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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

DEUXIEME PARTIE

LES FINALITES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Pr TCHEUWA Jean Claude


Agrégé des Facultés de Droit
Professeur Titulaire
Université de Yaoundé II

INTRODUCTION GENERALE
Le contexte international a considérablement évolué depuis 1648, tant
en rapport avec les principes qui gouvernent cette société particulière, qu’en
ce qui concerne la configuration de ses sujets. A titre d’illustration, s’agissant
des principes, on peut évoquer le principe de la responsabilité de protéger
dont la mise en œuvre récente a diversement été appréciée.
Les relations et rapports entre Etats restent néanmoins fondés, de
manière substantielle, sur trois principes : le principe de la souveraineté, de
l’indépendance et celui de l’interdépendance. Ces principes font du DI une
synthèse dialectique de la souveraineté et de l’égalité tendant ainsi à réguler
le jeu des rapports entre ces différents sujets. Lesdits rapports peuvent être
de divers ordres et se présenter de manière conflictuelle ou harmonieuse.
Au plan de la coopération harmonieuse en effet, les Etats et les organisations
Internationales entretiennent des rapports très variés que l’on peut regrouper
sous la terminologie générique de relations diplomatiques et consulaires
(Chapitre I). Ce premier type de rapport est fondé sur une coutume
internationale bien établie qui est maintenant codifiée à travers trois (03)
grandes conventions de Vienne bien connues :
- la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, adoptée le
18 avril 1961 et entrée en vigueur le 24 avril 1964 ;
- la convention de Vienne sur les relations consulaires, adoptée le 24
avril 1963 et entrée en vigueur le 19 mars 1967 ;
- la convention de Vienne sur la représentation des Etats dans leurs
relations avec les organisations internationales adoptée le 13 mars
1975.
Ces rapports sont, dans le cadre d’un Etat, suivis par un organe
particulier bien que rentrant dans le domaine réservé du Président de la
République. Il s’agit particulièrement du ministère des relations extérieures.
A cette 1ère catégorie de rapports, il convient d’ajouter d’autres plus ou
moins conflictuels. La pratique internationale a en effet, depuis 1907, mis
hors la loi le recours à la force. Cela suppose en réalité que tout conflit ou
tout différend doit se régler de manière pacifique. La seule possibilité de
recours légitime à la force dans la pratique internationale est celle codifiée
par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, notamment en son article
51 relatif à la légitime défense. C’est dans ces catégories que s’inscrivent le
droit de la responsabilité internationale qui représente aujourd’hui une
institution juridique hautement pacificatrice (Chapitre II) et tout le mécanisme
de règlement pacifique des différends (Chapitre III).
De manière plus claire, les rapports entre les Etats sont susceptibles
de causer des dommages soit aux Etat eux-mêmes, soit aux tiers. Les
différends qui en découlent bénéficient en droit international des procédures
de règlement tout à fait particulier. Leur particularité découle de ce qu’ils
peuvent être soit pacifique, soit réglés par la voie de recours à la force à
travers des mécanismes qui font l’objet d’un encadrement strict de la Charte
des Nations Unies. Une bonne compréhension du régime juridique des
rapports qui peuvent exister entre sujets de droit international suppose
d’abord l’analyse des relations diplomatiques et consulaires, ainsi que celle
des mécanismes de la responsabilité internationale et l’examen de la
problématique de l’ajustement des situations en droit international.

D’où :

- Chapitre I : Les relations diplomatiques et consulaires


- Chapitre II : La responsabilité internationale
- Chapitre III : Le règlement pacifique des différends
CHAPITRE I

LES RELATIONS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES

Les relations diplomatiques et consulaires peuvent être définies


comme celles que deux ou plusieurs gouvernements décident d’établir entre
eux à l’effet de consolider leurs rapports sur le plan social, économique,
politique, stratégique et autres. Traditionnellement il s’agit de l’expression
extérieure de la bonne entente qui peut exister entre les Etats concernés.
Cette affirmation est d’autant plus fondée que la première manifestation d’un
désaccord entre deux gouvernements est le rappel du chef de mission
diplomatique (l’ambassadeur) par son Etat. Dans le droit international
classique, ces relations se développaient sur la base d’échange de
messagers, d’informateurs et permettaient du même coup une concertation
permanente entre les gouvernements concernés.
Ces relations diplomatiques et consulaires existent depuis une période
bien reculée. A l’origine, elles avaient une très grande importance due
notamment à l’absence ou du moins à l’insuffisance des moyens de
communication directe entre les gouvernements. La coutume s’était alors
établie de considérer ce type de rapport comme faisant appel à des normes
spéciales relatives à l’accueil des envoyés spéciaux à leurs séjours et à leurs
activités. Toute une coutume s’est alors développée au 16esiècle
relativement au statut de ces personnes, à leurs mouvements et à leur
protection. Ainsi, dès la création de la Société des Nations (SDN), l’on estima
qu’il fallait codifier ces usages et coutumes. Un comité d’experts fut alors mis
sur pieds mais celui-ci estima qu’il était prématuré de procéder à la
codification des règles relatives à cette matière. En 1930, la même question
de la codification se posera à nouveau. Il faudra alors attendre l’avènement
de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et sa Commission du Droit
International (CDI) pour voir inscrite cette question à l’ordre du jour. Dans
son programme, la CDI aura dès les premiers jours de son existence à
étudier un projet d’articles sur les relations diplomatiques et consulaires.
C’est sur cette base que sera convoquée la grande conférence de Vienne
sur les relations diplomatiques qui adoptera à terme, le 18 avril 1961, la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques, puis celle adoptée le
24 avril 1963 sur les relations consulaires et enfin celle du 14 mars 1975, non
encore en vigueur, sur la représentation des Etats dans leurs relations avec
les organisations internationales. L’analyse de ces conventions
internationales pose un problème juridique particulier celui de l’existence ou
de l’exercice concurrent des compétences de deux sujets de droit
international sur un seul et même territoire. La diversité des problématiques
qui en découle impose que l’on étudie tour à tour, la question de la mise en
œuvre des relations diplomatiques (Section I) et celle des relations
consulaires (Section II).

Section I- La mise en œuvre des relations diplomatiques

Les relations diplomatiques sont l’opération politique et juridique qui


consiste pour deux gouvernements à établir un type particulier de rapport.
Elles procèdent d’une évaluation commune ou réciproque, par chaque
gouvernement, des intérêts que représenteraient pour lui l’existence des
rapports normaux avec l’autre Etat. L’expression la plus sûre de la
souveraineté d’un Etat reste l’établissement des relations diplomatiques avec
d’autres sujets de droit international (organisation internationale et Etats). Le
fait qu’ils entretiennent effectivement par l’intermédiaire de ses propres
agents et sur un pied d’égalité des relations diplomatiques constitue le
fondement même de son indépendance. Il s’agit se faisant de concilier le
principe de souveraineté avec les exigences des relations diplomatiques.

Sur un plan purement technique, l’établissement des relations


diplomatiques réside dans l’exercice d’un droit reconnu par le droit
international sous la dénomination de droit de légation. Le droit international
classique reconnaît en effet aux Etats souverains le droit de légation qui
comporte deux aspects. Tout d’abord, le droit de légation active qui est le fait
pour un Etat d’envoyer un représentant permanent auprès d’un autre Etat et
le droit de légation passive qui suppose l’accueil par ce même Etat du
représentant permanent d’un autre Etat. Ce terme (légation) trouve son
origine dans l’époque monarchique avec l’existence des légats, c’est-à-dire
des personnes que les monarques dépêchaient auprès d’autres monarchies
à titre représentatif. La mise en œuvre des relations diplomatiques est donc
en réalité la conséquence de ce droit de légation active et passive. Au regard
de la pratique, l’on peut se demander si un Etat est lié par la légation passive
ou en d’autres termes s’il est tenu de recevoir un envoyé spécial. De toute
évidence, la réponse est négative car il s’agit d’une manifestation absolue de
la souveraineté des sujets de droit international. En réalité, si la légation
passive était analysée en termes d’obligation, elle remettrait en cause le
principe d’égalité qui est à la base de tout le droit international conventionnel
et coutumier et heurterait du même coup la souveraineté de ces mêmes
Etats.

Paragraphe I- Les modalités des relations diplomatiques

La prise en compte de ces modalités permet de mettre en relief la


manière ou plus exactement tous les procédés par lesquels deux Etats
peuvent entrer en relation. Ainsi posées, ces modalités devraient
comprendre même les simples contacts invisibles par exemple les relations
téléphoniques. Ce type de rapport invisible échappe à l’appréhension du
juriste et c’est pour cela que relativement aux modalités, l’on s’en tient aux
formes visibles des relations diplomatiques. A cet égard, l’on peut distinguer
deux types de modalités : l’une organisée et permanente (la mission
diplomatique) et l’autre inorganisée et ponctuelle (les envoyés spéciaux). De
manière claire il convient de dire que quelles que soient les modalités, le but
des relations diplomatiques reste celui de favoriser les relations d’amitié
entre les Etats nonobstant leurs régimes constitutionnels et sociaux
différents.

A- La forme inorganisée : Les missions spéciales

Il s’agit en clair de la pratique que certains gouvernements utilisent et


consistant à recourir à des missions composées de messagers ou d’envoyés
spéciaux qui ont la qualité d’agent diplomatique. C’est ce que l’on a coutume
d’appeler « diplomatie ad hoc» initiée à des fins limitées. C’est mutatis
mutandis une survivance de la veille diplomatie sécrète. L’article 1er de la
convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques matérialise
bien son caractère à la fois bilatéral, provisoire, limité et consensuel. Le Chef
de l’Etat, le Chef du Gouvernement, le Ministre des Affaires Etrangères et
d’autres personnalités de rang élevé peuvent conduire personnellement une
mission spéciale. Ils sont dans ces conditions entourés de tous les privilèges
et immunités reconnus par le droit international conventionnel et coutumier
(CIJ, Affaire N’Dombassi Yérodia Congo c/ Belgique 08, décembre
2000).
B- La forme organisée : les missions diplomatiques permanentes

Le droit diplomatique tourne autour de l’existence de structures


permanentes dans le cadre desquels se développe ce type de relation. La
forme organisée commence au niveau de chaque Etat par l’existence des
services publics nationaux chargés des affaires diplomatiques (le ministère
des affaires étrangères ou le ministère des relations extérieures). Le Ministre
des Affaires Etrangères est doté d’un statut international qui échappe même
à son propre gouvernement (Voir affaire N’Dombassi Yérodia ; 2001 CIJ,
Congo C. Belgique). Le caractère absolu de l’immunité qui lui a été
reconnue par la CIJ a poussé une partie de la doctrine à parler de « la
troublante immunité absolue » reconnue au ministre des affaires
étrangères (Pr. Maurice Kamto). Ce type de mission est généralement
qualifié d’ambassade et parfois de légation. Comme les principes de
l’établissement des relations diplomatiques (consensualisme, réciprocité)
l’envoi des missions diplomatiques se fait par consentement mutuel entre les
Etats concernés.

1- L’organisation de la mission diplomatique

Ici comme partout ailleurs, la mission diplomatique reste la forme la


plus achevée des relations amicales que deux Etats peuvent entretenir. En
effet, depuis une époque bien reculée, les peuples de tous les pays
reconnaissent le statut d’agents diplomatiques et donc les missions qui sont
le cadre d’exercice de leurs fonctions. Cela est tellement vrai que la
convention de Vienne de 1961 reconnait parfaitement qu’elle n’est qu’une
convention de codification (voir préambule de la convention de 1961)

Sur le plan diplomatique, la mission résulte d’une opération appelée


accréditation qui est le mécanisme juridique qui complète l’exercice du droit
de légation. C’est en réalité le fait pour un souverain de conférer le pouvoir
de représentation permanente à un individu auprès d’un autre Etat avec
l’accord explicite de ce dernier. Cet accord est appelé agrément. Au moment
de la prise effective de ses fonctions, le chef de mission doit accomplir la
formalité de remise des lettres de créance par lesquelles son propre Etat
l’accrédite auprès de l’Etat accréditaire. La mission en elle-même est un
ensemble de personnes désignées unilatéralement par le gouvernement
d’envoi et placé auprès d’un autre gouvernement pour assurer des fonctions
diplomatiques. Les fonctions de tout membre d’une mission diplomatique
prennent fin dans l’Etat accréditaire si celui-ci le déclare persona non grata
et demande son rappel. L’article 9 de la convention de Vienne de 1961 pose
en effet clairement que « l’Etat accréditaire peut à toute moment et sans
avoir à motiver sa décision informer l’Etat accréditant que le chef de
mission ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission
est persona non grata…. L’état accréditant rappellera alors la personne
en cause ou mettra fin à ses fonctions… » Cette disposition suffit à elle
seule pour fixer le caractère consensuel et bilatéral de l’organisation d’une
mission. Elle peut cependant faire l’objet d’un certain nombre d’abus de la
part de l’Etat accréditaire. L’accréditation peut être double ou multiple et cela
pour des raisons économiques et budgétaires. Elle peut aussi être commune
c’est-à-dire qu’une personne peut être accréditée auprès de plusieurs Etats.

Au sens de l’article 6 de la convention de Vienne de 1961 sus évoquée,

plusieurs Etats peuvent accréditer la même personne auprès d’un Etat sous
réserve de l’acceptation de l’Etat accréditaire. L’on peut aussi assister à une
sorte de régionalisation de l’accréditation. Son champ d’élection reste le
domaine de la représentation des ou dans les organisations internationales.
La mission diplomatique est une sorte de service public d’un Etat
auprès de l’autre. Dans ses services on distingue trois catégories de
personnel : le personnel diplomatique proprement dit ayant un statut de
diplomate, les membres du personnel administratif et technique et les
membres du personnel de service qui sont employés au service domestique
de la mission. L’étendue des privilèges et immunité accordée par le droit
international est fonction de cette typologie.

2- Les fonctions de la mission

La mission étant l’entité organique privilégiée des relations


diplomatiques, la convention de Vienne de 1961 a, de manière claire,
énuméré ses fonctions essentielles. En application de l’article 3, les fonctions
essentielles de la mission diplomatique sont :

a) Représenter l’État accréditant auprès de l’État accréditaire;


b) Protéger dans l’État accréditaire les intérêts de l’État accréditant et de
ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international;
c) Négocier avec le gouvernement de l’État accréditaire;
d) S’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution
des événements dans l’État accréditaire et faire rapport à ce sujet au
gouvernement de l’État accréditant;
e) Promouvoir des relations amicales et développer les relations
économiques, culturelles et scientifiques entre l’État accréditant et l’État
accréditaire.
Cette énumération non exhaustive de l’article. 3 revêt un intérêt
particulier. Le chef de mission peut partir de cette description ou énumération
pour mettre en œuvre tous les moyens licites tant auprès de son
gouvernement qu’auprès du gouvernement d’accueil lui permettant d’assurer
sa fonction de représentation, de négociation d’information et de protection.
Il s’agit en gros des fonctions qui nécessitent une bonne dose
d’indépendance. Cela veut dire en d’autres termes que pour assurer au
mieux ses fonctions, il est indispensable que la mission puisse agir en toute
sécurité et sans interférence. Pour ce faire, elle bénéficie d’un ensemble de
privilèges et immunités.

Paragraphe II- La protection des missions diplomatiques : les privilèges


et immunités

La particularité de la fonction des missions diplomatiques imposait


qu’on les entoure des règles plus ou moins stables assurant leur
indépendance et leur sérénité. Dans l’ordonnance rendue le 15 décembre
1979 dans l’affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats -Unis
à Téhéran, la CIJ a souligné le caractère fondamental de la protection dont
bénéficient, les missions diplomatique et leurs agents. Cette position a été
confirmée dans l’arrêt du 24 mai 1980 relative à la même affaire. Elle affirmait
de manière très forte que « dans les relations entre Etats, il n’existe pas
d’obligation plus fondamentale que celle de la protection de locaux et
des agents diplomatiques ».

Cette protection comprend des obligations positives. L’Etat accréditaire


est par exemple tenu de faciliter l’acquisition des locaux de la mission (art.
21 de la convention de Vienne de 1961). Il doit en outre prendre toutes les
mesures raisonnables pour empêcher les atteintes à la personne de l’agent
diplomatique. Il doit surtout reconnaitre et respecter les privilèges et
immunités accordés à la mission et à ses agents. Cette exigence n’a pas été,
au sens de la CIJ, respectée par l’Iran. La problématique de la protection des
missions diplomatiques se pose non seulement en termes de pratique
internationale, mais aussi et surtout en termes de théorie juridique.

A- Les fondements des privilèges et immunités


C’est en réalité un véritable problème théorique qui a donné lieu à trois
constructions juridiques ou à trois écoles.
La première école a trouvé le fondement des privilèges et immunités à
travers la fiction de l’extraterritorialité. Suivant cette fiction, l’agent
diplomatique est considéré comme n’ayant jamais quitté le territoire de son
propre Etat. Cette situation particulière soustrait à l’ordre juridique de l’Etat
d’accueil l’ensemble de l’activité de la mission diplomatique.
La deuxième école est celle de l’explication fonctionnelle des
immunités. L’existence d’une fonction appelle en effet un certain nombre de
mécanismes et de mesures au rang desquels des facilités sans lesquelles la
fonction de la mission serait sinon pas remplie du tout, du moins mal
exécutée. Elle est donc fondée sur le caractère représentatif de l’agent et de
la mission diplomatique toute entière.
La troisième école rejoint les conceptions fonctionnalistes, modernes
des institutions juridiques. Cette école se fonde sur l’idée que les privilèges
et immunités sont basés sur les seules nécessités de l’exercice
indépendante de la fonction diplomatique. C’est cette troisième école ou
théorie qui a guidé la démarche de la CIJ dans l’affaire du personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran. C’est aussi elle qui a
été codifiée à Vienne en 1961. A cet effet, le préambule de la convention de
Vienne de 1961 pose que « le but desdits privilèges et immunités est non
pas d’avantager les individus, mais d’assurer l’accomplissement
efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que
représentant des Etats »
B- Le contenu des privilèges et immunités
Sur la base de l’étude de ces fondements on peut parfaitement
comprendre le contenu des privilèges et immunités. Il convient ainsi de
regrouper les privilèges et immunités en deux sous catégories, à savoir :
- Les privilèges et immunités de la mission ;
- Les privilèges et immunités des agents diplomatiques.
Les privilèges et immunités concernant à la fois la mission en tant que
tels et les agents diplomatiques. En ce qui concerne la mission, l’on peut
retenir en gros deux catégories de privilèges et immunités :
La liberté de communication officielle qui permet à la mission de
pouvoir échanger avec son Etat d’envoi à l’abri de toute interférence. Elle est
fondée sur l’institution de la valise diplomatique qui permet non seulement
d’acheminer tout courrier diplomatique, mais également toutes les
informations et archives en destination de l’Etat d’envoi. Cette liberté de
communication prend en compte tous les moyens de communication licite.
L’on y intègre les communications téléphoniques et les radios
commandements de la mission.
L’inviolabilité des locaux de la mission quant à elle vise à protéger
l’intimité de la mission. Cela veut dire au sens de l’article 22 que les locaux
de la mission diplomatique sont inviolables. Ils ne peuvent faire l’objet
d’aucune perquisition et d’aucun contrôle. Ils ne peuvent faire l’objet
d’aucune perquisition et d’aucun contrôle. Il convient toutefois de préciser
qu’il ne s’agit pas d’une inviolabilité absolue, mais d’une inviolabilité relative
car le chef de mission diplomatique peut autoriser expressément
l’intervention des autorités locales. Cette inviolabilité vise aussi bien les
organes officiels de l’Etat que les mouvements révolutionnaires et autres
individus. C’est ainsi que l’occupation par la force des locaux diplomatiques
par l’Irak a été condamnée par le Conseil de Sécurité agissant en vertu du
chapitre VII de la Charte des Nations Unies (voir résolution 662 ; 1990). Ce
faisant, le Conseil de Sécurité rappelait le caractère fondamental de la
protection des missions diplomatiques (affaire du personnel diplomatique et
consulaire des Etats-Unis à Téhéran). Cette inviolabilité est susceptible de
déboucher sur l’asile diplomatique, c’est-à-dire cette protection ou ce refuge
accordé à un individu fuyant un péril imminent (CIJ affaire du Droit d’Asile,
Haya de la Torre, 1950). Dans le cadre d’un local diplomatique l’asile est
une institution protectrice. Il ne revient pas à l’Etat national du réfugié
d’apprécier la nature du crime, ce qui serait de nature à vider cette institution
hautement salvatrice de tout son contenu.
De même, les biens, les meubles, les archives et les documents de la
mission sont inviolables. Cela veut dire en d’autres termes que les biens de
la mission ne peuvent faire l’objet de saisie.
S’agissant des privilèges et immunités des agents, l’on peut de
manière générale soulever la question de l’inviolabilité personnelle qui met
l’agent diplomatique à l’abri de toute action juridictionnelle à la fois civile et
pénale. L’article 29 de la convention de Vienne de 1961 dispose que « la
personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être soumis
à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’Etat accréditaire le
traité avec le respect qui lui est dû et prend toute mesure indispensable
pour empêcher toute atteinte à sa personnalité, sa liberté et sa dignité ».
Face à une disposition aussi claire, que dire de l’arrestation du diplomate
Zaïrois à Manton dans le Sud de la France ? C’est peut-être là aussi une des
faiblesses du droit international.
A ce privilège, l’on peut ajouter l’immunité juridictionnelle, pénale,
administrative et civile (art.13), les exemptions fiscales et franchises
douanières (art. 34 et 36). Tous ces privilèges et immunités prennent effet
dès le moment où l’agent diplomatique pénètre sur le territoire de l’Etat
accréditaire pour regagner son poste et s’achève lorsqu’il quitte ce territoire.
La Convention précise en outre en son article 3 alinéa 2 que « Aucune
disposition de la présente Convention ne saurait être interprétée
comme interdisant l’exercice de fonctions consulaires par une mission
diplomatique ».

Section II- Les relations consulaires


Comme les relations diplomatiques, les relations consulaires visent à
favoriser les relations amicales et la coopération entre les Etats. Si en
matière de relations diplomatiques, la coutume a précédé le droit écrit pour
ce qui est des relations consulaires, c’est la situation inverse qui s’est
produite c’est-à-dire que leur règlementation a toujours été faite par la voie
conventionnelle. Elle a surtout été bilatérale entre Etats concernés avant
d’être saisie par une convention multilatérale, à savoir la convention de
Vienne de 1963 sur les relations consulaires précitée. Il convient d’emblée
de dire que cette convention restée inactive pendant longtemps a été
dépoussiérée et a connu quelques problèmes de mise en œuvre dans la
pratique juridique Américaine. En effet, un certain nombre de ressortissants
étrangers ont été jugés et condamnés à la peine capitale par les Etats de
résidence sans que leurs autorités consulaires ne fussent informées comme
l’exige ladite convention (CIJ, affaire Edgar Arias Tamayo, 2004 ; CIJ,
affaire LaGrand, 201 ; CIJ, Affaire Breard ; Cour Suprême des Etats-
Unis, Affaire Gérardo Valdes ; CIJ, affaire Avena et autres ressortissant
mexicains, Etats-Unis V Mexique, 2004).

Paragraphe I- L’institution consulaire


Les postes consulaires sont, en tout point, semblables aux missions
diplomatiques. Ce sont, dans la pratique, des services publics relevant de
leur Etat national et installés sur le territoire d’un Etat étranger. C’est la raison
pour laquelle leur organisation pratique et leur mise en œuvre restent
soumises à la règle du consentement mutuel. L’article 2 al 1 de la convention
de Vienne de 1963 dispose que « l’établissement des relations
consulaires entre Etats se fait par consentement mutuel ». Leur
établissement reste cependant indépendant de l’établissement des relations
diplomatiques. Car leurs fonctions ont un caractère essentiellement
administratif (convention de Vienne de 1963, article 2 al. 2 et 3). Par voie de
conséquence, la rupture des relations diplomatiques n’entraine pas ipso
facto la rupture des relations consulaires.

A la différence des missions diplomatiques, un Etat peut établir


plusieurs postes consulaires dans un seul et même Etat, sous réserve du
consentement de l’Etat d’accueil. Ce sont en réalité des circonscriptions
consulaires. Celles-ci sont fixées par l’Etat d’envoi et soumises à
l’approbation de l’Etat d’accueil ou de l’Etat de résidence. Elles peuvent subir
des modifications en fonction des exigences du contexte, mais avec
l’approbation ou le consentement de l’Etat de résidence. Chaque chef de
poste consulaire est muni d’une lettre de provision de son Etat d’origine et
non pas d’une lettre de créance. Il ne commence ses fonctions qu’après
l’autorisation de l’Etat d’accueil ou de résidence, c’est l’institution de
l’exéquatur que délivre l’autorité nationale compétente (au Cameroun et en
France c’est le Président de la République). Le refus de délivrer un exéquatur
n’est pas motivé. Il s’agit à proprement parler d’un acte discrétionnaire.

L’institution consulaire revêt un caractère essentiellement bilatéral et


un Etat d’envoi reste libre de nommer à un poste consulaire un citoyen
étranger et, c’est souvent un ressortissant de l’Etat de résidence, homme
d’affaire ou commerçant ayant une bonne connaissance de l’Etat d’envoi. On
les appelle couramment des consuls marchands ou des consuls
honoraires. Ils ne bénéficient pas, du fait de leur nationalité, des mêmes
privilèges et immunités que les consuls de carrière c’est-à-dire ceux ayant
la nationalité de l’Etat d’envoi. Les fonctions des consuls et les postes
consulaires sont purement administratifs. Ils n’ont donc en réalité aucune
fonction de représentation politique. L’article 5 de la convention de Vienne
de 1963 pose que les consuls sont principalement chargés de protéger dans
l’Etat de résidence les intérêts de l’Etat d’envoi et de ses ressortissants
personnes physique et morales, de favoriser le développement économique,
commercial et culturel. Il est chargé d’exercer certaines fonctions concernant
les nationaux se trouvant dans l’Etat de résidence. C’est le cas par exemple
de la délivrance d’acte d’état civil, des passeports et l’assistance judicaire.
Dans ce cadre, il délivre les visas aux étrangers qui doivent se rendre à l’Etat
d’envoi. La pratique française a connu quelques rebondissements avec
l’application successive de plusieurs lois sur l’entrée et le séjour des
étrangers en France. Le Conseil d’Etat a, dans une affaire, affirmé que
lorsque le consul de France à l’étranger refuse de fournir les
renseignements qui permettraient à une société française d’engager une
procédure judiciaire à l’étranger, cette décision se rattache directement au
fonctionnement du service public administratif et il en résulte que le juge
administratif est compétent pour connaître de la légalité de cette décision
(CE, 14 juin 1999, société civile familiale Molifrance). Il considère aussi
que rien ne fait obstacle à ce qu’un dossier détenu par le consul général de
France à Tunis et relatif à la demande de visa déposée par une personne de
nationalité Tunisienne ne lui soit communiqué (C.E, 31 Mars 1999, El
Fourti).
Paragraphe II- Les privilèges et immunités consulaires
Ici, l’on a adopté la conception essentiellement fonctionnelle des
privilèges et immunités. La nature de leur fonction autorise que l’on accorde
au poste consulaire et aux agents consulaires un régime des privilèges et
immunités quasi-identiques à celui des missions diplomatiques. Cependant,
elles sont ici nettement moindres ou beaucoup plus restreintes que dans le
cadre des relations diplomatiques.
Pour ce qui est d’abord des privilèges et immunités, des postes
consulaires, l’on peut retenir l’inviolabilité des locaux consulaires qui n’est
pas étendue à la résidence privée du consul. La liberté et la protection des
communications officielles à savoir l’institution de la valise consulaire qui
bénéficie d’une protection moins absolue (art.35 de la convention de vienne
de 1963).
S’agissant ensuite des privilèges et immunités des agents consulaires,
l’on peut retenir l’inviolabilité personnelle des fonctionnaires consulaires.
Celle-ci est sérieusement amoindrie car le fonctionnaire consulaire peut faire
l’objet d’arrestation et même de détention en cas de crime grave (art.41 de
convention de Vienne de 1963). Les agents consulaires bénéficient aussi de
l’immunité juridictionnelle qui n’est pas absolue ici. En effet, l’immunité
juridictionnelle de l’agent consulaire s’applique seulement aux actes de leurs
fonctions. Il est traité à certains égards comme un agent public ordinaire sur
le plan de la responsabilité civile.
CHAPITRE II
LA RESPONSABILITE DES ETATS POUR FAIT
INTERNATIONALEMENT ILLICITE

Tout système de droit comporte, de manière plus ou moins élaborée,


des mécanismes organisant la responsabilité de ses sujets. C’est dans ce
sens que Jules Basdevant affirmait que les règles de la responsabilité sont
des règles clés de tout ordre juridique. Si en droit interne, les individus
doivent répondre de leurs actes qui causent un dommage à autrui sur le
fondement de l’art. 1382 du code civil ; en droit international, les Etats et les
organisations internationales doivent aussi répondre des manquements à
leurs obligations internationales par la mise en jeu de leurs responsabilités
(voir CIJ arrêt du 10 octobre 2002. Affaire de la délimitation de la frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria).
On entend par responsabilité internationale l’institution juridique en
vertu de laquelle l’Etat auquel est imputable un acte illicite, selon le droit
international, doit réparation à l’Etat à l’encontre duquel cette acte a été
commis.
Seulement, pour qu’il y ait responsabilité internationale de l’Etat, il faut
que soit respecté un certain nombre d’étapes : le fait générateur de la
responsabilité, le dommage, ainsi que l’attribution du fait illicite à un sujet de
droit international.

Section I- Le fait générateur de la responsabilité internationale

Cette question a fait l’objet d’un débat au sein de la doctrine. Certains


auteurs soutenaient que tout le droit de la responsabilité internationale
repose sur la faute. Cette thèse étroite pose un problème profond lorsqu’il
s’agit de définir la faute d’un Etat. En réalité à partir de quand pouvait-on
considérer que tel Etat a commis une faute dès lors que l’on sait que la faute
se définit comme un comportement marqué par une intention malveillante.
C’est la raison pour laquelle la doctrine et la Commission du Droit
Internationale (CDI) vont recourir à une formule plus neutre et plus objective,
à savoir le fait internationalement illicite. Aussi, c’est à juste titre que dans le
projet d’articles de la CDI de 2001 portant sur la responsabilité des Etats,
l’on a affirmé clairement que « tout fait internationalement illicite de l’Etat
engage sa responsabilité » (art. 1er). Le fondement de droit commun de la
responsabilité internationale reste donc l’illicéité du fait.

Paragraphe I- Le fait internationalement illicite

Le projet d’articles de la CDI adopté par l’assemblée générale à sa 85e


séance plénière du 12 décembre 2001 pose en effet en son article 2 « qu’il y
a fait international illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant en une
omission ou en une action est attribuable à l’Etat en vertu du droit
international et constitue une violation d’une obligation internationale de
l’Etat ». Cette double considération (action ou omission) a été développée
par la CIJ en 1949 dans l’affaire du Détroit de Corfou (action du Royaume
Uni et l’inaction ou omission de l’Albanie).

A- LA violation d’une obligation internationale

Il ressort de la pratique internationale et de la Jurisprudence constante


de la CIJ (l’Affaire LaGrand 1998 ou affaire du Cameroun-Nigéria 2002) que
la violation d’une obligation internationale constitue un fait international
illicite. Pour que cette condition soit réunie, il suffit que ce comportement soit
non conforme à une règle de droit international coutumier ou conventionnel
(violation de l’art.2 al.4 de la Charte des Nations Unies par le Nigéria ; de
même violation de l’obligation qui découlait pour le Nigéria du respect des
mesures conservatoires indiquées par la CIJ). Le fait en question ne peut
être qualifié d’illicite qu’en vertu du droit international. Cela veut dire a
contrario que toute qualification faite en vertu du droit interne de l’Etat ne
saurait-être pertinente.
L’illicéité peut varier en fonction du degré ou de la nature du tort causé
à un sujet du droit international ou à la communauté internationale dans son
ensemble. Sur cette base, l’on a essayé une difficile classification des faits
internationalement illicites. Ainsi certains faits peuvent être qualifiés de
crimes et d’autres de simples délits. Dans le projet d’articles de 1996 sur la
responsabilité internationale de l’Etat, l’on retrouvait un article 19 relatif au
crime de l’Etat aujourd’hui disparu du projet d’articles en vigueur. Etait ainsi
considéré comme crime international de l’Etat au sens de l’art 19 al. 2 de
cette version du projet d’articles, « tout fait international illicite qui résulte
d’une violation par un Etat d’une obligation internationale si essentielle pour
la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale… ».
Il s’agissait entre autres de la pollution délibérée de la haute mer. Les raisons
ayant conduit au rejet de cet article sont toutes simples. Le crime renvoie en
effet à l’idée d’une condamnation ou d’une pénalisation ayant pour
conséquence l’existence d’une peine privative de liberté. La question qui
restait posée était celle de savoir comment condamner une personne morale
telle que l’Etat à une peine privative de liberté ?
Une évolution est remarquable dans le domaine des droits de l’homme
avec la prise en compte du crime d’Etat et du crime de l’individu. Pour s’en
convaincre, il suffit d’analyser le contenu des quatre (04) grands crimes
internationaux retenus par le Traité de Rome de 1998 créant la Cour Pénale
Internationale. Il s’agit par exemple du crime d’agression, du crime contre
l’humanité, du crime de guerre, du crime de génocide. A ce type de crimes
on peut rajouter les atteintes graves à l’environnement. Il y a là en réalité une
similitude évidente avec le contenu substantiel du Jus cogens.
A la recherche de la nature de l’obligation violée, on pourrait aussi
évoquer la violation d’une obligation de résultat, d’une obligation de
comportement ou d’une obligation de moyen. Ces dernières obligations
renvoient à la problématique du devoir général de vigilance ou de ce qu’il
est convenu de qualifier plus couramment de « due vigilence » (Voir
Sentence Arbitrale (SA) du 11 Mars 1941, Affaire de l’Usine du Trail, Etats
Unis et Canada).

B- L’attribution du fait internationalement illicite à un sujet de droit


international

Les travaux de la CDI ont relativement facilité le régime de la


responsabilité internationale en aménageant sa mise en œuvre non pas
autour de la faute difficilement attribuable à un sujet de droit international,
mais autour du fait internationalement illicite. L’analyse du fait générateur
démontre qu’il est composé de deux éléments complémentaires : un élément
objectif réalisé par la violation d’une obligation internationale et un élément
subjectif constitué par le lien d’imputation liant ce fait à l’Etat considéré. Ce
sont des éléments constants présentés par Roberto Ago dès ses premiers
rapports devant la CDI. Ce n’est pas parce qu’un fait dommageable se
produit sous la juridiction d’un Etat qu’il est nécessairement susceptible
d’engager la responsabilité de cet Etat. Il est indispensable qu’un
rattachement puisse être opéré entre le fait ou le comportement incriminé et
l’Etat dont on recherche la responsabilité.
N’étant obligatoire que pour des sujets du Droit des gens (Etat,
Organisation internationale), la violation du droit international ne sera établie
qu’une fois le fait en cause attribuée à un sujet relevant de cet ordre et
agissant en tant que tel. L’imputation ou l’attribution est une opération
intellectuelle qui permet le rattachement entre l’élément objectif et l’élément
subjectif.
Au regard des sujets en cause, ce rattachement peut être d’utilisation
problématique et ambigüe. C’est donc à juste titre que Pierre Marie Dupuy
affirmait que « l’imputation doit être mesurée à l’aune du contrôle ». Le
chapitre II du projet d’articles de 2001 traite amplement de cette attribution
différenciée. L’article 4 pose très clairement que « est considéré comme fait
de l’Etat d’après le droit international, le comportement de tout organe de
l’Etat agissant en cette qualité, que cet organe exerce des fonctions
législatives, exécutives, judiciaires, ou autres… ».
Au regard de cette disposition, deux points méritent d’être singularisés.
Ils manifestent tous deux, sans doute, une adaptation des conceptions
classiques : le premier concerne l’importance du rôle dévolu au droit interne
de l’Etat pour déterminer ses organes. Le second point est relatif au critère
d’appréciation du « contrôle » (effectif ou global) exercé par l’Etat à l’égard
d’une entité non étatique pour déterminer si les agissements objectivement
illicites de cette dernière, au regard du droit international, peuvent être
attribués aux sujets étatiques. Ce second point est tellement d’actualité qu’il
mérite qu’on s’y attarde. En effet, le chapitre II du projet d’articles de 2001 en
ses articles 4 à 11 en démontre la complexité. Il suffit d’observer l’article 7
sur « le comportement sous la direction ou le contrôle de l’Etat » et
l’article 10 sur « le comportement des mouvements insurrectionnels ».
Le lien entre l’imputation d’un fait illicite à un Etat et l’exercice effectif par ce
même Etat du contrôle sur son territoire a marqué la réflexion au sein de la
CDI. Cette réflexion fut attisée par une apparente contradiction de
jurisprudence internationale intervenue à cet égard entre la CIJ (Affaire du
personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran en 1979 ;
Affaire des activités militaires et para militaire au Nicaragua et contre celui-ci
1986 = Affirmation de la théorie contrôle effectif) et le TPIY (Affaire Tadic ;
1999 ; Dragan Nikolic, 2002 = théorie contrôle global). Les deux théories
posent la question de savoir dans quelle mesure l’on peut attribuer des faits
substantiellement illicites accomplis par une entité non étatique à un Etat
sujet de droit international. Dans le premier cas, devant la CIJ, il s’agissait
des Contras Nicaraguayens soutenus par les Etats-Unis et dans l’autre cas
des étudiants et activistes musulmans soutenus par l’Iran. Dans les autres
cas devant le TPIY, il s’agissait des activités de l’armée Serbe de Bosnie. La
Chambre d’appel du TPIY n’a pas hésité à contredire la CIJ dans son arrêt
du 7 mai (Tadic II, l’affaire devant la chambre d’appel). La chambre d’appel
impute les actions des Serbes de Bosnie à la République de Yougoslavie
alors qu’en 1986, la CIJ n’avait pas voulu attribuer aux Etats-Unis les activités
du mouvement des Contras contre le gouvernement alors en place au
Nicaragua. Le tribunal a adopté la notion beaucoup plus large de contrôle
global préféré à celle du contrôle effectif retenu en 1986 pour rattacher à
l’Etat des comportements imputables à des groupes militaires non étatiques
que cet Etat avait constitué et soutenu activement. Suivant la Jurisprudence
Tadic, il suffirait pour qu’il y ait imputation ou attribution à l’Etat considéré que
les organes de jure aient été associés à la conception du plan général des
actions qui se rattache au fait illicite. Ceci est vrai sans que soit nécessaire
la soumission effective de l’organe de facto aux organes des pouvoirs publics
de cet Etat. (Voir TPIY Affaire Procureur s Vlatko du 24 mars 2000 ; voir aussi
procureur V Dariq Kardic 26 mai 2001.) De telles questions assurément
cruciales manquent rarement d’être soulevées par des Etats confrontés à
l’action meurtrière des groupes formellement privés. Pour s’en convaincre, il
suffit de considérer la rédaction Américaine à la suite des attentats du 11
septembre 2001. En définitive, il suffirait que leurs actes soient imputables à
un Etat que ce dernier est exercé sur le groupe un contrôle global. L’arrêt de
1999 précise toutefois en se référant à la Jurisprudence Nicaragua que « ce
contrôle global doit aller au-delà de la simple aide financière fourniture
d’équipements militaires ou formation et que l’Etat doit jouer un rôle dans
l’organisation, la coordination ou la planification des actions du groupe sans
qu’il soit pour autant nécessaire qu’il ait émis des ordres ou des instructions
particulières pour la perpétration de chacun des faits illicites commis dans le
cadre de ces actions (affaire Tadic, affaire Blaskic).
De manière globale et au-delà des débats doctrinaux, le fait
internationalement illicite doit être attribuable à un sujet de droit international
pour produire son effet à savoir la réparation. Dans la pratique, le fait
international illicite est toujours attribué à l’Etat au nom duquel agit l’auteur
du comportement. Il peut s’agir d’un organe individuel (les gouvernants, les
hauts fonctionnaires et même les agents le plus subalternes). Le fait
internationalement illicite peut aussi être attribué à une organisation
internationale sur le fondement d’un lien plus ou moins étroit de
rattachement. On peut ici évoquer le fait des organes agissant dans le cadre
de leur compétence, le fait des agents et organes incompétents (les actes
ultra vires de l’organe ou de l’organisation). Il peut enfin s’agir des faits des
Etats agissant pour le compte de l’organisation internationale (les opérations
du maintien de la paix pour ce qui est des Nations Unies ou des frappes et
bombardements de l’OTAN au Kosovo, Affaires Behramy et Saramaty
devant la CEDH).

Paragraphe II- Les circonstances excluant l’illicéité

Eu égard aux circonstances dans lesquelles le fait s’est produit, on


pourrait éventuellement faire jouer les causes d’exonération de la
responsabilité de l’Etat auteur de l’acte. Il s’agit d’un ensemble de
circonstances dont la présence vient perturber le cours normal de la
responsabilité en tant qu’institution. Les causes exonératoires de
responsabilité internationale font disparaître l’un des deux éléments
constitutifs de la responsabilité : soit le comportement du sujet de droit
international ne peut plus être considéré comme illicite, soit le manquement
au droit international ne peut plus être attribué audit sujet.
Le projet d’articles de 2001 sur la responsabilité de l’Etat pour fait
international illicite a retenu dans son chapitre V (articles 20 à 27) un
ensemble de circonstances excluant l’illicéité. Au-delà de l’énumération
opérée par ledit projet, l’on peut tenter un regroupement des hypothèses en
tenant compte du rôle joué par la volonté de la victime. Certaines
circonstances sont le fait de la victime tandis que d’autres lui sont étrangères.

A- Le fait de la victime

Le sujet de droit international qui commet un acte illicite ne saurait


invoquer sa souveraineté pour s’exonérer de sa responsabilité. Ce serait nier
l’existence même du droit international. Ainsi, le projet d’articles de 2001 a,
dans cette catégorie, pris en compte trois circonstances excluant l’illicéité. Il
s’agit du consentement de la victime, de l’exercice de la légitime défense et
des contre-mesures.
Dans le premier cas, le consentement donné doit être libre et provenir
d’un organe de jure de l’Etat. C’est dire que le consentement du particulier
n’est pas pertinent ici. Le consentement valablement donné exclut ou fait
échec au caractère illicite de l’acte commis (Voir CIJ, affaires des activités
armées sur le territoire du Congo, RDC c/ Ouganda, 2005). Il convient
d’affirmer clairement que le consentement donné pour la violation d’une
norme impérative de droit international général ou norme de Jus cogens n’est
pas valable. Cette dernière affirmation puise son fondement dans le souci de
la communauté internationale de protéger les valeurs élémentaires
d’humanité qui sont à la base du droit international général (Voir B. Boutros
Ghali, Le droit international à la recherche de ses valeurs, RCADI).
Dans le deuxième cas relatif à la légitime défense, il s’agit de
considérer comme licite le recours à la force effectué par un Etat sur la base
de ce droit naturel et fondamental que lui reconnait la Charte des Nations
Unies et tout le droit international conventionnel et coutumier, de se défendre
en cas d’une attaque armée (article 51 de la Charte des Nations Unies).
L’article 21 du projet d’articles de 2001 pose clairement que « l’illicéité du fait
de l’Etat est exclue si ce fait constitue une mesure de légitime défense prise
conformément à la charte des Nations Unies ». La Charte des Nations Unies
reconnait en effet aux Etats un droit naturel de légitime défense individuelle
et collective. Ledit article dispose clairement que « aucune disposition de la
présente charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense
individuelle ou collective dans les cas où un membre des Nations Unies est
l’objet d’une agression ». La Charte a ainsi codifié le droit naturel en
l’inscrivant par ailleurs comme la seule exception possible ou à l’interdiction
du recours à la force. Cet argument a été évoqué sans succès par le Nigéria
dans l’affaire qui l’opposait au Cameroun et relativement à la frontière
terrestre et maritime.
L’article 22 du projet d’articles sur la responsabilité internationale des
Etats a consacré les contre-mesures comme circonstance excluant l’illicéité.
Cette circonstance avait été amplement débattue dans le cadre de l’affaire
du projet Gabcikovo/Nagymaros dans laquelle la Hongrie considérait le
recours à « la variante C » comme une contre-mesure. A cette occasion la
CIJ a rappelé la formule qui est aujourd’hui retenue par le projet d’articles de
2001. Celle-ci pose en effet que « l’illicéité du fait d’un Etat non conforme à
l’une de ses obligations internationales à l’égard d’un autre Etat est exclue si
et dans la mesure où ce fait constitue une contre-mesure prise à l’encontre
de cet autre Etat conformément au chapitre II de la IIIème partie ». La contre
mesure représente donc en réalité une réaction à un acte illicite et c’est
d’ailleurs ce qui justifie la prise en compte comme circonstance excluant
l’illicéité.

B- Les circonstances étrangères à l’auteur de l’acte

Le sujet de droit international qui commet un acte internationalement


illicite peut voir sa responsabilité exonérée du fait de la prise en compte de
certaines situations ou de certains évènements qui lui seraient extérieurs.
C’est le cas de la force majeure, de l’état de nécessité ou la situation de
détresse.
- La force majeure et le cas fortuit sont des situations où les sujets du
droit international sont amenés à agir malgré eux d’une manière
incompatible avec leurs obligations internationales. Ils n’y a ni élément de
volonté, ni aucun élément intentionnel. La CDI l’envisage comme une force
irrésistible ou un élément extérieur imprévu et en dehors de tout contrôle de
l’Etat. Ces deux notions (force majeure et cas fortuit) se distinguent par les
éléments qui sont à leur origine (une force ou une contrainte pour ce qui est
de la force majeure, un évènement pour ce qui est du cas fortuit). Dans le
dernier projet d’articles la CDI a purement et simplement écarté le cas fortuit
et n’a retenu que la force majeure en y incluant les autres évènements qui
caractérisent le cas fortuit. Pour être prise en compte, la force majeure doit
remplir des conditions bien prévues par l’art. 23 al. 1 et 2 dudit projet
d’articles.

- L’état de nécessité quant à lui suppose un péril grave et imminent


pour un intérêt essentiel de l’Etat. Le caractère d’un intérêt essentiel donné
est naturellement fonction de l’ensemble des conditions dans lesquelles un
Etat se trouve même si la CIJ a cru devoir percevoir cette imminence dans
le long terme (voir CIJ, affaire du Projet Gabcikovo/Nagymaros). L’état de
nécessité doit être évalué par rapport aux cas d’espèce dans lequel ledit
intérêt entre en considération. En réalité, pour qu’il y ait état de nécessité ou
état d’extrême nécessité, il faut que le péril n’ait pas pu être écarté, qu’il ait
un caractère irrésistible et surtout le comportement incriminé doit s’être
révélé indispensable dans sa totalité et non pas seulement en partie pour
préserver l’intérêt essentiel menacé. Tout dépassement des limites du strict
nécessaire à cette fin ne peut que constituer à lui seul un fait illicite.

- Par détresse on entend une situation de péril extrême dans laquelle


l’organe étatique qui adopte un comportement contraire à son obligation
internationale n’a, au moment, d’autres moyens de se sauver ou de sauver
des personnes confiées à sa garde que celui d’agir de manière non conforme
aux prescriptions de l’obligation en question. Contrairement au cas fortuit et
à la force majeure, un choix théorique existe (choisir de sauver des vies
humaines en polluant la mer ou préserver cette dernière au détriment des
vies humaines). Pour être accueillie, la situation d’extrême détresse doit
remplir un certain nombre de conditions, à savoir :

 Le comportement ne doit pas créer un péril comparable ou supérieur ;


 Il doit s’agir véritablement d’une situation d’extrême détresse ;
 Elle ne peut être invoquée si l’on a contribué à sa survenance (nul ne
peut se prévoir de sa propre turpitude) ;
 Le comportement doit, s’être révélé indispensable.

A ces deux grandes catégories de circonstances excluant l’illicéité, l’on


peut sur le fondement de la pratique et de la Jurisprudence internationale
relever quelques circonstances en gestation, à savoir « la possession
paisible » et la « croyance sincère ». Ce sont en effet des arguments qui ont
été évoqués par la partie Nigériane dans le but d’écarter sa responsabilité
engagée par le Cameroun devant la CIJ. Il peut cependant être regrettable
que la Cour mondiale n’ait pas accordé une attention particulière à ces
prétendues avancées dans la théorie générale des circonstances excluant
l’illicéité.

Section II- Le préjudice

Le dommage ou le préjudice peut avoir une nature internationale


provenant de ce qu’il affecte directement, dans ses droits, un sujet de droit
international. On appelle ce type de dommage le dommage immédiat
soulignant ainsi le lien direct entre le fait illicite et le droit violé. Mais il existe
d’autres dommages subis par des personnes physiques ou morales qui ne
sont pas des sujets de droit international. Ce type de dommage ne concerne
pas en principe la responsabilité internationale. Toutefois, il peut arriver
qu’un Etat prenne fait et cause pour lesdites personnes physiques qui
auraient subi un dommage ; c’est le domaine de la protection diplomatique.
Avant d’aborder la question de la finalité de la responsabilité internationale
(paragraphe II), il conviendrait d’analyser d’abord les caractères du préjudice
(paragraphe I)

Paragraphe I- Les caractères du préjudice

Le préjudice peut avoir un double caractère. Il peut être immédiat ou


médiat. Cette différence de caractère du préjudice influence tout le régime
juridique applicable à la responsabilité internationale soit que le préjudice est
immédiat (A) soit que le préjudice est médiat (B).
A- Le dommage immédiat

Dans l’affaire de l’Usine de Chorzow, le juge international a clairement


affirmé le principe de la responsabilité pour fait internationalement illicite.
L’on a en effet posé que tout fait international illicite engage la responsabilité
de son auteur et oblige celui-ci à le réparer.
Le dommage immédiat est celui subi par un sujet de droit international
lésé dans un droit qu’il tire de l’ordre juridique international. Ce droit doit être
juridiquement protégé et l’Etat doit en être le titulaire. Il se pose dès lors le
problème de la distinction entre un droit et un intérêt. La question s’est posée
dès 1963 dans le cadre de l’affaire du Cameroun septentrional où la CIJ a
écarté l’intérêt d’un Etat à voir le droit international respecté. En 1966, dans
l’affaire du Sud-Ouest Africain, la CIJ a également écarté la réclamation de
l’empire d’Ethiopie et de la République du Libéria qui souhaitaient voir la Cour
juger que l’Afrique du Sud violait ses obligations internationales. Il s’agissait
toujours pour la Cour de confirmer sa thèse de départ à savoir la violation
d’un droit. Dans l’affaire de la Barcelona Tranction Light and Power
Compagny Ltd (1970), l’on a semblé voir un revirement de jurisprudence car
la CIJ a, à cette occasion, fait une distinction essentielle entre les obligations
des Etats envers la Communauté Internationale dans son ensemble et celles
qui naissent vis-à-vis d’un autre Etat dans le cadre de la protection
diplomatique. Par leur nature, les premières concernent tous les Etats et vu
l’importance des droits en cause « tous les Etats peuvent être considérés
comme ayant un intérêt juridique à ce que ses droits soient protégés. Les
obligations dont il s’agit sont des obligations erga omnes ». Le pas se trouve
donc ainsi amorcé avant d’être codifié dans le projet d’articles de 2001 sur la
responsabilité internationale des Etats (voir article 43 du projet d’articles).
Par ailleurs, le préjudice peut être direct ou indirect et seul le préjudice
direct est susceptible d’engager la responsabilité internationale. Constitue
un préjudice direct celui qui découle nécessairement de l’acte illicite.
L’existence d’un préjudice matériel, quelle que soit son objet et sa nature, est
toujours suffisante pour engager la responsabilité de son auteur. Mais l’on
peut se poser la question de savoir quel est aujourd’hui le régime juridique
du dommage moral ? Cette catégorie est restée pendant longtemps ignorée
par le droit international. En d’autres termes, le droit international n’accordait
aucune considération au préjudice moral. Le revirement est intervenu avec
la Sentence Arbitrale de 1922 dans l’Affaire des Veuves du Lusitania. En
effet, dans cette affaire, l’on a reconnu et réparé le préjudice moral souffert
par les veuves des occupants du navire dénommé Lusitania.

B- Le dommage médiat : la théorie de la protection diplomatique

La responsabilité internationale ne peut être engagée que dans la


mesure où le dommage est juridiquement causé à un sujet de droit
international (Etat et Organisation internationale). Lorsqu’il s’agit d’un sujet
de droit interne, le problème se pose différemment. Afin d’éviter le déni de
justice, il a été mis en place pour ce type de dommage, le mécanisme de la
protection diplomatique. Pratiquement, il s’agit pour un sujet de droit
international d’endosser la réclamation individuelle de son national ou de son
ressortissant. C’est la manifestation même de la souveraineté de l’Etat c’est-
à-dire que l’Etat n’exerce là qu’un droit qui lui est propre. Dans l’Affaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine (1924), la CPJI affirmait que « en
prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement en sa
faveur l’action diplomatique ou l’action judiciaire, cet Etat fait à vrai dire valoir
son propre droit, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses
ressortissants le droit international ».
1- Les conditions d’exercice de la protection diplomatique

Un certain nombre de conditions sont nécessaires pour la mise en


œuvre de la protection diplomatique. Il s’agit entre autres de la nationalité,
de l’épuisement des voies de recours interne et de la théorie des mains
propres.
S’agissant d’abord de la nationalité, l’on droit dire qu’elle s’analyse ici
en terme de lien effectif et même affectif, qui unit une personne à un Etat.
C’est en réalité un lien juridique sous-tendu par un fait social de rattachement
(CIJ, Affaire Nottebhöm). L’Etat ne peut en réalité exercer sa protection
diplomatique que vis-à-vis de ses nationaux. Le principe est clair, lorsqu’il
s’agit des personnes disposant d’une seule nationalité. La situation se
complexifie dès lors que l’on est en présence des personnes disposant de
plusieurs nationalités ou alors des personnes dites morales. Pour le premier
cas, il s’agira de rechercher la nationalité effective du demandeur en
protection diplomatique (voir Affaire Nottebhöm, Affaire Canevaro). Il
convient de voir plus récemment les développements autour de l’Affaire
Ahmadou Sadio Diallo (CIJ, République de Guinée c/ RDC, 19 juin 2012).

Pour ce qui est des sociétés ou des personnes morales, la difficulté


découle de la détermination de la nationalité de la personne morale
concernée. Doit-on en réalité prendre en considération la nationalité des
actionnaires majoritaires comme étant celles de la société ou alors attribuer
à cette dernière la nationalité du lieu d’établissement de siège principal de la
société. Ces deux questions ont été posées dans le cadre de l’Affaire de la
Barcelona Traction Light and Power Company Ltd en 1970 (Belgique c/
Espagne) ou encore dans le cadre de l’Affaire ELSI (Elettronica Sicula) entre
l’Italie et les Etats-Unis.
Pour produire son effet positif, la nationalité doit non seulement être
effective, mais aussi être continue c’est-à-dire qu’elle ne doit pas changer
entre le moment du préjudice et la finalisation de l’action en protection
diplomatique (voir Affaire des Veuves du Lusitania).

Ensuite, s’agissant de l’épuisement des voies de recours interne, il


convient de dire que le plaignant doit pouvoir, au plan interne, donner la
possibilité à l’Etat fautif de réparer le dommage. Il faut donc pour cela épuiser
les voies de recours qui sont offertes. C’est une condition procédurale visant
à la fois à protéger la souveraineté de l’Etat accusé et à éloigner des
instances Internationales les affaires banales et sans importances. Cette
condition est cependant soumise à des préalables, à savoir :

 L’existence des voies de recours ;


 L’accessibilité desdites voies ;
 L’efficacité des voies offertes.

Au plan de la théorie générale du droit, il convient de dire que


l’épuisement des voies de recours interne a acquis aujourd’hui au regard de
son étendue et de l’adhésion de l’Etat le caractère de norme coutumière, bien
que parfois prévue par les textes conventionnels (voir dans ce sens CIJ
Affaire Anglo Inanian-oil Company en 1952 et l’Affaire Interhandel, 1959).
Voir plus récemment les développements autour de l’affaire Ahmadou Sadio
Diallo (CIJ, République de Guinée c/ RDC, 19 juin 2012).

Pour ce qui est enfin de la théorie des mains propres, il faut dire que
l’individu qui sollicite la protection diplomatique de son Etat doit avoir les
mains propres c’est-à-dire que sa conduite doit avoir été correcte et non
blâmable. En outre il ne doit pas, par son comportement, avoir contribué à la
survenance du dommage dont il demande la réparation. C’est en effet en ce
sens que Paul Reuter affirmait que « la Barcelona n’a pas succombé du fait
d’un ennemi imaginaire, mais du fait de ses propres fautes ». C’est une
jurisprudence qui est aujourd’hui généralisée sur le fondement de cette
maxime de l’équité : « He who comes to equity must come with clean
hands », ce qui rappelle la règle « nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude ». Cette exigence a été réaffirmée dans la jurisprudence Ben Tillet
entre le Royaume-Uni et la Belgique, affaire dans laquelle le sieur Ben Tillet
a eu un comportement blâmable.

2- Les modalités d’exercice de la protection diplomatique

Il convient de dire d’entrée de jeu que la protection diplomatique est un


droit qui appartient à l’Etat. La jurisprudence et la pratique internationale sont
constantes sur ce point. En effet, dans une espèce, des individus s’étaient
plaint de ce que l’Etat défendeur avait violé leur droit de l’homme en leur
refusant sa protection diplomatique pour une réclamation fondée sur un fait
international illicite commis à leur égard par les autorités d’un autre Etat. Sur
ce point, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) décida que
« aucun droit à la protection diplomatique n’était garantie en tant que tel aux
personnes se trouvant sous la juridiction de l’Etat défendeur ». Il n’y a donc
aucun droit individuel en la matière. L’Etat qui formule une réclamation au
nom de l’individu fait, à vrai dire, valoir son propre droit, celui qu’il a de faire
respecter en la personne de ses ressortissants le droit international (CPJI,
Affaire Mavrommatis, 1924 ; CIJ, Affaire de la Barcelona Traction Light and
Power Company Ltd 1970 ou encore CEDH, Kopas V Royaume-Uni, 1987).
La pratique nationale des Etats est, sur ce point, divergente. Si en
Allemagne, l’on considère que la protection diplomatique est un droit
appartenant à l’individu et susceptible d’un recours devant la Cour
constitutionnelle de Karlsruhe, en France, il s’agit véritablement d’un droit qui
appartient à l’Etat. Cela est tellement vrai qu’en France, les actes pris en
matière de protection diplomatique sont qualifiés d’actes de gouvernement.
Il s’agit pour ce qui est des modalités de mise en œuvre de la protection
diplomatique d’un pouvoir discrétionnaire et à ce titre il appartient à l’Etat
d’en préciser le moment et les moyens à mettre en œuvre afin d’obtenir
réparation, ainsi que de juger de l’opportunité d’agir. Les moyens de mise en
œuvre sont nombreux. Ils vont du règlement pacifique des différends, à
l’arbitrage et la justice. L’Etat garde ainsi son entière liberté de choisir le
moyen le plus efficace permettant d’obtenir satisfaction (négociation,
arbitrage, justice).
Une question importante s’est souvent posée dans la pratique des
Etats. En effet l’Etat peut- il renoncer objectivement à la mise en œuvre de
la protection diplomatique ? Question d’importance capitale car posant une
problématique très ancienne dans les relations internationales et sous-
jacente à la mise en œuvre de la protection diplomatique. Si pour ce qui
concerne l’Etat, la réponse est positive, pour ce qui concerne l’individu, la
réponse doit être trouvée à travers l’analyse faite de la clause Calvo. En
substance, le problème posé par cette clause est celui de savoir si un individu
ou une personne morale peut renoncer à la protection diplomatique de son
Etat national. La pratique internationale a, à cet égard, s’agissant de
l’individu, apporté une réponse négative. Celui-ci n’a pas en effet la maîtrise
de la protection diplomatique, il n’a aucun droit individuel à la protection
diplomatique et il ne peut donc y renoncer. Dans la jurisprudence
internationale, et même en droit international classique et contemporain, la
clause Calvo est toujours considérée comme nulle. Dans une Affaire Martini
entre l’Italie et le Venezuela, la commission (d’arbitrage) a attribué une
indemnité malgré l’insertion de la clause Calvo dans le contrat.
L’inopposabilité de la clause Calvo est ainsi clairement affirmée. A contrario,
seul l’Etat peut renoncer à la protection diplomatique de façon ad hoc,
(ponctuelle) ou dans un cadre conventionnel. On peut à cet égard citer
l’art.27 de la convention sur le CIRDI (Centre International pour le Règlement
des Différends relatifs aux Investissements) par lequel l’Etat national du
contractant s’engage à ne pas exercer la protection diplomatique.

Paragraphe II- La finalité de la mise en œuvre de la responsabilité


internationale : la réparation

La responsabilité joue un rôle stabilisateur et une fonction pacificatrice


dans les relations entre sujets de droit. Cette fonction débouche sur une
obligation internationale de nature jurisprudentielle ou conventionnelle, qui a
aujourd’hui acquis le caractère norme coutumière au regard de son
ancienneté. Pour mieux percevoir cette fonction réparatrice, il convient
d’abord de présenter son fondement avant d’analyser ses modalités.

A- Les fondements de la réparation

La responsabilité à pour fin première la mise en œuvre du devoir ou de


l’obligation de réparer le dommage causé par un Etat à un autre sujet de droit
international. La jurisprudence internationale a relevé à plusieurs occasions
que la réparation est la conséquence attendue de l’illicéité. En effet, dans un
précédent jurisprudentiel très souvent cité (CPJI, affaire de l’Usine Chorzow),
la Cour déclarait que « le principe essentiel qui découle de la notion même
d’action illicite et qui semble se dégager de la pratique internationale
notamment de la jurisprudence des tribunaux arbitraux est que la répartition
doit autant que possible effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et
rétablir l’état qui vraisemblablement aurait existé si le dit acte n’avait pas été
commis ». Cette formule de la CPJI affirme bien le fondement jurisprudentiel
de l’obligation de réparer. En d’autres termes, la réparation fait naître une
obligation générale qui lie tout auteur du fait international illicite. Elle est
impliquée par toute règle juridique et présente un caractère d’automaticité.
En d’autres termes, dès lors que le fait est attribué à un Etat, il doit
automatiquement réparer. La CPJI le constatait lorsqu’elle affirmait que
« c’est un principe général de droit international voire une conception
générale du droit que toute violation d’un engagement comporte l’obligation
de réparer ». Cette jurisprudence est très constante devant les juridictions
internationales. Dans l’Affaire Barrios Altas, la Commission Interaméricaine
des Droits de l’Homme, (CIADH) a reconnu que tout acte illicite ou tout
dommage entraîne l’obligation ou le devoir de réparation adéquate (arrêt du
30 novembre 2001). Le juge américain était même allé plus loin en
considérant que l’art.63 al.1 de la convention américaine de 1969 avait
codifié une règle coutumière qui fonde désormais le droit à la réparation
(CIADH, Garrido et Balgorria V Argentine).
Cette obligation trouve également son fondement dans le droit
international conventionnel. C’est ainsi que l’on retrouvera à travers la
panoplie des conventions internationale l’obligation faite aux Etats de réparer
tout dommage causé. L’article 31 du projet d’article de 2001 sur la
responsabilité des Etats précise que l’Etat responsable est tenu de réparer
le préjudice causé par le fait internationalement illicite.

B- Les modalités de la réparation

La pratique internationale offre aux Etats une panoplie de modalités


leur permettant de réparer les dommages causés. D’abord la restitution in
integrum qui représente le principe en matière de réparation. Il permet à
l’Etat de réparer le dommage en essayant d’éliminer ou d’effacer, autant que
faire se peut, toutes les conséquences de l’acte illicite et donc de rétablir le
statu quo ante (situation qui a existé) (CPJI, Affaire Usine de Chorzow). Cette
formule est couramment dénommée remise de la chose en l’état. C’est
d’ailleurs ce qu’a rappelé avec force l’arbitre dans l’affaire Texaco Calasiatic
lorsqu’il pose que la restitution in integrum constitue la sanction normale
de l’inexécution d’une obligation conventionnelle ou contractuelle … (S.A,
1977, Texaco Calasiatic c/ Libye). Cette modalité de réparation est prévue
par l’art. 35 de du projet d’articles sur la responsabilité des Etats qui précise
en outre que cette modalité ne peut être prise en compte que si elle est
matériellement possible. Ce qui laisse apparaître en filigrane toute la
difficulté qui est consubstantielle à cette modalité.
Face à ces difficultés, la pratique a imaginé puis codifié d’autres
modalités qui permettent de donner corps à la réparation. C’est le cas
notamment de la réparation par équivalence ou l’indemnisation qui
représente l’une des modalités qui vole au secours du juge face à
l’impossibilité de remettre la chose en état. Affirmée par la jurisprudence
Chorzow, elle a été codifiée non seulement par projet d’articles sur la
responsabilité des Etats, mais aussi par la quasi-totalité des conventions
relatives à la protection de l’environnement. Le juge dans l’affaire Chorzow
affirmait clairement que « c’est toujours un principe du Droit International que
la réparation doit autant que faire se peut éliminer toutes les conséquences
du fait dommageable ». Cette affirmation remet au bout du jour la prise en
compte de l’argent comme moyen de réparer un préjudice ou un dommage
causé. L’on affirmait déjà dans l’Affaire des Veuves du Lusitania que l’argent
est la mesure de la valeur des choses. Relativement à la prise en compte de
l’argent, l’on doit pouvoir dire que le calcul de l’indemnité à allouer se fait non
sur la base du droit interne, mais sur la base du droit international. L’art.36
du projet d’articles sur la responsabilité des Etats pose clairement cette
modalité lorsqu’il affirme que « l’Etat responsable du fait internationalement
illicite est tenu d’indemniser le dommage causé par ce fait dans la mesure
où il ne peut pas être réparé par la restitution. L’indemnité doit prendre en
compte tout dommage susceptible d’évaluation financière y compris le
manque à gagner dans la mesure où celui-ci est établie ».
Mais dans certains cas, l’indemnisation peut s’avérer inadéquate et
alors l’on recourt à la satisfaction qui est en passe de devenir l’une des
modalités les plus répandues dans la pratique de la responsabilité
internationale. Il peut s’agit dans ce cas d’un préjudice moral ou même
matériel. Cette modalité a un caractère purement moral, car visant la
satisfaction personnelle de la victime. Elle est largement prise en
considération au plan international. Il suffit ici de rappeler une jurisprudence
intéressante qui prenait en compte « l’atteinte portée au projet de vie ». En
effet, dans l’arrêt rendu en 1999 dans l’affaire Loayza Tamayo c/ Pérou, la
Cour interaméricaine des Droits de l’Homme a mentionné pour la première
fois le concept qui renvoie à l’idée de satisfaction en tant que modalité de la
réparation. Ce faisant, elle affirmait que le grief d’une atteinte portée au projet
de vie n’était décidément pas identique à celui d’un préjudice immédiat et
direct causé aux biens de la victime mais visait plutôt le plein
épanouissement de l’individu concerné. En l’espèce, la CIADH jugea que les
circonstances entourant la détention de la victime avait nuit au projet de vie
de celle-ci.
Ce raisonnement de la CIADH renvoie à une problématique
généralisée aujourd’hui tant en droit international, qu’en droit interne, autour
de la perte de chance. Une application récente a été faite par en matière
hospitalière par le Conseil d'État français censurant une cour administrative
d'appel pour ne pas avoir retenu la responsabilité d'un établissement public
hospitalier dont le rôle dans le décès d'un patient apparaissait pour le moins
indirect. En effet les fautes commises par l'équipe médicale d'une clinique
privée semblaient bien être immédiatement à l'origine dudit décès (Voir,
Conseil d'État (5 et 4 SSR) 18 février 2010, n° 316774, Consorts Ludwig).
La satisfaction intègre les regrets (Etats-Unis c/ chine), le salut au
drapeau et les excuses du gouvernement, à l’instar des excuses faites par
l’Etat français à la Nouvelle Zélande à la suite de la destruction du navire
Rainbow Warrior, ou encore les excuses formulées par l’Allemagne en 2004
à la Namibie suite au massacre des Héreros entre 1904 et 1905, enfin les
excuses réclamées par le Président de la République d’Argentine à la
Grande Bretagne pour avoir utilisé des navires portant des armes nucléaires
pendant la guerre des Malouines en 1982.
La mise en œuvre de la réparation peut dans certaines situations
s’avérer difficile, notamment en termes de calcul de l’indemnité due. Pour
s’en convaincre il suffit de lire les récents développements faits par la CIJ
dans l’Affaire Ahmadou Sadio Diallo (CIJ, République de Guinée c/ RDC, 19
juin 2012).
Enfin, la non-répétition qui est une modalité permettant à l’Etat victime
d’obtenir la garantie que de tels faits ne se reproduiront pas dans le futur.
C’est ce que, dans la pratique, l’on appelle couramment la garantie ou la
promesse de non- répétition. Dans l’affaire Torrez Ramirez, le Comité des
Droits de l’Homme des Nations Unies, après s’être assuré que le droit
uruguayen n’était pas en conformité avec le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, a déclaré que « en conséquence, le Comité conclut
que l’Etat partie est dans l’obligation de fournir des recours efficaces a à la
victime y compris une réparation pour les violations qu’elle a subies et de
prendre des mesures pour que de telles violations ne se reproduisent pas à
l’avenir » (CDHNU ; 1980). Plus récemment, une demande concernant la
garantie de non- répétition a été avancée par la Hongrie à l’égard de la
Slovaquie dans l’Affaire Gabcikovo/Nagymaros. La Hongrie avait en effet
demandé à la CIJ de statuer que la Slovaquie était tenue de l’obligation de
fournir des garanties adéquates contre la répétition des dommages et pertes
subies par la République de Hongrie et par ses ressortissants du fait de la
mise en œuvre de la « variante C ». La promesse de non répétition a été
reprise dans l’Affaire du différend frontalier terrestre et maritime entre
Cameroun c/ Nigéria en 2002 et dans l’Affaire LaGrand entre les Etats-Unis
et l’Allemagne.
CHAPITRE III

LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS ET L’AJUSTEMENT


DES SITUATIONS EN DROIT INTERNATIONAL

Le droit international, plus que jamais, palpite au rythme du monde, un


monde marqué de plus en plus par les conflits les plus sanglants qui
continuent de le déchirer alors même que les Nations Unies dès 1945
s’étaient données pour mission « de préserver les générations futures du
fléau de la guerre qui, deux fois en l’espace d’une vie humaine, a infligé à
l’humanité d’indicibles souffrances ».
Le droit international exprime jusqu’au paroxysme les progrès et les
régressions (guerre du Golfe), les déceptions et les espérances (crise
rwandaise) de la communauté internationale. Il est donc tout à la fois
l’instrument de mesure des variations de cette communauté et le mode de
régulation de la vie sociale à l’échelle de la planète.
Ce rôle régulateur du droit international peut logiquement et dans la
pratique se percevoir sous deux angles, d’une part sous l’angle du règlement
pacifique des différends et, d’autre part sous l’angle de l’interdiction ou de la
réglementation de l’usage de la force. Ces deux dimensions ont une histoire
commune s’inscrivant dans le vaste mouvement de pacification articulé
autour de deux principes : le principe du règlement pacifique des différends
et le principe de l’interdiction du recours à la force.

Reposant sur une seule et même toile de fond, ces deux principes
soulèvent des problématiques différentes qui autorise qu’on les aborde l’une
après l’autre.
Section I- Le règlement pacifique des différends

Il n’a que très progressivement acquis droit de cité en Droit


International. En effet le principe du règlement pacifique des différends s’est
développé à partir du 19es avant d’être définitivement consacré au 20es. La
théorie qui est à sa base fait partie du mouvement général de pacification
qui a précédé et suivi la première guerre mondiale (1899 -1907, 1928 et
1945). En réalité, c’est avec la première grande Conférence de La Haye
(1899) que naissent les grandes idées pacificatrices et les premières
institutions chargées du règlement pacifique des différends. Les institutions
(cour internationale des prises, arbitrages) qui se sont développées de
manière coutumière seront codifiées d’abord en 1899, puis en 1907. C’est
de manière décisive sur cette base que sera convoquée la 2e grande
conférence de La Haye en 1907 qui se soldera par l’adoption de 13 grandes
conventions portant sur les divers domaines de la paix et notamment sur
l’arbitrage comme moyen de règlement pacifique des différends. La première
convention codifiera (1907) les principales procédures auxquelles les Etats
devraient recourir pour régler leurs différends (enquête, médiation, arbitrage
et conciliation).
Après la première guerre mondiale, le mouvement favorable à la paix
et au règlement pacifique des différends s’amplifiera dans le cadre de la SDN
avec la création de la Cour Permanente de Justice International (CPJI). Il
prendra un relief particulier à partir de 1928 avec l’adoption de l’Acte général
d’arbitrage qui fixera de manière définitive les contours de l’arbitrage. Ce
mouvement se parachève avec l’avènement de l’Organisation des Nations
Unies qui dans son acte constitutif, la Charte des Nations Unies adoptée le
26 juin 1945, consacrera un chapitre au règlement pacifique des différends
(chapitre VI) et un autre chapitre au recours régulier à la force (chapitre VII).
La pratique de ces deux chapitres a démontré le caractère dynamique de la
Charte des Nations Unies à travers une évolution substantielle des objectifs
qui les sous-tendent. C’est ce que la doctrine a qualifiée de chapitre VI-bis
ou chapitre VI et demi.

Avant d’examiner la gamme variée des moyens que le droit


international offre aux Etats (Paragraphe II), il convient au préalable de définir
la notion même de différend en droit international (Paragraphe I).

Paragraphe I- La notion de différend en droit international

Le différend a été défini par la CPJI comme « un désaccord sur un point


de droit ou de fait, une opposition de thèse juridique ou d’intérêts entre deux
personnes (CPJI, Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine
(1924)). Cette définition qui récemment a été reprise par la CIJ dans l’Affaire
du Timor oriental entre le Portugal et l’Australie en 1995 et dans l’Affaire de
la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria en 2002 est
large, et pourrait servir même sur le plan interne. La Cour précisait dans une
exception préliminaire en 1998 dans l’affaire Cameroun c/ Nigéria sus
évoquée que le différend c’est « l’opposition de thèse juridique ou d’intérêt
ou encore le fait que la réclamation de l’une des parties se heurte à
l’opposition manifeste de l’autre… ». Il s’agit pour la Cour dans tous les cas
de rechercher, sur le fondement du droit, l’opposition qui existe entre les
parties. De même, telle qu’elle a eu l’occasion de le préciser, «l’existence
d’un différend international demande à être établie objectivement» (CIJ,
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, Belgique c/
Sénégal, Arrêt du 20 juillet 2012).
La définition retenue par la CPJI dans l’Affaire des Concessions
Mavronmmatis soulève un problème fondamental celui de la distinction entre
différends d’ordre politique pour lesquels la Cour n’est pas compétente d’une
part, et différends d’ordre juridique d’autre part sur lesquels elle pourrait se
prononcer. La conception Vattelienne sur cette distinction se situe dans le
droit fil de la doctrine suivant laquelle les litiges importants sont de nature
politique et ne sauraient pour ce motif être confiés à des organes
juridictionnels. Le contraire étant vrai pour les différends mineurs qualifiés
de juridique. A cette conception s’apparente la théorie de la « tension »
développée par Morgenthau qui veut que les grandes tensions dans les
relations internationales ne soient pas du ressort du juge (voir la thèse
israélienne devant le CIJ dans le cadre de l’Avis sur l’édification du Mur en
territoire occupé et en Cisjordanie, avis du 4 juillet 2004; de la thèse
américaine dans l’affaire qui a opposé les Etats-Unis aux Nations Unies et
relativement à la fermeture du bureau de l’OLP en 1988, Avis consultatif).
Cette conception est inopérante là où les textes applicables acheminent les
différends juridiques vers une voie donnée et les litiges politiques vers une
autre.
La CIJ a bien perçu cette difficulté et se réserve le droit de qualifier le
différend (juridique ou politique) et de fixer sa compétence prima facie.
Relativement à la nature politique ou juridique d’un différend, la démarche de
la cour reste pragmatique, car les litiges sont souvent de nature mixte. C’est
ainsi qu’un contentieux ou un différend territorial peut être de nature politique
et juridique. A titre d’illustration une réclamation territoriale pouvait être
fondée sur le fait que cette parcelle territoriale a été le berceau de l’unité
nationale et de l’identité de l’Etat. Ici s’oppose le titre conventionnel et les
arguments politiques. (Voir l’Avis sur l’édification du Mur en territoire occupé
et en Cisjordanie).
Paragraphe II- Les modes non juridictionnels de règlement pacifique
des différends

Il s’agit des modes qui permettent de manière libre aux Etats de régler
leurs différends. On peut les regrouper en deux grandes catégories : Les
procédures dites diplomatiques et les procédures dites instituées.

A- Les procédures diplomatiques

Il s’agit d’un mode de règlement des différends auquel les parties à un


différend ont très souvent eu recours. Leur importance est déterminante car
ils ont permis le régler un grand nombre de litiges opposant les Etats. Ce
sont des procédures fort anciennes qui sont utilisées pour des conflits
mineurs ou pour des conflits trop importants pour justifier ou permettre
l’intervention d’une organisation internationale. Ces procédures
diplomatiques vont de simples ententes directes par la voie de la négociation
diplomatique à l’intervention d’un tiers.

L’entente directe suppose des négociations au plus haut niveau entre


les parties concernées. Elle se déroule dans le cadre normal des relations
extérieures entre ces Etats. Elles peuvent se découler dans le cadre
d’organisations internationales et supposent une dose de fair-play entre les
différentes parties. Les négociations directes sont généralement
considérées comme la phase initiale ouvrant la voie à d’autres procédures.
Elles peuvent précéder la phase dite de l’intervention d’un tiers. S’inscrit dans
cette dernière phase la procédure de la médiation qui peut être à la fois
organique et inorganique. Quelle que soit la forme, la médication consiste à
faire intervenir un Etat ou une autorité tierce appelée médiateur. Son rôle
consiste à rapprocher les points de vue des parties au différend. Il propose
les bases d’une éventuelle négociation et sert de trait d’union entre les
parties qui ne peuvent plus ou qui ne veulent pas se rencontrer. Exemples:
la médiation Américaine dans le conflit Egypte-Israël, la médiation togolaise
dans le conflit Cameroun-Nigeria, la médiation Sud-africaine dans le conflit
en République démocratique du Congo.
On distingue deux variantes dans la procédure de médiation : la
médiation offerte ou spontanée et la médiation qui est sollicitée. La seconde
c’est celle dans la laquelle les parties parviennent à s’entendre sur le choix
du tiers médiateur. La première se confond avec la procédure dite des bons
d’office car ceux-ci sont toujours offerts.

B- Les procédures dites instituées

L’exigence du consentement des parties et les modalités de


constitution de l’organe expliquent la conclusion de nombreux traités portant
sur les procédures dites instituées. Elles se résument en deux techniques
ou deux procédures : l’enquête et la conciliation.
S’agissant d’abord de l’enquête, il s’agit pour les Etats parties de faire
établir les données du litige et les faits relatifs à celui-ci sans pour autant
prononcer un jugement. Le but est de faciliter le règlement d’un différend par
une connaissance exacte des faits élucidés par un enquêteur ou par
organisme offrant toutes les garanties d’impartialité. Dans la pratique
internationale, ce rôle est souvent confié à une commission. Son but et son
déroulement permettant de dire que c’est une procédure complémentaire à
d’autres moyens que sont la justice ou l’arbitrage. Une telle commission peut
être diversement composée des nationaux des Etats en litige ou tiers choisis
en fonction de leur compétence.
Ensuite, la conciliation comme procédure instituée consiste à faire
examiner un différend par un organe préconstitué ou accepté par les parties.
La commission de conciliation doit étudier les litiges dans tous ses aspects
et pouvoir élaborer et proposer une solution. La procédure est ici
contradictoire c’est-à-dire qu’il y a devant la commission audition des parties
ce qui la rapproche d’une véritable juridiction. C’est une procédure
relativement récente. Elle est en effet née au lendemain de la première
guerre mondiale et s’est développée considérablement à parties de 1945
sous l’influence de la diplomatique Suisse. Dans le cadre Européen, et à
travers la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).
Elle a été institutionnalisée et intégrée dans la dynamique d’arbitrage des
différends retenus en Europe.

Paragraphe III- Les modes juridictionnels

Les modes juridictionnels se définissent comme le règlement des


différends entre Etats par application du droit. Par cet élément d’application
du droit, ces modes se caractérisent par le fait que les parties aux différends
ne maîtrisent plus tous les termes du processus de stabilisation ou
d’apurement du conflit, car les éléments qui vont servir à cette solution sont
puisés non pas dans la volonté des Etats parties mais dans un droit
préexistant ou existant au moment où se développe la procédure.
Au regard de la prise en compte du rôle de la volonté, l’on peut affirmer
que l’un des modes consacre la volonté des parties (arbitrage) alors que
l’autre la sacrifie (la justice). En clair, les modes juridictionnels s’organisent
autour de deux procédures : la procédure arbitrale d’une part et la procédure
judiciaire d’autre part.

A- L’arbitrage

C’est une technique aussi vieille que le droit des gens. C’est la raison
pour laquelle les premières codifications effectuées à La Haye ont porté sur
le règlement pacifique des conflits et tout particulièrement sur l’arbitrage
comme mode de règlement pacifique des différends entre Etats. Elle est
apparu d’abord dans le cadre du droit commercial avant d’être généralisée
ensuite des tous les domaines du droit international. L’arbitrage de part sa
souplesse désigne plus un comportement social conciliateur qu’une
procédure juridictionnelle au sens strict. On entend par arbitrage le règlement
des différends des Etats par application du droit et par des juges de leur
choix. La Convention de La Haye de 1907 sur le règlement pacifique des
différends internationaux pose en effet que «l’arbitrage international a pour
objet le règlement des litiges entre les Etats par des juges de leur choix et
sur la base du respect du droit » (article 37).
Le recours à l’arbitrage implique la soumission en toute bonne foi à la
sentence rendue par l’organe arbitral. La convention de 1907 affirme très
clairement que la force juridique de la sentence arbitrale est essentiellement
fondée sur la bonne foi. Ce faisant, elle s’inscrit dans la logique
conventionnelle retenue par la convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités (Pacta Sunt Servanda). L’article 37 (2) pose que « le recours à
l’arbitrage implique l’engagement de se soumette de bonne foi à la
sentence ». La décision de recourir à l’arbitrage est prise d’un commun
accord par les Etats parties et consignée dans un document appelé
compromis d’arbitrage. Le compromis d’arbitrage s’analyse comme l’accord
international en vertu duquel les Etats constatent leurs désaccords sur un
point de droit ou de fait et leur accord pour recourir à l’arbitrage comme mode
de solution. Ce compromis indique le droit applicable et les autres modalités
et procédure à suivre devant l’instance saisie ou l’instance créée. C’est la
raison pour laquelle l’on a pu affirmer que le compromis constitue le droit de
l’arbitrage. La prise en compte du compromis permet de distinguer outre
l’arbitrage facultatif qui est l’objet du compromis d’arbitrage et l’arbitrage
obligatoire qui découle de la clause compromissoire c’est-à-dire un
engagement de recourir à l’arbitrage qui est contenu dans une clause du
traité en cause.
Le tribunal arbitral est organisé d’une manière très complexe
permettant d’assurer l’impartialité et l’institutionnalisation d’un juge unique
(Max Huber dans L’affaire de l’Ile de Palmas) à un tribunal arbitral organisé
sur le modèle de commission. Le principe reste celui de la liberté car les
juges sont désignés par les parties. La pratique internationale en la matière
est très variée et l’on peut avoir des commissions à cinq, sept ou neuf arbitres
désignées par les parties au prorata de deux, trois ou quatre juges par Etat
partie. Dans cette configuration, le cinquième, le septième et le neuvième
arbitre sont désignés par les premiers ou par un organisme juridictionnel
comme la Cour internationale de Justice.
A côté de la désignation des juges, l’on rencontre dans le cadre des
conventions internationales des tribunaux arbitraux ad hoc prévus par la
clause compromissoire ou des tribunaux institutionnalisés (la cour
permanente d’arbitrage (CPA) ou encore la cour de conciliation et d’arbitrage
de la CSCE). La compétence de l’organe arbitral dérive du compromis
d’arbitrage, mais l’organe reste libre d’interpréter ce compromis et de fixer
lui-même sa compétence (la compétence prima facie). C’est dire que
l’organe arbitral détient la compétence de sa compétence (il revient à la CIJ
de dire s’il est compétent si une partie dit qu’il n’est pas).
Le tribunal arbitral applique le droit et très souvent la source de droit
reste le compromis qui vise soit de manière générale le droit International,
soit les principes généraux de droit ou encore des accords bien précis. Au
regard de la portée de la procédure d’arbitrage dans le règlement pacifique
des différends, l’on a pensé très rapidement à son institutionnalisation. La
première tentative d’institutionnalisation date de 1907 avec la création de la
Cour Permanente d’Arbitrage (CPA) (voir art. 41 de la convention de la Haye
sur le règlement pacifique des différends de 1907). Il s’agit d’une juridiction
sui generis car loin d’être une véritable institution. En réalité, il s’agit d’une
liste internationale d’arbitres. Cette liste d’arbitres est établie par les Etats
parties aux conventions de 1899 et de 1907. L’article 44 de la convention
précitée pose que chaque Etat désigne pour 6 ans quatre arbitres qui feront
partie de la liste.
La deuxième tentative en matière d’institutionnalisation de l’arbitrage
réside dans la conférence pour la sécurité et la coopération en Europe qui
crée une cour de conciliation et d’arbitrage dont le fonctionnement est inspiré
de la CPA. Sa particularité réside dans le fait qu’il existe d’une part des
conciliations (2 par Etat) et d’autre part des arbitres (1 par Etat
+suppléant).Dans ce cadre, la conciliation est obligatoire qui suppose une
possibilité de requête unilatérale. Par contre, la constitution d’un tribunal
arbitral repose sans contexte sur le consentement des parties. La saisine de
ce tribunal arbitral par requête est subordonnée à l’échec de la conciliation
préalable.

Tout récemment, dans le cadre de la conférence pour la paix en Ex-


Yougoslavie, la Communauté Internationale et plus particulièrement la
Communauté européenne avait institué une commission d’arbitrage
composée des Cinq procureurs de la République des cours
constitutionnelles européennes et chargée de régler tous les problèmes
découlant de la dislocation de la Yougoslavie. Cette commission avait rendue
d’importants avis portant sur la reconnaissance des nouveaux Etats et
d’autres problèmes connexes.
La décision rendue par le tribunal arbitral est dénommée sentence.
Elle est à tout point semblable aux décisions de justice. Cela veut dire qu’elle
doit être motivée et avoir un critère obligatoire pour les parties. Elle est
revêtue de l’autorité relative de chose jugée. Au sens de l’art 37 de la
convention de la Haye de 1907, le recours à l’arbitrage implique
l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence rendue. Un
recours en interprétation de se soumettre de la décision reste possible
devant l’organe qui a rendu la sentence. Cela est vrai aussi pour le recours
en révision toutes les fois qu’il y a découverte d’un fait nouveau. La question
s’est d’ailleurs posée tout récemment devant la Cour internationale de
Justice dans le cadre d’une affaire opposant la Guinée Bissau au Sénégal
relativement à une sentence arbitrale rendue le 31 juillet 1983 (Problème par
rapport à la délimitation des frontières martines fixée par un accord franco-
portugais de 1960). Il s’agissait pour la Cour dans cette affaire de répondre
à la question de savoir si la sentence rendue par la commission et relative à
la frontière maritime entre les deux Etats était valable.
A l’origine, les parties avaient créée par un compromis d’arbitrage une
commission à laquelle elles avaient posé la question de savoir si le traité
Franco Portugais du 26 avril 1960 faisait droit. La sentence litigieuse avait
conclu que la traité faisait autorité entre les deux pays ce qui exaspéra la
Guinée Bissau. La Cour internationale de Justice saisie par un compromis
s’estima compétente et rejette les conclusions de la Guinée visant à frapper
d’inexistence et de nullité la sentence. La sentence était donc aux yeux de la
Cour obligatoire. Au-delà de la réponse donnée, deux problèmes juridiques
se posaient dans cette affaire : premièrement, celui de savoir si la Cour
internationale de Justice est un deuxième degré de juridiction pour l’arbitrage
et deuxièmement, celui de savoir si la sentence prime sur les déclarations
des juges (l’opinion dissidente du Président du tribunal M. Julio Barberis).
B- Le règlement judiciaire : la Cour Internationale de Justice (CIJ)

La justice au plan international est décentralisée, il existe des organes


judiciaires à compétences variées. La Cour internationale de Justice est la
juridiction principale, mais pas l’unique. Cette justice internationale est
sectorielle (justice économique, droit de la mer). La Cour internationale de
Justice a certes une compétence générale, mais ne se superpose pas aux
autres juridictions. Au plan international, l’on ne saurait attraire un Etat devant
la justice sans son consentement.
Au plan pratique il existe trois (3) possibilités par lesquelles l’Etat exprime
son consentement au plan processuel, à savoir : le compromis, la clause
compromissoire et la clause facultative de juridiction obligatoire (article 36(2)
du statut de la Cour internationale de Justice). Il convient de souligner que
seuls les Etats ont la capacité pour saisir la Cour internationale de Justice.
Toutefois, les organisations internationales peuvent saisir ladite Cour pour
obtenir des avis consultatif. Les avis rendus dans ce cadre ne lient pas les
parties et elles sont facultatives, tandis que l’arrêt rendu par la Cour est
obligatoire et lie les parties qui doivent l’exécuter de bonne foi.
L’expression règlement judiciaire indique clairement qu’il s’agit d’une
procédure dans la conception, l’organisation, le déroulement et l’issue
reposent fondamentalement sur des personnes ayant la qualité de magistrat
avec toutes ses implications indépendance, intégrité, attribut financier. Le
règlement judiciaire est plus contraignant par la constitution préalable de la
Cour, par le droit en vigueur et par la procédure. La décision rendue est
source d’un engagement et n’est plus basée sur l’exécution de bonne foi. Et
c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Cameroun dans l’affaire qui
l’opposait au Nigeria a demandé à la Cour internationale de Justice d’établir
la responsabilité internationale de ce dernier pour non-exécution ou non
observation des mesures conservatoires indiquées par elle. Les bases
juridiques de l’action de la Cour internationale de Justice sont la Charte des
Nations Unies, le statut annexé à cette Charte et le règlement de la Cour.
L’avènement de la Cour internationale de Justice fait suite à une évolution
institutionnelle qui commence en 1907 avec la création de la Cour
Internationale des Prises. Elle nait véritablement des cendres de la Cour
Permanente de Justice Internationale (CPJI). Elle est au sens de la Charte
« l'organe judiciaire principal des Nations Unies» et son statut fait partie
intégrante de cette même charte. Au sens du dispositif interne, la Cour est
considérée comme une institution intégrée aux Nations Unies. Elle en est l’un
de ses organes principaux (article 7 (1), Charte des Nations Unies). Tout Etat
membre des Nations Unies est ipso facto partie au statut de la Cour
internationale de Justice et par conséquent il y a identité en ce qui concerne
les membres des Nations Unies et les parties au Statut de la Cour
internationale de Justice.
En ce qui concerne la désignation du juge dont le nombre est d’ailleurs
fixé par le Statut, il convient de dire qu’ils sont élus suivant une procédure
prenant en compte les autres organes principaux sur la base d’un ensemble
de conditions. Elle est en effet composée de quinze (15) juges de nationalités
différentes. Ceux-ci doivent jouir d’une grande compétence et d’une notoriété
sur le plan moral. Ils doivent en outre être des spécialistes du droit
international et réunir les conditions requises pour exercer les plus hautes
fonctions judiciaires dans leur pays. Leur élection se déroule en deux phases.
La désignation des candidats à la Cour est opérée par les groupes nationaux
à la Cour Permanente d’Arbitrage après consultation des corps judiciaires,
universitaires et académiques. Cette élection se déroule dans le cadre des
Nations Unies au niveau des deux organes principaux, à savoir l’Assemblée
Générale et le Conseil de Sécurité. Le candidat pour être élu doit avoir
obtenu la majorité absolue dans ces deux organes. Cependant, il convient
de préciser qu’en matière d’élection des juges, le veto ne joue pas.
Le système de la Cour a prévu des juges ad hoc ou encore appelés juge
national cela dans le but de préserver l’égalité entre les parties à une
instance devant la Cour. Ils sont élus pour neuf (09) ans et la Cour dans son
ensemble est renouvelable au tiers tous les trois (03) ans. Son président est
élu pour trois (03) ans. Le système international étant extrêmement
décentralisé, un Etat ne saurait se retrouver dans une instance devant la cour
sans son consentement expressément formulé. Cette question du
consentement cache un problème de fond grave. Il s’agissait pour les auteurs
de la Charte après avoir fait de la Cour l’organe judiciaire principal des
Nations Unies d’éviter de la laisser dépérir faute de litige fallait-il alors obliger
les Etats d’y recourir ? Le compromis a été trouvé permettant à celle-ci
d’intervenir à la fois au contentieux et par la voie d’un avis consultatif.
Différentes procédures permettent de saisir la Cour international de Justice.
Toutes ces techniques ont une seule et même toile de fond qui est le
consentement des parties à un différend.
D’abord, la première technique offerte aux Etats est le compromis
permettant aux parties à un différend de soumettre celui-ci à la Cour. Le
compromis c’est un accord international signé par les parties et dans lequel
il précise l’objet de leur différend et reconnaissent la compétence de la Cour
pour la question posée. La Cour en 1997 a par exemple été saisie par un
compromis signé le 07 Avril 1993 en Belgique et entrée en vigueur le 28 juin
1993 date à laquelle les parties, à savoir la Hongrie et la Slovaquie ont
échangé leur instruments de ratification.
Ensuite, les Etats peuvent saisir la Cour par le biais d’une clause
compromissoire intégrée dans une convention ou dans un traité. La clause
compromissoire intégrée dans une convention ou dans un traité rend la
juridiction de la Cour internationale de Justice obligatoire. Car sur le
fondement de celle-ci, une partie à un différend né de l’application ou de
l’interprétation de l’accord peut saisir la Cour par une requête individuelle ou
unilatérale.
Enfin, l’article 36 (2) du Statut de la Cour internationale de Justice,
encore appelé clause facultative de juridiction obligatoire, donne la possibilité
aux Etats parties au statut de saisir unilatéralement ladite Cour. L’article (36
(2) dispose en effet que « les Etats parties au présent statut pourront à
n’importe quel moment déclarer reconnaitre comme obligatoire de plein droit
et sans convention spéciale à l’égard de toute autre Etat acceptant la même
obligation la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique
ayant pour objet :

a) l’interprétation d’un traité ;

b) Tout point de droit international ;

c) La réalité de tout fait qui s’il était établi constituerait la violation d’un
engagement international ;

d) La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un


engagement international ».
Lorsqu’un Etat souscrit à cette clause, il peut déterminer lui-même son
étendue en fixant la catégorie des différends pour laquelle cette clause et de
manière générale la cour peut être compétente. La Cour nonobstant les
indications de l’article 36(2) est juge de sa propre compétence (voir CIJ,
Affaire de la Délimitation de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria, 2002 ; CIJ, Affaire les conséquences de l’Edification
d’un Mur…2004).
Par ailleurs, la Cour a compétence pour agir par la voie contentieuse ou
par la voie consultative.

1- La procédure contentieuse

Rationae materiae, la Cour ne reçoit que les Etats. Cela veut dire que
seuls les Etats peuvent agir ou contentieux devant cette juridiction. Le
consentement de l’Etat est nécessaire pour établir la compétence de la
Cour. Ce consentement peut s’établir de plusieurs manières :
Il peut d’abord prendre la voie d’un compromis c’est-à-dire d’un accord
conclu entre les deux Etats pour saisir la Cour du différend qui les oppose. A
bien des égards ce compromis possède des traits communs avec le
compromis d’arbitrage en ce qu’il désigne l’objet du différend et peut dans
certaines mesures préciser la règle de droit qu’il demande à la Cour
d’appliquer. La base de la juridiction de la Cour peut également être fournie
par un traité soit général et portant sur le règlement des différends (exemple
l’acte général d’arbitrage de 1928), soit bilatéral (par exemple le traité
d’amitié et de commerce ente les Etats Unies et le Nicaragua, il s’agit de
clause compromissoire). Enfin et toujours au contentieux, la compétence de
la Cour internationale de Justice peut être établie sur la base de la fameuse
clause facultative de juridiction obligatoire de l’article 36 (2) de son statut. La
compétence de la Cour en vertu de l’art 36 (2) implique ainsi la réciprocité
qu’il n’est nul besoin de rappeler explicitement dans le texte des déclarations
elle-même. Il est admis que dans la pratique, les déclarations des Etats en
application de l’art 36 (2) peuvent être assorties de réserves limitant le champ
d’application de la compétence ainsi reconnue.

La qualité pour agir dans le cadre de la compétence contentieuse est


réservée aux Etats. En effet, les membres des Nations Unies sont ipso facto
parties au Statut de la Cour (art 93 de la Charte des Nations Unies)
Cependant, les Etats non membres des Nations Unies peuvent également
devenir parties au Statut à certaines conditions fixées par l’Assemblée
générale sur recommandation du Conseil de la sécurité (art 93(2) de la
Charte des Nations Unies).

2- La procédure consultative

La procédure consultative permet à la Cour mondiale de donner une


position juridique par rapport à un contentieux ou par rapport à un différend.
Il s’agissait pour les Etats membres d’éviter de laisser dépérir la Cour faute
de litige. A ce titre, elle joue un rôle important dans la régulation du système
international établi après 1945. La Cour au consultatif n’est ouverte qu’aux
Organisations Internationales. Cette compétence consultative concerne au
premier chef l’Organisation des Nations Unies et les institutions de son
système.
En application de l’article 96 de la Charte des Nations Unies,
l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut lui demander un avis
consultatif sur toutes questions juridiques. Cette possibilité fut très
fréquemment utilisée en particulier au début de la vie de l’organisation (CIJ,
avis sur l’admission des nouveaux membres 1955, avis sur la répartition des
dommages subis au service des N.U ; avis sur les réserves à la convention
de 1948, en 1951 et enfin l’avis sur certaines dépenses 1962).
Le fondement de la Cour en matière d’avis consultatif reste quasiment
identique à celui qui a cours dans le cadre de la procédure contentieuse. Les
avis consultatifs à l’inverse des arrêts rendus par la cour au contentieux ne
possèdent pas de portée obligatoire. Dans la pratique, plus encore que sa
devancière la CPJI, la Cour internationale de Justice a été amenée à rendre
une série d’avis particulièrement important notamment pour l’interprétation
des dispositions de la charte des Nations Unies. Nombre d’entre eux
présentent également un intérêt théorique pour la théorie générale des
organisations internationales. De manière générale, la procédure devant la
Cour passe par plusieurs phases. On peut les regrouper en quelques
catégories bien connues à savoir les exceptions préliminaires, les mesures
conservations et la procédure d’intervention.
En théorie, l’on qualifie ces trois phases de la procédure de
« procédures incidentes ». Car, elles viennent interrompre momentanément
la procédure normale en cours devant la Cour. Le contentieux qui a apposé
le Cameroun au Nigeria a été l’occasion pour les analystes de revisiter ces
procédures dites incidentes. C’est en réalité celles-ci qui ont rallongé
considérablement la procédure dans le cadre de cette affaire.

Section II- L’ajustement des situations en Droit international

(Cette section est annoncée en guise de mise en bouche,


car le thème sera abordé profondément en Master 2)

Il convient de rappeler que le droit international contemporain s’est bâti


autour de l’interdiction du recours à la force. Il faut aussi rappeler le lien qui
existe entre le principe de l’interdiction du recours à la force et celui du
règlement pacifique des différends. Ces règles constituent pour chacun des
Etats de la Communauté internationale des obligations individuelles
fondamentales de la conduite de leurs rapports internationaux. Cependant,
ils doivent tous ensemble coopérer au sein des différentes Organisations
internationales au premier rang desquelles l’Organisation des Nations Unies
pour garantir collectivement le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
Pendant un certain temps, l’on a considéré que la règle de l’interdiction
du recours à la force en particulier ne s’imposait véritablement qu’aux Etats
membres de l’Organisation des Nations Unies à titre d’obligations
conventionnelles. La Cour internationale de Justice a eu cependant
l’occasion d’indiquer clairement, en 1986, que « le propre du non emploi de
la force peut être considéré comme un principe du droit international
coutumier non conditionné par les dispositions relatives à la sécurité
collective » (CIJ, Affaire des activités militaires et Paramilitaires au
Nicaragua).

Quoiqu’il en soit, il demeure que le système de sécurité collective


institué dans la charte des Nations Unies constitue un élément décisif de
l’ordre juridique international de l’après-guerre. Ceci est d’autant plus vrai
qu’après une période de blocage partiel dû à l’accroissement des rivalités
entre blocs qui provoque des déformations et des vicissitudes multiples ayant
obéré l’efficacité des Nations Unies, il n’est pas impossible que l’Organisation
mondiale soit aujourd’hui promise à une véritable relance. Les prémisses de
la relance en sont trouvées dans la crise opposant l’Organisation des Nations
Unies à l’Irak relativement à la crise du Golfe (1990-1991). Si cette relance
s’est véritablement observée à cette à occasion, tel n’a pas été le cas pour
la 2e guerre du Golfe. A cette occasion l’Organisation mondiale a montré des
insuffisances observées à partir des frappes de l’OTAN au Kosovo, du
règlement de la crise soudanaise, de l’intervention armée en Côte d’Ivoire et
en Libye, ainsi que de l’impossibilité actuelle d’intervenir en Syrie.

Pour une analyse pertinente, l’on verra tour à tour l’emploi régulier de
la force (Paragraphe I), et l’ajustement des situations en droit international
contemporain (Paragraphe II).
Paragraphe I- L’emploi régulier de la force en droit international
contemporain

Paragraphe II- L’ajustement des situations en droit international


contemporain

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