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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

UNIVERSITE CATHOLIQUE DU CONGO

Kinshasa- Mont-Ngafula
FACULTÉ DE DROIT

QUESTIONS SPECIALES DU DROIT OHADA


Synthèse du cours à l’usage des étudiants de L1 (M1 LMD)

Professeur Toussaint KWAMBAMBA BALA

Année Académique 2020-2021


Objectifs du cours : A l’issue du cours, l’étudiant devra se familiariser avec le travail en groupe
autour de questions actuelles du droit OHADA. Il devra être capable d’élaborer un texte sur un
thème donné dans le domaine du droit OHADA, de le faire comprendre à ses collègues, et d’en
discuter avec un point de vue critique.

Contenu du cours : Outre l’introduction générale, le cours de question spéciale du droit OHADA
se divise en deux grandes parties dont la première se veut théorique et la seconde pratique. La
première consiste à l’exposé magistral de l’historique, le but et les objectifs ; des aspects
institutionnels et matériels de l’OHADA. La deuxième partie essentiellement pratique est
consacrée aux recherches tant individuelles que collective et à la réalisation d’un travail en groupe
sur un sujet ou un thème donné en rapport avec le droit OHADA.

Méthodologie : Bref exposé sur les grandes articulations des Actes uniformes de l’OHADA;
constitution de groupes avec des sous-thèmes ; exposé du travail de chaque groupe, suivi de débats
; synthèse par l’enseignant.

Evaluation : Les étudiants seront évalués sur la base du travail présenté par le groupe auquel ils
appartiennent, de leur aptitude à répondre aux questions posées à leur groupe et de leur
participation aux exposés des autres groupes.

Bibliographie :

Quelques ouvrages de référence se rapportant aux différents sous-thèmes seront indiqués aux
étudiants après la constitution des groupes de travail en plus des références en bas des pages.

INTRODUCTION

Dans le cadre de l’amélioration de son climat des affaires et du renforcement de son


attractivité économique, la RDC a adhéré à l’Organisation pour l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique. D’aucuns affirment, non sans raison, que cette décision constitue la plus
grande réforme qu’ait connue notre pays en matière juridique et comptable1.

C’est par la loi n°10/002 du 11 février 2010 que le Parlement congolais a autorisé l’adhésion de
la RDC au Traité de l’OHADA. Son article unique dispose : « est autorisée l’adhésion de la
République démocratique du Congo au Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’Harmonisation du
Droit des Affaires en Afrique »2.

1
J. MASIALA MUANDA, Droit des sociétés : Notes de cours, Première année de Master Droit, UCC, 2019-2020,
p.1.
2
Idem.
Le 27 juin 2012 a été signé, par le Président de la République, l’instrument d’adhésion, réceptionné
par le Gouvernement sénégalais, en sa qualité de dépositaire du Traité, le 13 juillet de la même
année. L’article 53 du Traité prévient : « à l’égard de tout Etat adhérent, le présent Traité et les
actes uniformes adoptés avant l’adhésion entreront en vigueur soixante jours après la date du dépôt
de l’instrument d’adhésion ». Cette disposition devait s’appliquer à la RDC en tant qu’Etat
adhérent3.

I. DE L’HISTORIQUE, DU BUT ET DES OBJECTIFS DE L’OHADA

Le Juge sénégalais Kéba MBAYE, considéré comme père fondateur de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, « OHADA » en sigle écrivait à Dakar, le 10
mai 2004 que «…. les ministres des Finances de la zone franc avaient constaté un ralentissement
des investissements dans le leur région. Ils l’avaient attribué à la méfiance des opérateurs
économiques. Ils avaient même pensé que cette méfiance pouvait avoir pour origine la trop grande
variété des règlementations et des solutions de règlement des différends applicables au droit des
affaires…..poursuivant leur raisonnement en cherchant la cause réelle et la conséquence négative
et directe de ce ralentissement sur le développement économique de ces Etats ; ils m’ont demandé
d’assurer la présidence de la mission de haut niveau qui est arrivée à la conclusion suivante :
l’insécurité juridique et judicaire qui régnait dans les pays africains de la zone franc et qui était
due au délabrement du tissu juridique et à son application imprévisible. Et la mission a pensé qu’il
fallait un nouveau droit moderne et harmonisé. Qui serait interprété par des magistrats bien
préparés en matière de droit des affaires et appliqué en dernier ressort par une juridiction
supranationale unique4.
La conclusion de la mission contenait en filigrane les différents organes institutionnels de
l’OHADA : corps législatif simplifié, juridiction supranationale et école de formation des
magistrats, avec l’appui d’une structure légère de coordination : un secrétariat permanent 5. »
L’intégration juridique et judiciaire en Afrique nécessite « l’insertion de la règle de droit dans son
contexte » comme disait BERGEL, cité par D.C. SOSSA et J. DJOGBENOU car le droit
« envisagé comme modèle de pensé suggère une méthode, un esprit et un langage 6 », C’est le but
poursuivi par l’OHADA et en même temps le défis qu’elle doit relever en Afrique face aux besoins
réels du Continent et aux critique de ses détracteurs.
Jean Désiré INGANGE WA INGANGE estime que depuis la création de l’Organisation de l’Unité
Africaine « OUA », née du mouvement panafricaniste avait lancé le continent africain dans le

3
Ibid.
4
Toussaint KWAMBAMBA BALA , « Repenser le dialogue entre les Etats , l’Ohada un modèle d’intégration juridique
en Afrique » , Actes du Colloque de 60 ans de l’Uni versité Catholique du Congo du 25 au 29 avril 2017, in Fidèle
MABUNDU MASAMBA et David ONGOMBE TALUHATA ( dir.), Christianisme, rationalité et destinée d’Afrique ,
Kinshasa, éd.PUCC, 2020, p . 39’
5
B. MATOR – N. PILKINGTON - D. SELLERS – S. , Le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA,
Paris, 2ème éd. Litec, 2009, p. XI
6
D. C. SOSSA – J. DJOGBENOU, Introduction à l’étude de droit perspectives africaines, Cotonou, éd. CREDIJ,
2012, p.62
processus d’intégration. Cette intégration était plus envisagé sur le plan politique à sa genèse au
regard des questions et enjeux du moment et l’intégration économique, juridique et judiciaire ne
figurait pas parmi les objectifs de l’organisation car l’on pensait que de l’intégration politique allait
nécessairement suivre l’intégration économique et autres7. C’est avec l’UA que celle-ci est mise
en avant et dont la réalisation a nécessité la création des communautés économiques régionales.
L’absence du dynamisme et des sanctions et le non-respect des conventions de la part des
fondateurs des différentes organisations sous régionales africaines, ont fait que leurs initiatives
n’apportent pas les résultats attendus et elles demeurent comme un rendez-vous des délégations
officielles pour leur positionnement.
L’OHADA dans son ensemble vise de renforcer l’adaptabilité, l’effectivité et l’attractivité du droit
des affaires, l’harmonisation et la facilitation son utilisation par les agents économiques opérant
dans les Etats membres de l’OHADA. Ces objectifs donc visaient à contribuer ainsi à garantir
davantage la sécurité juridique des activités économiques et transactions financières et à favoriser
l’essor de celles-ci en encourageant l’investissement domestique et étranger par la sécurité
juridique et judiciaire8.
Le but de ce droit communautaire fut la mise en place des textes juridiques adaptés pour un
environnement des affaires fluide et moderne. Parce qu’à ce troisième millénaire, les pays dits
pauvres et plus particulièrement ceux d’Afrique devaient faire face sur la voie du progrès
économique et du développement durable à de gigantesques défis. Le principal de ces défis
consiste pour eux à se mettre en position de pouvoir participer, de manière à bénéficier au
processus de mondialisation de l’économie et du commerce internationaux.
En effet, l’accélération de cette mondialisation et la croissance phénoménale des grandes
multinationales ont conduit à douter que les gouvernements et les pays du Sud, soient capables de
transpercer les relations de production internationale.
Comme solution à cette tendance à la marginalisation, « la coopération régionale s’affiche comme
un instrument clé d’intégration « économique » des Etats africains dans l’économie mondiale »
comme disaient J.F.E OHIORHENVAN et A.RATH, dans leur article intitulé l’histoire et
urgence de la coopération Sud-Sud en 2000, cité par IBRIGA9.
Selon le Professeur SAWADOGO Filiga Michel10, L’OHADA, a été matérialisée par la signature
à Port Louis (Ile Maurice) , le 17 octobre 1993, par la plupart des pays francophones d’Afrique,
du Traité relatif à l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires et était entré en vigueur le 1 er
janvier 1998., CE Traité qui a été révisé à Québec, au Canada, le 17 octobre 2008.

7
D. INGANGE WA INGANGE, Cours de droit communautaire africain, Première Licence , Droit Université
Catholique du Congo, 2016-2017, inédit
8
L. YONDO BLACK, Les enjeux de la réforme : la création d’entreprises, les échanges commerciaux et la
confiance dans la zone OHADA, p. 42 et suivants
9
L. M. IBRIGA, Etat de lieux de la problématique de la cohabitation des droits communautaires ( cas de
l’Afrique), In Actes du Colloque sur le droit Communautaire en Afrique, Cotonou du 24 au 26 janvier 2011, In
Revue de l’Ersuma,2011 , p.7
10
Il est Professeur Titulaire, Agrégé des Facultés de droit à l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso) et l’un des
pionniers de ce droit communautaire. Son apport est considérable dans la construction et la promotion de cette
législation d’intégration juridique avec ses différentes publications ainsi que ses commentaires dans les codes verts.
Les principales finalités poursuivies par cet important instrument juridique international sont
notamment :
- le développement économique et social au bénéfice des populations des Etats Parties ;
- l’accroissement sensible des investissements tant endogènes qu’étrangers ;
- la mise en place d’un droit des affaires favorisant l’instauration de la sécurité juridique et
judiciaire nécessaire pour favoriser le développement des investissements dans l’espace
des pays concernés11.

Vous pouvez savoir que le but de la reforme ou de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
fut la mise en place des textes juridiques adaptés pour un environnement des affaires fluide et
moderne. Parce qu’à ce troisième millénaire, les pays dits pauvres et plus particulièrement ceux
d’Afrique devaient faire face sur la voie du progrès économique et du développement durable à de
gigantesques défis. Le principal de ces défis consiste pour eux à se mettre en position de pouvoir
participer, de manière à bénéficier au processus de mondialisation de l’économie et du commerce
internationaux.

En effet, l’accélération de la mondialisation et la croissance phénoménale des grandes


multinationales ont conduit à douter que les gouvernements et les pays du Sud, soient capables de
transpercer les relations de production internationale. Comme solution à cette tendance à la
marginalisation, « la coopération régionale s’affiche comme un instrument clé d’intégration
« économique » des Etats africains dans l’économie mondiale » comme disaient J.F.E
OHIORHENVAN et A.RATH, dans leur article intitulé l’histoire et urgence de la coopération
Sud-Sud en 2000, cité par IBRIGA12.

II. LES ORGANES DE L’OHADA


Pour atteindre ces finalités, il a paru nécessaire auxdits Etats de mettre à la disposition de la
multitude de régions et sous-régions d’Afrique des textes juridiques harmonisés régissant le monde
des affaires.
C’est dans cette optique que des Organes de l’Organisation ont été institués pour l’adoption et
l’application du Traité, des Actes Uniformes et des Règlements.
A propos justement de ces organes, il y a lieu de signaler que l’OHADA comprend quatre organes
non juridictionnels que sont :
a) La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement composée des Chefs d’Etat et de
Gouvernement des Etats Parties, et dont la mission essentielle est de statuer sur toute
question relative au Traité.
b) Le Conseil de Ministres, composé des Ministres en charge de la Justice et des Finances
des Etats membres. Organe central en matière décisionnelle, le conseil des Ministres a
comme missions essentielles notamment l’adoption des Actes Uniformes, des budgets des
autres Organes et la nomination des membres des autres Organes.

11
Toussaint KWAMBAMBA BALA , « Repenser le dialogue entre les Etats , l’Ohada un modèle d’intégration
juridique en Afrique » ,op. cit., p. 401
12
LUC Marius IBRIGA, op.cit, p.7 et suivants
c) Le Secrétariat Permanent, qui est l’Organe de représentation de l’OHADA, a pour
attributions essentielles d’assister le Conseil des Ministres dans l’accomplissement de ses
missions et de proposer l’ordre du jour des réunions de celui-ci.

d) L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA), qui est dotée d’un statut
international, et constitue l’Etablissement de formation, de perfectionnement et recherche
en droit des affaires.

A côté de ces quatre organes non juridictionnels existe un organe juridictionnel que nous allons
commenter un peu en large vu sa mission qui fait de l’OHADA un modele d’organisation
d’intégration juridique et judiciaire en Afrique.
e) La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) : Initialement composée de sept
juges élus pour 7 ans renouvelables une fois, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
est depuis la révision de Québec de 2008 composée de neuf (9) juges. Elle a des attributions
à la fois juridictionnelles et non juridictionnelles.
Dans ses attributions juridictionnelles, elle joue le rôle de la Cour de cassation avec comme
particularité le droit, elle a le devoir d’évocation. S’agissant de ses attributions non
juridictionnelles, la Cour joue un rôle consultatif concernant l’application et l’interprétation
communes du Traité et des Actes uniformes. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage joue par
ailleurs un rôle non négligeable en matière d’arbitrage et, à ce titre, elle est considérée comme un
Centre d’arbitrage comparable à celui de la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce
Internationale de Paris.
Elle accorde l’exequatur aux sentences rendues conformément au Traité, et il appartient dès lors à
l’Etat dans lequel la décision doit être exécutée d’y apposer la formule exécutoire. Faisant une
sorte de bilan de cet organe, il faut signaler que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a déjà
réalisé un travail important en termes de décisions rendues et d’avis émis, lesquels ont apporté un
éclairage décisif dans l’application et l’interprétation du droit OHADA.
Selon les études réalisées par le Professeur MOUSSA SAMB, quelques statistiques de l’action de
la CCJA en date du 30 septembre 2013 peuvent être résumées et commentées comme suit :
- Quant aux décisions rendues : 41% des affaires ont reçu jugement définitif ;
- Quant aux pays qui saisissent la Cour : c’est la Cote d’Ivoire qui a le plus grand nombre
d’affaires ;
- Quant aux Actes uniformes concernés : c’est l’Acte uniforme sur procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution qui est le plus visé.
La mission de la CCJA est de veiller à la bonne application des Actes uniformes, ce qui est une
condition essentielle de la sécurité judiciaire. L’article 10 du Traité lui donne une arme puissante
en ce qu’il dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les
Etats parties, nonobstant toute disposition, interne, antérieure ou postérieure ».
S’il faut tenir compte de sa tendance jurisprudentielle, nous pouvons noter : En date du 30 avril
2001 elle émit son Avis quant à la portée abrogatoire des Actes Uniformes, la CCJA a dégagé les
grandes orientations sur la question :
- « Sauf dérogation prévue par les Actes uniformes, l’effet abrogatoire de l’article 10
concerne l’abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne présent, ou
l’interdiction de tout texte législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir »
- « Cette abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que
celles des actes uniformes, qu’elle soit contraire ou identique ».
- « Le terme « disposition » peut désigner un article d’un texte, un alinéa de cet article ou
une phrase de cet article ».
- « L’effet abrogatoire du droit uniforme de l’OHADA découlant du Traité lui-même d’une
part, et les Actes uniformes dérivant de celui-ci d’autre part, il s’ensuit que les actes
uniformes n’ont pas seuls compétence pour déterminer leur effet abrogatoire interne ».

Quant à la portée de quelques règles de fond et de forme


- Immunité d’exécution: « Les dispositions du droit interne, qui soustraient les entreprises
publiques du régime de droit public pour les soumettre au droit privé, privent celles-ci,
notamment de l’immunité d’exécution attachée à leur statut d’entreprises publiques. Ce
faisant, elles contrarient les dispositions de l’art. 30 de l’AUPSRVE qui consacre ce
principe d’immunité d’exécution des entreprises publiques ». Arrêt n° 043/2005/CCJA du
7 juillet 2005.

- Détermination des représentants légaux: « Dans une société anonyme(SA) doté d’un conseil
d’administration(CA), les dirigeants sociaux sont, selon les cas, le Président Directeur
Général (P-DG) ou le Directeur Général(DG). Ces dirigeants assurent la direction de la
société et la représentent dans ses rapports avec les tiers. Il en résulte que le Directeur du
risque et du crédit d’une Banque n’a pas qualité pour agir au nom et pour le compte de la
société ». Arrêt n° 022/2003/CCJA du 6 novembre 2003.

- Cas de recours en interprétation: ous le visa de l’article 48, alinéa 1 du Règlement de


procédure, la CCJA juge « qu’il est de principe qu’un recours en interprétation ne peut
être fondé que si l’arrêt dont l’interprétation est demandée présente quelque obscurité ou
ambigüité dans son dispositif, qu’en statuant comme il l’a fait, l’arrêt dont interprétation
est demandée a strictement appliqué les dispositions impératives des articles 257 et 258
AUPC, qu’il suit que l’arrêt procédant d’une saine application aux faits de la cause des
articles sus visés, et les juridictions nationales sénégalaises ayant statué sur les mêmes
faits, entre les mêmes parties, il échet en conséquence de déclarer ledit recours en
interprétation non fondé et de le rejeter ». Arrêt n° 1/2011 du 30 janvier 201113.

13
MOUSSA SAMB, Grandes orientations décisionnelles de la CCJA, Mai 2014, in Rapport de de la quatrième
journée de formation des formateurs des Magistrats et Auxiliaires de Justice de la RDC en Droit OHADA, Droit
CEMAC, ingénierie pédagogique, ERSUMA, Porto- Novo du 05 au 10 mai 2014
Pour les perspectives sur les évolutions probables du droit OHADA, il faut signaler la situation
des saisines de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( au regard des juridictions nationales
de cassation), qui se limite pour la majeure partie à quelques trois ou quatre Etats sur les 16 qui
composent l’Organisation, près de la moitié de saisine émanant du pays qui abrite le siège de la
Cour nous y reviendrons au dernier jour de la formation. Par rapport à cette problématique, Le
Prof SAWADOGO propose quelques propositions ou pistes de solution, à savoir :
- Faire connaitre des recours en cassation intéressant des litiges d’un montant faible ou moyen aux
juridictions nationales de cassation ;
- Faire en sorte que dans la plupart des cas la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
soit à titre préjudiciel comme c’est le cas de la Cour de Justice de l’UEMOA ou de l’Union
Européenne ;
- Permettre la saisine de la juridiction nationale de cassation lorsque les parties décident librement
de lui soumettre leur pourvoi ;
- Situer le recours en cassation auprès de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage après que la
juridiction nationale de cassation se sera prononcée même si cela déroge aux règles classiques de
procédure.
- Clarifier les cas dans lesquels, lorsque le pourvoi concerne le droit OHADA et un droit interne,
la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ou la juridiction nationale de cassation est compétente
et en cas de compétence concurrente, l’ordre dans lequel elles devront être saisies et le rôle de
chacune d’elles, etc.14
III. LES ASPECTS MATERIELS DE L’OHADA
Dans ce deuxième point nous allons faire une présentation générale des Actes Uniformes qui
constituent « le cœur ou mieux la finalité immédiate de l’OHADA » comme le dit le Professeur
SAWADOGO FILIGA Michel dont je me suis inspiré de ses enseignements et publications.

A l’intérieur de chacun des Etats concernés, les Actes Uniformes permettent d’avoir une législation
claire, moderne, adaptée, facile à connaitre, d’application uniforme et à même de créer la sécurité
juridique et judiciaire tant recherchée. Nous pouvons énumérer les différents Actes Uniformes déjà
adoptés, qui sont au nombre de neuf, dont :
- trois ont été adoptés à Cotonou le 17 avril 1997. Il s’agit de :
- l’Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général (AUDCG),
- l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement
d’Intérêt Economique (AUDSC).
- l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés (AUS),
Il faut savoir qu’à propos de ces Actes Uniformes, celui portant sur le droit commercial général
(AUDCG) et de l’organisation des sûretés (AUS) ont fait l’objet de révision le 15 décembre 2010

14
M. SAWADOGO FILIGA , OHADA: aspects institutionnels et matériels, Formation des Formateurs et des
Enseignants des Université de la RDC, ERSUMA, 2001 et 2013
et celui relatif aux sociétés commercial et du groupement économique a été révisé le 30 janvier
2014.

- deux adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir :


- l’Acte Uniforme portant Organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution (AUPSRVE) et ;
- l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif (AUOPCAP).
- un Acte Uniforme a été adopté le 11 mars 1999 à Ouagadougou :
- l’Acte Uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) ;
- un adopté Uniforme a été adopté le 24 mars 2000 :
-l’Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises
sise dans les Etats Parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
(AUOHC) ;
- un Acte Uniforme a été adopté à Yaoundé le 24 mars 2003 :
-l’Acte Uniforme relatif aux contrats de transport des marchandises par route (AUCTMR) ;
- un Acte Uniforme a été adopté à Lomé le 15 décembre 2010 :
-l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUDSCOOP).

1. L’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général (AUDCG), définit le statut
du commerçant, à travers la définition du commerçant et des actes de commerce, édicte les
règles concernant la capacité d’exercer le commerce, avec les interdictions et les
incompatibilités y afférentes, les obligations comptables du commerçant et la prescription.
Il organise également le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM), qui comprend un
registre local tenu au greffe de chaque tribunal compétent, un fichier national et un fichier tenu
auprès de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
Il prévoit en outre des règles sur le bail commercial et le fonds de commerce, les intermédiaires du
commerce ainsi que la vente commerciale.
2. L’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (AUDSC) quant à lui organise d’une part un droit commun des
sociétés applicables à toutes les sociétés depuis leur constitution jusqu’à leur dissolution et
liquidation et, d’autre part, un droit spécial des sociétés dont l’essentiel des dispositions
concerne la société anonyme et la SARL (Société à Responsabilité Limitée). Il faut savoir
aussi que cet Acte Uniforme venait d’être révisé ce 30 janvier 2014 avec l’ajout de la
Société par Actions simplifiées.
3. L’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUDSCOOP) reprend dans
son ensemble les principes et règles classiques des lois nationales régissant les sociétés
coopératives aussi bien en ce qui concerne la constitution que la gestion, tels l’adhésion
volontaire et ouverte à tous, le pouvoir démocratique exercé par les coopérateurs, la
participation économique des coopérateurs, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la
formation et l’information, la coopération entre organisations à caractère coopératif,
l’engagement volontaire envers la communauté, etc.

4. L’Acte Uniforme relatif aux contrats de transport des marchandises par route
(AUCTMR) régit, comme son nom l’indique, le transport des marchandises par route. Il
détermine son champ d’application et contient quelques définitions des concepts utilisés
afin de faciliter la compréhension de ses dispositions. Il définit par ailleurs le contrat de
transport des marchandises par route, détermine les documents de transports et édicte les
règles sur l’exécution du contrat de transport, la responsabilité du transporteur et le
contentieux y afférent.

5. L’Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des


entreprises sise dans les Etats Parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique (AUOHC) consacre les grands principes applicables aux opérations
d’enregistrement comptable, tels que le principe de prudence, celui de la permanence des
méthodes, de spécialisation des exercices, de transparence, de l’intangibilité du bilan, de
l’importance significative, de la prééminence de la réalité sur l’apparence juridique, du
cout historique, de la continuité de l’exploitation qui tous visent la garantir de la fiabilité,
la compréhension et la comparabilité des informations et de donner une image fidèle du
patrimoine et des opérations de l’entreprise avec comme référentiel temporel l’année civil.

6. L’Acte Uniforme portant organisation des sûretés (AUS) pour sa part organise les
suretés personnelles (cautionnement et solidarité), les sûretés réelles (suretés mobilières,
gage et nantissement), le droit de rétention et la sûreté réelle immobilière qu’est
l’hypothèque.

7. L’Acte Uniforme portant Organisation des procédures simplifiées de recouvrement


et des voies d’exécution (AUPSRVE) traite des procédures simplifiées de recouvrement
de que sont l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer qui vise deux
objectifs à savoir permettre d’une part d’obtenir l’exécution rapide de l’obligation du
débiteur en faveur du créancier par le seul effet de l’injonction délivrée par le juge sans
qu’il soit nécessaire de recourir aux voies d’exécution et permettre d’autre part au
créancier, au cas où l’injonction n’a pas abouti à l’exécution d’obtenir un titre exécutoire
plus rapidement que s’il recourait à la procédure civile ordinaire.
8. L’Acte Uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) contient l’ensemble des règles
traitant, de manière conforme à l’évolution de l’arbitrage sur le plan international, de son
champ d’application et spécialement de la convention d’arbitrage, de la composition du
tribunal arbitral, de la saisine et du déroulement de l’instance arbitrale, de la sentence
arbitrale, des voies de recours ainsi que de la procédure d’exequatur.

9. L'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du


passif (AUPCAP) régit l'ouverture du règlement préventif, les organes et les effets de la
décision de règlement préventif, les voies de recours judiciaires, le redressement judiciaire
et la liquidation des biens.

10. L’Acte uniforme relatif à la médiation, adopté à Conakry, le 23 novembre 2017 et entré
en vigueur, le 23 février 2018. Le présent Acte uniforme s'applique à la médiation.
Toutefois, il ne s'applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un arbitre, pendant une
instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliter un règlement amiable directement avec les
parties15.
A côté des Actes Uniformes existent également des règlements, lesquels sont de deux ordres : les
uns sont normatifs et les autres institutionnels. Les premiers intéressent les citoyens, les
entreprises et les justiciables. Les seconds intéressent moins le grand public en ce qu’ils concernent
essentiellement le fonctionnement des organes de l’OHADA, le statut du personnel, etc.
Après cette brève présentation des différents Actes Uniformes, il convient de signaler quelques
aspects techniques généraux du Droit OHADA. Lesdits aspects couvrent les questions ci-après :
*La délimitation du champ géographique, personnel et matériel des Actes Uniformes : le
droit OHADA s’applique sur les territoires des seize Etats signataires du Traité de Port-Louis.
Toutefois, ce dernier est ouvert à l’adhésion de tout Etat membre de l’Union Africaine et à tout
Etat non membre de l’Union Africaine, à condition, dans ce dernier cas, d’une invitation préalable
à y adhérer formulée à l’unanimité des Etats parties.

Quant au champ personnel, le droit OHADA s’applique aux personnes qui seraient assujetties à ce
nouveau droit s’il était d’origine interne comme les commerçants, les sociétés, les groupements
d’intérêt économique, les cocontractants, les personnes morales de droit privé, bref les particuliers
Quant au champ matériel, le droit OHADA régit essentiellement le droit des affaires tel que
circonscrit par l’article 2 du Traité.

* La place des Actes Uniformes dans le système juridique interne des Etats membres : il y a
lieu de relever le principe de la supra nationalité du droit OHADA, qui consacre la supériorité des
Actes Uniformes sur les normes internes. Ils s’appliquent directement et obligatoirement et ont
une portée abrogatoire de toute disposition interne contraire (Article 10 du Traité OHADA).

15
http://www.ohada.com/actes-uniformes/1776/1778/chapitre-1-definitions-et-champ-d-application.html
*L’application dans le temps des Actes Uniformes : il a été indiqué le principe en la matière, à
savoir : les Actes Uniformes entrent en vigueur 90 jours après leur adoption, et sont opposables 30
jours après leur publication au Journal Officiel de l’OHADA16.

CONCLUSION
Il y a plusieurs signes qui démontrent la volonté de nombreux leaders africains de transformer
leurs pays et le continent dans son ensemble d’une région chroniquement dépendante à une région
prospère et respectueuse, jouant le rôle qui lui revient sur la scène internationale. Conscients de
leur handicap relatif, les pays africains semblent avoir favorisé l’« intégration régionale » comme
la meilleure stratégie pour réussir leur transformation économique. Mais l’analyse critique de l’état
de l’intégration économique sur le continent indique que malgré les efforts considérables consentis
à cet égard, l’intégration régionale ne semble pas avoir produit les résultats escomptés du fait que
certains préalables de fond n’avaient pas été pris en compte. Dans ce cours, nous nous sommes
proposé de faire une lecture critique des multiples défis auxquels les programmes d’intégration
régionale sur le continent font face en ce moment précis, et les obstacles que l’Afrique doit
surmonter pour atteindre ses objectifs dans ce domaine. Parmi les multiples obstacles, nous nous
sommes focalisés sur quatre principaux facteurs :
- les appartenances multiples de plusieurs États africains à des différentes Communautés
économiques régionales (CERS) et aux différents « partenaires bilatéraux spéciaux » en
dehors de l’Afrique et l’impact de cette situation sur la véritable intégration sur le continent
;
- les questions de paix et de sécurité ainsi que l’impératif pour une intégration économique
réussie d’être précédée d’une intégration juridique sécurisant notamment le monde des
affaires ;
- la gouvernance ;
- et les questions de financement.

L’analyse critique de l’état de l’intégration économique sur le continent indique qu’elle ne semble
pas avoir produit les résultats attendus dans l’érection du développement socio-économique. La
dynamique de l’intégration juridique et judiciaire, dans le sens de l’uniformisation des textes et de
l’harmonisation des techniques d’usage en vue d’assurer une plus haute sécurité aux activités des
opérateurs économiques, telle que l’OHADA le consacre, devrait conduire, en amont, à corriger
les lacunes de l’intégration économique dans le cadre des communautés sous régionales d’Afrique,
en aval, en vue du développement multisectoriel pleinement et graduellement assumé sur
l’échiquier continental17.

Il faut savoir que la primauté affirmée des normes de l’OHADA sur le droit interne soulève la
question de l’abrogation ou de la neutralisation des règles nationales contraires et constitue un
élément important d’intégration juridique et judiciaire au niveau communautaire. La Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, « CCJA » dans son avis du 30 avril 2001, la
CCJA a affirmé que « Sauf dérogation prévue par les Actes uniformes eux-mêmes, l'effet

16
Toussaint KWAMBAMBA BALA , « Repenser le dialogue entre les Etats , l’Ohada un modèle d’intégration
juridique en Afrique » ,op. cit, p. 410
17
E. BERG, L’intégration économique en Afrique de l’Ouest, in Revue d’économie du développement, vol. 1, no. 2,
2010, pp. 21-26.
abrogatoire de l'article 10 du Traité de l’OHADA concerne l'abrogation de tout texte législatif ou
réglementaire de droit interne présent, ou l'interdiction de tout texte législatif ou réglementaire de
droit intérieur à venir ; Cette abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même
objet que celles des actes uniformes, qu'elle soit contraire ou identique.
L'effet abrogatoire du droit uniforme de l'OHADA découlant du Traité lui-même d’une part, et les
Actes uniformes dérivant de celui-ci d’autre part, il s'ensuit que les actes uniformes n'ont pas seuls
compétence pour déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne ; Selon les cas d'espèce, une
loi contraire peut s'entendre aussi bien d'un texte de droit interne ayant le même objet qu'un Acte
uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles d'un autre Acte uniforme, que d'une
loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques-unes de celles-ci sont
contraires ; dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles de l'Acte
uniforme considéré demeurent applicables » .
La position ci-dessus de la CCJA a l’avantage de réduire les risques de vides juridiques et de
permettre au droit national de venir au secours du droit communautaire en lui apportant d’utiles
compléments.
Ainsi nous avions voulu repenser le dialogue entre les Etats africains dans un contexte général
d’un ensemble des organisations régionales ou sous régionales d’intégration dans le contexte de la
mondialisation, en indiquant les objectifs de chacune et de tous aussi bien que les limites ou
obstacles qui empêchent cette intégration multisectorielle en Afrique en prenant l’exemple de
l’OHADA par dynamisme au niveau de ses organes et dans l’application de ses actes Uniformes
comme un modèle d’intégration juridique et judicaire avec l’existence de la Haute cour de
cassation pour les matières touchant le droit des affaires telles que prévues dans les Traité et Actes
Uniformes.

OHADA comme les autres organisations communautaires africaines fait l’objet de vives critiques
et est considérée par certains comme une organisation d’inspiration occidentale cachant le
néocolonialisme et pour d’autres, elle n’arrive pas comme les autres organisations malgré les
beaux textes à promouvoir le développement ou l’émergence économique par le droit dans les 17
Etats membres pour l’intérêt des populations africaines 18.

Professeur Toussaint KWAMBAMBA BALA

18
Toussaint KWAMBAMBA BALA , « Repenser le dialogue entre les Etats , l’Ohada un modèle d’intégration
juridique en Afrique » ,op. cit., p. 417

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