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BIOGRAPHIE

ALBERT CAMUS

Albert Camus est né le 7 novembre 1913 en Algérie dans le domaine de Mondovi où travaille son
père, Lucien Camus, employé chez des négociants en vins d'Alger. Le 3 août 1914, la guerre est
déclarée. Lucien Camus est mobilisé chez les zouaves. Il rejoint la métropole pendant que sa femme
re gagne Alger avec ses deux enfants. Blessé pendant la bataille de la Marne, Lucien meurt le 11
octobre 1914 et est enterré dans le carré militaire du cimetière de Saint-Brieuc.

Bon élève, Albert Camus obtient une bourse et intègre le lycée Bugeaud en 1924 d'où il sort avec le
baccalauréat, mention « assez bien» en 1930. Il poursuit ses études en Lettres Supérieures
(hypokhâgne) où il obtient le premier prix de composition française et le second prix de philosophie.
En 1932, il publie ses premiers articles pour la revue Sud.

Atteint par la tuberculose, son état de santé l'empêche d'intégrer l'école normale, il s'inscrit donc à la
faculté de philosophie de l'université d'Alger. En juin 1934, il épouse Simone Hié.

En 1935, il milite avec un mouvement antifasciste et re joint le parti communiste. Nommé directeur
de la maison de la culture, il dirige le Théâtre du Travail qui donne son premier spectacle Le Temps
du mépris adapté d'un roman de Malraux, le 25 janvier 1936.

En mai 1936, Albert Camus obtient son diplôme d'études supérieures en philosophie. Il voyage en
Europe centrale avec sa femme. Mais quand Camus découvre que cette dernière, dépendante à la
morphine, entretient une liaison avec son fournisseur de drogue, il la quitte et demande le divorce.

En mai 1937, les éditions Charlot d'Alger publient son premier livre, L'Envers et l'endroit en 350
exemplaires. Exclu du parti communiste, il continue son activité théâtrale avec le Théâtre de l'Équipe.
Son état de santé l'empêchant de présenter l'agrégation

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de philosophie, il rejoint la rédaction de L'Alger Républicain dans lequel il public une série de
reportages sur la Kabylie. En 1939, il rédige une première version de Caligula et publie Noces. La
guerre déclarée, L'Alger Républicain est interdit, remplacé par Soir Républicain dont Camus devient
le rédacteur en chef.

Après l'interdiction du Soir Républicain en 1940, Camus rejoint la capitale et se fait engager comme
secrétaire de rédaction du journal Paris Soir. En juin 1940, le journal est délocalisé à Clermont-
Ferrand puis à Lyon. Son divorce enfin prononcé, il épouse sa compagne oranaise Francine Faure le 3
décembre. Licencié de Paris Soir, il s'installe avec sa femme à Oran où il termine la rédaction du
Mythe de Sisyphe. En juin 1941, les éditions Gallimard publient L'Étranger, puis en octobre de la
même année, Le Mythe de Sisyphe dans la collection Les Essais.

Engagé comme lecteur chez Gallimard, Camus s'installe à Paris en 1943, où il fait la connaissance de
Jean-Paul Sartre. En 1944, les pièces Caligula et Le Malentendu paraissent chez Gallimard. Camus
devient l'un des principaux rédacteurs de la revue clandestine Combat. À la libération, la revue sort
son premier numéro officiel et Camus en devient le rédacteur en chef. En 1947, la grève des
imprimeurs ayant grandement affecté les finances de Combat, Camus se voit contraint de quitter la
rédaction.

En juin 1947, les éditions Gallimard publient La Peste. Grand succès de librairie, le roman obtient le
prix des cri tiques. En revanche sa pièce L'État de siège dont la première a lieu le 27 octobre 1948 est
un échec total. L'année suivante, il donne une représentation de sa pièce Les Justes le 15 dé cembre
1949 puis se détourne de l'écriture théâtrale pour se consacrer à la mise en scène d'adaptations. En
1950, les éditions Gallimard commencent à publier les

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recueils Actuelles regroupant les articles politiques de Camus, notamment ceux parus dans Combat.
En août 1951, la revue Les Temps modernes fait paraître en avant-première un extrait de L'Homme
révolté, le nouvel essai de Camus qui sort en novembre. Mais un an plus tard, la revue publie une
critique sévère de l'essai. Camus écrit une lettre au directeur, Jean-Paul Sartre, pour défendre son
œuvre. La réponse de Sartre est empreinte de mépris. Les deux hommes resteront définitivement en
froid.

En mai 1955, Camus commence à écrire pour le journal L'Express. Soutenant Pierre Mendes-France, il
met fin à cette collaboration en février 1956 quand Guy Mollet est nommé président du conseil des
ministres. En Algérie, la situation se dégrade. Camus y fait plusieurs voyages, plaidant la «<trêve civile
», puis finit par renoncer à intervenir sur un débat qu'il juge stérile.

En mai 1956, les éditions Gallimard publient La Chute qui connaît le même succès que La Peste et en
mars 1957, le recueil de nouvelles L'Exil et le royaume.

En octobre 1957, l'Académie de Stockholm décerne à Ca mus le prix Nobel de la littérature pour
l'ensemble de son œuvre. Jean-Paul Sartre avait refusé ce même prix en 1964, Camus lui l'accepte.
Pour la presse littéraire qui considère que son œuvre est déjà derrière lui, ce prix a des allures de re
connaissance funéraire. Avec l'argent du prix, Camus achète une propriété à Loumarin dans le
Vaucluse.

Le 3 janvier 1960, Camus quitte Loumarin et fait route vers Paris avec son éditeur, Michel Gallimard.
Près de Sens dans l'Yonne, la voiture percute un platane. Camus est tué sur le coup. Gallimard
décède à l'hôpital des suites de ses blessures. Dans la sacoche de Camus se trouve le manuscrit
inachevé du Premier Homme, ultime roman autobiographique de l'auteur qui sera publié à titre
posthume par Gallimard en 1994.
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PRÉSENTATION DES JUSTES

Écrit par Albert Camus en 1949, Les Justes paraît en mai 1950 aux éditions Gallimard. Trois ans après
la sortie du roman La Peste, la pièce de théâtre intègre cycle de la Révolte, auquel vient s'ajouter
l'essai L'Homme révolté en

1951. La première de la pièce lieu le 15 décembre 1949 au théâtre Hébertot, elle est mise en scène
par Paul Oettly et reçoit un accueil mitigé de part de la critique.

La pièce met en scène un groupe de révolutionnaire qui organisent un attentat contre le grand-duc
Serge pour libérer peuple russe de la tyrannie. Après une première tentative manquée, Kaliayev
assassine le grand-duc est fait prison nier. La grande-duchesse lui propose sa grâce condition qu'il se
repente. Mais pour se laver de ses crimes, Kaliayev choisit l'échafaud.

Camus s'inspire directement d'un événement historique qui marqué la révolution russe de 1905:
l'assassinat du grand-duc Serge par Yanek Kaliayev et Dora Brillant. Dans ce contexte réaliste, il
s'interroge sur la place de la morale dans l'action politique révolutionnaire. La fin justifie-t-elle les
moyens Une question déjà soulevée en 1948 par Sartre dans Les Mains sales à laquelle Camus
apporte une ré ponse différente. Pour lui, rien ne justifie le meurtre. L'idéal politique doit obéir des
valeurs humanitaires et se borner aux limites que lui impose la morale et la justice. L'opposi tion
entre les deux auteurs est illustrée dans la pièce par le débat entre Stepan et Kaliayev.
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RÉSUMÉ DE L'OEUVRE

Acte I

Dans un appartement en Russie, les membres d'un groupe socialiste révolutionnaire, Annenkov,
Stepan, Dora, Voinov et Kaliayev, préparent un attentat pour libérer le peuple russe du règne
despotique du grand-due Serge. Quand le duc se rendra au théâtre le lendemain, Kaliayev jettera la
première bombe sur la calèche, Voinov la deuxième. Kaliayev et Stepan ont des points de vue
différents sur la révolution : Kaliayev défend la vie tandis que Stepan pense que la justice prime. Dora
se demande si son amant, Kaliayev aura le courage de commettre un meurtre, mais ce dernier
affirme qu'il n'hési tera pas le moment venu.

Acte II

Le lendemain, Dora et Annenkov surveillent la rue depuis l'appartement. Mais au passage de la


calèche, ils n'entendent pas d'explosion. Quand Kaliayev regagne l'appartement, il avoue qu'il n'a pas
eu le courage de lancer la bombe, car la grande-duchesse ainsi que le neveu et la nièce du grand dac
se trouvaient dans la calèche. Les membres du groupe conviennent qu'il n'aurait pas été «< juste »
de tuer des en fants. Seul le grand-duc est visé. Mais Stepan n'est pas d'ac cord avec eux. Ils décident
d'un commun accord de donner une seconde chance à Kaliayev et de reporter la mission au
surlendemain.

Acte II

Deux jours plus tard, Voinov avoue à Annenkov que l'at tentat raté lui a ouvert les yeux. Il n'a pas le
courage de lancer la seconde bombe. Il renonce à l'action directe et préfère
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quitter l'organisation pour rejoindre les comités. Annenkov lui fait remarquer que le danger est aussi
grand et que l'issue sera la même. Dora demande à Kaliayev s'il l'aime plus que l'organisation. S'il
l'aime vraiment, il renoncera à jeter la bombe. Mais Kaliayev ne veut pas renoncer à sa mission. Au
passage de la calèche, il lance la bombe et tue le grand-duc.

Acte IV

Kaliayev a été arrêté. Dans sa cellule, il discute avec un autre prisonnier, Foka, qui a pris 20 ans
comme lui pour meurtre. Pour alléger sa peine, Foka est devenu le bourreau de la prison, c'est lui qui
pendra Kaliayev s'il est condamné à mort. Skouratev, le directeur du département de police, pro pose
à Kaliayev un marché: il sera gracié s'il dénonce ses camarades. Kaliayev refuse. La grande-duchesse
lui propose également de le gracier s'il s'en remet à Dieu et se repent de son crime. Mais Kaliayev
refuse cette idée. S'il est gracié, il sera un meurtrier. Seule la mort peut justifier son crime et faire de
lui un justicier.

Acte V

Une semaine plus tard, Annenkov et Dora attendent des nouvelles de Kaliayev. La grande-duchesse a
fait courir le bruit qu'il s'était repenti et avait trahi ses camarades, mais Dora et Annenkov en doute
après les déclarations de Ka liayev au tribunal. Stepan entre, accompagné de Voinov. Il leur annonce
que Kaliayev ne les a pas trahis et qu'il a été pendu. Dora demande à lancer la prochaine bombe pour
être pendue à son tour et rejoindre son amant dans la mort.

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LES RAISONS DU SUCCÈS

Pour écrire la pièce Les Justes, Camus s'est entièrement inspirée des faits historiques survenus lors
de la révolution russe de 1905. Il reprend d'ailleurs les vrais noms des terro ristes qui ont assassiné le
grand-duc Serge: Yanek Kaliayev et Dora Brillant.

Dans la prière d'insérer de la pièce, il précise la réalité his torique de sa pièce: «< En février 1905, à
Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au parti socialiste révolutionnaire, organisait un
attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances
singulières qui l'ont précédé et suivi font le sujet des Justes. Si extraordi naires que puissent paraître,
en effet, certaines des situations de cette pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire,
on le verra d'ailleurs, que Les Justes soient une pièce historique. Mais tous les personnages ont
réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J'ai seulement taché à rendre vraisemblable ce
qui était déjà vrai. >>

Camus songe d'abord à intituler sa pièce Les Innocents, mais ses héros sont avant tout des justiciers.
Il pense égale ment au titre La Corde, mot que la superstition dans le monde du théâtre interdit de
prononcer ce mot sur scène.

La première de la pièce a lieu le 15 décembre 1949 au théâtre Hébertot, mise en scène par Paul
Octtly. La pièce est «< chaleureusement accueillie par les uns... froidement exécu tée par les autres.
Match nul par conséquent >>.

La pièce paraît en 1950 aux éditions Gallimard. Il pu blie également un recueil des témoignages Tu
peux tuer cet homme-Scène de la vie révolutionnaire Russe dans la collec tion Espoir chez Gallimard.

La pièce Les Justes fait partie du cycle de la révolte avec le roman La Peste (1947) et l'essai L'Homme
révolté (1952), dans lequel Camus s'intéresse également aux terroristes de la révolution russe de
1905, dans le chapitre « les meurtriers délicats » .

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En 1948, Jean-Paul Sartre s'est déjà intéressé à la place de la morale dans l'action politique dans sa
pièce Les Mains Sales, dans laquelle un intellectuel bourgeois accepte d'assas siner un chef de son
parti Hoederer qui soutient que << tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces >> et n'hésite
pas à se salir les mains.

La pièce Les Justes est une réponse à celle de Sartre. Pour Camus, rien ne justifie le meurtre. L'idéal
politique doit obéir à des valeurs humanitaires et rester juste. « Je ne puis pas croire qu'il faille tout
asservir au but que l'on poursuit. Il est des moyens qui ne s'excusent pas », écrit-il dans Lettres à un
ami allemand. L'opposition entre Kaliayev qui refuse de tuer des enfants innocents et Stepan qui
soutient qu'il ne faut re culer devant rien pour atteindre le but que soutient leur cause, illustre
l'opposition des deux auteurs.

LES THÈMES PRINCIPAUX

L'éthique politique

Dans Les Justes, Camus s'interroge sur la même ques tion que Sartre dans Les Mains sales: la fin
justifie-t-elle les moyens ? La dispute entre Stepan et Kaliayev reflète les points de vue que
défendent les deux auteurs. Kaliayev ne peut se résoudre à tuer des enfants, le neveu et la nièce du
grand-duc présents dans la calèche au moment où il allait lan cer la bombe: «< Tuer des enfants est
contraire à l'honneur. Et si un jour, moi vivant, la révolution devait se séparer de l'honneur, je m'en
détournerais. >> (Acte II)

Pour Camus, aucune cause ne justifie le meurtre d'inno cents. A l'opposé, Stepan défend l'idée que
tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Au sentimentalisme de Kaliayev, il oppose une
vision utilitariste: tuer deux enfants pour en sauver des milliers. «< Des enfants ! Vous n'avez que ce
mot à la bouche. Ne comprenez-vous donc rien? Parce que Yanek n'a pas tué ces ceux-là, des milliers
d'enfants russes mourront de faim pendant des années encore. Avez-vous vu des enfants mourir de
faim? Moi oui. >> (Acte II).

Pour les révolutionnaires, le recours à la violence est la seule issue. Mais en adoptant des moyens en
contradiction avec les valeurs qu'ils défendent, risque de les conduire à un résultat opposé à leurs
objectifs initiaux. Camus est donc par tisan d'adopter une éthique révolutionnaire en opposition à
Hoederer, personnage de Sartre dans Les Mains Sales qui juge que << tous les moyens sont bons
quand ils sont efficaces >>.

La justice

La justice est une limite que les révolutionnaires doivent respecter. Si pour atteindre leur but, ils
emploient sans scrupules des moyens en contradictions avec les valeurs qu'ils

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défendent, ils risquent de devenir << injustes ». Le chef du parti Annenkov soutient également le
point de vue de Ka liayev: «< Des centaines de nos frères sont morts pour qu'on sache que tout n'est
pas permis. » (Acte II)

Le grand-duc est un tyran qui opprime le peuple russe. Face à une telle injustice, le recours à la
violence est inévi table. Mais les révolutionnaires doivent fixer une limite à leur action pour limiter
les dommages collatéraux et ne pas être à l'origine encore davantage de souffrance. La violence doit
obéir à des valeurs humanitaires.

Cédant à la tentation du nihilisme, Stepan dépasse ces li mites. Pour lui, il n'y a plus de justice qui
compte, son action est uniquement motivée par le but qu'il souhaite atteindre, peut importe les
moyens. « Quand nous décidons à oublier les enfants, ce jour-là, nous serons les maîtres du monde
et la révolution triomphera. » (Acte II)

Le meurtre

Pour libérer le peuple russe, les révolutionnaires doivent mettre fin à la tyrannie du grand-duc. Pour
cela, ils n'ont d'autre choix que de l'assassiner. Un acte en totale contradic tion avec les valeurs qu'ils
soutiennent, que Kaliayev tente de justifier auprès de Dora: « Et puis, nous tuons pour bâtir un
monde où plus jamais personne ne tuera ! Nous accep tons d'être criminels pour que la terre se
couvre enfin d'inno cents. » (Acte I)

Dora doute du bien-fondé de leur action et souligne les contradictions de la logique terroriste: « Si la
seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à
la vie au soleil. » Elle tente de décou rager Kaliayev d'accomplir sa sinistre mission en insistant sur
l'inhumanité de cet acte : << Oh Yanek, il faut que tu

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saches, il faut que tu sois prévenu! Un homme est un homme. Le grand-duc a peut-être des yeux
compatissants [...] Et s'il te regarde à ce moment-là... » (Acte I)

Les propos de Dora font écho à ceux de Camus qui écrit plus tard dans L'Homme révolté : « Il ne faut
pas tuer, même pour empêcher de tuer. Il faut accepter le monde tel qu'il est, refuser d'ajouter à son
malheur. >>

Pour Camus, le meurtre n'a aucune justification. En assassinant le grand-duc, Kaliayev a trahi les
valeurs qu'il défendait. Pour se laver de son crime et rester << juste »>, il n'a d'autre choix que
d'accepter sa propre mort. Plutôt que de trahir ses amis pour être gracié par la grande-duchesse, il
choisit la corde. « Si je ne mourais pas, c'est alors que je serais un meurtrier. » (Acte IV) Pour suivre
son amant dans la mort, Dora décide de lancer la prochaine bombe. << Yanek! Une nuit froide, et la
même corde ! Tout sera plus facile main tenant. » (Acte V) Leur mort devient ainsi la justification de
leur crime.

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ÉTUDE DU MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Le théâtre engagé

La guerre et l'occupation allemande ont renforcé l'enga gement des artistes. Cette période est très
prolifique pour les dramaturges qui ont choisi de ne pas quitter la capitale et qui continuent leur
activité sous le régime de Vichy. Les auteurs engagés dans la résistance comme Camus et Sartre
partagent leur désir de liberté dans des pièces comme Caligula, Les Mouches ou encore Antigone
d'Anouilh.

Le théâtre engagé revisite les formes traditionnelles de la dramaturgie. Avec sa pièce Les Mains sales,
Sartre mène une réflexion sur l'engagement, une interrogation éthique et phi losophique à laquelle
répond Camus avec sa pièce Les Justes, une pièce engagée, mais pas une pièce à thèse.

<«<Ainsi le théâtre n'est pas considéré comme une fin en soi, mais comme l'émergence d'une
structure cognitive plus abs traite qui peut être une thèse ou même une véritable théorie», explique
Nikos Lygeros dans Apologie du Théâtre engagé.

Dans les pièces dites «à thèse»>, on retrouve des drama turges engagés de gauche qui défendent
leurs idées comme Vilar en 1952 avec Le Dossier Oppenheimer sur les dangers du nucléaire. Dans les
années 1950, le théâtre se fait encore plus politique. Jean Genet développe un théâtre de la trans
gression avec Les Bonnes (1947), Le Balcon (1956) ou Les Nègres (1958),

Les représentations créent souvent polémique et vont même jusqu'à provoquer de violents conflits
et affrontements physiques entre les partisans d'une cause et leurs opposants. En 1966, la
représentation de la pièce de Genet Les Paravents, qui prend position contre la Guerre d'Algérie et
condamne le colonialisme, entraîne de violentes manifestations.

Dans l'Europe d'après-guerre, les mouvements socialistes et communistes encouragent l'expansion


de ce théâtre. En

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Allemagne de l'Est, Bertolt Brecht ne tarde pas à devenir une figure emblématique du théâtre engagé
et son esthétique de <<< distanciation épique»> qui permet au public d'exercer son esprit critique va
rapidement gagner la France. Dans les an nées 1960, ses œuvres sont très représentées. Elles
tiennent une place de référence pour les dramaturges qui se veulent éveilleurs des consciences et
prennent position dans la révolte des étudiants en mai 1968.

L'esthétique de Brecht va inspirer beaucoup de metteurs en scène, marqués par les événements du
printemps 1968. comme Jean Jourdhuil qui met en scène en 1973 La Noce chez les petits bourgeois
de Brecht. Dans les années 1970, on retrouve également l'influence de Brecht dans les repré
sentations de la troupe du Théâtre du Soleil qui expérimente un théâtre d'un tout nouveau genre à la
Cartoucherie de Vincennes. La troupe met en scène des œuvres collectives comme 1789 et 1793 sur
la Révolution française, où elle sort le public de son fauteuil et l'invite à évoluer sur scène au cœur de
la représentation.

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