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contemporains-2001-2-page-203.htm
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L’année 1924 est l’une des plus importantes dans l’histoire de la
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1. Les citations anglaises traduites par l’auteur de cet article portent la mention « (traduction) ».
2. Société des Nations, Journal officiel, juillet 1924 : « Le président [Eduard Beneš] informe le
Conseil qu’un important groupe américain comprenant le Pr Shotwell et le général Bliss va soumettre
au secrétaire général un mémorandum sur la question de la limitation des armements. »
3. James Shotwell n’apprécie guère l’appellation de « plan américain », trop officielle et laissant
entendre un lien avec le gouvernement américain. « Nous n’avons jamais utilisé l’expression “plan
américain” et avons toujours soutenu qu’il s’agissait d’une ébauche de plan, préparée par un comité
américain non-officiel ; que le projet prenne la forme d’un traité nous a simplement permis de mieux
préciser notre pensée » (trad.) J. Shotwell, Autobiography, New York, Bobbs-Merrill, 1961, p. 184.
On retrouve également dans certains journaux l’expression « Plan Bliss ».
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 202-203/2002
204 Carl Bouchard
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d’assistance mutuelle, le fondement du protocole de Genève, en vertu
d’une résolution de la Ve Assemblée du 6 septembre 1924.
Or, malgré l’engouement de l’été 1924 et le caractère unique du plan,
le projet de désarmement et de sécurité venu d’Amérique est peu à peu
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4. Tout comme le ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie, Eduard Beneš. Voir
Réduction des armements. Débats de la Ve Assemblée du 4 au 6 septembre 1924, Genève, Section
d’information, Secrétariat de la Société des Nations, 1924, p. 19, 47 et 84. Shotwell parle d’une
« référence cordiale » au plan américain de la part des deux Premiers ministres. Shotwell Papers, Cor-
respondence A, dossier « Diary during the making of the Geneva Protocol ». Les archives personnelles
de Shotwell sont disponibles à l’Université Columbia (New York).
5. Le chroniqueur William Martin, à la une du Journal de Genève du 4 septembre 1924, fait cer-
tainement le commentaire le plus enthousiaste du projet et fonde sur lui de grands espoirs de paix. Le
journal L’Intransigeant suit le développement du projet du 29 août au 7 septembre. Voir aussi Le
Temps, 29 août et 4 septembre, et Paris Soir, 31 août et 5 septembre.
6. Harold Josephson traite du sujet dans sa biographie de Shotwell, James T. Shotwell and the Rise
of Internationalism in America, London, Associated University Press, 1975, p. 116-133 ; Charles DeBe-
nedetti l’aborde du point de vue plus réduit de la neutralité et de l’isolationnisme américains, The
Origins of Neutrality Revision : The American Plan of 1924, Historian, 35, 1, 1972, p. 75-89 ; voir
aussi John L. Hogge, Arbitrage, Sécurité, Désarmement. French Security and the League of Nations, 1920-
1925, Thèse de doctorat, New York University, 1994, p. 325-330.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 205
matière de sécurité est voué à l’échec, a été froidement accueilli par les
diplomates français. Il s’agit, semble-t-il, d’une occasion manquée pour la
France d’influencer le débat à son avantage grâce à la jonction entre la
« thèse américaine » et la sienne.
La faiblesse principale du plan américain, à l’origine du mauvais
accueil qui lui a été fait en France, réside dans l’ambition du projet de
relier deux problèmes très distincts, voire, pour l’époque, en réelle oppo-
sition : l’intégration des États-Unis dans l’organisation internationale et la
sécurité du point de vue français. Dès que celui-ci tente de répondre aux
préoccupations américaines, la France cesse de s’y intéresser. Le plan amé-
ricain constitue en ce sens une excellente illustration du fossé qui sépare
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les conceptions française et anglo-saxonne des relations internationales,
par exemple sur la place du droit dans les relations internationales.
Par ailleurs, le projet n’est pas un échec à court terme dans la mesure
où il inspire fortement la rédaction du protocole de Genève. Ses auteurs
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n’ont pas pour objectif de le faire ratifier en bloc par la SDN : il est destiné
à être, de leur aveu même, un « document de travail », une « base de dis-
cussion ». On peut en revanche souligner que le but ultime que s’est
donné le comité se conclut par un échec : les États-Unis s’opposeront à
l’esprit du protocole de Genève, et il faudra attendre le pacte Briand-
Kellogg, qui fut à la base un projet franco-américain, avant qu’ils ne coo-
pèrent avec la SDN.
7. Puisant dans son journal personnel, il fera le récit de son expérience dans At the Paris Peace
Conference, New York, Macmillan, 1937, 444 p.
8. Cf. Warren Kuehl et Lynne Dunn, Keeping the Covenant : American Internationalists and the
League of Nations, 1920-1939, Kent, Londres, Kent State University Press, 1997.
206 Carl Bouchard
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d’assistance mutuelle et de sécurité de 192311. Leur discussion porte sur les
termes du projet de traité, et Shotwell est particulièrement sensible au fait
que le document lie pour la première fois le problème du désarmement
avec celui de la sécurité nationale. Le plan Cecil-Réquin sera entériné par
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9. Shotwell propose, afin de rendre la SDN plus universelle et plus efficace, que les puissances
exclues de l’organisation après 1919, soit l’Allemagne et la Russie soviétique, puissent devenir à leur
tour des « États associés ». Josephson, op. cit., p. 118.
10. Shotwell coordonne la publication d’une monumentale histoire économique (150 vol.) de
la Première Guerre mondiale et ses conséquences sous le titre Economic and Social History of the World
War, Washington, Carnegie Endowment for International Peace, Division of Economics and His-
tory, 1921-1940.
11. Shotwell, Autobiography, op. cit., p. 180-181.
12. Seize États refusent d’entériner le traité. Service historique de l’armée de Terre (SHAT),
7N3532, note du 9 septembre 1924 adressée au ministère de la Guerre sur les origines du protocole
de Genève.
13. Ibid.
14. Voir le récit qu’en fait David Hunter Miller, un des membres du comité américain et
conseiller juridique du gouvernement américain à la Conférence de paix, lors d’une conférence
donnée à Chicago en juillet 1924 dont une copie a été envoyée à Shotwell, Shotwell Papers, Corres-
pondence AA.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 207
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possibilité pour la politique américaine d’être rendue plus claire, mais on
s’aperçut bien vite que le premier pas dans cette direction était un plus
ample éclaircissement de la situation européenne, faute de quoi la
politique américaine pourrait se trouver basée sur des théories plausibles
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15. La première lettre conservée dans les archives de Shotwell date du 2 septembre 1923, Shot-
well Papers, Correspondence AA, dossier 1924 (2).
16. Le comité est composé, en plus de Shotwell et de David Hunter Miller, des personnalités
suivantes : le général Tasker H. Bliss, représentant américain au Conseil suprême de la guerre ; Isaiah
Bowman, chef de la section technique de la délégation américaine à la Conférence de paix ; Joseph
Chamberlain, professeur de droit international à l’Université Columbia ; John Bates Clark, ancien
directeur de la division économique de la Carnegie Foundation for International Peace ; Stephen
P. Duggan, directeur de l’Institut d’éducation de la Carnegie Foundation ; le général James G. Har-
bord, ancien chef de l’état-major ; F. P. Keppel, ancien secrétaire adjoint à la Guerre ; Henry S. Prit-
chett, président la Carnegie Foundation. Shotwell, A Practical Plan for Disarmament. Draft Treaty of
Disarmament and Security Prepared by an American Group, International Conciliation, 201, août 1924,
p. 338-339. Shotwell, Miller, Bowman, Chamberlain et Duggan ont tous fait partie, à un moment ou
à un autre, de l’Inquiry, un groupe mis sur pied par le gouvernement américain en vue de préparer la
position des États-Unis à la Conférence de la paix (voir DeBenedetti, loc. cit., p. 77).
17. Note préliminaire d’un Comité américain de recherches, Archives du ministère français des
Affaires étrangères (MAE), Papiers d’agents (PA) 104, Albert Lebrun, 6. La note est le résumé en fran-
çais, par Réquin, d’un texte préparé par Shotwell à l’intention du Comité consultatif du parti travail-
liste d’Angleterre.
18. Dans une lettre du 5 mars 1924 au co-auteur du traité d’assistance mutuelle, Lord Robert
Cecil, Shotwell indique la parenté entre les deux projets : « ... La principale similitude est que les trois
sections de votre traité ont été intégrées dans notre plan. Ainsi, trois articles de notre traité provien-
nent du vôtre. Le reste du plan est essentiellement “américain” » (trad.) Shotwell Papers, Correspon-
dence AA, dossier 1922.
19. On retrouve cette prétention pratique dans le titre du projet de traité.
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nismes susceptibles de conduire à la sécurité avant de parler de la fin, le
désarmement menant à la paix : « Nous devons comprendre que l’avè-
nement de la paix et de la sécurité est moins un problème d’organisation
que de fonction. Ainsi, nous devons définir un programme de paix à
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20. (trad.) Shotwell, Working toward Disarmament, The Nation, juillet 1924.
21. Shotwell en fait la remarque durant une réunion du comité américain le 27 mai 1924. Shot-
well Papers, Correspondence AA, dossier 1922.
22. (trad.) Ibid. L’idée est répétée dans l’introduction au projet de traité, A Practical Plan for
Disarmament..., loc. cit. p. 340.
23. (trad.) Shotwell, A Practical Plan for Disarmament..., loc. cit., p. 312.
24. La résolution XIV, § 3 de la IIIe Assemblée de la SDN réitère le droit pour certains pays,
dont en priorité la France, à des mesures spéciales, puisque, « pour des raisons historiques, géographi-
ques ou autres, [ils] courent tout particulièrement le risque d’être [attaqués] ».
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d’entreprendre la guerre, au lieu d’être de simples précautions défensives contre
une attaque possible. [...] Il faut chercher la solution dans un compromis entre
deux points de vue : le point de vue de ceux qui sont réellement en sécurité chez
eux et peuvent en conséquence dénoncer le fait de la guerre elle-même ; et,
d’autre part, le point de vue de ceux, moins heureusement placés, qui vivent tous
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25. (trad.) Shotwell Papers, dossier Disarmament, 1929-1930, vol. 2. Lettre du 2 sep-
tembre 1921 au Pr Clark.
26. Article, sans titre et signé de Shotwell, paru dans la revue L’Europe nouvelle, 20 sep-
tembre 1924, p. 1241-1243.
27. MAE, PA 104, Albert Lebrun, 6.
28. (trad.) The Problem of Security, Annals of the American Academy of Political and Social Science,
juillet 1925, p. 159-161.
29. Shotwell Papers, Correspondence AA, dossier 1922. Shotwell à Lord Robert Cecil,
30 juin 1924.
210 Carl Bouchard
ment, au moment propice, être présenté aux Américains. »30 Les « com-
promis » que l’on retrouve tout au long du projet de traité illustrent ce
désir de concilier à la fois le point de vue américain et celui de la SDN ; ils
affaiblissent en revanche d’autant les chances de réussite du projet sur le
continent européen.
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américain ont voulu rédiger un texte simple et facile d’accès. Au prin-
temps 1924, une première version voit le jour et est publiée intégralement
dans les journaux américains le 18 juin ; peu de temps auparavant, le texte
avait été distribué au secrétariat de la SDN à Genève31. Puis, en août, Shot-
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30. (trad.) Shotwell Papers, Correspondence A, dossier Diary during the making of the Geneva
Protocol.
31. Shotwell, Autobiography, op. cit. p. 184.
32. A Practical Plan for Disarmament..., loc. cit. La description qui suit du projet provient de
cette version.
33. International Information.
34. Parties to the Treaty.
35. Outlawry of Aggressive War.
36. A Practical Plan for Disarmament..., loc. cit., p. 346.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 211
Actes d’agression
La deuxième section découle directement de la première : la guerre
d’agression étant hors la loi, l’acte d’agression l’est aussi. Mais la définition
de ce qu’est l’agression est l’un des problèmes les plus complexes de la
résolution des conflits internationaux. Comment, en effet, dans l’ère
moderne, définir correctement ce qu’est agresser un État voisin ? Déjà, la
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question avait été soulevée à répétition lors de la rédaction du traité
d’assistance mutuelle, et un comité spécial ad hoc de la Commission tem-
poraire mixte en avait été réduit à énumérer, le plus exhaustivement pos-
sible, les actes précis d’agression, sans parvenir toutefois à s’entendre sur
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La formule est très simple : l’État agresseur est celui qui refuse de
reconnaître la décision, donc la compétence, de la Cour de justice inter-
nationale. Tous les autres cas d’agression lui sont subordonnés. Un État
signataire39 découvrant un quelconque signe de mobilisation ou menant à
une politique agressive de la part d’un autre État peut en appeler tout de
suite à la cour de justice40. Si l’un des deux États refuse la décision de la
cour, il est immédiatement déclaré l’agresseur. Toute interprétation poli-
tique est volontairement écartée ; seul demeure le droit incarné par la
Cour :
« [Le plan] ne s’occupe pas des actes qui constituent des provocations ni, en
aucune manière, de la politique au sens large du mot. Il laisse la considération des
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problèmes politiques à d’autres instruments, par le moyen de la diplomatie, de la
médiation, de la conciliation ; et il faut porter toute son attention sur la seule
question de savoir si un acte caractérisé d’agression a été commis ou est en prépa-
ration. L’agression doit donc être envisagée en un sens beaucoup plus étroit
qu’on ne l’a fait jusqu’ici. Le plan ne s’occupe pas de justice, mais de procédure.
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Il déclare que la procédure de la guerre est illégale. Il déclare que, désormais, des
solutions de justice ne doivent pas être recherchées par des recours à la force qui
plongent le monde entier dans la tragédie de la guerre, puisqu’il n’est plus pos-
sible aujourd’hui de localiser les effets de ces actes et qu’ils s’étendent à toute la
communauté des nations. »41
Cet angle inusité donné à la détermination de l’agresseur, pris dans un
sens strictement juridique et axé non pas sur la compétence du Conseil de
la SDN mais bien sur celle de la Cour de justice internationale, s’inspire du
désir, populaire dans les milieux internationalistes anglo-saxons, de codi-
fier le droit international42. Or, une telle codification s’oppose à la souve-
raineté ultime des États. En effet, tout système visant à contraindre les
États à agir est loin de faire l’unanimité, et, surtout, toutes les grandes
puissances y sont farouchement opposées. Il faut alors, pour les membres
du comité américain, trouver une formule qui permette d’infléchir leur
position : ils sortiront de l’impasse en proposant le principe des sanctions
permissives43.
39. Il est évident que l’universalité du traité est une condition de sa réussite. Le projet de Shot-
well est assez bien accueilli en Allemagne, et Shotwell affirme qu’il répond presque en tous points aux
préoccupations soviétiques. Voir à ce propos la lettre du 4 juin 1924 à Lord Thompson dans les Shot-
well Papers, Correspondence A, dossier 1924 (1).
40. A Practical Plan for Disarmament..., loc. cit., p. 344.
41. L’Europe nouvelle, loc. cit.
42. Hogge, op. cit., p. 327.
43. Shotwell en attribue l’initiative à David Hunter Miller. Face au conflit entre le renforce-
ment du droit et la souveraineté des États, Miller aurait proposé au comité cette solution de compro-
mis. Shotwell, Autobiography, op. cit., p. 183. Josephson, op. cit., p. 124, affirme que Shotwell était au
départ un partisan des sanctions obligatoires et automatiques mais qu’il a rapidement compris la faible
portée pratique de cette option.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 213
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conséquences devant la communauté internationale. Or, au lieu d’im-
poser aux États signataires du traité une assistance obligatoire à l’État
agressé ou la mise en place de mesures punitives à l’endroit de l’État agres-
seur, le plan américain estime que le seul fait d’être hors-la-loi et exposé à
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Le désarmement
Dans le projet de traité des experts américains, le désarmement est
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47. Lettre au sénateur Borah, 1er décembre 1924, Shotwell Papers, Correspondence A.
48. A Practical Plan for Disarmament..., loc. cit., p. 354.
49. Shotwell Papers, Diary during the making of the Geneva Protocol, journée du
17 août 1924.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 215
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en présence de ces citoyens américains qui interviennent sur la place
publique à Genève : « Il apparaît de plus en plus que le gouvernement
américain suit avec une attention mêlée d’inquiétude, les séances de l’As-
semblée de Genève. Je tiens de très bonne source qu’on est très anxieux
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50. Le New York Times diffuse le texte du projet le 18 juin 1924 et lui accorde son appui en édi-
torial.
51. Télégramme du 24 juin 1924 de Shotwell à Arthur Sweetser, Shotwell Papers, Correspon-
dence AA, dossier 1924 (2).
52. (trad.) Toward the Outlawry of War, New Republic, 29 juillet 1924, cité par Josephson,
op. cit., p. 125. Josephson avance que l’appui de Borah s’explique par le fait que le projet américain est
une « alternative à la Société des Nations » par l’accent qu’il met sur le rôle de la Cour de justice inter-
nationale au détriment du Conseil de la SDN.
53. MAE, SDN 710. Télégramme de Laboulaye au MAE, 5 septembre 1924.
54. Le général Bliss est aussi, sinon davantage connu que Shotwell en Europe. Le quotidien
Paris-Soir publie à la une de son édition du 5 septembre 1924 un portrait élogieux du général, qualifié
d’ « homme du jour » à Genève. Le journal soutient que « le général Bliss est le principal signataire du
programme américain qui est soumis à l’assemblée de la Société des Nations ».
216 Carl Bouchard
Réquin rejette à peu près complètement le plan, ce qui n’a rien d’éton-
nant de la part d’un des deux initiateurs du traité d’assistance mutuelle
qui, bien que toujours en instance de ratification, est pratiquement désa-
voué55. Point par point, Réquin récuse les propositions du comité améri-
cain. Son argumentation repose essentiellement sur un élément : la France
ne cesse depuis 1919 de faire des concessions que l’on interprète ailleurs
comme des compromis, dont le dernier exemple en date est le traité
d’assistance mutuelle. Le nouveau plan américain exigerait encore une
fois des concessions françaises :
« C’est à tort que le Comité américain suppose qu’il s’agit de trouver “un
compromis” entre deux thèses, dites “française et anglaise”. En réalité, le projet
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actuellement soumis à l’examen des gouvernements [le traité d’assistance
mutuelle], est déjà lui-même le résultat d’un compromis, pour lequel les représentants
français sont allés jusqu’à l’extrême limite des concessions, s’ils ne l’ont pas même
légèrement dépassée.
Il ne faut pas oublier que la France a fait les plus grands efforts pour se rap-
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procher de la thèse des partisans du traité général et pour donner tous les apaise-
ments nécessaires à ceux qui jugent dangereux les accords particuliers, et qu’elle
n’a pas hésité à prendre officiellement position à cet égard. Il ne serait ni juste, ni
honnête qu’un autre gouvernement, qui jusqu’ici n’a participé aux négociations
que sous une forme officieuse, vienne prendre le point d’aboutissement de celles-
ci, comme le point de départ de nouveaux pourparlers sans tenir aucun compte
des concessions déjà faites par la France pour la convier à rechercher de nouveaux
compromis ! »56
Cette critique sévère de l’esprit dans lequel est conçu le plan améri-
cain n’indique rien de bon quant à sa réception en France. Le 26 août,
une nouvelle rencontre avec le colonel Réquin permet à Shotwell de
mieux comprendre la méfiance française à l’égard du projet : « Nous
avons passé l’après-midi de samedi à nous interroger, en compagnie du
colonel Réquin, sur la position française concernant nos deux projets. Il
s’est nettement dégagé l’impression que les Français sont à ce point
découragés par l’attitude américaine qu’ils croient que l’Amérique ne
signera jamais rien, peu importe le traité. Ils ont donc choisi d’aller de
l’avant avec leur projet plutôt qu’avec le nôtre. Nous croyons que cela est
très bien, en autant que leur projet puisse ultérieurement impliquer
l’Amérique. »57
Ainsi, la France voit dans les États-Unis un compagnon trop peu loyal
et craint que le projet américain soit une entreprise trop incertaine pour
qu’elle envisage sérieusement de s’y impliquer, particulièrement s’il n’est
55. Shotwell Papers, Correspondance AA, dossier 1924 (2). Observations [du colonel Réquin]
au sujet de la note du Comité américain sur la politique de désarmement. Shotwell raconte dans son
journal personnel que Joseph Paul-Boncour lui a affirmé que Réquin était contre le plan américain
par « orgueil personnel », Diary during the making of the Geneva Protocol, 1er septembre 1924.
56. Ibid. Le soulignement est de Réquin.
57. (trad.) Shotwell Papers, Diary during the making of the Geneva Protocol, journée du
26 août 1924.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 217
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tembre, le plan américain est soumis à l’examen attentif des diplomates et
conseillers afin d’en tirer de quoi élaborer la position française.
Le 28 août, Shotwell, Miller et Bliss décident d’adapter leur projet de
traité pour le rendre plus conforme aux procédures en vigueur à la SDN,
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nale incontournable, au détriment du Conseil de la SDN, que le plan
américain est si menaçant : « Le général Debeney, en parlant hier par le
téléphone avec M. Laroche, l’a entretenu du projet américain de traité
d’assistance. Il le trouve dangereux. Ce projet, qui est d’ailleurs présenté
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62. La question des accords défensifs est importante. La France tient à ce que les États puissent
conclure des accords bilatéraux à caractère défensif dans la mesure où le texte de l’entente est rendu
public et les articles qui le composent soient conformes au pacte de la SDN. Un accord général consti-
tuerait pour la France une négation de son statut d’exception et ne garantirait pas la sécurité nationale.
63. Note pour la délégation française à la SDN, 1er septembre 1924, MAE, SDN 710. Le souligne-
ment est de Réquin.
64. Note non signée pour le président du Conseil du 3 septembre 1924, MAE, SDN 710. Pour la
réponse de Shotwell à cette critique, voir supra 60.
65. SHAT, SDN, 7N3530. Note du général Debeney sur le projet américain de traité de désarme-
ment et de sécurité, envoyée à J. Paul-Boncour, 3 septembre 1924. Le soulignement est de Debeney.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 219
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Pourtant, Fromageot, le plus consulté des conseillers juridiques du Quai
d’Orsay, reproche justement, un an plus tôt, au traité d’assistance
mutuelle d’être trop politique, alors que celui-ci laisse au Conseil la prise
de décision :
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66. Voir à cet effet Pierre Gerbet, Le rêve d’un ordre mondial de la SDN à l’ONU, Paris, Imprimerie
nationale, 2e éd., 1996, p. 42.
67. Louis Aubert, du SFSDN, dans une note du 11 septembre 1924 envoyée à Léon Bourgeois et
à la délégation française de Genève, résume très bien la méfiance française à l’endroit de l’Angleterre
et des États-Unis, que l’on soupçonne presque de comploter contre la France, MAE, PA 29, Léon
Bourgeois 37.
68. Note Fromageot, 21 août 1923, sur le projet de traité d’assistance mutuelle, MAE, PA 18,
Alexandre Millerand 5.
220 Carl Bouchard
américain sont donc tous les deux « dangereux » pour la France69. Dans
tous les cas, le principe de la souveraineté nationale et de l’exception fran-
çaise forment la base de la critique : en aucun cas la France ne doit être
contrainte d’agir contre son gré.
Malgré toutes ces condamnations, le projet américain est suffisamment
intéressant pour qu’on envisage de s’en servir. Sous forme de tableau, un
examen très approfondi des options françaises à la lumière du plan améri-
cain est présenté début septembre au SFSDN. Axé sur trois textes, soit le
plan américain, le traité d’assistance mutuelle et les avis de la Commission
d’études du conseil supérieur de la défense nationale (CSDN), l’étude
aboutit, au terme de l’analyse croisée des trois projets, à des « propositions
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d’amendements du projet américain », ce qui montre que, même critiqué,
le projet peut ouvrir la voie à une nouvelle politique française70. Au-delà
de la fierté nationale et des considérations théoriques, le plan américain
représente malgré tout le premier projet conçu à l’extérieur de la France
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69. Fromageot n’est pas non plus partisan du plan américain, si on se fie à une note adressée à
Clauzel, chef de la délégation française à la SDN : « Après avoir consciencieusement lu le papier que je
vous renvoie ci-joint, relu et médité – en toute bonne foi je vous assure –, mon sentiment est que
cette élucubration, comme les précédentes, dénote une naïveté que je crois incompatible avec les
qualités nécessaires aux hommes d’État », MAE, PA 29, Léon Bourgeois 37.
70. MAE, SDN 710. Étude comparative sur le projet américain, le projet de la 3e commission de la
4e Assemblée et les avis de la Commission d’études du conseil supérieur de la défense nationale. Le
document n’est pas daté mais il a été certainement rédigé après le 28 août, puisqu’il fait allusion à la
nouvelle version du projet américain, et avant la fin de la Ve assemblée.
71. Shotwell, Autobiography, op. cit., p. 187-188.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 221
notre plan et que, conscients du contexte actuel, nous n’avions pas voulu
y introduire des sanctions qui ne pouvaient pas être acceptées par tous. J’ai
tenté de démontrer aussi clairement que possible que la faiblesse et l’échec
du traité d’assistance mutuelle étaient dus au fait que l’on avait refusé de
reconnaître la réalité. »72
Lien avec la réalité, désir de satisfaire le plus grand nombre : le plan
américain cherche avant tout à créer une ambiance de bonne entente et
de compromis susceptible de mener au désarmement. Mais la France n’est
pas, en 1924, à la recherche d’une formule générale qui saurait satisfaire
tous les États, comme l’a écrit Réquin à Shotwell : « On aimerait [...] voir
le comité américain admettre qu’il s’agit avant tout de résoudre le pro-
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blème franco-allemand, bien plutôt que d’élaborer des formules très géné-
rales susceptibles de s’appliquer à de problématiques conflits entre le Chili
et le Danemark par exemple. »73 Le message de Herriot à Shotwell n’est
pas différent : la France désire uniquement des garanties de bonne
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conduite de l’Allemagne et, si tel n’est pas le cas, une assurance que les
autres puissances la soutiendront en cas d’agression.
La rencontre entre les deux hommes se termine par une promesse de
se revoir à Genève pour discuter à nouveau du plan. Bien que le journal
L’Intransigeant indique à sa une que « le plan américain de désarmement
dont il fut question [lors de la rencontre entre Herriot et Shotwell] n’est
pas reconnu », il ajoute tout de même que « M. Herriot apporte, dit-on,
un plan français dans ses bagages »74. Shotwell, qui se déclare satisfait de sa
rencontre, espère que le président du Conseil, s’il prépare un plan fran-
çais, s’inspirera des idées essentielles qu’il vient de lui exposer.
Plus sensible au potentiel du comité américain, Joseph Paul-Boncour
discute le soir même avec Shotwell de l’avenir du plan. Le diplomate
français, qui préside le CSDN, soutient l’initiative concernant l’agression et
donne son accord au principe des conférences périodiques sur le désarme-
ment. Les deux hommes s’entendent bien, et leur correspondance dans les
mois qui suivent, notamment lors de la rédaction du protocole de
Genève, dénote un désir commun de renforcer les liens entre les États-
Unis et l’organisation internationale.
Si le gouvernement français n’a pas cru bon de soutenir intégrale-
ment le plan américain à la SDN, entre autres à cause des critiques soule-
vées par les militaires, il ne l’a pas non plus rejeté entièrement. Herriot et
Paul-Boncour ont retenu au moins un élément du plan Shotwell pour
en faire une partie de la proposition officielle de la délégation française.
Ils ont été séduits par le principe de l’arbitrage obligatoire induit par la
définition stricte de l’agression, suffisamment pour qu’Herriot en fasse un
énoncé clair lors de son discours devant l’Assemblée de la SDN le 5 sep-
72. (trad.) Shotwell Papers, Correspondence AA, Diary during the making of the Geneva Pro-
tocol.
73. Shotwell Papers, Correspondence AA, dossier 1924 (2). Le soulignement est de Réquin.
74. L’Intransigeant, 4 septembre 1924.
222 Carl Bouchard
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vaux résultera le protocole pour le règlement pacifique des différends
internationaux ou protocole de Genève. Bien que James Shotwell rédige
une introduction élogieuse au nouveau traité dans le numéro de Interna-
tional Conciliation79 consacré au protocole et affirme plus tard qu’il s’agit
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75. Réduction des armements. Débats de la Ve Assemblée du 4 au 6 septembre 1924, op. cit., p. 47.
Herriot lance aussi un appel aux États-Unis pour qu’ils continuent à s’intéresser aux travaux de la
SDN : « Et tout d’abord, nous voulons continuer à espérer que les États-Unis, qui rendaient à Londres,
récemment, tant de services, dont je les remercie, ne nous refuseront pas leur fraternelle collaboration,
surtout s’ils voient que nous avons placé au centre de nos organisations l’idée si féconde et si juste de
l’arbitrage. Déjà des Américains d’élite nous ont soumis des formules qui doivent retenir notre
attention. »
76. Ibid., p. 19.
77. Notes en préparation de l’autobiographie, Shotwell Papers, Correspondence A.
78. On retrouve l’analyse des différents projets préfigurant le protocole de Genève dans
l’annexe 5 des Actes de la cinquième assemblée. Procès-verbaux de la troisième commission (réduction des arme-
ments), Société des Nations, Journal officiel, Supplément spécial no 26, 1924.
79. Plans and Protocols to End War. Historical Outline and Guide, International Conciliation,
vol. 208, mars 1925, p. 78-109.
80. (trad.) The Challenge to Peace, Our World, décembre 1924, vol. 6, no 3, p. 4.
81. L’article 10 du protocole définit généralement comme agresseur « tout État qui recourt à la
guerre en violation de ses engagements au pacte de la SDN ou au présent protocole » ; plus spécifique-
ment, l’agresseur est celui qui aura refusé de se soumettre à l’arbitrage ou n’aura pas reconnu les déci-
sions du Conseil relatives à cet arbitrage. « Protocole pour le règlement pacifique des différends inter-
nationaux », Société des Nations, Journal officiel, Supplément spécial no 1, octobre 1924.
82. Ibid., p. 129.
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 223
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au stade d’évolution des relations internationales : « Les auteurs du proto-
cole rêvent encore d’un plan parfait, sans défaut, “hermétique” ; un de ces
plans qui pourraient garantir immédiatement l’humanité contre toutes les
guerres. Ils ont cru que les vagues propos de McDonald et de Herriot à
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Conclusion
Que signifie l’épisode du plan américain de 1924 dans l’histoire des
relations internationales dans l’entre-deux-guerres ?
Premièrement, le plan américain marque la fin d’une période qui
débute en janvier 1920, après la non-ratification du traité de Versailles par
le Sénat américain. Depuis ce moment, la plupart des promoteurs de la
83. (trad.) Discours au National Republican Club, relaté par le New York Times, 11 jan-
vier 1925.
84. Shotwell fait sien le propos du général Bliss : « J’ai l’impression que le comité est devenu
“fou furieux” [run amuck] ! » (trad.) Shotwell Papers, Correspondence A, Notes en préparation de
l’autobiographie.
85. « J’ai toujours craint qu’ils n’y aillent un peu trop fort, et que nous ayons à faire face au refus
de certains gouvernement de ratifier le protocole, nous laissant à peine plus loin que nous aurait laissés
l’Assemblée si elle avait été moins ambitieuse » (trad.) Copie d’un extrait d’une lettre au général Bliss,
non datée, ibid.
86. (trad.) Lettre du général Bliss à Shotwell, 9 octobre 1924, ibid. Le soulignement est de Bliss.
87. Jacques Bariéty, Le “pacte Briand-Kellogg de renonciation à la guerre” de 1928, dans
J. Bariéty et A. Fleury (dir.), Mouvements et initiatives de paix dans la politique internationale, Berne, Peter
Lang, 1987, Collection association internationale d’histoire contemporaine de l’Europe, p. 355-369.
L’auteur ne s’intéresse guère au rôle joué par Shotwell dans la genèse du pacte de Paris mais il
explique l’esprit dans lequel a été rédigée puis accueillie l’entente.
224 Carl Bouchard
SDN sont d’avis que les États-Unis intégreront tôt ou tard l’organisation
internationale, le refus de ratifier le traité de Versailles n’étant perçu que
comme un problème ponctuel de politique intérieure et non comme un
rejet pur et simple du rêve de Wilson. En 1924, une perche est justement
tendue de l’Amérique à l’Europe grâce au plan américain : on envisage
pendant quelques temps une entente entre les intérêts américains et les
efforts de paix de la SDN. Le protocole de Genève issu de l’Assemblée
de 1924 conserve bien deux éléments du plan Shotwell, mais, en écartant
le principe des sanctions permissives, la SDN se ferme à la participation des
États-Unis. Après 1924, le renforcement de la paix est limité à l’Europe et
prend la forme des accords de Locarno. L’entrée des États-Unis dans la
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SDN n’est donc plus qu’un vague espoir partagé par quelques irréduc-
tibles ; l’accent est désormais placé sur une collaboration hors de l’orga-
nisme de Genève.
Deuxièmement, en examinant le contexte dans lequel a été rédigé le
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plan américain et l’accueil qui lui a été réservé en France, nous constatons
une incompatibilité qui tend à expliquer l’échec de l’entreprise initiale de
Shotwell et permet de mieux comprendre l’origine du pacte Briand-
Kellogg.
Si les Américains, comme les Français, se réclament du réalisme, dans
la mesure où chacun reproche à l’autre de ne pas tenir compte des réalités,
leurs attitudes respectives expriment surtout, on l’a vu, leurs conceptions
divergentes des relations internationales. Les Français ont un réalisme que
l’on peut qualifier de restreint, puisqu’il s’exprime essentiellement par la
peur de l’agression allemande. Cela les amène, par exemple, à insister
pour que le protocole de Genève contienne une clause de sanctions obli-
gatoires, tout en sachant que cela rend du même coup improbable la
ratification du texte par la majorité des gouvernements, dont celui des
États-Unis. Quant aux Américains qui rédigent le plan soumis à la SDN, ils
prétendent être guidés par un réalisme général, plus conscient de l’en-
semble international. Ils estiment comprendre le problème français de
sécurité mais fondent l’ensemble de leur projet sur deux principes illu-
soires : d’une part, celui de la mise hors-la-loi de la guerre, qui suppose
une codification sérieuse des relations internationales que l’Amérique
refuse de mettre en place au nom de son indépendance d’action tradition-
nelle ; d’autre part, le principe des sanctions permissives, inadmissible en
France puisqu’il s’oppose aux garanties effectives. Devant l’impasse, quelle
option reste-t-il ? Le seul point d’entente politique réside dans un accord
où la moralité prend le pas sur le droit, où la sanction réelle est gommée
par la croyance en la force de persuasion de l’opinion publique mondiale :
ce sera le pacte Briand-Kellogg de 1928.
Ce texte est encore aujourd’hui perçu comme un symbole d’idéalisme
naïf mais il illustre plutôt l’extrême complexité de concilier les intérêts
contradictoires des grandes puissances en matière de sécurité, à moins de
s’en tenir à des formules générales et à des déclarations d’intention vides
de toute implication réelle. À la lumière des efforts vains que Shotwell a
Le « plan américain » Shotwell-Bliss de 1924 225
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Carl BOUCHARD,
doctorant en histoire,
Paris III – Montréal.
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