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contemporains-2001-2-page-7.htm
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La défaite militaire de juin 1940 constitue un événement tout à fait
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1. Selon le titre de l’ouvrage de Marc Bloch, historien fondateur des Annales d’histoire économique
et sociale avec Lucien Febvre, mobilisé en 1939-1940 et fusillé par les Allemands en 1944.
2. Responsabilité atténuée, cependant, du fait de sa dépendance et de sa subordination vis-à-vis
de l’armée de Terre, en dépit de son autonomie institutionnelle formelle, qui seront à l’origine de
tensions et même de conflits ; certains responsables de l’armée de l’Air étant de plus en plus réticents à
disperser leurs faibles moyens pour répondre aux demandes de l’armée de Terre dans le cadre de la
doctrine de coopération avec les forces terrestres et pallier dans une large mesure leur incapacité à
enrayer l’avance allemande, l’empêchant de mener des actions autonomes.
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 202-203/2002
8 Philippe Garraud
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de 1940. Sur le plan militaire, l’action de l’armée de l’Air a été sévèrement
remise en cause par les responsables de l’armée de Terre. Sur le plan poli-
tique, c’est l’action successive des différents gouvernements de la
IIIe République finissante et, tout particulièrement, des ministres de l’Air
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tes créés, mais le nombre des unités de bombardement ne change pas8.
Malheureusement, ce renouvellement n’est que partiel et fragile : les
livraisons d’appareils modernes tardent à dépasser un seuil significatif, et
trop de types d’avions ne sont pas au point sur le plan technique.
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6. Voir, par exemple, dans cette perspective, mai-juin 1940. Défaite française, victoire alle-
mande sous l’œil des historiens étrangers (sous la dir. de M. Vaïsse), Autrement, no 62, mars 2000.
7. D’une part, il faut tenir compte du poids et de la valorisation de la chasse dans l’histoire et la
culture de l’aviation militaire ; d’autre part, contrairement à celle-ci qui a une vocation première
défensive, l’aviation de bombardement est destinée à des missions offensives peu compatibles avec la
doctrine résolument défensive de l’institution militaire durant cette période ; enfin, il est beaucoup
plus facile de construire un chasseur monoplace-monomoteur qu’un bombardier d’un point de vue
technique et industriel.
8. Le « groupe », qu’il soit de chasse, de bombardement ou de reconnaissance, constitue l’unité
organique de base de l’armée de l’Air. Composé de deux escadrilles, il compte en conditions normales
au moins 24 chasseurs, 18 ou 20 bombardiers et le plus souvent sensiblement moins d’appareils de
reconnaissance. Les escadres, structures de l’armée de l’Air depuis sa création en 1934 et composées
de deux ou trois groupes, ont succédé aux anciens régiments, mais ont été dissoutes en tant que telles
à la déclaration de guerre au profit de « groupements » opérationnels moins contraignants et plus
souples d’emploi. Par abréviation, on utilisera dorénavant les sigles GC, GB et GR pour désigner ces
différents types d’unités.
9. Se reporter en ce domaine à E. Chadeau, L’industrie aéronautique en France 1900-1950. De Blé-
riot à Dassault, Paris, Fayard, 1987 ; J.-B. Duroselle, Politique étrangère de la France. La décadence 1932-
1939, Imprimerie Nationale (1re éd., 1979), rééd. Points-Histoire, 1983 ; SHAA, Histoire de l’aviation
militaire. L’armée de l’Air 1928-1981, Paris-Limoges, Lavauzelle, 1981 ; T. Vivier, La politique aéronau-
tique militaire de la France. Janvier 1933 - septembre 1939, Paris, L’Harmattan, 1997.
10 Philippe Garraud
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consacrée, par l’armée de l’Air est tout à fait éclairante : ce n’est qu’au
mois de mars 1940, c’est-à-dire bien tard (et trop tard en termes d’effets
sur le déroulement du conflit), que les livraisons d’avions modernes
« décollent » véritablement – c’est le cas de le dire – en doublant par rap-
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port aux mois précédents et en franchissant le seuil des cents pour cha-
cune des trois catégories d’avions considérées, c’est-à-dire tant pour les
chasseurs que pour les bombardiers et les appareils de reconnaissance11.
Parce que l’industrie aéronautique française n’était pas en mesure de
construire et de livrer assez rapidement les appareils modernes dont elle
avait impérativement besoin pour faire face aux forces aériennes de la
Luftwaffe, et pour des raisons essentiellement structurelles12, les achats
d’avions aux États-Unis commencent en 1938. Et la proportion d’appa-
reils américains n’a cessé de croître au sein de l’armée de l’Air de la décla-
ration de guerre aux « événements » dramatiques de mai-juin 1940.
En septembre 1939, ce sont près de 800 appareils qui avaient été com-
mandés et 2 100 avant l’offensive de mai 1940, ainsi que des milliers de
moteurs et d’hélices de rechange. Au total, les commandes se sont élevées
à plus de 5 000 appareils (plus de 2 000 chasseurs, près de 2 000 bombar-
diers et près de 1 000 avions d’entraînement). Au moment de l’armistice
de juin, près de 1 000 appareils avaient déjà été livrés, parmi lesquels
750 avions de combat (plus de 300 chasseurs et plus de 300 bombar-
diers)13. Près de 500 de ces avions ont été officiellement et effectivement
« pris en compte » par l’armée de l’Air. Et au moment de l’armistice, les
matériels américains équipaient déjà 5 GC parmi les plus efficaces et expé-
rimentés de l’armée de l’Air, et 12 GB ou GR stationnés en AFN (ou au
Levant). Soit 17 groupes sur 47 et près de 40 % d’entre eux14. On voit
10. Cas des Amiot de la série « 350 » et dans une moindre mesure des LeO 45.
11. Se référer à ce propos aux tableaux très parlants qui figurent dans Histoire de l’aviation mili-
taire..., op. cit., p. 106-107.
12. À ce sujet, se reporter à E. Chadeau, L’industrie aéronautique en France..., op. cit.
13. Histoire de l’aviation militaire..., op. cit. ; J.-B. Duroselle, Politique étrangère de la France, op. cit.,
p. 447 et sq. ; P. Listemann, Pour le franc symbolique. La liquidation des contrats français, Aéro-
journal, no 16, décembre 2000.
14. Après l’Armistice, 200 avions seront encore « récupérés », les bateaux assurant le transport
des appareils débarquant le matériel au Maroc où étaient installées les chaînes de montage des bom-
bardiers Glenn-Martin et Douglas.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 11
donc très clairement que le flux de matériel acheté aux États-Unis était
important et durable, et quelle qu’ait été l’issue de la campagne de France,
l’armée de l’Air était structurellement destinée à utiliser des appareils amé-
ricains de manière sans cesse croissante15.
Cette prise de conscience tardive de la faiblesse de l’aviation fran-
çaise, le temps nécessaire pour tenter d’essayer de rétablir l’équilibre
quantitatif et qualitatif des forces, les modalités tant industrielles que
techniques (en termes de choix d’appareils commandés en série) mises en
œuvre dans la gestion des programmes d’équipement (tout particulière-
ment pour essayer de rattraper des retards accumulés depuis de nom-
breuses années) ont conduit à un équipement hétéroclite et à un pro-
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blème de standardisation des matériels, avec ce que cela peut supposer
d’effets en termes logistiques d’approvisionnement en pièces détachées,
de recomplétement et de réparation des matériels, et de formation des
personnels mécaniciens.
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15. Ce qui constituait une des conditions essentielles d’une éventuelle poursuite de la guerre
depuis l’AFN, en dépit de la qualité très variable des matériels commandés. Voir à ce propos Ph. Gar-
raud, Une poursuite de la guerre était-elle envisageable en juin 1940 ? Le cas de l’armée de l’Air,
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 194, décembre 1999. Et de manière plus large A. Merglen,
La France pouvait continuer la guerre en Afrique française du Nord en juin 1940, Guerres mondiales et
conflits contemporains, no 168, octobre 1992 ; et Quelques réflexions historiques sur l’armistice franco-
germano-italien de juin, ibid., no 177, janvier 1995.
16. Pour les Allemands : chasseurs Messerschmitt 109 et 110, bombardiers Dornier 17, Hein-
kel 111, Junkers 88 et 87 Stuka ; pour les Français : chasseurs MS 406, Bloch 152, Curtiss H 75,
Dewoitine 520, Caudron 714 et Potez 631 ; bombardiers Amiot 143, Bloch 210, Farman 222, Lioré-
et-Olivier LeO 45, Amiot 350, Douglas DB 7, Glenn-Martin 167, Potez 633 et Breguet 693 ; appa-
reils de reconnaissance Potez 63 et 637, Bloch 174.
17. En incluant trois groupes de bimoteurs-multiplaces de chasse de nuit qui seront dissous en
tant que tels ultérieurement (autonomisation des escadrilles), mais sans compter les escadrilles régio-
nales de chasse qui constitueront la base sur laquelle seront constitués les nouveaux GC.
12 Philippe Garraud
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dement, couverture des troupes au sol). Mais parmi ceux-ci, 4 GC étaient
en cours de rééquipement ou d’instruction et donc non immédiatement
disponibles et opérationnels. Par ailleurs 6 GC sur 24 ont été rééquipés
durant la campagne de mai-juin, soit le quart des unités de chasse. Bien
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18. Auxquels il faudrait d’ajouter, pour être complet, les six escadrilles de chasse de nuit équi-
pées de bimoteurs-triplaces, soit l’équivalent de trois GC supplémentaires dissous en tant que tels
entre la déclaration de guerre et l’offensive de mai 1940, mais dont le rôle semble avoir été assez
secondaire.
19. SHAA, Histoire de l’aviation militaire, op. cit.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 13
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moindre mesure, du fait que ce cas de figure est moins fréquent) supérieur
au nombre des appareils ennemis présumés détruits.
Quels enseignements tirer de la « drôle de guerre » dans le domaine
aérien ? Si l’aviation de chasse s’est tirée honorablement, voire même à
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son avantage (le nombre des victoires « sûres » homologuées étant supé-
rieur aux pertes au combat), des motifs sérieux d’inquiétude apparaissent.
Et tout particulièrement, le surclassement de plus en plus manifeste du
chasseur standard de l’armée de l’Air (le Morane-Saulnier MS 406) par les
dernières versions de son homologue allemand. En revanche, la situation
de l’aviation de bombardement et de reconnaissance est dramatique,
l’armée de l’Air ne disposant d’aucun appareil moderne et devant même
retirer des opérations son principal appareil de reconnaissance (le
Bloch 131) pour cause de vulnérabilité trop grande se traduisant par des
taux de perte catastrophiques.
Au 10 mai 1940, date à laquelle prend fin la « drôle de guerre » et
commence ce qu’il est convenu d’appeler « la campagne de France » (mai-
juin 1940) à la suite de l’offensive allemande, l’armée de l’Air aligne en
métropole un total de 68 unités de combat (24 GC, 31 GB, 13 GR) qui
seront toutes engagées. Ces unités mettent en œuvre en première ligne
(compte non tenu des appareils indisponibles ou en entrepôts) près de
1 400 avions à la valeur militaire très diverse et inégale, parmi lesquels près
de 640 chasseurs, 240 bombardiers et près de 500 appareils de reconnais-
sance et d’observation. Ils sont opposés à plus de 1 200 chasseurs et près
de 1 700 bombardiers allemands, la balance des appareils de reconnais-
sance et d’observation étant sensiblement égale.
En n’incluant pas cette dernière catégorie hybride, on peut donc dire
pour résumer les choses de manière parlante et s’en tenir aux avions ayant
la plus grande valeur militaire, qu’elle soit offensive ou défensive, que les
20. 80 victoires sûres (+ 34 probables) pour la perte de 63 appareils selon le SHAA (ibid.) ; ou
82 victoires sûres (+ 31 probables) pour la perte de 72 appareils selon P. Facon, L’armée de l’Air
dans la tourmente. La bataille de France 1939-1940, Paris, Economica, 1997 ; et pour les pertes,
P. Martin, Invisibles vainqueurs. Exploits et sacrifices de l’armée de l’Air en 1939-1940, Éditions Yves
Michelet, 1990.
21. C. Ehrengardt, C. Shores, H. Weisse, J. Foreman, Les aiglons. Combats aériens de la drôle de
guerre, septembre 1939 - avril 1940, Paris-Limoges, Lavauzelle, 1983.
14 Philippe Garraud
L’infériorité numérique est une variable lourde, et, même si elle est
compensée pour partie par la participation de la RAF, on ne peut pas ne
pas la prendre en considération. Le sentiment d’une absence ou d’une
inexistence de l’armée de l’Air ressenti par les combattants et les responsa-
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bles de l’armée de Terre n’est qu’une « impression ». À ce titre et comme
toute représentation, elle est tout à la fois fausse (et injuste d’un point de
vue tant institutionnel qu’humain, compte tenu du prix particulièrement
élevé payé par le personnel naviguant de l’armée de l’Air) mais aussi par-
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22. Service historique de l’armée de l’Air (SHAA), op. cit. Il conviendrait bien évidemment
d’ajouter à ce nombre celui des appareils de la Royal Air Force qui corrige de manière sensible le désé-
quilibre constaté ici. Mais cela est un autre débat que l’on n’abordera pas dans ces lignes.
23. L. Robineau, La conduite de la guerre aérienne contre l’Allemagne de septembre 1939 à
juin 1940, Revue historique des armées, no 3, 1989, p. 102-112 ; A. D. Harvey, The french armée de l’Air
in may-june 1940 : A failure of conception, Journal of Contempory History, no 25, 1990, p. 447-465.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 15
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bats. Le scepticisme a priori n’a pas empêché la multiplication des demandes
auxquelles l’aviation de bombardement était incapable de répondre, faute
de moyens opérationnels immédiatement disponibles dans des circonstan-
ces où le facteur temps était déterminant. D’où l’aspect presque dérisoire
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24. P. Vennesson, Les chevaliers de l’air : aviation et conflits au XXe siècle, Paris, Presses de Sciences
politiques & Fondation pour les études de défense, 1997.
25. Principalement par les six groupes des 12e, 34e et 54e escadres, soit avec quelques petites
dizaines d’avions seulement, en dépit de l’appellation d’ « escadres » qui évoque spontanément un
grand nombre d’avions. En réponse aux attaques dont elle a fait l’objet après l’armistice, y compris
voire surtout de la part de l’armée de Terre cherchant à dégager sa responsabilité, l’armée de l’Air a
développé, entretenu et cultivé des visions héroïques qui dissimulent mal la maigreur extrême des
moyens engagés (voir par exemple dans cette perspective R. Chambe, Histoire de l’aviation, Paris,
Flammarion, 1964, qui décrit de manière épique et quelque peu dantesque ou apocalyptique
l’engagement, le « massacre » et le « sacrifice » de la « 34e escadre de bombardement » de nuit, en plein
jour et à basse altitude, dans le secteur de Sedan le 14 mai, qui n’a concerné en définitive, vérification
faite, que quelques appareils et s’est soldé par la perte de deux d’entre eux seulement).
26. P. Vennesson, op. cit.
16 Philippe Garraud
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large part ; mais encore demeurait-il à mettre en phase ces équipements et
la formation des personnels dans un ensemble opérationnel. Là encore les
effets de calendrier ont été dramatiques, beaucoup plus que pour la chasse
mieux dotée tant pour des raisons « culturelles » qu’industrielles. Ils ont
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27. Bombardiers Amiot (351 et 354) jamais mis définitivement au point et livrés en nombre
insuffisant, ce qui obligera les unités à utiliser conjointement les avions plus anciens. Pour la même
raison, les GBA devront utiliser différent types et versions d’appareils (Breguet 691 et 693 ; Potez 633
et 637).
28. Décollage de patrouilles de chasse à vue et au dernier moment pour intercepter des vols
ennemis, rendez-vous manqués entre missions de bombardement et protection de chasse, missions de
bombardement partant dans le désordre en fonction des disponibilités, retard considérable dans
l’exécution des missions en des circonstances où les positions étaient particulièrement mobiles et le
facteur temps décisif, etc.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 17
plémentaires) et que, d’autre part, une partie non négligeable de ces appa-
reils ne sont pas terminés et déclarés « bons de guerre », par manque de
certains équipements cruciaux (radio, appareils de visée, armement offen-
sif ou défensif, etc.), et sont simplement entreposés dans cette attente car
inutilisables militairement.
Nombreux ont été les observateurs ayant fait, sans en comprendre les
raisons, ce constat visuel de très nombreux appareils stockés et inutilisés
en mai-juin 1940. Si 850 appareils ont été pris en compte par l’armée de
l’Air du 10 mai au 5 juin 1940, plus de 30 % d’entre eux n’ont pu être
affectés à des unités pour cette raison. Ces témoignages n’ont donc rien de
mythique. Ce qui pose toute la question très importante de la liaison
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constructeurs - armée de l’Air - unités combattantes et utilisatrices. Pour
raccourcir ces circuits trop longs, les unités seront progressivement con-
traintes d’envoyer dans l’urgence des pilotes chercher directement les
appareils chez les constructeurs à plusieurs centaines de kilomètres de dis-
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29. Voire de les rapporter à l’usine pour des réglages non effectués auxquels les unités ne pou-
vaient procéder. Voir par exemple dans cette perspective J. Gisclon, Les mille victoires de la chasse fran-
çaise, Paris, Éditions France-Empire, 1990.
30. Et dont la doctrine d’emploi n’était pas véritablement fixée et était inadaptée aux caractéris-
tiques des appareils, issus d’un programme d’avion de chasse lourde triplace dont les moteurs don-
naient leur pleine puissance à moyenne altitude, alors que leur utilisation comme avions d’assaut les
ont conduit à intervenir à basse altitude, ce qui par ailleurs aurait nécessité un blindage particulier
dont ils étaient dépourvus.
18 Philippe Garraud
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l’Air changent. L’avance des troupes allemandes l’oblige à replier ses uni-
tés dans une urgence sans cesse croissante. De nombreuses conséquences
en découleront : nécessité d’abandonner et même de détruire les appa-
reils qui ne sont plus en état de vol, pérégrinations des échelons roulants,
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que la campagne de France s’est accompagnée d’un renouvellement quali-
tatif profond des matériels et des unités de l’aviation française. Combats et
rééquipement significatif ont donc eu lieu de pair, en quelques semaines
seulement, cette contrainte pesant lourdement sur sa capacité d’action.
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31. L’hypothèse d’une poursuite des hostilités depuis l’AFN n’était donc nullement impossible
en ce qui concerne l’armée de l’Air, et encore moins fantaisiste. Au regard du nombre d’unités et
d’appareils de combat stationnés, de la provenance de leur équipement, elle apparaît au contraire
comme très sérieusement envisageable sur le plan militaire, technique et opérationnel. Mais cela est
un autre débat qu’on n’aborde ici qu’incidemment. Pour une discussion de cette hypothèse, se repor-
ter à Ph. Garraud, « Une poursuite de la guerre était-elle envisageable en juin 1940 ? Le cas de l’armée
de l’Air », art. cité.
32. Il constitue un terrain sur lequel de nombreux historiens de l’aviation militaire française
hésitent à s’engager pour différentes raisons, à commencer par la complexité et le caractère technique
des données à maîtriser. Par exemple P. Facon, op. cit., et C. Carlier, Le destin manqué de
l’Aéronautique française, dans Histoire militaire de la France, vol. 3 (sous la dir. de G. Pedroncini),
De 1871 à 1940, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1997.
20 Philippe Garraud
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l’idée de l’efficacité de l’armée de l’Air et celle de sa non-responsabilité
dans la défaite de 1940, la balance étant en quelque sorte égale. Puisque
tel paraît avoir été un des enjeux principaux de ces controverses statis-
tiques pour l’institution et ses représentants et défenseurs. Une sorte
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33. Voir dans cette perspective P. Buffotot, J. Ogier, L’armée de l’Air dans la campagne de
France (10 mai - 25 juin 1940) : essai de bilan numérique d’une bataille aérienne, Revue historique des
armées, no 3, 1975, p. 88-117 ; J. Gisclon, Les mille victoires de la chasse française, op. cit. De manière
complémentaire et dans une veine quelque peu différente (prenant souvent la forme d’une entreprise
de réhabilitation très hagiographique), mais riche en informations du fait de son caractère descriptif et
très détaillé : P. Martin, Invisibles vainqueurs. Exploits et sacrifices de l’armée de l’Air en 1939-1940, op. cit.
34. Air Actualités - Le magazine de l’armée de l’Air, no 433, juin 1990.
35. Voir P. Facon, op. cit. ; C. d’Abzac-Epezy, op. cit., p. 23-29 ; et C.-J. Ehrengardt, « Mai-
juin 1940 : autopsie d’une débâcle », art. cité.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 21
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244 « probables », distinction sur laquelle il faudra revenir, dans la mesure
où elle introduit une autre source majeure de confusion. Ce qui a permis
à certains de passer des 919 victoires officiellement homologuées au
chiffre plus symbolique et emblématique des « mille victoires ».
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Mais ces chiffres établis très rapidement à chaud dans les jours qui sui-
vent l’armistice ne constituent qu’une approximation en fonction d’une
information disponible à un moment donné : sans comporter aucune
aberration, ils présentent parfois des erreurs de détail mais sont surtout
incomplets et partiels dans la mesure où ils ne prennent pas en considéra-
tion toutes les unités37. Cependant, au total et globalement (à une excep-
tion près : le GC II/7), ils ne pêchent pas du tout par excès. En se fondant
sur le dépouillement systématique des Journaux de marche et d’opérations
des unités (JMO), C.-J. Ehrengardt parvient au chiffre de 713 victoires
« sûres » et 266 « probables », soit un total de 979 victoires homologuées
officiellement et donc revendiquées (encore ce chiffre ne tient-il pas
compte des quelques victoires obtenues par l’aviation de bombardement
et de reconnaissance).
Sur la base du rapport d’Harcourt mais en extrapolant à l’excès, cer-
tains auteurs vont même jusqu’à affirmer, implicitement ou explicite-
ment, qu’en incluant les appareils détruits accidentellement en retour de
missions, l’aviation française, et essentiellement la chasse, serait respon-
sable de la destruction de 1 300 avions, c’est-à-dire de la totalité des pertes
allemandes, comme si la RAF n’avait pas été présente et n’avait pas, elle
aussi, durement combattu38.
36. On ne reproduira pas ce tableau ici dans la mesure où, d’une part, son détail par unités ne
nous intéresse pas directement ici et où, d’autre part, il figure déjà dans plusieurs publications (par
exemple J. Gisclon, Les mille victoires de la chasse française, op. cit.), la plus accessible étant sans doute La
bataille de France : 50e anniversaire, Air Actualités - Le magazine de l’armée de l’Air, no 433, juin 1990.
37. Il convient en effet d’ajouter les unités et les « scores » suivants : chasse multiplace (six esca-
drilles, soit l’équivalent de trois groupes) : 10 victoires sûres homologuées ; GC polonais : 12 ;
patrouilles ou escadrilles légères de défense : 12 ; escadrilles de chasse de l’Aéronavale : 12 ; ainsi que
les quelques victoires homologuées à l’aviation de bombardement et de reconnaissance : C.-
J. Ehrengardt, Mai-juin 1940 : autopsie d’une débâcle, Aéro-Journal. Histoire de l’aviation, no 2, août-
septembre 1998.
38. Cinquante ans après les événements, c’est ce que n’est pas loin de faire implicitement
l’auteur de l’article de présentation des différentes contributions consacrées à la commémoration de la
bataille de France quand il écrit : « À ces 733 victoires de la chasse, se rajoutent celles acquises par le
22 Philippe Garraud
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donc tout d’abord : l’exclusion des victoires probables, catégorie nouvelle
qui n’existait pas en 1914-1918 et inventée par l’armée de l’Air, qu’on ne
retrouve dans aucune autre aviation (RAF, Luftwaffe, Air Force améri-
caine, etc.). Dans la très grande majorité voire la quasi-totalité des cas,
elles sont totalement hypothétiques et ne correspondent à aucune destruc-
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bombardement, l’assaut, la reconnaissance ou l’observation. (...) Avec les 120 appareils abattus par les
forces terrestres anti-aériennes et les quelque 450 avions accidentés pour dommages de guerre, la Luft-
waffe perd effectivement 36,9 % de toute sa flotte de première ligne » (Pour l’honneur des ailes fran-
çaises, Air Actualités - Le magazine de l’armée de l’Air, op. cit.). Ce chiffre de 733 correspond à une autre
extrapolation du rapport d’Harcourt. En fait, cette publication ne fait que reprendre les données plus
anciennes du SHAA (Histoire de l’aviation militaire, op. cit., p. 146).
39. Op. cit.
40. Malgré ses approximations et ses quelques lacunes, le rapport d’Harcourt ne dit pas autre
chose dans ses grandes lignes, puisqu’il porte sur l’ensemble de la période 1939-1940. Si l’on
retranche les 70-80 victoires sûres homologuées durant la « drôle de guerre » (septembre 1939 -
avril 1940) des 675 victoires sûres du rapport d’Harcourt pour la période 1939-1940, on retrouve
cette évaluation de (plus ou moins) 600.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 23
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comme sûres) selon les décomptes plus précis des unités et à 693 en
excluant les doubles comptes entre unités (– 20). Si l’on retranche encore
les 80 victoires sûres officiellement homologuées durant la « drôle de
guerre », on en revient toujours à ce chiffre de l’ordre de 600 pour la
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41. En particulier au regard des recherches de C.-J. Ehrengardt et C. Shores, sur l’aviation de
Vichy qui, en étudiant de manière comparée les archives anglaises et françaises, permettent
d’apprécier le caractère fondé ou non de la revendication des victoires (L’aviation de Vichy au combat.
Les campagnes oubliées (3 juillet 1940 - 27 novembre 1942), Paris-Limoges, Lavauzelle, 2 t., 1985). Ainsi,
par exemple, l’aviation de chasse française revendique plusieurs victoires sûres et probables au dessus
de Mers el-Kébir lors de l’attaque britannique de juillet 1940. Au regard des comptes rendus
d’opérations anglais, aucune perte n’est confirmée. Et il n’y a pas lieu de suspecter ces documents
techniques purement internes d’une quelconque volonté de propagande (contrairement aux chiffres
rendus publics lors de la bataille d’Angleterre).
24 Philippe Garraud
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causes confondues) en opérations en mai-juin 1940 sur le front occidental
(RAF et DCA inclus, sans oublier les aviations hollandaise et, dans une
moindre mesure, belge)42. En définitive, les données officielles de l’armée
de l’Air et celles fondées sur les sources allemandes ne sont pas aussi con-
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42. Voir à ce propos J. Gisclon, op. cit. ; C.-J. Ehrengardt, art. cité.
43. Seule question en suspens, pour clarifier définitivement les chiffres : les contributions res-
pectives des DCA française et anglaise et la part des autres aviations. Pour s’en tenir à des chiffres ronds
(nécessairement approximatifs, mais l’important est de fixer des ordres de grandeur), si l’on crédite
l’aviation française de 500 victoires réelles pour la campagne de France et la DCA de 100, on obtient
un total approximatif de 600 pour les Français ; si l’on crédite complémentairement la RAF de
400 victoires réelles et la DCA britannique de 50 (total : 450), on parvient à un total de 1 050 appareils
allemands détruits ; ce qui laisse environ 250 victoires réelles aux aviations hollandaise (surtout) et
belge. Cette évaluation, pour approximative qu’elle soit, reste conforme ou compatible avec le total
des pertes allemandes en mai-juin 1940 (1 300) dont il n’y a pas lieu de mettre en doute la véracité.
44. Plusieurs sites sur Internet, par exemple, développent aujourd’hui encore ce mythe.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 25
qui ont été retenues. En ce domaine, les estimations varient de 410 à 575,
les données officielles devenant de plus en plus incertaines vers la fin du
conflit, au fur et à mesure de la désorganisation de l’armée de l’Air.
« Ainsi, malgré la disproportion des forces aériennes, l’armée de l’Air,
grâce à la qualité de ses pilotes de chasse, totalise 919 victoires pour la
période du 2 septembre 1939 au 25 juin 1940. Entre le 10 mai et le
25 juin elle en remporte 733 en combat aérien et n’en concède que 410 à
l’ennemi. »45 Près de 1 000 victoires pour la perte de 500 appareils (plus
ou moins), c’est au regard de ce comparatif parlant, apparemment équili-
bré mais fondamentalement biaisé, que certains ont prétendu argumenter
en faveur de la thèse d’une armée de l’Air invaincue, voire même victo-
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rieuse, ou dont la contribution aurait été importante, si ce n’est décisive,
vis-à-vis de la possibilité de la RAF de remporter la bataille d’Angleterre46.
Cette seule estimation est cependant beaucoup trop partielle pour être
conforme à la réalité. Aux pertes au combat, il convient en effet d’ajouter,
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d’une part, les pertes au sol par bombardement qui ont conduit à la des-
truction de 230 appareils et, d’autre part, les pertes par accidents qui ont
été également nombreuses (230) ; soit plus de 450 appareils supplémentai-
res perdus47. On parvient ainsi à une évaluation plus complète des pertes
qui est de l’ordre de 900 avions (voire moins) à 1 000 selon les sources (là
également plus ou moins complètes et systématiques), mais la thèse d’une
armée de l’Air « invaincue » est encore tenable dans la mesure où soit les
pertes sont encore inférieures aux victoires revendiquées, soit la balance
est encore équilibrée.
Mais ces chiffres demeurent encore notablement et même très forte-
ment sous-évalués et ne sont pas conformes à la réalité dans la mesure où ils
ne prennent pas en considération des pertes complémentaires importantes :
d’une part, abandons et même autodestructions par les unités elles-mêmes
d’appareils non en état de vol et non réparables immédiatement sur les ter-
rains évacués dans la précipitation (ainsi de nombreux MS 406 et même de
Dewoitine 520 beaucoup plus rares et précieux48) ; d’autre part, abandons
d’appareils intacts devant l’avance allemande (qu’ils aient été pris en
compte ou non par l’armée de l’Air, peu importe, en définitive, cette dis-
tinction essentiellement administrative)49 ; enfin, avions réformés ultérieu-
45. Pour l’honneur des ailes françaises, Air Actualités, La bataille de France.
46. Voir dans cette perspective, P. Martin, op. cit., qui pousse cette thèse le plus loin. Par ail-
leurs, ce chiffre des pertes au combat, il est vrai relativement faible, ne s’explique pas par une quel-
conque supériorité mais est le révélateur de l’infériorité numérique de l’armée de l’Air, d’une part, et
de son faible taux de sorties lié à la pénurie matérielle comme à un fort taux d’indisponibilité. Là éga-
lement, il ne faut pas se tromper d’interprétation.
47. SHAA, Histoire de l’aviation militaire, op. cit.
48. Ce seul exemple suffira à illustrer le propos. Si 85 D 520 ont été perdus en opérations, seuls 54
l’ont été du fait de l’ennemi. En revanche, 22 ont dû être détruits par les groupes eux-mêmes devant
l’avance allemande (R. Danel, The Dewoitine 520, Londres, Profile Publications, no 135, 1966).
49. C.-J. Ehrengardt (art. cité) estime ce nombre à 300. Ainsi, par exemple, près de
80 Potez 63/11 de reconnaissance et 50 Caudron Goéland de liaison (qui ne nous concernent pas ici ;
le propos, rappelons-le, se limitant aux appareils de combat) ont été capturés intacts lors de l’avance
allemande dans les parcs des constructeurs.
26 Philippe Garraud
rement parfois (dans les semaines voire les quelques mois qui ont suivi
l’armistice) mais du fait de leur participation directe aux combats (ainsi des
nombreux chasseurs MS 406 et Bloch 152 de l’Atelier de réparation de
l’armée de l’Air (ARAA) d’Aulnat, stockés après l’armistice).
Aussi, pour avoir une vue plus systématique de la situation, il est
nécessaire de compléter cette première évaluation par une analyse com-
plémentaire. Le chiffre des pertes réelles de l’armée de l’Air peut être
validé « en creux » par une lecture critique des inventaires effectués au
lendemain de l’Armistice par l’institution elle-même. Sans cette réévalua-
tion sensible, on est obligé de constater que plusieurs centaines d’appareils
sortis d’usine et livrés à l’armée de l’Air ont disparu sans explication
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aucune. Les pertes humaines n’étant pas sujettes à caution, on s’attachera
uniquement aux pertes matérielles qui paraissent avoir été considérables.
50. Données calculées d’après les indications d’ouvrages spécialisés portant sur les différents
types d’appareils, particulièrement riches en information et trop peu souvent utilisés dans des travaux
à vocation plus scientifique. Dans certains cas, il devient même possible de connaître le sort de chacun
des appareils en question : G. Botquin, The Morane-Saulnier MS 406, Londres, Profile Publications,
no 147, 1967 ; J. Cuny, G. Beauchamp, Curtiss Hawk 75, Docavia-Éditions Larivière, vol. 22, 1985 ;
J. Cuny, R. Danel, LeO 45, Amiot 350 et autres B4, Docavia-Éditions Larivière, vol. 23, 1986 ;
R. Danel, The Dewoitine 520, Londres, Profile Publications, no 135, 1966 ; R. Danel et J. Cuny, Le
Dewoitine 520, Docavia-Éditions Larivière, vol. 4. Pour aller à l’essentiel, et de peur de lasser ou de
perdre le lecteur par trop de détails secondaires, on n’entrera pas dans le détail de cette estimation
quantitative et comptable. Il faudrait en effet présenter les données en fonction des 18 types d’appa-
reils principaux équipant les unités de combat de l’armée de l’Air. Pour une synthèse, voir également
C.-J. Ehrengardt, art. cité.
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 27
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l’armée de l’Air a perdu directement ou indirectement, du fait des com-
bats mais également du fait des conditions d’opérations (nécessité d’aban-
donner ses terrains devant l’avance allemande, fort taux d’indisponibilité
des appareils), du fait de son organisation défaillante (faiblesse des moyens
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51. En toute rigueur et afin de ne pas noircir le tableau, il convient cependant de préciser
qu’une proportion de ces pertes relève des taux normaux d’attrition du fait des accidents
d’entraînement inévitablement liés à la mise en œuvre des matériels aéronautiques en situation « nor-
male » de paix. Il faut également souligner que ces chiffres n’incluent pas les pertes matérielles des
groupes aériens d’observation (GAO) mis à la disposition des unités de l’armée de Terre, qui ont été
proportionnellement aussi sérieuses.
52. Il n’existe pas de productivité en soi, indépendamment des conditions de mise en œuvre.
Les conditions concrètes (tout à la fois organisationnelles, opérationnelles et logistiques) de mise en
œuvre des actions de la Luftwaffe et de la RAF, tant lors de la campagne de France que lors de la bataille
d’Angleterre, ont été incontestablement beaucoup plus « confortables » que celles imposées à
l’aviation militaire française.
28 Philippe Garraud
blement été limitée par des raisons très variées dont certaines ont déjà été
évoquées et soulignées : facteurs structurels ou organisationnels tout
d’abord53 ; mais aussi facteurs contingents : replis successifs des unités en
fonction de l’avance allemande, rééquipement en matériels plus modernes
d’un nombre important d’unités, difficultés de recomplétement, relative-
ment faible taux de sortie, etc. À ces deux séries de facteurs, il convien-
drait d’ajouter également des raisons quasi culturelles : l’indiscipline
notoire des pilotes français en rapport à leur identité « chevaleresque » et
les conduisant à privilégier une conception individuelle et même indivi-
dualiste du combat aérien54 ; Tous ces facteurs conjugués ont contribué à
désorganiser l’armée de l’Air et ont donc affaibli considérablement son
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rendement opérationnel.
Cependant, au regard des résultats obtenus de part et d’autre pondérés
par le nombre respectif d’appareils engagés, on peut sans doute dire que,
globalement, le rendement de la chasse française a été supérieur à celle de
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53. Tout particulièrement la faiblesse des moyens de communication (tant entre commande-
ment et unités qu’au sein des unités) et les problèmes récurrents de coordination qui en découlent à
tous les niveaux ; la faiblesse également de la logistique et des moyens de réparation propres des
unités.
54. Cette indiscipline rendra certains pilotes français des FAFL « allergiques » aux méthodes de
travail beaucoup plus collectives de la RAF (à tel point que certains d’entre eux demanderont à
s’engager sur le front de l’Est et rejoindront le GC Normandie où les Soviétiques feront exactement
la même observation). Cette conception individuelle du combat aérien, héritée de la guerre
de 1914-1918, frappera également les pilotes américains lors du débarquement en AFN en
novembre 1942.
55. Si l’on divise le nombre de victoires « sûres » officiellement homologuées (675) pour la
période 1939-1940 aux groupes équipés d’un type d’appareils par le nombre de groupes utilisateurs,
on obtient un ratio de 45,8 victoires par groupe de Curtiss H 75 (229/5) ; 21,6 par groupe de D 520
(108/5) ; 18,75 par groupe de Bloch 152 (150/8) ; et de seulement 15,75 par groupe de MS 406
(189/12). Apparaît ainsi un « rendement » variable et différencié en fonction du type d’appareils mais
également de la qualité des pilotes et des unités, plus ou moins expérimentés, de la durée d’utilisation
des matériels et des missions effectuées du fait de la localisation des groupes ; ce qui explique le rende-
ment supérieur des unités équipées de Curtiss et de Dewoitine (malgré une courte durée d’utilisation
opérationnelle pour ce dernier : uniquement la campagne de France).
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 29
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le nombre des appareils de combat présents en AFN était significativement
plus important. D’après des sources beaucoup plus fiables et précises57, il
semble qu’on puisse considérer qu’étaient stationnés en AFN au moment
de l’Armistice : plus de 500 chasseurs, près de 500 bombardiers et environ
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CONCLUSION
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combats, difficultés de coordination à tous les niveaux (dans la production
industrielle comme sur le plan opérationnel) en raison du rôle crucial du
facteur temps, etc.
Certains de ces facteurs ont été structurels (calendrier d’équipement
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58. Voir C. d’Abzac-Epezy, op. cit., p. 23-29. Le bombardement de Gibraltar, par exemple, en
septembre 1940 et en représailles à l’attaque anglaise contre Dakar, deux mois après la signature de
l’armistice, est significatif du maintien, voire du développement nouveau, d’une capacité opération-
nelle non négligeable et même appréciable. Malgré les dissolutions d’unités consécutives à l’armistice,
l’armée de l’Air a été en mesure de réaliser des opération impliquant plus d’une centaine d’appareils,
procédant ainsi à des concentrations numériques qu’elle avait bien été incapable de réaliser lors de
l’offensive allemande de mai-juin 1940 (SHAA, Histoire de l’aviation militaire, op. cit. ; C.-J. Ehrengardt
et C. Shores, L’aviation de Vichy au combat, op. cit.).
L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 31
quand ils n’ont pas fait figure d’accusés, les grands oubliés des évocations
ou commémorations (qu’elles soient télévisuelles, éditoriales ou cinéma-
tographiques) pourtant très nombreuses de ces événements59. Mais il ne
doit pas s’opérer à l’encontre de la réalité historique sous peine de la tra-
vestir. Ce n’est en rien porter atteinte aux combattants ni même à
l’institution que de le reconnaître.
Philippe GARRAUD,
directeur de recherche au CNRS,
Centre de recherches administratives et politiques,
Institut d’études politiques de Rennes.
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59. On ne peut pas faire le même constat sur le plan scientifique, puisqu’il aura fallu attendre
près de soixante ans avant de pouvoir disposer d’un ouvrage de référence, celui de P. Facon, sur cette
question.
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