les emplois »604.

Eu égard à ce qui précède, Dominique MAINGUENEAU observe succinctement que :

« L’emploi de « discours » a une double portée. Il permet à la fois de désigner des objets d’analyse
(« le discours de la presse », « le discours des médecins »…) et de montrer qu’on adopte un certain
point de vue sur eux. Dire par exemple que tel tract ou tel journal est un discours, c’est aussi
montrer qu’on les considère comme du discours, en mobilisant certaines idées-forces. En parlant
du « discours du tract », on indique qu’on ne va pas seulement analyser des contenus, une
organisation textuelle ou des procédés stylistiques, mais qu’on va rapporter cet énoncé à un
dispositif de communication, aux normes d’une activité, aux groupes qui tirent de lui leur
légitimité, etc. »605,606.

Il aborde enfin la distinction entre théorie du discours et analyse du discours, à propos de


laquelle il rappelle d’entrée de jeu que « réfléchir en termes de discours, c’est […] nécessairement
articuler des espaces disjoints […] [notamment en se situant] entre « réalité » et « langue », « les
mots » et « les choses » »607. Poursuivant sur cette même lancée, dans les pas de FOUCAULT,
l’auteur précise en effet que :

« En Analysant les discours eux-mêmes, on voit se desserrer l’étreinte apparemment si forte des mots
et des choses, et se dégager un ensemble de règles propres à la pratique discursive [qui] définissent
[…] le régime des objets. […] [la] tâche consiste à ne pas – à ne plus – traiter les discours comme

601
Idem.
602
Idem.
603
L’on parle alors, comme le souligne MAINGUENEAU au sujet du courant inspiré de M. BAKHTINE, d’un certain
« dialogisme » généralisé en tant que principe qui « récuse la clôture du texte, ouvert aux énoncés extérieurs et
antérieurs, chaque énoncé participant ainsi d’une chaîne verbale interminable ». Ibid., pp. 22-23.
604
Ibid., p. 23.
605
Ibid., p. 24.
606
C’est nous qui soulignons.
607
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., p. 26.

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des ensembles de signes (d’éléments signifiants renvoyant à des contenus ou à des représentations)
mais comme des pratiques qui forment systématiquement les objets dont ils parlent. Certes, les
discours sont faits de signes ; mais ce qu’ils font, c’est plus que d’utiliser ces signes pour désigner
des choses »608.

Il convient alors de considérer le discours comme « un espace incertain entre deux massifs,
là où se « desserre l’étreinte apparemment si forte des mots et des choses », du langage et du
monde »609. Toute chose qui met inévitablement les « discursivistes », les spécialistes du discours,
dans une situation inconfortable, dans le sens où ils doivent donc « faire des efforts constants pour
ne pas réduire le discursif au linguistique ou, à l’inverse, ne pas l’absorber dans des réalités
sociales ou psychologiques »610.

Revenant à la distinction entre théorie du discours et analyse du discours, Dominique


MAINGUENEAU souligne le développement dans la littérature, d’une « « théorie du discours »
- distincte de l’analyse du discours proprement dite – qui participe de la discussion
philosophique »611. Ladite théorie du discours regroupe des projets intellectuels « qui combinent
de diverses manières des préoccupations issues du poststructuralisme, des « Cultural Studies » et
du constructivisme »612. Elle questionne « les présupposés des sciences humaines et sociales, en
particulier sur la subjectivité, le sens, le pouvoir, la différence sexuelle, l’écriture, la dissidence,
le postcolonialisme… »613. En sciences politiques, l’on peut évoquer « la théorie postmarxiste de
l’« hégémonie » défendue par E. LACLAU et C. MOUFFE (1985), très influencés par L.
LATHUSSER et J. LACAN »614.

Toutefois, relève l’auteur, « la très grande majorité des dicursivistes ne travaillent pas
dans [le] champ de la théorie des discours ». Ce sont plutôt des « analystes du discours qui, à
l’aide de multiples méthodes, étudient des corpus »615. Ils se repartissent en deux catégories.

608
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Op. cit., p. 26.
609
Idem.
610
Idem.
611
Idem.
612
Ibid., p. 27.
613
Idem.
614
Idem.
615
MAINGUENEAU, D., Discours et analyse du discours… Ibid., p. 27.

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La première estime que « l’analyse du discours est seulement une boîte à outils dans le
vaste ensemble des « méthodes qualitatives » des sciences humaines et sociales »616. Les
chercheurs de ce courant discursiviste « travaillent à l’intérieur des cadres qui ont été définis par
la discipline à laquelle ils appartiennent : sociologie, histoire, sciences politiques, géographie…
Ils appréhendent le discours comme offrant des indices qui permettent au chercheur d’accéder à
des « réalités » hors du langage »617.

La deuxième catégorie regroupe les analystes du discours que Dominique


MAINGUENEAU qualifie de « canoniques »618. Il s’agit des chercheurs qui :

« S’intéressent à la manière dont, dans une société déterminée, l’ordre social se construit à travers
la communication ; ils s’efforcent de maintenir un équilibre entre la réflexion sur le fonctionnement
du discours et la compréhension de phénomènes d’ordre sociohistorique ou psychologique. La
plupart de ces chercheurs ont un fort ancrage dans les sciences du langage. Leur recherche peut
chercher à éclairer une question strictement discursive (sur la définition ou la typologie des genres
de discours, la pertinence de telles méthodes, etc.), mais elle peut répondre à des problèmes sociaux
(en particulier d’ordre éducatif, politique, sanitaire) ou de questionner d’autres champs de savoir
(qu’en est-il, par exemple, de la philosophie quand elle est appréhendée comme discours ? »619.

Eu égard à tout ce qui précède, dans la lignée de la première catégorie de discursivistes ci-
dessus rappelée, il sera question pour nous d’ancrer, dans le contexte mutant de l’ordre
international entre 1982 et 2002, le discours diplomatique et la géodiplomatie présidentiels sur les
plans irénologique, économique, sécuritaire et culturel (Chapitre III), avant de tenter une
interprétation et la montée en abstraction, sur la base des constations faites jusque-là (Chapitre
IV). Ceci se fera à la lumière aussi bien des principes ou options de politique étrangère du
Cameroun, que des théories des Relations internationales.

CH III.- L’ANALYSE DISCURSIVE : UNE ANALOGIE DE LA


GEODIPLOMATIE PRESIDENTIELLE

Alice BAILLOT, Fabien EMPRIN et Frédéric RAMEL, écrivant en 2016, observent que :

616
Ibid., pp. 27-28.
617
Ibid., p. 28.
618
Idem.
619
Ibid., pp. 28-29.

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« Traités, déclarations, résolutions. L’un des premiers matériaux auquel tout internationaliste se
confronte est de nature textuelle, que ces matériaux soient de nature orale ou écrite. Comment aborder
cette présence fondamentale du langage en relations internationales comme dans toute réalité
politique ? Quels outils l’analyste peut-il mobiliser en vue de les exploiter ? »620.

Pour tenter de répondre à ce questionnement, les auteurs se lancent dans l’exposé d’une
série de méthodes empruntées à deux univers distincts auxquels l’internationaliste peut faire appel
lorsqu’il se trouve face aux matériaux textuels oraux ou écrits, à savoir la lexicographie (A) et la
pensée politique (B).

Il s’agit d’après eux de deux univers que l’internationaliste peut « mobiliser isolément,
lorsqu’il aborde un texte. Il peut aussi les articuler et, en cela, appréhender son objet selon une
logique d’« assemblage » méthodologique »621.

Dans leur exposé, ils prennent pour base d’illustration le cas spécifique des : « discours sur
l’état de l’Union prononcés annuellement par le président des Etats-Unis d’Amérique sous les
ères BUSH Jr. et OBAMA »622. Car, d’après eux, ledit corpus offre « un point d’observation quant
aux postures diplomatiques et stratégiques du pays qui enrichit la connaissance de sa politique
étrangère »623.

A. Les méthodes lexicométriques ou la lexicographie

BAILLOT, EMPRIN et RAMEL partent du constat suivant lequel :

« L’analyse lexicométrique d’un texte, c’est-à-dire l’utilisation d’outils statistiques s’appliquant aux
mots du discours, est peu investie pour l’étude des relations internationales. À la croisée des sciences
du langage, des statistiques et de l’informatique, elle regroupe des méthodes quantitatives permettant
un traitement du discours »624.

620
BAILLOT, A., EMPRIN, F. et RAMEL, F., « Des mots et des discours : du quantitatif au qualitatif », In DEVIN,
G., (dir), Méthodes de recherche en relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2016, pp. 227-246, p.
227.
621
Idem.
622
Idem.
623
Idem.
624
BAILLOT, A., EMPRIN, F. et RAMEL, F., « Des mots et des discours : du quantitatif au qualitatif »… Op. cit., p.
228.

Page | 217
D’après eux, face à un grand corpus qui rend « difficile une analyse fine et subtile » et qui
renforce de ce fait « la tendance à n’y chercher que ce que l’on veut y voir, […] la lexicométrie
fournit des outils utilisables pour dépasser ces difficultés et révéler au chercheur des aspects non
détectables manuellement »625. Deux de ces outils comprennent notamment « le calcul des
occurrences de mots » (combien de fois le mot est-il présent ?) et le calcul des « co-occurrences »
(quels sont les mots utilisés ensemble dans les mêmes unités sémantiques ?).

Alors que l’analyse des occurrences répond à des questions typiques que l’on se pose
devant un texte concernant le vocabulaire caractéristique, les thèmes dominants, le genre littéraire,
le nombre de mots utilisés par phrase, etc., le dispositif d’analyse qui exploite les co-occurrences
est tout autre. Ledit dispositif s’appuie sur les travaux de Max REINERT et part de l’hypothèse
suivant laquelle « des segments de textes riches en co-occurrences se situent dans le même « mode
lexical », et ces « mondes lexicaux » peuvent être interprétés par le chercheur »626. Les auteurs de
préciser qu’en matière d’analyse lexicométrique, « l’usage de logiciels d’analyse textuelle est
indispensable »627.

B. Les méthodes de la pensée politique

Au sujet des méthodes de la pensée politique, BAILLOT, EMPRIN et RAMEL distinguent


trois types d’interprétations textuelles « tous connectées à des méthodes spécifiques : les
approches dites classique, marxiste et celle de l’Ecole de Cambridge »628.

Concernant les approches classiques ou « méthode exégétique des Classiques », incarnées


principalement par Leo STRAUSS, les auteurs soulignent que l’objectif :

« Consiste à retrouver l’esprit qui animait les Anciens car « la signification de la philosophie politique
comme son importance est aussi évidente aujourd’hui qu’elle l’a constamment été depuis sa naissance
à Athènes » »629.

Cette approche, soulignent-ils, privilégie une double composante :

625
Idem.
626
Ibid., p. 229.
627
Idem.
628
Ibid., p. 237.
629
BAILLOT, A., EMPRIN, F. et RAMEL, F., « Des mots et des discours : du quantitatif au qualitatif »… Op. cit.,
pp. 237-238.

Page | 218
« Tout d’abord, elle s’appuie sur le texte, uniquement le texte. Cette exégèse repose sur l’étude
soignée des concepts utilisés, leur signification et leurs propriétés. […] La seconde composante est
de nature ésotérique (à savoir le sens caché). L’analyste doit savoir lire « entre les lignes », puisque
l’auteur lui-même peut dissimuler ses idées majeures en fonction de son contexte d’écriture »630.

Tout en se focalisant sur ce que l’on peut qualifier de monuments dans l’histoire de la
pensée, cette méthode, soulignent encore les auteurs :

« Ne prend pas pour objet les discours officiels des praticiens politiques »631. Elle « ne peut prendre
comme source documentaire les discours eux-mêmes. Elle privilégie un retour aux textes produits par
les philosophes […] concernant la politique étrangère et les relations internationales »632.

Abordant en suite la méthode analogique d’origine marxiste dans le champ des méthodes
de la pensée politique, BAILLOT, EMPRIN et RAMEL partent d’une citation de MARX suivant
laquelle « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire
leur existence sociale qui détermine leur conscience »633. Ce, pour souligner que la méthode
analogique vise à :

« Faire de tout texte politique le produit des intérêts que porte son auteur. C’est donc l’analogie qui
l’emporte in situ, à savoir la correspondance étroite entre le contenu des textes étudiés et la structure
sociale et économique au moment de leur rédaction »634.

Cette tendance méthodologique est particulièrement usitée par la théorie critique,


d’inspiration néomarxiste, qui a généré un grand nombre de travaux en relations internationales,
dont ceux de Robert COX. Ce dernier fait en partie sien, soulignent les auteurs :

« Le concept d’hégémonie élaboré par Antonio GRAMSCI (l’hégémonie repose sur un discours de
légitimation qui confond l’intérêt particulier d’une puissance avec celui de l’ensemble de
l’humanité) »635.

630
Ibid., p. 238.
631
Idem.
632
Ibid., p. 239.
633
Idem.
634
Idem. C’est à ce niveau que l’on perçoit plus nettement le rapprochement avec la définition et les caractéristiques
du discours et de l’analyse du discours que propose Dominique MAINGUENEAU. Voir infra, MAINGUENEAU, D.,
Discours et analyse du discours, Paris : Armand Colin, 2014.
635
BAILLOT, A., EMPRIN, F. et RAMEL, F., « Des mots et des discours : du quantitatif au qualitatif »… Op. cit.
239-240.

Page | 219
A titre illustratif, BAILLOT, EMPRIN et RAMEL citent les discours des présidents
américains (BUSH et OBAMA), qui « présentent cette caractéristique d’avoir une tendance à
confondre les intérêts des Etats-Unis avec ceux de l’ensemble des Etats »636. Une caractéristique
qui affleure particulièrement, d’après eux, « lorsqu’il s’agit de soutenir les valeurs de liberté à
l’étranger, notamment en Afrique »637.

Pour ce qui est enfin de la méthode historienne de l’Ecole de Cambridge dans les
approches de la pensée politique, qui se veut « historienne et langagière »638 :

« Il s’agit tout d’abord d’identifier le moment et les textes précis où un nouveau concept (ou un autre
usage d’une convention existante) émerge. Le texte est alors appréhendé non plus seulement en soi
mais comme un acte. L’auteur fait quelque chose en s’adressant à ses lecteurs en choisissant une
manière d’exposer sa pensée »639.

Les auteurs repèrent, à la suite de SKINNER, les principaux écueils qui peuvent se
présenter à l’analyste qui tente de se servir de la méthode historienne de l’analyse du discours en
relations internationales : « l’anachronisme ou le fait de se tromper sur les intentions de
l’auteur »640. Ils estiment que « ces deux risques se confondent en un seul : la mise en relief d’une
mythologie des idées (celles-ci ne varieraient pas dans le temps, conférant une signification unique
à travers les âges) »641.

Pour illustrer, ils prennent à nouveau le cas d’espèce des discours sur l’état de l’Union des
présidents américains, dans lesquels :

« C’est la catégorie d’« Etats voyous » qui permet d’appliquer le modèle d’analyse en question. […]
Cette convention [catégorie Etats voyous] permet d’identifier une cible étatique comme un ennemi
dans des circonstances caractérisées par un certain flou sur l’origine des menaces terroristes
transnationales »642.

636
Ibid., p. 240.
637
Idem.
638
Ibid., p. 241.
639
Idem.
640
Idem.
641
Ibid., pp. 241-242.
642
BAILLOT, A., EMPRIN, F. et RAMEL, F., « Des mots et des discours : du quantitatif au qualitatif »… Op. cit., p.
242.

Page | 220
De façon générale, BAILLOT, EMPRIN et RAMEL pensent que les différentes méthodes
issues de l’histoire des idées :

« Reposent sur des divergences à l’égard des propriétés constitutives d’un texte ou bien à l’égard des
finalités qui entourent leurs méthodes respectives. Les classiques se limitent aux textes des
philosophes ou des grands penseurs du politique (conception restrictive) qui dialoguent entre eux à
travers les âges. Les marxistes procèdent à une première extension des textes (philosophiques et
politiques), tout en dévoilant les dominations qu’ils initient ou maintiennent. L’Ecole de Cambridge
adopte une conception très élargie du matériau textuel. Elle se fixe comme but d’expliquer les
intentions sous-jacentes aux conventions utilisées par les auteurs dans un contexte qui demeure
singulier »643.

Au demeurant, les auteurs soulignent que de leur point de vue, les méthodes de la pensée
politique restent peu utilisées par les internationalistes644. Pourtant, ils sont d’avis que ces
approches présentent « des qualités heuristiques pour étudier les données textuelles au cœur des
travaux en relations internationales »645. Leur utilisation inciterait en effet « à une meilleure
historicisation des concepts utilisés en relations internationales »646, permettant de ce fait « un
regard nouveau et réflexif sur les objets étudiés, ancrés dans un contexte contemporain »647.

C’est toutefois dans cette observation de fin que la pertinence du travail proposé par
BAILLOT, EMPRIN et RAMEL semble se résumée :

« Si ces méthodes peuvent être utilisées isolément, leur articulation s’avère aussi féconde pour faire
émerger de nouveaux questionnements, éviter des erreurs d’interprétation et finalement s’éloigner du
risque d’une lecture superficielle des textes »648,649.

Il reste donc que notre travail appartient au champ de ceux qualifiés de « discursivistes »
par Dominique MAINGUENEAU. Ce, dans le sens où, à l’aide des modélisations graphiques et
de la cartographie, couplées aux démarches analytiques géopolitique et hypothético-inductive

643
Ibid., p. 244.
644
Tout comme la lexicométrie.
645
Ibid., p. 244.
646
Ibid., pp. 244-245
647
Ibid., p. 145.
648
Idem.
649
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’

Page | 221
propre à la sociologie des relations internationales, nous procédons à une analyse du discours
diplomatique du Cameroun à partir d’un corpus qui s’étend de 1982 à 2002.

Tout en revenant chaque fois qu’il sera nécessaire au tendances graphiques et


cartographiques du discours géodiplomatique présidentiel tel qu’élaborées dans la première partie
de ce travail, il sera question pour nous d’étendre l’analyse en nous inspirant de la méthode
analogique d’inspiration marxiste de la pensée politique en relations internationales.

Cela implique de considérer le discours diplomatique et donc la géodiplomatie


présidentielle camerounaise, comme le produit des intérêts qu’a porté le président de la République
Paul BIYA tout au long de ses 20 premières années de magistrature suprême. A ce titre, il sera
question de ressortir les correspondances existantes entre le contenu catégoriel du discours
diplomatique voire géodiplomatique présidentiel, et les mutations géostratégiques et
géoéconomiques de la société ou mieux de l’ordre international, au moment de son énoncé ou de
son déploiement.

Pour chaque moment de l’analyse que nous ferons donc dans ce chapitre, nous tenterons
une analogie entre diplomatie et géodiplomatie présidentielles discursives et contexte
d’énonciation/déploiement.

Aussi ressortirons-nous d’abord les mutations ou les évolutions géostratégiques et


géoéconomiques du contexte international ou mondial (Section I), auxquelles seront rapportées,
dans un deuxième temps, la diplomatie et la géodiplomatie présidentielles discursives
camerounaises telles qu’elles se sont manifestées entre 1982 et 2002 (Section II).

SECTION I.- LES MUTATIONS DE L’ORDRE INTERNATIONAL (1982-


2002) : UN RAPPEL PRÉALABLE

Référons-nous, au préalable, à la contribution de Martin MOTTE, en l’an 2000, dans le


Dictionnaire de stratégie650, pour définir le concept de géostratégie. Ce, en ayant à l’esprit que

650
MOTTE, M., « Géostratégie », in De MONTBRILA, T., et KLEIN, J. (dir), Dictionnaire de stratégie, Paris : PUF,
2000, pp. 263-270.

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cette définition s’avère importante pour la compréhension des mutations de l’ordre international
telles que nous les présentons.

Partant de André VIGARIE, définissant la géostratégie comme « l’ensemble des


comportements de défense aux plus vastes dimensions, et avec la plus grande variété des moyens
d’action »651 à l’observation de H. G. WELLS suivant laquelle « les aéronefs changent la nature
de la guerre qui cesse d’être affaire de fronts pour devenir affaire de théâtres »652 grâce à un
« « décloisonnement » des divers théâtres terrestres, maritime et aérien »653, en passant par la
distinction tactique-stratégie-géostratégie suivant laquelle :

« La tactique opère à l’échelle topographique et envisage l’application des feux et du choc, c’est-à-
dire la liaison des armes. La stratégie opérationnelle concerne la manœuvre des forces à l’échelle du
théâtre. Dès lors, on peut admettre avec le colonel BOTTI que la géostratégie se déploie à l’échelle
« macrogéographique » […] fonction des moyens de transport et du volume des armées, […] échelle
[…] où l’espace change la pratique stratégique « classique » en pratique géostratégique »654,

L’auteur parvient à définir la géostratégie comme la :

« Partie de la stratégie générale militaire qui traite des opérations à l’échelle macrogéographique,
c’est-à-dire à une dimension spatiale suffisante pour exclure la constitution d’un théâtre unique. Son
objet propre est la coordination stratégique et logistique des différents théâtres, envisagée dans sa
relation aux divers milieux physiques comme aux configurations spatiales »655.

La compréhension du concept de géostratégie est davantage facilitée par la présentation


tabulaire de la hiérarchie des échelles de la stratégie générale militaire que propose l’auteur.

651
MOTTE, M., « Géostratégie », in De MONTBRILA, T., et KLEIN, J. (dir), Dictionnaire de stratégie,… Op. cit.,
p. 266.
652
Ibid. p. 267.
653
Idem.
654
Ibid., pp. 266-267.
655
Ibid., p. 268.

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Tableau 26: Définir la géostratégie

Echelle Objet

Tactique Topographique Liaison des armées

Stratégie opérationnelle « de théâtre » Manœuvre des forces sur le


théâtre

Géostratégie Macrogéographique Coordination des théâtres

Source : MOTTE, M., « Géostratégie », in De MONTBRILA, T., et KLEIN, J. (dir), Dictionnaire de stratégie,… Op.
cit., p. 268.

La géoéconomie, dont l’ébauche s’est faite, d’après Philippe MOREAU DEFARGES, à la


fin du XXe siècle, sera quant à elle appréhendée ici au sens dudit auteur, comme cette démarche
qui :

« Examine les interactions entre l’homo économicus et l’espace : poids des facteurs spatiaux dans les
productions, les échanges humains ; utilisation de l’espace par l’homme pour le déploiement de ses
activités »656.

Tout comme la stratégie opérationnelle (action sur un théâtre d’opération) se voit


complétée par la géostratégie qui implique un changement d’échelle intégrant une possibilité
d’action sur plusieurs théâtres d’opérations y compris à l’échelle planétaire, nous nous proposons
d’adjoindre à la géoéconomie (saisine des interactions entre l’homo économicus et l’espace au
niveau des théâtres à l’échelle nationale, sous-régionale ou régionale) une macro-géoéconomie
(pour faire allusion aux effets sur les choix étatiques des enjeux économiques sur une pluralité de
théâtres d’opération à l’échelle de la planète voire au-delà)657.

656
MOREAU DEFARGES, P., Introduction à la géopolitique, Op. cit., p. 155.
657
La démarche macro-géoéconomique que nous proposons entends analyser le choc en retour en termes de choix
politiques des Etats, des influences sur l’économie mondiale de certains facteurs sociopolitiques (guerres) et
socioéconomiques (crises financières ou chocs pétroliers) ou encore environnementaux (changements climatiques),
qui ont exercé une influence préalable sur l’économie mondiale. Nous entendons alors la faire correspondre à la
géostratégie, en termes d’échelles d’analyse. Elle se veut néanmoins différente de la microéconomie (qui s’intéresse
aux enjeux économiques à l’échelle des individus et des entreprises à l’intérieur d’un Etat) et de la macroéconomie
(s’intéressant aux échanges commerciaux et financiers internationaux).

Page | 224
Ainsi, après avoir considéré avec Raymond ARON que « tout ordre international, jusqu’à
nos jours, a été essentiellement territorial »658 et que « l’espace peut être considéré tour à tour
comme milieu, théâtre et enjeu de la politique étrangère »659, il nous incombe, dans ce travail
d’inscription spatiale de la diplomatie présidentielle par le discours, de présenter tour à tour les
mutations politico-diplomatiques et géostratégiques (Paragraphe I), ainsi que macro-
géoéconomiques (Paragraphe II) auxquelles l’ordre international a été soumis sur les 20
premières années de déploiement de la géodiplomatie discursive du président Paul BIYA. Choses
qui l’ont affecté ou déterminé d’une manière ou d’une autre.

Paragraphe I.- Les mutations politico-géostratégiques

Quand Paul BIYA arrive au pouvoir, le monde politico-diplomatique des blocs vie les
dernières années de son apogée géostratégique entamée suite aux deux grandes guerres du XXe
siècle (1914-1918 et 1939-1945) et achevée au début des années 1990. Aussi convient-il de
rappeler succinctement les mutations politico-géopolitiques qui ont eu lieux avant le tournant des
années 1990 (A), et aborder par la suite celles ayant structuré l’ordre international entre 1990 et
2002, année qui s’avère être la borne supérieure de notre corpus (B).

A. L’ordre international d’avant 1990 : fin de la guerre froide…

L’atlas des relations internationales, rédigée sous la direction de Pascal BONIFACE et


publié en 2003, donne un certain nombre d’éléments historiques pertinents, que nous résumons
ici.

Entrons dans cette présentation succincte à partir de la période immédiate de l’après


deuxième guerre mondiale, caractérisée par un profond antagonisme Est/Ouest. En effet, les
auteurs dudit atlas nous renseignent en les termes ci-après au sujet de la guerre froide et de la
détente qui l’a caractérisée en se manifestant dès l’année 1962 :

« De 1945 à 1989, les relations internationales sont dominées par le clivage Est/Ouest. Les
Occidentaux – ceux qui sont à l’ouest du rideau de fer – font alors face au bloc de l’Est. A la tête de

658
ARON, R., Paix et guerre entre les nations, Paris : Calmann-Lévy, 1984, p. 187.
659
ARON, R., Paix et guerre entre les nations… Op. cit., p. 188.

Page | 225
chaque camp, une superpuissance, les Etats-Unis d’un côté, l’Union Soviétique de l’autre. Autour
d’elles s’organisent deux alliances militaires : l’OTAN et le pacte de Varsovie »660.

C’est l’antagonisme ainsi amorcée qui prendra la forme de ce qui est devenu la guerre
froide. Allant plus loin, les auteurs de l’atlas des relations internationales précisent que :

« L’expression « guerre froide » a été utilisée pour la première fois en 1947 par l’Américain Bernard
BARUCH. Elle fut popularisée par l’éditorialiste Walter LIPPMANN. La guerre froide fut tout sauf
une guerre. Soviétiques et Américains prirent soin de s’arrêter au seuil du conflit en laissant chaque
fois à l’autre le soin de déclencher les hostilités (blocus de Berlin), ou en utilisant leurs alliés
respectifs (guerre de Corée). Mais la division du monde rendait impossible tout retour à une paix
véritable. Il n’y avait pas comme dans le système classique des nations, aux XXVIII e et XIXe siècles,
de rivalités au sein d’un système commun. […] Le conflit ne se développe jamais à l’extrême. Il y a
des menaces, des invectives mais le conflit est soumis à une certaine rationalité car la guerre froide
ne porte pas sur des intérêts vitaux (territoires, ressources essentielles, survie des deux grands
rivaux). La dissuasion nucléaire rend donc la guerre improbable mais la division fait que la paix
véritable est impossible »661.

Ils décomposent lesdites relations Est/Ouest en deux grandes périodes : « la guerre froide
(1947-1962) et la détente (1962-1979) auxquelles succèdent deux périodes plus brèves : une
nouvelle guerre froide (1979-1985) et une nouvelle détente (1985-1989) »662. C’est, d’après eux,
l’ensemble de la période 1947-1989 qui est qualifiée de guerre froide663.

Globalement, durant cette période, il s’agissait pour les deux Grands, d’assurer le
développement maximal d’« une puissance militaire invulnérable et de se doter du réseau d’alliés
le plus large possible. Il en a résulté une course aux armements qui s’est révélée exténuante »664,
conduisant à l’effondrement de l’URSS et, conséquemment, à la fin de la guerre froide dès 1989,
soit sept ans après l’arrivée à la tête de l’Etat du Cameroun, du président Paul BIYA. Même si, le

660
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Op. cit., p. 24.
661
Idem.
662
Idem.
663
Par détente, il convient d’entendre la prise de conscience par les Etats-Unis de leur affaiblissement relatif depuis
1945 les ayant poussés au dialogue avec l’Est, suite à la guerre au Vietnam et son enlisement, ainsi que du fait de la
menace crédible d’une guerre nucléaire (vers le début des années 1960) alors que la vulnérabilité du territoire
américain aux armes soviétiques se faisait de plus en plus sentir. « Pendant la détente, les deux Grands veulent établir
un dialogue bilatéral, suivi, régulier et constructif ». L’arrivé de Mikhaïl GORBATCHEV au pouvoir en Union
Soviétique en mars 1985 et sa politique de perestroîka finit par aboutir à la fin des relations Est/Ouest. Voir
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Ibid., pp. 24-25.
664
Ibid., p. 32.

Page | 226
démantèlement de l’URSS devint officiel en décembre 1991, constaté par GORBATCHEV lui-
même qui démissionnât de ses fonctions de secrétaires général du parti communiste le 25 décembre
1991.

Tout ce qui précède faisait dire au président Paul BIYA, s’adressant au corps diplomatique
à Yaoundé, le 7 janvier 1994, que :

« La chute du mur de Berlin, il y a 4 ans, annonçait la fin de l'affrontement Est-Ouest. Cet événement,
un des plus importants et des plus spectaculaires de cette moitié du vingtième siècle, remettait
totalement en question l'ordre ancien de Yalta. Par-là, il faisait naître de grands espoirs dans les
domaines : de la paix et de la sécurité ; des libertés ; des droits de l'homme et de la démocratie »665.

Ce, malgré :

« […] la résurgence, çà et là des nationalismes et des intégrismes, la persistance d'anciens conflits et


l'émergence de nouveaux foyers de tensions, l'inégalité croissante dans le partage des richesses du
monde, tout cela montre bien que le chemin à parcourir reste encore long et semé d'embûches »666.

Quid du contexte de l’époque marqué par l’émergence du tiers-monde suite à la


décolonisation ?

B. … décolonisation et émergence du tiers-monde

La période 1947-1989 a également été marquée par la survenance d’un événement


international d’envergure qui, tout en étant un effet du modelage géostratégique jusque-là observé
du monde, avait en retour fortement participé à remodeler l’ordre mondial lui-même jusqu’à ce
jour. Il s’agit de la décolonisation et de l’émergence conséquente du tiers-monde667.

En effet, la majeure partie des Etats d’Amérique latine, d’Afrique, dont le Cameroun, ainsi
que d’Asie du Sud-Est, accèdent à l’indépendance entre 1960 et 1975. L’accession à
l’indépendance de la Namibie, dernier Etat africain à le faire, survient en 1990, en pleine période

665
Cité par AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel Op. cit., p. 558.
666
Cité par AMBOMO, C., Ibid., p. 558.
667
D’après Pascal BONIFACE et al., « c’est à la veille de la conférence de Bandung (avril 1955) que Georges
BLAANDIER et Alfred SAUVY inventent le concept de « tiers-monde » pour qualifier les pays du Sud exclus du
développement. Créée par référence au tiers-état, acteur central de la Révolution française, la notion est bien
accueillie par les pays en voie de décolonisation. Depuis, elle s’est compliquée, le singulier laissant la place à un
pluriel : au tiers-monde succèdent les tiers-mondes ». BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Ibid.,
p. 28.

Page | 227
de démantèlement de l’URSS668 et donc de fin de la guerre froide. La carte ci-après permet de
récapituler la situation de la décolonisation du monde.

Figure 136: La décolonisation depuis 1947

Source : BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… p. 27.

L’on constate qu’à la faveur des décolonisations, la situation de ce qui est connu
aujourd’hui comme le tiers-monde, 25 ans après, soit en 1985, sera peu reluisante. L’on observe
en effet « la permanence des désordres politiques et des impasses socio-économiques dans les
pays en voie de développement »669. Toutes choses qui, d’après Pascal BONIFACE et al.,

668
L’arrivée de Paul BIYA à la magistrature suprême du Cameroun le 6 novembre 1982 coïncide avec la mort de
BREJNEV, cinquième chef d’Etat soviétique, le 10 novembre. BONIFACE rappelle d’ailleurs qu’« il y eut de 1917 à
1982 quatre secrétaires généraux du PCUS (LENINE, STLAINE, KHROUCHTCHEV, BREJNEV) et autant entre
1982 et 1985 (BREJNEV, ANDROPOV, TCHERNENKO, GORBATCHEV) ». Voir BONIFACE, P., Le grand livre de
la géopolitique : les relations internationales depuis 1945, Paris : Groupes Eyrolles, 2014, p. 149.
669
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Op. cit., p. 26.

Page | 228
« démontre[nt] toute la complexité à conjuguer reconnaissance internationale, libertés intérieures
et essor économique »670.

L’observation générale qui est faite présente en effet un tableau bien sombre :

« L’émergence des nouveaux pays industrialisés en Asie péninsulaire contraste avec la misère de la
quasi-totalité des Etats africains en proie […] à la guerre, la famine et les épidémies… Rares sont les
pays qui ont réussi à combiner développement et démocratie, prospérité et liberté »671.

Pire, le regroupement desdits nouveaux Etats au sein d’organisations régionales


n’améliorera pas leur situation peu envieuse. Pascal BONIFACE et al. soulignent davantage dans
ce sens que :

« Bien que regroupés en Organisations Internationales, Ligue arabe (1945), Organisation des Etats
américains (1948), Organisation de l’Unité Africaine (1963), les Etats indépendants n’en sont pas
moins incapables de résoudre pacifiquement leurs antagonismes. Toutes les organisations régionales
affichent leur volonté de résoudre pacifiquement les conflits »672.

Après avoir, pendant un certain temps, mis en avant la bonne santé de l’économie
camerounaise et partant du Cameroun dans un monde atteint de plein fouet par les répercussions
néfastes des chocs pétroliers des années 1970, le président Paul BIYA adopte une posture plus
réaliste. Comme le souligne Claudine AMBOMO :

« Dès les années 1987-88 – la crise économique est à son paroxysme –, l’utopie s’estompe peu à peu
dans le discours présidentiel pour ne plus réapparaître au premier plan comme elle a pu l’être dans
la période du « Renouveau ». Paul BIYA reconnaît l’existence de la crise – d’abord internationale ce
qui, dans son argumentaire, le dédouane de ses responsabilités – et comme pour conjurer la crise,
dessine alors le Cameroun utopique de demain, pour demain »673.

Surtout que, les inégalités économiques entre pays du Nord et du Sud ne cessent de
s’approfondir. Le président Paul BIYA déplorait en effet, dans son discours d’ouverture de la
quatre-vingt septième conférence de l’Union Interparlementaire, tenue à Yaoundé, le 6 avril 1992,

670
Idem., p. 26.
671
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Op. cit., p. 26.
672
Ibid., p. 27.
673
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel…Op. cit., p. 146.

Page | 229
le fait que malgré la réduction des tensions dans le monde et les réformes démocratiques qui
s’opéraient à l’époque au sein des Nations :

« La démocratisation des relations internationales que nous appelons de tous nos vœux, n’avance
pas à la même vitesse. La fin de la rivalité Est-Ouest n’a pas mis un terme à la marginalisation des
pays du Tiers-Monde. De nouvelles formes d’hégémonie apparaissent. L’influence des Etats sur la
marche des affaires du monde reste fonction de leur puissance. Les conditions pour l’avènement d’un
nouvel ordre économique international plus juste ne sont toujours pas réunies »674.

Que dire, à ce point, des mutations macro-géoéconomiques de l’ordre international au cours


des 20 premières années de magistère de Paul BIYA ?

Paragraphe II.- Les mutations macro-géoéconomiques


Si, comme nous le verrons au chapitre IV, les principes de politique étrangère du Cameroun
sont issus des contextes géostratégique et macro-géoéconomique mondiaux de l’après deuxième
guerre mondiale, cristallisés par les leaders tiers-mondistes des années 1950, la géodiplomatie
présidentielle camerounaise elle, par ses trajectoires sur la période considérée par cette étude, a été
affectée par les développements, aussi bien du contexte géostratégique ci-dessus rappelé, que de
celui macro-géoéconomique ci-après souligné. Un résumé de ce dernier s’impose en effet, en vue
des développements futurs, en prenant les bornes temporelles 1970-2002 marquées par la crise
économique (A) et l’avènement de la mondialisation (B).

A. De 1970 à 2002 : entre crises économiques…

Les sources historiques, à l’instar du média en ligne www.cap-concours.fr, nous


fournissent des informations édifiantes au sujet du premier choc pétrolier, qui se produit en
octobre 1973. En effet, à l'occasion de la guerre du Kippour (conflit entre certains pays arabes et
Israël), les pays de l'OPEP multiplient par quatre le prix du pétrole675. Aucune analyse de fonds de
notre part n’étant nécessaire à ce stade, étant entendu que nous n’envisageons résoudre aucun
problème lié à la redéfinition des faits historiques, nous nous sommes contentés de reprendre

674
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 341.
675
La majeure partie des données historiques présentées dans les deux sous-parties de ce paragraphe, a été tirée du
site internet : https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, consulté le 11 avril 2020.

Page | 230
intégralement ici, en respectant au maximum de nos possibilités les règles de citation scientifiques
en la matière676, les développements historiques proposés par le site internet suscité. Nous
effectuerons sur la base desdits faits, et dans la section suivante, l’analyse analogique qui nous
incombe en partant des données géodiplomatiques présidentielles que nous avons établi au chapitre
II.

« Les répercussions sur l'économie des pays industrialisés, très dépendants de cette source d'énergie,
se font rapidement sentir : le prix de l'essence augmente, les importations diminuent, les entreprises
produisent moins, vendent plus cher et licencient. L'inflation s'accélère, le chômage augmente. Ces
phénomènes sont accrus par le second choc pétrolier en 1979. En réalité, la croissance
exceptionnelle commencée en 1945 s'est déjà essoufflée lorsque survient le premier choc pétrolier.
Dès 1971, les États-Unis décident de suspendre la convertibilité du dollar en or. Chaque pays peut
désormais faire varier la valeur de sa monnaie. Le désordre monétaire s'accroît. À cela s'ajoute
une baisse généralisée de la consommation. Les familles sont maintenant bien équipées, leur pouvoir
d'achat ne progresse plus et la société de consommation est de plus en plus mise en cause »677.

Dans son message des vœux de Nouvel An à la Nation, le 31 décembre 1987, le président
Paul BIYA observe en effet avec gravité que :

« L’année qui s’achève a été une année difficile pour l’économie mondiale. Les cours des matières
premières n’ont cessé de s’effriter sous l’effet conjugué de la baisse du dollar et d’une demande
insuffisante. La tornade qui s’est abattue en octobre sur les grandes places financières du monde a
accru encore l’instabilité des monnaies et des prix des produits. L’argent est devenu plus cher et plus
rare à un moment où les ressources des pays du Sud ne sont pas ce qu’elles devraient être »678.

La crise touche surtout les secteurs d'activités traditionnels : le textile, les charbonnages et la sidérurgie
(principalement localisés aux États-Unis et en Europe). Les reconversions sont nécessaires mais
difficiles à engager, notamment face à la concurrence des NPI (nouveaux pays industriels)679.

676
Notamment les règles proposées par le site spécialisé www.complilatio.net, à savoir la reprise des références et la
mise en forme spéciale du texte.
677
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Op. cit.
678
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 43.
679
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Ibid.

Page | 231
Pour améliorer leurs coûts de production, certaines entreprises (industries textile, électronique et
automobile) se délocalisent dans le Sud-Est asiatique, l’Afrique du Nord ou l’Amérique latine, où la
main-d'œuvre est abondante et bon marché680.

Aux États-Unis, au Japon et en Europe, on encourage la recherche : de nouvelles industries se


développent (microélectronique, biotechnologie, aérospatiale, etc.)681.

Comme le note encore le président Paul BIYA, en 1987 :

« Personne n’a été épargné par la crise et chacun doit y répondre à sa manière. Américains comme
Soviétiques ou Chinois, Européens ou Africains. Le Cameroun, comme les autres, est touché à travers
ses ventes de café, de cacao, de pétrole, de coton, et une concurrence commerciale de plus en plus
dure. […] la dernière main sera mise au plan de stabilisation […] qui, dans les différents domaines
de l’économie et des finances, sera la réponse camerounaise au défi qui nous est lancé. […] En
contribuant à réduire les déséquilibres, à protéger notre tissu économique des atteintes de l’extérieur,
à renforcer nos points forts dans la production agricole comme dans la production minière, à
continuer à diversifier notre économie pour la rendre moins vulnérable aux chocs extérieurs et plus
à même de répondre à l’attente légitime des Camerounais et Camerounaises, ce plan renforcera
encore le jugement positif porté par la communauté financière internationale et permettra au
Cameroun de tirer le meilleur avantage du capital de confiance, d’estime et de solidarité, qu’il s’est
constitué au fil des ans. L’ensemble de la communauté financière internationale, grandes institutions
multilatérales comme amis proches du Cameroun, pourra ainsi apporter son appui au plan que nous
aurons nous-mêmes conçu et dont la vigueur témoignera de notre détermination et de nos efforts »682.

Dans les années 1990, les États ont choisi de se désengager pour mieux stimuler les entreprises.
Déréglementation, réduction des impôts, libéralisation des prix, privatisations, etc., ont porté leurs
fruits ; mais ce choix a souvent eu pour effet de pénaliser les personnes les plus modestes683.

À l'aube du XXIe siècle, la reprise se fait dans le cadre de la mondialisation. Sous le contrôle renforcé
des firmes multinationales, les échanges s'accroissent plus vite que la production. Les pays émergents
comme la Chine, l’Inde ou le Brésil fragilisent les positions des pays les plus riches. L’Organisation

680
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Op. cit.
681
Idem.
682
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews … Vol. 2 (1987-1992), Ibid., pp. 44-45.
683
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Ibid.

Page | 232
mondiale du commerce (OMC) s’efforce de mettre en place des règles de concurrence loyale entre les
États684.

La nouvelle donne internationale n'a pas réussi à résorber le chômage dans les pays du Nord. Les
femmes, les travailleurs peu qualifiés et les jeunes sont particulièrement touchés. L’écart entre les
plus riches et les plus pauvres, qui s’était réduit durant les Trente Glorieuses, se creuse à nouveau685.

Dans les pays du Sud, la croissance profite à une partie de la population ; mais les conditions de
travail des ouvriers sont souvent pénibles et les mesures de protection sociale pratiquement
inexistantes. Le travail des enfants se perpétue686.

Le ralentissement de la croissance dans les pays riches réduit les recettes fiscales alors que le
vieillissement des populations nécessite de nouvelles aides. Certains pays comme la France ou les
États scandinaves maintiennent leur système de solidarité, mais beaucoup (États-Unis, Grande-
Bretagne) y renoncent687.

Au final, la crise ne remet pas en cause la société de consommation et de loisirs ; mais le partage des
fruits de la croissance ne se fait pas de manière équitable et nourrit de nouvelles formes de
contestation688.

Il convient également d’illustrer, pour notre gouverne, les mutations sociétales majeures de
l’ordre internationale qui ont caractérisées la situation macro-géoéconomique sur la période
considérée.

Parlant des évolutions démographique et socioéconomique, il convient de relever que, dans la seconde
moitié du XXe siècle, la plupart des pays, y compris la Chine, entrent dans une phase de transition
démographique. Dans un premier temps, les populations connaissent un accroissement exceptionnel
(baby-boom). Puis le nombre de naissances diminue, sous l'effet de divers facteurs sociaux-culturels.
Dans ce domaine, mieux vaut nuancer. Par exemple, le développement de la contraception et du travail
des femmes, qui accompagne ce processus, ne suffit pas à l'expliquer : en effet, la population française
actuelle, qui a largement recours à ces pratiques, a pourtant l’un des plus forts taux de natalité d’Europe
(en hausse !), loin devant l’Allemagne, qui partage le même mode de vie689.

684
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Op. cit.
685
Idem.
686
Idem.
687
Idem.
688
Idem.
689
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Op. cit.

Page | 233
Parallèlement, les progrès de la médecine permettent de vivre plus longtemps. Ainsi le vieillissement
de la population s’accentue, particulièrement dans les pays développés690.

La période se caractérise également par une urbanisation massive. Dans les pays développés, plus
de huit habitants sur dix vivent désormais en ville. Dans les pays en voie de développement, la
croissance urbaine est considérable, en raison d’un exode rural massif691.

Dans le même temps, la répartition de la population active par secteur économique évolue.
L’importance de l'activité agricole diminue. Dans l’industrie, dont l’activité s'est nettement ralentie,
le nombre d'ouvriers est en régression. Le secteur tertiaire (commerce et services) progresse en
revanche fortement. Il regroupe désormais près de 70 % des actifs dans les pays développés.
L’évolution des pays en développement est plus contrastée : certains nouveaux pays industrialisés
(NPI) comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, ont mis en place une véritable politique industrielle, alors
que la plupart des pays d’Afrique noire peinent à se développer692.

Sur les plans social et culturel, avec l’émancipation des femmes, le rôle de chacun dans la famille
évolue. Les rapports entre les jeunes et les plus âgés changent. Les mariages se font plus tardifs mais
aussi plus fragiles ; le nombre de familles monoparentales ou recomposées s’accroît693.

Dans les pays développés, le nombre des étudiants a été multiplié par six entre 1950 et 1970. À
l’inverse, en Afrique, on comptait encore de très nombreux analphabètes en 2000. Il est important de
noter par ailleurs que l’illettrisme touche tous les pays du monde, y compris les pays développés 694.

Dans les pays développés, l’élévation du niveau de vie et la diminution du temps de travail permettent
à la population d’avoir plus de loisirs. L’essor des moyens de transport favorise le développement du
tourisme de masse695.

Le développement des moyens de communication (télévision par satellite, réseau Internet) élargit
l’accès à l'information. La publicité influence les modes de consommation. L’uniformisation des
modes de vie qui en résulte reste toutefois incomplète et superficielle. En outre, elle produit des
métissages culturels et suscitent des phénomènes de rejets identitaires qui en limitent la portée 696.

690
Idem.
691
Idem.
692
Idem.
693
Idem.
694
https://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/les-epreuves-du-crpe/les-evolutions-
economiques-et-sociales-depuis-1973-mas_his_54, Op. cit.
695
Idem.
696
Idem.

Page | 234
C’est l’ère de la mondialisation qui s’ouvre.

B. … et mondialisation

La méthode historique, rappelons-le, consiste en l’accumulation des matériaux dans le


temps pour, « à travers eux, laisser parler les faits »697. Il est de bon ton pour nous de relever, à
partir des sources archivistiques existantes, les données historiques qui permettent de saisir les
contours du phénomène de mondialisation. Ramenées à notre analyse par analogie de la
géodiplomatie présidentielle, lesdites données permettront une compréhension systématique et
totale des trajectoires géodiplomatiques du chef de l’Etat camerounais.

Pour y parvenir, revenons une fois de plus aux développements proposés par Pascal
BONIFACE.

D’après l’Atlas des relations internationales, qu’il dirige en 2003 :

« Le terme de mondialisation est une traduction du mot américain globalisation, apparu au début des
années 1980. Il décrivait initialement la convergence des marchés dans le monde et la facilité
croissante de circulation de flux financiers. Son sens est élargi très rapidement à l’ensemble des
échanges entre les différentes parties du globe et à leur accélération, grâce aux nouveaux moyens de
communication »698.

Il s’agit d’un phénomène ancien, dont les premières manifestations remontent :

« A la fin du XVe et au début du XVIe siècle. La découverte de la rotondité de la Terre, de la


« circumnavigation », et celle de nouveaux mondes ont eu un impact exceptionnel. En effet, l’historien
Fernand BRAUDEL parlait déjà « d’économie-monde » pour définir le système économique
international aux temps des empires espagnol et britannique »699.

Cette tendance à la globalité potentielle de l’espace, à la « planétarité » de certains


phénomènes ou événements, a été rapidement confirmée par le krach boursier de 1929 et les deux
guerres mondiales. De même :

697
GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales… Op. cit.,
698
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales, Paris : Hatier, 2003, p. 8.
699
Idem.

Page | 235
« A la fin de la seconde guerre mondiale, la compétition entre Washington et Moscou va revêtir
également un caractère global. Soviétiques et Américains s’affronteront par alliés interposés sur
l’ensemble des continents »700.

Toutefois, dans son émergence actuelle, c’est-à-dire au XXIe siècle, la mondialisation est
totalement différente des phénomènes sus-évoqués. BONIFACE et al. notent en effet dans ce sens
que :

« […] c’est aujourd’hui la modification des notions d’espaces et de temps qui est un phénomène
nouveau. Les moyens modernes de communications ont supprimé les distances et ont révolutionné les
relations entre les différentes parties du monde, tant par les modes de déplacement que par celui des
communication (avion, téléphone, télécopie puis Internet). Tout devient proche et immédiat. Les
distances et les frontières semblent abolies. Aujourd’hui les personnes et les marchandises, tout
comme les flux financiers, la technologie et l’information franchissent les frontières avec une rapidité
et une facilité sans précédent, à tel point que l’idée de la fin des frontières a été évoquée »701.

Cette présentation générale de la mondialisation à laquelle procède l’Atlas des relations


internationales concorde avec la définition qu’en donne le Fonds monétaire international (FMI).
Les auteurs reprennent d’ailleurs ladite définition, qui présente la mondialisation comme :

« […] l’interdépendance économique croissante de l’ensemble des pays du monde. Celle-ci est
provoquée par l’augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontalières de biens
et de services, par le flux de capitaux en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de
la technologie »702.

De façon générale, BONIFACE et al. concluent au sujet du phénomène complexe de


mondialisation, que l’émergence de ce dernier :

700
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales,… Op. cit., p. 8..
701
Idem. Il convient néanmoins ici de souligner qu’aujourd’hui, cette lecture du « tout mouvant » à l’international
pour faire référence à la mondialisation, s’avère tempérée par les différents épisodes d’épidémies et de pandémies
qu’a subi la planète depuis le début du XXIe siècle, et plus spécifiquement par la survenance, depuis fin décembre
2019, de la pandémie à Covid-19. Le monde se met ainsi à envisager de plus en plus, un autre modèle à la
mondialisation à même de permettre une réaction efficace et rapide des communautés humaines face à des menaces
biologiques et bactériologiques susceptibles d’envahir en un temps record, l’ensemble du globe terrestre, décimant au
passage l’espèce humaine.
702
Idem.

Page | 236
« Résulte de la combinaison du libéralisme économique et de l’innovation technologique – notamment
des technologies de l’information-, mais également de la fin du clivage Est/Ouest, suite à la chute du
communisme »703.

En conséquence, la mondialisation :

« Ne concerne plus uniquement la seule sphère économique mais aussi les relations humaines, les
échanges culturels, les phénomènes sportifs, les loisirs, la politiques, etc. […] Aujourd’hui, les
identités et les références sont multiples et non plus uniques. Les évènements du 11 septembre 2001
ont montré un autre aspect – tragique – de la mondialisation. Dans un monde globalisé, il n’est plus
possible de penser être à l’abri des désordres et tumultes du monde »704.

Pour Bertrand BADIE, la mondialisation est le phénomène qui a le mieux révélé à la face
du monde ce qu’il qualifie d’« échec de l’Etat importé »705. Dans la préface de l’édition 2017 de
son ouvrage L’Etat importé : essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique, il souligne que :

« […] non seulement la mondialisation suppose sept milliards d’acteurs internationaux potentiels,
mais son accélération et sa diffusion vers le Sud obligent à concevoir des formes d’Etat extrêmement
diversifiées et tout un ensemble d’acteurs politiques autonomes avec lesquels il est difficile d’imaginer
des partenariats »706.

Mieux, la mondialisation, d’après Bertrand BADIE :

« Décrit la constitution d’un système international qui tend vers l’unification de ses règles, de ses
valeurs, de ses objectifs, tout en prétendant intégrer en son sein l’ensemble de l’humanité. Inédit dans
l’histoire, le processus semble naturellement conforter voire consacrer l’hypothèse de la convergence.
Il en marque en fait les limites en laissant apparaître plusieurs inconséquences : activant
l’importation des modèles occidentaux dans les sociétés du Sud, il en révèle l’inadéquation ; incitant
les sociétés périphériques à s’adapter, il suscite des espoirs d’innovation tout en risquant de les
tromper ; précipitant l’unification du monde, il encourage la renaissance et l’affirmation des

703
Idem.
704
Ibid., p. 9.
705
BADIE, B., L’Etat importé : essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique, Paris : Librairie Arthème Fayard,
1992.
706
Ibid., p. XVIII. Dans ce nouveau contexte, l’auteur décri le système international comme ayant deux étages : « une
assemblée d’Etats exprimée par l’Assemblée générale des Nations Unies, mais constituée de nombreux ersatz, entités
impuissantes et parfois irréelles ; un ensemble d’acteurs forgeant le quotidien réel de la vie internationale, avec un
très bas niveau de partenariat, de coopération et d’accord sur les règles du jeu ». Idem.

Page | 237
individualités ; dotant l’ordre international d’un centre de pouvoir plus structuré que jamais, il tend
à le conflictualiser davantage »707.

Allant plus loin, l’auteur estime que la scène internationale qui dérive de la mondialisation
est marquée par l’illusion des puissances occidentales. Une illusion plurielle qui s’illustre en
particulier quand il s’agit de parler de la mondialisation, « qu’on conjugue sur le mode de
l’occidentalité, alors qu’il faudrait la faire rimer avec l’altérité »708. Il est alors question, d’après
lui, de « construire l’altérité en substitut à l’hégémonie » à travers notamment « le
multilatéralisme, une diplomatie à rénover, une intersociabilité qu’on doit apprendre à gérer, une
coopération internationale qu’il convient de renforcer, un respect pour la différence qu’il est
temps de cultiver »709.

Une nécessité encore plus prégnante aujourd’hui, le monde faisant face à la pandémie à
Covid-19 qui n’est néanmoins pas l’objet du présent travail. Nous y reviendrons subséquemment.
Pour l’heure, après ces rappels contextuels géostratégique et macro-géoéconomique, est venu le
moment de l’analogie analytique dans le sens des méthodes de la pensées politiques en relations
internationales, en tant que variable de l’analyse du discours. Comment la géodiplomatie
présidentielle camerounaise sous le président Paul BIYA, au cours de ses 20 premières années de
magistrature suprême, a-t-elle été déterminée par le poids du contexte ci-dessus rappelé ?

SECTION II.- L’ADAPTATION GÉODIPLOMATIQUE : UNE ANALYSE


DISCURSIVO-ANALOGIQUE DES ORIENTATIONS DIPLOMATIQUES
PRÉSIDENTIELLES

D’après le Dictionnaire en ligne Encyclopédie.fr, l’irénologie est un terme construit « à


partir de la racine grecque signifiant paix ». Il s’agit de « la science de la paix ». Le terme, qui
signifie « peace research » en anglais, renvoi à l’une « des sous-disciplines composant les études
de sécurité. Elle constitue un pendant de la polémologie qui est l`étude des phénomènes
conflictuels (polémogènes) »710.

707
BADIE, B., L’Etat importé… Op. cit., p. 10.
708
Ibid., pp. XX-XXI.
709
Ibid., pp. XXI-XXII.
710
http://www.encyclopedie.fr/definition/Ir%C3%A9nologie, consulté le 27 mars 2020.

Page | 238
Le Cabinet d’expertise Steve ABADIE-ROSIER ne dit pas autre chose quand il présente
l’irénologie comme « la science de la paix et l’une des sous-disciplines composant les études de
sécurité. Elle constitue un pendant de la polémologie qui est l’étude des phénomènes conflictuels
(polémogènes) »711. Pour aller plus loin, ledit organisme souligne que

« Après une phase réputée militante/gauchiste (années 1970), l’irénologie a gagné en crédibilité. Elle
est probablement devenue la branche la plus interdisciplinaire des études de sécurité associant des
juristes, politologues, philosophes, sociologues, éthiciens, anthropologues, psychologues,
psychanalystes, criminologues voire des écologues, travaillant avec des ONG, l’ONU et certains États
(Europe du Nord). La discipline est aujourd’hui composée de divers domaines de recherche et
d’action que sont : Droit des conflits armés ; maîtrise des armements et désarmement (désarmement
nucléaire) ; interventions internationales et maintien de la paix ; prévention et résolution non-violente
des conflits (sciences psychologiques) ; reconstruction des sociétés ravagées par la guerre (séquelles
de guerre, résilience) ; sociologie des mouvements pacifiques »712.

L’irénologie diplomatique est l’un des domaines qui participent à étendre le champ de la
théorisation diplomatique.

Comme le relèvent BALZACQ, CHARRILLON et RAMEL713, depuis les années 1980,


les auteurs de la théorisation des études diplomatiques se répartissent en deux groupes :

« Un groupe dans lequel on retrouve NICOLSON et BERRIDGE […], situe la diplomatie dans
l’environnement des rapports de sécurité interétatiques. En ce sens, la diplomatie s’occupe d’abord,
voire exclusivement, de haute politique. L’autre groupe prend le contre-pied de cette approche, en
postulant que la diplomatie est beaucoup plus extensive que ne le laissent entendre les tenants d’une
approche de la haute politique. Elle couvre non seulement les questions de sécurité, mais aussi, au
moins, les enjeux commerciaux et culturels (cf. LANGHORNE, 2004 ; LEE et HUDSON, 2004 ;
HOCKING, 1999) »714.

Ces deux groups de pensée sur la théorisation diplomatique permettent d’établir qu’en
réalité, les diplomaties sécuritaire, culturelle et commerciale s’inscrivent dans la continuité de la

711
https://www.expertises-steveabadierosier.com/irenologie/, consulté le 27 mars 2020.
712
Idem.
713
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie », In
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F. (dir), Manuel de diplomatie¸ Paris : Presses de Sciences Po., 2018,
pp. 7-22.
714
Ibid., p. 15.

Page | 239
diplomatie de paix ou irénologique, sans laquelle elles ne sauraient être possibles. Il s’agit dans ce
sens, mieux qu’une diplomatie compartimentée ou cloisonnée, d’une diplomatie globale.

Aussi, convient-il de se poser la question de savoir dans quelle mesure l’analyse de la


géodiplomatie présidentielle sous le président Paul BIYA, saisit au travers de ses discours, dévoile-
t-elle sa contribution à l’avènement et/ou au maintien d’un climat de paix et de sécurité au
Cameroun et dans le monde ?

Nous examinerons donc, tour à tour, la géodiplomatie présidentielle discursive de paix ou


irénologique et de sécurité (Paragraphe I), avant de s’intéresser au sort que ladite géodiplomatie
aura réservé aux questions culturelles et de diplomatie publique sur la période considérée
(Paragraphe II).

Paragraphe I.- Les dimensions irénologique et sécuritaire de la géodiplomatie


présidentielle camerounaise : analyse d’une adaptation au « temps mondial »715

A l’analyse, la diplomatie présidentielle de paix ou irénologique du président Paul BIYA,


entre 1982 et 2002, a eu une projection discursive certaine sur le continent africain, sans que cette
tendance ne soit suivie d’un géodynamisme comparable (A). Quant à sa diplomatie sécuritaire,
davantage tournée vers une activité discursive de sécuritisation des menaces transnationales à la
sécurité pesant sur les valeurs Centrales du Cameroun, il faut attendre la fin effective de la
confrontation Est/Ouest pour la voir se déployer de façon plus vivace dans le cadre des rencontres
multilatérales au plan sous-régional (B). Le tableau qui se dessine est donc celui d’une diplomatie
de paix dans le sens que donne Raymond ARON à ce dernier concept, à savoir « la suspension
plus ou moins durable, des modalités violentes de la rivalité entre unités politiques »716. C’est
dans une perspective plurielle de plaidoyer et unique de médiation collective, que s’est déployée
la diplomatie présidentielle de paix de Paul BIYA. Saisissant l’occasion de ses visites d’Etat et ou

715
Selon Zaki LAÏDI « les historiens sont les premiers à avoir parlé de temps mondial », le père de l’idée étant
l’historien allemand Wolfram EBERHARD pour qui le temps mondial « développerait à l’échelle internationale un
certain nombre d’idées ou de valeurs rendant certaines pratiques ou attitudes possibles – ou légitimes – et d’autres
impraticables et illégitimes ». LAÏDI y voit donc une « temporalité ambiante qui délimiterait le champ du possible
politique ». Pour l’ensemble de ces développements voir LAÏDI, Z., « Le temps mondial », In Marie-Claude SMOUTS
(dir), Les nouvelles Relations internationales : Pratiques et théories, Paris : Presses de Science Po., 1998, pp. 183-
202.
716
ARON, R., Paix et guerre entre les nations, Paris: Clamann-Lévy, 3e édt, 2004, p. 158.

Page | 240
de travail chez ses homologues, ainsi que celles de ces derniers au Cameroun, il s’est très souvent
adressé au monde par haut dignitaires étrangers interposés.

Les questions de sécurité, et en particulier de sécurité humaine ou globale, ont très peu
animé sa géodiplomatie avant la fin de la guerre froide. Il a fallu attendre l’année 1994 pour le voir
s’activer sur ce front, même si l’on est obligé de constater que cela s’est davantage fait en terre
camerounaise, dans le cadre de l’accueil par le pays des sommets et conférences multilatéraux. La
diplomatie de paix du président Paul BIYA a donc davantage été bilatérale et active, alors que
celle sécuritaire a plus été multilatérale et passive.

A. La diplomatie présidentielle biyayiste de paix entre 1982 et 2002 : une régionalité


discursive engagée mais géodynamiquement limitée…

Nos observations et l’analyse de notre corpus permettent d’établir que la géodiplomatie de


paix du président Paul BIYA, entre 1982 et 2002, s’est effectuée à travers l’offre de ses bons
offices et de sa médiation sur le continent africain, dans une logique de parachèvement d’une
implication ancienne portée préalablement par son prédécesseur.

Pour rappel, les bons offices existent lorsqu’une tierce partie tente d’amener les camps
opposés à engager des négociations, tandis que la médiation implique la participation active de la
tierce partie elle-même dans le processus de négociation. Ladite tierce partie peut être un individu
ou des individus (chefs d’Etat ou autres personnalités ), un Etat ou groupe d’Etats, une organisation
internationale. Le président Paul BIYA s’est retrouvé, à pas moins de trois reprises, dans l’une et
l’autre de ces deux postures propres au règlement diplomatiques des différends inter ou
infranationaux sur le continent africain. Que ce soit dans le cas de la résolution du conflit angolais
en tant que partie prenante du processus de médiation (1), du plaidoyer dans le sens des bons
offices en faveur de l’indépendance de la Namibie et contre son occupation par l’Afrique du Sud
(2) ou de l’appel constant au règlement des conflits frontaliers entre les Etats membres de la
Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) comme le Tchad et le Nigéria (3)717.

717
Nous attirons l’attention des lecteurs sur le fait que nous reprenons quasi-entièrement ici, une partie de notre
contribution au numéro spécial 2020 du magazine institutionnel Hommage à la République, portant sur les 100 actions
du président Paul BIYA en faveur de la paix.

Page | 241
1. Participation à la résolution du conflit angolais

Le 15 janvier 1975 furent signés les Accords d’Alvor, fixant l’indépendance de l’Angola
au 11 novembre 1975. Cet événement faisait suite à une lutte armée entamée le 4 février 1961 par
le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) contrôlant le centre du pays, suivi par
le Front National de Libération de l’Angola (FNLA) au nord, tous deux reconnus par l’OUA en
1963 et 1964, et opposés à l’Union pour l’Indépendance Totale de l’Angola (UNITA) créé
également en 1961 par Jonas SAVIMBI et soutenue par l’administration coloniale portugaise718.

Globalement, et à de nombreuses reprises, le discours politico-diplomatique camerounais


avait condamné « la politique coloniale du Portugla et prôné l’indépendance de l’Angola dans la
réconciliation nationale »719. A partir de 1974 les principaux soutiens occidentaux du Portugal
étaient également condamnés par Yaoundé, dont les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne,
l’Italie, et plus largement l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)720.

C’est dans ce contexte que, le 6 janvier 1975, Monsieur Luiz de AZEVEDO JUNIOR,
membre du Comité central et membre du Bureau politique du MPLA, visita le Cameroun en tant
qu’émissaire d’Agostinho NETO. Au terme de son séjour à Yaoundé, il déclara que « le Cameroun
par ses bons offices auprès du Portugla, peut aider à la solution du problème de la décolonisation
de l’Angola »721. Aussi le Chef de l’Etat du Cameroun reconnaissait-il la « République Populaire
d’Angola » dans un message du 2 février 1976722.

Dès le 31 janvier 1975, une guerre civile éclata du fait des luttes de pouvoirs entre les trois
mouvements nationalistes angolais (MPLA, UNITA et FNLA) et l’échec de la mise sur pied d’un
gouvernement de transition. Considérant l’empreinte indélébile déjà laissée par le Cameroun dans
le processus d’accession à la souveraineté internationale de l’Angola, le président Paul BIYA
adopta, après son accession à la magistrature suprême le 6 novembre 1982, une posture propre à
ce que PALIER appelle la « dépendance au chemin emprunté » ou « path dependency »723. Cette

718
OYONO, D., Avec ou sans la France ? La politique africaine du Cameroun depuis 1960, Paris : L’Harmattan,
1990, pp. 120-121.
719
Ibid., p. 122.
720
Ibid.
721
Ibid., p. 124.
722
Ibid., pp. 130-131.
723
PALIER, B., « « Path dependency » (Dépendance au chemin emprunté) », in BOUSSAGUET, L., JACQUOT, S.,
et RAVINET, P., (dir), Dictionnaire des politiques publiques, Paris : Presses de Sciences Po., 2014, pp. 411-419.

Page | 242
dernière s’est traduite par une contribution vivace à l’action panafricaine collective visant le retour
définitif à la paix et à la réconciliation nationales en Angola.

Dans une déclaration à la presse à Yaoundé le 22 juin 1989, à l’issue du sommet de


Gbadolite (Nord-ouest du Zaïre) sur l’Angola ayant rassemblé 19 chefs d’Etat africains, le
président Paul BIYA soulignait que :

« […] notre réunion au Zaïre, aujourd’hui, avait pour but principal, de chercher à apporter une
contribution à la réconciliation nationale dans ce pays frère. […] Aujourd’hui, il fallait faire le point
des contacts pris […]. Après des discussions extrêmement serrées, mais franches, sincères, je peux
dire qu’un pas qui peut s’avérer important a été fait dans le sens de la réconciliation nationale. C’est
ainsi que le Président de la République d’Angola et le principal adversaire, le Dr. SAVIMBI, sont
tombés d’accord sur un certain nombre de principes, notamment sur celui de mettre un terme aux
ingérences étrangères qui alimentent le conflit. Ils ont également, après de longues discussions avec
les Chefs d’Etat, accepté l’idée d’un cessez-le-feu qui doit entrer en vigueur dans deux jours, le 24
juin à 0 heure. Une autre décision qui me paraît importante est celle qui consiste à mettre en œuvre
une commission chargée d’intégrer les anciens éléments de l’UNITA dans les structures nationales :
que ce soit les structures militaires ou civiles »724.

En effet, le président Paul BIYA figurait, en juin 1989, dans la délégation des Chefs d’Etat
et de gouvernements représentants la vingtaine des pays africains, conviés par le président
MOBUTU du Zaïre pour trouver une solution pacifique à la guerre civile angolaise qui durait déjà
depuis 14 ans. Il s’agit de l’un des rares cas de situations conflictuelles infraétatiques sur le
continent, où le président BIYA arbore le costume de médiateur collectif. Ledit sommet avait alors
été slaué par les observateurs avertis qui l’ont qualifié d’« historique » du fait notamment de la
poignée de mains « fraternelle », selon les termes du communiqué final, et inédite entre le président
Dos SANTOS et son adversaire politique Jonas SAVIMBI725. Un geste qui, de l’avis des analystes,
symbolisait « la fin de la guerre civile et le début d’une ère nouvelle consacrée au développement
économique et sociale du pays »726. Toutes choses que le président BIYA avait qualifié de «
victoire pour l’Angola, […] succès pour le Zaïre et […] une réussite pour toute l’Afrique »727.

724
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), pp. 525-526.
725
Voir https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/06/24/angola-apres-quinze-ans-de-guerre-civile-accord-de-
cessez-le-feu-entre-luanda-et-l-unita_4138755_1819218.html, consulté le 3 mars 2020.
726
https://www.lesoir.be/art/angola_t-19890623-Z01RGM.html, consulté le 3 mars 2020.
727
Idem.

Page | 243
Toutefois, la suite des événements ne donna raison ni auxdits observaters avertis, ni au chef
d’Etat camerounais. Il a en effet fallu attendre février 2002 pour voir le conflit angolais s’achever,
avec l’assassinat de Jonas SAVIMBI728. Toutes choses qui pourraient expliquer le fait que le
président BIYA se contentera à l’avenir, d’une simple action de bons offices sans engagement
géodynamique dans les cas de conflits infra ou internationaux qui surviendront sur le continent.

2. Plaidoyer diplomatique en faveur de l’indépendance de la Namibie et contre son


occupation par l’Afrique du Sud

Le plaidoyer consiste en un exposé oral ou écrit, un discours qui défend une idée, une
cause, une personne. Fidèle au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres
Etats, mais attaché au règlement pacifique des différends internationaux et à l’intangibilité des
frontières héritées de la colonisation, principe cardinal de l’OUA dont le Cameroun fut l’un des
Etats fondateurs, le président Paul BIYA avait opté pour une approche diplomatique souple mais
efficace en vue de peser de tout son poids pour l’accession de la Namibie à la souveraineté
internationale et sa non occupation par l’Afrique du Sud. Il était question d’œuvrer pour la
protection non seulement du droit des peuples à disposer d’eux même mais également et surtout
du respect du droit international librement consenti.

Un bref rappel historique s’impose. En effet, face au refus de l’Union de l’Afrique du Sud,
entre 1946 et 1960, de se conformer à la recommandation de l’ONU suivi d’une soixantaine de
résolutions y relatives, demandant le placement de la Namibie (jusque-là territoire sous « mandat
C » de la Société des Nations, et de ce fait gouverné par l’Afrique du Sud « comme faisant partie
intégrante de son territoire ») sous le régime de tutelle, l’OUA se trouva forcée de mandater le
Cameroun en vue de la présentation, le 2 novembre 1969 d’un « Manifeste sur les problèmes de
l’Afrique Australe » au cours de la 24e session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Par la
voix du Cameroun, les chefs d’Etat de l’OUA demandèrent alors « l’accession immédiate à
l’indépendance de l’ancienne colonie allemande en tant qu’entité distincte de l’Afrique du Sud
»729. La « South West Africa People’s Organisation » (SWAPO) était alors apparue comme « le

728
Voir Jeune Afrique « Ce jour-là : le 22 février 2002, mort du chef rebelle angolais Jonas Savimbi »,
https://www.jeuneafrique.com/92916/politique/mort-du-chef-rebelle-angolais-jonas-savimbi-2/, consulté le 3 mars
2020.
729
OYONO, D., Avec ou sans la France ?..., Op. cit., pp. 137-138.

Page | 244
seul et authentique représentant du peuple namibien, reconnu comme tel par la communauté
internationale »730 y compris le Cameroun.

Ayant entre temps accédé à la magistrature suprême, le 6 novembre 1982, le président Paul
BIYA, continua à entretenir des relations étroites avec la SWAPO, en fournissant au mouvement
nationaliste namibien des contributions financières et en accueillant ses réfugiés. C’est ainsi que,
comme le souligne Dieudonné OYONO, en 1982, le gouvernement avait décidé de « verser une
contribution spéciale de 7 100 000 FCFA au fonds spécial de la SWAPO créé dans le cadre du
Plan d’action d’Arusha pour l’indépendance de la Namibie »731.

Le 15 décembre 1985, Sam NUJOMA Secrétaire général de la SWAPO, visita le


Cameroun, visite au cours de laquelle il affirma que « le Cameroun fournissait à son mouvement
un appui politique, moral, matériel et financier à la lutte qu’il menait pour la libéralisation de la
Namibie »732.

Aussi, dès 1982 et ce jusqu’en 1989, à la faveur de ses discours et déclarations, le président
Paul BIYA a poursuivi inlassablement le plaidoyer diplomatique dans le cadre du soutien à la
SWAPO et à l’accession de la Namibie à l’indépendance, que ce soit dans les aspects
diplomatiques de ses discours de politique générale au Cameroun, ceux à l’occasion de ses visites
d’Etat ou de travail à l’étranger, et ceux à l’occasion de l’acceuil de ses homologues et assimilés
ou de l’organisation de sommets et conférences diverses. Les exemples abondent.

Dans son allocution devant le corps diplomatique à l’occasion des vœux de Nouvel An, le
30 décembre 1982 à Yaoundé, il déclara que :

« Nous dénonçons les manœuvres dilatoires de l’Afrique du Sud en vue d’entraver le processus
d’accession de la Namibie à l’indépendance et les complicités qui les favorisent, de même que nous
stigmatisons les agressions perpétrées par l’Afrique du Sud contre l’Angola, le Lesotho et les autres
Etats de la Ligne de Front »733.

Dans une interview accordée à Cameroon Tribune Hebdomadaire à l’issue d’une visite
officielle au Nigéria, le 19 avril 1983, il dénonça « […] l’occupation illégale de la Namibie par

730
Idem..
731
Ibid., p. 143.
732
Ibid., pp. 143-144.
733
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews… Vol. 1 (1982-1986), Op. cit., pp. 510-511.

Page | 245
l’Afrique du Sud […] »734. Il n’en fit pas autrement dans le cadre de l’entretien qu’il accorda au
Club de la Presse du Tiers-Monde, le 18 juin 1983, lorsqu’il martela que :

« […] le Cameroun soutien le plan de règlement des Nations Unies, c’est-à-dire la résolution 435 qui
prévoit le droit de la Namibie à l’autodétermination et à l’indépendance. Nous soutenons la juste lutte
du peuple namibien pour son indépendance, et ce peuple namibien, pour nous, est dignement et
concrètement représenté au sein de la SWAPO »735.

Cette plaidoirie se poursuiva jusqu’à l’accession effective à la souveraineté internationale


de la Namibie, que ce soit dans son message des vœux de Nouvel An à la Nation, le 31 décembre
1984 où il déplora « la persistance du colonialisme en Namibie »736 tout en réaffirmant avec force
son « opposition à la politique de Pretoria »737 ; à l’occasion de l’interview accordée à l’agence
Chine nouvelle, le 25 mars 1987 à Yaoundé ; dans son Toast au banquet en l’honneur du
Chancelier allemand HELMUT KOHL, le 16 novembre 1987 à Yaoundé ou celui prononcé au
banquet en l’honneur du président nigérian, Général BABANGIDA en visite officielle au
Cameroun, le 8 décembre 1987 à Yaoundé, ou encore celui également prononcé au dîner en
l’honneur de M. Javier Perez de CUELLAR, Secrétaire général de l’ONU, le 10 février 1988 à
Yaoundé738. A cette dernière occasion, il dénonça les « menaces dilatoires qui entravent
l’accession de la Namibie à l’indépendance »739 tout en demandant « l’application des sanctions
globales et obligatoires » en vue de « l’accession immédiate de la Namibie à l’indépendance »740.

Ce fut également le ton qu’il employa dans son discours de prestation de serment, le 13
mai 1988 à Yaoundé, de même que dans son discours devant le groupe africain de l’ONU, le 29
septembre 1988 à New-York et dans son message des vœux de Nouvel An à la Nation, le 31
décembre 1988 à Yaoundé741.

Au terme d’un processus long et complexe, et en partie grâce à l’implication résolue du


Cameroun à travers ses chefs d’Etat, implication parachevée par l’intense plaidoirie diplomatique

734
Ibid., pp. 602-603.
735
Ibid., pp. 629-630.
736
Ibid., p. 313.
737
Idem.
738
Pour toutes ces prises de position, voir BIYA, P., Anthologie des discours et interviews… Vol. 2 (1987-1992), Op.
cit.
739
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews… Vol. 2 (1987-1992), Op. cit., pp. 60-61.
740
Idem.
741
Idem.

Page | 246
et l’apport financier ordonné par le président Paul BIYA, l’indépendance de la Namibie fut
proclamée le 21 mars 1990. Ce pays d'Afrique Australe, dont la population est très majoritairement
noire, devint le dernier du continent à accéder à l'indépendance.

Complétons cette présentation en rappelant les conclusions auxquelles est arrivée Claudine
AMBOMO, qui relève qu’entre 1986 et 1987, le discours présidentiel cameounais, du point de vue
des occurrences des mots ou items clés :

« Se révèle marqué par une politique internationale plus audacieuse, construite autour de deux
éléments : la dénonciation de l’apartheid (+6) en l’(sic)Afrique du Sud (+7) et la situation de la
Namibie (+4) (occupation illégale de la Namibie +5). Sur ces sujets, Paul BIYA interpelle la
communauté internationale, plaidant en faveur de sanctions (+7) contre l’Afrique du Sud et appelant
celle-ci à se retirer de la Namibie »742.

Avec le temps, l’attention ireno-diplomatique du président BIYA s’est portée du cercle


médian africain, au cercle proche sous-régional, s’intéressant de plus en plus à éteindre des véléités
antagonistiques dans la région du Bassin du Lac Tchad.

3. L’appel à la pacification des antagonismes frontaliers dans le cadre de la CBLT

Dans un entretien avec le Club de la Presse du Tiers-Monde, le 18 juin 1983, le président


Paul BIYA a fait savoir à l’opinion publique nationale et internationale, son initiative tendant à
faire jouer ses bons offices en faveur du règlement pacifique du conflit frontalier qui avait cours
entre le Tchad et le Nigéria.

Répondant à la question :

« Votre pays a une frontière commune avec le Nigéria et le Tchad, dans la région du Lac Tchad où se
déroulent, depuis plusieurs semaines des incidents militaires. Des îlots camerounais auraient même
été occupés, dit-on. Comment réagissez-vous devant cette situation ? Comptez-vous prendre des
initiatives dans ce domaine ? »743,

Le président BIYA avait souligné en substance qu’ :

AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel…Op. cit., p. 191.


742
743
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986), p. 630.

Page | 247
« Effectivement, d’après les informations qui nous sont parvenues, les accrochages auraient eu lieu
entre les éléments de l’armée nigériane et des éléments de l’armée du Tchad. Aussi, nous avons pris
des contacts avec les Chefs d’Etat des deux pays en question, pour les inciter à régler leur différend
par des voies pacifiques. Nous avons été également informés de ce qu’une des îles camerounaises du
lac Tchad aurait, pendant un court moment, servi de position à une des factions de l’armée d’un des
pays voisins. Nous avons aussitôt pris les dispositions nécessaires et, à l’heure actuelle, je suis en
mesure de vous informer que les îles camerounaises du lac Tchad sont entièrement libres de toute
occupation. En tous cas, nous restons en liaison étroite avec les présidents SHAGARI et HISSENE
HABRE et, de même avec le président du Niger pour amener plus de sécurité dans la région et, surtout
pour conduire les Etats en conflit à trouver une solution pacifique à leurs différends »744.

Ces actions de bons offices ont logiquement trouvé leur prolongement au sein de la
Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), structure permanente de concertation et de
coordination des actions pouvant affecter les eaux du bassin du lac Tchad, et de règlement
pacifique des différends affectant ladite zone.

Rappelons que la CBLT a vu le jour le 22 mai 1964, lorsque les chefs d’État des pays
riverains du Lac, à savoir le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad, décidèrent, par la
Convention de Fort-Lamy (aujourd'hui N'Djamena), de mettre en place une structure permanente
de concertation. En 1999, un cinquième membre se joignit à la Commission à savoir la République
Centrafricaine. C’est aujourd’hui dans le cadre de cette organisme que sont coordonnées une partie
des actions entrant dans le cadre de la lutte contre l’insécurité que propage dans la région les
actions du groupe terroriste Boko Haram.

AMBOMO observe en la matière que :

« Durant cette sous période [1986-87], BIYA confirme sa posture internationale, et plus
particulièrement africaine (pays africains, Sahara Occidental, Angola…), se positionnant comme le
chantre de la paix »745.

La géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA telle qu’établit dans le deuxième chapitre


nous donne une lecture déphasée de cette conclusion, qui témoigne du décalage entre discours et
pratique diplomatique chez l’intéressé.

744
Idem.
745
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique … Op. cit., p. 195.

Page | 248
Jusqu’après la chute du mur de Berlin en 1989 et le démantèlement effectif de l’URSS en
1993, en passant par l’accession de la Namibie à l’indépendance en 1990, la géodiplomatie
présidentielle discursive sous Paul BIYA, c’est-à-dire l’inscription spatiale de son déploiement
discursif diplomatique actif (à l’étranger à l’occasion des visites à ses homologues ou de sa
participation aux sommets et conférences internationaux) et passif (au Cameroun à l’occasion de
la visite de ses homologues ou de l’accueil des conférences et sommets), se déploie sur le plan
bilatéral davantage passif (12 visites discursives des homologues et assimilés), qu’actif (08 visites
discursives à l’étranger). Ces visites d’Etat ou de travail n’impliquent à l’observation qu’un pays
africain à savoir, le Nigéria. Tous les autres pays impliqués son européens, en plus de la Chine
(seul Etat asiatique ayant appartenu au bloc de l’Est pendant la guerre froide). Pendant que son
discours appelait à la paix en Afrique, sa géodynamique le conduisait davantage vers l’Europe.
Toutes choses qui, à notre sens, viennent relativiser le rôle réel du chef de l’Etat camerounais dans
la pacification des antagonismes sur le continent africain, d’autant plus que sa géodynamique
s’avère également pauvre au niveau des visites au siège de l’organisation panafricaine l’OUA,
jusque dans la deuxième moitié de la décennie 1990.

Quelle configuration se dégage de sa géodiplomatie sécuritaire sur la période considérée ?

B. … et de sécurité : un changement de profil sécuritisationnel

Avant 1994, les menaces sécuritaires sous-régionales qui ont provoqué le déploiement
géodiplomatique du président Paul BIYA se limitaient, au sein de la Commission du Bassin du
Lac Tchad (CBLT), à des préoccupations d’ordre climatologiques. Ces dernières, avec les effets
néfastes de la crise économique, constituaient le tandem crisogène de la fin de la décennie 1980.

Il convient de lire le président Paul BIYA, au cours de son discours d’ouverture du septième
sommet de la Commission du Bassin du Lac Tchad, le 14 février 1990 à Yaoundé, pour s’en
convaincre. Après avoir rappelé les missions de la CBLT à savoir « d’une part, maintenir l’unité
des destins des riverains du Lac Tchad, au passé commun ; d’autre part, intensifier la coopération
des quatre Etats membres par la maîtrise des eaux du bassin et l’exploitation rationnelle de ses
ressources »746, le chef d’Etat camerounais déclarait en effet que :

746
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 176.

Page | 249
« Les résultats enregistrés peuvent sembler modestes au regard des exigences de plus en plus grandes
du développement. Mais, il ne faut pas oublier le contexte de crise économique, aggravé : par la
persistance de la sécheresse, par la désertification dans la sous-région, et par les menaces que
représentent les criquets et les oiseaux granivores »747.

Lesdites menaces, de façon plus précise, comprenaient la détérioration de la situation


climatologique (sècheresse, avancée du désert et assèchement des eaux du Lac Tchad) et l’impact
potentiel conjugué de l’effet de serre. Toutes choses qui avaient poussé les chefs d’Etat de la sous-
région à initier un certain nombre d’actions, comme le soulignait le président Paul BIYA :

« […] la détérioration de la situation climatologique de la sous-région était très préoccupante, la


persistance de la sécheresse et l’avancée du désert provoquant leurs effets néfastes sur le Lac Tchad
et son environnement. Aujourd’hui, cette situation risque de s’aggraver avec le développement de
l’effet de serre et son impact prévisible sur le Lac Tchad. Des instructions précises avaient alors été
données au Secrétariat exécutif de la Commission : il avait été décidé une étude définissant les
mesures à prendre pour réaliser le développement intégré du bassin conventionnel. Ce développement
devait tenir compte des relations avec les bassins voisins de la Haute Bénoué et de l’Oubangui, afin
d’arrêter l’assèchement du lac et d’utiliser rationnellement ses eaux et ses écosystèmes »748.

Mais plus que le climat, c’est l’économie et le commerce qui ont remporté la mise dans la
géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA pour ses premiers 20 ans de magistrature suprême, au
vu du nombre le plus élevé de ses participations aux sommets de l’UDEAC et de la CEEAC avant
la spécialisation irénologique et sécuritaire de cette dernière avec le sommet de Yaoundé de février
1999749.

La sécuritisation des menaces à la sécurité en vue de mobilisation conjointe au niveau sous-


régional va changer de profil dès 1994 en s’orientant davantage vers des objets de paix négative

747
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun … Vol. 2 (1987-
1992), Op. cit., p. 176.
748
Ibid., p. 177.
749
Le Cameroun a en effet accueilli, sur la période considérée, avec participation discursive du président BIYA, 03
sommets de l’UDEAC, soit le 18e (17 et 18 décembre 1982), le 24e (7 et 8 décembre 1988) et le 30e (21 et 22 décembre
1994). Alors que sur la même période, le président BIYA accueillait discursivement le 2 e sommet de la CEEAC les
23 et 24 janvier 1986 à Yaoundé (un an plus tard, le 27 août 1987 à Libreville au Gabon, il participait au 3 e sommet
de ladite nouvelle organisation d’intégration sous-régionale créée suite au Plan d’action de Lagos d’avril 1980 et sous
initiative gabonaise, le 18 octobre 1983). Par décision n° 001Y/FEV/25/1999 du 25 février 1999, les chefs d’Etat et
de gouvernement des pays d’Afrique Centrale réunis à Yaoundé, créaient le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique
Centrale (COPAX) afin de, entre autres, « renforcer davantage les liens fraternels de coopération entre les Etats de
l’Afrique Centrale face aux situations de crise et aux risques d’instabilité ». Il s’agissait d’une suite logique du Pacte
de non-agression signé entre lesdits Etats à Yaoundé, le 8 juillet 1996.

Page | 250
ou mieux de sécurité humaine. Des risques climatologiques à sécuritiser par le discours
diplomatique, l’on passera aux risques armés pesants sur l’intégrité physique des personnes et des
biens. C’est ainsi qu’à l’occasion de son message des vœux de nouvel An à la nation, le 31
décembre 1994, le président Paul BIYA soulignera que :

« S’agissant des problèmes de sécurité, nous avons établi des bases de collaboration avec les pays
voisins : avec le Tchad, pour enrayer l’insécurité qu’engendre les activités nuisibles des coupeurs de
routes dans la partie septentrionalaes (Sic) du pays ; avec tous les pays de la Sous-région, pour
asseoir, sous l’égide de l’ONU, des mesures de confiance mutuelle en Afrique Centrale »750.

Ce changement de profil diplomatico-sécuritisationnel se justifiait par le changement


analogue aux niveaux géostratégique et macro-géoéconomique de la planète, avec la fin de la
guerre froide (chute du mur de Berlin en 1989 et démantèlement de l’URSS en 1993) d’une part,
et les effets conjugués de la mondialisation d’autre part. Toutes choses qui faisaient dire à Paul
BIYA, au cours de son discours au douzième sommet des Non-alignés à Durban, le 7 septembre
1998, que :

« La société internationale, libérée de la rivalité Est-Ouest et frustrée des dividendes de la paix se


trouve plus que jamais à la croisée des chemins tant elle est en butte à de multiples contradictions. Si
on peut se féliciter des efforts déployés pour la mise en place d'instances de régulation internationale
au plan universel ou régional, on note en même temps, ce qui apparaît comme une régression : la
résurgence des nationalismes, de l'intolérance et des fanatismes ; la fragilisation des États souverains
par la multiplication des actes d'ingérence, des pressions voire des agressions ; la persistance des
guerres entre les États et à l'intérieur des États ; l'incapacité de mettre en place des stratégies globales
pour faire face aux défis planétaires tels que la paix et la sécurité internationales, l'environnement et
le développement […]. À la veille du troisième millénaire, l'Afrique se trouve être le théâtre de
tensions et de conflits. L'Asie, l'Amérique latine, le Moyen-Orient, n'échappent pas aux turbulences.
L'écart entre les pays du Nord et les Pays du Sud se creuse chaque jour davantage. Aujourd'hui, 20
% de la population mondiale détiennent encore 80 % du revenu de la planète. Parallèlement, les
rapports en capitaux et ressources extérieures sont sans cesse contractés. Pourtant, nos pays se sont
engagés dans des réformes profondes visant notamment à accélérer la promotion des droits de
l'homme et de l’État de droit, à assurer le développement économique et social ainsi que la protection
de l'environnement »751.

750
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002, Yaoundé
: Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002), p. 74.
751
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique… Op. cit., pp. 616-617.

Page | 251
Un bouleversement du monde qui a, semble-t-il, justifié le changement de posture
diplomatico-présidentielle camerounaise dans la sécuritisation des menaces à la sécurité,
notamment par un changement des objets prioritaires de la sécurité. Ce mouvement est encore plus
marqué aujourd’hui. Comme le note Charles-Philippe DAVID en 2013, le champ des relations
internationales traitant des questions politico-militaires a subi des évolutions importantes,
notamment en matière d’analyse des enjeux de sécurité. Une évolution dont les traces sont
perceptibles dans le discours diplomatique présidentiel camerounais du passage des années 1980
à la décennie 1990. Pour DAVID en effet, alors que dans les premières décennies de la guerre
froide :

« La sécurité était principalement conçue sur une base nationale, héritage des grandes guerres. Elle
est aujourd’hui davantage régionale, internationale ou globale […]. La prédominance des Etats est
confrontée à des interdépendances de plus en plus grandes et de toutes natures. De nouveaux
problèmes de sécurité, tels le trafic de drogue, le terrorisme islamique, le terrorisme cybernétique ou
la criminalité transfrontalière, forcent cette évolution et réorientent la formulation des stratégies. […]
La notion de défense étatique demeure mais tend à être complétée par celle des institutions de sécurité
où des organisations, des alliances et des coalitions œuvrent en faveur de la gestion de la paix plutôt
que de la guerre et où les appareils de défense sont de plus en plus assujettis aux contraintes
multilatérales »752.

Ainsi, ajoute DAVID :

« Le concept de sécurité purement militaire – propre à l’âge d’or des études stratégiques – est
progressivement contesté par les tenants du concept de la sécurité humaine, en vertu duquel le droit
à l’existence et à une qualité de vie (souvent liée aux dimensions non militaires de sécurité) est
considéré comme fondamental et prévalant sur le droit à la souveraineté et l’intégrité territoriale des
Etats »753.

Aussi convient-il de préciser, au vu de tout ce qui précède, que la géodiplomatie sécuritaire


présidentielle doit être perçue ici, non pas au sens de la participation du président BIYA à l’action
de sécurisation proprement dite, mais plutôt au sens de son action de « sécuritisation » dans la
perspective constructiviste critique. Il s’agit alors d’identifier les lieux diplomatico-discursifs du
président Paul BIYA à la faveur desquels il tente de convaincre les partenaires internationaux sur

752
DAVID, C-P., La guerre et la paix… Op. cit., p.34.
753
Idem.

Page | 252
la nécessité de leur mobilisation en assistance au Cameroun, à la sous-région Afrique Centrale
et/ou au continent africain, en vue de faire face aux menaces sécuritaires qui se posent.

Nous avons eu recours à cette démarche analytique en termes de sécuritisation quand il


s’est agi, en 2017, de contribuer aux Mélanges en l’honneur du Professeur Laurent ZANG, portant
sur les nouveaux profils de la diplomatie africaine. Nous avons en effet, à cette occasion, réfléchi
sur la « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest : la sécuritisation de la
menace terroriste dans l’analyse d’un changement de profil diplomatique »754. Le travail proposé
a eu pour objectifs de : discuter de la pertinence du concept de diplomatie sécuritaire dans son
processus de consécration, en prenant le prétexte de l’analyse du changement dans le profil des
diplomaties africaines de quête de sécurité ; et d’observer dans quelle mesure la sécuritisation de
la menace terroriste dans les contextes d’Afrique Centrale et de l’Ouest, a permis la transformation
de l’enjeu de sécurité du contre-terrorisme local et ciblé en enjeux de sécurité global en vue de
l’attraction des moyens de sécurisation.

Pour se faire, nous avons appliqué les postulats de la théorie sociologique de la


sécuritisation aux diplomaties à visée sécuritaire d’Afrique Centrale et de l’Ouest, avant et après
le 11 septembre 2001, toutes choses qui ont permis de comprendre que la diplomatie sécuritaire
dans ces sous-régions a vraisemblablement changé d’approche discursive et donc de profil. Nous
avons en définitive, posé le constat suivant lequel la diplomatie sécuritaire africaine post 11
septembre 2001 révèle une dialectique stratégique impliquant la volonté des fragiles pays africains
d’assurer la continuité de la politique d’attraction de l’aide publique au développement en
amplifiant discursivement les effets possibles de la terreur tout azimute causée par le terrorisme755.

L’occasion de cette contribution nous a également permis de procéder à une clarification


du concept de diplomatie sécuritaire qui, jusque-là, semblait souffrir d’un certain déterminisme
américano-centré.

Nous y soulignions en effet que :

754
NYONKA’A, J., T., « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest : la sécuritisation de la
menace terroriste dans l’analyse d’un changement de profil diplomatique », in Mélanges en l’honneur du professeur
Laurent ZANG, La diplomatie africaine au XXIe siècle : profil(s), enjeux et défis, inédit.
755
NYONKA’A, J., T., « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest… Ibid.

Page | 253
« La diplomatie sécuritaire sera considérée dans ce travail comme la mobilisation opérationnelle
dans ses dimensions discursive, juridique et spatio-dynamique, de l’outil diplomatique en vue
d’assurer la sécurité. Cette proposition de définition se veut, convient-il de le souligner, opératoire.
En effet, le concept de diplomatie sécuritaire poursuit encore sa consécration. Une tentative de cerner
ses contours révèlent, en filigrane, un certain malaise. Celui-ci semble lié à une empreinte
déterministe756, Occidentalo-centrée, plus ou moins inavouée. Il ressort en effet des définitions
proposées jusqu’ici par la doctrine, par ailleurs essentiellement anglo-saxonne et notamment
américaine, une présentation de la diplomatie sécuritaire comme activité d’une puissance qui apporte
son soutien diplomatico-matériel à une autre, avec en retour, le gain d’un certain capital symbolique,
voire d’une position stratégique »757.

Après avoir rappelé la perception limitée qu’a la discipline des Relations internationales
anglo-américaine de la diplomatie sécuritaire, à travers notamment les travaux de Nicholas D.
KRON758, nous soulignions que :

« Il découle de ce qui précède que pour les Etats qui s’auto-perçoivent comme puissances, car
jouissant d’une certaine position hégémonique par rapport aux autres Etats, ou qui sont perçus par
ces derniers comme tels, la diplomatie sécuritaire renverra à une activité d’offre des moyens de la
sécurité aux pays les moins viables sur le plan sécuritaire. De notre point de vue, si à toute offre
devrait correspondre une demande, au-delà de l’offre des moyens de la sécurité, la diplomatie
sécuritaire devrait comprendre également l’activité de demande, d’attraction desdits moyens. Une

756
D’après Madeleine GRAWITZ dans le Lexique des Sciences sociales, le déterminisme fait référence à la « théorie
générale, suivant laquelle l’univers obéit à des lois. De ce fait, les objectifs ou évènements ou même les actions
humaines sont liées de telle sorte que passé, présent, avenir ne peuvent être différents de ce qu’ils ont été, sont ou
seront. (Elle est une) théorie opposée à la notion de liberté » (p.118). Le Dictionnaire de sociologie sous la direction
de Gilles FERREOL, présente le déterminisme comme une : « doctrine philosophique selon laquelle « tous les
évènements de l’univers, et en particulier les actions humaines, sont liés d’une façon telle que les choses étant ce
qu’elles sont à un instant donné, il n’y ait pour chacun des moments antérieurs ou ultérieurs qu’un état et un seul
compatible avec le premier ». D’après Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, dans le Dictionnaire critique
de la sociologie : « on dit d’un système social qu’il est soumis au déterminisme si, connaissant son état en t, on est
capable de prévoir son état à des « instants » ultérieurs, t+1, …, t+k, etc. ». Quand on parle de déterminisme, il faut
distinguer, d’après ces auteurs, les systèmes objectivement déterminés mais apparaissant comme subjectivement
indéterminés (quand il n’est pas possible de prévoir l’état d’un système en t+1, …, t+k, etc, bien que l’état futur du
système soit contenu dans son état présent), et ceux objectivement indéterminés ou soustraits à la « loi générale » du
déterminisme ( quand l’état du système en t+1, …, t+k, etc, ne peut être connu à partir de la connaissance de son état
en t)756. En ce qui concerne la conceptualisation de la diplomatie sécuritaire, ce qui pose problème n’est pas à
rechercher dans la détermination nécessaire de ce que sera l’état de la pratique de diplomatie de quête de sécurité
d’une communauté et d’un espace donné à un moment t+1, …, t+k, etc, mais plutôt dans la transposition qui est faite
du contenu attribué au concept de diplomatie sécuritaire par une communauté donnée et à un moment donné, à
l’ensemble des autres espaces et communautés de la planète, sans distinction des particularités socioculturelles. C’est
ce trait particulier qu’il nous a été donné de distinguer dans la conceptualisation en cours de ce que la doctrine retient
jusqu’à présent comme étant la diplomatie sécuritaire.
757
NYONKA’A, J., T., « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest… Op. cit.
758
KRON, D., N., Security Diplomacy: Beyond Defense, Thesis of Master of Arts in Global Security Studies,
Baltimore, Maryland, May 2015.

Page | 254
activité d’attraction des moyens de la sécurité qui correspondrait à une approche de sécuritisation
internationale. Pour les Etats du centre, hégémoniques et puissants, la diplomatie sécuritaire sera
une offre de moyens de sécurité en vue de la préservation des intérêts nationaux, notamment de
positionnement stratégique offensif, alors que pour les pays économiquement et militairement fragiles,
elle sera davantage une activité de sécuritisation internationale, c’est-à-dire de transformation des
menaces qui pèsent sur les valeurs Centrales, en enjeux globaux de sécurité adressés à la communauté
internationale, en vue de l’attraction des moyens en question »759.

Ce changement de profil sécuritisationnel établit, qu’en est-il de la géodiplomatie


présidentielle économique et culturelle ?

Paragraphe II.- Une géodiplomatie présidentielle d’un dynamisme économique


certain, et d’une faiblesse culturelle avérée

La culture renforce l’économie qui, à son tour, lui sert de véhicule. Dans un contexte
macro-géoéconomique très changeant, à la fin des années 1980 et tout au long de la décennie 1990,
la diplomatie et plus encore la géodiplomatie camerounaise s’est avérée très dynamique. Du point
de vue de l’analyse analogique, il s’avère que le contexte macro-géoéconomique d’avant la chute
du mur de Berlin à la première moitié de la décennie 1990 l’a vu passé d’une perspective bilatérale
active extra-africaine à une multilatérale passive centrée sur l’accueil des conférences et sommets
(A). Dans le même temps, la diplomatie et donc la géodiplomatie culturelle camerounaise adoptait
des trajectoires similaires (B).

A. Géodiplomatie économique présidentielle camerounaise de 1982 à 2002 : un dynamisme


adaptatif

Après avoir rappelé au préalable ce que nous entendons par diplomatie économique en se
référant à la littérature existante, tout en dégageant le sens à donner à la notion de géodiplomatie
économique (1), nous examinerons la portée de cette dernière au plan présidentiel sur les vingt
premières années du magistère de Paul BIYA à la tête du Cameroun (2).

759
NYONKA’A, J., T., « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest… Ibid.

Page | 255
1. Considérations doctrino-définitionnelles sur la diplomatie et la géodiplomatie
économiques

Nous prendrons appui, en vue de mieux cerner les contours de la notion de diplomatie
économique, sur les travaux de Guy CARRON DE LA CARRIERE760 et de Laurence BADEL761.
La saisine de leurs propositions de définitions nous permettra d’étayer celle que nous proposons
de la notion de géodiplomatie économique.

Réfléchissant sur « la pertinence, l’utilité et l’avenir de la diplomatie économique »762,


CARRON DE LA CARRIERE présente cette dernière comme l’activité régalienne par excellence
qui :

« S’efforce de se trouver une place dans l’univers marchand, dans le monde des transactions et des
constructions financières. Les ambassadeurs sont invités par leurs ministres à manifester plus
d’intérêt pour l’exportation et l’investissement. Les chefs d’Etat et de gouvernement multiplient les
interventions auprès de leurs homologues pour faire aboutir des contrats, ils se font accompagner
dans leurs voyages à l’étranger par des cohortes de chefs d’entreprise et placent aux premiers rangs
du bilan de leur activité internationale le montant des marchés conclus dans leur sillage »763.

Partant de ce tableau pratique de la diplomatie économique, l’auteur observe en sus que


dorénavant l’économie :

« Constitue la substance vivante d’un pan de plus en plus large des relations extérieures. Certes, la
sécurité, le maintien de la paix ainsi que la coopération politique internationale restent des objectifs
ultimes des diplomates […] Il n’en demeure pas moins que c’est principalement pour parler
d’économie et de finance que les grands sommets du G7 et de l’Union européenne ont été initialement
institués et que c’est sur des sujets de cette nature que se cristallisent maintenant alliances et
conflits »764.

En effet, poursuit-il :

760
CARRON DE LA CARRIERE, G., La diplomatie économique : le diplomate et le marché, Paris : Ed.
ECONOMICA, 1998.
761
BADEL, L., « Diplomatie économique, diplomatie d’entreprise », In BALZACQ, T., CHARILLON, F., et
RAMEL, F. (dir), Manuel de diplomatie, Paris : Presses de Sciences Po., 2018.
762
CARRON DE LA CARRIERE, G., La diplomatie économique… Op. cit., p. IX.
763
Ibid., p. V.
764
Ibid., pp. V-VI.

Page | 256
« […] c’est l’activité des entreprises qui alimente et même structure la vie internationale : […] ce
sont elles qui maintenant occupent le terrain, s’y implantent et le couvrent de leur réseau particulier
d’échanges, de hiérarchies et de communications. De manière implicite, elles diffusent une culture,
véhiculent des idéaux ou uniformisent les modes de production. […] maintenant, c’est à des
entreprises telles Microsoft, Time Warner […] qu’il revient de créer des concepts universels
d’organisation du travail, de répandre des « produits culturels », d’enseigner la pratique de la libre
entreprise, d’imposer les normes techniques, les références de prix ou les modèles industriels »765.

Allant plus loin, CARRON DE LA CARRIERE ajoute que :

« […] si tout indique qu’il n’y a plus guère de diplomatie sans économie, que ce soit par ses origines,
ses conséquences ou son accompagnent, chaque jour apporte aux diplomates d’amères constatations
sur les incertitudes du maniement politique de l’économie. Les retombées politiques d’une diplomatie
économique active ne sont pas automatiquement au rendez-vous non plus que les dividendes
économiques d’une amitié diplomatique »766.

Sont en effet légions, poursuit-il, et comme nous le verrons plus bas au sujet du changement
de trajectoires géodiplomatiques économiques présidentielles de Paul BIYA de l’Europe vers la
Chine à partir de la décennie 1990 :

« […] les expériences de bonnes relations politiques qui n’entrainent pas nécessairement de forts
liens économiques et, en sens inverse, les relations d’affaires intenses qui ne débouchent pas sur des
amitiés profondes. […] car, les affaires étant les affaires, une bonne compétitivité est plus efficace
que bien des protestations d’amitié »767.

Mais de façon générale, note CARRON DE LA CARRIERE, la force politique d’un Etat :

« […] et donc de sa diplomatie, même économique, ne tient pas qu’à des paramètres économiques.
Elle est la résultante d’un assemblage judicieux de compétences et de résultats dans de multiples
domaines, où le dynamisme économique voisine avec le rayonnement culturel, l’inventivité
scientifique avec la capacité d’intervention militaire, l’attention aux affaires du monde avec la
cohésion sociale intérieure. C’est la bonne synthèse de cet ensemble qui fait le poids politique, même
en diplomatie économique »768.

Ce d’autant plus qu’il convient d’avoir toujours à l’esprit que, conclut-il :

765
Ibid., p. VI.
766
CARRON DE LA CARRIERE, G., La diplomatie économique… Op. cit., p. VII.
767
Idem.
768
Ibid., p. VIII.

Page | 257
« […] ce que les représentants des gouvernements se disent et négocient à l’extérieur retentit de plus
ne plus rapidement et directement sur ce qui se fait et se décide à l’intérieur des frontières : que l’on
parle monnaie, politique de la concurrence ou suppression des obstacles aux échanges, on rencontre
assez vite les problèmes de croissance, de délocalisation, de normes sociales ou d’emploi »769.

Pour sa part, Laurence BADEL ne dit pas autre chose quand elle présente la diplomatie
économique. Elle y voit :

« […] un instrument de politique extérieure des Etats qui s’est imposé à la fin du XIX e siècle comme
outil de projection de leur puissance dans le monde, dans le contexte de l’essor des rivalités
impériales. Elle fait l’objet, pendant la première guerre mondiale, d’une réflexion et d’une pratique
multilatérales relatives aux moyens d’œuvrer de manière concertée pour stabiliser les relations
économiques et financières internationales au lendemain du conflit. Dans le premier cas, la
diplomatie économique désigne la mobilisation des acteurs publics, parapublics et privés, sous l’égide
des pouvoirs publics, tant au niveau national, régional que local pour défendre les intérêts
économiques nationaux en soutenant l’expansion commerciale et financière des entreprises
nationales sur les marchés extérieurs et en promouvant l’attractivité du territoire national auprès
d’investisseurs étrangers. […] Dans le second cas, elle désigne une pratique de négociation
multilatérale dans le domaine économique et financier et repose sur une approche coopérative des
relations internationales »770.

L’auteure relève également que :

« La diplomatie économique dévient un outil à la main de certains Etats en développement à la fin


des années 1960, ou émergents dans les décennies 1990 et 2000, qui tentent, toujours, de trouver une
place dans une architecture internationale construite après 1945 par les puissances alliées »771.

La principale observation qui se dégage de ces considérations doctrino-définitionnelles de


la notion de « diplomatie économique », est la grande tendance des auteurs, comme ce fut déjà le
cas de la notion de « diplomatie sécuritaire » comme nous l’avons vu plus haut, à succomber à un
certain déterminisme Occidentalo-centré. De notre point de vue en effet, la diplomatie économique
d’un pays pauvre ne saurait avoir les mêmes orientations que celle d’un pays riche ou industrialisé.
Elle sera en effet plus obséquieuse que conquérante, plus dominée que dominante. Parallèlement,
et par voie de conséquence, les trajectoires géodiplomatiques économiques du rôle institutionnel

769
Ibid., p. IX.
770
BADEL, L., « Diplomatie économique, diplomatie d’entreprise »… Op. cit., p. 245.
771
Ibid., p. 247.

Page | 258
de chef d’Etat de ce dernier pays seront affectées, dans ce sens qu’il lui sera plus difficile de se
tourner vers des pays du même niveau que le sien. Il s’orientera plutôt davantage vers les pays
riches et industrialisés qui, de ce fait, se positionneront alors comme partenaires évidents. La
géodiplomatie économique présidentielle de Paul BIYA n’échappe donc pas à cette règle, comme
nous le verrons.

Au demeurant, la notion de géodiplomatie économique renverra ici au déploiement


géodynamique d’un rôle institutionnel à l’effet de contribuer à la mise en œuvre de la politique
économique extérieure de la nation, y compris, et en ce qui concerne le déploiement des chefs des
exécutifs d’Etats auprès de leurs homologues ou l’accueil de ces derniers, en s’entourant dans leur
voyage ou au cours de leurs séances de travail, « des cohortes de chefs d’entreprise »772.

Sur le plan historico-matériel, qu’en a-t-il été des 20 premières années de la magistrature
suprême du président Paul BIYA du Cameroun ?

2. Les 20 premières années de la géodiplomatie économique de Paul BIYA

Claudine AMBOMO présente le contexte de crise de la fin des années 1980 et de la


première moitié de la décennie 1990 au plan national, ayant inspiré le discours présidentiel de Paul
BIYA. Il en ressort qu’à une première crise politique, est venue s’agréger une crise économique
prolongée, découlant du contexte macro-géoéconomique que nous avons rappelé plus haut.
L’auteure pose en effet qu’à la crise politique interne qui a vu se déclencher dans le discours
présidentiel « une vague de stigmatisation politique des élites du Nord, […] et la condamnation à
mort par contumace de l’ancien président contraint de s’exiler au Sénégal »773, a succédé d’autres
crises :

772
CARRON DE LA CARRIERE, G., La diplomatie économique… Op. cit., p. V.
773
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique … Op. cit., p. 13. L’auteure
précise en la matière qu’« à cette période le Cameroun se trouve dans une situation de dyarchie où le parti unique,
élément central d’exercice du pouvoir, est dirigé par l’ancien président démissionnaire alors que la direction de l’État
se trouve dans les mains d’un deuxième homme, plus jeune. Par ailleurs, en tant qu’ancien président, Ahidjo dispose
de solides réseaux dans les sphères politique et administrative. Certains observateurs considèrent qu’il regrette son
départ précipité de la présidence du pays. Dans tous les cas le climat se détériore et les rivalités entre les deux hommes
s’accentuent. Paul Biya s’affranchit de son mentor en refusant d’être à la tête d’une « présidence sous tutelle »
(OKLAA, 1996 : 47). Il s’émancipe alors politiquement de l’influence du père de l’indépendance ». Ibid. p. 32.

Page | 259
« D’abord économique – due au dérèglement du libéralisme planifié en 1987 et qui atteint son
paroxysme en 1993, avec la baisse drastique des salaires des fonctionnaires [civils] et la diminution
des effectifs de la fonction publique, puis en 1994 avec la dévaluation du Franc CFA »774.

AMBOMO explicite, comme repris ci-après, la situation de crise économique


camerounaise de la fin des années 1980 :

« À peine est-il sorti d’une crise politique grave que le Cameroun entre dans une période de
turbulences économiques dont il ne commencera à voir la fin qu’au sortir du siècle. Significatifs sont
les six Accords signés avec le FMI et les trois Plans d’Ajustement Structurels mis en œuvre entre 1988
et 2000. Pourtant, quelques années auparavant (au cours des années 70), le Cameroun avec tout son
potentiel faisait figure de modèle économique africain et semblait promu à un développement
économique et social. Mais, à partir de 1986-88, « le réveil est douloureux pour les Camerounais »
(KAMÉ, 2007 : 110) »775.

C’est sans doute du fait de cette situation de crise économique prolongée découlant
partiellement des dérèglements du système macro-géoéconomique mondial, que l’auteure a pu
déceler, dans le discours de Paul BIYA, une :

« Forte présence des thématiques des relations internationales et de l’économie (économique +6,
financiers +6, économies +4, % +4). La crise politique étant passée, c’est la crise économique (+4)
qui, déjà, commence à s’installer et celle-ci laisse des marques indélébiles dans le discours
présidentiel »776.

D’une manière générale, observe-t-elle en outre, il s’agit pour le président :

« De s’installer sur la scène diplomatique et internationale, d’être présent aux conférences


internationales et d’affirmer sa volonté de poursuivre les relations avec les pays amis, bref de
développer une politique internationale (conférence +14, communauté +14, Club de Rome +7,
secrétariat général +5, Nations Unies +4, pays africains +4, votre peuple +4, mutuellement +3,
internationaux +3, amitié +3…) »777.

Il tente, d’après elle :

« D’exposer les difficultés économiques que connaît son pays (notre sixième plan quinquennal +5, la
dette extérieure +5, la crise économique +4, redressement +4…) et de plaider pour la poursuite de

774
Ibid., p. 14.
775
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique … Op. cit., p. 37.
776
AMBOMO, C., Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique … Op. cit., p. 189.
777
Ibid., p. 190.

Page | 260
la coopération commerciale Encadré 4 : Affaire Bakassi : la saisine de la C.I.J.
et économique (coopération
Alors que le Nigéria affirmait militairement ses prétentions sur la
internationale +4, aide au
presqu’ile de Bakassi, le Président Paul BIYA dans un élan de paix,
développement +4, échange privilégiera les voies du droit à celle de la force pour favoriser le
+4, commerciaux +3… mais règlement pacifique du conflit.
aussi 5 occurrences de
Au lendemain des indépendances, la revendication par le Nigéria
renforcement de notre de sa souveraineté sur la presqu’île de Bakassi, contrarie les
coopération et 7 autorités camerounaises qui y voient une violation flagrante de
l’accord germano-britannique du 11 mars 1913 sur la délimitation
occurrences de vive la
des frontières communes. Les deux pays vont alors s’engager dans
coopération) »778. plusieurs cycles de négociations qui, par leurs échecs, favoriseront
l’invasion de Bakassi par l’armée nigériane en décembre 1993,
Le discours qu’il mettant ainsi en place les bases d’un conflit armé fortement suggéré
par l’Etat-major militaire du Président Camerounais.
prononce au cinquantenaire de
Le Chef de l’Etat Camerounais optera plutôt pour un règlement
l’ONU à New-York, le 23
pacifique à issue incertaine, en portant, suite à la mobilisation
octobre 1995, est en effet d’une « Task Force », l’affaire devant la Cour Internationale
de Justice en mars 1994. Une attitude qui permettra aux deux
évocateur de cet état de fait. Il peuples frères d’éviter une guerre aux conséquences
soulignait entre autres que : imprévisibles. La posture du Président Paul BIYA fait montre de
son inclinaison pour la paix et l’esprit de dialogue. Ferdinand
« Tous les problèmes qui Léopold OYONO, Ministre des Affaires Etrangères du Cameroun
à cette époque expliquera que le Président Paul BIYA « malgré sa
assaillent le Tiers-Monde
vive émotion et ses légitimes ressentiments au regard de cette
(crise économique, poids de violation manifeste de l’intégrité territoriale dont il est le garant
la dette, inégalité des termes […] avait (maintenu les conditions d’un dialogue permanent avec
le Nigéria) en téléphonant régulièrement à son homologue et frère
de l’échange, etc.) ne
Sani ABACHA ».
pourront être résolus que
par une action conjointe Le 31 décembre 1994, le Président Paul BIYA face à la gravité
des faits, s’exprimera solennellement pour expliquer au peuple
entre les pays industrialisés Camerounais son souci de dialogue et de paix en privilégiant
et les pays en les voies du Droit, préférées à celles de la force, pour favoriser
développement. En réalité, ainsi le règlement du différend camerouno-nigerian.

c’est d’un « contrat de A postériori, dans un message à la Nation le 14 août 2008, Le


solidarité » qu’il s’agit, où Président BIYA soutiendra son choix d’un règlement pacifique en
disant : « Je crois que nous devons surtout (…) retenir que l’option
chaque partie pourrait
que nous avons prise – c'est-à-dire de recourir aux moyens de droit
trouver son bénéfice »779. plutôt qu’à l’usage de la force – s’est trouvée pleinement justifiée,
car nous sommes un peuple profondément épris de paix ».

778
Ibid., p. 191.
779
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002, Yaoundé
: Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002), p.124.

Page | 261
Dans cette configuration, le président Paul BIYA, dans sa diplomatie présidentielle
économique, se déployant majoritairement au sein des arènes internationales multilatérales,
explorera, en plus de la trajectoire classique bilatérale à l’occasion des visites d’Etat ou de travail,
celle de la « diplomatie de clubs et de groupes » pour essayer de conjurer le sort de la crise
économique persistante. C’est ainsi qu’on le verra consulter le Club de Rome, le Club de Paris et
le groupe des Ambassadeurs africains à l’ONU.

Il s’avère donc que les questions de sécurité, de lutte contre la crise économique et de quête
du développement, ont largement dominé la géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA entre 1990
et le début de la décennie 2000. Succédant en la matière à sa géodiplomatie irénologique ou de
paix qui s’était davantage exprimée sur des arènes bilatérales à l’occasion des échanges de visites
avec ses homologues étrangers d’une part, et de la réception des autres hauts dignitaires étrangers
d’autre part. C’est également dans la première moitié de la décennie 1990 que le conflit au sujet
du contrôle de la frontière maritime et terrestre avec le Nigéria entrera dans sa phase la plus critique
(Voir encadré 3 supra). Cette question a été abordée à l’occasion de notre contribution au numéro
spécial déjà cité d’Hommage à la République. Nous reprenons entièrement l’un des textes y dédié.

Que dire à présent de la géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA au plan culturel sur les
20 premières années de son magistère à la tête du Cameroun ?

B. Un « soft power » limité : la pauvreté culturallo-géodiplomatique présidentielle sous


Paul BIYA

D’après Guy CARRON DE LA CARRIERE le rayonnement d’un pays est « également


nourri de sa culture et de ses idéaux de civilisation », surtout du « prestige de sa culture »780. Pour
lui en effet, les entreprises se présentent sur la scène internationale, comme les véhicules des
produits culturels des nations :

« […] c’est à des entreprises telles Microsoft, Time Warner […] qu’il revient de créer des concepts
universels d’organisation du travail, de répandre des « produits culturels », d’enseigner la pratique
de la libre entreprise, d’imposer les normes techniques, les références de prix ou les modèles
industriels »781.

780
CARRON DE LA CARRIERE, G., La diplomatie économique… Op. cit., p. VI.
781
Idem.

Page | 262
La géodiplomatie culturelle présidentielle de Paul BIYA sur les 20 premières années de sa
magistrature suprême s’avère pauvre du fait de sa double faiblesse en termes de trajectoires
géodynamiques et de projection de la culture endogène camerounaise (1). Toutes choses qui
informent à suffisance sur le fait d’une volonté non affirmée et non assumée de quête de puissance
de séduction ou de « soft power » pour un pays qui a pourtant renoncé à l’usage de la force militaire
dans ses rapports avec les autres Etats sur la scène internationale (2). Cette tendance à brider le
patrimoine culturel endogène réelle au bénéfice de celui emprunté ou virtuel hérité de la
colonisation782, se confirme quand on tente une analyse de la géodiplomatie présidentielle du point
de vue confessionnel (3).

1. Paul BIYA : la pauvreté de la géodiplomatie culturelle présidentielle des 20 premières


années de magistrature suprême

Marie-Christine KESSLER propose d’appréhender la notion de diplomatie culturelle dans


le sens d’une :

« Politique publique qui vise, dans le cadre de la politique étrangère, à l’exportation de données
représentatives de la culture nationale, et à des interactions avec d’autres pays dans ce même domaine
culturel »783.

L’auteure considère par ailleurs que :

« La diplomatie culturelle s’affiche de plus en plus comme une action coopérative, où l’Etat s’appuie
sur d’autres forces ; lesquelles sont davantage mises en valeur. La diplomatie culturelle procède alors
de ce que Joseph NYE a appelé le soft power, c’est-à-dire la recherche du pouvoir (ou de l’influence)
par d’autres moyens que la force (NYE, 1990). La diplomatie culturelle est une arme de choix dans
cette perspective d’augmenter un pouvoir d’attraction et d’influence. Une politique culturelle
extérieure a pour destinataires des publics étrangers qu’elle cherche à séduire, influencer, attirer par
des moyens divers »784.

Dans sa première approximation, il s’avère que la définition proposée par KESSLER


présente quelques points de faiblesse. L’auteure considère en effet la diplomatie culturelle comme

782
Voir les développements que nous proposons des notions d’identité culturelle virtuelle et réelle dans nos travaux
antérieurs intitulés Renaissance et identité diplomatiques du Cameroun, Mémoire de Master : Université de Yaoundé
II, 2015.
783
KESSLER, M-C., « La diplomatie culturelle », In BALZACQ, T., CHARILLON, F., et RAMEL, F., (dir), Manuel
de diplomatie, Paris : Presses de Sciences Po., 2018, pp. 263-274.
784
Ibid., pp. 263-264.

Page | 263
une sous-politique publique de la politique étrangère : « une politique publique qui vise, dans le
cadre de la politique étrangère… »785. Curieusement, l’auteure, dans la suite de ses
développements, estime « qu’une politique culturelle extérieure a pour destinataires des publics
étrangers qu’elle cherche à séduire, influencer, attirer par des moyens divers »786. L’on se serait
attendu à ce qu’elle présenta la diplomatie (mise en œuvre de la politique étrangère) culturelle
comme cette phase opérationnelle qui consiste en la mise en œuvre de la politique culturelle
extérieure par la mobilisation des moyens et des mécanismes avec pour objectif de séduire,
d’influencer, et d’attirer les publics étrangers au travers de la mise en valeur de la culture
nationale appréhendée au sens de Madeleine GRAWITZ comme « l’ensemble des valeurs,
des façons de vivre et de penser de tous les membres d’une société »787. C’est, en tout cas, la
définition que nous choisissons de donner ici au concept de diplomatie culturelle, car elle nous
semble plus opératoire. Aussi, la diplomatie culturelle aura-t-elle, à notre sens, des sous-secteurs.
L’on parlera donc ainsi de diplomatie scientifique, médicale ou biodiplomatie, artistique, culinaire,
etc.

Au vu de ce qui précède, la géodiplomatie culturelle présidentielle renverra à la


contribution géodynamique du rôle institutionnel de président de la République, chef de
l’Etat, à la mise en œuvre de la politique extérieure de l’Etat en matière culturelle qu’il
participe à définir en amont.

A l’observation, et considérant l’approche définitionnelle explicitée plus haut, la


géodiplomatie culturelle présidentielle camerounaise sous Paul BIYA pour les 20 premières
années de son magistère se sera essentiellement déployée aux plans scientifique788 et événementiel.

785
Ibid.
786
Idem.
787
GRAWITZ, M., Lexique des sciences sociales… Op. cit., p. 103.
788
Pour Jacques Joël ANDELA, la diplomatie scientifique renvoie à « une manière de faire la diplomatie qui vise la
transformation du diplomate, à l’effet de le doter d’outils appropriés afin, lui-même à son tour, de transformer
l’environnement dans lequel il se déploie ». Elle aurait au Cameroun, deux objectifs majeurs : le renforcement du
savoir-faire des diplomates camerounais dans un environnement international de plus en plus complexe, ceci afin de
leur permettre de mieux répondre aux exigences sans cesse renouvelées de leur métier, et le façonnement de
l’environnement international « dans lequel elle constituera alors un outil d’influence diplomatique ». Voir ANDELA,
J., J., Cameroun, le temps de la diplomatie scientifique, Paris : L’Harmattan, 2016, pp. 27-28. Si cette définition
s’avère intéressante, elle semble néanmoins limitée dans la mesure où elle ne considère comme diplomatie scientifique
que les actes de mise en œuvre de la politique étrangère de l’Etat en matière de formation continue de ses agents logés
au ministère des relations extérieures en vue de les doter des outils nécessaires à même de renforcer leurs capacités
professionnelles. De notre point de vue, il conviendrait plutôt d’y voir l’une des sous-dimensions de la diplomatie

Page | 264
Sur le plan scientifique d’abord, il a été question, dans sa dimension active, d’une dualité
géodynamique américano-centrée et sino-centrée, et dans sa dimension passive, de l’accueil des
travaux du Club de Rome789.

Dans l’activité géodiplomatico-scientifique du Président BIYA sur la période considérée,


il faut souligner sa visite discursive aux Etats-Unis d’Amérique, le 5 mai 1991, à l’occasion de
l’attribution à sa personne du grade de Docteur « Honoris Causa » à l’Université du Maryland.
Cette insigne distinction, comme il ressort du discours de circonstance du chef de l’Etat
camerounais, découlait des progrès du Cameroun d’alors et des espoirs que suscitait son modèle
de développement au plan agricole et de la quête d’une auto-suffisance alimentaire sur le continent
africain. Le président BIYA se disait alors être très sensible :

« A l’insigne honneur que vous venez de me faire en me décernant aujourd’hui le prestigieux titre de
Docteur « Honoris Causa » de l’Université du Maryland. […] Je vous remercie également de
l’occasion que vous m’offrez de vous entretenir du « projet de recherche sur les plantes à tubercules
du Cameroun », comme facteur de notre autosuffisance alimentaire »790.

Dans le détail, le président de la République du Cameroun avait expliqué à son audience le


bienfondé, les contours et la démarche qui avait conduit à ce que le pays soit, en sa personne, ainsi
honoré à l’international du fait de ses résultats en matière de recherche scientifique :

« […] Après les choix politiques, les exigences du développement économique nous ont amenés à
consentir des sacrifices […], nous avons mis l’accent sur les priorités essentielles, à savoir :
l’alphabétisation, la maîtrise des sciences et techniques modernes, la promotion de la santé, et surtout
le développement de l’agriculture pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire. Plusieurs raisons
nous ont motivés, entre autres : la vocation essentiellement agricole du Cameroun dont 70% des
habitants vivent dans les campagnes ; et la croissance rapide de la population, dont le taux
d’augmentation est de 3% par an. Aujourd’hui, l’autosuffisance alimentaire dont jouit le Cameroun
est une conquête quotidienne, et non un fait acquis »791.

culturelle, elle-même appréhendée comme mise en œuvre de la politique extérieure de l’Etat en matière
culturelle.
789
On peut également parler ici de géodiplomatie présidentielle de coopération décentralisée. Se rapprocheront alors
de cette dernière, tous les déploiements géodynamiques présidentiels officiels effectués dans le cadre sportif et
associatif.
790
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 241.
791
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République … Op. cit., Vol. 2 (1987-1992), p.
242.

Page | 265
Parlant particulièrement du projet de recherche ainsi honoré, le président BIYA avait
apporté les précisions suivantes :

« […] Lancé en 1986 et financé conjointement par les Etats-Unis et le Cameroun – pour un coût total
de 8 millions de dollars – le projet de recherche sur l’amélioration des plantes à tubercules […]
concerne principalement quatre denrées : le macabo, le manioc, l’igname et la patate douce. Ces
produits fournissent en moyenne près de 30% des calories consommées quotidiennement par les
Camerounais. […] Toutefois, leur culture subit maintes difficultés »792.

Aussi le projet de recherche sur l’amélioration des plantes à tubercules état-il parvenu à
proposer des solutions adaptées, telles que :

« La mise au point, par l’utilisation du génie génétique, de variétés améliorées de macabo, capables
de mieux résister à la pourriture des racines, véritable fléau ; la constitution d’un stock de semences
d’ignames, de manioc et de macabo, dans de bonnes conditions de rentabilité ; l’étude des pertes
après récolte qui diminuent d’autant la production ; le renforcement des structures nationales dans
le domaine de la recherche en biotechnologie, notamment par la formation de chercheurs hautement
qualifiés, et par la mise à disposition d’équipements de pointe nécessaires à la poursuite des
recherches »793.

Ce projet pilote dans un domaine de haute technologie, fruit de la coopération entre les
Etats-Unis et le Cameroun, avait été présenté par le chef de l’Etat camerounais comme « un modèle
de coopération Nord/Sud »794 dans le sens où :

« En nous aidant à réaliser ce projet, nos partenaires américains nous ont permis de nous doter d’un
outil précieux pour la mise en œuvre de notre politique renforcée d’autosuffisance alimentaire. […]
le projet de recherche sur l’alimentation des plantes à tubercules représente pour nous un motif
d’espoir et de confiance en l’avenir »795.

L’on retrouvera dans la même posture, le chef d’Etat Paul BIYA, le 26 octobre 1993 à
Beijing (Chine), à l’occasion de son unique visite officielle dans ce pays sur les 20 premières
années de sa magistrature à la tête du Cameroun. Il s’était alors vu décerner le titre de « Professeur

792
Idem.
793
Ibid., pp. 243-244.
794
Y avaient participé : l’Institut de la Recherche Agronomique du Cameroun, l’« United States Agency for
International Development » (USAID), l’Université du Maryland Eastern, l’Laabama A and M. University, et la
Florida A and M. Univeristy.
795
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République … Op. cit., Vol. 2 (1987-1992), pp.
243-244.

Page | 266
Honoraire » de l’Université de Beijing. Toutefois, au lieu d’une distinction pour résultats
scientifiques importants obtenus dans un domaine de recherche donné, il s’avère, à la lecture de
son discours de circonstance, qu’il s’était agi d’un acte de courtoisie diplomatique à l’endroit de
l’hôte de marque qu’il était alors. Le président BIYA s’était à l’occasion contenté d’une longue et
dense présentation de l’histoire sociopolitique du Cameroun à son audience universitaire chinoise,
après avoir échangé préalablement avec le patronat dudit pays pour les inciter à investir au
Cameroun.

En termes de passivité géodiplomatico-scientifique du Président BIYA sur la période


considérée, seuls peuvent être mentionnés les travaux du Club de Rome qu’abritera Yaoundé, le 9
décembre 1986. Dans son discours d’ouverture desdites assisses, le chef d’Etat camerounais
présentera ladite entité comme un :

« Club qui regroupe en son sein tant d’éminentes personnalités, tant de sommités intellectuelles, et
qui s’est assigné une mission des plus nobles au service de l’humanité, à savoir « aider à mieux
comprendre le futur et à mieux le maîtriser » afin d’assurer à tous les peuples du Monde plus de
bonheur, plus de justice et plus de paix »796.

Cette association internationale suisse créée le 8 avril 1968, en tant que groupe de réflexion,
rassemble en effet des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires internationaux ainsi que
des industriels de 52 pays, préoccupés par les problèmes auxquels font face les sociétés tant des
pays industrialisés qu’en développement. Le président Paul BIYA justifie son intérêt pour ledit
cercle de réflexion en ce que ce dernier s’est :

« […] forgé une solide renommée fondée notamment sur des publications de grande valeur ; j’en
citerai quelques-unes : « Halte à la croissance », « Stratégie pour demain », « Nord-Sud : du défi au
dialogue », « les Itinéraires du futur : vers des sociétés plus efficaces », « le Tiers-Monde peut se
nourrir » et j’en passe. Ce travail pertinent et prospectif contribue positivement à la recherche des
solutions aux problèmes du monde et justifie pleinement la considération et la crédibilité dont jouit
votre organisme dans le monde »797.

796
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002), p. 496.
797
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République…, Vol. 1 (1982-1986), Op. cit., p.
146.

Page | 267
Il est vrai que le thème de la conférence organisée à l’époque à Yaoundé par ledit Club à
savoir : « Rôle de l’Afrique dans la problématique mondiale », pourrait justifier l’accueil de cette
dernière par le Cameroun sous le leadership du président BIYA. En effet, ce dernier aurait ainsi
tenté de conforter, en mobilisant les catégories scientifiques, sa posture d’alors de chantre de la
paix en Afrique, comme nous l’avons vu supra au sujet de l’analyse de sa diplomatie irénologique.

Au total, l’on peut constater l’extraversion, hors du continent africain, de la géodiplomatie


scientifique présidentielle camerounaise sous Paul BIYA au cours de ses 20 premières années
passées au pouvoir (une visite discursive en Occident aux Etats-Unis, une en Orient en Chine, et
la réception au Cameroun de la conférence du Club de Rome). A cette époque, l’Afrique
scientifique ne semble en effet pas intéresser ledit chef d’Etat, en tout cas, pas du point de vue
géodiplomatique discursif (une tendance qui semble se confirmer tout au long de la suite de sa
magistrature suprême). Entre consultation officielle des sociétés scientifiques extra-africaines,
notamment européennes, et obtention des titres honorifiques académiques des universités situées
hors du continent, notamment américaine et chinoise, se trouve battue en brèches la propension à
l’encouragement des trajectoires panafricaines proclamées dans son discours appelant l’Afrique à
compter d’abord sur elle-même798 pour son développement. Ici, le discours s’affiche clairement
en déphasage avec l’action géodiplomatique culturelle du président BIYA.

Il n’en est malheureusement pas autrement au plan de l’événementiel diplomatico-culturel


(carnaval, foires, expositions, etc.). En effet, l’exploitation de notre corpus révèle qu’en la matière,
le président Paul BIYA a également accordé la part belle aux zones extra-africaines, même si là
encore, c’est au Cameroun que l’événement concerné s’est déroulé. Il s’agit, le 15 novembre 1986,
de l’inauguration à Yaoundé, en présence du ministre allemand de la coopération économique, de

798
Cette propension utopique qui transparait du discours présidentiel au panafricanisme, et qui se trouve battue en
brèche par les faits géodiplomatiques, se confirme dans le discours du président BIYA à l’ouverture du septième
sommet de la Commission du Bassin du Lac Tchad, le 14 février 1990. Le chef d’Etat s’inquiétait en effet du fait que :
« Le regroupement des pays nantis au sein de grands ensembles et le recentrage des intérêts de l’Occident vers les
pays de l’Europe de l’Est, comportent sans nul doute des risques de marginalisation de l’Afrique. Face à ces réalités,
l’Afrique doit s’unir, l’Afrique doit plus que jamais compter d’abord sur elle-même et prendre en main son propre
destin. […] Mais, au nom de l’interdépendance et du nécessaire dialogue Nord/Sud, nous souhaitons que l’élan de
solidarité et l’intérêt manifesté à l’égard des pays de l’Europe de l’Est s’étendent également au continent africain ».
Voir BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 2 (1987-1992), p. 178.

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la grande exposition allemande. S’adressant à son hôte de marque, dans son allocution d’ouverture,
le chef d’Etat camerounais avait notamment souligné que :

« […] dans votre présence aujourd’hui à Yaoundé pour inaugurer avec nous la grande exposition
allemande, nous y voyons, dis-je, une preuve supplémentaire de l’excellente qualité des relations
d’amitié et de coopération qui existent entre la République Fédérale Allemande et la République du
Cameroun. […] Je voudrais vous assurer que le Cameroun, pour sa part, ne négligera rien pour
renforcer toujours davantage ces liens d’amitié et de coopération »799.

Le choix de l’Allemagne porté sur le Cameroun pour abriter cet événement d’importance
à l’époque, ressort des mots prononcés par le président BIYA lui-même :

« La grande exposition allemande représente une étape supplémentaire dans notre programme de
coopération bilatérale. C’est la première du genre à se dérouler au Sud du Sahara depuis 1960. Nous
sommes très heureux que Yaoundé soit le siège d’une manifestation si importante. […] Lors de ma
visite récente dans votre pays, j’ai invité les investisseurs et les hommes d’affaires allemands à
s’implanter au Cameroun. Aujourd’hui, je renouvelle ici cette invitation, et je souhaite que votre visite
soit l’occasion de resserrer encore davantage nos liens économiques. […] Nos frontières vous sont
ouvertes. […] Lors de cette grande manifestation, des contacts vont se nouer entre partenaires
allemands et camerounais »800, 801.

Toutes choses qui nous ont conduit, dans un travail précédent dont les conclusions sont
reprises plus bas, à constater la nécessité d’une prise de conscience culturallo-diplomatique
camerounaise afin d’une part de la mise en valeur véritable du potentiel du pays en termes de « soft
power », et d’autre part, d’une évolution souhaitable vers une réelle diplomatie publique
camerounaise.

799
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun… Vol. 1 (1982-1986),
Op. cit., p. 479.
800
Ibid., pp. 480-481.
801
A ce niveau ressort l’une des preuves des limites du corpus archivistique sur lequel nous avons choisi de travailler.
Alors que le chef d’Etat camerounais dit lui-même avoir visité l’Allemagne à la fin des années 1980, visite au cours
de laquelle il aurait « invité les investisseurs et les hommes d’affaires allemands à s’implanter au Cameroun », aucun
autre élément discursif du corpus ne renseigne sur ladite visite présidentielle. Cette évocation permet toutefois de
constater que si visite il y a effectivement eu comme il le souligne, celle-ci se serait toutefois davantage orientée vers
une diplomatie économique d’attraction des investissements allemands plutôt que vers une diplomatie de promotion
du potentiel et du savoir-faire culturel Camerounais. De toute façon, cet état de fait ne change pas notre constatation
d’une extraversion géodiplomatique hors du continent africain du président BIYA en matière de diplomatie culturelle.
Toute chose qui positionne donc le Cameroun officiel (par ses représentants étatiques) davantage comme
consommateur et non producteur culturel international, tout au moins sur les 20 premières années de la magistrature
suprême du président Paul BIYA.

Page | 269
2. Un « soft power » camerounais limité : vers des lendemains reluisants de diplomatie
publique ?

En 2017, nous publions dans la revue Enjeux de la Fondation Paul Ango Ela (FPAE) de
géopolitique en Afrique Centrale, une contribution intitulée « Politique étrangère et « soft power »
du Cameroun »802. Cette dernière se présente comme un regard analytique nouveau sur l’état et les
perspectives de la diplomatie culturelle camerounaise au cours des deux premières décennies du
XXIe siècle. En reprenant les principales conclusions de ce travail au prisme de la présente analyse
en termes de géodiplomatie présidentielle des 20 premières années du magistère de Paul BIYA à
la tête de l’Etat du Cameroun, nous arrivons à mieux les étayer et à les asseoir davantage.

La question de départ de ladite contribution, est de savoir « dans quelle mesure le


Cameroun, dans le déploiement de sa politique étrangère, fait-il usage de soft power ? »803 Notre
ambition était de :

« Comprendre dans quelle mesure une politique étrangère généralement qualifiée de politique de
compromis qu’est celle du Cameroun, satisfait à une exigence fondamentale de tout Etat ayant écarté
l’hypothèse de la conquête militaire : le développement au maximum d’un soft power national »804.

Car, de notre point de vue, à l’ère contemporaine :

« L’expression de la puissance semble plus que jamais appelée à s’adapter au nouveau contexte
international marqué par une « révolution de l’information », couplé à l’augmentation fulgurante de
« l’importance décisive de l’opinion publique » plus à même aujourd’hui d’orienter « de manière
décisive les décisions de politique étrangère (GILBOA, 2002) »805. Dans cet ordre d’idée, « la
puissance n’est plus seulement brute (hard) mais également douce (soft) »806. Il s’agit en réalité d’une
nouvelle ère, une « ère dans laquelle la force brute a perdu son monopole »807. Aujourd’hui, dans la
poursuite de leurs intérêts sur la scène internationale, les Etats font de plus en plus jouer des facteurs
idéationnels, socio-structurels et normatifs (culture, valeurs, normes et autres éléments
informationnels), qu’ils combinent avec les facteurs plus anciens que sont les capacités militaire et

802
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun », in Enjeux n° 52, janvier-mars
2017, pp. 24-33.
803
Ibid.
804
Ibid.
805
PAHLAVI, P., « La diplomatie publique », in Thierry BALZACQ et Frédéric RAMEL (dir), Traité de relations
internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2013, pp. 553-605, p. 557.
806
Charles-Philippe DAVID, Op. cit.
807
Pierre PAHLAVI, Op. cit.,p. 584.

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économique. Cette pratique a donné cours à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui en matière de
politique étrangère, la diplomatie publique »808.

En effet, ajoutions-nous en reprenant PAHLAVI, si :

« l’Ecole de l’interdépendance et, en particulier, la direction que lui ont donnée les travaux de Joseph
S. NYE au début des années 1990 (permet) de mieux comprendre l’importance de la culture et de
l’information (en) expliquant que les Etats peuvent y puiser l’influence nécessaire pour coopter leurs
partenaires sans que le recours à la force brute ne soit nécessaire »809,

Il apparait cependant que le concept de soft power reste moins à même d’évaluer, de façon
complète, la situation actuelle. Pierre PAHLAVI va plus loin en soulignant que :

« La notion de soft power ne parvient pas à expliquer par quel mécanismes l’information et la culture
modifient la politique des gouvernements en affectant la perception et les préférences des sociétés
civiles, de même qu’elle est incapable d’expliquer par quel moyen les Etats peuvent concrètement
canaliser, utiliser et exploiter ce pouvoir en douceur (GILBOA, 2008) »810.

La notion de diplomatie publique apparait alors comme complémentaire à celle de soft


power. Elle a, d’après PAHLAVI, été « employé[e], pour la première fois, en 1965 par le doyen,
Edmund GULLION »811.

Toutefois, notre point de vue demeure bien, comme en 2017, que la diplomatie publique,
en tant qu’approche :

« « Bureucratico-entrepreneuriale »812, ne peut effectivement exister et se mettre en branle dans le


cadre d’un jeune Etat comme le Cameroun, qu’à condition que ce dernier ait pu franchir le pallier de

808
D’après Pierre PAHLAVI, « De manière très générale, on pourrait dire que, comme la diplomatie traditionnelle
renvoie à la gestion des relations d’Etat à Etat, la diplomatie publique inclut, quant à elle, les programmes culturels,
audiovisuels et d’éducation ciblant les populations d’autres Etats et intégrés par un gouvernement dans le cadre de
sa politique étrangère ». Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »… Op.
cit
809
Ibid., p. 581.
810
Idem.
811
Pierre PAHLAVI, « La diplomatie publique »… Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft
power » du Cameroun »… Op. cit
812
Ibid.

Page | 271
la conscience culturelle, éducative et technologico-informationnelle en matière de déploiement
international, choses que permet de desceller l’opérationnalisation du concept de soft power 813 »814.

Parlant davantage de la notion de soft power, il nous semble toujours pertinent de relever
qu’ :

« Une convergence de point de vue semble se dégager depuis quelques années au sujet de la
signification que souhaite lui donner son géniteur Joseph S. NYE. Dans un article paru dans la revue
Etudes internationales en 2010, Michael BARR fait le constat selon lequel « de nombreux analystes
ont tendance à confondre les formes de hard power et de soft power »815. C’est alors que l’auteur
propose une clarification du concept dans une perspective comparative entre hard, soft et smart
power »816.

En reprenant Joseph NYE, Michael BARR estime en effet que :

« Le soft power réside dans la capacité à « former les préférences des autres » par l’attrait de ses
valeurs, de sa culture et de ses politiques. Il est souvent mis en opposition et confondu avec le hard
power, qui est la capacité d’amener les autres à vouloir ce que vous voulez par la coercition ou la
motivation. Le hard power, bien sûr, résulte en grande partie du pouvoir militaire ou économique
d’un pays, alors que le soft power consiste à amener les autres à « vouloir ce que vous voulez » par
la persuasion et la capacité de choisir au lieu de la contrainte »817.

Pour parler d’opérationnalisation effective du soft power, il faut donc parvenir à amener
son vis-à-vis à vouloir ce que l’on veut sans contrainte ni motivation818, car il s’agit de mettre en
mouvement une activité persuasive « vertueuse », partiellement adossée sur notre réputation, sur
l’appréciation des autres de notre manière d’être et de faire819. Car :

813
Pourtant, il semble que les ambitions de puissance sous-régionale du pays s’avèrent tout simplement un secret de
polichinelle. Le No 1 du magazine CAPECO AFRICA a en effet titré en mai/juin 2015: « Cameroun : Locomotive
économique de la CEMAC », en faisant la part belle aux atouts économico-politiques du pays dans la sous-région. Les
extraits de ce magazine ont été aussi tôt relayés par le site internet de la Présidence de la République dès sa parution.
Voir www.prc.cm. Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
814
NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »…. Ibid
815
BARR, M., « Mythe et réalité du soft power de la Chine », in Etudes internationales, vol. 41, no 4, 2010, pp. 503-
520.
816
BARR, M., « Mythe et réalité du soft power de la Chine »… Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et
« soft power » du Cameroun »… Ibid.
817
Ibid.
818
Ibid.
819
Ibid.

Page | 272
« Le soft power ne fait pas exclusivement référence à des forces non traditionnelles, comme les biens
culturels et commerciaux. Ce n’est pas non plus quelque chose de strictement non militaire comme
des sanctions économiques, car les sanctions sont manifestement destinées à contraindre »820, 821.

Aussi constatons nous que, par son extraversion consommatrice, la diplomatie culturelle
camerounaise de la fin des années 1980, de la décennie 1990 et du début des années 2000,
qu’incarne la géodiplomatie culturelle présidentielle discursive, cherche moins à susciter
l’appréciation par les autres des manières d’être et de faire camerounaises, que de démontrer à ces
derniers l’adhésion camerounaise à leurs manières d’être et de faire à eux. Cette situation se vérifie
particulièrement dans la géodiplomatie culturelle présidentielle discursive vis-à-vis le Vatican. Est
mise en lumière ici le rapport du chef d’Etat camerounais à la manière de faire et d’être religieuse
de son homologue papal. L’idiosyncrasie du président BIYA n’est en réalité pas étrangère ici à
cette situation822. Alors qu’on se serait attendu à une diversification des trajectoires géo-religieuses
officielles de Paul BIYA pour correspondre au cosmopolitisme religieux camerounais et au
principe de politique étrangère de diversification des partenaires, force est de constater qu’il n’en
est rien. L’unique trajectoire géodiplomatique stato-confessionnelle discursive du Président BIYA
entre 1982 et 2002, à l’analyse de notre corpus, a été le Vatican, Etat du continent européen,
chantre du judéo-christianisme. Dans cette perspective présidentiallo-géodiplomatique

820
BARR, M., « Mythe et réalité du soft power de la Chine »… Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et
« soft power » du Cameroun »… Op. cit.
821
Le soft power n’impliquerait pas non plus une simple volonté d’unification culturelle, une volonté de faire tomber
les frontières physiques et artificielles africaines par une mise en valeur des liens transfrontières africaine pouvant
donner sens à l’unité culturelle du continent, comme semble le mettre en avant Jean-Emmanuel PONDI, parlant de
l’apport de Cheikh ANTA DIOP dans la réflexion sur les frontières africaines (voir PONDI, J-E., Cheikh Anta Diop
dans la sphère des relations internationales… Op. cit., pp. 62-68). L’auteur estime en effet que « Cheikh Anta Diop
introduira dans la discipline des relations internationales dès 1952, bien avant que d’autres penseurs ne le fassent –
et sans que personne ne se réfère à lui en utilisant cette notion – le concept labellisé américain de la Soft Power qui
sera bien plus tard vulgarisé par les politologues et spécialistes des relations internationales, Robert O. KEOHANE
et Joseph S. NYE ». Il voit en outre dans le concept de Soft Power, « la puissance culturelle et économique » (PONDI,
J-E., Cheikh Anta Diop dans la sphère des relations internationales… Op. cit., p. 65.). Cette lecture ne nous semble
pas tout à fait exacte au moins pour une raison. Nulle part en effet l’auteur ne cite les références d’une publication de
Cheikh ANTA DIOP antérieure aux travaux de KEOHANE et NYE et à la faveur de laquelle il formule le concept de
Soft Power. Il est donc difficile de lui en attribuer l’antériorité. En outre, comme nous l’avons relevé, ce qui crée la
puissance douce ou de séduction (Soft Power), ce n’est pas le fait de prôner la conscience culturelle, mais bien celui
d’amener son vis-à-vis, par la mise en valeur de nos atouts culturels, à vouloir ce que l’on veut sans contrainte ni
motivation. L’appelle à la valorisation du patrimoine culturel ou encore le déploiement quelconque de certains de ses
aspects, quoique louables, ne créent pas pour autant, ipso facto, du Soft Power.
822
Ancien séminariste prédestiné à une vie de prêtre catholique romain.

Page | 273
camerounaise, l’islam s’avère marginale au même titre que les autres dénominations religieuses
qui structurent l’identité culturallo-religieuse de la population camerounaise823.

Poursuivant son analyse, Michael BARR ajoute qu’il convient de noter que :

« Quand il s’agit de discuter du pouvoir, nombre de personnes ont tendance à confondre les
ressources qui peuvent produire un comportement avec le comportement réel lui-même. C’est ce
qu’on appelle le « vehicle fallacy ». Il est commis par ceux qui croient que « le pouvoir doit signifier
tout ce qui entre en vigueur lorsque le pouvoir est activé » (Lukes 2005) »824.

Alors qu’en réalité, poursuit l’auteur, « comme nous le savons, avoir les moyens de la
puissance n’est pas la même chose qu’être puissant »825.

Aussi reprenions nous, pour mieux étayer notre démonstration, les propos d’Alexander L.
VUVING au cours de la présentation qu’il fit à la réunion annuelle de l’American Political Science
Association en 2009. De son point de vue en effet :

« Soft power is the ability to affect the behavior of others by influencing their preferences. This implies
that hard power is the ability to affect the behaviour of others by changing their circumstances »826.

Aussi résumions-nous notre pensée en 2017 en soulignant que :

« Le soft power serait lié à une capacité de persuasion dans le sens d’amener son prochain à aimer
ce que vous êtes, ce que vous aimez. En outre, et dans cet ordre d’idée, la diplomatie ne s’aurait
s’assimiler à du soft power, mais plus à un outil, un moyen susceptible de produire du soft
power827 »828.

Pour dégager les éléments constitutifs du soft power camerounais, nous avons pris appui
sur quelques éléments de la littérature. En effet, recourant une fois de plus à Alexander L.

823
Les 26 et 27 mars 2013, le président Paul Biya, a effectué une visite officielle en Turquie en compagnie de treize
ministres et des représentants d'élite du secteur privé camerounais. Au cours de cette visite, il a eu des entrevus avec
le président turc Abdullah GÜL, avant de participer au « Forum du Commerce et de l'Investissement Turco-
Camerounais ». Il s’agissait alors de la première visite officielle effectuée du Cameroun vers la Turquie, pays
confessionnel musulman, au niveau présidentiel. Voir http://www.mfa.gov.tr/le-president-du-cameroun-sem-paul-
biya-en-visite-en-turquie.fr.mfa, consulté le 21 avril 2020.
824
Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun », … Ibid.
825
Idem.
826
Alexander L. VUVING, « How Soft Power works », Présentation du panel « Soft Power and Smart Power »,
réunion annuelle de l’American Political Science Association, Toronto, Septembre 3, 2009.
827
L’assimiler à du soft power reviendrait à tomber dans le piège du vehicle fallacy exposé plus haut.
828
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun », … Op. cit.

Page | 274
VUVING, nous notions que ce dernier « identifie trois éléments constitutifs de puissance douce :
la bénignité (benignity), le rayonnement (brilliance), et la beauté (beauty) »829.

Pour parler du rayonnement ou « brilliance » du Cameroun sur la scène internationale,


nous sommes partis des travaux antérieurs produits sur la question, notamment par Narcisse
MOUELLE KOMBI. Pour ce dernier, notions nous, au moins deux dimensions de l’action
diplomatique du Cameroun permettent à l’Etat camerounais de rayonner sur la scène
internationale830. Dans un premier temps, à travers ses hautes autorités, ledit pays parvient à :

« Capitaliser des potentialités (permettant) d’assumer la vocation d’un véritable hub diplomatique,
c'est-à-dire, un important centre de conférences internationales et un lieu de convergence de visites
de délégations et de représentations officielles de pays étrangers »831, 832.

Pourtant, comme le démontre VUVING, « le rayonnement (brilliance) résulte de la


capacité d’une entité, en l’occurrence l’Etat, dans ses relations avec ses semblables, à engranger
un capital d’admiration au travers de son habilité à entreprendre ses actions et les mener avec
succès »833. Pour lui, le rayonnement :

« Is an aspect of the agent’s relations with its work. It refers to the high performance that you
accomplish when you do things. Brilliance as a power currency works on the tendency of human

829
Alexander L. VUVING, « How Soft Power works »…, cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft
power » du Cameroun »,… Ibid.
830
Ibid.
831
MOUELLE KOMBI, N., « Les prémisses d’un rayonnement international du Cameroun », Revue camerounaise
d’études internationales, Colloque international sur le thème : la diplomatie et l’action internationale du Cameroun,
Yaoundé-IRIC, Numéro spécial 2e semestre 2011, pp. 7-18, p.10. Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère
et « soft power » du Cameroun », in Enjeux n° 52, janvier-mars 2017, pp. 24-33
832
La géodiplomatie présidentielle discursive, notamment de la décennie 1990 permet en effet de confirmer cette
assertion de Narcisse MOUELLE KOMBI. En tout cas, sur toute la période 1982-2002, le président BIYA a accueilli
bien plus de sommets et conférences multilatérales au Cameroun (14 accueilles dont 03 sommets de l’UDEAC, 02
concernant le Commonwealth et la Francophonie, et 1 pour le reste) qu’il en a assisté à l’étranger (11 participations
dont 04 à l’Assemblée générale de l’ONU, 02 sur le développement social, et 1e pour le reste). Ces derniers ont très
souvent oscillé, en matière de thématiques traités, entre développement socioéconomique et gestion des menaces
sécuritaires transnationales. Toute chose qui a structuré le discours sécuritisationnel présidentiel sur la période
considérée, voire au-delà (en effet, jusqu’en 2020, le discours diplomatique camerounais reste largement centré sur
ces deux thématiques, laissant très peu de place à la diplomatie politique pure, ce que HUNTINGTON appelle la
« diplomatie de sourire »). Voir HUNTINGTON, S., P., Le choc des civilisations, Paris : Editions Odile Jacob, 1997,
p. 26.
833
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.

Page | 275
beings to learn from the successes of others. It generates soft power through the production of
admiration »834.

Ainsi présenté, le rayonnement ne serait pas une fin en soi, mais plutôt un vecteur de
puissance douce qui créerait un acquiescement chez l’autre (le client ou récepteur) par l’attrait
qu’il produit chez ce dernier vis-à-vis de l’Etat ou toute autre entité émettrice835, 836. Une lecture
que partage Samuel HUNTINGTON lorsqu’il affirme que :

« Les pays tendent à se raccrocher à ceux qui ont une culture semblable et à faire pendant aux pays
avec lesquels ils n'ont pas d'affinités culturelles. C'est particulièrement vrai des Etats phares. Leur
puissance attire ceux qui sont culturellement semblables et repousse ceux qui sont culturellement
différents »837.

Quant à la bénignité (« Benignity »), il était apparu, comme encore aujourd’hui, que :

« Le Cameroun, à en point douter, fait preuve de bénignité dans le déploiement de sa politique


étrangère. En effet, sa capacité à traiter ses vis-à-vis (autres Etats ou leurs représentants officiels)
avec bienveillance et courtoisie ne semble souffrir d’aucune contestation838. La bénignité jouerait sur
les cordes fines de l’altruisme réciproque entre les entités en coopération pour créer du soft power
au bénéfice de l’entité émettrice. Le soft power ici s’exprimerait sur la forme de la production de
gratitude et de sympathie de la part de l’entité réceptrice »839.

Il faut rappeler ici qu’à l’observation, la bénignité comme vecteur de soft power est :

« Largement mis en exergue par le Cameroun sur la scène internationale, lui procurant par là une
certaine sympathie internationale840. En outre, Malgré ses moyens financiaro-économiques limités, le

834
VUVING, A., L., « How Soft Power works », Op. Cit. Cité dans NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft
power » du Cameroun », in Enjeux n° 52, janvier-mars 2017, pp. 24-33.
835
Décernement du titre de Docteur « Honoris Causa » de l’Université du Maryland en 1991, comme preuve de
rayonnement diplomatique à base technico-culturelle du Cameroun. Voir supra.
836
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
837
HUNTINGTON, S., P., Le choc des civilisations, Paris : Editions Odile Jacob, 1997, p. 169.
838
Malheureusement, les auteurs du corpus sur lequel nous travaillons, les discours, déclarations et interviews du
président Paul BIYA entre 1982 et 2002, n’ont pas souhaité prendre en compte dans ledit document les réponses
discursives des hôtes du chef de l’Etat camerounais au cours de ses visites à l’étranger ou à l’occasion de la réception
de ses homologues et autres hauts dignitaires étrangers au Cameroun. Nous nous contenterons donc ici des constations
effectués par nous en 2017.
839
Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
840
Dans la contribution de 2017 qui nous sert ici de support, nous mettions l’accent sur l’exemple du toast au Palais
de l’Unité de Yaoundé à l’occasion de sa visite d’amitié et de travail le 29 juillet 2015, dans lequel le président nigérian
MUHAMMADU BUHARI se réjouissait « particulièrement de l’accueil chaleureux qui a été accordé à ma
délégation depuis notre arrivée ce matin. Je n’en suis pas surpris, au regard de l’hospitalité légendaire du Cameroun
et de son sage et aimable Président, mon frère le Président Paul Biya », et du sentiment exprimé par le Président
français François HOLLANDE le 3 juillet 2015 lors de sa visite d’Etat au Cameroun, quand il déclarait alors : « Je

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Cameroun a toujours pu exprimer d’une façon ou d’une autre son soutien aux pays « amis » en
difficultés, surtout aux victimes de catastrophes naturelles ou d’accidents résultant en des pertes en
vies humaines. Tout compte fait, il semble difficile d’évaluer ici les gains éventuels que rapporterait
cette bénignité camerounaise au pays »841.

Pour ce qui concerne la beauté (« beauty ») comme vecteur de soft power, en nous
retournant une fois de plus vers ce qu’en dit Alexander VUVING, il convient de mettre :

« En exergue la capacité attractive des valeurs secrétées par un agent. Il s’agit de liens créés entre
les acteurs, liés au partage d’idéaux, de valeurs, de causes ou de visions : « shared ideals, values,
causes, or visions »842. D’après cet auteur, ce partage de valeurs, visions, causes et idéaux apporterait
sécurité et chaleur, espérance et extension de soi, identité et communauté »843.

C’est ce que démontre Yves Alexandre CHOUALA en 2013 dans une « analyse des
fondements et des modalités d’insertion du Cameroun dans les relations internationales ».
L’auteur met « en perspective l’articulation entre nature identitaire et relations
internationales »844.

Partant d’une base constitutionnelle, l’auteur établit en effet que :

« Cette nature est […], celle de la « diversité linguistique et culturelle » érigée en « élément de la
personnalité nationale » de l’Etat […] »845. L’identité nationale est donc, d’après lui, « de nature
plurielle et diversifiée. Elle est le résultat d’une agrégation de micro-identités internes et de trois
identités globales en interaction : africaine, francophone et anglophone »846. Cet alignement de
l’action internationale du Cameroun aux identités globales auxquelles fait référence l’auteur, s’avère
être interprétable, dans une lecture en termes de soft power, comme une preuve de suivisme identitaire
plaçant le Cameroun dans une position d’Etat récepteur ou client de soft power provenant des Etats
émetteurs/fondateurs des régimes internationaux représentatifs de ces identités »847.

veux d’abord remercier le Président Biya pour son accueil. Et j’ai été très sensible aux manifestations de sympathie
que m’a témoigné le peuple camerounais tout au long du trajet entre l’aéroport et le Palais présidentiel ».
841
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Ibid.
842
VUVING, A., L., “How Soft Power Works”… Op. Cit.
843
Voir NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
844
CHOUALA, Y., A., « Le Cameroun dans les relations internationales : évolution et projection », Revue
camerounaise d’études internationales, Yaoundé : IRIC, numéro double 1er et 2e semestre 2013, pp. 189-213. Cité par
NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
845
Op. cit.
846
Idem.
847
Cité dans NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.

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En effet, la tendance au suivisme diplomatico-identitaire du Cameroun se vérifie quand on
porte un regard sur les 20 premières années de géodiplomatie présidentielle discursive de Paul
BIYA. En faisant le choix, au début des années 2000, d’accueillir discursivement, le 24 janvier
2000, le Colloque sur « Démocratie et sociétés plurielles » organisé par le Commonwealth et
l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et, le 9 juillet 2001, la 27e session de
l’Assemblée parlementaire de l’OIF, après que le Cameroun ait adhéré auxdites entités au milieu
de la décennie 1990, le chef d’Etat camerounais semble avoir fait de son pays un client identitaire
de ces deux entités, regroupements d’Etats sur la base du partage de deux langues que sont l’anglais
et le français. Ce faisant, il a assumé l’identité virtuelle camerounaise héritée de la colonisation,
au détriment de son identité réelle, endogène, et donc de sa possibilité ou mieux de sa capacité à
créer de l’admiration chez les autres Etats et peuples, autour de sa culture propre, notamment son
patrimoine linguistique endogène. Par ces organisations donc, le Cameroun adhère ouvertement
aux idéaux et à l’identité française et anglaise même si officiellement le pays ne ferme la porte à
aucune autre. Ce qui est à noter c’est qu’en outre, l’on n’observe pas d’effort de projection et de
promotion africaine et extra-africaine de l’ontologie culturelle camerounaise. Si le pays a donc
véritablement écarté la conquête militaire comme modus operandi sur la scène internationale, il
semble indiqué de penser qu’en vue d’assumer davantage son ambition de « régionalisme non
hégémonique » d’une part, et de rayonnement culturel à retombés économiques d’autre part,
l’avenir diplomatique de ce pays s’inscrit inexorablement dans la projection de sa culture, et donc
dans une diplomatie publique plus assumée.

Par ailleurs, comme le souligne Pierre PAHLAVI, si l’école de l’interdépendance et son


concept de soft power « a le mérite d’attirer l’attention sur la dimension stratégique de la culture
et de l’information, et sur leur intérêt pour la diplomatie publique »848, il n’en demeure pas moins
qu’.

« Elle reste néanmoins lacunaire et difficilement opérationnalisable […] à cause de sa grande


versatilité, difficile à appliquer à l’étude empirique de la politique étrangère […]. Parce qu’elle
demeure fortement imprégnée du rationalisme néolibéral, la notion de soft power ne parvient pas à
expliquer par quels mécanismes l’information et la culture modifient la politique des gouvernements

848
PAHLAVI, P., « La diplomatie publique », in BALZACQ, T., et RAMEL, F., (dir), Traité de relations
internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 2013, pp. 553-605, p. 581. Cité dans NYONKA’A, J., T., « Politique
étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.

Page | 278
en affectant la perception et les préférences des sociétés civiles, de même qu’elle est incapable
d’expliquer par quel moyen les Etats peuvent concrètement canaliser, utiliser et exploiter ce pouvoir
en douceur (GILBOA, 2008) »849.

En outre, le contexte international actuel semble imposer aux acteurs de la scène


internationale une remise en cause nécessaire de leurs politiques étrangères. Car, comme
précédemment relever :

« La sécurité n’est plus une question unidimensionnelle pouvant être appréhendée de manière
monolithique et standardisée (BATTIS et PAHLAVI, 2008). Les conflits évoluent […] les nouvelles
victoires seront remportées par ceux qui pourront se prévaloir de la trame narrative la plus
convaincante. [Il faut aujourd’hui prendre conscience de] l’importance nouvelle de l’influence dans
le domaine sécuritaire »850.

Une nouvelle façon de faire la diplomatie semble donc s’imposer aujourd’hui, dans un
contexte où :

« Les Etats sont […] confrontés à une pression croissante sur les questions sensibles, telles celles de
l’environnement, la pauvreté, les droits de l’homme et l’immigration. Dans le futur, […] les Etats
devront donc convaincre « le peuple » autant sinon plus que les gouvernements des Etats (Szondi,
2009) »851.

Il est plus que jamais nécessaire de s’adapter. La pratique diplomatique camerounaise se


trouve donc dans une situation d’évolution nécessaire vers une diplomatie publique si elle doit
survivre dans le long terme. Cette dernière devra s’orienter dans le sens de « l’effort d’un
gouvernement cherchant à influencer l’opinion publique dans un Etat étranger en faveur de son
propre intérêt »852.

Au final, et c’est davantage en jetant un regard analytique sur la géodiplomatie


présidentielle au plan culturel qu’on s’en rend compte, le président Paul BIYA s’est inscrit depuis
le début de son magistère à la tête de l’Etat du Cameroun, dans ce qu’il conviendrait d’appeler, en
résonnance à Bertrand BADIE, une importation de l’occidentalité. Ce alors que, dans le même

849
Cité dans NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft power » du Cameroun »,… Op. cit.
850
PAHLAVI, P., « La diplomatie publique »,… p. 564. Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft
power » du Cameroun »,… Op. cit.
851
Ibid.
852
Idem.

Page | 279
temps, l’on observe par sa géodiplomatie toujours, une quasi absence d’exportation de l’africanité
camerounaise. L’auteur trouve en effet étrange que dans le cadre de la mondialisation et de
l’exportation des valeurs culturelles occidentales qu’elle promeut :

« […] les efforts d’importation l’emportent souvent sur les tentatives d’exportation, les élites des
sociétés du Sud prenant l’initiative d’emprunter, même lorsque par ailleurs elles condamnent la
démarche avec fracas. […] Ce cercle vicieux tient certes à un rapport de forces, mais on peut faire
l’hypothèse qu’il est aussi alimenté par des considérations stratégiques et notamment par les
avantages qu’en retirent individuellement les élites qui y participent »853.

Aussi, l’occidentallo-centrisme854 de la géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA


renforcé par la quasi non exportation vers ladite destination, marque-t-il de plus belle la
dépendance culturelle camerounaise. Le chef d’Etat camerounais apparaissant alors comme un
« acteur importateur855 […] guidés par des incitations et des rétributions, par des espoirs et des
attentes »856.

853
BADIE, B., L’Etat importé… Op. cit., p. 10.
854
Il s’agit en réalité d’une tendance globale, non exclusive au Cameroun. Comme le souligne Bertrand BADIE,
« l’occidentalisation irradie les sociétés du monde à partir d’un foyer englobant l’Europe de l’Ouest et l’Amérique
du Nord ». BADIE, B., L’Etat importé… Op. cit., p. 125.
855
BADIE définit l’acte d’importation comme « le transfert, au sein d’une société donnée, d’un modèle ou d’une
pratique de nature politique, économique et sociale, forgé et inventé dans une histoire qui lui est étrangère et qui
srelève d’un ordre social fondamentalement différent. En ce sens, l’acuité des dissonances culturelles devient
naturellement l’élément de cristallisation des dysfonctions qui accompagnent ce processus ». Ibid., p. 126.
856
BADIE, B., L’Etat importé… Ibid., p. 125.

Page | 280
CH IV.- L’INTERPRETATION : GEODIPLOMATIE
PRESIDENTIELLE, POLITIQUE ETRANGERE ET RELATIONS
INTERNATIONALES

Il sera question, dans ce dernier chapitre, de répondre au questionnement de savoir : dans


quelle mesure les trajectoires géographiques de la diplomatie présidentielle sous Paul BIYA
convergent-elles ou divergent-elles d’avec les principes, nouveaux et anciens, de la politique
extérieure du Cameroun ? En d’autres termes, comment et pourquoi la mise en œuvre de la
politique extérieure par le Chef de l’Etat se serait-elle écartée des lignes directrices initialement
fixées ? En outre, quelles sont les subdivisions paradigmatiques des relations internationales qui
découlent de l’action diplomatique camerounaise sur les 20 premières années de la géodiplomatie
présidentielle sous Paul BIYA ?

Aussi, après avoir examiner le rapport existant entre la géodiplomatie présidentielle sous
le président Paul BIYA et les principes de politique étrangère de l’Etat (section I), nous nous
focaliserons sur son interaction avec les paradigmes ou théories des relations internationales
(section II).

SECTION I.- GÉODIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE ET PRINCIPES DE


POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CAMEROUN

Discourant sur les principes de politique étrangère du Cameroun en 1996 et en 2014


respectivement, Narcisse MOUELLE KOMBI et Yves Alexandre CHOUALA ont, tour à tour,
opté pour une approche mettant « en évidence moins le facteur matériel, de manifestation
historique ou événementielle que le facteur psychologique, d’ordre rhétorique et d’expression
verbale »857. Ce, en retenant uniquement les thèmes qui, hier et aujourd’hui, avec l’un et l’autre
des chefs d’Etat qu’a eu le Cameroun, ont « été magnifiés par la redondance proclamatoire, la
fréquence évocative ou la récurrence sémantique dans les discours et les déclarations des
dirigeants »858. C’est en effet « le système cohérent d’idées forces » qui forment l’ossature de la
vision camerounaise du monde et le « référentiel » de sa logique de projection ou d’action sur la

857
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun,… Op. cit, p. 46.
858
Idem.

Page | 281
scène internationale859 qui a intéressé les auteurs ayant analysé la diplomatie camerounaise, à
l’exception notoire du travail sur sa manifestation historique et phénoménologique vis-à-vis la
France qu’a proposé Dieudonné OYONO en 1990860. Notre démarche, tout en se rapprochant de
celle d’OYONO, diffère cependant de l’une et de l’autre des deux approches suscitées. Dans le
cadre du travail mené jusqu’ici en effet, nous avons choisi la mise en évidence du facteur matériel
serte, de la manifestation événementielle, mais en partant du rôle institutionnel de président de la
République pour en envisager une inscription spatio-dynamique et en dégager les récurrences dans
une démarche géopolitique (mobilisant la méthode historique et la cartographie). Ce travail
préalable a atteint son point culminant dans la première partie assortie d’une analyse analogique
propre aux méthodes de la pensées politiques dans le chapitre III supra. Il est donc question pour
nous de rapprocher, dans la présente section, les résultats obtenus suite à ce travail préalable avec
les principes de politique étrangère du Cameroun dégagés jusqu’ici par les auteurs, pour espérer
en déceler les éventuelles disparités entre discours de politique étrangère et pratique diplomatique
à partir du rôle institutionnel de président de la République, chef d’Etat.

Aussi avons-nous pensé utile de procéder dans un premier temps, à un bref résumé desdits
principes de politique étrangère dans leurs versants classique (Paragraphe I) et renouvelé
(Paragraphe II). Ce, en passant, à l’occasion, chacun des versants résumés sous le prisme de la
géodiplomatie présidentielle déjà établit pour les 20 premières années du magistère de Paul BIYA.

Paragraphe I.- Les principes classiques de politique étrangère du


Cameroun sous le prisme géodiplomatique

Dans ses travaux publiés en 2014, Yves Alexandre CHOUALA861 complète ceux proposés
en 1996 par Narcisse MOUELLE KOMBI862. Parlant spécifiquement des principes de politique
étrangère du Cameroun, alors que ce dernier les avait regroupés sous un triptyque « indépendance,
pacifisme et unité africaine » dans son chapitre II en réservant l’impératif du développement au
chapitre III863, le premier lui, les présente de façon plus détaillée en relevant les corrélations
existantes entre chacun des principes évoqués. Mieux, parce qu’écrivant une décennie après son

859
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 14.
860
OYONO, D., Avec ou sans la France? La politique africaine du Cameroun depuis 1960… Op. cit.
861
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit
862
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun,… Op. cit,
863
Voir Ibid., pp. 46-94.

Page | 282
prédécesseur, CHOUALA élargis la gamme des principes de politique étrangère déjà explorés en
segmentant sa présentation en principes fondamentaux et en nouveaux principes. Quelle lecture,
sous le prisme de la géodiplomatie présidentielle sous Paul BIYA (B), peut-on faire des principes
fondamentaux ou classiques de politique étrangère du Cameroun (A) ?

A. Bref rappel sur les principes fondamentaux de politique étrangère du Cameroun…

Nous nous contenterons ici de résumer lesdits principes fondamentaux. L’analyse au


prisme de la géodiplomatie sera réservée pour le sous-paragraphe suivant. Parler des principes
fondamentaux de politique étrangère du Cameroun implique, d’après Yves Alexandre
CHOUALA, d’étayer les « « principes cardinaux constants » suivants.

✓ Souveraineté et indépendance nationales

Il s’agit de principes qui « sont érigés en préalables intangibles pour la conclusion des
relations diplomatiques avec les autres nations du monde » depuis la sortie du Cameroun de « la
double tutelle française et britannique »864. Le respect de la souveraineté nationale est réaffirmé
comme principe par Paul BIYA, à la suite de son prédécesseur à la tête de l’Etat du Cameroun. Le
deuxième chef d’Etat camerounais, cité par CHOUALA, déclare en effet que :

« Jaloux de son indépendance et de sa souveraineté, le Cameroun ne pourra que renforcer


l’indépendance nationale en exigeant, chaque fois que cela est nécessaire, le respect de sa
souveraineté, dans le cadre global d’une politique de non-ingérence dans les affaires des autres Etats,
et dans la coexistence pacifique »865.

✓ Non-alignement et non-ingérence

Le non-alignement apparait comme principe de politique étrangère du Cameroun d’après


Yves Alexandre CHOUALA, en « corollaire de l’affirmation de la souveraineté nationale »866.
Ledit principe prend tout son sens dans le contexte de l’affrontement bipolaire de l’époque,
« marqué par la domination quasi-hégémonique des deux superpuissances américaine et
soviétique » qui faisait alors apparaître le refus de s’aligner derrière l’une ou l’autre comme « un

864
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 18.
865
Cite par CHOULA, Y., A., Idem.
866
Ibid., p. 19.

Page | 283
acte de pleine expression de l’indépendance et de la souveraineté »867. Pour Paul BIYA, repris
par CHOUALA :

« Une politique de non-alignement authentique, conforme à la situation géographique et à la vocation


historique du Cameroun, au confluent de tous les courants de civilisations, […] paraît dans le contexte
international actuel correspondre le mieux à notre souci d’indépendance »868.

Allant plus loin, l’auteur précise que « le non-alignement se veut ainsi, dans sa dimension
tactique, une expression du libre arbitre, un attribut de la souveraineté et de l’indépendance et
une posture de consolidation de l’émancipation » qui s’inscrit en outre « dans une optique de
diversification des amitiés internationales et des partenaires à la coopération pour le
développement ». Une doctrine qui réside dans le « refus de la servitude plus ou moins volontaire
ou passive »869.

✓ Coopération sans exclusive et solidarité internationale

Yves Alexandre CHOUALA présente la coopération sans exclusive comme « une


conséquence du non-alignement »870. D’après lui, le non-alignement « laisse le champ
international ouvert à l’Etat camerounais qui y agit en fonction du seul impératif absolu que
constitue son intérêt national »871. Ce, dans un contexte où la politique des blocs était :

« Une politique de l’alignement et de l’exclusion : on s’allie avec les pays idéologiquement frères et
on exclut ceux qui appartiennent à d’autres réseaux de fraternité politique suivant une logique
manichéiste : ceux qui ne partagent pas notre idéologie politique ne sont pas avec nous ou plutôt
constituent nos pires ennemis. Le non-alignement rejette ce manichéisme diplomatique et cet
exclusivisme idéologico-politique qui constituent le socle de l’intolérance et des rivalités
internationales. Il opte donc pour une coopération sans exclusives, érigée en paradigme politique
international pertinent pour les pays en développement qui ont besoin de la solidarité de l’ensemble
des pays du monde pour construire leur modernité économique et sociale »872.

✓ Coexistence pacifique et paix internationale

867
Idem.
868
Cite par CHOUALA, Y., A., Op. cit., p. 20.
869
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 20-21.
870
Ibid., p. 22.
871
Idem.
872
Ibid., pp. 22-23.

Page | 284
Il s’agit de deux éléments de la littérature sur la politique extérieure camerounaise inspirés
de la Charte des Nations Unies et divers autres instruments conventionnels. Ils se déclinent en « la
promotion de la paix, la résolution pacifique des différends par le non-recours à la force, la
coexistence harmonieuse et le dialogue entre les nations » qui constituent « de véritables
contraintes éthico-axiologiques dont dépendent l’accès au statut de civilisé et par conséquent
l’acceptation dans le concert des nations »873. Toutes choses qui amènent le Cameroun, suivant
Yves Alexandre CHOUALA, à « prôner et à soutenir l’équilibre des forces – inspiré du concert
européen – sur la scène internationale »874.

Le président Paul BIYA y a également affirmé son attachement, en déclarant notamment


que :

« […] le réalisme, […] nous impose la recherche permanente de l’équilibre des forces en jeu dans la
société international afin d’assurer l’autonomie des peuples faibles : la parité des forces militaires,
voire nucléaires, entre les grandes puissances reste dans ce contexte souhaitable bien que le
désarmement général soit la meilleure garantie de la paix et de la sécurité pour tous »875.

✓ Unité et libération de l’Afrique

Prenant le panafricanisme comme principe fondamental et constant de sa politique


étrangère, le Cameroun s’affirme, d’après Yves Alexandre CHOUALA reprenant le président
AHIDJO, « une « vocation panafricaine naturelle » », ce en raison, notamment, de « son autre
« vocation d’Afrique en miniature née de la géographie et de l’histoire » »876. Il s’agit davantage
d’un engagement contenu dans le préambule de la Constitution camerounaise877 et porté en
triomphe par le président BIYA, pour qui :

« Le renforcement de l’unité africaine demeure une préoccupation essentielle de notre politique


extérieure et constitue notre premier maillon dans le schéma d’alliances stratégiques à constituer
avec les pays du tiers-monde »878.

✓ Indépendance économique et développement national

873
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 25.
874
Idem.
875
BIYA, P., Pour le libéralisme communautaire… Cité par CHOUALA, Y., A., Op. cit., pp. 25-26.
876
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Ibid., p. 26.
877
Ibid., p. 27.
878
BIYA, P., Pour le libéralisme communautaire… Cité par CHOUALA, Y., A., Ibid., p. 27.

Page | 285
L’impératif de la construction et du développement national est également présenté comme
l’un des principes cardinaux de politique étrangère du Cameroun. Il a pris :

« Au fil des ans, le visage d’une véritable diplomatie de développement, axée prioritairement sur la
mobilisation et la captation des ressources nécessaires au financement et au renforcement des
capacités nationales d’autoréalisation »879.

Ce rappel en raccourci des principes fondamentaux de politique étrangère camerounaise


ayant été effectué, il convient à présent de proposer l’analyse qui en ressort quand nous les lisons
sous le prisme de la géodiplomatie présidentielle. Rappelons que cette dernière est entendue
comme, l’inscription spatiale des trajectoires diplomatico-discursives du président de la
République, chef de l’Etat.

B. Les principes fondamentaux au prisme de la géodiplomatie présidentielle

La géodiplomatie présidentielle discursive, à l’observation, confirme la thèse du « non-


alignement aligné »880 du Cameroun sur l’Occident pendant la période de la guerre froide jusqu’à
ce jour. Il s’agit donc d’une géodiplomatie présidentielle Occidentalo-centrée. Une situation qui,
en premier ressort s’avère plutôt logique étant donnée l’identité virtuelle881 du pays, héritée de la
période coloniale, et marquée par les ères mandataire et tutélaire sous administration franco-
britannique. C’est en réalité de la doctrine du non-alignement que découle l’ensemble des principes
fondamentaux de politique étrangère du Cameroun tels que résumés plus haut.

Il s’avère en effet que, malgré qu’il participe à sa première conférence des pays dits non-
alignés à Alger en 1973 (voir figure 137), alors que le mouvement voit le jour en 1955882, les

879
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Ibid., p. 29.
880
Thèse défendue par NDIVA KOFELE-KALE dans un article de la Revue African Affairs en 1981, cité par
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun… Op. cit., p. 54.
881
Nous traitons de la distinction entre « identité réelle » et « identité virtuelle » dans nos travaux de Masters en
Relations internationales soutenus à l’Université de Yaoundé II en 2015 et intitulés Renaissance et identité
diplomatiques du Cameroun. L’identité réelle est alors synonyme de patrimoine culturel endogène sans influence
externe, et l’identité virtuelle renvoi quant à elle au mélange culturel obtenu suite aux effets de la colonisation, mélange
entre culture occidentale et endogène.
882
Réuni à Java, en Indonésie, du 18 au 24 avril 1955, la conférence de Bandung est « organisée à l’instigation de
cinq puissances asiatiques, dites « groupe de Colombo » (Birmanie, Ceylan, Indonésie et Pakistan). Vingt-Cinq autres
pays afro-asiatiques sont invités : les pays arabes indépendants (Arabie saoudite, Egypte, Irak, Jordanie, Liban,
Libye, Syrie et Yémen), a Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, des pays africains (Côte de l’Or – futur Ghana -, Ethiopie,
Fédération d’Afrique Centrale – qui n’envoya pas de représentants -, Libéria, Soudan), des pays asiatiques
(Cambodge, Chine populaire, Japon, Laos, Népal, Philippines, Thaïlande et les deux Vietnam), Israël, les deux Corée
et Taïwan n’ont pas été invités ». BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales…. Op. cit., p. 27.

Page | 286
autorités du jeune Etat camerounais s’inspirent presque entièrement des directives doctrinales
dudit mouvement de Bandung pour construire le socle principiel de sa politique extérieure. Aux
fondements desdites directives se trouvent NEHRU et TITO, s’employant, au début des années
1950, « à définir de nouvelles relations entre les Etats nés de la décolonisation et les pays
industrialisés, capitalistes ou socialistes. La fin du conflit coréen, l’accord sino-indien sur le Tibet,
la conclusion de la guerre d’Indochine favorisent leur démarche »883.

Figure 137: Pays participant aux conférences des non-alignés

Source : BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales… Op. cit., p. 28.

En effet, comme le relatent les auteurs de l’Atlas des relations internationales sous la
direction de Pascal BONIFACE en 2003 parlant de l’émergence du tiers-monde884 :

883
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales…. Ibid., p. 28.
884
Concept qui voit le jour, d’après les auteurs, à la veille de la conférence de Bandung en avril 1955, et qui serait dû
à Georges BLAANDIER et Alfred SAUVY. Il qualifie « les pays du Sud exclus du développement. Créée par
référence au tiers-état, acteur central de la Révolution française, la notion est bien accueillie par les pays en voie de

Page | 287
« A Bandung, 29 chefs d’Etat et de gouvernements afro-asiatiques s’efforcent de définir les principes
de leur coexistence avec les blocs : intégrité territoriale et souveraineté, non-agression, non-
ingérence dans les affaires intérieures, égalité et avantages mutuels, coexistence pacifique. […] La
conférence donne ainsi naissance à un état d’esprit qui eut son heure de gloire pendant les années
1960-70 : le non-alignement. Mais cette « troisième voie », suivie par le « groupe des 77 », survit
avec difficulté à la mort de ses théoriciens, NEHRU, NASSER et TITI, et à la quasi-disparition du fait
colonial. L’espoir d’un nouvel ordre économique international, marqué par la Charte sur les droits
et les devoirs économiques des Etats (ONU, 1974) est vite déçu »885.

Force est de constater, du point de vue géodiplomatique discursif présidentiel camerounais,


que malgré l’important rôle d’inspiration des principes de politique étrangère du Cameroun qu’a
joué le mouvement des non-alignés, et Malgré la participation discursive au 12e sommet des non-
alignés à Durban (Afrique du Sud), le 7 septembre 1998, le président Paul BIYA est demeuré très
distant en vers les pays dudit mouvement, à l’exception notoire de la Chine qu’il découvre trois
ans plutôt en octobre 1993. Une autre donnée qui pourrait être interprétée comme preuve d’un
« alignement non-aligné » sur l’Ouest, sur l’Occident.

décolonisation. Depuis, elle s’est compliquée, le singulier laissant la place à un pluriel : au tiers-monde succèdent les
tiers-mondes ». BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales…. Op. cit., p. 28.
885
BONIFACE, P. (dir), Atlas des relations internationales…. Op. cit., p. 28.

Page | 288
Figure 138: La situation stratégique en 1989

Source : Pascal BONIFACE (dir), Atlas des relations internationales… Op. cit. p. 33.

Page | 289
Pour revenir à la géodiplomatie présidentielle des 20 premières années de magistrature
suprême de Paul BIYA à partir des visites d’Etat ou de travail discursives et archivées dans le
corpus exploité, le Cameroun a donc bel et bien été aligné à l’Ouest, au détriment de l’Est. Ce
même si la trajectoire Yaoundé-Pékin, remise au goût du jour en octobre 1993 et explorée depuis
lors très fréquemment par le chef d’Etat camerounais, vient diluer un tout petit peu cette tendance
géodiplomatique tournée vers l’Occident. Au centre de l’exception géodiplomatico-présidentiel
sino-camerounais se situe la nécessité de sauvegarde de l’intérêt national économique dans un
contexte où mes relations pourtant privilégiées avec l’Ouest, notamment avec la France, tardaient
à porter des fruits tandis que la crise économique ne cessait d’asphyxier davantage le Cameroun.

Aussi, face au refus discursif de la servitude volontaire ou passive à l’un des blocs, s’est
imposée, du point de vue de la pratique géodiplomatique, un alignement non-avoué. Les contacts
fréquents à l’international ont donc été presqu’exclusivement tournés vers l’Occident et en
particulier vers l’Europe et la France (sur 8 visites discursives à l’étranger entre 1982 et 2002, 3
l’ont été vers la France en 1982, 1990 et 1991, contre une pour les autres destinations qu’ont été
le Nigéria, le Vatican, la Belgique, les Etats-Unis et la Chine. De l’autre côté, le président BIYA
accueillait sur la même période au Cameroun, 12 visites de ses homologues et autres hauts
dignitaires étrangers dont 3 de France (1983, 1987 et 1999), 2 du Vatican (1985 et 1995), 2
d’Allemagne (1986 et 1987), 2 du Secrétaire général de l’ONU (1988 et 2000) et une des autres
pays que sont le Nigéria, le Royaume-Uni, la Chine).

Aussi pensons-nous que, si la non-ingérence comme principe de politique étrangère semble


toujours d’actualité, l’on ne saurait en dire autant du non-alignement qui, déjà avec la fin de la
guerre froide, était voué à une disparition certaine. Dans un monde devenu global, sa mise au
placard semble plus que jamais s’imposer, au moins jusqu’à la survenance d’un éventuel autre
affrontement idéologique de grande envergure entre Etats. Une hypothèse qui nous semble
plausible, la fin des rivalités entre Etats n’étant pas pour demain.

La géodiplomatie présidentielle sous Paul BIYA, pour ses 20 premières années de


magistère, s’avère également en déphasage d’avec son discours sur l’équilibre des forces en vue
de coexistence pacifique. En effet, le passage de la décennie 1980 à celle 1990 marqué par la fin
de la guerre froide, révèle un déséquilibre dans la géodiplomatie présidentielle camerounaise. Il
s’agit d’un déséquilibre des puissances visitées discursivement, en faveur de l’Occident. En effet,

Page | 290
l’on se serait attendu, considérant le discours sur la vocation panafricaine du Cameroun d’une part,
et sur son intention d’équilibre diplomatique dans ses relations avec les autres Etats en contexte de
guerre froide, à ce que les trajectoires Sud-Sud soient au moins égales si non supérieures à celles
Sud-Nord. Il n’en est rien. L’équilibre des puissances prôné est battue en brèche par un
déséquilibre géodiplomatique pratique.

Par ailleurs, parlant du principe d’unité et libération de l’Afrique, hormis le fait qu’il est
clair aujourd’hui que la question de la libération de l’Afrique du joug colonial ne se pose plus ou
presque, il convient de constater à la lumière de l’analyse géodiplomatique, qu’il faudrait peut-être
parler de nos jours, concernant le Cameroun, d’un panafricanisme sous-régionalisé qui privilégie
le cercle proche en matière diplomatique. Certes cela s’avère conforme aux prescriptions du Plan
d’action de Lagos de la segmentation du continent en communautés économiques régionales par
lesquels passera l’unité à terme de l’ensemble du continent. Mais cette manière de procéder a
également l’inconvénient de freiner la construction de l’« espace de sens » dont parle ZAKI LAÏDI
cité par Yves Alexandre CHOUALA, et qui renvoi à :

« Un espace aux frontières incertaines et aux acteurs hétérogènes mais soucieux de se projeter
collectivement sur la scène internationale à des fins de renforcement économique, de pesée politique
et de différentiation idéologique »886.

Enfin, le principe d’indépendance et de développement national perçu au prisme


géodiplomatique présidentiel, révèle qu’au lieux d’œuvrer en vue d’une captation des ressources
nécessaires au financement et au renforcement des capacités nationales par une activité d’offre
soutenue des biens et services de production endogène au monde, le Cameroun s’est plutôt voué,
y compris par le déploiement discursif de son chef d’Etat dans le monde, à une quémande
d’assistance y compris par l’entremise d’une sorte de chantage diplomatique. Au lieu d’une
captation par création de biens et de services et par projection conquérante des marchés mondiaux,
l’on a assisté à une captation consommatrice qui a parfois pris les allures d’une sorte de mendicité
diplomatique, ce que nous qualifions en 2015 de « diplomatie de quête de l’aumône »887. Ceci

886
LAÏDI, Z., Géopolitique du sens… Cité par CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit.,
p. 27.
887
NYONKA’A, J., T., Renaissance et identité diplomatiques du Cameroun… Op. cit.

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semble correspondre au troisième moment de la politique étrangère du Cameroun888 qu’identifie
MOUELLE KOMBI en 1996, et qu’il qualifie d’« indépendance pudique »889. Ce dernier court à
partir de la fin des années 80 :

« Il correspond à la grave crise économique et financière que connaît depuis lors le Cameroun et est
caractérisé par un recul relatif du pays sur la scène internationale tandis que se détériore
progressivement mais involontairement son image de marque. Les effets de cette crise sont tels que
les dirigeants de Yaoundé doivent littéralement se promener dans le monde la sébile à la main »890.

Que dire donc des nouveaux principes de politique étrangère du Cameroun, répertoriés
jusqu’ici par la littérature sur sa politique étrangère ?

Paragraphe II.- Le renouveau principiel de la politique étrangère


camerounaise : bref rappel et complément
Après avoir rappelé brièvement ce que la littérature identifie comme principes nouveaux
de la politique étrangère du Cameroun (A), nous procéderons, au-delà d’une analyse au prisme de
la géodiplomatie, à une tentative de mise à jour desdits principes en complétant ce qui nous
apparait à ce point comme étant une omission par les auteurs (B).

A. Le renouveau principiel de la politique étrangère camerounaise

Continuons de lire Yves Alexandre CHOUALA, dans l’optique de présenter succinctement


l’évolution survenue dans les principes de politique étrangère du Cameroun à l’occasion du double
changement d’une part à la tête de l’Etat en novembre 1982, et d’autre part dans le contexte
géostratégique et macro-géoéconomique de la fin de la décennie 1980 à la décennie 1990. Pour cet
auteur en effet « l’alternance politique survenue à la tête de l’Etat camerounais le 6 novembre
1982 à la suite de la démission d’Ahmadou AHIDJO a eu un impact sur la politique extérieure de
la nation »891. Citant Maurice KAMTO, l’auteur soutient en que :

888
Les deux premiers moments étant ceux de l’indépendance symbolique jusqu’au début des années 70, et de
l’indépendance euphorique au milieu des années 80. Voir MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du
Cameroun… Op. cit., pp. 56-57.
889
MOUELLE KOMBI, N., La politique étrangère du Cameroun… Ibid., pp. 56-58.
890
Ibid., pp. 57-58.
891
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 30-31.

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« […] le Cameroun du « Renouveau » rompt avec le passé, notamment en matière de politique
étrangère. La redynamisation de la diplomatie camerounaise se distingue en effet par un effort
doctrinal qui a le mérite de définir pour la première fois les objectifs de [la] politique étrangère »892.

Aussi, souligne CHOUALA, la politique étrangère camerounaise verra-t-elle « son corpus


s’étoffer davantage avec la souscription aux normes de l’Etat de droit et des droits de l’homme,
de la gouvernance ainsi que la promotion de la durabilité environnementale »893.

✓ Le régionalisme non hégémonique

Le Cameroun, d’après CHOUALA citant Ahmadou AHIDJO, part de la considération


suivant laquelle « il existe entre lui et ses voisins immédiats « des centres d’intérêt communs qui
[…] condamne à une coopération plus étroite et mieux organisée » » pour inscrire « sa politique
régionale dans « un parfait esprit d’égalité et de fraternité agissante » »894. Une attitude qui prend
ancrage sur « l’égalité, la fraternité et la solidarité » qui la situent « aux antipodes de la puissance
et de la domination hégémonique »895.

Citant en outre Samuel EBOA, ancien secrétaire général de la présidence de la République


sous le président Ahmadou AHIDJO, Yves Alexandre CHOUALA précise que :

« Le Cameroun n’a jamais été tenté par un quelconque expansionnisme politique ou territorial ». Ce
refus de toute « ambition expansionniste » découle de la « théorie des cercles concentriques de
solidarité » qui inscrit le rapprochement des peuples et des nations sur les « points communs » et les
contingences géographiques. C’est pourquoi, bien que se refusant à quelque expansionnisme que ce
soit, le Cameroun se dit toutefois « prêt […] à accueillir en son sein les populations de ces territoires
auxquelles le lient tant d’affinité historiques si celles-ci, usant de leur droit d’autodétermination,
choisissent librement d’unir leur destin au sien »896.

Et le président Paul BIYA de soutenir dans la même lancée, dans un entretien radiodiffusé
de 1997, repris par Yves Alexandre CHOUALA, que :

892
KAMTO, M., “Le réveil de la diplomatie camerounaise »… Cité par CHOUALA, Y., A., Ibid., p. 31.
893
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 31.
894
Ibid., p. 33.
895
Idem.
896
Ibid., p. 34.

Page | 293
« L’ambition du Cameroun […] n’est pas de jouer à tout prix un rôle de premier plan sur la scène
internationale. Notre souci est de tenir dignement notre place là où nous devons être et de défendre
nos intérêts légitimes »897.

✓ Présence et participation active dans les affaires internationales

Enoncée en 1982898 la présence présuppose, d’après CHOUALA :

« Un accroissement de la présence du Cameroun dans le monde à travers l’ouverture de nouvelles


représentations diplomatiques, un élargissement du réseau de ses amitiés internationales et une
diversification accrue de sa coopération internationale »899.

Quant à la participation, elle vise :

« D’une part, à faire connaître les positions et les visions camerounaises dans les affaires
internationales et, d’autre part, à renforcer la présence nationale dans la fonction publique
internationale à travers une politique cohérente et volontariste de placement des nationaux dans les
Organisations Internationales »900.

Les deux versants (présence et participation) consistent en outre « à soutenir et à


promouvoir la projection d’une image de marque respectable, responsable et attractive »901 du
Cameroun sur la scène internationale902. Du point de vue géodiplomatique, ce principe n’appelle
ici aucune autre analyse de notre part. La modélisation graphique et la cartographie effectuées en
première partie nous semblent en effet largement suffisantes.

✓ L’éthique de la démocratie, des droits de l’homme et de la gouvernance

D’après Yves Alexandre CHOUALA, « la démocratie, la gouvernance, l’imputabilité


(accountability), les droits de l’homme apparaissent comme la dernière génération des principes
doctrinaux de politique extérieure »903 du Cameroun. Aussi, alors qu’il était le tout nouveau chef
de l’Etat du Cameroun en 1982, s’adressant au corps diplomatique accrédité à Yaoundé, Paul

897
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 34.
898
Ibid., p. 35.
899
Idem.
900
Idem.
901
Idem.
902
Des catégories (image de marque respectable, responsable et attractive) qui se rapprochent grandement des trois
éléments constitutifs de soft power que précise VUVING et qui ont été repris plus haut (rayonnement, bénignité et
beauté).
903
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Ibid., pp. 36-37.

Page | 294
BIYA s’assignait : « […] le devoir d’œuvrer pour l’avènement d’une époque nouvelle où les
valeurs de liberté et de fraternité s’épanouissent dans toutes les nations »904. Par ailleurs, le chef
d’Etat camerounais n’a cessé de souligner sa volonté de « bâtir une véritable démocratie au
diapason du monde »905. En outre, les « normes démocratiques de l’Etat de droit, des droits de
l’homme, de la gouvernance, du pluralisme politique et de la légitimité électorale »906 seront-elles
renforcées davantage au « tournant des années 1990, marqué par la vague de démocratisation de
l’ensemble du continent »907 africain. C’est fort de tout ce qui précède qu’à la faveur de son
discours à l’occasion du Sommet du Millénaire, prononcé à la tribune des Nations Unies le 10
septembre 2000, et repris par CHOUALA, le président BIYA plaidait dans les termes suivants
pour une moralisation accrue de la scène internationale :

« Si la mondialisation ne s’accompagne pas d’un nouvel ordre moral, si elle manque du supplément
d’âme que constitue la solidarité entre les Nations et les peuples, elle risque de mettre en danger la
paix si chère à notre temps. […] A la vérité, notre monde a besoin d’éthique. En tant qu’ensemble de
valeurs morale s, elle constitue une attente essentielle de l’ensemble de la communauté humaine.
Grâce à l’éthique, la centralité de l’homme dans nos politiques et actions sera consacrée »908.

La dimension éthique de la mondialisation qu’appellent de tous leurs vœux les autorités


camerounaises, passe également par le respect des normes environnementales érigé en principe de
politique étrangère par les auteurs s’y étant intéressés.

✓ Le respect des normes environnementales

Il convient ici de retenir, en termes de résumé du principe de politique étrangère


camerounaise de respect des normes environnementales tel que souligné par Yves Alexandre
CHOUALA, que :

« Le Cameroun, en tant que pays en développement en quête de respectabilité internationale, ne


pouvait que souscrire à la norme environnementale mondiale qui a désormais enrichi sa doctrine de
politique extérieure. Partant de la vision suivant laquelle « les forêts ignorent les frontières », le

904
Cité par CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., p. 37.
905
BIYA, P., Pour le libéralisme communautaire… Cité par CHOUALA, Y., A., Idem.
906
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Ibid., p. 36.
907
Ibid., p. 37.
908
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002, Yaoundé
: Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002). Cité par CHOUALA Y., A., Ibid., pp. 37-38.

Page | 295
Cameroun opte pour la gestion des questions environnementales au niveau supra-étatique, régional
et international »909.

Ainsi, de façon générale, les principes de politique étrangère du Cameroun s’inscrivent :

« A la fois dans le conservatisme classique de la défense des intérêts de souveraineté, l’affirmation


révolutionnaire d’un jeune Etat qui s’estime porteur d’un sens international nouveau et du réalisme
pragmatique lié à l’adhésion aux normes fortement cotées à la bourse des valeurs éthiques
mondiales »910.

Eu égard à ce qui précède, un regard critique sur certains des principes dits « nouveaux »
de politique étrangère du Cameroun dans l’optique d’une mise à jour, semblent s’imposer.

B. Mise à jour des principes nouveaux de politique étrangère du Cameroun au prisme


géodiplomatique : le principe de lutte contre le terrorisme

Le regard critique que nous pouvons poser sur ce qui peut être qualifié de renouveau
principiel de la politique étrangère du Cameroun se dirige vers le contenu actuellement donné au
principe de régionalisme non-hégémonique. Il s’agit, de notre point de vue, d’une posture plutôt
ambigüe qui pourrait expliquer la géodiplomatie présidentielle de dépendance au sentier historique
de l’époque coloniale occidentallo-centrée et le peu d’initiatives, même non militaro-hégémonique
du pays sur la scène internationale, en tout cas sur les 20 premières années du magistère de Paul
BIYA.

Nous nous limiterons cependant à la formulation d’un questionnement à même de révéler


ce que nous pensons être des zones d’ombre dudit principe et d’avancée potentielle de la politique
étrangère camerounaise. Ce questionnement se formule tel qu’il suit : le contenu jusqu’ici donné
au principe de régionalisme non-hégémonique n’est-il pas en définitive un aveu de faiblesse
diplomatique assumée, du fait d’une vision paradigmatique classique des relations internationales,
par le leadership politique camerounais ? Etant donné que la puissance ou l’hégémonie ne se
conjugue pas qu’en termes de hard power (militaire et économique), mais aussi et surtout en termes
de soft power (capacité de susciter l’admiration au travers de la mobilisation du facteur culturel

909
CHOUALA, Y., A., La politique extérieure du Cameroun… Op. cit., pp. 38-39.
910
Ibid., p. 39.

Page | 296
créateur de rayonnement, de bénignité et de beauté au sens d’Alexander VUVING911) n’est-ce pas
là une attitude qui s’oppose en réalité à l’option d’indépendance économique et de développement
national ? Ce d’autant plus que, comme on l’a vu plus haut avec CARRON DE LA CARRIERE,
l’économie et le commerce ne se présentent en réalité que comme le véhicule de la culture ?

Concernant le complément ou mieux le supplément doctrino-principiel que nous pouvons


apporter, il découle du constat suivant lequel l’exposé jusqu’ici fait par les auteurs au sujet des
principes de politique étrangère du Cameroun n’a pas, aussi surprenant que cela puisse paraitre,
pris en compte le principe de lutte contre le terrorisme. Pourtant, depuis les attentats du 11
septembre 2001 aux Etats-Unis d’Amérique, les autorités politiques camerounaises et en
particulier le président Paul BIYA, n’ont pas cessé de proclamer de façon redondante, leur
engagement résolu à lutter sans relâche contre cette nouvelle menace transnationale à la paix et la
sécurité.

Dès le 3 janvier 2002 en effet, s’adressant au corps diplomatique à l’occasion de la


présentation des vœux de Nouvel An, le président BIYA activait la sonnette d’alarme contre le
nouvel ennemi de l’humanité qui venait de nuire de la façon la plus spectaculaire jamais
enregistrée :

« […] à en juger d’après les récentes conférences internationales et en particulier l’Assemblée du


Millénaire, une prise de conscience d’un destin commun de l’humanité me paraissait s’être produite
au cours des dernières années. La grande majorité des Nations semblait s’accorder sur la nécessité
de trouver les voies et moyens de faire régner la paix et la sécurité dans le monde, de combattre la
pauvreté et de ménager aux habitants de la planète un environnement plus sain. […] cette « éthique
de solidarité » était sans doute la clef du monde nouveau en train de s’élaborer sous nos yeux. C’était,
je le reconnais, une vision optimiste de l’avenir que rien ne paraissait démentir. Et puis, le 11
septembre dernier, l’imprévisible a eu lieu. Des attentats inqualifiables ont provoqué aux Etats-Unis
la mort de plusieurs milliers de personnes »912.

Paul BIYA précisait par la suite, son point de vue sur la nature de l’acte terroriste tel
qu’exposé alors par les attentats retentissants perpétrés sur le sol américain :

911
Alexander L. VUVING, « How Soft Power works »…, Cité par NYONKA’A, J., T., « Politique étrangère et « soft
power » du Cameroun »,… Op. cit.
912
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002,
Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 3 (1993-2002), pp. 515-516.

Page | 297
« Je voudrais […] faire […] deux observations auxquelles j’attache une grande importance. D’abord,
rien ne peut justifier de tels actes qui par définition, ne peuvent toucher que des innocents. Le
terrorisme est intolérable. Et il doit être combattu. […] nous avons condamné sans hésitation ni
restriction les attaques en question et accordé notre soutien total à la coalition qui se propose d’en
punir les coupables. D’autre part, je ne crois pas qu’il faille incriminer la religion ou quelque religion
que ce soit lorsque des événements inhumains de cette nature se produisent. Toutes les grandes
religions, bien comprises, prêchent l’amour du prochain et la tolérance. Ce sont des interprétations
tendancieuses et dévoyées qui en font des instruments de haine et de vengeance »913.

Puis s’entama l’action de sécuritisation proprement dite de la menace sécuritaire posée par
le terrorisme transnational, avec pour objectif la mobilisation de la communauté internationale
pour lui barrer la route. Pour le président Paul BIYA en effet :

« […] alors que les peuples n’ont jamais communiqué aussi facilement et que les occasions de
contacts se sont multipliées, […] nous ne pouvons pas accepter de revenir en arrière. La communauté
internationale doit s’opposer par tous les moyens à ce retour à une sorte de régression. Le 20e siècle
nous a appris qu’il ne fallait pas laisser se développer des doctrines fondées sur des postulats que ni
la religion, ni la philosophie, ni la science ne sauraient justifier. Nous avons l’impérieux devoir de
combattre le terrorisme international sous toutes ses formes. Ses pratiques inacceptables, la peur, la
haine et l’intolérance qu’il développe, constituent à la fois un sujet de préoccupation majeure et une
menace grave à la paix et à la sécurité internationale. […] le Cameroun s’associe […] pleinement
aux mesures […] contenues dans la résolution 1373 du Conseil de Sécurité, visant au tarissement des
sources de financement de ce fléau, et à la nécessité d’une coopération forte entre les Etats en matière
d’échange d’information, afin de l’endiguer à son stade le plus précoce »914.

Clôturant son propos, après avoir souligné un certain nombre de mesures à prendre par les
gouvernements du monde entier aux plans politique, économique et social, le président Paul BIYA
ne manqua pas de rappeler que :

« Ne nous y trompons pas. Rien ne sera plus comme avant le 11 septembre 2001. Le terrorisme, sous
ses diverses formes, est imprévisible par nature. Il peut atteindre, comme on l’a vu, les grands comme
les petits. Il établit en quelque sorte une certaine égalité des Etats devant la terreur. C’est pourquoi
la seule réponse appropriée à ce fléau est une solidarité sans faille de la communauté
internationale»915.

913
BIYA, P., Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun …, Vol. 3 (1993-
2002), Op. cit., p. 516.
914
Ibid., pp.516-517.
915
Ibid., p. 517.

Page | 298
Avec le temps, cette observation de fin du président BIYA apparait aujourd’hui comme
prémonitoire, dans le sens où le terrorisme transnational a fini par s’étendre à la planète toute
entière. Avec des acteurs terroristes qui ne ménagent aucun effort pour complexifier davantage
leurs modes opératoires alors que, parallèlement, les mesures de contreterrorisme des
gouvernements se perfectionnent et la coopération antiterroriste internationale s’approfondie.

Le principe de politique étrangère de lutte contre le terrorisme a profondément marqué,


depuis 2002, la géodiplomatie présidentielle camerounaise. Avec l’irruption du terrorisme
transnationale conjugué à la piraterie maritime dans la sous-région depuis au moins 2009, les
trajectoires géodiplomatiques bilatérale et multilatérale916, aussi bien sur les plans passif qu’actif,
se sont multipliées. Elle se sont ainsi ajouté à celles dédiées aux questions de coopération
économique et d’intégration sous-régionale.

De façon générale, le multilatéralisme semble garder son avance sur le bilatéralisme dans
la géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA depuis la fin de la guerre froide. Celle culturelle
épouse par ailleurs la même trajectoire, en s’exprimant uniquement au sein d’arènes multilatérales,
et presque uniquement aussi pour des initiative prises hors d’Afrique même si parfois les
rencontres occasionnelles se font sur le continent africain. L’extraversion culturelle demeure plus
prégnante que l’endogénéisation, dans la géodiplomatie présidentielle camerounaise.

Aussi s’avère-t-il que la géodiplomatie présidentielle sous Paul BIYA dévoile que par son
action, certainement emprunte de bonne volonté, le Chef de l’Etat a contribué dans une certaine
mesure, au ralentissement de la construction de la puissance structurelle potentielle du Cameroun.
Car, sous son impulsion, les ressources, la capacité de production du Cameroun est demeurée
dépendante des apports en dons de l’extérieur. Par ailleurs, l’on a assisté avec le temps, et le
changement du contexte international, à un simple jeu de chaises musicales faisant basculer ladite
forte influence externe de l’Europe à l’Asie. L’on peut donc se demander si la diplomatie
présidentielle du prochain Chef de l’Etat camerounais s’inscrira dans la continuité en consacrant
une bonne fois pour toute l’un des deux blocs, ou en ouvrant l’exploration des zones grises

916
Sommet sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le golfe de Guinée, Yaoundé, 24 juin 2013 ; Sommet de Paris
sur la Sécurité au Nigeria, 17 mai 2014 ; 4e sommet UE-Afrique, Bruxelles, 2-3 avril 2014 ; Sommet des Chefs d’Etat
et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), de la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Commission du Golfe de Guinée (CGG) sur la
Sûreté et la Sécurité Maritimes dans le golfe de Guinée, Yaoundé, 24-25 juin 2013…

Page | 299
diplomatiques camerounaises existantes ? A l’analyse, toute diplomatie véritablement ambitieuse
n’aura pas d’autre choix que de s’ouvrir auxdites « zones grises ». Il sera peut-être alors indiqué
qu’à ce moment, la diplomatie camerounaise se mette plus à l’assaut des machés mondiaux qu’a
la quête de l’aumône internationale.

En définitive, la mondialisation globalo-libérale et la montée de l’insécurité


transfrontalière sous-régionale dans la décennie 1990, ont obligé à un renouveau principiel de la
politique étrangère camerounaise. La dimension intemporelle de la crise économique s’affirme
comme raison de la survivance du principe tiers-mondiste de promotion d’un nouvel ordre
économique mondial. Cette double réalité de l’ordre international post guerre froide va entrainer
la continuité d’un alignement géodiplomatique Occidentalo-centré du Cameroun, mais avec une
réorientation progressive, vers la Chine, vers l’Orient. En effet, cette orientalisation de la
géodiplomatie présidentielle économique camerounaise sera de plus en plus perceptible au début
des année 2000, correspondant à une sorte de spécialisation nouvelle de cette dernière. Dorénavant,
à la géodiplomatie de paix et de sécurité Occidentalo-centrée, semble correspondre une
géodiplomatie économico-technique uniquement sino-centrée, du fait du manque de
diversification dans les trajectoires géodiplomatiques présidentielles orientales.

Quelles constations nous offre à présent l’analogie analytique entre géodiplomatie


présidentielle des 20 premières années du magistère de Paul BIYA et théories des relations
internationales ?

SECTION II.- GEODIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE ET PARADIGMES DES


RELATIONS INTERNATIONALES

Une clarification préalable du concept de théorie s’impose.

D’après Lawrence NEUMAN, la théorie sociale a un caractère éminemment dynamique :

« Theories are not static. We are constantly modifying older theories and developing new ones.
Theories come in many shapes and sizes. Some are broad systems of thought while others are narrow
and specific explanations of one particular issue »917.

917
NEUMAN, W.L., « Theory and Research », In NEUMAN, W. L. (dir), Social Research Methods: Qualitative and
Quantitative Approaches, Edinburgh Gate: Pearson Education Limited, 2014, pp. 55-89.

Page | 300
Il est rejoint par Jean-Jacques ROCHE pour qui :

« La théorie […] ne suppose […] pas une connaissance objective de la réalité étudiée. [Elle] a pour
objet d’apporter une grille de lecture parmi d’autres de la réalité, avec, pour condition de validité,
un minimum de permanence dans l’interprétation, et pour limite acceptée, sa possible réfutation dès
lors que le changement de circonstances porte atteinte à la cohérence de l’explication »918.

Pour Alex McLEOD, citant TORBJØRN KNUTSEN, auteur norvégien d’une théorie des
relations internationales, la théorie est un ;

« Ensemble de propositions reliées entre elles qui aident à expliquer pourquoi des évènements se
déroulent comme ils le font. Une théorie est une représentation abstraite, conjecturale ou spéculative
de la réalité »919. Allant plus loin, il relève que les théories « indiquent ce qui est relié à quoi et
comment le lien se fait. Elles transmettent un sens de la façon dont les choses fonctionnent, de la façon
dont elles devraient se tenir, de ce que peut être la structure d’un domaine d’étude »920.

Alex McLEOD souligne ensuite les trois grandes conceptions de l’objectif principal de la
théorie :

- La théorie explicative (qui cherche à expliquer les phénomènes à travers la découverte


d’une relation de causalité entre eux, et à établir une certaine régularité, voire reproduction,
dans ce qui se passe au niveau international, en vue de formuler des généralisations sur la
façon dont les relations internationales fonctionnent) ;
- La théorie constitutive (qui souligne plutôt l’importance de comprendre ou d’interpréter
les circonstances qui permettent que des phénomènes se déroulent de telle ou telle façon) ;
- La théorie normative (se préoccupe surtout de l’évolution des politiques et des actions
dans le domaine international selon un ensemble de standards normatifs ou éthiques921).

L’auteur présente en outre les quatre attributs de toutes les théories des relations
internationales sans lesquels elles ne seraient pas ce qu’elles sont922 :

918
ROCHE, J-J., Théories des relations internationales, Paris : Montchrestien, 8e éd., 2010, p. 16.
919
McLEOD, A., « La théorie des RI », dans BALZACQ, T., et RAMEL, F., (dir), Traité de Relations Internationales,
Paris : Presses des Sciences Po., pp. 989-1018.
920
Alexander WENDT cite par McLEOD, Ibid.
921
Idem.
922
Idem.

Page | 301
- Elles doivent définir leur ontologie (les éléments qui constituent et circonscrivent leur
domaine d’étude) ;
- Elles se fondent toutes sur une épistémologie, une théorie de la connaissance (empirisme,
rationalisme, pragmatisme) ;
- Elles disposent toutes des méthodes pour acquérir et vérifier les connaissances (une
méthodologie) ;
- Toutes les théories contiennent un élément de normativité (une position éthique,
idéologique, sociale ou politique qui les sous-tend et qui les oriente)923.

Les travaux de W. Laurence NEUMAN abondent dans le même sens924. Il considère la


théorie comme un système d’idées interconnectées sur le monde social :

« Social theory is a system of interconnected ideas. It condenses and organizes knowledge about the
social world. We can also think of it as a type of systematic “story telling” that explains how some
aspect of the social world works and why »925.

Pour Dario BATTISTELLA, dans Théories des relations internationales926, le mot


« théorie » est doté d’une originalité certaine :

« Dérivé du substantif grec theoros, qui signifie « spectateur », ainsi que du verbe subséquent
theorein, qui signifie « observer avec émerveillement ce qui se passe, pour le décrire, l’identifier et le
comprendre », on peut considérer comme théorie toute « expression […] cohérente et systématique
de notre connaissance de […] la réalité »927.

L’auteur explique par ailleurs, en s’appuyant sur les analyses de Raymond ARON, que de
nos jours, la conception :

« Large de la notion de théorie, entendue comme « connaissance contemplative […] de l’ordre


essentiel du monde », et susceptible de reposer sur l’intuition, voire le préjugé métaphysique ou la
révélation religieuse […] n’est plus guère acceptée au sein des sciences sociales »928.

923
Idem.
924
NEUMAN, W. L., « Theory and Research », Op. cit..
925
Ibid. p. 57.
926
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, … Op. cit., p. 15.
927
Ibid., p. 27.
928
Idem.

Page | 302
En effet, poursuit-il, en se référant cette fois ci à Kenneth WALTZ :

« Est dorénavant considéré comme théorie au sens strict, id est scientifique, du terme, un travail de
connaissance se doit certes d’être provoqué par une « intuition brillante » et une « idée créative »,
mais il doit aussi être fondé à la fois sur le raisonnement logique et sur la confrontation empirique.
Dans le domaine des relations internationales, de telles théories scientifiques ne datent que du XX e
siècle »929.

Si les théories dites « scientifiques » datent, comme le relève BATTISTELLA, du XXe


siècle, il aura fallu attendre la fin dudit siècle et surtout l’entame du siècle suivant, pour voir la
préoccupation de théorisation nécessaire des analyses être portée dans le domaine des études de
diplomatie. En effet, d’après BALZACQ, CHARILLON et RAMEL, écrivant en 2018 :

« Longtemps considérée comme un champ dénué de spécificité vis-à-vis de la politique étrangère,


l’étude de la diplomatie a souffert d’une prise en compte théorique limitée. Ce déficit de théorisation
est également soutenu par l’attitude anti-théorique d’un segment important de l’un des publics
destinataires des études diplomatiques : les diplomates eux-mêmes »930.

Allant plus loin, ces auteurs soulignent que :

« La théorie doit permettre d’analyser, parfois de décrire avec un supplément d’information ou


d’expliquer ce qu’est la diplomatie et comment elle opère, à la fois dans la longue durée et dans le
quotidien. La théorie peut aussi favoriser une ambition plus réflexive de la part des diplomates, en
interrogeant leurs pratiques, en les comparant à celles des autres, dans l’espace et dans le temps. Si
la modestie, le charme et le tact doivent caractériser le diplomate (NICOLSON, 1939, 126), le retour
critique sur ses mots et ses actes devrait faire partie de ses qualités. La théorie est l’un des
instruments, peut-être le plus efficace, qui y mène. De manière plus disciplinaire, la théorisation de
la diplomatie peut servir à mieux spécifier les rapports entre les études diplomatiques et les autres
branches du savoir en relations internationales, au premier chef desquelles la politique étrangère et,
dans une certaine mesure, la défense et l’économie »931.

Rappelons la brève présentation de la littérature sur la théorisation des études


diplomatiques depuis les années 1980, que font BALZACQ, CHARILLON et RAMEL. Ils
relèvent en effet que cette dernière se segmente en deux groupes :

929
Ibid., pp. 27-28.
930
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Op. cit., p.
14.
931
Ibid., pp. 14-15.

Page | 303
« Un groupe dans lequel on retrouve NICOLSON et BERRIDGE […], situe la diplomatie dans
l’environnement des rapports de sécurité interétatiques. En ce sens, la diplomatie s’occupe d’abord,
voire exclusivement, de haute politique. L’autre groupe prend le contre-pied de cette approche, en
postulant que la diplomatie est beaucoup plus extensive que ne le laissent entendre les tenants d’une
approche de la haute politique. Elle couvre non seulement les questions de sécurité, mais aussi, au
moins, les enjeux commerciaux et culturels (cf. LANGHORNE, 2004 ; LEE et HUDSON, 2004 ;
HOCKING, 1999) »932.

De façon générale, les auteurs affirment que :

« La théorisation de la diplomatie oscille entre la quête d’une essence et l’étude de micropratiques,


parfois en vue d’une montée en généralité, parfois pour saisir hic et nunc, à travers une description
dense à la GEERTZ, ce que fait le diplomate »933.

Suivant cette dernière référence, c’est la première approximation, en termes d’études d’une
micropratique, à savoir la géodiplomatie présidentielle entendue comme inscription spatiale des
trajectoires diplomatiques des chefs des exécutifs d’Etats et dans le cas d’espèce du président de
la République du Cameroun entre 1982 et 2002, qui nous incombe ici. La théorisation de nos
constations, obtenues à partir du travail de modélisations graphiques et de cartographie, ainsi que
de l’analyse analogique des discours sur une base diachronique effectuée jusqu’ici, a pour objectif
de monter en généralité, comme déjà évoqué en introduction générale, dans une perspective
hypothético-inductive de sociologie des relations internationales.

S’il est vrai, comme l’estime Dario BATTISTELLA, dans Théories des relations
internationales, qu’« il existe non pas une, mais – au moins – deux conceptions de ce qu’est une
théorie en sciences sociales, et donc en Relations internationales »934, à savoir les conceptions
moderniste et postmoderniste, nous pensons qu’il convient d’aller au-delà de ces deux conceptions
si l’on souhaite mieux situer théoriquement la géodiplomatie présidentielle camerounaise des vingt
premières années de magistère de Paul BIYA.

En effet, la segmentation de la lecture paradigmatique des relations internationales en trois


grandes traditions, que propose Philippe MARCHESIN, nous semble mieux adaptée et plus
opératoire pour le travail de théorisation de la géodiplomatie présidentielle camerounaise auquel

932
BALZACQ, T., CHARILLON, F., RAMEL, F., « Introduction : histoire et théorie de la diplomatie… Ibid., p. 15.
933
Idem.
934
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, … Op. cit., p. 15.

Page | 304
nous nous attellerons ici. Dans son ouvrage intitulé Introduction aux Relations internationales935,
paru en 2008, l’auteur regroupe en trois grands courants, les auteurs occidentaux de la pensée
politique internationale936. Ces « trois approches contradictoires des relations internationales »,
inspirées de HUNTZINGER, sont incarnées par CLAUSEWITZ, VITORIA et MARX 937. Elles
représentent :

« La scène internationale comme anarchie internationale mettant aux prises, in fine jusqu’à la guerre,
les Etats souverains ; la scène internationale comme communauté universelle, rassemblement de
relations individuelles et transnationales ; la scène internationale comme système de domination des
puissants sur les faibles, de exploiteurs sur les exploités »938.

Aussi, présenterons-nous tour à tour, en les rapprochant des trois traditions théoriques des
Relations internationales explicitées par Philippe MARCHESIN939 rapportées à la géodiplomatie
présidentielle camerounaise sous Paul BIYA durant les 20 premières années de sa magistrature
suprême, le modernisme (Paragraphe I) et le postmodernisme (Paragraphe II) théoriques. Deux
conceptions qui coexistent en Relations internationales940.

Paragraphe I.- Le géodiplomate Paul BIYA : entre modernité théorique…


Après avoir rappelé le sens que prend le modernisme théorique dans la discipline des
Relations internationales rapporté aux trois traditions paradigmatiques proposées par
MARCHESIN (A), nous analyserons, pour une montée en abstraction, la géodiplomatie
présidentielle des 20 premières années de magistrature suprême de Paul BIYA (B).

A. Le modernisme en Relations internationales

Comme déjà indiqué, d’après Dario BATTISTELLA, le modernisme est la première


conception de ce qu’est la théorie en Relations internationales. Elle prône une approche
explicative. L’auteur souligne qu’elle est :

935
MARCHESIN, P., Introduction aux Relations internationales, Paris : Karthala, 2008.
936
MARCHESIN, P., Introduction aux Relations internationales,… Op. cit., pp. 31-34.
937
Ibid., p. 31.
938
Idem.
939
Ibid.
940
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, … Ibid., p. 29.

Page | 305
« Héritière du mouvement humaniste de la Renaissance et du Siècle des Lumières, concomitants du
triomphe du rationalisme des sciences de la nature : elle ambitionne de donner des relations
internationales une explication comparable à celle que donnent des phénomènes naturels les sciences
exactes, tant elle estime que les relations internationales sont déterminées par des causes objectives
existant indépendamment de la conscience que peuvent en avoir les acteurs et que les mêmes causes
provoquent les mêmes effets »941.

Nous pensons pouvoir rapprocher cette première conception des relations internationales,
proposée par BATTISTELLA, de la première tradition des relations internationales de
MARCHESIN. Cette dernière, qui perçoit « la scène internationale comme relation entre Etats
souverains »942, est incarnée par des penseurs comme THUCYDIDE, MACHIAVEL, HOBBES,
VATTEL, HUME, ROUSSEAU et CLAUSEWITZ. Elle est « généralement considérée comme la
théorie classique des relations internationales »943. D’après MARCHESIN, cette première
tradition ou approche :

« Etablit une opposition radicale entre la société internationale et les sociétés nationales. Dans celles-
ci, les hommes peuvent vivre en paix dans un cadre organisé en passant un contrat social avec un
Prince ou une Assemblée. En échange de leurs libertés, ils obtiennent la sécurité. Un tel contrat social
n’est pas possible entre les Etats car cela signifierait qu’ils perdent leur souveraineté. Or, cette
dernière est le fondement même de leur existence. En l’absence d’autorité supranationale, la société
internationale est donc une société anarchique qui implique un comportement égoïste de la part des
Etats. Elle est de ce fait par nature conflictuelle »944.

Cette approche classique se décline, d’après MARCHESIN, de deux manières :

« Une première variante, pessimiste, met l’accent sur l’état de nature conflictuel ; la loi du plus fort
et la situation de guerre perpétuelle entre Etats. […] Une seconde variante, plus optimiste, considère
que l’interétatisme peut être organisé à travers l’équilibre international et un jeu de balance de
945
pouvoir entre Etats » .

Se rapproche également de la conception moderniste des relations internationales, la


deuxième tradition marchesienne des relations internationales. Celle-ci perçoit « la scène

941
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, … Op. cit., p. 29.
942
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales, … Op. cit., p. 31.
943
Idem.
944
Ibid., pp. 31-32.
945
Ibid., p. 32.

Page | 306
internationale comme communauté universelle »946. Incarnée par CICERON, VITORIA, LOCKE
et KANT, elle est fondée sur la coopération. Pour cette tradition en effet, suivant Philippe
MARCHESIN :

« La société internationale est […] représentée par une communauté universelle dont les hommes
sont les sujets primaires. Les Etats ne sont que les mandataires des demandes sociétales, ils sont au
service des intérêts des individus. Dès lors, les hommes, qui ont préexisté aux Etats, gardent des droits
fondamentaux que nul Etat ne peut leur enlever : droit à la vie, à la liberté, à la propriété… »947.

L’auteur souligne ensuite les deux variantes de cette tradition fondée sur la coopération
internationale :

« […] la première, d’ordre métaphysique, est fondée sur l’existence d’un genre humain au-delà des
peuples séparés en Etats indépendants ; la seconde, plus pratique, est centrée sur les relations
économiques, commerciales, culturelles qui se nouent entre individus au-delà des frontières et des
diplomaties. Ces relations « transnationales » ont pour principaux acteurs les commerçants, les
industriels, les artistes, les voyageurs qui créent un tissu d’échanges et de solidarité »948.

Toutes choses qui emportent des implications lorsque traduites en termes de géodiplomatie
présidentielle camerounaise sur les 20 premières années de magistrature suprême de Paul BIYA.

B. Géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA : une primeur moderniste

Ramener à la géodiplomatie présidentielle des 20 premières années de magistrature


suprême de Paul BIYA au Cameroun, le modernisme et les traditions marchesiennes des théories
des Relations internationales qui perçoivent ces dernières comme relations entre Etats souverains
et comme communauté universelle, peuvent être qualifiés de trajectoires géothéoriques
principales.

On peut donc ranger ladite géodiplomatie en pessimiste et optimiste. La géodiplomatie


présidentielle pessimiste, marquée par une prégnance de la modalité bilatérale, ira de 1983 à 1993
pour sa dimension active (avec 08 visites discursives à l’étranger), et de 1983 à 2002 pour sa
dimension passive (avec 12 visites discursives des homologues et hauts dignitaires étrangers).

946
Idem.
947
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales, … Op. cit., pp. 32-33.
948
Ibid., p. 33.

Page | 307
Cette dernière s’avère « pessimiste » du fait de son fort caractère Occidentalo-centré (une visite
discursive au Nigéria (Afrique) et une en Chine (Est)).

Le peu d’optimisme de cette trajectoire géodiplomatique présidentielle réside, notamment,


dans l’observance d’une sorte de décentrement entamé vers l’Est (quand bien même sino-centré),
en 1993 et en 2002, au travers de l’échange de visites discursives entre le président BIYA et le
Premier ministre chinois. Toutes choses qui dénotent d’une volonté, quoique timide, du président
camerounais d’œuvrer pour l’instauration d’un certain équilibre, d’actionner un jeu de balance de
pouvoir entre les Etats des blocs idéologiques qui, jusqu’en 1993, se sont livrés à une rivalité et à
un antagonisme poussés sur la scène internationale.

On peut également incorporer dans la trajectoire géothéorique principale de la


géodiplomatie présidentielle camerounaise des 20 premières années du magistère de Paul BIYA,
une dimension que nous qualifions d’accessoire, et qui épouse les contours de la deuxième
tradition marchesienne des relations internationales, qui pense en termes de communauté
universelle.

Elle traduit une dimension optimiste de la géodiplomatie présidentielle sous Paul BIYA
marquée par un fort recours à la modalité multilatérale, notamment du point de vue passif de la
réception des conférences et sommets en terre camerounaise. Elle va de 1982 à 2002, soit toute la
période couverte par notre corpus, et traite aussi bien de la coopération économique, l’intégration
régionale, les droits de l’homme, la coopération linguistique, la protection des forêts, le
développement social, etc. Elle est la plus dense (avec 14 participations discursives du chef de
l’Etat). Sur le plan actif (participation aux rencontres multilatérales organisées à l’étranger), la
densité s’avère également importante, mais moins dense (11 participations discursives, avec la
majorité (04) revenant aux Assemblées générales de l’ONU). Cette activité géodiplomatique s’est
déployée de 1988 à 2002 et ont concerné des thématiques de coopération économique (CEEAC,
ACP), de commémoration (cinquantenaire de l’ONU), de protection de l’enfant, d’intégration
régionale (OUA), de développement social, etc.

Tout ce qui précède atteste à suffisance de la primauté de la conception moderniste et des


traditions stato-centrées, communautariste universaliste et optimistes, dans la géodiplomatie

Page | 308
présidentielle des 20 premières années de magistrature suprême de Paul BIYA à la tête du
Cameroun. Que dire de la conception post-moderniste de ladite géodiplomatie ?

Paragraphe II.- … et post-modernité paradigmatique des Relations


internationales
Nous rappellerons préalablement ce qu’est le post-modernisme théorique dans la discipline
des Relations internationales (A), avant d’envisager dans quelle mesure la géodiplomatie
présidentielle des 20 premières années de magistrature suprême de Paul BIYA s’en rapprocherai
(B).

A. Le postmodernisme en Relations internationales

Le postmodernisme apparait comme la deuxième conception de ce qu’est une théorie en


sciences sociales de façon générale, et en Relations internationales en particulier. Dario
BATTISTELLA le qualifie d’approche « compréhensive ». Il s’agit d’une approche qui est,
d’après lui :

« Influencée par l’historicisme et le romantisme d’un XIX e siècle synonyme de remises en cause de
l’universalisme rationaliste : partant de la philosophie d’Emmanuel KANT selon qui, si le monde
naturel obéit aux lois universelles et se prête à leur méthodologie, il en va autrement pour les actions
et les sentiments humains à qui fait défaut une telle précision, la conception non-positiviste postule
que les objets qu’étudient les sciences sociales, parce qu’ils s’insèrent dans des contextes spécifiques,
sont radicalement différents des objets des sciences de la nature, ce qui l’amène à conclure que l’on
peut simplement interpréter – plutôt qu’expliquer – les relations internationales, et ce à partir du
sens, de la signification, que donnent à ces relations les acteurs eux-mêmes »949.

Cette conception des relations internationales se rapproche, à l’analyse, de la troisième


tradition marchesienne des Relations internationales. Héritière des JACOBINS, de HEGEL, de
MARX, d’ENGELS et de LENIN, ladite tradition, d’après Philippe MARCHESIN, est :

« Celle d’un monde divisé entre ceux qui font l’histoire et ceux qui la subissent, d’un monde
inégalitaire, terreau de l’avènement d’une future société mondiale inédite. Dans cette vision,
l’anarchie existante des relations internationales n’est qu’une étape au sein d’un processus
historique. D’ailleurs, ce ne sont ici ni les Etats, ni les individus mais les classes sociales qui sont
considérées comme l’unité d’analyse fondamentale des relations internationales. Les Etats ne font

949
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, … Op. cit., p. 29.

Page | 309
que refléter les rapports de force à l’œuvre entre les classes sociales. Ce ne sont que des instruments
aux mains de la classe dominante. La scène internationale, loin d’être interétatique ou de représenter
une communauté d’individus, est marquée par des relations de dépendance politique et économique
où prédominent la domination et l’exploitation »950.

Précisant davantage sa pensée, l’auteur ajoute que :

« Cette troisième approche peut être illustrée par l’image de la pieuvre dont les multiples tentacules,
parties intégrantes et prolongement de l’animal, symbolisent la dépendance par rapport au centre.
Les thèmes d’étude privilégiés sont les phénomènes de domination et de dépendance, les classes
sociales, les rapports de production, les luttes révolutionnaires »951.

Que reste-t-il donc de postmoderniste dans la géodiplomatie présidentielle sur les 20


premières années de magistrature suprême de Paul BIYA à la tête du Cameroun ?

B. Une géodiplomatie présidentielle biyayiste postmoderniste ?

A l’analyse, la géodiplomatie présidentielle camerounaise des 20 premières années de


magistrature suprême de Paul BIYA comporte, dans une certaine mesure, des éléments théoriques
propres au postmodernisme. Les trajectoires diplomatiques du chef d’Etat camerounais ont en effet
très souvent été, d’une part, des occasions de plaidoyer diplomatique en faveur de la réduction de
l’écart entre le Nord et le Sud ou entre les pays riches industrialisés et ceux pauvres et endettés, en
matière de développement. D’autre part, par la cartographie de leurs occurrences, et de façon
contradictoire, la preuve d’une marginalisation accentuée des pays du Sud par leurs élites
politiques (chefs d’Etat) en faveur des trajectoires nordistes, notamment occidentales. Ce faisant,
le Nord est demeuré un centre géodiplomatique camerounais et le Sud une périphérie, pour
emprunter le langage propre au paradigme néomarxiste de l’« impérialisme structurel ».

Pour un bref rappel, soulignons simplement que l’interprétation ici proposée de la


géodiplomatie présidentielle camerounaise sous Paul BIYA se réfère à l’Ecole de la Dependencia,
dont les trois concepts clés sont dépendance, centre, et périphérie952. Ce renouveau de la
perspective marxiste des relations internationales conçoit l’impérialisme comme une relation

950
MARCHESIN, P., Introduction aux relations internationales, … Op. cit., p. 33.
951
Ibid., p. 34.
952
Voire BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po., 5e éd., 2015, p.
254.

Page | 310
d’exploitation essentiellement économique, contrairement au sens que lui donnaient les marxistes
classiques comme faisant référence aux sociétés précapitalistes victimes de conquêtes territoriales
de la part d’Etats capitalistes953. Les idées de cette Ecole de pensées seront généralisées au-delà
des économies latino-américaines, à l’ensemble des relations entre pays industrialisés et pays sous-
développés par André GUNDER FRANK, ARGHIRI EMMANUEL et Samir AMIN 954. « Selon
ces auteurs, souligne BATTISTELLA, le « développement du sous-développement » des pays du
Tiers Monde, leur « croissance sans développement » s’explique par la dépendance de la
périphérie par rapport au centre »955 dû notamment à un « échange inégal »956. Une seule
stratégie de sortie de la domination par les centres capitalistes est identifiée pour les pays sous-
développés : « sinon la révolution socialiste, du moins la rupture avec l’économie capitaliste
mondiale »957.

Contrairement à la perspective marxiste et léniniste de l’impérialisme, Johan GALTUNG,


avec pour base le concept de violence structurelle958, appréhende l’impérialisme comme :

« Une relation de domination par l’intermédiaire de laquelle une entité collective influence une autre
entité collective, que ce soit dans le domaine de la production des biens que cette dernière est
autorisée à produire, des institutions politiques qu’elle est amenée à adopter, de la protection militaire
qu’elle peut espérer, ou des informations et des valeurs qu’elle a le droit d’importer. Surtout, une telle
relation existe indépendamment de tout recours à la violence armée : de même qu’il y a violence
structurelle sans qu’il n’y ait violence physique, personnelle, intentionnelle, manifeste, de même « il
n’y a que l’impérialisme imparfait qui ait besoin de recourir aux armes ; l’impérialisme professionnel
s’appuie plutôt sur la violence structurelle que sur la violence armée » »959.

BATTISTELLA souligne par ailleurs que « la seule spécificité de la théorie structurelle de


l’impérialisme […] consiste à faire reposer la capacité d’un Etat à dicter la conduite d’un autre
sur la collaboration privilégiée entre leurs centres respectifs »960. Aussi, la trajectoire

953
Ibid., p. 253.
954
Ibid., pp. 254-255.
955
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales… Op. cit., p. 255.
956
Idem.
957
Idem.
958
Qu’il présente comme une situation dans laquelle « des êtres humains sont influencés de telle façon que leur
accomplissement actuel, somatique et mental, est inférieur à leur accomplissement potentiel ». GALTUNG, J., “A
Structural Theory of Imperialism”… Cité par BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Op. cit.,
pp. 257-258.
959
BATTISTELLA, D., Théories des relations internationales, Op. cit., p. 258.
960
Ibid., pp. 258-259.

Page | 311
Occidentalo-centrée de la géodiplomatie de Paul BIYA, qui incarne, dans le contexte camerounais,
le centre au sens néomarxiste, révèle donc de ce point de vue une dépendance au sentier hérité de
la période coloniale.

D’un autre côté, toujours concernant la dimension postmoderniste de la géodiplomatie


présidentielle sur les 20 premières années de magistrature suprême de Paul BIYA, il convient de
relever son versant constructiviste critique. Il s’avère en effet que la plupart des trajectoires
géodiplomatiques présidentielles sur la période 1982-2002, surtout sur le plan multilatéral, ont été
marquées par une forte activité sécuritisationnelle. Nous avons amplement développé cet aspect à
l’occasion de nos travaux en cours de publication dans les Mélanges en l’honneur du Professeur
Laurent ZANG, cités au chapitre précédent.

Plus précisément, il s’agit du champ des théories de la sécuritisation, et plus spécifiquement


de l’approche de la théorie sociologique de la sécuritisation de Thierry BALZACQ961.

La théorie de la sécuritisation, suivant la présentation qu’en fait Charles-Philippe DAVID,


est introduite dans les études de sécurité comme un sous-ensemble du paradigme constructiviste.
Ceci a été l’œuvre de l’Ecole dite de Copenhague, sous l’impulsion d’auteurs comme BUZAN,
WÆVER, et DE WILDE962.

Dans les développements qu’il fait sur le paradigme constructiviste en Relations


internationales en matière d’études de sécurité, Charles-Philippe DAVID souligne la contribution
de l’Ecole de Copenhague963 :

« Représentée par BUZAN, WÆVER et De WILDE (1998), [elle] constitue, dit-il, une percée
significative dans la compréhension de la sécurité […]. Pour elle, la sécurité est une démarche où
l’on quitte le cours normal des négociations et des compromis politiques pour entreprendre une
construction, un processus de « securitization » […]. Ce processus, par lequel on produit la sécurité,
est basé sur la désignation subjective d’une menace à la survie, sur la nécessité de prendre des
mesures urgentes et sur l’acceptation par l’audience visée du message véhiculé dans cette désignation
de la menace »964.

961
Voir dans ce sens, BALZACQ, T., « The ‘Essence’ of securitization: Theory, ideal type, and a sociological science
of security », European Journal of International Relations, vol. 29 (1), March 2015, pp. 103-113.
962
Voir NYONKA’A, J., T., « Diplomatie sécuritaire des pays d’Afrique centrale et de l’ouest… Op. cit..
963
Idem.
964
DAVID, C-P., La guerre et la paix : approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie… Op. cit., p. 59.

Page | 312
Cette innovation théorique introduite par l’Ecole de Copenhague a largement été
commentée par les auteurs, aboutissant à un approfondissement de la compréhension de ce qu’il
convient aujourd’hui d’appeler la théorie de la sécuritisation965. L’un des commentateurs les plus
emblématiques de cette nouvelle approche théorique est le Professeur Thierry BALZACQ.

Pour cet auteur, mieux qu’une théorie de la sécuritisation, il conviendrait de faire appel au
pluriel et de parler des théories de la sécuritisation. Car, comme il le souligne avec Stefano
GUZZINI, plusieurs catégories, plus ou moins liées, plus ou moins différentes les unes des autres,
ont été proposées en vue d’une meilleure saisine des théories de la sécuritisation : approches
linguistiques/discursives opposées aux approches orientées vers la pratique de la sécuritisation,
approche sociologique contre approche philosophique, approche explicative contre approche
constitutive ou normative966. C’est dans ce sens qu’il suggère d’appréhender la sécuritisation
comme un idéaltype au sens weberien du terme, dont les différentes théories de la sécuritisation
ne seraient que les différentes facettes d’une réalité plus grande.

Fervent partisan de l’approche sociologique de la sécuritisation, BALZACQ identifie trois


éléments constitutifs de cette dernière : la détermination du contexte, de l’audience et des pouvoirs
responsables de la sécuritisation (« deontic powers »)967. Toutes choses qui cadrent avec l’analyse
ici proposée en termes de géodiplomatie présidentielle. Le président de la République ayant
incarné les pouvoirs déontiques de sécuritisation, dans un contexte de fin de guerre froide, de post
guerre froide et d’avènement du phénomène terroriste transnational, face à des audiences
constituées de ses homologues au plan bilatéral et multilatéral, ainsi que des représentants
patronaux et universitaires des pays visités, et dans une moindre mesure, des camerounais résidents
dans lesdits pays.

965
D’après BALZACQ, repris par Charles-Philippes DAVID : « la sécuritisation actualise rhétoriquement une
anxiété, une situation d’incertitude, alors que la sécurisation est l’art de sécuriser, c’est-à-dire l’art de mobiliser un
ensemble de moyens financiers et humains […]. Dans la plupart des cas, la sécuritisation précède la sécurisation ».
Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix… Idem.
966
BALZACQ, T., et GUZZINI, S., « Introduction: ‘What kind of theory – if any – is securitization?’ », European
Journal of International Relations, vol. 29 (1), March 2015, pp. 97-102. Cité par NYONKA’A, J., T., « Diplomatie
sécuritaire des pays d’Afrique Centrale et de l’ouest… Op. cit.
967
Voir BALZACQ, T., « The ‘Essence’ of securitization: Theory, ideal type, and a sociological science of security »,
European Journal of International Relations, vol. 29 (1), March 2015, pp. 103-113.

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CONCLUSION GENERALE

Parvenu au terme de notre étude sur l’évaluation de la politique étrangère du Cameroun par
les modélisations et l’analyse du discours (1982-2002), que pouvons-nous retenir par rapport à nos
objectifs et à notre démarche ?

I. RAPPEL DES OBJECTIFS ET DE LA DÉMARCHE

Nous sommes partis d’un constat posé avant nous par les auteurs s’étant intéressés à
l’analyse de la politique étrangère. Ces derniers concluaient en effet à la difficulté qu’il y a à
évaluer ladite politique publique. Conclusion fondée, d’après lesdits auteurs, sur la nature
particulière de la politique étrangère perçue comme soumise à une grande réactivité à la
conjoncture internationale, ainsi qu’à une certaine permanence temporelle. Aussi, la question de
l’échéance et des critères de son évaluation est-elle demeurée une équation à résoudre.

Les termes de ce constat ont notamment été établis en 2002 et 2006 par Frédéric
CHARILLON, consécutivement dans l’ouvrage collectif intitulé Politique étrangère : nouveaux
regards968 qu’il coordonne, et à l’occasion de sa contribution subséquente dans la revue Les
Notices969. Pour lui en effet, la politique étrangère :

« Dépasse par définition le territoire national ; elle consiste souvent à réagir ou à s’adapter à des
évènements externes sur lesquels les décideurs n’ont aucune prise »970.

Aussi nous sommes-nous fixés pour objectif de contribuer à l’élucidation de cet inconnu
laissé par la doctrine qui, au fil du temps, avait tendance à s’en accommoder. Il nous semblait en
effet léger que la politique étrangère puisse être admise par tous dans le cercle des politique
publiques, malgré ses spécificités, et que les auteurs parviennent néanmoins, dans une logique
plutôt simplifiante, à admettre voire même à consacrer la difficulté de son évaluation.

968
CHARILLON, F., « Introduction », In CHARILLON, F. (dir), Politique étrangère : nouveaux regards, Paris :
Presses de Sciences Po., 2002, pp. 13-29.
969
CHARILLON, F., « Les Etats et leurs politiques étrangères », In CHARILLON, F. (dir), Relations internationales,
LES NOTICES, Paris : La documentation française, 2006, pp.63-67.
970
CHARILLON, F., « Introduction », In CHARILLON, F. (dir), Politique étrangère : nouveaux regards… Ibid.

Page | 314
En réponse à cette lecture simplifiante, nous nous sommes proposés d’intégrer la
problématique de l’évaluation de la politique étrangère dans une lecture en termes de complexité,
au sens d’Edgar MORIN en vue de la formulation d’un modèle universalisable.

Pour MORIN en effet, comprendre ce qu’est la complexité nécessite de dissiper au


préalable « deux illusions qui détournent les esprits du problème de la pensée complexe » 971 :

« La première est de croire que la complexité conduit à l’élimination de la simplicité. La complexité


apparaît certes là où la pensée simplifiante défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l’ordre,
de la clarté, de la distanciation, de la précision dans la connaissance. Alors que la pensée simplifiante
désintègre la complexité du réel, la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants
de penser, mais refuse les conséquences mutilantes, réductrices, unidimensionnalisantes et finalement
aveuglantes d’une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu’il y a de réel dans la réalité » 972.

La seconde illusion concerne le fait de :

« Confondre complexité et complétude. Certes, l’ambition de la pensée complexe est de rendre compte
des articulations entre des domaines disciplinaires qui sont brisés par la pensée disjonctive (qui est
un des aspects majeurs de la pensée simplifiante) ; celle-ci isole ce qu’elle sépare, et occulte tout ce
qui relie, interagit, interfère. Dans ce sens, la pensée complexe aspire à la connaissance
multidimensionnelle. Mais elle sait au départ que la connaissance complète est impossible : un des
axiomes de la complexité est l’impossibilité, même en théorie, d’une omniscience. Elle fait sienne la
parole d’ADORNO « la totalité est la non-vérité ». Elle comporte la reconnaissance d’un principe
d’incomplétude et d’incertitude » 973.

En claire, ajoute MORIN :

« La pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un savoir non
parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l’inachèvement et de
l’incomplétude de toute connaissance »974.

Etant donné que les deux principaux arguments utilisés pour conforter le point de vue
simpliste de la difficulté de l’évaluation de la politique étrangère ont été, d’une part, sa permanence
temporelle, et d’autre part sa forte réactivité conjoncturelle, il nous a semblé opportun d’intégrer

971
MORIN, E., Introduction à la pensée complexe, Paris : Editions du Seuil, 2005, p. 10.
972
Ibid., p. 11.
973
Idem.
974
Ibid., pp. 11-12.

Page | 315
ces paramètres dans la détermination du modèle d’évaluation systématique proposé. Ledit modèle
comprend cinq éléments à savoir :

1. La considération des deux principales modalités de mise en œuvre de toute politique


étrangère que sont la diplomatie bilatérale et la diplomatie multilatérale ;
2. La considération suivant laquelle l’objectif visé est de systématiser la compréhension du
comment les Etats maximisent, capitalisent et valorisent-ils leurs potentiels face aux
opportunités qu’offre la coopération internationale aux plans bilatéral et multilatéral ;
3. La prise en compte nécessaire de la contribution d’un rôle institutionnel, acteur
monolithique et complet, à la mise en œuvre de la politique étrangère. Ce, dans l’optique
d’éviter la lourdeur institutionnelle qui rend difficile la systématisation de la saisine du
déploiement des ministères des affaires étrangères ;
4. La prise en compte de la longue durée (à partir de dix ans), étant donnée le caractère
permanent de la politique étrangère qui ne peut enregistrer des variations qu’avec les
changements des rôles institutionnels à la tête des exécutifs d’Etat ;
5. Etant donnée la spatialité ou la territorialité consubstantielle à la mise en œuvre de la
politique étrangère, la nécessité d’une inscription spatiale, d’une dimension géopolitique
de cette dernière, appréhendée comme géodiplomatie.

Dans une perspective hypothético-inductive de sociologie des Relations internationales,


nous sommes donc partis de l’acteur monolithique le plus complet de la mise en œuvre de la
politique étrangère qu’est le président de la République, chef de l’Etat, saisi à partir d’une des
dimensions la plus significative de sa contribution, à savoir le discours situé dans l’espace.
Dénombrer ces derniers, déterminer leurs trajectoires spatiales et exploiter leur quintessence grâce
à des fiches de lecture tirées d’un corpus sur vingt ans, nous a permis de monter en abstraction au
travers de l’analyse analogique contextuelle et de la théorisation diplomatique.

II. PROBLÉMATIQUE

Parce que les auteurs jugeaient comme difficile l’évaluation de la politique étrangère,
érigeant de fait cette difficulté en obstacle épistémologique apriori infranchissable, il nous a été
donné d’ambitionner de proposer une démarche innovante d’évaluation systématique à même de

Page | 316
résoudre ce problème. Aussi nous sommes-nous poser la question de savoir : comment évaluer de
façon systématique la politique étrangère d’un Etat comme le Cameroun ?

III. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL

Deux hypothèses ont pu être tirées de la problématique susmentionnée pour guider notre
démarche.

1. Les outils méthodologiques pertinents de l’évaluation systématique de la politique


étrangère sont les modélisations graphiques et géographiques.
2. La méthode d’analyse pertinente est, dans le cas d’espèce, l’analyse du discours dans le
sens des méthodes de la pensée politique en Relations internationales, tandis que les
théories qui ont cours dans la même discipline scientifique permettent l’interprétation des
résultats de l’évaluation.

Chacune de ces hypothèses a été examinée consécutivement dans les deux parties de
l’exposé.

IV. CADRE THÉORIQUE

Explorer la démarche et les méthodes innovantes d’une évaluation systématique de la


politique étrangère d’un Etat comme el Cameroun nous a conduit à partir de la saisine de la
contribution y relative d’un rôle institutionnel, à savoir le président de la République, chef de
l’Etat. Cette saisine s’est faite par l’entremise des discours replacé dans leur espace planétaire
d’énonciation. Les régularités constatées après coup ont permis de déterminer le cadre théorique
de la politique étrangère camerounaise de 1982 à 2002. Il en ressort notamment que cette dernière
a oscillé entre modernisme et postmodernisme paradigmatiques en Relations internationales. On
peut ainsi la situer, dans la première tendance, entre réalisme classique et libéralisme institutionnel.
Dans la deuxième tendance, elle s’est inscrite entre néomarxisme de l’Ecole de la dépendance et
constructivisme critique.

1. Le réalisme classique

Le paradigme réaliste des relations internationales s’est révélé fertile dans sa proposition
concernant la maximisation de l’intérêt national recherchée par les Etats, et notamment via l’action

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diplomatique de ses rôles institutionnels au premier rang desquels se trouve le chef de l’exécutif
d’Etat. Au Cameroun, celui-ci prend l’appellation de président de la République.

En effet, si le Cameroun s’est doté d’une politique étrangère, c’est, comme la totalité des
Etats dans le monde, pour sauvegarder, voir maximiser ses intérêts sur la scène internationale.
Aussi a-t-on pu constater que le déploiement diplomatique du chef de l’Etat camerounais sur la
scène internationale, tout comme son activité diplomatique intérieure, a eu, tout au long des vingt
premières années du magistère de Paul BIYA, des trajectoires principalement interétatiques.

Nous ne sommes toutefois pas parvenus à déterminer, comparativement, si, au sens réaliste,
le président de la République du Cameroun dans la mise en œuvre de la politique étrangère, suivant
la régularité numérique de ses déploiements, permet de confirmer la thèse réaliste classique selon
laquelle la politique étrangère, synonyme de « high politics », prime sur la politique intérieure,
considérée comme de la « low politics ».

2. Le libéralisme institutionnel

Au cours de ses vingt premières années de magistrature suprême (1982-2002), le président


Paul BIYA a usé de la diplomatie multilatérale pour sécuriser ce qui, à ses yeux, constituait l’intérêt
national du Cameroun. Les arènes de matérialisation discursive de cette dernière ont été les
Organisations Internationales, dans le cadre des conférences diplomatiques à l‘étranger ou au
Cameroun.

Nous avons perçu dans le discours diplomatique du président Paul BIYA, développé tout
au long des vingt premières années de son magistère, les thèses de la philosophie libérale de la
nature humaine sensible au bien d’autrui, la promotion de la paix démocratique à l’intérieur des
Etats comme sur la scène internationale, la nécessité d’un « libéralisme régulatoire », un
libéralisme interventionniste se caractérisant par sa volonté « de réformer le milieu international
», la « substitution d’une « politique de puissance » par une « politique de responsabilité », etc.
Avec cette dimension institutionnelle du libéralisme dans la lecture des trajectoires diplomatiques
présidentielles, nous sommes parvenus à démontrer que les Organisations Internationales sont des
lieux de rencontre de gouvernements avec d’autres gouvernements, des chefs d’Etat avec d’autres
chefs d’Etats.

Page | 318
Nous avons pu également y lire que le président de la République du Cameroun, dans une
tendance libérale propre à l’Ecole anglaise, s’est inscrit comme partisan d’une société
internationale serte anarchique, mais constituée d’Etats conscients de certains intérêts et valeurs
communs, et se concevant de ce fait comme étant liés par un ensemble de règles communes dans
leurs relations réciproques.

3. Le constructivisme critique

Les actes de langage ou discours du président de la République du Cameroun ont été le


principal matériau exploité. Par contre, sa gestuelle ou celle de ses alters diplomatiques n’a pas
particulièrement retenu notre attention.

Dans cette lancée, le travail a pris ancrage dans la théorie de la sécuritisation. Non pas dans
le versant sociologique de cette dernière cher à Thierry BALZACQ, mais davantage dans la
perspective de l’Ecole dite de Copenhague qui se focalise sur le discours ou les actes de langage
des acteurs de la sécuritisation.

L’on a ainsi pu établir que sur le plan sécuritaire, le président BIYA, dans son déploiement
diplomatique des vingt premières années de magistrature, notamment à partir de la deuxième
moitié de la décennie 1990, a été un acteur majeur de la sécuritisation des nouvelles menaces dans
la sous-région Afrique centrale et dans le Golfe de Guinée. Cette tendance est particulièrement
marquée pour ce qui concerne la menace posée par les coupeurs de route et le terrorisme
transnational. Les actes de langage du président de la République du Cameroun en la matière
s’inscrivent dans l’approche philosophique de la sécuritisation. Ils ne sont pas que des actes
locutoires (dire quelques chose) ou des actes illocutoires (ne décrivant pas ce qui est dit mais ce
qui est fait). Ils sont surtout des actes perlocutoires visant à modifier les émotions, les croyances
et les actions des destinataires (l’audience dans la sécuritisation).

De façon générale, le président Paul BIYA, au-delà de l’exportation d’une identité virtuelle
camerounaise de pays pauvre, très endetté, appartenant au Sud par opposition au Nord, n’aura pas
été un exportateur de l’identité réelle, endogène, camerouno-africaine, érigée en intérêt national.

Page | 319
4. Le néomarxisme et l’Ecole dite de la Dependencia

La nature de notre objet d’étude qui s’avère la clé de voute de la réalisation de notre objectif
d’évaluation de la politique étrangère, à savoir le rôle institutionnel de président de la République
dans son déploiement discursif international, nous a obligé à nous situer entre orthodoxie et
hétérodoxie en matière de théories de l’économie politique internationale (EPI).

Il a donc été question pour nous de demeurer dans un entre-deux. Ce, dans le sens où,
rendre compte de la contribution de l’acteur président de la République, en tant qu’agent
monolithique de la mise en œuvre de la politique étrangère à partir du discours, a appelé un
nécessaire recours aussi bien aux modélisations (orthodoxie) qu’à l’interprétation des données
empiriques obtenues dans une approche multidisciplinaire (hétérodoxie). C’est dans cette seconde
approximation qu’à intervenu l’approche néomarxiste, en particulier de l’Ecole dite de la
Dependencia, dont les trois concepts clés sont dépendance, centre, et périphérie.

Aussi, les traces du vocabulaire de l’impérialisme structurel se sont avérées nombreuses


dans le discours diplomatique présidentiel camerounais des vingt premières années de magistrature
de Paul BIYA. L’on y a en effet rencontré les catégories telles que pauvre/développé, Nord/Sud,
industrialisés/sous-développés. Plus que de simples éléments de langage, la géodiplomatie
présidentielle, dans une logique évaluative de la politique étrangère, confirme que le déploiement
diplomatique du chef d’Etat camerounais sur la période considérée, correspond à ses tendances
discursives qui semblent positionner le Cameroun et l’Afrique comme pays et zone de la périphérie
africaine dépendants du centre occidental. L’on ne s’étonne donc pas de la prédominance des
trajectoires diplomatiques occidentalo-centrées sur celles afro-centrées dans ladite géodiplomatie.
Toute chose qui cadre avec une interprétation en termes de dépendance culturelle et économique
du Cameroun et de l’Afrique vis-à-vis de l’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis. La politique
étrangère camerounaise a donc davantage participé, sur la période considérée, à l’importation des
modèles occidentaux au détriment de l’exportation d’une quelconque identité camerouno-africaine
érigée en intérêt national.

Page | 320
V. PRINCIPAUX RÉSULTATS ET INTERPRÉTATION

1. Validation des hypothèses

Notre hypothèse générale était qu’évaluer systématiquement la politique étrangère d’un


Etat nécessite la prise en compte de sa mise en œuvre dans la longue durée par un rôle institutionnel
monolithique, au travers de la mobilisation d’outils méthodologiques et de paradigmes
d’interprétation idoines. Elle s’est divisée en vue de vérification, en deux hypothèses secondaires.

La première hypothèse secondaire posait que les outils méthodologiques pertinents de


l’évaluation systématique de la politique étrangère sont les modélisations graphiques et
géographiques. Cette hypothèse, au terme de notre exposé, nous semble confirmée.

En effet, autant il est avéré d’une part, que toute politique étrangère étatique se déploie
dans l’espace au travers des deux modalités que sont la diplomatie bilatérale et la diplomatie
multilatérale, et d’autre part, qu’à la tête de tous les Etats se trouve un rôle institutionnel
monolithique du point de vue ontologique et qui incarne lesdits Etats, autant il est avéré la
possibilité de dénombrer et d’inscrire dans l’espace et le temps la production diplomatique de ces
derniers (discursive et/ou juridique). Toute chose qui se prête aisément, comme démontré dans la
première partie, à la modélisation graphique et à la modélisation géographique exprimée au travers
de la cartographie.

D’après la deuxième hypothèse secondaire, la méthode d’analyse pertinente de l’évaluation


de la politique étrangère est l’analyse du discours dans le sens des méthodes de la pensée politique
en Relations internationales, tandis que les théories qui ont cours dans la même discipline
scientifique permettent l’interprétation des résultats de l’évaluation. Parvenu au terme de notre
exposé, cette hypothèse semble également confirmée.

L’analyse du discours, qui préconise d’établir un pont entre le corpus examiné et son
contexte d’énonciation, nous a permis de comprendre et d’expliquer le pourquoi des trajectoires
géodiplomatiques présidentielles camerounaises sur la période considérée. Dans le domaine des
Relations internationales, cette tendance analytique a notamment pris la forme de la méthode
d’analyse analogique.

Page | 321
2. Interprétation des résultats

Plus pratiquement, en langage de l’évaluation des politiques publiques, et suivant un


schéma de LIKERT à trois modalités, on est parvenu aux résultats suivants.

La politique étrangère camerounaise appréhendée à partir du discours diplomatique a eu :


1) une perspective géodiplomatique occidentale élevée, avec fort ancrage en Europe de l’Ouest et
en France ; 2) une perspective géodiplomatique africaine relativement moyenne, limitée au Nigéria
(diplomatie bilatérale) au Gabon et à l’Ethiopie (diplomatie multilatérale) ; 3) une perspective
géodiplomatique asiatique faible, limitée à la diplomatie bilatérale et à la Chine.

Par ailleurs, sur la période considérée, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est, l’Océanie, le
Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont demeurées des zones grises diplomatiques, et donc des
zones de moindre intérêt pour la politique étrangère camerounaise.

Ces résultats cadrent parfaitement avec les paradigmes des Relations internationales
envisagés à l’entame de ce travail et rappelés plus haut à savoir une politique étrangère
camerounaise qui, suivant l’évolution contextuelle sur la période examinée, alterne entre réalisme
classique, libéralisme institutionnel, constructivisme critique et néomarxisme de l’Ecole de la
Dépendance. Toute chose qui a permis de clarifier l’ontologie paradigmatique de la politique
étrangère du Cameroun.

VI. NOUVELLES PISTES DE RECHERCHES

Malgré que nous soyons parvenus à proposer un modèle d’évaluation systématique de la


politique étrangère, en combinant une certaine orthodoxie méthodologique (dénombrement
discursif et modélisations) et une hétérodoxie analytique et interprétative (analyse analogique du
discours et théorisation diplomatique), nous n’avons pas la prétention d’avoir cerné l’ensemble
des modalités pouvant servir de base à ladite évaluation. Il ne s’agit en effet que d’un point de vue
parmi d’autres possibles sur ce que nous avons cru desceller. D’autres aspects de la question,
opposés à la nôtre ou complémentaires peuvent donc être envisagés.

Il serait par exemple intéressant de tester le modèle d’évaluation de la politique étrangère


proposé sur des cas autres que le Cameroun, qu’il s’agisse d’autres Etats africains ou ceux issus
d’autres continents.

Page | 322
On pourrait également envisager d’intégrer le modèle d’évaluation proposé dans une
logique d’analyse comparative des politiques étrangères des pays d’une même aire géographique
ou de différentes aires. Sans bien sûre négliger la possibilité d’une évaluation comparative des
politiques étrangères sous différents chefs d’exécutifs d’Etat dans un même pays.

Page | 323
ANNEXES

Page | 324
Nous proposons en annexes I, la première fiche de lecture des trois volumes de l’Anthologie
des discours et interviews du président de la République du Cameroun : 1982-2002, Yaoundé :
Editions SOPECAM, que nous avons exploité. Il convient de souligner que pour suppléer la
troisième fiche de lecture (que, avec la deuxième fiche, nous n’avons pas jugé utile de reprendre
ici pour des raisons d’esthétique dans la présentation du document), nous avons eu recours, du fait
de contrainte de temps, aux annexes que propose Claudine AMBOMO dans ses travaux en 2013
(Analyse d’un discours politique présidentiel : étude lexicométrique (Paul Biya, Cameroun, 1982
à 2002)). Etant donnée que le présent travail porte sur une proposition éminemment
méthodologique de l’analyse de la politique étrangère qui s’appuie sur l’analyse d’un corpus de
discours, nous avons estimé qu’il est de bonne approche de reprendre entièrement une partie du
résultat de notre exploitation dudit matériaux, dans l’optique de faciliter la falsifiabilité et/ou la
reproductibilité.

En annexe II figure notre attestation de recherche établit par l’Institut des relations
internationales du Cameroun (IRIC), qui témoigne du changement du libellé de notre sujet
intervenu au terme du travail. A noter que suivant les recommandations des membres de notre Jury
de soutenance, et comme indiqué sur la page de garde, le libellé actuel a par la suite été adopté.

Les annexes III représentent deux notes de service signées des autorités hiérarchiques du
Ministère des relations extérieures (MINREX), et qui attestent de notre immersion dans le
processus d’évaluation et de préparation annuelles des activités et du budget dudit département
ministériel depuis 2016.

Les annexes IV enfin, sont quant à elles constituées de deux cartes représentant le
Cameroun et son évolution administrative d’une part, et l’Afrique au XXIe siècle d’autre part.

Page | 325
Annexes I : Fiche de lecture de l’Anthologie des discours et interviews du président
de la République du Cameroun : 1982-2002
A. Paul BIYA, Anthologie des discours et interviews du président de la République du
Cameroun : 1982-2002, Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986)

DISCOURS INTERNATIONAUX BILATERAUX (A L’ETRANGER)

N° Date et Modalité et Extraits Source


lieux thèmes

1. 16 février Discours devant « […] c’est pour moi un très grand Paul BIYA,
1983, Paris la communauté plaisir de vous rencontrer, pour la Anthologie
camerounaise première fois, en ma qualité de Président des discours
en France de la République Unie du Cameroun, et interviews
Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement. du président
[…] la chronique du temps retiendra de la
1982 comme l’année qui aura République
profondément marqué le cours du destin du
de notre pays. […] à l’occasion du Cameroun :
changement intervenu à la tête de l’Etat, 1982-2002,
en novembre de cette année historique, Yaoundé :
changement dans l’ordre, la légalité et la Editions
continuité, le peuple camerounais tout SOPECAM,
entier a eu conscience de vivre, dans une Vol. 1 (1982-
émotion intense et sans précédent, faite 1986), p. 659
de consternation d’abord, une
consternation bien compréhensible,
d’assurance et de foi retrouvée ensuite,
un évènement d’une portée capitale pour
le présent et l’avenir du Cameroun »
(pp. 101-102)

Page | 326
« […] parce que “ l’œuvre de
construction nationale est une œuvre de
tous et pour tous”, […] cette œuvre
sollicite tous les Camerounais, y
compris ceux résidant à l’étranger, en
l’occurrence ceux résidant en France,
qui doivent se considérer comme
solidaires du destin national » (p. 103)

« […] l’édification du Cameroun, si elle


passe par le développement
économique, social et culturel, si elle
passe par la sauvegarde de
l’indépendance et de la souveraineté, qui
impliquent le non-alignement mais
n’exclut pas la coopération, l’édification
du Cameroun passe d’abord par l’unité
nationale, si chèrement acquise et
préservée, l’unité nationale, condition
de la paix et de la sécurité, dans un jeune
pays si divers, si complexe. Aussi
importe-t-il partout, […] de lutter avec
foi et engagement contre le tribalisme, le
clientélisme et toutes les manœuvres
dangereuses de division ou de diversion,
d’exploitation ou de confusion, de
provocation ou d’intoxication » (p. 104)

Page | 327
« […] vous devez avoir à cœur de
pratiquer la solidarité et l’entente
mutuelle indispensables […] Car, ici en
France, les Camerounais doivent
d’abord compter sur les Camerounais.
Car encore, ici à l’étranger, toute
Camerounaise, tout Camerounais est un
représentant du Cameroun ! » (p. 105)

2. 16 février Discours devant « Je me félicite de l’occasion que Paul BIYA,


1983, Paris le Conseil m’offre cette rencontre pour m’adresser, Anthologie
National du non seulement à vous, mais aussi à des discours
Patronat l’ensemble du monde des affaires en et interviews
français France, compte tenue de l’importance de du président
ses rapports économiques avec le de la
Cameroun. Aussi cette rencontre […], République
après les changements intervenus à la du
tête de l’Etat au Cameroun, […] donne Cameroun :
au nouveau Président de la République 1982-2002,
l’occasion d’avoir un premier contact Yaoundé :
avec vous, et de rappeler quelques-unes Editions
de nos options et réalités politiques et SOPECAM,
économiques potentielles » (p. 107) Vol. 1 (1982-
1986), p. 659

« […] cette rencontre me donne


l’opportunité de vous entretenir des
projets et des possibilités
d’investissement prévus dans notre Ve
Plan quinquennal de développement,

Page | 328
afin de préciser les bornes et les
références de notre coopération » (pp.
107-108)

« S’agissant de nos options


économiques, elles sont et demeurent
d’une part, le libéralisme planifié,
système qui encourage l’initiative privée
tout en reconnaissant à l’Etat,
responsable et gardien de l’intérêt
général, un rôle d’orientation, de
mobilisation, de coordination et de
contrôle des actions de développement »
(p. 108)

« Dans un monde qui connaît depuis de


nombreuses années déjà des tensions et
des conflits de toutes sortes, ainsi qu’une
grave crise économique, dans une
Afrique que n’épargnent ni le marasme,
ni l’instabilité et les divisions, le
Cameroun s’efforce de préserver ses
acquis que sont la paix, la stabilité et le
progrès, le Cameroun entend demeurer
soucieux de soutenir le rythme de son
développement et d’inspirer confiance
aux investisseurs. […] la croissance
économique réelle aura été de 6% en
moyenne par an au cours du IVe Plan et

Page | 329
aura été basée essentiellement sur
l’augmentation sensible de la production
agricole et pétrolière, ainsi que sur la
diversification progressive du tissu
industriel et une importante reprise des
activités dans le secteur du bâtiment et
travaux publics » (p. 108-109)

« […] nous avons voulu confirmer notre


option pour une économie qui, pour être
planifiée, n’en est pas moins
fondamentalement libérale : d’où
notre détermination à faire largement
appel à l’initiative privée ou
parapublique » (p. 109)

« Au stade actuel de notre coopération,


la France est le premier fournisseur et le
second client du Cameroun. Nous
pensons que cette coopération devrait se
renforcer à l’avenir, grâce notamment à
un ensemble de dispositions juridiques
souples et efficaces, à un contexte
économique national particulièrement
favorable, aux mesures d’incitation et
d’encouragement qui offrent aux

Interview investissements les garanties nécessaires

accordée au
journal Le

Page | 330
Monde du 15 à la rentabilité et la sécurité des
février 1983 capitaux » (p. 111)

« […] les chances d’un développement


économique du Cameroun sont d’autant
plus réelles qu’elles reposent sur
l’existence de certains atouts,
notamment : des matières abondantes et
variées ; la production d’une énergie
abondante et bon marché ; une main-
d’œuvre disponible et une
administration moderne et pénétrée des
exigences du développement ; un tissu
industriel diversifié et en expansion » (p.
112)

« Comment expliquez-vous que votre


pays soit moins bien connu en France
et dans le monde que d’autres Etats
africains, tels que le Sénégal et la Côte
d’Ivoire ? »

« Cela est dû aux conditions difficiles


dans lesquelles le Cameroun a accédé à
l’indépendance. En effet, la guerre civile
s’est prolongée dans notre pays durant

Page | 331
plusieurs années après notre entrée dans
le concert des Nations. Durant toute
cette période, nous n’avons guère eu le
temps de nous faire connaître à
l’extérieur » (p. 589)

« Après votre accession à la


magistrature suprême, peut-on
attendre à bref délai une libéralisation
du régime, et peut-être même
l’institutionnalisation du
pluripartisme ? »

« Le Cameroun est composé de plus de


deux cents ethnies, et le moment n’est
pas encore venu pour le pluripartisme.
Presque aussitôt créés, les nouveaux
partis risqueraient d’épouser les
contours des principaux groupes
ethniques, comme ce fut le cas jusqu’en
1966, année où fut institué le parti
unique » (p. 590)

« Selon vous, le Cameroun connaît-il


une phase de prospérité ? »

Page | 332
« […] l’économie camerounaise est
relativement prospère. Nos finances
publiques sont saines, notre produit
intérieur brut croît annuellement de 4%
à 6%, notre endettement extérieur est
faible. L’apparition récente de recettes
tirées de la mise en exploitation de nos
ressources pétrolières suscite de
sérieuses espérances » (p. 590)

« L’essor économique de votre pays


vous incite-t-il à rechercher une
coopération plus étroite avec la
France ? »

« Bien sûr… Pour promouvoir et


stimuler l’effort économique il nous faut
de puissants concours financiers
extérieurs. […] l’aide de pays amis, dont
la France, nous est indispensable. Nos
besoins en équipements routiers et
portuaires, nos projets dans le domaine
de l’enseignement et du développement
rural exigent des aides financières
étrangères » (pp. 590-591)

Page | 333
Interview « Et la coopération avec les autres
accordée à pays ? »
Cameroon
Tribune à
l’issue d’une « La France reste encore notre premier
visite en partenaire, bien que nous entretenions
France, 17 des rapports de coopération avec de
février 1983 nombreux autres Etats : le Canada, la
République Fédérale d’Allemagne, les
Etats-Unis, la Chine, l’Union
Soviétique, nous aident de façon non
négligeable, de même que de nombreux
organismes internationaux qui nous
prêtent un concours permanent » (p.
591)

« Et la Communauté des Etats de


l’Afrique Centrale, créée à l’initiative
du Président du Gabon ? »

« Nous ne sommes pas opposé à la


création de cette organisation. Mais la
diversité des Etats qui sont appelés à en
faire partie est telle que cela soulève
d’épineux problèmes économiques,
monétaires et fiscaux. Il faut accepter de
procéder par étapes. D’une part, la
naissance de cette nouvelle organisation
ne doit pas entrainer la disparition des

Page | 334
Interview organisations régionales déjà
accordée au existantes, au premier rang desquelles
journal Paris- l’Union Douanière et Economique de
Match du 25 l’Afrique Centrale » (pp. 591-592)
février 1983

« Faut-il donner un sens particulier à


votre visite en France ? »

« En cette période de transition, le


Cameroun souhaite, plus encore que par
le passé, renforcer ses liens de toutes
natures avec la France. Le changement
qui vient d’intervenir ici à la tête de
l’Etat ne modifiera en rien le caractère
exemplaire des relations franco-
camerounaises » (p. 592)

« Excellence, au cours de votre visite


en France, vous avez eu des entretiens
avec le Président Français François
MITTERAND et reçu en audience un
certain nombre de personnalités
gouvernementales . Pouvez-vous nous
dire quel aura été l’objet de ces
entretiens et quelles perspectives s’en
dégagent au plan de la coopération
franco-camerounaise ? »

Page | 335
« […] la visite que je viens d’effectuer
en France avait pour but de prendre un
premier contact avec les autorités
françaises afin d’une part, de réaffirmer,
dans le cadre de la continuité, les
positions traditionnelles du Cameroun
sur le plan de nos relations bilatérales et
de nos similitudes de vues sur nombre de
problèmes africains et internationaux et,
d’autre part, d’explorer des voies
nouvelles pour le renforcement de notre
coopération. […] d’apprécier l’état
actuel de cette coopération et de mettre
en particulier l’accent sur le
renforcement des liens multiples qui
unissent nos deux pays. […] Sur le plan
strictement commercial, je relève que
les échanges sont en constante
augmentation et que le Cameroun est
devenu l’un des principaux partenaires
de la France en Afrique au sud du
Sahara » (pp. 593-594)

« Qu’attendez-vous de votre voyage


en France ? »

Page | 336
« Ma visite officielle en France, la
première que j’effectue à l’étranger
depuis mon accession à la magistrature
suprême de mon pays, est une visite
d’amitié et de travail, et par conséquent
une occasion de contacts avec S.E.M. le
Président François MITTERRAND et
d’autres hauts dirigeants français. […]
J’attends de cette visite un
renforcement, un nouvel essor de ces
relations dans le respect de nos
souverainetés et de nos options
respectives, et la sauvegarde de nos
intérêts mutuels » (p. 595)

« L’Afrique noire s’appauvrit


d’année en année : quelle analyse
faites-vous de cette évolution ? Quels
remèdes préconisez-vous ? »

« C’est un fait que les pays africains,


déjà sous-développés au départ, sont en
proie à des difficultés économiques
conjoncturelles croissantes. […] Les
remèdes à ces problèmes relèvent de la
lutte contre le sous-développement, qui
implique une stratégie du
développement à l’échelle de chaque

Page | 337
Etat, des regroupements d’Etats et de ka
coopération internationale » (p. 596)

« Vous partagez la méfiance de votre


prédécesseur à l’égard de la manne
pétrolière dont bénéficie à son tour le
Cameroun, pourquoi ? »

« Les revenus du pétrole apportent,


depuis quelques années déjà, une
contribution importante à l’équilibre de
notre budget, à celui de notre balance
des paiements ainsi qu’à la promotion
des autres secteurs économiques de la
Nation. Cette contribution, qui se
mesure par l’apport et l’économie de
devises dus à l’exportation des produits
pétroliers et à l’autosatisfaction des
besoins nationaux en la matière, est
particulièrement significative en ces
temps d’effondrement des cours des
autres matières premières. Ceci étant, la
prudence et le réalisme que nous
observons à l’égard des revenus du
pétrole tiennent à plusieurs facteurs. Il y
a d’abord l’incertitude sur les données
de nos ressources pétrolières. Bien que
la production, commencée en 1977, ait
pu être sensiblement accrue, il reste à

Page | 338
évaluer avec plus de précision
l’importance, par la qualité et le
rendement, de nos réserves. En outre,
sans négliger les effets multiplicateurs
des recettes pétrolières sur l’ensemble
de l’activité économique nationale, nous
estimons que le pétrole n’est pas une
manne intarissable, mais une ressource
passagère et limitée dans le temps, une
ressource soumise aux aléas du marché
et qui, par conséquent, ne saurait
constituer qu’un appoint éphémère et
fluctuant à nos ressources permanentes
ou renouvelables. Aussi avons-nous
opté, au lendemain de notre accession à
l’indépendance, de faire de l’agriculture
la base de notre développement. Notre
prudence et notre réalisme à l’égard des
ressources pétrolières sont, en
définitive, l’expression de notre volonté
de ne pas démobiliser nos populations
vis-à-vis d’une ressource qui ne saurait
être considérée comme une panacée à
notre sous-développement » (p. 597)

« Dans toutes les interventions, vous


insistez sur la continuité de votre
œuvre par rapport à celle laissée par
le Président AHIDJO. Y a-t-il un
domaine où vous avez envie de

Page | 339
changer les choses et de les marquer
de vos conceptions personnelles ? »

« Le changement intervenu à la tête de


l’Etat n’affecte pas les options
fondamentales qui ont fait la preuve de
leur justesse et de leur efficacité.
Conserver et préserver nos précieux
acquis de paix, d’unité, de stabilité, de
progrès et de justice, assurer notre
sécurité, poursuivre, en maîtrisant
davantage, notre développement
économique, social et culturel, voilà
quelles sont les données permanentes et
les perspectives de notre action. La
continuité n’est cependant pas
synonyme d’immobilisme. Elle n’exclut
pas, bien au contraire, les changements,
les adaptations, les améliorations, les
évolutions nécessaires. A l’œuvre en
cours, j’entends imprimer une
dynamique nouvelle pour renforcer les
résultats acquis ou corriger les
insuffisances, accélérer dans toute la
mesure du possible le rythme de notre
développement. Mieux, j’entends au
besoin introduire les réformes rendues
nécessaires par les aspirations
populaires légitimes ou l’évolution de la
conjoncture, en tenant compte, des

Page | 340
moyens disponibles et suivant une
démarche toujours empreinte de
réalisme et de méthode » (p. 598)

« Le président AHIDJO a été


surnommé le Louis XI de l’Afrique
parce qu’il a réussi l’unification du
Cameroun ; comment comptez-vous
maintenir et renforcer l’unité du
pays ? »

« Notre profonde conviction est qu’il


n’y a pas de Nation viable sans l’unité,
sans un consensus national autour
d’idéaux et d’options librement
acceptés. […] Ce n’est pas une réalité
acquise une fois pour toutes, mais une
conquête de tous les jours, par une
conscience nationale accrue, par un
changement progressif des mentalités
et des comportements » (p. 599)

3. 20 avril Discours devant « Chers compatriotes, venant pour la Paul BIYA,


1983, la communauté première fois en visite dans ce pays frère Anthologie
Lagos camerounaise à voisin, en qualité de Président de la des discours
l’occasion de la République Unie du Cameroun, de Chef et interviews
visite officielle de l’Etat et Chef du Gouvernement, […] du président
en République j’entends préserver le précieux acquis du de la
passé mais aussi imprimer une République

Page | 341
Fédérale du dynamique nouvelle pour accélérer en du
Nigéria tant que de besoin, et dans la mesure de Cameroun :
nos moyens, le rythme de notre progrès, 1982-2002,
afin de poursuivre l’édification de notre Yaoundé :
cher et beau pays » (pp. 137-138) Editions
SOPECAM,
Vol. 1 (1982-
« Ma visite au Nigéria, comme celles de 1986), p. 659
mon prédécesseur, comme celles
qu’effectuent régulièrement au
Cameroun des hauts dirigeants du
Nigéria se situent dans le cadre de la
nécessaire concertation pour la
sauvegarde des relations d’amitié et de
coopération et de bon voisinage qui
caractérisent les rapports entre nos deux
pays. Je ne doute pas que ma présente
visite contribuera à renforcer davantage
le climat de compréhension mutuelle et
d’entente. Car c’est notre conviction que
nos pays ont un intérêt vital à toujours
consolider les relations d’amitié, de
coopération et de bon voisinage qui les
unissent » (pp. 138-139)

« Je voudrais […] vous exhorter à


veiller, à sauvegarder et à renforcer par
l’union des cœurs et des esprits, la
cohésion interne, l’adhésion, la
discipline, la solidarité, l’entente, la

Page | 342
tolérance parmi vous. Je voudrais vous
assurer solennellement ici, dans cette
maison du Cameroun, que comme par le
passé, vous pourrez toujours compter
sur la sollicitude de votre ambassade
pour vous encadrer, pour vous aider
dans la mesure du possible, et pour
rechercher ardemment les solutions les
plus adéquates, les plus réalistes à vos
problèmes. Mais, cette disponibilité de
l’ambassade et de tout le Gouvernement
qu’elle représente ici, suppose de votre
part, loyalisme, courtoisie, rectitude
morale, collaboration franche,
obéissance respectueuse. C’est à ce titre
seulement que vous pourrez être
considérés à votre tour, dans la dignité et
l’honneur, comme de véritables
ambassadeurs du Cameroun au
Nigéria » (p. 139)

« Il ne faut surtout pas perdre de vue


cette réalité, que bien que vous soyez
dans un pays ami et frère, vous êtes dans
un pays étranger. A ce titre, vous devez
vous abstenir de toute ingérence dans les
affaires intérieures de ce pays frère qui
vous offre une hospitalité généreuse »
(p. 139)

Page | 343
« Au Cameroun comme à l’étranger, ce
qui vous interpelle tous, c’est de
travailler ensemble afin que le
Cameroun soit toujours plus uni, plus
fort, plus prospère à l’intérieur, digne,
écouté et respecté à l’extérieur » (p. 140)

4. 20 avril Réponse au « Je tiens à remercier mon très Cher Paul BIYA,


1983, Toast de S.E. Frère, S.E. Lahadji Shehu Usman Laiyu Anthologie
Lagos LAHADJI Shagari, Président de la République des discours
SHEHU Fédérale du Nigéria, de son aimable et interviews
SHAGARI à invitation à me rendre au Nigéria, […] du président
l’occasion de la afin d’établir avec lui un premier contact de la
visite officielle et d’échanger nos idées sur les questions République
en République d’intérêt commun, tant en Afrique que du
Fédérale du dans le monde. […] C’est ma profonde Cameroun :
Nigéria conviction que les relations d’amitié et 1982-2002,
de coopération qui existent si Yaoundé :
heureusement entre nos deux pays ne Editions
peuvent que bénéficier des contacts SOPECAM,
humains fréquents que peuvent établir Vol. 1 (1982-
les dirigeants entre eux, contacts qui, 1986), p. 659
éventuellement, leur permettent de
normaliser des situations conflictuelles
conjoncturelles et d’approfondir le
champ de leur coopération bilatérale »
(pp. 141-142)

Page | 344
« Notre visite qui fait suite à celle
mémorable que Votre Excellence a
effectuée en République Unie du
Cameroun en janvier 1981 et à celle
effectuée dans votre beau et grand pays
en janvier 1982 par mon prédécesseur, le
Président Ahmadou Ahidjo, témoigne
de la volonté constante de nos deux
Gouvernements de rechercher toujours
les conditions les meilleures de
confiance, de paix et de compréhension
permettant de consolider et de
développer toujours davantage nos
excellentes relations d’amitié et de
coopération mutuellement bénéfiques.
[…] Nos deux pays sont confrontés
depuis leur accession à la souveraineté
internationale à de multiples problèmes
nationaux et internationaux dont
l’ampleur et la solution exigent
concertation et solidarité entre nos deux
gouvernements. Parmi ces problèmes
qui constituent des sujets de constante
préoccupation […] il me plaît de relever
à grands traits […], à l’intérieur, le
maintien de la paix et de la stabilité
politique et le renforcement de l’unité
nationale sans lesquels tout effort pour
bâtir nos jeunes Nations serait vain » (p.
142)

Page | 345
« […] la politique extérieure […] reflète
de nombreuses similitudes et
convergences dans les options
fondamentales de nos deux pays. En
effet, membres de l’Organisation de
l’Unité Africaine, de l’Organisation des
Nations Unies et du Mouvement des
Non-alignés, la République Fédérale du
Nigéria et la République Unie du
Cameroun qui font de l’indépendance
nationale, de la défense de l’intégrité
territoriale, de la non-ingérence dans les
affaires intérieures des autres Etats, du
règlement pacifique des différends, de la
libération totale de l’Afrique, et de la
coopération internationale quelques-uns
des principes cardinaux de leur politique
extérieure, attachent une importance
particulière au renforcement de leurs
relations sur le plan bilatéral autant que
dans le cadre sous-régional, régional ou
international. De fait, le raffermissement
de nos rapports d’unité et de coopération
nous apparaît comme un maillon de ces
cercles concentriques de solidarité qui
constituent à notre sens l’approche la
plus réaliste et la plus sûre de l’unité et
du développement de notre continent.
C’est pourquoi nos deux pays ne

Page | 346
ménagent aucun effort pour la réussite
des activités des organisations sous-
régionales telles que les Commissions
Bassin du Lac Tchad et du Fleuve Niger
et d’autres plus larges, ainsi que pour la
consolidation continue et le succès de
l’OUA et pour le renforcement de la
solidarité de tous les pays du Tiers-
Monde, en vue de l’instauration
nécessaire d’un nouvel ordre
économique international prenant
davantage en considération leurs intérêts
légitimes » (p. 143)

Pour Paul BIYA, les foyers de tensions


ou de divisions en Afrique sont
« souvent provoqués ou entretenus […]
par les égoïsmes nationaux, les
ingérences dans les affaires intérieures
d’autres Etats et les intérêts de
domination » (pp. 143-144)

« Je dois dire ici combien le Cameroun,


membre fondaeur de l’Organisation de
l’Unité Africaine, est préoccupé par la
crise qui paralyse cet irremplaçable
instrument de la coopération
interafricaine. […] La recherche d’un
consensus […] sur la base des

Page | 347
dispositions pertinentes de la charte et
non sur la pression des groupes ou des
majorités circonstancielles. La reprise
normale des activités de l’OUA est à ce
prix » (p. 144)

« Unie et solidaire au sein de


l’Organisation de l’Unité Africaine,
l’Afrique pourra avec une détermination
toujours renouvelée, s’attaquer à la
liquidation totale du colonialisme, de
l’apartheid, de l’oppression et de
l’agression […]. Aux Grandes
Puissances et en particulier aux
membres du Groupe de contact, […]
qu’ils fassent plus que jamais pression
sur l’Afrique du Sud raciste » (p. 144)

« Il convient de saluer l’appui constant


que vous apportez aux pays de la Ligne
de front victimes des agressions
cyniques perpétrées par l’Afrique du
Sud pour déstabiliser et décourager leur
action engagée en faveur des
combattants de la liberté en Afrique
Australe » (p. 145)

Page | 348
« Comment ne pas évoquer, […] la
situation politique […] encore plus
angoissante qui caractérise la société
internationale ? La division du monde
en deux blocs antagonistes se manifeste
aujourd’hui avec d’autant plus
d’ampleur qu’elle est engendrée par les
Grandes Puissances dont les éternelles
rivalités et les luttes d’intérêt accentuent
la course effrénée aux armements et
démontrent l’inadéquation entre les
principes affirmés pour y mettre fin et le
manque de volonté politique pour
appliquer ces principes. Il y a alors,
conséquence de cette situation, la
résurgence de la bipolarisation du
monde et de la guerre froide auxquelles
assistent passivement parce
qu’impuissantes à réagir, les jeunes
Nations du Tiers-Monde confrontées de
ce fait à des pressions politiques qui
entravent leur option en faveur d’une
politique de non-alignement et de
coopération avec tous les Etats sans
Interview discrimination » (p. 145)
accordée à
Cameroon
Tribune « A ce sombre tableau vient s’ajouter
Hebdomadaire […] la crise économique internationale
à l’issue d’une aiguë qui, si elle constitue l’une des
visite officielles préoccupations essentielles de la

Page | 349
au Nigéria, communauté internationale, dévoile à
Yaoundé, le 19 suffisance les égoïsmes ainsi que les
avril 1983 limites de la coopération entre le Nord
industrialisé et nanti et le Sud pauvre et
exploité. C’est pourquoi le nouvel ordre
économique international à l’avènement
duquel nous nous devons d’œuvrer sans
relâche, ne peut devenir réalité que par
l’acceptation par tous de consentir des
sacrifices, c’est-à-dire, de substituer à
l’actuelle économie d’accaparement
celle de partage, de démocratiser le
développement, d’établir un système de
co-développement des ressources et de
co-prospérité des nations et des peuples
du monde entier, en un mot de solidarité
internationale ». Il s’agit, poursuit-il, d’
« aboutir à un consensus fondamental
sur des questions aussi vital es que la
crise alimentaire mondiale, l’instabilité
des prix des matières premières, le
problème de l’énergie, les questions
financières et monétaires » (pp. 145-
146)

« […] point n’est besoin, pour expliquer


la qualité particulière de nos relations,
d’invoquer la géographie et l’histoire. Il
suffit d’observer la symbiose de fait qui
s’est instaurée entre les ressortissants de

Page | 350
nos deux pays à travers les échanges
intenses le long de notre frontière
commune, échanges dont la diversité et
la multiplicité attestent des relations
toujours fraternelles et amicales entre
eux. Ainsi, convaincu de la profonde
identité de vues entre nos deux pays sur
les grands problèmes de l’heure […],
nous ne doutons pas, Monsieur le
Président et Cher Frère, que ma présente
visite d’amitié contribuera encore
davantage à imprimer une nouvelle
dynamique pour le renforcement de nos
liens de fraternelle amitié et de
coopération exemplaire dans l’intérêt de
nos populations » (p. 146)

« Vous venez, Excellence, de réserver


au Nigéria votre première visite
officielle dans un pays africain. Quelle
signification donnez-vous à cette
visite ? »

« Le but de cette visite était d’établir un


premier contact avec le dirigeant de ce
grand pays voisin et frère afin de
réaffirmer d’une part, la continuité des

Page | 351
relations d’amitié, de coopération et de
bon voisinage qui existent entre nos
deux pays et, d’autre part, notre volonté
de voir ces relations se renforcer,
s’étendre et se diversifier toujours
davantage dans l’intérêt de nos deux
peuples. Cette visite s’inscrivait aussi
dans le cadre de la nécessaire
concertation entre les gouvernements de
nos deux pays sur les problèmes
d’intérêt commun » (pp. 601-602)

« Quels nouveaux domaines de


coopération aimeriez-vous
promouvoir ? »

« Le Cameroun et le Nigéria
entretiennent une coopération
dynamique et multiforme qui se déploie
dans le cadre d’instruments juridiques
appropriés, notamment la grande
commission mixte Cameroun-Nigéria.
Cette coopération bilatérale est appelée
à connaître un nouvel essor avec la
réactivation très prochaine de cette
grande commission mixte et la signature
à l’issue de ma visite d’un accord de

Page | 352
coopération économique, scientifique et
technique » (p. 602)

« En réponse au toast du Président


SHAGARI, vous avez déclaré que
l’Afrique était minée par de
nombreux problèmes dont les
solutions devraient se trouver à un
niveau bilatéral ou dans le cadre de
l’OUA. Pourriez-vous citer les plus
graves de ces problèmes ? »

« Outre les conflits qui opposent


certains Etats et les menaces d’ingérence
et de déstabilisation, outre l’odieuse
politique d’apartheid pratiquée par le
régime de Prétoria et de l’occupation
illégal e de la Namibie par l’Afrique du
Sud, je pense que le problème le plus
crucial du continent africain est celui
de son développement. En effet, nos
économies, déjà fragiles et soumises aux
aléas de toutes sortes, se trouvent
encore durement éprouvées par la crise
économique qui sévit depuis de
nombreuses années dans le monde, une
crise aux effets néfastes et convergents,
tels : la récession dans la production et
les échanges, la dégradation des termes

Page | 353
de l’échange, la baisse des cours des
matières premières, les désordres
monétaires, la hausse des taux d’intérêt,
la tentation du retour au protectionnisme
dans les pays développés, la diminution
de l’aide au développement,
l’accroissement du chômage etc. » (pp.
602-603)

5. 1er Discours « […] Merci de nous recevoir avec tant Paul BIYA,
novembre prononcé à de chaleur et de nous faire partager votre Anthologie
1986, l’occasion de la foi et votre espoir : votre foi en Dieu et des discours
Rome visite officielle en son Fils, et votre espoir d’un avenir et interviews
au Vatican meilleur. […] J’aimerai rappeler ici du président
l’enthousiasme que vous avez suscité de la
chez tous mes frères, quelle que soit leur République
appartenance religieuse : catholiques, du
protestants, musulmans et animistes » Cameroun :
(p. 475) 1982-2002,
Yaoundé :
Editions
« Nous slauons de tout notre cœur vos SOPECAM,
efforts pour le respect des droits de Vol. 1 (1982-
l’homme dans le monde. Chaque 1986), p. 659
Camerounais, qu’il soit musulman,
catholique, protestant ou d’une autre
confession, vous exprime par ma vois
son admiration, son estime, sa
vénération et sa sincère affection. […]
entre nos deux Etats des liens d’une

Page | 354
amitié qui dure depuis plus de vingt-cinq
ans. Le Pape Paul VI avait d’ailleurs
accueilli ici même et avec la même
bienveillance mon prédécesseur » (p.
476)

« Lors de votre visite, vous avez pu


découvrir le Cameroun dans sa
multiplicité et sa variété et aussi dans
son unité nationale. Notre pays compte
plus de 200 ethnies. Nous avons 2
langues officielles, le français et
l’anglais. Nous n’avons pas tous les
mêmes convictions religieuses. Mais,
nous avons choisi de ne pas être une
mosaïque de groupes ethniques, et d’être
un exemple d’union au sein d’une
Afrique divisée et déchirée par des
drames absurdes. Nous sommes avant
tout des Camerounais. Nous avons opté
pour le non-alignement et désirons rester
à l’écart des blocs et des compétitions
idéologiques qui divisent le monde » (p.
476)

« Nous nous efforçons de suivre votre


exemple permanent et généreux
d’ouverture aux autres et de tolérance.
[…] Nous nous réjouissons du

Page | 355
développement que notre Eglise
catholique connaît aujourd’hui grâce à
votre dynamique impulsion » (p. 477)

« Bien des malheurs accablent le


continent africain : la famine, la
sécheresse, le sous-développement, les
épidémies, la misère sous toutes ses
formes et les catastrophes naturelles.
D’ailleurs le bilan a été très lourd dans
le Nord-Ouest du pays après la
catastrophe du lac Nyos : plus de 1500
morts, 20.000 personnes sinistrés et des
villages entiers anéantis. […] je tiens à
vous remercier personnellement, Très
Saint-Père, des prières que vous avez
offertes pour nos morts, pour les
personnes éprouvées et pour les
survivants » (p. 477)

« L’apartheid constitue la forme la plus


hideuse et la plus menaçante du mépris
de l’autre, du racisme et de l’injustice
sociale. Pour nous, chrétiens, il ne s’agit
pas seulement d’une négation des droits
de l’homme, il représente
l’anéantissement du fondement même
du christianisme » (p. 477)

Page | 356
« Le continent africain a besoin de
renforcer les liens unissant ses
nombreux Etats et travaille
inlassablement à l’unité, à la solidarité
de tous ses enfants. Le Cameroun
considère comme un devoir sacré la
recherche incessante de cette unité.
Nous poursuivons nos efforts pour le
développement de la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique
Centrale. Nous poursuivons notre lutte
pour que l’Organisation de l’Unité
Africaine devienne dans ses institutions,
dans ses programmes et ses actions,
l’incarnation de la solidarité africaine.
[…] Voilà pourquoi vos enseignements
et vos paroles rencontrent toujours au
Cameroun des oreilles et des cœurs
attentifs » (pp. 477-478)

DISCOURS INTERNATIONAUX BILATERAUX (AU CAMEROUN)

1. 20 juin Allocution de « […] l’occasion de votre première Paul BIYA,


1983, bienvenue au visite officielle au Cameroun […] Anthologie
Yaoundé Président témoigne de […] l’excellence des des discours
français relations qui existent entre la France et et interviews
François le Cameroun. Ces relations trouvent leur du président
Mitterrand et fondement dans une histoire commune de la
Madame au cours de laquelle Camerounais et République
Français ont appris à se connaître et à du

Page | 357
forger en commun les valeurs Cameroun :
essentielles de leur civilisation 1982-2002,
respective. Elles se veulent exemplaires Yaoundé :
dans la recherche d’un co- Editions
développement authentique. […] Il n’est SOPECAM,
point besoin de vous présenter, car vous Vol. 1 (1982-
n’êtes pas un inconnu en terre 1986), p. 659
africaine » (p. 205)

« Le peuple camerounais est heureux de


saluer en vous le digne représentant
d’une grande Nation qui a été et
demeure la mère des arts, le foyer de
rayonnement de la science et de la
culture » (p. 206)

« Le Cameroun slaue enfin, en votre


illustre personne, celui que le peuple
français a porté à la magistrature
suprême, et qui, par son action
inlassable incarne la foi de la France en
l’avenir de l’homme ainsi que son
engagement ferme aux côtés de ce
nouveau “Tiers Etat” qui s’est élargi aux
dimensions de la planète pour devenir le
Tiers-Monde et qui entend devenir un
partenaire à part entière dans la conduite
des affaires mondiales. Votre présente
visite […] ainsi que les entretiens

Page | 358
qu’elle nous donnera l’occasion d’avoir
[…] nous permettront de consolider et
de renforcer encore davantage les
relations d’amitié et de coopération qui
existent entre nos deux pays. Elle nous
donnera l’occasion de réaffirmer la
pérennité de l’amitié entre la France et le
Cameroun » (p. 206)

2. 20 juin Toast au dîner « Nous accueillons, dans un élan de Paul BIYA,


1983, offert en cœur et de raison, le digne et distingué Anthologie
Yaoundé l’honneur du représentant du grand peuple de France, des discours
Président vis-à-vis duquel le peuple camerounais et interviews
François nourrit des sentiments à la fois du président
Mitterrand et d’admiration, d’estime et d’amitié. La de la
Madame République Unie du Cameroun attache République
un grand prix aux heureuses relations de du
féconde et d’amicale coopération Cameroun :
qu’entretiennent depuis longtemps nos 1982-2002,
deux pays. Ces relations ont un caractère Yaoundé :
particulier qui résulte du double fait que Editions
nos deux pays, dans le passé, ont fait un SOPECAM,
moment route commune et continuent, Vol. 1 (1982-
dans le présent non seulement à partager 1986), p. 659
en partie un héritage commun de langue
et de la culture […] » (p. 207)

« Nous accueillons donc en vous


Monsieur le Président l’avocat opiniâtre
des causes justes, celui qui, bouleversant

Page | 359
l’échelle des valeurs dans un monde qui
s’est laissé envahir par égoïsme ou par
paresse par le règne de l’inégalité et de
la justice, proclame, je cite “qu’il faut
respecter la liberté de chaque individu,
et, au-delà, de chaque groupe
d’individus, des sociétés naturelles
jusqu’à la Nation” (fin de citation) et qui
ajoute, je cite encore “il n’y a plus de
superpuissances… et c’est la chance
historique des pays petits et moyens.
Personne ne peut plus prétendre agir ou
décider en leur nom” (fin de citation).
C’est notre conviction profonde que le
monde actuel a besoin d’une tradition
qui ne soit ni occidentale, ni orientale,
mais universelle, fondée sur la primauté
de l’homme, sur la reconnaissance de
son unicité, sur une liberté et la faculté
créatrice de l’individu, sur l’exigence de
dignité et d’autonomie personnelles »
(p. 208)

« […] mes compatriotes proposent à


l’illustre représentant de la France que
vous êtes, le don total de leurs cœurs, en
raison des similitudes spirituelles d’une
parenté culturelle, d’une vocation à

Page | 360
l’humanisme qui les rapprochent du
peuple français » (p. 208)

« Monsieur le Président, vous séjournez


depuis quelques heures dans une Nation
qui se construit et qui ne demande
qu’une chose : la paix. Oui la paix, […]
à l’intérieur et à l’extérieur de ses
frontières. La paix que renforceront
l’amitié et la coopération des pays amis
et frères. Vous venez visiter une Nation
qui peut compter sur ses potentialités,
sur la sagesse, l’énergie et l’ingéniosité
de ses enfants ; une Nation qui a les
capacités d’enfanter une démarche
propre, originale, dans un monde qui,
désespérément, se cherche encore. Mais
une Nation qui voudrait pouvoir
compter aussi sur un environnement
international compréhensif » (p. 209)

« Dans les forums internationaux […]


votre pays a pris obstinément le parti de
la paix, de la négociation, de la
coopération en vue d’un nouvel ordre
mondial. Votre pays a défendu la cause
du Tiers-Monde. En agissant ainsi, vous
prenez le parti de la survie collective de

Page | 361
l’humanité sur l’irrédentisme des
égoïsmes à courte vue » (p. 210)

« […] ce que nous attendons nous-


mêmes des grandes et moyennes
puissances, […] qu’elles prennent la tête
du mouvement pour l’émancipation et la
liberté des individus et des peuples ;
pour la consolidation des Nations
jeunes, pour l’éradication des séquelles
du colonialisme, pour la fin du racisme,
de l’apartheid, de la discrimination et de
la ségrégation : enfin pour la prospérité
collective » (p. 210)

« La paix, la solidarité, la liberté, le


respect mutuel, la générosité, [sont] des
éléments fondamentaux du nouveau
comportement que doivent avoir les
hommes et, s’ils sont mis en œuvre par
une volonté politique, sont appelés à
devenir des vecteurs d’un nouvel
humanisme. Un tel humanisme ferait
accéder le monde à une ère où les
hégémonismes feraient place au
renforcement d’une coopération
multiforme, une coopération [en vue]
d’un monde où les imperfections du
système économique international qui

Page | 362
pénalise les plus faibles pour davantage
favoriser et renforcer les plus forts
seraient éliminées et remplacées par des
mesures équitables permettant des
transferts de technologies, une juste
rémunération des productions
industrielle, agricole, minière, artistique,
etc, et une stabilité des instruments
d’échanges commerciaux » (p. 211)

« […] dans bien des domaines, nos idées


épousent les vôtres, comme notre action
internationale s’identifie dans une
certaine mesure à la vôtre. […] Face à
un contexte économique international
particulièrement défavorable, nous
avons estimé, que le développement
national devrait se faire pour les
Camerounais et par les Camerounais,
c’est-à-dire qu’il serait autocentré, donc
endogène et viserait avant tout la
satisfaction des besoins des
Camerounais. Mais Parallèlement à
cette politique, nous l’affirmons et le
répétons sans cesse : notre pays est
largement ouvert à la coopération
internationale du moment que nos
partenaires éventuels respecteraient
notre identité nationale, nos options

Page | 363
socio-économiques et notre libre
arbitre » (p. 211)

6. 10 août Discours de « C’est avec une joie immense que le Paul BIYA,
1985, bienvenue à Sa Cameroun vous accueille aujourd’hui : Anthologie
Yaoundé Sainteté le Pape c’est en effet votre première visite en des discours
Jean-Paul II terre camerounaise et elle représente, et interviews
dans l’histoire de notre pays, un du président
événement d’une portée considérable. de la
Le Cameroun vous accueil comme le République
Chef d’un Etat souverain qui entretient du
avec lui les relations les plus amicales Cameroun :
depuis son indépendance. […] Ces 1982-2002,
hommes et ces femmes qui vous Yaoundé :
acclament ici sont des croyants : Editions
chrétiens, musulmans, ou adeptes des SOPECAM,
religions traditionnelles, tous sont venus Vol. 1 (1982-
aujourd’hui, vers l’homme de Dieu » (p. 1986), p. 659
401)

8. 15 Allocution « Monsieur le Ministre Allemand de la Paul BIYA,


novembre prononcée à Coopération Economique, […] nous Anthologie
1986, l’inauguration voyons […] dans votre présence des discours
Yaoundé de l’exposition aujourd’hui à Yaoundé pour inaugurer et interviews
allemande avec nous la grande exposition du président
allemande, nous y voyons, dis-je, une de la
preuve supplémentaire de l’excellente République
qualité des relations d’amitié et de du
coopération qui existent entre la Cameroun :
République Fédérale Allemande et la 1982-2002,
République du Cameroun. […] Je Yaoundé :

Page | 364
voudrais vous assurer que le Cameroun, Editions
pour sa part, ne négligera rien pour SOPECAM,
renforcer toujours davantage ces liens Vol. 1 (1982-
d’amitié et de coopération » (p. 479) 1986), p. 659

« La grande exposition allemande


représente une étape supplémentaire
dans notre programme de coopération
bilatérale C’est la première du genre à se
dérouler au Sud du Sahara depuis 1960.
Nous sommes très heureux que Yaoundé
soit le siège d’une manifestation si
importante. […] Lors de ma visite
récente dans votre pays, j’ai invité les
investisseurs et les hommes d’affaires
allemands à s’implanter au Cameroun.
Aujourd’hui, je renouvelle ici cette
invitation, et je souhaite que votre visite
soit l’occasion de resserrer encore
davantage nos liens économiques. […]
Nos frontières vous sont ouvertes. […]
Lors de cette grande manifestation, des
contacts vont se nouer entre partenaires
allemands et camerounais » (pp. 480-
481)

Page | 365
Annexe II : Attestation de recherche

Page | 366
Annexes III : Notes de service portant désignation en qualité de cadre d’appui
de la Chaine Programmation, Planification, Budgétisation, Suivi/Evaluation du
MINREX

Page | 367
Page | 368
Page | 369
Page | 370
Annexes IV : Carte du Cameroun et de l’Afrique
Figure 139: Le Cameroun : évolution des frontières, découpage administratif

Source : Atlas de l’Afrique : Cameroun, Les Editions J.A., 2010, p. 91

Page | 371
Figure 140: L'Afrique au XXIe siècle975

Source : Atlas de l’Afrique : Cameroun, Les Editions J.A., 2010, p. 37

975
Hormis le Soudan du Sud

Page | 372
INDEXE ALPHABÉTIQUE DES CONCEPTS

Actes illocutoires, 81 Théorie diplomatique, 303


Actes locutoires, 81 Europe, 45, 101, 117, 151, 163, 239, 299
Actes perlocutoires, 81 Evaluation systématique, 2, 3, 4, 10, 58, 60,
Africanité camerounaise, 280 69, 86, 121, 123, 316, 317, 321, 322
Afrique, v, 5, 6, 7, 9, 13, 25, 32, 33, 37, 43, Figuré, 155
44, 45, 57, 91, 95, 96, 161, 220, 241, 243, Généralisation, 18, 33, 158
244, 245, 246, 247, 285 Géodiplomatie culturelle présidentielle, 263,
Ambassades, 159, 167, 169, 387 264, 273
Amérique, 19, 42, 43, 114, 162, 217 Géoéconomie, 224
Analyse du discours, 206 Géopolitique, 10
Analyse du discours diplomatique, 206 Géostratégie, 28, 115, 222, 223
Asie, 163, 299 Google Maps, 151
Carte, 40, 55, 97, 119, 150, 151, 152, 155, Habillage, 158
158, 160, 203 Hommage à la République, 168, 173, 241,
Carte diplomatique, 159, 168, 181, 203 262
Cartographie, 63, 152, 159, 386 Internet, 61, 150, 152, 206, 207
Cartographie thématique, 150, 151, 152, Irénologie, 238, 239
153, 158, 159, 181 IRIC, 49, 52, 153
Choroplèthes Les « zones grises » géodiplomatiques
Cartes, 155 présidentielles, 203
Client identitaire, 278 Logique active de la géodiplomatie
Consulats, 159, 164, 167, 169, 387 présidentielle bilatérale, 125
Consulats généraux, 169 Longue durée
Coopération internationale, 294, 307 Analyse, 29, 37, 41, 303
Coursera Macro-géoéconomie, 224
Cours en ligne, 150, 152, 153, 158 Magistrature suprême, 40, 128, 135, 242, 245
Covid-19, 236, 238 Maxima étendue, 130
Dieu et son Fils, 191 Méthode analogique, 219
Diplomatie culturelle, 263, 264, 265, 269, Méthode exégétique, 218
270, 273 Méthode historienne
Diplomatie économique, 255, 256, 257, 258, Ecole de Cambridge, 220
259, 262, 269 Méthodes de la pensée politique, 218, 219,
Géodiplomatie économique, 255, 256, 259 221
Diplomatie globale, 240 Minima étendue, 130
Diplomatie publique, 240, 269, 270, 271, Missions diplomatiques, 168, 169
278, 279 Monographie, 121, 122
Doctrine camerounaise, 152 Monographie corpusculaire, 121, 122
Ecole de Copenhague, 312, 313 Non-alignement, 283, 284, 286, 288, 290
Ecole de la Dependencia, 310 Paix, 14, 16, 17, 19, 42, 67, 109, 121, 168,
Ecole Normale Supérieur, 150 169, 195, 238, 239, 240, 241, 243, 284
Etudes de diplomatie Paradigme, 32, 70, 116

Page | 373
Peace research, 238 Soft power, 262, 263, 270, 271, 272, 273,
Politique culturelle extérieure, 263, 264, 265 274, 275, 276, 277, 278, 279, 297
Politique des blocs Suivisme diplomatico-identitaire, 278
Guerre froide, 284 Système international, 100, 114, 115
Politique étrangère, 7 Teneur annuelle des occurrences, 122, 123
Postes consulaires, 168, 174 Théorie, 13, 15, 16, 17, 18, 26, 51, 65, 71, 99,
Pouvoirs déontiques 100, 101, 102, 103, 109, 110, 113, 114,
Deontic powers, 313 115, 116, 120, 121, 123, 128, 129, 135,
Puissance, 5, 9, 24, 51, 57, 70, 102, 104, 107, 137, 141, 142, 148, 149, 194, 207, 210,
108, 109, 112, 113, 114, 115, 194, 219, 211, 212, 214, 215, 219, 239, 253, 254,
226, 230, 254, 258, 263, 270, 272, 274, 300, 301, 302, 303, 304
275, 276, 293, 296, 299 Théorie structurelle de l’impérialisme
Puissances coloniales, 195 Impérialisme, 311
Queue d’aronde, 100, 103, 107, 109, 110 Tiers-monde
Réalisme, 47, 70 Tiers-mondes, 227
Relation de conflictualité, 195 Trajectoire géodiplomatique stato-
Représentations permanentes, 168 confessionnelle, 273
Révolution numérique, 152 Visites discursives, 121, 124, 128, 129, 130,
134, 135, 136, 155

Page | 374
LISTE DES FIGURES

Les variables de la queue d’aronde ............................................................................................. 103


Régime démocratique et production du droit.............................................................................. 105
Relations bipolaires entre deux Etats au travers de la queue d’aronde ....................................... 106
L’anarchie, fondement de la démocratie illustrées par la queue d’aronde ................................. 108
L'ombilic, suite de la queue d'aronde .......................................................................................... 111
Pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre 1982 et 2002 .... 128
Visites discursives au Cameroun des chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers entre 1982 et 2002
..................................................................................................................................................... 134
Sommets à l’étranger avec participation discursive.................................................................... 141
Les rencontres internationales multilatérales au Cameroun avec participation discursive du
président Paul BIYA ................................................................................................................... 147
Une typologie des projections cartographiques .......................................................................... 157
La carte diplomatique du Cameroun ........................................................................................... 175
Missions diplomatiques permanentes du Cameroun en Europe ................................................. 176
Missions diplomatiques permanentes du Cameroun en Afrique ................................................ 178
Carte des postes consulaires du Cameroun à l'étranger (1991-2020) ......................................... 180
Carte des visites bilatérales discursives du président BIYA à l'étranger (1982-2020) ............... 185
Carte des visites bilatérales discursives des homologues chefs d'Etat et hauts dignitaires étrangers
au Cameroun (1982-2020) .......................................................................................................... 193
Carte de la géodiplomatie multilatérale discursive active et passive (1982-2002) ..................... 200
Carte des "zones grises" géodiplomatiques présidentielles discursives (1982-2002) ................ 202
La décolonisation depuis 1947.................................................................................................... 228
Pays participant aux conférences des non-alignés ..................................................................... 287
La situation stratégique en 1989 ................................................................................................. 289
Le Cameroun : évolution des frontières, découpage administratif ............................................. 371
L'Afrique au XXIe siècle ............................................................................................................. 372

Page | 375
LISTE DES TABLEAUX

Les sommets ayant connu la participation du chef de l'Etat entre 1996 et 2006 .......................... 91
Les différents pays et villes ayant reçu le chef de l'Etat camerounais entre 1996 et 2006 ........... 93
Données relatives aux pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre
1982 et 2002 ................................................................................................................................ 125
Statistique des pays et villes objet de visites discursives du chef de l’Etat camerounais entre 1982
et 2002 ......................................................................................................................................... 127
Visites discursives au Cameroun des chefs d’Etat et hauts dignitaires étrangers entre 1982 et 2002
..................................................................................................................................................... 133
Comparaison des modalités géodiplomatiques présidentielles bilatérales active et passive au
prisme de la théorie des catastrophes .......................................................................................... 137
Sommets à l’étranger avec participation discursive du président Paul BIYA entre 1982 et 2002
..................................................................................................................................................... 138
Statistiques des sommets à l’étranger avec participation discursive du président Paul BIYA entre
1982 et 2002 ................................................................................................................................ 140
Récapitulatif de la modalité géodiplomatique présidentielle multilatérale active au prisme de la
théorie des catastrophes .............................................................................................................. 142
Sommets organisés au Cameroun avec participation discursive du président Paul BIYA (1982-
2002) ........................................................................................................................................... 143
Statistiques des sommets organisés au Cameroun avec participation discursive du président Paul
BIYA (1982-2002) ...................................................................................................................... 146
Récapitulatif de la modalité géodiplomatique présidentielle multilatérale passive au prisme de la
théorie des catastrophes .............................................................................................................. 148
Comparaison des modalités géodiplomatiques présidentielles multilatérales active et passive au
prisme de la théorie des catastrophes .......................................................................................... 149
Ambassades, hauts-commissariats et consulats du Cameroun à l’étranger ................................ 161
Evolution dans le temps du nombre de représentations diplomatiques du Cameroun (1960-1990)
..................................................................................................................................................... 169
Ambassades, consulats et représentations permanentes du Cameroun à l’étranger en 1991 ...... 170
Récapitulatif des missions diplomatiques et consulaires du Cameroun en 2020........................ 172

Page | 376
Définir la géostratégie ................................................................................................................. 224

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Page | 387
TABLE DES MATIÈRES
DEDICACES ................................................................................................................................. iii

NOTE DE REMERCIEMENTS .................................................................................................... iv

SIGLES ET ABBREVIATIONS .................................................................................................... v

SOMMAIRE .................................................................................................................... viii

RESUME ....................................................................................................................................... ix

SUMMARY .................................................................................................................................... x

CHAPITRE INTRODUCTIF ......................................................................................................... 1

I. CONTEXTE ET MOTIVATIONS ................................................................................. 2

II. CLARIFICATION CONCEPTUELLE ........................................................................ 10

1. La politique étrangère, la diplomatie et la diplomatie présidentielle .................. 10

a) La politique étrangère.......................................................................................... 10

b) La diplomatie....................................................................................................... 12

c) La diplomatie présidentielle ................................................................................ 19

De la diplomatie présidentielle comme phénomène social ........................................... 24

2. La géopolitique .................................................................................................... 26

III. INTERET DE L’ETUDE ........................................................................................... 31

A. Intérêt scientifique .................................................................................................. 32

B. Intérêt pratique ........................................................................................................ 37

IV. DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE ............................................................. 39

A. Délimitation spatiale ............................................................................................... 39

B. Limites temporelles ................................................................................................. 40

V. REVUE DE LA LITTERATURE ................................................................................ 41

1. Au plan extra-africain.......................................................................................... 42

2. Au plan afro-camerounais ................................................................................... 43

Page | 388
VI. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL ......................................... 57

A. Problématique ......................................................................................................... 58

B. Le modèle d’analyse ............................................................................................... 58

VII. CHAMP METHODOLOGIQUE ET THEORIQUE ................................................. 60

A. La méthode en tant que technique de collecte des données .................................... 60

1. L’observation directe........................................................................................... 60

2. L’entretien non-directif ....................................................................................... 61

B. Méthode en tant que traitement des données .......................................................... 63

1. Les modélisations graphiques et géographiques ................................................. 63

2. La méthode historique ......................................................................................... 64

3. La méthode comparative ..................................................................................... 66

4. L’analyse du discours .......................................................................................... 68

C. Les théories ............................................................................................................. 69

1. Le réalisme classique .......................................................................................... 72

2. Le libéralisme ...................................................................................................... 74

3. Le constructivisme critique ................................................................................. 76

4. Le néomarxisme et l’Ecole dite de la Dependencia ............................................ 82

VIII. ORGANISATION DU TRAVAIL ......................................................................... 86

PREMIERE PARTIE.- MODELISATIONS GRAPHIQUES ET CARTOGRAPHIE DE LA


DIPLOMATIE CAMEROUNAISE A PARTIR DU DISCOURS ............................................... 88

CHAPITRE PREMIER.- MODELISATIONS GRAPHIQUES DE LA DIPLOMATIE


DISCURSIVE ........................................................................................................................... 96

Section I.- Rappel de quelques considérations théoriques .................................................... 99

Paragraphe I.- Mathématiques et relations internationales ............................................... 99

A. De la théorie des jeux à celle des graphes ......................................................... 100

B. La théorie thomienne des catastrophes.............................................................. 101

Page | 389
1. Le processus évolutif de la queue d’aronde ...................................................... 106

2. L’ombilic, suite de la queue d’aronde : la globalisation comme équivalent


sociologique ................................................................................................................ 109

Paragraphe 2.- Les modèles ............................................................................................ 117

A. Définition de la modélisation ............................................................................ 117

B. Typologie des modèles ...................................................................................... 119

Section II.- Modélisations graphiques de la diplomatie présidentielle discursive : difficultés


et possibilités....................................................................................................................... 120

Paragraphe I.- Les difficultés d’une modélisation graphique : le corpus et son contenu 120

A. Monographie versus pluralité corpusculaires .................................................... 122

B. La teneur des occurrences ................................................................................. 123

Paragraphe II.- Essai de modélisation : au prisme de la théorie des catastrophes .......... 123

A. Tableaux statistiques et modélisations graphiques de la géodiplomatie


présidentielle discursive camerounaise au plan bilatéral ............................................ 123

1. La logique active de la géodiplomatie présidentielle bilatérale entre 1982 et 2002


125

2. La logique passive de la géodiplomatie présidentielle bilatérale entre 1982 et 2002


131

B. Tableaux statistiques et modélisations graphiques de la géodiplomatie


présidentielle discursive camerounaise au plan multilatéral ....................................... 137

1. La logique active de la géodiplomatie présidentielle multilatérale entre 1982 et


2002 138

2. La logique passive de la géodiplomatie présidentielle multilatérale entre 1982 et


2002 143

CH II.- CARTOGRAPHIE THEMATIQUE DE LA DIPLOMATIE CAMEROUNAISE :


ENTRE GRAPHISME ET GEOGRAPHISME ..................................................................... 150

Section I.- Considérations théoriques ................................................................................. 150

Page | 390
Paragraphe I.- La carte et la cartographie thématique .................................................... 150

A. La carte .............................................................................................................. 150

B. La cartographie thématique et la nécessaire évolution de l’école géopolitique


camerounaise............................................................................................................... 152

Paragraphe II.- La construction des cartes thématiques géodiplomatiques : présentation de


la démarche ..................................................................................................................... 154

A. La préalable modélisation graphique et les tableurs adaptés ............................ 154

B. Les ressources pédagogiques exploitées ........................................................... 155

Section II.- Cartographie de la diplomatie présidentielle par le discours : du dispositif


diplomatico-institutionnel à la comparaison géodynamique des occurrences .................... 159

Paragraphe I.- Les cartes du dispositif diplomatico-institutionnel ................................. 159

A. Une présentation tabulaire classique du dispositif diplomatique institutionnel 160

B. Une évolution récente de la pratique administrative : la cartographie proprement


dite du dispositif diplomatique institutionnel ............................................................. 174

Paragraphes II.- Cartographie géodynamique de la diplomatie présidentielle discursive :


les trajectoires bilatérales et multilatérales ..................................................................... 181

A. La géodynamique diplomatico-discursive présidentielle bilatérale .................. 182

B. La géodynamique diplomatico-discursive présidentielle multilatérale ............. 196

Les « zones grises » géodiplomatiques discursives présidentielles (1982-2002) ....... 201

DEUXIEME PARTIE.- LA GEODIPLOMATIE PRESIDENTIELLE CAMEROUNAISE AU


PRISME DE L’ANALYSE DU DISCOURS ET DE LA THEORIE DES RELATIONS
INTERNATIONALES ............................................................................................................... 205

A. Quelques éléments d’histoire sur l’analyse du discours.................................... 208

B. La notion de discours ........................................................................................ 211

CH III.- L’ANALYSE DISCURSIVE : UNE ANALOGIE DE LA GEODIPLOMATIE


PRESIDENTIELLE ................................................................................................................ 216

A. Les méthodes lexicométriques ou la lexicographie........................................... 217

Page | 391
B. Les méthodes de la pensée politique ................................................................. 218

Section I.- Les mutations de l’ordre international (1982-2002) : un rappel préAlabLe ..... 222

Paragraphe I.- Les mutations politico-géostratégiques ................................................... 225

A. L’ordre international d’avant 1990 : fin de la guerre froide… ......................... 225

B. … décolonisation et émergence du tiers-monde ............................................... 227

Paragraphe II.- Les mutations macro-géoéconomiques .................................................. 230

A. De 1970 à 2002 : entre crises économiques… .................................................. 230

B. … et mondialisation .......................................................................................... 235

Section II.- L’adaptation géodiplomatique : une analyse discursivo-analogique des


orientations diplomatiques présidentielles .......................................................................... 238

Paragraphe I.- Les dimensions irénologique et sécuritaire de la géodiplomatie


présidentielle camerounaise : analyse d’une adaptation au « temps mondial » .............. 240

A. La diplomatie présidentielle biyayiste de paix entre 1982 et 2002 : une régionalité


discursive engagée mais géodynamiquement limitée… ............................................. 241

1. Participation à la résolution du conflit angolais ................................................ 242

2. Plaidoyer diplomatique en faveur de l’indépendance de la Namibie et contre son


occupation par l’Afrique du Sud ................................................................................. 244

3. L’appel à la pacification des antagonismes frontalier s dans le cadre de la CBLT


247

B. … et de sécurité : un changement de profil sécuritisationnel ........................... 249

Paragraphe II.- Une géodiplomatie présidentielle d’un dynamisme économique certain, et


d’une faiblesse culturelle avérée ..................................................................................... 255

A. Géodiplomatie économique présidentielle camerounaise de 1982 à 2002 : un


dynamisme adaptatif ................................................................................................... 255

1. Considérations doctrino-définitionnelles sur la diplomatie et la géodiplomatie


économiques ............................................................................................................... 256

2. Les 20 premières années de la géodiplomatie économique de Paul BIYA ....... 259

Page | 392
B. Un « soft power » limité : la pauvreté culturallo-géodiplomatique présidentielle
sous Paul BIYA........................................................................................................... 262

1. Paul BIYA : la pauvreté de la géodiplomatie culturelle présidentielle des 20


premières années de magistrature suprême................................................................. 263

2. Un « soft power » camerounais limité : vers des lendemains reluisants de


diplomatie publique ?.................................................................................................. 270

CH IV.- L’INTERPRETATION : GEODIPLOMATIE PRESIDENTIELLE, POLITIQUE


ETRANGERE ET RELATIONS INTERNATIONALES...................................................... 281

Section I.- Géodiplomatie présidentielle et principes de politique étrangère du Cameroun


............................................................................................................................................. 281

Paragraphe I.- Les principes classiques de politique étrangère du Cameroun sous le prisme
géodiplomatique.............................................................................................................. 282

A. Bref rappel sur les principes fondamentaux de politique étrangère du Cameroun…


283

B. Les principes fondamentaux au prisme de la géodiplomatie présidentielle ...... 286

Paragraphe II.- Le renouveau principiel de la politique étrangère camerounaise : bref rappel


et complément ................................................................................................................. 292

A. Le renouveau principiel de la politique étrangère camerounaise ...................... 292

B. Mise à jour des principes nouveaux de politique étrangère du Cameroun au prisme


géodiplomatique : le principe de lutte contre le terrorisme ........................................ 296

Section II.- Geodiplomatie présidentielle et paradigmes des relations internationales ...... 300

Paragraphe I.- Le géodiplomate Paul BIYA : entre modernité théorique…................... 305

A. Le modernisme en Relations internationales .................................................... 305

B. Géodiplomatie présidentielle de Paul BIYA : une primeur moderniste............ 307

Paragraphe II.- … et post-modernité paradigmatique des Relations internationales...... 309

A. Le postmodernisme en Relations internationales .............................................. 309

B. Une géodiplomatie présidentielle biyayiste postmoderniste ? .......................... 310

Page | 393
CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................... 314

I. Rappel des objectifs et de la démarche ....................................................................... 314

II. Problématique ............................................................................................................. 316

III. Hypothèses de travail................................................................................................ 317

IV. Cadre théorique......................................................................................................... 317

1. Le réalisme classique ........................................................................................ 317

2. Le libéralisme institutionnel .............................................................................. 318

3. Le constructivisme critique ............................................................................... 319

4. Le néomarxisme et l’Ecole dite de la Dependencia .......................................... 320

V. Principaux résultats et interprétation .......................................................................... 321

1. Validation des hypothèses ................................................................................. 321

2. Interprétation des résultats ................................................................................ 322

VI. Nouvelles pistes de recherches ................................................................................. 322

Annexes................................................................................................................................... 324

Annexes I : Fiche de lecture de l’Anthologie des discours et interviews du président de la


République du Cameroun : 1982-2002 ........................................................................... 326

A. Paul BIYA, Anthologie des discours et interviews du président de la République


du Cameroun : 1982-2002, Yaoundé : Editions SOPECAM, Vol. 1 (1982-1986)..... 326

Annexe II : Attestation de recherche .............................................................................. 366

Annexes III : Notes de service portant désignation en qualité de cadre d’appui de la Chaine
Programmation, Planification, Budgétisation, Suivi/Evaluation du MINREX .............. 367

Annexes IV : Carte du Cameroun et de l’Afrique .......................................................... 371

Indexe alphabétique des concepts ........................................................................................... 373

Liste des figures ...................................................................................................................... 375

Liste des tableaux .................................................................................................................... 376

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 378

Page | 394
TABLE DES MATIÈRES .............................................................................................. 388

Page | 395

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