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L’ALGÉRIE PEUT-ELLE SORTIR DE LA CRISE ?

Ghazi Hidouci

La Documentation française | « Maghreb - Machrek »

1995/3 N° 149 | pages 26 à 34


ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.149.0026
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-maghreb-machrek1-1995-3-page-26.htm
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groupes sont protégés dans leurs droits fondamentaux à la vie civile et sociale non
seulement contre les actes d ' un gouvernement minoritaire, mais même contre les
actes d'un gouvernement majoritaire (8) (et je ne pense pas que ce soit enlever de la
force à la critique de Ghazi Hidouci et de plusieurs autres que d'affirmer, sans trop
de crainte d'être démenti, que les gouvernements Boumédiène des années 70, tout
militaires qu'ils fussent, n'ont jamais été minoritaires). Cela suppose que les parties,
quelles qu'elles soient, renoncent à une politique où le vaincu serait définitivement
éliminé pendant que les tiers se rallieraient hâtivement au vainqueur, devenu le nou-
veau Grand Patron. Les accords de Rome, à supposer qu'ils soient encore d'actuali-
té, préfigurent-ils cette orientation ou ne sont-ils qu'une version du Congrès de Tri-
poli (9) ?

Monde arabe
Maghreb
Machrek
LIAigérie peut-elle sortir de la
N° 149
juil.-sept. 1995 crise?
Crise algérienne : Ghazi Hidouci (1}
le point de vue
d'un acteur politique
26
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Afin de comprendre les logiques qui commandent aujourd'hui aux choix de
politique économique en Algérie, il est important de relever certaines évidences. Les
équipes qui assurent actuellement la conduite des affaires de l'État n' ont eu, de 1970
à 1986, qu'à gérer une économie rentière reposant sur l'exportation d'un pétrole à
prix élevé, ce qui autorisait le laxisme (2). Lorsqu'à partir de 1986, avec la baisse des
cours, il fallut changer de cap et procéder à des modifications profondes des règles
du jeu afin d'asseoir le fonctionnement de l'économie sur des bases productives plus
saines , la grande majorité des élites formées à l'école d'une aisance financière qui
avait fait prospérer l'économie centralisée d'État refusa sa mutation. Jusqu'à l'explo-
sion de défiance populaire massive d'octobre 1988, le pouvoir et les gestionnaires
ont repoussé tout changement des règles du jeu, aussi bien au niveau du droit, de
l ' économie que de la gestion, en s'efforçant de se persuader que la crise était
conjoncturelle et que tout pourrait reprendre ensuite comme auparavant. Ils préférè-
rent s'entendre pour puiser dans les revenus du travail en réduisant le pouvoir d'achat

(8) Il faut rappeler sans honte la lettre de l' Américain James Madison à Thomas Jefferson le 17 octobre 1788
(in Marvin Meyers ed. : 7ïze Mind of the Fram er. Indianapolis, Bobbs Merrill . 1973) où cet argument est
développé p. 206.
(9) A la veille de l'indépendance , le Congrès du CNRA (Conseil national de la Révolution algérienne), se
réunit à Tripoli du 4 au 7 juin 1962 pour adopter un programme (ce qui est fait à l'unanimité) et élire une
direction politique ; ce choix donne lieu à d'intenses affrontements entre fractions, notamment celle de Ben
Khedda. président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) qui quitte le Congrès. et
celle de Ben Bella, allié à 1'é tat-major général (Cf. en particuli er : Mohamed Harbi : Le FLN, mirage ou réa-
lité, editions Jeune Afrique . 1980. pp. 339 et suiv.).
( 1) Mini stre de l'Economi e dans le gouvernement dirigé par Moulaud Hamrouche (1989-1991 ).
(2) Avant 1970, le pouvoir, en fonnation , n' influençait que parti ellement le fonctionnement de l'économie. De
larges champs d' initiatives lui échappaient. La nationalisation du pétrole et donc la récupération de la rente
datent de 1970, le l" Plan national également, le déclenchement de l'augmentation des prix du pétrole de
1972.
des salaires et les investissements sociaux, et en s'endettant pour couvrir les besoins
considérés comme essentiels. Cette tradition de facilité - et 1' inexpérience de la
rigueur qu'elle implique - a voilé les dangers au point que le choc d'octobre 1988,
suivi de la répression, a paralysé tous les appareils d ' État; le pouvoir a alors cédé à
la panique et évincé provisoirement des postes de commande, sous la poussée des
réformateurs (3), les élites qui le soutenaient. II se laissera convaincre également
d'adopter la Constitution de 1989 qui impose les garanties du pluralisme politique et
syndical, le respect des libertés individuelles et collectives, la liberté de la presse et
la suppression du monopole de l' État sur le fonctionnement de l'économie. Les chan-
gements, rapidement menés, contribueront à marginaliser ceux qui traditionnellement
assuraient le fonctionnement du système et les empêcheront de prendre part à de nou-
veaux projets. Ils formeront l'essentiel des soutiens multiformes à toutes les entre-
prises de déstabilisation , se mettant au service des partisans d'un retour en arrière, et
ils finiront par demander, et obtenir de l'armée et du président Chadli , la démission
du gouvernement des réformes en juin 1991.

Monde arabe
- La politique des réformes: 1989·1991 Maghreb
Machrek
W149
En vérité, l'accord de gouvernement passé en septembre 1989 entre les réformateurs, juil. -sept. 1995
conduits par Mouloud Hamrouche qui remplace Kasdi Merbah à la tête du gouver-
nement, et le président de la République a, dès le départ, toutes les apparences d' un Etudes
« contrat de dupes» . Le pouvoir l'accepte en croyant avoir affaire à des technocrates
ne pouvant le déstabiliser mais capables de mobiliser les instruments techniques et
les mécanismes économiques et sociaux susceptibles de le faire sortir avec succès de 27
l' impasse sociale et politique dans laquelle il se trouve et qu'il n'arrive plus à gérer.
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L'équipe des réformes, pour sa part, consent à prendre le risque de gérer une transi-
tion plutôt mal engagée en étant animée par un double souci : d'abord, réaliser des
changements institutionnels et économiques irréversibles, ensuite proposer aux parte-
naires du changement une démarche politique qui permette une alternance au pouvoir
sans violence et sans que les capacités économiques du pays et la cohésion sociale ne
soient détruites plus avant. L'un et l'autre vont louvoyer pendant une année avant
d'entrer en conflit dès le début 1991, la grève générale du FIS, en mai-juin 1991,
finissant par créer l'événement qui permettra à l'armée d'intervenir directement.
Les réformateurs étaient bien convaincus qu'un vrai changement devait aban-
donner, de préférence démocratiquement, toute référence aux pratiques anciennes. Le
pouvoir, dans tous ses courants, et de nombreux dirigeants de partis nouveaux,
étaient bien loin de percevoir que ceci constituait le minimum d'exigence du mouve-
ment social majoritaire, quelle que soit au départ son appartenance politique. Le pou-
voir voulait contrôler une équipe qui emprunterait le chemin de la continuité après
avoir de nouveau rempli les caisses de 1'État, alors que cette équipe refusait totale-
ment une telle perspective.
En réalité, le pouvoir et les hommes formés à son image et à son école dans
l'opposition ne saisissaient pas correctement le sens, le contenu et les implications
des changements à apporter pour débloquer la situation. Pris en étau entre la volonté
de rupture des réformateurs et le refus du pouvoir de mener un véritable changement,
le système politique explosera littéralement sous l'effet des réformes et à l'occasion
des événements de juin 1991. Mais, durant ces dix-huit mois, l'essentiel des instru-

(3) L'équi[le des réformateurs travaille depuis 1987 à la Présidence d~ la République sur les possibilités de
sortte de c nse par le changement dans le mode de fonctionnement de l'Etat. Jusqu'en octobre 1988, elle appa-
raît aux observateurs et au pouvoir comme strictement" technicienne, et peu dangereuse politiquement. C'est
ce qui lui permet de faire adopter, pratiquement par surprise, une Constitution démocratique en février 1989
et de mettre à mal les alliances labori eusement construites.
ments nécessaires au fonctionnement d'un État démocratique aura été mis en chan-
tier (4) .
Le point de ralliement que proposaient les réformateurs aux courants anciens
et naissants, portés souvent par les ambitions personnelles qui se multipliaient avec
la levée de la censure, était d 'organiser programmes, partis , associations, presse etc ...
sous des garanties démocratiques, le temps que les appareils et les règles d'un État
démocratique durable soient mises en place. L ' équipe des réformes avait fixé un
délai réduit de trois ans pour tout achever : les moyens manquaient, mais elle avait
la volonté politique et surtout la conviction que, bien informée, la population finirait
par choisir la voie raisonnable du contrôle et de la protection de ses intérêts par des
représentants qualifiés. Elle avait donc établi, rendu public, fait approuver par le pou-
voir et l'assemblée, expliqué son plan d'action dans tous ses détails, sans cacher
aucune des difficultés ni aucun des sacrifices.
Le programme des réformes, trop hâtivement interrompu, fut une réussite en
ce sens qu'aucun courant ne parvint, en 1990, 1991 et même après à l'enterrer,
depuis le FLN qui mit un an à manifester sa résistance au nom du passé pour ensui-
Monde arabe te se rallier majoritairement au projet, jusqu'aux mouvements islamiques qui repro-
Maghreb
chaient surtout à ce projet de défense de la morale et du droit des pauvres d'être
Machrek
N" 149 porté par d'autres, en passant par les courants « modernisants >> dont le cheval de
juil. -sept. 1995 bataille était justement la transformation de l'économie et l' État de droit. Mais ce fut
également un échec puisque tous ces courants préférèrent alors continuer dans la voie
Crise algérienne :
des règlements de compte politiciens et des promesses démagogiques sans aucun res-
le point de vue
d'un acteur politique pect pour une population impuissante, et en occultant Uusqu'à la plate-forme de
Rome (5)) les vrais débats et la mise en place d'accords minimum de transition indis-
28 pensables au succès politique.
Quoi qu'il en soit, ce programme réussit à doter le pays des règles nécessaires
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au fonctionnement d'un État de droit et d'une économie de la concurrence qui rende
visible et décourage les prélèvements discrétionnaires, le détournement, la distribu-
tion des privilèges et affaiblisse l'arbitraire des appareils de l'État sur le marché.
Pour l'essentiel, la volonté des réformateurs a été de donner la priorité à l'ajustement
interne sur l'ajustement externe, non pas uniquement parce qu'aujourd'hui personne
n'est prêt à aider une économie inefficace et qu'il est par ailleurs coûteux et contre-
productif de le faire, mais surtout parce qu'il est faux de prétendre disposer d'une
monnaie, d'un marché équilibré des actifs et surtout d'une fiscalité juste, conditions
d'une relation digne avec l'extérieur si, au préalable, les finances publiques ne sont
pas assainies et les mécanismes internes de crédit et de la solidarité nationale correc-
tement rétablis. Sur un autre plan, l'instabilité transitoire que provoque tout ajuste-
ment en matière de prix relatifs, de revenus, de fonctionnement des entreprises et de
contrôle des transactions ne peut être maîtrisée sans une politique partenariale loyale
et solide appuyée sur des accords de lutte contre l'inflation, contre les déficits et sur-
tout contre la spéculation sur les monnaies . C'est en fonction de ces considérations
que fut entrepris le travail du gouvernement. La première année fut ainsi consacrée
au changement des règles du jeu en matière économique et financière : révision du
droit de propriété et du fonctionnement du domaine public, mise en place d' une fis-
calité minimale sur les capitaux gelés, transactions monétaires et plus-values , réduc-
tion des écarts de prix sur les marchés et rupture des tutelles administratives sur les
capitaux d'État, recapitalisation des banques, libération des mouvements de capitaux
et mise en place de l'indépendance de la Banque centrale. Les finances publiques

(4) Voir pour plus de détails, sur cette période, de nombreux travaux parus et en particulier l'étude de G.
Conn, « La réfonne économique algérienne : une réforme mal aimée »,dans Maghreb-Machrek n" 139, 1993.
(5) La plate-fonne de Rome a été signée le 13 janvier 1995 entre plusieurs partis algériens : FLN (Front de
Libération nationale), FIS (Front islamique du Salut), FFS (Front des Forces socialistes), MDA (Mouvement
pour la Démocratie en Algérie), Parti des Travailleurs, En-Nahda, Jeunesse musulmane contemporaine.
sont rééquilibrées dès la seconde année, un plan de désendettement de l'État (approu-
vé par une loi) est adopté, la surévaluation du taux de change est supprimée et les bas
salaires augmentés pour corriger la baisse du pouvoir d'achat des plus démunis. Des
fonds publics sont enfin mis en place pour des aides à la création d'emploi, au loge-
ment social et à l'investissement dans l'agriculture (6). En même temps que l'élimi-
nation du déficit budgétaire, la loi mettait en place, en accord avec les syndicats et
les conseils d'administration des entreprises et des fonds de participation, les moyens
de rétablissement de la santé financière et économique des entreprises publiques, et
autorisait les transactions sur les actifs des sociétés assainies. C'est alors, au cours de
l'année 1991, que le gouvernement entrera avec succès en négociation avec les
créanciers pour définir de nouvelles conditions de remboursement de la dette et un
soutien transitoire à la libération de l'économie sans recourir aux conditionnalités du
rééchelonnement. L'action gouvernementale sera brutalement interrompue en juin
1991 par l'intervention de l'armée et la promulgation de l'état d'urgence (7) au
moment où créanciers publics (à travers le FMI) et créanciers privés (à travers ce
qu'on appellera le reprofilage) commençaient à fournir leur appui au programme des
réformes. Monde arabe
Maghreb
Sur le plan politique, l'Algérie est depuis cette date dans un état de guerre lar- Machrek
vée qui élimine toute possibilité sérieuse de redressement économique ou de progrès N"149
social, c'est-à-dire d'ajustement interne. Par rapport à 1991, il faudrait aujourd'hui, juil. -sept. 1995
pour pouvoir l'envisager, supprimer les règles d'exception qui interdisent toute oppo- Etudes
sition sociale aux mesures d'ajustement. Sur le plan externe, il aura fallu attendre mai
1994, soit trois ans, pour que, de nouveau, le FMI et les créanciers acceptent de
rééchelonner la dette, cette fois à leurs conditions et moins pour des raisons écono- 29
miques que par crainte d'un avenir qu'ils ont peine à imaginer autrement que comme
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une catastrophe, en l'absence des élites traditionnelles.

- L'évolution entre juin 1991 et mai 1994


Le coup de force de juin 1991 ne profite qu'aux conservatismes: se trouvent exclus
du champ politique et de tout compromis nouveau aussi bien les islamistes que ceux
qui voulaient parvenir à un contrôle démocratique du pouvoir. Les anciennes élites
reviennent aux affaires pour démanteler ce qui avait été entrepris sans elles depuis
octobre 1988. Elles agiront ainsi pendant trois ans, sans grande efficacité, sauf à
perdre progressivement les soutiens qu'elles avaient dans les classes moyennes, à
enfoncer l'économie dans la crise et à faire, par la fermeture du champ politique, le
lit de la violence.
Le discours à consommation externe évoluera en revanche au gré des circons-
tances. Pendant une année (de juin 91 à la mort de Boudiaf), le gouvernement tente-
ra de faire croire à l'étranger que le pouvoir continue les réformes économiques, tout
en les gelant en réalité sur le plan intérieur pour redonner à l'armée et aux autres
appareils d'État l'initiative de la conduite et du contrôle des affaires économiques, de
la justice et de la presse. Pour renflouer les caisses en devises, on proposera aux
compagnies, au travers d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures (8), de venir partager
l'activité de production et de commercialisation à condition de payer un droit

(6) Fonds d'emploi des jeunes : 8 milliards de DA de subvention, la première année; Fonds pour le loge-
ment: 10 milliards de DA de subvention, la première année; Fonds de bonification d'intérêts: 3 milliards de
DA de subvention, la première année.
(7) Le FIS appelle à la grève générale pour exiger des élections présidentielles. La grève est peu suivie, dé~é­
nère en violences et le 4 juin 1991, l' état d' urgence est instauré et Mouloud Hamrouche présente la démiSSIOn
de son gouvernement. L'armée prend alors directement en mains la gestion de la situation.
(8) Proposée par le gouvernement Ghozali, la loi sur les ventes d'actifs dans les hydrocarbures est adoptée par
l'Assemblée nationale en octobre 1991, deux mois avant sa dissolution.
d 'entrée Immédiat dont le produit devait permettre de faire face aux besoins urgents
de capitaux frais . Pendant un temps, tous ceux que les réformes, tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur du pays, risquaient de gêner applaudirent à ces promesses d'argent
facile et de transition démocratique sans risques. La presse, heureuse de retrouver un
verbiage modernisant vantant le consensus, ne fut pas en reste. Assez vite pourtant,
tout le monde va déchanter. Les compagnies se montrent réticentes à payer des droits
d'entrée jugés excessifs à un moment où l'instabilité politique grandit. Au bout de
six mois , d 'ailleurs, le FIS remporte l'essentiel des sièges au premier tour des élec-
tions législatives, ce qui provoque le limogeage du président de la République et la
mise en place (en dépit de la présence de Boudiat) d' un régime d'exception (9).
Mais ce pouvoir << musclé >> ne peut, sans le secours extérieur, mobiliser les
ressources suffisantes ; trop d'incohérences entre la gestion économique (retour au
déficit budgétaire, rétablissement des autorisations d'importation et d'investissement,
abandon de l'assainissement des entreprises publiques) et le respect des conditions
imposées par les créanciers aboutissent à faire s'envoler les prix, fuir les capitaux et
appauvrissent les salariés. Le FMI refuse de faire confiance ; après la mort de Moha-
Monde arabe med Boudiaf, le gouvernement est remanié (l 0) sans que la nouvelle direction ne
Maghreb
Machrek s'attache à engager une transition économique praticable vers le marché. L'absence
No 149 de gestion politique et économique cohérente et l'isolement du pouvoir laissent alors
juil.-sept. 1995 le terrain du contrôle des transactions économiques entre les mains de spéculateurs
protégés par les appareils d'État. Les règles qui protègent les entrepreneurs publics et
Crise algérienne :
le point de vue privés engagés dans la production étant mises à mal par la recentralisation adminis-
d'un acteur politique trative, ces derniers ne prennent plus de risques. Le retour à l' inflation permet néan-
moins d'augmenter provisoirement les salaires nominaux et de maintenir un mini-
30
mum de subventions.
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L'armée choisit alors de renforcer à l'extrême le contrôle central de l' écono-
mie, pensant imposer un minimum de discipline à une mécanique qui craque de par-
tout. Elle fait appel, pour diriger l'action gouvernementale, à la vieille garde (Il) qui
assurait vingt ans auparavant la gestion de l'économie centralisée la plus tatillonne.
Celle-ci entreprend une << nouvelle >> démarche économique en se trompant d 'époque.
Plus d 'articulation avec l'économie internationale, on rembourse la dette sans discu-
ter, mais comme dans la Roumanie de Ceaucescu, en privant une population, déjà
soumise à l' insécurité, du minimum de bien-être. Le secteur privé algérien finit par
regretter les ponctions fiscales des réformateurs ; quant aux gestionnaires publics, ils
comprennent que l'assainissement, même douloureux, est, en fin de compte, moins
contraignant que les pratiques paternalistes, et souvent arbitraires, du passé. Au bout
d ' un an, à la demande générale de tous ceux qui soutiennent encore le pouvoir, on
prépare l'ajustement conduit par le FMI.

- L'ajustement structurel
Durant les trois années qui séparent le départ des réformateurs de l'accord de stand-
by signé avec le FMI en mai 1994, le prix à payer pour des gestions erronées s'est
fortement élevé. Le pouvoir d'achat des salariés s'est réduit de moitié, le déficit bud-
gétaire atteint les deux tiers des recettes : le commerce est en grande partie contrôlé

(9) Le 16 décembre, le FIS remponc au premier tour 188 si èges et47.4 % des suffrages, le taux d' abstention
est de 41 %. Le Il janvier 1992, le président Chadli est démissionné par l'armée. Mohamed Boudiaf prend
ses fonctions le 14.
( 10) Mohamed Boudiaf est assassiné le 29 juin, Ali Kafi le remplace. Le 8 juillet, Belaid Abdeslam est
nommé Premier ministre à la place de Sid Ahmed Ghazali.
( Il ) Belaid Abdeslam Uui ll et 1992-juillet 1993), puis Redha Malek Uuillet 1993-avril 1994) sont tour à tour
chefs du gouvernement.
par des spéculateurs non déclarés détenant des liquidités, dont les opérations affai-
blissent la monnaie, renchérissent donc le coût des produits et font fuir les capitaux ;
l'investissement, lui , s'est pratiquement arrêté. Évidemment, l'insécurité grandissan-
te et généralisée est devenue l'alibi privilégié pour expliquer toutes les insuffisances
et surtout la léthargie des appareils économiques d'État, la baisse rapide des rentrées
fiscales et l'absence de contrôle de toutes les formes de dépassements. En outre, la
présence de l'année dans la rue empêche toute revendication sociale d'envergure de
prendre corps, malgré la dégradation des conditions de vie, les licenciements et
l'accroissement du chômage.
Ces éléments, évidents aujourd'hui, ont alors été cachés et déformés, au
dedans et au dehors . L' insistance sur l'insécurité et sur l'absence de ressources finan-
cières a réussi à faire oublier l'incapacité de conduire avec un minimum de cohéren-
ce et d'efficacité durables une quelconque politique économique. L'argument a porté
à l'étranger, l'Occident étant prédisposé à croire que les catastrophes ne peuvent pro-
venir que des islamistes. Aussi, c'est sans difficulté que le FMI s'e ngage avec
l'Algérie dans un Programme d'ajustement structurel (PAS) qui accorde à une ges-
Monde arabe
tion peu efficace le soutien financier qui permettra d'éviter la banqueroute . Les Maghreb
accords conclus à deux reprises (mai 1994 et mai 1995) permettent d 'apporter Machrek
17 milliards de dollars de financements exceptionnels supplémentaires entre 1994 et W149
1998, sous forme de financements FMI et de rééchelonnements aux Clubs de Paris et juil.-sept. 1995
de Londres. Il ouvre la voie au développement d'aides à la balance des paiements et Etudes
de crédits concessionnels de la part de la Banque mondiale et des banque régionales,
et surtout de la part des principaux créanciers bilatéraux. Au-delà, c'est surtout sur
l'accroissement des plafonds de crédits commerciaux garantis que les autorités éco- 31
nomiques comptent pour faire face aux besoins des importations.
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Le programme approuvé applique à l'Algérie les remèdes d'assainissement et
de relance jugés sains par le Fonds monétaire et que les autorités économiques algé-
riennes s'engagent à réaliser. Compte tenu des difficultés que rencontrent les autori-
tés pour faire appliquer le programme, les « conditionnalités >> imposées pour assai-
nir la gestion économique interne sont souples et peu contraignantes ; en contrepar-
tie, les conditions externes (principalement celles qui concernent la monnaie et les
économies budgétaires) sont rigoureuses. C'est ainsi qu'en un an, entre 1994 et 1995,
la monnaie est officiellement dévaluée selon différentes modalités techniques de
80 %, le taux de change réel passant en une année de moins de 6 DA à plus de 10
DA pour 1 FF, alors qu ' il n'avait perdu que 20% de sa valeur pend ant les trois
années précédentes. Les taux d'intérêts internes atteignent 25 %. Dans ces condi-
tions, seul un petit nombre d'entreprises, la majorité ayant été pénalisées par la crise
qui sévit depuis dix ans, ont les moyens d'accéder à l'importation. Par ailleurs, les
prix intérieurs, notamment pour les produits de grande consommation, subissent de
fortes augmentations du fait de la dévaluation. Dans le même temps , les salaires réels
sont bloqués, voire réduits, dans l'ensemble de l'économie; ainsi la demande et la
production internes se trouvent compromises.
Deux autres dispositions conditionnelles vont avoir des conséquences
néfastes : en premier lieu, le déficit des finances publiques est autorisé à un niveau
élevé en même temps que les subventions à la production et à la consommation sont
supprimées, ce qui a pour résultat de faire peser la pression sur les plus pauvres, sans
pour autant aboutir à une gestion plus saine ni à une plus grande stabilité de la mon-
naie nationale ; en second lieu , la monnaie doit être échangée sous contrôle de la
Banque centrale selon un système de vente de devises à des intermédiaires agréés,
selon la formule du plus offrant. Concernant le premier point, le FMI a probablement
admis l'impossibilité de retourner à l'équilibre budgétaire pour trois rai sons : il faut
payer cher les fonctionnaires de souveraineté (armée, police, appareil judiciaire el
préfectoral) pour continuer l'effort de guerre; il faut aussi, et c'est le plus coûteux,
ne pas cesser de subventionner les entreprises publiques pour théoriquement les
rendre présentables, en termes de bilans, à une future privatisation ; il est nécessaire
enfin de reconnaître l'impossibilité, en état de guerre, de lever correctement l'impôt
et, ce faisant, il faut accepter d'aggraver l'endettement interne. Le FMI ne peut donc
que glisser pudiquement sur les conditions d ' une gestion orthodoxe des finances
publiques. La monnaie continue à se détériorer, et les dévaluations se succèdent
mécaniquement sans que la croissance soit au rendez-vous. Les responsables poli-
tiques des pays créanciers sont bien obligés de fermer les yeux sur l'absence de
rigueur de l'édifice, faute d'alternative, les banques privées ayant par ailleurs des
garanties de paiement des intérêts. Quant aux effets du flottement de la monnaie, le
résultat concret est l'éviction de l'accès à l'importation de ceux qui manquent de
liquidités, c'est-à-dire les entreprises publiques de production et les entreprises pri-
vées dépourvues de fonds propres . Le commerce extérieur, et progressivement
d 'autres activités, vont en conséquence être concentrés entre les mains de ceux qui
possèdent les liquidités, peuvent payer au prix le plus élevé les importations au
comptant, et gagnent de l'argent en spéculant sur le flottement du dinar par rapport
Monde arabe aux au tres devises ( 12). Les nouveaux financements et les conditionnalités relatives
Maghreb
au taux de change et à la libération du commerce extérieur aboutissent donc à confier
Machrek
W149 le contrôle d'environ 70% des 10 milliards de $ d'importations entre les mains de
juil.-sept. 1995 spéculateurs incontrôlés qui bénéficient souvent sur le plan interne de protections et
de privilèges. En conséquence, le coût des nouvelles formules de transaction décou-
Crise algérienne :
rage déjà les activités les plus utiles : transformations industrielles destinées au mar-
le point de vue
d'un acteur politique ché intérieur, investissements utiles attirés par la baisse des salaires et des prix des
actifs, et ce, au profit d'activités improductives à haut rendement. C'est pour ces rai-
32 sons que l'opinion , parfois relayée par des médias à l'étranger, saisit mal l'intérêt des
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concours extérieurs accordés dans ces conditions. Elle n'en voit pas les bénéfices
économiques, alors qu'elle est assurée, selon les prévision s du FMI lui-même, que le
montant total de la dette a déjà augmenté de 50% et que son service atteindra 85 %
en 1998 comme c'était le cas avant rééchelonnement.
Évidemment, en soulevant ces problèmes, on sort de l'épure présentée offi-
ciellement, qui se satisfait du fait que les importations n'augmentent pas beaucoup
(pour les raisons citées plus haut) , la dévaluation corrigeant les effets de la mauvaise
gestion interne, mais au détriment de la production et de la consommation. Il y aura
des ressources pour rembourser, même s'il en reste le minimum pour produire et sur-
vivre.
La nécess ité de l'ajustement ainsi mené est présentée de façon à éviter les
vrais débats sur l'impact qu'aura le programme sur la reprise de l'activité et la bais-
se du chômage. Réduire l'inflation pour contrôler les comptes extérieurs et pouvoir
honorer les intérêts de la dette est l'unique leitmotiv. Les moyens proposés consistent
à anémier l'activité économique par la restriction monétaire et par celle du crédit, par
la compression de la demande et par l'augmentation des prélèvements. En apparen-
ce, les résultats sont positifs : il y a une amélioration des réserves en devises, en
même temps qu'on paye les créanciers. En revanche, que le chômage augmente, que
la pauvreté s'étende, que la production et l'investissement régressent ne constituent
pas des problèmes urgents. L'essentiel est de conserver des apparences de rationalité
et, pour la communauté internationale, d'éviter de prendre parti dans le conflit pro-
fond qui traverse l'Algérie.
Tout le monde sait cependant qu'il faudra réaliser- cela fait partie des rituels
des Programmes d 'ajustement structurel -des privatisations pour, en dépit du carac-
tère politique de l'accord , respecter certaines apparences. Les créanciers savent que

( 12) Depuis deux ans. des sociétés-écrans se sont installées " off-shore, sous couvert d'intermédiation finan-
cière el commerciale.
les autorités économiques algériennes ne sont guère prêtes à privatiser (pour de mul-
tiples raisons) de même qu'elles n'étaient pas prêtes à assainir les finances publiques.
Il faudra néanmoins, pour éviter les questions gênantes, inscrire des engagements en
ce sens, que l'on sait difficiles à mettre en œuvre : le Programme lui-même gêne les
transactions rentables sur les actifs, et l'on peut craindre que seuls les spéculateurs
soient intéressés et que les promesses de reprise restent lettre-morte. Tant que l'état
de guerre persiste, la gestion de l'accord sera malaisée. Et ce n' est pas la découverte
opportune d'un nouveau potentiel pétrolier inexploité susceptible, dit-on, de couvrir
les échéances de demain qui changera fondamentalement les choses : n'est-on pas là
en train de forger un nouveau mythe qui évitera encore de se poser les questions véri-
tables et de prendre des mesures pour freiner la spéculation ?
On peut aussi se demander pourquoi, malgré l'injection de près de 22 milliards
de dollars (13) en quatre ans, payables en partie au départ par le contribuable occi-
dental, garantis par le contribuable algérien et remboursés par lui, les importations
devraient, selon les projections, rester quasi-stagnantes pendant les 5 prochaines
années, dépassant à peine leur niveau de 1990 : ces financements exceptionnels ne
serviraient donc guère à relancer l'économie. Selon les projections du FMI, la balan- Monde arabe
Maghreb
ce des paiements évolue, durant les quatre années couvertes par 1'ajustement (1994-
Machrek
98), de la manière suivante : N° 149
juil. -sept. 1995
Evolution de la balance des paiements (1994-98)
en milliards de $
Etudes
1994-95 1995-96 1996-97 1997-98

Exportations totales 9, 0 9,5 Il ,5 12,5 33


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Balance des capitaux - 3,9 - 3,5 - 4,0 - 4,2

Financements exceptionnels 6,85 5,2 3,5 3,0

Financement des réserves - 1,2 - 0,6 - 0,6 - 0,4

Capacités d'importation - 10,0 - 10.5 - 11,2 - 11,2

Source : autontés algériennes et estimations FMI.

Les capitaux extérieurs et intérieurs ne relayeront pas l'aide et le crédit inter-


national onéreux avant dix ans, selon les dernières estimations présentées aux admi-
nistrateurs du FMI ; la croissance sera différée du fait des conditions mêmes posées
dans l'accord d'ajustement externe, sans parler de l'impossibilité politique évidente
de réaliser l'ajustement interne. Et, ne peut-on craindre, en outre, que les bénéfices
escomptés de découvertes pétrolières encore à exploiter ne finissent par convaincre
financiers et politiques à l'étranger que les affaires peuvent continuer à prospérer
sans qu'il soit vital de trouver une solution politique durable.
Pour quels objectifs les moyens sont-ils mobilisés aujourd'hui ? Sur le terrain
politique, la réconciliation entre les dirigeants de l'armée et les courants politiques de
l'opposition constitue bien l'enjeu principal. Les manœuvres . depuis longtemps
engagées, n'ont pas encore abouti car 1' armée veut conserver le contrôle de 1'appl i-
cation de la Constitution et la possibilité d'arbitrage en cas de conflit, condition que

( 13) Financements exceptionnels : 2,9 milliards $ du FMI, 3,6 milliards $ de rééchelonnement du Club de
Londres, plus de 13 milliards $ du Club de Paris, 2 milliards $ de financements Banque mondtale, Banque
africaine, Banque européenne d'investissement, etc ... , sans compter les plafonds de crédits commerciaux
ouverts par la France. et partiellement par les Étals Unis.
les partis, secoués depuis 1988 par les fausses promesses, 1' arbitraire et les retourne-
ments, refusent d'accepter, malgré leur lassitude. Ils ont fait jonction dans ce sens à
Rome et, même paralysés, il leur sera difficile de revenir sur ce point. En attendant
que la situation évolue, Je chaos et Je pourrissement s'installent, plongeant la majori-
té de l'opinion dans le refus silencieux de toute implication. Les techniciens qui se
succèdent à un rythme accéléré à la tête des appareils économiques et sociaux d'État
n'ont plus, dans ce contexte, de marge de manœuvre pour prendre la moindre initia-
tive. Ils tentent de se persuader, tant bien que mal , que la société, fatiguée, finira bien
par accepter les faux-semblants, les inégalités , l'appauvrissement, et par supporter
totalement le coût de l'ajustement structurel imposé. Ils ne peuvent en conséquence
que souhaiter Je maintien d ' une gestion autoritaire qui évite de s'interroger sur leur
bilan et présente la seule garantie contre J'effondrement. Le catastrophisme ambiant,
permet d'occulter les alternatives de sortie de crise, pourtant possible, et enferme en
même temps Je régime dans l'immobilisme. Les raisons d'espérer une reprise
aujourd'hui sont nulles sans J'ouverture du champ politique.

Monde arabe
Maghreb - Les voies du futur
Machrek
N" 149
juil.-sept. 1995 Tant que la situation politique n'évoluera pas favorablement, la conduite de la poli-
tique économique risque de demeurer inefficace. Elle ne peut être menée par une
Crise algérienne : administration évanescente qui , tout en ayant depuis quatre ans extrêmement compli-
le point de vue
qué Je cadre juridique au point de ne rien pouvoir entreprendre, ne possède plus la
d'un acteur politique
capacité matérielle de contrôler Je fonctionnement de l'économie. Rien de sérieux ne
34 peut être entrepris sans qu'une réforme profonde ne soit de nouveau mise en place,
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dans un ordre précis qui peut seul conduire à son succès : J'assainissement et la mise
en place des conditions de réussite doivent commencer par l'existence d'un accord
interne de gouvernement et d'entente avec les partenaires sociaux et économiques, se
poursuivre par la mise en œuvre d'un programme de relance de l'activité et de res-
tauration de l'État et se compléter par la mise en place des règles du marché, et non
1' inverse.
Prétendre Je contraire, en avançant que la majorité silencieuse refuse le chan-
gement (alors qu'elle est privée de garanties d'expression) ou que les nouvelles
découvertes pétrolières entraîneront une reprise, relève de la démagogie. Une solu-
tion économique qui atténuerait sensiblement les problèmes de J'emploi et de la
croissance peut encore être trouvée . Elle n'est même pas à imaginer. Depuis au
moins dix ans, si ce n'est vingt ans, 1' Algérie a essayé toutes les formules de sortie
de crise, y compris depuis un an celle que recommandent, assez hâtivement et méca-
niquement, les institutions internationales. Elle a partiellement réussi entre 1989 et
1990 parce que les problèmes ont été correctement posés, en dépit de J'instabilité
politique : on le sait aujourd'hui, à la lumière des tristes évolutions vécues depuis. Le
programme à venir doit se fixer des repères qui favorisent l'emploi et la croissance,
J'amélioration des recettes fiscales, de l'épargne et des débouchés pour les activités
productives et en leur soumettant la politique monétaire, du crédit et du taux de chan-
ge, et non l'inverse. Une saine gestion économique ne peut être mise en œuvre que
sous Je parapluie d'une politique largement acceptée.
Il y a quelques mois, les dirigeants des partis politiques algériens ont fini par
comprendre qu'il faut respecter les principes du contrôle démocratique du pouvoir et
la nécessité de J'accord politique minimal sur les règles du jeu de la transition pour
pem1ettre à la population de choisir ses représentants et de reprendre une vie norma-
le. La plate-forme de Rome va, quoi qu 'on pui sse en dire, dans la bonne direction.
La faire échouer, c'est préparer la société à s'enfoncer durablement et de plus en plus
massivement dan s la violence. Il est du devoir bien compris de toute organisation
recherchant la paix et le progrès d'encourager les rapprochements.

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