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LE DEVENIR DE L'AGRICULTURE TUNISIENNE FACE À LA

LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES


Jean-François Richard

De Boeck Supérieur | « Afrique contemporaine »

2006/3 n° 219 | pages 29 à 42


ISSN 0002-0478
ISBN 2804151182

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Jean-François Richard, « Le devenir de l'agriculture tunisienne face à la libéralisation des
échanges », Afrique contemporaine 2006/3 (n° 219), p. 29-42.
DOI 10.3917/afco.219.0029
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Le devenir de l’agriculture tunisienne
l’agriculture tunisienne
face à la libéralisation des échanges

Jean-François RICHARD 1

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PRÉAMBULE
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Cinquante ans après l’indépendance, la Tunisie est passée de la situation


d’un pays jeune à fort accroissement démographique et activité agricole do-
minante, à celle d’un pays émergent ayant réalisé sa transition démographi-
que 2 et fortement diversifié son activité vers l’industrie et les services. Dans
ce contexte, rendu plus contraignant par la mondialisation et les Accords
d’Association passés avec l’Union européenne 3 pour réduire les barrières
douanières entre la Tunisie et l’UE, il a paru intéressant de faire le point sur
l’activité agricole tunisienne et d’apprécier quels peuvent être à l’avenir ses
enjeux et ses opportunités.
Cet article s’inspire largement des informations collectées lors de la revue
du secteur agricole préparée par le gouvernement tunisien avec l’appui de
la Banque mondiale et la participation de l’Agence Française de Développe-
ment à partir de travaux commandités auprès de bureaux d’études tunisiens
et étrangers dans le cadre des travaux préparatoires aux XIe et XIIe Plans de
Développement (2007-2011).

1. Ingénieur agronome, École nationale supérieure d’agronomie de Nancy. Au sein de l’Agence Française de Développe-
ment, chercheur en Afrique de l’Ouest de 1968 à 1976 et en charge des projets agricoles à Tunis de 2001, actuellement
ingénieur agronome dans le Département rural, environnement et ressources naturelles.
2. Le taux d’accroissement démographique annuel est passé de 3,1 % en 1966 à 1,1 % en 2001, l’espérance de vie passait
de 51 à 73 ans pendant la même période, et le taux de mortalité de 1,5 % à 0,55 %. La population est passée de 4,6 millions
d’habitants en 1966 à près de 10 millions d’habitants en 2005.
3. En juillet 1995, la Tunisie est devenue le premier pays de la région à signer l’Accord d’Association (AA) avec l’Union
européenne. Il prévoit d’ici 2010 la création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et la Tunisie, de biens, de
services et de capitaux, en conformité avec les accords de l’OMC.

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■ Afrique contemporaine ■

UNE AGRICULTURE DONT LA PLACE


DANS L’ÉCONOMIE EST DEVENUE MINEURE

Le taux de croissance de l’économie tunisienne 4 est resté soutenu au cours


des quinze dernières années (4,5-5,5 %). Cette croissance accompagnée d’un
investissement fort dans les ressources humaines et les infrastructures et ser-
vices collectifs a permis de réduire la pauvreté 5. Les grands équilibres macro-
économiques ont été préservés (balance courante, inflation...) permettant
un accès aux marchés internationaux dans de bonnes conditions, mais la
structure budgétaire est de nature à maintenir un niveau de dette publique
élevée. Malgré la croissance, la réduction du chômage reste un défi, dans
une économie où la création d’emplois dans le secteur privé est en perte de

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vitesse. La réduction du chômage requiert des taux de croissance plus élevés
(autour de 6,5 %), une augmentation de l’investissement privé, une amélio-
ration de la productivité totale des facteurs et un développement des secteurs
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à plus haute qualification dans la perspective de l’émergence d’une économie


fondée sur le savoir.
L’agriculture tunisienne génère environ 13 % du PIB (17 % avec l’agro-ali-
mentaire) et emploie environ 16 % de la population active 6. L’agriculture a
cependant contribué à créer le quart des emplois nouveaux pendant la pé-
riode du IXe Plan (1997-2001). La croissance de la valeur ajoutée de l’agri-
culture aux prix constants 1990 pour la période 1989-2003 est plus faible en
moyenne par an (3,7 %) que pour l’ensemble de l’économie (4,7 %). La part
du secteur agricole dans l’investissement total est du même ordre de gran-
deur que sa part dans le PIB, soit 13,5 % pour la période 1989-2003. La part
de l’État dans le secteur représente la moitié de l’investissement global, dont
plus de 60 % sont consacrés à l’hydraulique.
La part des exportations agricoles et alimentaires dans la balance com-
merciale est en baisse, passant de 23,4 % pour les années 1984-1988 à 13,6 %
pour les années 1999-2003. Ceci est également vrai pour les importations,
mais dans une moindre mesure, puisque la part des importations agricoles est
passée de 13,6 % à 12 % pour les mêmes périodes de référence. La Tunisie
est un importateur net de produits agricoles, avec un taux de couverture
moyen de ses besoins de l’ordre de 81 % sur la période 1984-2003, avec une
légère tendance à la baisse, alors que le taux de couverture de l’ensemble de
l’économie atteint 69 %, avec une légère tendance à la hausse.

4. Country Assistance Strategy 2005-2008 (juin 2004), document stratégique de la Banque mondiale.
5. Le taux de pauvreté a été estimé à 4 % de la population en 2000.
6. La part du secteur dans l’emploi national a chuté de 46 % en 1960 à 23 % en 1995-2000 et à 16 % actuellement.

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

UN SECTEUR LIMITÉ PAR LE POTENTIEL NATUREL


MAIS QUI SE TRANSFORME

L’agriculture pluviale est confinée au Nord-Ouest du pays et concerne cha-


que année un peu plus de 1,8 million d’hectares pour une superficie agrico-
le utile (SAU) de près de 5 millions d’hectares (30 % du territoire national),
dans les zones climatiques humides, subhumides et semi-arides, là ou la plu-
viométrie dépasse les 350 mm par an 7, ou dans des zones arides autour de
points d’eau. Les 400 000 hectares irrigables dans les diverses régions, dont
un quart des surfaces dans les zones d’agriculture pluviale, représentent 8 %
de la SAU, et la majeure partie de la production est soumise à l’aléa pluvio-
métrique.

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La SAU est dominée par l’arboriculture (1,6 million d’hectares d’oliviers,
et 0,4 million d’hectares de fruits – dattes, agrumes, fruits à noyaux, pom-
mes, poires). Les cultures annuelles couvrent une superficie analogue avec
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principalement des céréales (1,5 million d’hectares, avec une majorité de blé
dur, de l’orge et du blé tendre), des légumineuses et fourrages (0,3 million
d’hectares), et des cultures maraîchères (0,15 million d’hectares de pommes
de terre, tomates, légumes méditerranéens). Les jachères couvrent 0,8 million
d’hectares et les parcours 0,5 million d’hectares.
La SAU et les superficies irriguées ne devraient plus beaucoup évoluer au
vu des contraintes de mise en valeur. Les terres labourables se sont étendues
au détriment des parcours, et les terres exploitées ont fortement réduit la fré-
quence des jachères, qui sont passées d’une année sur trois il y a quarante ans
à moins d’une année sur cinq. L’intensité d’utilisation des terres irriguées est
encore limitée.
Malgré les actions importantes de conservation des terres agricoles, la pres-
sion exercée sur le foncier et des pratiques culturales destructrices se tradui-
sent par une érosion importante qui affecte trois millions d’hectares et génère
un envasement important des barrages. Les zones arides connaissent des pro-
blèmes de salinité, et les zones forestières et les parcours une surexploitation
des ressources.
Les tendances récentes des productions agricoles sont une baisse absolue
et relative des superficies en céréales (avec de très fortes variations interan-
nuelles), une croissance importante des fourrages, la stagnation des légumi-
neuses à un niveau bas et la très grande croissance des cultures maraîchères
et de l’arboriculture. L’élevage détient la part la plus importante dans la struc-

7. La pluviométrie va de 1 200 mm au Nord-Ouest à 100 mm au Sud.

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■ Afrique contemporaine ■

ture de la production, avec 39 % de la valeur, en hausse relative et absolue,


suivi par l’arboriculture, les cultures maraîchères, la céréaliculture et la pêche.
La croissance du secteur de l’élevage a été tirée par la production laitière,
qui représente près du quart des produits et a connu un taux de croissance
moyenne de 7,6 % sur la période 1989-2003, permettant de réduire les im-
portations et de couvrir plus de 90 % de la consommation. La part dans l’éle-
vage des ovins et des bovins est en déclin, tandis que celle des volailles et des
œufs s’est accrue.
Les olives représentent encore le quart de la production arboricole, tan-
dis que les dattes sont en progression, les agrumes en légère régression re-
lative, les fruits à noyaux (amandes, pêche, abricots) en stagnation et que la
diversification se poursuit (raisins de table, pommes, poires, etc.).

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La production locale de produits maraîchers demeure fortement protégée,
à l’exception de la tomate de plein champ de saison ou sous serre primeur,
ainsi que de la pomme de terre de saison et les pastèques. Le caractère peu
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compétitif du maraîchage, en particulier hors saison, s’explique en grande


partie par la faiblesse des rendements et la faible diversification.
La production et le rendement des céréales connaissent une variabilité in-
terannuelle considérable (4 à 21 quintaux par hectare pour le blé dur) et une
progression moyenne extrêmement faible sur la période 1989-2003. Le blé
dur, qui représente 70 % de la production de céréales, satisfait 72 % de la de-
mande nationale. La production de blé tendre couvre à peine 20 % des be-
soins nationaux et les importations de céréales s’accroissent de 10 % par an.

UN SECTEUR SOCIALEMENT ET ÉCONOMIQUEMENT TRÈS HÉTÉROGÈNE


La Tunisie fait face à une transformation du monde rural qui combine
l’exode rural, le vieillissement des populations rurales et la modernisation du
secteur agricole. L’écart s’accroît entre petits et moyens exploitants qui utili-
sent la main-d’œuvre familiale et connaissent des taux significatifs de pauvre-
té, et les grands exploitants du secteur commercial. Cependant, la population
rurale a continué à croître jusqu’à maintenant, mais elle ne représente plus
qu’un gros tiers de la population nationale. L’État a fait un effort considéra-
ble pour réduire les disparités entre ville et campagne, et plus de 90 % des
ruraux ont accès à l’eau potable, 97 % à l’électricité, et les écoles et dispensai-
res répondent aux besoins du plus grand nombre.
Le secteur agricole joue encore un rôle très important dans l’économie
nationale par son rôle dans l’emploi sous la forme de salariés permanents (mi-

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

noritaires), de main-d’œuvre familiale (en majorité féminine) ou d’emploi


saisonnier. Malgré les différences régionales et la grande variabilité dans la
taille des exploitations, il y a des dimensions sociales communes à l’ensemble
du pays :
„ La part purement agricole dans le revenu des agriculteurs varie con-
sidérablement. En 1995, 56 % des exploitants n’avaient aucune autre
activité, mais 35 % avaient une activité principale en dehors de l’exploi-
tation, l’agriculture procurant un revenu d’appoint, et 6 % relevaient de
la subsistance.
„ Les structures d’exploitation sont fortement contrastées : en 1995,
53 % des exploitants disposaient de moins de 5 hectares (avec une

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moyenne de 2 hectares) et ils occupaient 9 % des terres agricoles, et
1 % des exploitants disposaient de plus de 100 hectares (avec une
moyenne de près de 300 hectares) et ils occupaient le quart des terres
agricoles. La moyenne de superficie des 500 000 exploitations s’éta-
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blit autour de 10 hectares, et cette moyenne baisse depuis 40 ans, la


fragmentation des terres se poursuivant 8. La grande majorité des ex-
ploitants agricoles (90 %) sont propriétaires de leur exploitation, mé-
tayage et fermage restant limités.
„ Une population agricole vieillissante, avec un nombre significatif de
jeunes ruraux qui vont chercher un emploi plus rémunérateur dans
les autres secteurs de l’économie, ou dans les villes ou à l’étranger.
L’âge moyen des exploitants était de 53 ans en 1995.
„ L’ importance des femmes en milieu rural : les femmes ne quittent
pas le secteur agricole aussi rapidement que les hommes, elles accep-
tent des rémunérations moindres 9 et face à la migration des jeunes
et au vieillissement de la population, leur rôle devient plus crucial.
L’augmentation de la part de l’emploi des femmes en Tunisie se fait
à travers le secteur agricole.

UN SECTEUR QUI A PROGRESSÉ SOUS L’IMPULSION DE L’ÉTAT


Le gouvernement tunisien met en œuvre la politique du secteur dans le
cadre des Plans quinquennaux de développement orientés vers la croissance

8. Cependant, les titres fonciers restent rares ; l’Agence foncière agricole les consolide au rythme de 12 000 à 14 000 hec-
tares par an, surtout sur les terres irriguées.
9. La main-d’œuvre journalière féminine des zones rurales acceptait en 2005 de travailler pour 4 dinars tunisiens par jour,
alors que les hommes demandent 6 DT/jour, préférant chômer ou migrer s’ils ne les obtiennent pas.

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■ Afrique contemporaine ■

économique et la stabilité sociale, les buts étant la production durable, l’accès


aux marchés étrangers et l’amélioration des conditions de vie des petits ex-
ploitants. Les Plans successifs ont mis l’accent sur les réformes structurelles
(7e Plan 1987-1991), puis sur le renforcement de la productivité (services aux
agriculteurs) avec le 8e Plan 1992-1996 ; l’accès accru aux marchés internatio-
naux avec le 9e Plan 1997-2001 a amené à réduire les subventions aux moyens
de production et à libéraliser la majorité des prix. Le 10e Plan 2002-2005 a
mis l’accent sur l’investissement privé et le rôle des petits exploitants dans le
développement social et régional.
À travers ces derniers Plans la Tunisie a poursuivi sa stratégie avec la mo-
bilisation des ressources en eau par extension des superficies irriguées et la
généralisation des équipements économes en eau 10, la recherche d’une auto-

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suffisance accrue dans des productions telles que l’huile d’olive, les céréales,
les pommes de terre, les tomates, le lait, les viandes rouges et les produits de
la mer, pour lesquelles certains prix restent administrés (céréales, lait) ou
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certains circuits contrôlés par l’État à travers des monopoles (céréales, huile
d’olive) ou des contrôles ou incitations à l’import et à l’export des produits
alimentaires.
Parallèlement l’État poursuivait son désengagement du secteur productif
en permettant au secteur privé de signer des baux à long terme pour la ges-
tion de terres relevant du domaine de l’État (anciennes coopératives et fer-
mes d’État installées sur les terres nationalisées au départ des colons), avec
création de Sociétés de Mise en Valeur et de Développement Agricole. Bien
que la majeure partie d’entre elles aient été ainsi transformées, il reste des
coopératives de production et des fermes d’État (l’Office des Terres Doma-
niales – OTD – continue à gérer 200 000 hectares), mais elles ne reçoivent
plus guère de soutiens publics.
Le code unique d’incitation à l’investissement offre depuis 1993 un grand
nombre d’avantages : des incitations communes 11 et des incitations spécifi-
ques pour les entreprises exportatrices 12, le Développement régional, le Dé-
veloppement agricole, la Protection de l’environnement, la Promotion de la
technologie et de la recherche-développement et les investissements de sou-

10. Les subventions à l’équipement, qui peuvent atteindre 50 % du coût d’investissement, ont permis d’équiper 70 % des
superficies irriguées en matériels d’irrigation économes (goutte à goutte, micro-jets…).
11. Avec : 1) dégrèvement des revenus ou bénéfices réinvestis ; 2) des exonérations de droits de douane sur les biens
d’équipement n’ayant pas de similaires fabriqués localement ; 3) une limitation à 10 % de TVA à l’importation des biens
d’équipement ; 4) la possibilité de choix du régime de l’amortissement dégressif au titre du matériel et des équipements
de production dont la durée d’utilisation dépasse sept ans.
12. Exonération totale de l’impôt sur les bénéfices provenant de l’exportation. Les entreprises totalement exportatrices bé-
néficient en plus de l’exonération totale des bénéfices et revenus réinvestis, de la franchise totale des droits et taxes pour
les biens d’équipement, les matières premières, les semi-produits et services nécessaires à l’activité, de la possibilité de
mise en vente sur le marché local de 20 % de leur production, aux conditions de droits et taxes en vigueur.

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

tien (éducation, formation, production culturelle, santé et transport). Le Code


prévoit des exonérations totales de l’impôt sur les bénéfices et revenus réinves-
tis, des suspensions de TVA sur les biens d’équipement importés, la possibilité
de participation de l’État à certaines dépenses d’infrastructure, des primes à
l’investissement modulées selon les secteurs et les régions, des prises en charge
(contribution patronale au régime légal de sécurité sociale), etc. L’Agence de
Promotion des Investissements Agricoles (APIA), créée en 1983, est chargée
d’aider au montage des projets d’investissement privé, et d’agréer les projets
pour bénéficier des avantages du code d’incitations à l’investissement.
Les parts des différentes sources de financement de l’investissement agri-
cole restent du même ordre de grandeur, avec une participation du budget
de l’État pour un tiers, le financement extérieur pour un cinquième et un

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peu moins de la moitié pour les privés, en légère augmentation, témoignant
du désengagement progressif de l’État des activités de production et des ef-
forts consentis pour inciter les promoteurs privés à investir dans le secteur
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agricole 13.
Les projets publics ou les investissements de l’administration sont finan-
cés essentiellement par le Trésor et les prêts extérieurs, les entreprises privées
puisant l’essentiel des ressources sur leurs fonds propres. La diminution du re-
cours des promoteurs privés aux crédits bancaires et l’accroissement des fonds
propres à partir du IXe Plan sont une conséquence de l’application du nou-
veau code unique. La part des fonds propres s’est fortement accrue depuis
dix ans 14, ainsi que les subventions de l’État, tandis que le recours au crédit
se réduisait fortement 15.
Ces crédits sont principalement fournis par la Banque Nationale Agricole
(BNA), banque publique pour laquelle les procédures d’octroi sont longues
et dont le taux de remboursement est trop faible (50 %). Le recours au reve-
nu agricole et extra-agricole de l’agriculteur est prépondérant et le crédit
fournisseur, bien qu’en augmentation, n’intéresse qu’une très faible propor-
tion d’investisseurs (3 %). Les agriculteurs qui bénéficient des subventions
de l’État sans recourir au crédit bancaire sont en augmentation, traduisant
la difficulté des petits et moyens agriculteurs d’accéder au crédit bancaire,
et le taux de satisfaction de la demande de crédit exprimée enregistre une

13. La part de l’investissement privé dans le secteur agricole est passée de moins de 40 % à plus de 50 % entre 1987 et 2004.
14. Le financement de projets dont le montant de l’investissement est supérieur à 40 000 dinars tunisiens (projets B et C
de l’APIA), qui représentent environ 80 % du volume total des investissements bénéficiant des avantages du code, est as-
suré à concurrence de 73 % par des fonds propres (contre 55 % en 1994), et le recours aux crédits s’est amenuisé, passant
de 34 % à 10 % seulement, le solde étant couvert par les aides de l’État (subvention et dotation), passées de 11 % à 17 %
durant le même temps.
15. 10,9 % des agriculteurs qui ont investi déclarent avoir recouru au crédit institutionnel de 1990 à 1994, et ils n’étaient
plus que 7,8 % de 2000 à 2004.

35
■ Afrique contemporaine ■

forte baisse 16. Des financements peuvent aussi être assurés par la Banque
Tunisienne de Solidarité (BTS) depuis fin 1997 ou par les associations de mi-
crocrédit depuis 1999, ces structures ayant été créées pour financer la couche
sociale la plus démunie et qui jusque-là était exclue du système bancaire 17,
mais la contribution de la BTS au secteur rural reste marginale 18.
Dans ce contexte l’agriculture a progressé au même rythme que la crois-
sance économique de la Tunisie dans son ensemble, et la contribution du
secteur agricole au PIB s’est maintenue depuis une vingtaine d’années, avec
une moyenne de 13,4 %. La croissance agricole a montré des fluctuations
importantes en raison des variations de pluviométrie, mais globalement les
rendements se sont accrus et la productivité de la terre s’est améliorée grâce
à un plus grand usage des intrants (engrais et semences sélectionnées) et de

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la mécanisation, à l’amélioration de la technicité des producteurs et de l’ex-
pansion des cultures irriguées.
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UN SECTEUR ENCORE INSUFFISAMMENT STRUCTURÉ


Au cours des quinze dernières années, le processus de libéralisation de
l’agriculture et de désengagement de l’État au profit du secteur privé et pro-
fessionnel a notamment concerné l’approvisionnement et la commercialisa-
tion des intrants, la collecte du lait, la gestion de l’eau et des périmètres
irrigués, les services vétérinaires et l’insémination artificielle.
Il a parallèlement organisé la création de cinq catégories de structures.
Les organisations professionnelles agricoles de base sont au niveau local : coopé-
ratives de services agricoles et de pêche 19 (à caractère économique), grou-
pements d’intérêt collectif 20 (associations sans but lucratif) et, depuis 1999,
groupements de développement agricole et de la pêche 21 (associations sans
but lucratif). Les coopératives centrales sont, au niveau national, spécialisées

16. Ce taux de satisfaction passe de 54 % de 1990 à 1994 à 36 % de 2000 à 2004.


17. La BTS a approuvé fin juin 2005, 78 135 demandes de crédit de 4 213 dinars en moyenne. Dans ce type de projets, les
crédits et les subventions représentent respectivement 65 % et 25 % du montant des investissements et l’autofinance-
ment reste limité en moyenne à 10 %.
18. La part des crédits agricoles est de 14,5 % des montants des crédits accordés depuis sa création.
19. En 2005, on comptait 201 coopératives de services avec un taux de couverture de 20 % des producteurs, dont environ
un tiers en bonne santé (dont une douzaine importantes), un tiers en fonctionnement mais avec des aléas, un tiers en
difficulté ou en situation de blocage. Le secteur est globalement en stagnation, du fait de l’atomisation et de l’isolement
des agriculteurs, de l’absence de coopération entre agriculteurs et de partenariat entre agriculteurs et autres intervenants,
de la concurrence déloyale du secteur privé non soumis aux mêmes règles.
20. En 2005, plus de 3 000 groupements d’intérêt collectif, en grande majorité pour la gestion de l’eau, qui fonctionnent
en majorité de façon satisfaisante, mais doivent évoluer en groupements de développement.
21. En 2005, 170 groupements de développement agricole et de la pêche (GDAP) étaient constitués avec des moyens
financiers limités, du flou dans la compréhension de leurs missions, une grande difficulté à diversifier leurs activités, et peu
de suivi.

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

surtout dans la collecte et la distribution de produits essentiels (céréales, se-


mences), et fonctionnent en réalité comme des organismes para-étatiques.
Les structures interprofessionnelles et d’appui technique comprennent les groupe-
ments interprofessionnels (filières légumes, agrumes et fruits, aviculture,
viande rouge et lait, et produits de la pêche, auxquels adhèrent producteurs,
transformateurs ou exportateurs de produits agricoles et agro-alimentaires)
et les trois centres techniques agricoles, créés depuis 1997 (pommes de terre,
céréales et cultures biologiques). Les institutions publiques d’appui technique à
l’agriculture, sont l’Agence de Vulgarisation et de Formation Agricole (AVFA)
et l’Institut de Recherches et d’Enseignement Supérieur Agricole (IRESA).
L’AVFA présente un déficit de communication, met en œuvre des pratiques
« descendantes » sans réelle concertation avec les professionnels, la recher-

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che et la formation, et fonctionne de manière très administrative, sans con-
tenu économique. La Recherche présente une multiplicité de structures qui
ont de faibles liens avec la vulgarisation, associent peu la profession et l’Ad-
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ministration, ont une approche trop sectorielle, descendante et monodisci-


plinaire, et intègrent peu les thématiques socio-économiques.
Les interventions de l’État n’ont pas suffi à faire émerger des organisa-
tions en mesure de répondre aux besoins d’encadrement technique, de for-
mation, de services et d’appui pour la mise en marché des productions à la
hauteur des potentialités.

UN POTENTIEL QUI N’A PAS ÉTÉ RÉALISÉ


Les performances du secteur et de la politique agricole tunisienne pré-
sentent un bilan respectable de croissance et d’emplois, mais l’agriculture tu-
nisienne travaille en deçà de son potentiel. Réaliser le potentiel signifierait
augmenter la valeur des produits compétitifs achetés dans le pays et à l’étran-
ger 22.
Les principales conclusions sont que l’arboriculture, les fruits et les légu-
mes sont potentiellement compétitifs 23, les productions laitière et bovine ne
sont pas compétitives 24, la production de viande ovine est potentiellement

22. L’identification du potentiel agricole de la Tunisie a été réalisée en utilisant les données de la carte agricole du ministère
de l’Agriculture et des ressources hydrauliques pour comparer les coûts de la production économique (« coût des ressources
domestiques ») avec les prix à la frontière. Si le coût économique est plus élevé que le prix à la frontière, cela signifie que
la Tunisie ne serait pas un exportateur compétitif et économiserait des ressources en important ce produit. Si le prix à la
frontière est plus élevé que le coût économique, la Tunisie est potentiellement un exportateur compétitif.
23. Pour les légumes, le coût en Tunisie varie de 10 à 55 % du prix à la frontière, et pour l’arboriculture de 30 à 85 %.
24. Le lait a des coûts économiques de 125 % des coûts à la frontière, et la viande bovine de 175 à 260 %.

37
■ Afrique contemporaine ■

concurrentielle 25 ; la compétitivité des céréales est la plus élevée dans le


Nord et l’Ouest où la pluviométrie est la plus favorable ; le blé dur est plus
compétitif que l’orge ou le blé tendre ; plus grande est l’exploitation, plus
compétitive est la production céréalière.
Une part de la croissance agricole provient de l’affectation de plus en plus
de main-d’œuvre à la même superficie de terre. Ceci est inhabituel dans une
économie à revenu intermédiaire avec une croissance démographique lente
et peut s’expliquer par le fait que les secteurs de l’industrie et du tourisme
ne peuvent absorber la croissance de l’offre de travail. L’emploi agricole a
augmenté de 20 % de 1993 à 2002 sans tendance à la hausse dans la produc-
tivité de la main-d’œuvre en agriculture, alors qu’elle a augmenté dans les
industries manufacturières et les services 26, et la croissance de l’offre de tra-

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vail s’accompagne d’une quasi-stagnation de l’efficacité.
Une grande part du succès de l’agriculture est due aux sacrifices faits par
le contribuable, le consommateur et le reste de l’économie. Le coût de la crois-
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sance du secteur comprend, par rapport à une libéralisation totale 27 :


„ le budget de l’État pour la compensation des prix 28 ;
„ l’augmentation du coût de la vie de 4 % pour les consommateurs tu-
nisiens ;
„ une perte de 0,8 % de PIB du fait de la distorsion des prix ;
„ des dépenses publiques en investissement dans l’irrigation valant 9 %
de la valeur ajoutée du secteur des cultures sur la période 1997-2004.
Une grande part de la croissance de l’agriculture a été induite par les sub-
ventions et la protection de produits pour lesquels la Tunisie n’est pas concur-
rentielle. L’agriculture a augmenté de 47 % sur la période 1989-2003, dont
18 % (soit plus du tiers) grâce au bœuf et au lait, qui ne sont pas concurren-
tiels, engendrant une perte nette pour la nation et une croissance artificielle
du secteur.
Là où la Tunisie est concurrentielle (fruits et légumes), elle ne capitalise
pas son avantage. Bien que les exportations de fruits et légumes s’accrois-
sent en volume (9,2 % par an entre 1980 et 2000), leur valeur exprimée en
US dollars courants est en baisse. Le principal marché d’exportation est

25. Le coût des ressources nationales est de 65 % du prix à la frontière.


26. La productivité du travail a augmenté de 4,4 % par an dans les industries manufacturières et de 4,7 % par an dans les
services durant les 9e et 10e Plans (1997-2006).
27. Quatre types d’analyse ont permis d’estimer les impacts de la protection des prix agricoles en Tunisie (Ideaconsult,
2005) : des simulations de budget de consommation, des modèles d’équilibre général, des modèles de programmation
agricole linéaire, et une analyse du coût des ressources nationales.
28. 170 millions de dinars tunisiens par an dont 145 pour le blé (1 dinar tunisien = 0,6 € en juin 2006).

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

l’Union européenne et les possibilités d’exportation sont loin d’être utilisées


à leur maximum 29.
En fait, la performance est inversement corrélée à la compétitivité : les
produits compétitifs ne sont pas assez performants, alors que les produits
non compétitifs le sont davantage. Les produits compétitifs (blé dur, fruits
et légumes, ovins), qui représentent 73 % de la production sur les 20 der-
nières années, n’ont contribué à la croissance du secteur qu’à hauteur de
60 %, tandis que les productions non compétitives (blé tendre, orge, pom-
me de terre, viande bovine, lait) qui concernent 27 % de la production, y ont
contribué à hauteur de 40 %.

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Encadré 1 – Le cas de l’huile d’olive

La Tunisie est le quatrième producteur mondial d’huile d’olive derrière l’Espagne, l’Italie
et la Grèce, et elle exporte plus de 70 % de sa production. L’huile d’olive tunisienne est
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à 60 % de la qualité « lampante », la plus basse qualité du marché, alors que l’huile d’olive
vierge, qualité la plus élevée, représente 70 % du marché international, mais seulement
25 à 30 % des productions tunisiennes contre 70 à 86 % chez les concurrents européens.
Ce faible taux résulte de divers facteurs tels que : 1) des méthodes de récolte, de stockage
et de transport inadéquates ; 2) un long cycle de récolte et de stockage ; 3) un équipe-
ment d’extraction périmé, qui représente 42 % de la capacité (contre 20 à 30 % chez les
concurrents européens). Il en ressort que 97 % de l’huile d’olive tunisienne est encore
commercialisée en vrac sans marque commerciale ni label de qualité.
Les trois laboratoires d’analyse de la qualité relèvent de l’Office national des huiles (ONH),
qui est public, et très peu de triturateurs ont accès au contrôle de la qualité.
La Tunisie bénéficie d’un quota de 56 000 tonnes sur l’Union européenne. L’ONH en al-
loue une partie à des opérateurs privés selon des procédures non publiques, et conserve
le reste, traitant 50 % des exportations d’huile directement, et les profits subventionnent
d’autres activités.
Les recommandations faites pour améliorer la qualité et la rentabilité de l’huile d’olive
tunisienne portent sur : 1) la recherche appliquée et la vulgarisation de techniques ap-
propriées concernant la récolte, le stockage et le transport des olives ; 2) la réduction des
interventions de l’Administration, qui créent des distorsions sur le marché, et la transpa-
rence des procédures dans l’allocation des quotas ; 3) l’arrêt de subventions croisées avec
d’autres activités ; 4) un accès plus facile aux laboratoires d’analyse et de contrôle pour le
secteur privé ; 5) le rôle d’interprofessions privées pour la sensibilisation technique, le déve-
loppement de marques et de nouveaux produits, éventuellement d’appellations d’origine.

29. La Tunisie n’utilise que 55 % de son quota d’exportation d’agrumes. Les exportations d’abricot ont culminé à 338 ton-
nes en 1998 pour un quota UE de 2 240 tonnes. Le quota de 4 000 tonnes de concentré de tomates n’est utilisé qu’à
hauteur de 1 000 tonnes, mais le prix des tomates fraîches livrées à l’usine est plus élevé que dans les pays méditerra-
néens de l’UE et qu’en Turquie. Le quota d’amandes fraîches de 1 120 tonnes n’est pas utilisé, et celui d’huile d’olive est
utilisé à 79 %.

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■ Afrique contemporaine ■

QUELLES SONT LES CONTRAINTES À L’EXPRESSION DU POTENTIEL ?


Comment dynamiser la contribution de l’agriculture à l’économie natio-
nale et rendre les filières par produits plus réactives ?
Des thèmes communs commencent à apparaître :
„ La lourde présence de l’État dans les filières de mise en marché entrave
leur capacité de réaction.
„ Les filières requièrent de l’État un haut niveau de qualité des services
publics pour la recherche, la vulgarisation, les réglementations phy-
tosanitaires et sanitaires.

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„ L’administration pourrait faciliter plus efficacement les actions du
secteur privé en cherchant à comprendre et à répondre aux besoins
que ce dernier exprime, plutôt que d’imposer des prescriptions (asso-
ciations d’agriculteurs, crédit, régime foncier).
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La politique du commerce extérieur est à la base des prix et de la rentabi-


lité. Les tarifs douaniers de la Tunisie sont élevés par rapport aux références
régionales et mondiales : les tarifs les plus élevés concernent 69 % des lignes
tarifaires et les taux appliqués sont en moyenne de 67 %. Selon l’OMC, les
réformes des deux dernières décennies mises en place par la Tunisie n’ont
pas substantiellement libéralisé les échanges.
La libéralisation proposée consisterait à réduire progressivement les ta-
rifs douaniers céréaliers et le prix de soutien au producteur, ce qui aurait un
impact négatif sur les exploitations céréalières du Nord-Ouest, avec une in-
cidence sur le revenu plus prononcée que sur l’emploi agricole. L’atténuation
de cet impact pourrait se faire à travers des programmes sociaux mieux ci-
blés, qui réaliseraient les objectifs sociaux de l’administration plus efficace-
ment que les distorsions actuelles du marché. Une compréhension plus
précise implique une analyse d’impact social et de la pauvreté. La plupart
des autres activités agricoles (élevage ovin, maraîchage, fruits) pourraient
bénéficier d’un impact positif de la libéralisation des échanges.
Parallèlement, l’État devrait se désengager du secteur productif, transférer
l’importation et la commercialisation des céréales au secteur privé et amener
l’Office des Céréales à se concentrer sur les services publics essentiels (assu-
rer un marché concurrentiel, maintenir un stock de sécurité, fournir un ap-
pui technique aux acteurs du marché). En revanche, la sécurité des aliments
en Tunisie n’est pas à un niveau suffisant pour protéger le consommateur
tunisien et les perspectives d’exportation. Une réaffectation des ressources
publiques pourrait être basée sur l’analyse économique « coûts-avantages ».

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■ Le devenir de l’agriculture tunisienne face à la libéralisation des échanges ■

L’administration envoie généralement aux producteurs un message qui


est en faveur des volumes et des bas prix plutôt que de la qualité. Il contrôle
les marges des ventes au détail, exerce des pressions sur les grossistes pour
qu’ils gardent les prix bas, effectue des importations quand les prix sont à
la hausse (légumes), paie des bonus de qualité inadéquats pour les céréales
et plafonne les prix des aliments transformés. En même temps, les appuis
publics pour améliorer la qualité des produits agricoles (recherche, forma-
tion, réglementations sanitaires et de sécurité alimentaire, et normes actua-
lisées) ne sont pas suffisants.
Ni l’UTAP, ni les groupements interprofessionnels ni les coopératives cen-
trales ne sont considérés comme des représentants des intérêts des agricul-
teurs. La vulgarisation et la recherche ne répondent pas aux problèmes dont

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font état les producteurs, et elles sont insuffisamment financées. L’adminis-
tration peut rendre les groupements professionnels plus efficaces en redéfi-
nissant leurs modalités de gouvernance de sorte que les exploitants agricoles
en soient les véritables responsables.
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CONCLUSION
Quel que soit le choix politique de la Tunisie vis-à-vis de la libéralisation
proposée, l’enjeu d’avenir est la capacité nationale à mettre sur le marché et
à commercialiser des produits agricoles de qualité, gage de compétitivité et
de mise à niveau du secteur agricole ainsi que de l’expression de son poten-
tiel commercial, sur le marché intérieur comme à l’export. Cet enjeu aura
d’autant plus d’importance que la libéralisation des échanges sera effective.
Il implique une redéfinition du rôle de l’État vis-à-vis du secteur privé, et
l’impulsion que l’État saura donner sera d’autant plus durable qu’elle sera
relayée par l’expression des capacités et des intérêts de la profession et du sec-
teur privé, sans s’y substituer. La grande distribution 30 a un rôle à y jouer,
avec son volume de transaction élevé, son système d’achat centralisé qui
l’amène à rechercher des fournisseurs fiables et ponctuels livrant des volu-
mes élevés de haute qualité. La rémunération des producteurs qui peuvent
pénétrer ce marché est élevée, mais elle implique du capital, de bonnes com-
pétences organisationnelles et de commercialisation, et une compréhension
pointue des besoins des clients. Au fur et à mesure que les supermarchés et
les marchés d’exportation se développeront en Tunisie, la rémunération de
l’excellence augmentera ainsi que le coût de la médiocrité.

30. 70 à 90 % des ventes alimentaires dans l’Union européenne passent par la grande distribution, qui est encore jeune en
Tunisie.

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■ Afrique contemporaine ■

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BANQUE MONDIALE (2006), « Examen de la politique agricole », Projet de document
de décision, Rapport n° 35239-TN du 30 mars 2006, Tunisie.
BANQUE MONDIALE (2004), “Tunisia Country Assistance Strategy”, Report n° 28791-
TUN, Tunisie.
CNEA (2005), « Étude de la filière céréales », non publié.
CNEA (2005), « Étude de la filière fruits et légumes », non publié.
CNEA (2006), « Étude du financement du secteur agricole », non publié.
IDEACONSULT (2005), « Actualisation de l’étude sur la compétitivité du secteur
agricole », non publié.

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IDEACONSULT-IRAM-FERT-AMCIDA (2005), « Étude sur les structures profession-
nelles et interprofessionnelles ainsi que sur les services de soutien à l’agriculture »,
novembre.
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