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Une expérience d’investissement du capital-travail : la

Promotion nationale au Maroc


1961-1965
Dans Monde Arabe 1965/5 (N° 11), pages 35 à 45
Éditions La Documentation française
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.011.0035
© La Documentation française | Téléchargé le 29/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.247.222.192)

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NEGOCIATIONS ET CONCLUSION DE L'ACCORD PETROLIER FRANCO-ALGERIEN 35

C'est lui qui devra réaliser l'accord des deux parti·es, puis- Mais l·e compromis suppose un prolongement. Il faut
qu'il est paritaire, pour le choix des projets industriels que l'Association coop érative existe, fonctionne, trouve
et des modalités du financement. Il recevra en outre la et vende du pétrole. Il faut que les sociétés conc~ssion­
responsabilité d'e ffectuer toutes études utiles et le gouver- naires consolidées continuent d'exploiter leurs gisements
nement algérien a prévu de le charger de réaliser tout ou de man iè re rentable. Il faut que le gaz soit effectivement
parti e d'un projet déterminé. vendu en quantités importantes, sur 1-e marché français
notamment. Il faut enfin que l'aide française à l'Algérie
su·s cite une industrialisation rapide.

L'accord intervenu mériterait une analyse plus détaillée Cette énumération montre que l'application de cet ac-
et plus complète, mais il a paru plus opportun d'éclairer cord sera déterminante pour le succès de l'entreprise.
les textes signés par une longue considération oes motifs Cela suppose que soit poursuivie une politique de coopé-
et des mobiles vraisemblables de chacun des deux parte- ration étroite et confiante. Mais l'accord lui-même s'insère
naires. Au terme de ce trop rapide survol des engage- dans une réalité mondiale, que les relations franco-algé-
ments pris de part et d'autre une double réflexion s'im- riennes ne peuvent ignorer. Si le prix du pétrole s'effon-
pose. drait sur le marché mondial, les concessions faites du côté
français, en matière fiscale, constitueraient des charg·es
Cet accord a complètement transformé le climat qui ré- trop lourdes pour les sociétés, compte tenu du prix de
gnait à I'~!Utomne 1963. Ce qui semblait compromis a fina- revient actu·el du pétrole saharien. A l'inverse, si des dé-
lement été rétabli, qu'il s'agisse du pétrole ou de la négo- couvertes de gaz considérable'.> étaient faites en Europe,
ciation. En ce sens c'est la victoire d'une certaine politique l'Algérie aurait alors peut-être abandonné la proie pour
voulue à Alger et à Paris sur des divergences d'Intérêt l'ombre, en revendiquant la rente du sous-sol pour une
évidentes. marchandise qui ne serait pas effectivement vendue.
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UNE EXPERIENCE D'INVESTISSEMENT DU CAPITAL-TRAVAIL :

LA PROMOTION NATIONALE AU MAROC

1961-1965

La Promotion nationale - initialement appelée Promo- L'expan·sion démographique, la pénurie des capitaux et
tion rural·e - fut lancée en juillet 1961. Elle se fondait des cadres, le chômage, le poids de la paysannerie ont
sur la constatation que, sans une action de restauration été suffisamment analysés pour qu'il ne soit pas utile d'y
des régions défavorisée·s, la modernisation des terres ri- revenir. C'est la toile de fond devant laquelle évolue
ches comme les efforts d'industrialisation seraient voués à l'action de la Promotion nationale. Mais celle-ci entendait
l'échec. L'accentuation du dualisme de l'économie, la s'attaquer plus particulièrement à trois faits majeurs, inti-
croissance démographique, le sous-emploi ne feraient mement liés les uns aux autres : les zones marginales
qu'accélérer l'exod·e rural, augmenter le nombre des chô- (sous-développées économiquement et autarciques), le
meurs dans l·es bidonville·s et annihiler la mise en valeur sous-emploi, la destruction des sols.
rationnelle des ·secteurs d'i ntensification agricole.

Mais l'originalité de la Promotion nationale - le pari Ce devait être la marque propre de la Promotion natio-
qu'elle proposait - était de vouloir utiliser pour atteindre nale, l'élément nouveau qu'eli'e allait apporter, que de
son but, des moyens auxquels les économistes et les tech- vouloir se servir des sous-employés pour rénover les ·sols.
nicien·s n'accordaient guère de crédit. «Mettre au travail Désormais en créant du travail on allait pouvoir recréer
les hommes sous-employés des campagnes pour qu'ils de la terre. Œuvre de longue haleine mais qui contribue-
transforment leur sol et leur sort. Recourir à cette réserve rait en même temps à maintenir la population rurale sur
de travail comme à un capital et l'investir dans l'exécu- place et à l'associ·e r directement à l'amélioration de son
tion de travaux productifs mais relativement simples du niveau de vie comme à la régularisation de sa produc-
point de vue technique. •• tion. Ce serait aussi, progressivement, favoriser l'entrée


36 ETUDES ET NOTES

des reg1ons marginales dans le circuit économique mo- Des visites du délégué général, des membres de son
derne et contribuer à l'élargissement d'un marché inté- équipe ou du Comité technique, des séances de travail
rieur, sans lequel aucun avenir ne s'ouvre à !~industrie. à Rabat, des échanges constants assurent une liaison et
une collaboration étroites entre les provinces et la capi-
La Promotion nationale n'était donc pas guidée seule- tale.
ment par un souci humanitaire, mais se fondait d'abord
sur une obligation économique.
LE FINANCEMENT

Au commencement la décision fut prise de maintenir le ·


taux de salaire qui avait été fixé pour les chantiers de
chômage : quatre dirhams par jours ; c'était moins que
La mise en c:euvre le tarif légal, mais souvent beaucoup plus que le revenu
du fellah ou du khammè·s (1). Par la suite la Promotion
nationale devait parvenir à établir des taux de rémuné-
ration adaptés à la nature des travaux et en rapport avec
Les idées de base définies, restait à passer à l'action. le bénéfice que les travailleurs en retirent.
Comment résoudre les problèmes d'organisation, de finan-
cement, d'encadrement et de programmation ? En effet la Les ressources proviennent : d'un côté des surplus cé-
Promotion nationale n'avait de <Sens que dans la mesure réaliers qu'offrent les Etats-Unis - par le canal de l'a-
où elle serait systématique, globale et permanente. gence américaine de Développement (U.S.A.I.D.) - per-
mettant de servir une part des salaires directement en
nature (sous forme de grains ou de farine) ; d'un autre
côté du budget marocain qui prend en charge les salaires
en espèces, les dépenses de matériel, de matériaux, de
L'ORGANISATION transport. Les sommes nécessaires sont versées à un
compte spécial du Trésor.
La création d'une administration (ou d'un Office) dotée
de son propre personnel, de son propre budget de fonc- A partir de 1963 des modalités de financement un peu
tionnement, de ses services techniques, fut délibérément plus complexes ont été introduites. Elles correspondent
rejetée. On ne souffrait déjà que trop d'une machine à des différences de réalisations et traduisent le fait que
lourde et complexe pour venir y ajouter un rouage supplé- la Promotion nationale e·st entrée dans les mœurs. Depuis
mentaire. Au contraire il s'agissait de simplifier des cir- 1963 l·es programmes sont divisés en quatre catégories de
cuits, d'utiliser plus efficacement les moyens déjà exis-
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travaux.
tants, de réorienter l'action de Services et d'agents de
di·s ciplines variées par la réalisation d'une œuvre com- La première catégorie comporte ceux des travaux que
mune. les services techniques auraient exécutés habituellement
en fa isant appel à la machine et aux entreprises mais
qu 'ils considèrent désormais réalisables - du point de
Mettant en jeu aussi bien l'administration qu·e la popu- vue technique et économique - par la méthode de
lation, la Promotion nationale ne pouvait être rattachée à la Promotion nationale. Ces projets sont maintenu·s à
un département particulier sans risquer de se voir bientôt la charge du service intéressé, inscrits à son budget, diri-
limitée. Aussi a-t-elle été rattachée directement au Sou- gés et financés par lui , à l'exception de la part du salaire
verain qui préside un Conseil supérieur commun à la Pro- en nature, versée par la Promotion nationale. Une telle
motion nationale et au Plan et qui rassemble les ministres formule a un double avantage : elle étend le champ d'ac-
comme les représentants élus des provinces et des pro- tion de la Promotion nationale au domaine technique et
fessions. A la tête, p-o int de service, mais une équipe très assure la qualité de travaux plus délicats en les confiant
restreinte composée d'agents de diverses origines déta- à des techniciens ; elle diminue les charges du Trésor
chés auprès d'un Délégué général. Celui-ci, -assisté pério- qui n'a à dépenser que la moitié des salaires, l'autre moi-
diquement d'un Comité technique, e·st chargé d'orienter tié étant constituée par de·s denrées offertes gratuitement.
et de coordonner les projets formant le programme de
chaque province qui sera soumis au Conseil supérieur. Les trois autres catégories rassemblent les projets que
Organisation donc aussi légère et souple que possible, la population et les caïds peuvent exécuter sans la tutelle
d'un coût de fonctionnement très réduit, à la recherch-e permanente de techniciens. L'ingénieur, dans ces cas, éta-
du maximum de simplification et d'efficacité administra- blit au préalable une fiche · technique qui servira de guide,
tives. de •• mode d'emploi •• , il surveille périodiquement l'état des
réalisations, mais laisse à la Promotion nationale le soin
Les mêmes principe·s guidèrent l'organisation provin- de les financer. Ces trois catégories correspondent à trois
- ciale. Le Gouverneur préside un Conseil provincial qui types de chantiers :
réunit les caïds (administrateurs locaux), les techniciens
régionaux et les membres élus des communes. A ce Con-
seil incombe la tâche d'examiner et de rassembler les (1) Le revenu moyen annuel de l'agriculteur ne dépasse pas
BOO DH et cette moyenne recouvre des disparités régionales ou
propositions émanant aussi bien de la population que des individuelles très accusées. Ainsi, dans le Rif, le revenu moyen
services techniques, avant de les présenter au délégué annuel par foyer et non plus par Individu est d'environ 775 DH ;
dans la province pré-saharienne du Tafilalet, à la morte saison,
général. la journée· de travail se paie 0,50 OH .


LA P R 0 M 0 T 10 N NAT 1 0 NA LE 'AU MAR 0 C 37
·.

chantiers d'i ntérêt général : les ouvriers y perçoivent à définir et adapter des conditions nouvelles d'exécution.·
plein salaire ; Sa souplesse administrative, h~s ressources qu 'elle appor-
tait en même temps qu 'u n esprit nouveau , firent ,de la .1
chantiers intéressant directement ceux qui s'y em- Promotion nationale un outil de développement des pro-
ploient : les ouvriers travai llent gratuitement et ne re- vinces. Ainsi les premières bases d'un programme provin-
ço ivent qu'une aide en matériaux ; cial pouvaient être posées et l'accent porté, selon les
particularités provinciales, sur tel ou te l type de travaux.
chantiers intéressant une collectivité réduite : demi-
·salaire versé uniquement en nature.

Entre les ann ées 1963 et 1964, environ deux millions de


journées de travail ont ainsi pu être exécutées sans sa-
laire ou à demi-salaire. Malgré sa complication apparente,
ce système permet çl 'intensifier la mise en valeur et l'équi- Les résultats
pement des zones marginales et illustre les · possibilités
qu 'offre l'investissement-travail. Nous y reviendrons.
SUR LE PLAN DE L'EMPLOI

Depuis son lancement en juill·et 1961, jusqu 'en décem-


LE PROGRAMME - L'ENCADREMENT bre 1964, la Promotion nationale a utilisé environ 48 mil-
lions de journées de travail. Ce qui représente l'emploi
Certes, ce n'est qu'au fil des années et des expériences de 65.000 ouvriers durant 200 jours chaque année. Il ne
que la Promotion nationale est parvenue - et beaucoup s'agit pas toujours de créations d'·e mplois permanents,
reste encore à faire - à établir de·s programmes cohé- mais il est permis d'affirmer que la Promotion nationale
rents ·et rentables. Les deux premières années, les caïds est l'un des plus importants employeurs du pays. Elle a·
· avaient tendance à proposer des projets à caractère peut- empêché ainsi la dégradation du niveau de l'emploi au
être charitables, mais sans valeur ni intérêt. La population cours d'une période de récession des activités et . des
de son côté, croyant les ressources de l'Etat inépuisables, investissements.
demandait parfois d·es travaux inutiles et ostentatoires, par-
fois aussi à être payée pour faire ce qu'elle avait toujours En effet, la moyenne des journées effectuées correspond
fait jusqu 'alors par elle-même. Les techniciens enfin, pré- à peu près au chiffre d'accroissement annuel de la popu-
textant les réactions précédente·s, se montrai·e nt réticents lation d'âge actif. Sur ces 48 millions de journées, au
et sceptiques devant une méthode si peu classique qu 'ils moins 32 millions ont été consacrées aux régions margi-
n'avaient pas eu l'occasion de l'étudier dans les écoles. nal·e·s. C'est dire combien la Promotion nationale a contri-
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bué à combattre le sous-emploi dan·s ces zones défavori-
Pourtant, peu à peu , la foi d'un petit nombre se propa- sées où l'action du secteur privé aussi bien que du sec-
gea. teur pu?lic est habituellement peu sensible sinon nulle.
Un autre obstacle, plus difficile et plus long encore Jusqu'en 1963, les programmes suivirent l'année agri-
à surmonter, fut et reste le manque de cadres. Ce man- cole de juillet à juillet.
que, général à l'ensemble du pays, est encore plus cruel-
lement sensible dans les régions lointaines et défavori-
sées. tLes jeunes techniciens répugnent à s'isoler dans le - Le programme 1961 réali·s ait . . . 13.638.000 journées
Sud, non ·s eulement à cause de l'éloignement et des con-
ditions de vie, mais aussi parce qu 'ils croient ne pas pou-
voir réaliser autant, la réalisation n'étant pour eux pos-
-
-
Le programme 1962 ... . .. . ... .
•Les " premiers mois du progra-
me '-f63 réalisaient .. .. . .. . . . .
-
13.672.000 journ~s

5.000.000 journées
sible que grâce à l'accumulation de moyens riches et né-
cessairement, liée au spectaculaire.
A compter de 1964 le programme Promotion nationille
Enfin l'insuffisance des technici·ens conduit à une in·s uffi- s'alignait sur l'année budgétaire et commençait en jan-
sance des études, empêchant . ou retardant la mise en vier.
œuvre de projets pourtant nécessaires. Là encore la Pro-
motion nationale ne voulait ni ne pouvait apporter une Ramenés au calendrier grégorien nous obtenons les chif-
solution uniforme et totale. En effet, si elle péut former fres suivants :
sur le tas ou au niveau des provinces les petits cadres
dont ene a besoin, il ne peut être question pour elle de - de juillet à décembre 1961 6.500.00 journées
former ses propres techniciens. Son but n'est pas de se - de janvier à décembre 1962 15.700.000 journées
substituer à la mission des administrations compétentes. de janvier à décembre 1963 10.100.000 journées
Mais ce qui est en son pouvoir, c'est de faire pression
sur les responsables pour qu' ils ne négligent point les de janvier à décembre 1964 15.500.000 journées
problèmes des secteurs dont elle s'occupe plus particu-
lièrement, c'est de susciter chez les ingénieurs· locaux des A ce bilan il convient d'ajouter pour 1961 : 900.000 jour-
initiatives créatrices, chez les administrateurs et les popu- nées con·s acrées à la construction d'écoles ; et pour 1962 :
lations un esprit d'entreprise. La réussite de certaines 800.000 journées pour l'édification de maisons communa-
tentatives, l'échec d'autres conduisirent, par expérimenta- les. Pour 1964 : 450.000 journées employées au lancement
tions successives, à établir des principes de réalisation, du projet Derro. ·
38 ETUDES ET NOTES

Sur le plan de l'emploi, l'année 1962 constitue donc Les réalisations


l'année record, les effets de la sécheresse se répercu-
tant alors sur les disponibilités en main-d'œuvre.
Ces emplois et ces dép·enses correspondent à trois
1963 marque un net fléchissement. A des pluies et des groupes de réalisations.
crues qui durèrent jusqu'en avril, empêchant l'exécution
des travaux succèdent des moissons enfin abondantes et La mise en valeur comprend les travaux ayant un effet
mobilisant longuement la population . Puis une série de direct sur la production : petite et moyenne hydraulique ;
consultations électorales s'enchaînèrent. Enfin les provin- aménagements des sols ; défense et restauration des sols
ces frontalières furent fortement troublées par le conflit (D.R.S.) ; actions arboricoles ; reboisement, amélioration
qui s'y déroula en automne. des pâturages ...
Tant de circonstances diverses n'étaient pas favorables L'infrastructure rassemble les travaux non directement
à un climat de travail. La Promotion nationale, quelqu·e productifs mais qui conditionnent généralement la mise
peu négligée des dirigeants, traverse alors une passe diffi- en valeur : création ou aménagement des voies de com-
cile. munication, ouvrages d'art, travaux de carrière et de four-
niture de matériaux.
1964, en revanche , allait être l'année de la repris·e. Des
tournées du nouveau délégué général et des membre·s du L'équipement rassemble les travaux édilitaires ou com-
Comité technique, les séances de travail du Comité pré- munaux , l'habitat et les constructions.
sidées par l·e Souverain firent la preuve que la Promotion
nationale n'était pas, comme tant _d 'autres tentatives, pas-
sée de mode. Les effets d-e cette reprise furent ·surtout
sensibles à partir du second semestre. Près de 11 millions LA MISE EN VALEUR
de journées s'effectuent pendant ce temps. C'est-à-dire le
double de ce qui fut fait en 1963 à la même période. Le Domaine de la O.A.S. et du Reboisement
rythme de 1962 était retrouvé. Résultat d'autant plus pro-
bant que la Promotion nationale est devenue exigeante Entre 1961 et 1964 la Promotion national-e a permis au
en ce qui concerne la nature et la qualité des travaux, Service des Eaux et Forêts de réaliser :
que ceux-ci sont réalisés avec moins de journées qu'avant,
le travail à la tâche ayant été instauré, et qu 'enfin les Offi- - 52.000 ha de D.R.S.,
ces agricoles ont dû restreindre en cours d'exercice leurs - 46.000 ha de Reboisement,
prévisions à cause des difficultés financières qu'ils tra- et de planter 90.000.000 d'arbres.
versaient.
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Cela signifie qu '·en D.R.S. le volume des réalisations a
plus que doublé par rapport à la période antérieure puis-
que de 1956 à 1961 28.000 ha seulement avaient pu être
traités. Le reboisement pour sa part a augmenté du tiers.
Ces résultats tiennent à ce que 80% des travaux des
SUR LE PLAN DES DEPENSES
Eaux et Forêts sont exécutés par le recours à la Promo-
tion nationale (1) .
Ces 48 ~illions de journées de travail effectuées depuis Sous la conduite de l'Office de modernisation rurale
1961 ont amené le versement de 94 millions de dirhams ont été plantés 2.000 ha de banquettes fruitières et 3.000 ha
de salaires en espèces, dont plus de 91 millions pour les de cactus inermes.
manœuvres et 2,5 millions pour les ouvriers spécialisés
et le petit encadrement. De plus, 275.000 tonnes de cé- Pour !'·ensemble de ces travaux de plantation et de re-
réales furent distribuées grâce aux surplus offerts par les forestation, plus de 900 chantiers ont été ouverts.
Etats-Unis. Trois millions d·e journées de travail enfin ont
été réalisées gratuitement par la population.

Sur son compte spécial et pour la réalisation des tra- Irrigation et aménagement des sols
vaux dont elle a seule la charge, la Promotion nationale
a dépensé en outre pour les achats de matériel, de maté- Près de 3.000 km de réseau ·d'irrigation (canaux, sé-
riaux -et les frais de transport 18 millions de OH. Depuis guias, khettara) ont pu être rénovés ou construits, prin-
juillet 1963, les services techniques participant aux tra- cipalement dans les provinces du Sud, permettant de
vaux, ont des charges importantes, difficiles à chiffrer mieux irriguer environ 45.000 hectares. A ce réseau pro-
parce que confondues dans la masse de leur budget gé- prement dit (800 chantiers) il faut ajouter l'exécution de
néral. Ces dépenses peuvent s'estimer néanmoins à quel- pfu·s d·e 150 bassins d'accumulation, d'une trentaine de
que 15 millions de dirhams. petits barrages de dérivation et de quelque 250 ouvrages

En moyenne, une journée de travail coûte 2,5 OH plus


l'équivalent de 2 OH en nature, y compris les frais autres
(1) En 1964, les réalisations sont estimées à : . .
que les salaires. L'emploi d'un ouvri·er en Promotion natio- - 13.000 hectares de reboisement et 19 millions de plants
nale pendant 200 jours, plus la réalisation qui est effec- forestiers.
- 14.000 hectares de O.A.S. , 5 millions de plants forestiers,
tuée pendant ce temps, revient à l'Etat à 500 OH. 300 .000 amandiers et 225.000 oliviers.
LA PROMOTION NATIONALE AU MAROC 39

d'art hydrauliques tels que syphons, partiteurs, prises bé- à 13 DH, la participation de la Promotion nationale ayant
tonnées sur les oueds. La Promotion participe également permis de réduire le pri x de revient de 15 % .
à l'édification de deux moyens barrages et à l'aménage-
ment des surfaces qui en dépendront. - En 1964 une vaste cam pag ne de re stauration et
de transformation de la région rifaine s'est ouverte et doit
De·s travaux d'assainissement, de défrichement, d'épier- s'étaler sur cinq ans. Fruit des études d'une mission de la
rage, de nivellement, de seuils en pierres sèches, de bour- F.A.O., l'importance et l'originalité du projet nous amène-
relets en courbe de niveau, soit plus de 80 chantiers sur ront à en parler p·lus loin . Au cours de cette campagn e
près de 25.000 ha ont été entrepris en vue d·e mieux uti- commencée fin septembre 1964, il fut effectué en trois mois,
liser et canaliser les eaux. Ces travaux se sont intensifiés 2.000 ha de D.R.S. et 450.000 journées de travail.
à · partir de 1963, surtout à l'instigation de l'Office national
des irrigations (O .N.I.) . Enfin, pour faire face aux inonda-
tions périodiques dans le Gharb , un projet de construction
de digues pour la protection des cultures et des villages a
été entrepris et, en 1964, 110 km de digues ont été levées.

L'INFRASTRUCTURE L'évolution des travaux


Près de . 20.000 km de construction ou d'aménagement
de voies de communication, routes, pistes, pistes fores- La part respective des journées de travail consacrées,
tières, muletières, ont été exécutés, avant tout dans les depuis 1961 , à la mise en valeur, à l'infrastructure ·et à
provinces du Nord et du Sud. Ils représentent 1.200 chan- l'équipement, n'a cessé d'évoluer en faveur de la première.
tiers qui ont intére·ssé soit les Travaux Publics, soit les Le tableau ci-dessous permet de su ivre ces transforma-
Eaux et Fo rêts, soit les Offices de mise en valeur, pou r tions année après année.
évacuer les produits de leurs périmètres. Depuis 1963 un
ralentissement de ces travaux a été amorcé au profit des J,; j 3c I nf r a -
travaux de mise en valeur. Equipe me n t
c~ vv..l e ;.•r ;Jt ru ctu l~ e

~ ...~ %

L'EQUIPEMENT
1961 ............. 29,7 54 ,3 1 6 ,0
1962 .. .. .... ... .. 33 , 6 51 ,3 15 '1

- 250 sources ont été aménagées ou captées ; 1 963 ....... . ..... 39,0 35 ' 1 25 , 9
- 200 points d'eau et 270 citernes ont été implantés ; 1 964 ...... ..... .. 11 , 1
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- 200 souks ont été aménagés en commun avec l'Office
nationa l de la modernisation rurale (O.N.M .R.) .

Sans compter de très nombreux chantiers d'aménage- C'est à partir de 1963, année pourtant médiocre, que la
ment de centres, voiries, adductions d'eau , ai res à grains, mise en valeur prend la tête des travaux. En 1964 ell·e
plantations dans les communes. devient nettement prépondérante, indice qu'un des objec-
tifs majeurs de la Promotion nationale commence à être
saisi. La participation active des Eaux ·et Forêts, l'effort
Par ailleurs il faut signaler des op érations spécifique·s fourni par l'Office des irrigations, la compréhension mani-
importantes : festée par plusieurs provinces, ont permis ces progrès. Le
programme de 1965 prévoit que 60% des journées ·s eront
- Pendant l'été 1961 l'opération écoles qui a permis investis dans le domaine de la production agricole. Mais
la construction de 1.200 cl asses et 700 logements d'insti- il ne faut pas perdre de vue qu 'il est relativement plus
tuteurs et la rentrée de 225.000 élèves supplémentaires en facile d'exécuter des terrassements pour l'ouverture de
octobre 1961. pistes ou de nivellements de souks, que de mener à bonne
fin des travaux d'irrigation ou d'aménagement de ·s ols.
- En 1962-1963, la construction de 125 maisons com- Ceux-ci mettent en jeu des éléments complexes, exigent
munales, comportant chacune une salle de réunion , un des études et un encad rement dont ne dispose pas la
foyer féminin tenu par deux monitrices (ayant suivi un Promotion nationale et qui manquent souvent aux admi-
stage de trois mois), un atelier communal géré par un nistrations techniques. C'est ce qui explique que souvent,
artisan rural poiyvalent préparé à sa tâche · pendant six en 1961 et 1962, la Promotion nationale fut contrainte de
mois, grâce au concours du B.I.T. faire plus de voies de communication et d'équipements
ruraux que de séguia·s ou de plantations. Il fallut atten-
- Un programme d'habitat économique pour lutter con- dre que la méthode et l'esprit se rodent, pour obtenir,
tre les bidonvilie·s, auquel participe la Promotion natio- à partir de 1963 un renversement des tendances et en
nale depuis 1962. Cette action s'est situ ée jusqu ' ici à Casa- 1964 enfin l'orientation véritablement productive que s'est
blanca, Marrakech et Kénitra. Six mille logements ont déjà assignée la Promotion nationale.
été construits. A Marrakech , grâce à une rationalis ation
du travail très poussée, notamment dans l'utilisation des Par ailleurs, l'examen des réalisations par secteur géo-
manœuvres et à la préfabrication sur place, la construc- graphique et par province .permet des constatations uti-
tion d'une maison revient à 2.300 OH, le loyer mensuel les:
40 ETUDES ET NOTES

1•. - Dan-s les provinces du Nord , longtemps isolées, après un tableau récapitulant les résultats jusqu 'en fin
la préoccupat ion principale était d'améliorer les moyens 1963 et un tableau équivalent pour l'année 1964.
de communication. D'où une dominante " infras1ructure ., :
B ILAN DE LA PR OMOTI ON NATIO NALE
jusqu'à à partir DE J UILLET 1961 A DEC EMBR E 1963
fin 1963 de 1964
1 1 Rép:1rt1 tian à es journées
1 J ournoeo 1
Tétouan . . . . ... . . .. ...... . 76,7 % 74 % Pro v 1 nee l "·o.v:u 116oc·l t.i l.~C ln1~ra -
Al Hoceima . . .... . . .. . .. . . 72,2 % 10 % 1 ( 0!1 1. 000) 1
en valeur .::;truc turu
Equi pcr..cn':.

Nador .. ... ......... . .... . 67,5 % 30 % 1 1


Ag.:1 ù1r .. 1. 572 1 34 '7 30,0 35,3
Taza ... . . . . . .. . . . . . . . . .. . 70,8 % 37 % J.l Hocc1ma ... ... 1. 302 1 21 ,0 72,2 6,8
3.:;1'.l -~ C ll::tl ..... 1 . 506 1 53 ,7 38 ,8 7 ,5
Co.o:J. PrO'.' .:1ce ... 1. 450 1 35,6 35 , 0 29,4
1 ,8
2". - Dans les provinces pré-sahariennes ou dans celles
Foo
·· ········ ···
K:J:J.r Eo Souk ....
3. 44 6
1 . 8 2!3
16 ,7
8 1 ,6
8 1 ,5
15 ,9 2 .3
où le problème de l' irrigation est majeur, il y a une forte l.b.rr.:1kech ... .. . . 3. 361 51 ,6 23,2 25 ,2
proportion de " mise en valeur ., : 1lckn0s . .. ... ... . 1 . 958 9 ,5 74 ,9 15,6
No.tior ...... .. ... 1. 064 24 ,5 67 ,5 8 ,0
Ou:J.rzo.z::. :...c .. ... . 1. 79 4 6 3, 8 12 , 3 3,9
Ouarzazate . . . .. ... . . 90 % (séguias et khettaras) ÛUJd:l .. .. ... ... . 2. 3 10 29, 8 4 6 ,9 23 ,3
Ksar Es-Souk ... . . . . 75 % R.:!b.:lt Prov1nce .. 2 . 211 29,0 54 ,2 16 ,e
Marrakech .... . .... . 60,6 % (irrigations et D.R.S.) T:l.!1L;CT ..... . ... . 8 38 ~ 7,6 80,2 2,2
Beni-Mellal · . . .. . ... . 53,7 % Taz:1 .. .......... 1 . 61 5 20,5 70 , 8 8 ,7

Agad ir . . ... ... . .... . 45 %


TétOUD..'l . ..... . .. 4 . 106 20,3 7 6,7 3,0
T:lTÙ!ya . ...... . . 1 100 10,6 73,0 1 6,4
Co.:;::t Pr~f~c turc .1 1 . 374 1 100
Ro.;;.:::.:. Pr~!'ectu~c. 1 3771 100
Ajouton·s que les deux t iers du total des journées de 1 1
t ravail ont été eff-ectués dans ces deux groupes de pro- To to.l . . . . .. . 1 32.232 ' 1 32 .~ 50 ,0 17, (

vi nces. Pour mieux su ivre l'évolution nous donnons ci-

TOTAL DES JOUR NEES DE TR AVA IL ET POURCENTAGE DE CES JOURNEE S PAR CATEGORIES DE TRAVAUX EN 1964

Tc ':.:ll L:ioc en v.:.lcur J. !1.~ !'.:.•. ; t.·uc:. 'J.~·-:.. Equ: peo'lcnt


Province::;
Journée:::
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~~ ;:
"
ti . J . 7 . i! . J. T . N •.J. T .
de t r ava1!

Ac;éldlr ...... .... ...... ... .... ....... 51w. 7 10 257 . 3 18 49,8 173 . 867 33,6 85 . 1) 25 16 , 6
Al i:i occu::a ...... ..... ..... .... ...... 758. 1 )4 53 1 . 994 70 , 2 70 . 8 10 9 ,3 1!)? .3 50 20,5
B..;n: -L! cll:::. l .. ..... .. ...... ... .. .. ... 711.317 392.922 55 ,3 308.25 1 4 3 '3 1 o. 14 4 1 ,4
Cc..,obhnca .. .. .. ..... ....... .. .. .... 1 . 298.678 528 . 07 1 40,7 699.208 53 ,8 70 .7 99 s .~
Fè:J .... .... ..... .... .... ... ...... ... 1.3 69 . 932 52? . 616 38,4 Ü1 7 068
0 4~ , 0 227.24 8 16 ,6
K:;.:::.r Eo Souk .. ......... .... .... .... . 842 .3 94 482 . 11 9 57,2 253 . 492 30 ' 1 10 6 . 783 12 ,7
Uo.rrakecb ... ..... .. .... ... ..... ... .. 1 . 47 1. 7;5 1 . 030 . 02 1 70 , 0 184 . 676 12,5 257 . 058 17 , 5
l.! r. knà :::: .. ... .... .... .. .. ... ... ...... . 1. 074 . 027 187.036 17 ,4 850 . 895 79,2 3 6 .09 6 3 ,4
t:ador ... .... ...... ... .. ... ..... ..... 439.10 250 . 93 2 57' 1 132.189 30, 1 56 . 026 12 , 8
Ouarz.:..zate ... ..... .. ... ........ ..... 3.030.617 2 .77 0 . 093 91 ,4 21 2.44 1 7 ,0 48 . 083 1 ,6
Oujdo. ..... ... .. ... .... .... .. .... .... L)9 . 7~3 31 7 . 570 36 ,9 373 . 781 43 .5 1 68 . 3!32 19 , 6
Kcn1 t.ra .... ..... .. .. ... .... ....... .. 7 1 6 . 508 479.823 G7 , 0 29 . 795 12 , ') 14 6 . 890 20 , 5
Tc..nge:r
···· ···· ·········· ····· ······ ·
Taza .... ..... .. .. ... .... .... ..... ...
155.798
945 .3 52
50.796
420.644
32 , 6
45,0
3 .051
352 . 302
5 ,2
37,0
96 . 95 1
172.40 6
62 , 2
18 ,0
Té:..ouo...'1
·· ·· ···· ···· ··· ······ ······ ·· 1. 362 . 982 260.943 19, 1 1. 012.393 74 ,4 89 . 646 6 ,6

Tot._:.;! .... ... ..... ... . 15 .5 53 .1 04 8 . 486.49!3 54, 6 5 .33 9 . 219 34 ,3 1. 727.387 11 ,1

On peut également suivre les prog rès de la " mise en Agadir: passe dans le même domaine de 154.000 journées
valeur , dans quelques province·s : en 1961 à 120.000 en 1963 pour le·s six derniers mois
seulement. En 1964 elle utilise 260.000 journées pour
Beni-Mellal : effectue durant le programme 1962 : 486.000 !a mise en valeur, soit 50% ;
journée·s cont re 262.000 en 1961 et maintient ce rythme
depuis lors ;
Fès : passe de 122.000 journées en 1961 à 150.000 pour les
six derniers mois de 1963. En 1964 elle atteint 525.000
Marrakech : en 1961 exécute 967.000 journées de mise en
journées, soit 38,5 %.
val·eur, en 1962 elle compte : 801 .000 journées, en 1964
elle parvient à : 1.000.000 de journées sur un total de
1.470.000 journées, soit un pourcentage de mise en Ainsi, dans la quasi-totalité des provinces on voit. pro-
valeur atteignant 70% ; gresser sensiblement la part des travaux productifs.
LA PROMOTION NATIONALE AU MAROC 41

La · rentabilité essentiellement à trois facteurs : l'organisation du chan-


tier, l'encadrement et le rendement des ouvriers. Enfin, dès
que le terrain devient difficile et rocheux, la main-d'œuvre
Le problème de la rentabilité des travaux est au centre ne peut plus lutter contre l'efficacité de·s engins et il se-
même. des discussions sur la valeur économique des mé- rait absurde de s'obstiner dans cette voie.
thode·s du type Promotion nationale. L'ensemble des réali-
sations qui viennent d'être mentionnées constitue certes
un pr~mier argument en faveur de l'utilisation du capital- Dans le domaine de la petite hydraulique, on atteint
travail. A condition, rétorquera-t-on, que ces résultats ne souvent des résultats très avantageux, le coût des diffé-
se soldent pas par un coût élevé et une qualité déficiente. rentes opérations ayant été à plusieurs reprises décom-
Apporte.r une réponse globale du point de vue financier po·sé et évalué :
et technique est encore difficile. En effet, parmi les causes
qui ont amené la création de la Promotion nationale cell·e
que constitue le nombre insuffisant de techniciens expli- Dans la province de Ksar Es-Sou k un·a étude a été faite
que aussi le mal éprouvé à établir des études et des cal- sur -4 chantiers de l'année 1963 et un prix moyen établi en
culs de r-entabilité. Avoir des possibilités de mesure c'est comparaison avec celui de !'·entreprise. Il s'agissait d'une
avoir des techniciens et des techniciens ayant le temps khettara (canal souterrain), d'un canal de surface et de
de ·s'y· consacrer. Ajoutons aussi que la nouveauté du sys- deux séguias. Le tableau suivant indique la moyenne des
tème déroutait. Deux années au moins d'expérience et de prix obtenus.
tâtonnements furent nécessaires pour que des ingénieurs
commencent à s' intéresser vraiment à la Promotion. Avoir
réussi à capter l'intérêt ·e t l'adhésion d'un certain nombre
d'entre eux n'est pas une de ses moindre·s réussites. Dé-
·sormais la recherche de la ren tabilité et des coûts com-
mence à pouvoir s'effectuer et s'accentue de façon de
Prix 1 Prix moyc~1:.:
1
plus en plus systématique. C'est pourquoi, bien qu'il soit 1
1 en cha!1tlcro
No.ture àes tYavau.x
trop tôt pour avancer des chiffres à l'échelle nationale, l à l ' entrepnoe l
------------, ,----"P-'-'
.l!,'_,_·- -
on peut fournir des calculs faits sur un certain nombre
de chanti·ers. Ils ont été établis par comparaison avec les Tcrra::::::~ement:::
en fouille ou tran- 1 1
chéo . .. .. .. .. . ............... . ... 1 5 , 50 1 3,1
prix pratiqués par les entreprises pour les mêmes travaux
dans le·s mêmes régions. A titre indicatif nous citerons Tcr~·o.:.;.:Jcrncnts
en tcrr.::.in dur et f 1

r;,ll louz .... .... ................ Ï 10 , 00 l


1
5 ,9
quelques cas étudiés et notés par des techniciens. Ils ne
prétendent pas apporter un·e preuve totale mais consti- Tc·:::~o:::wrncnt en roc h e. compac téc .•. 1 15,00 1

tuent !Jne approche sérieuse de la question . Tcr:·uooemcnt en foui llc ..••••••••• 1 5 ,50 1
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Romolo.1, t<l lut agc . •. • ••• ••••• •••.• l 5 ,50 l
D~nma.ec ct compactncc • .• •••••••••• l 2,00 l
1 12,50 1 7,9
Dans le domaine des pistes : Blocaee ....... ... . .... ........... 1 6,00 à 12, 00 l1 4,00 " 8,00
1
t.~~ç c nncri c ùc r.wcllon~ c~àinairc • • 1 40,00 1 30,00
Endutt s ........................... 1 6 , 00 1 4,00 à 5,00
Béton ordinai r e coffrû en élévation! 120,00 1 72
A Ouar;zazate une piste d'accès de 15.000 mètres eût Béton cyc l opéen .•. .. ... .•........• 1 80 , 00 1 62 ,2
coûté à l'entreprise 7 DH le mètre, elle a coûté en Pro- Dé ton o.rmé ....... ... . . .. .. .. ...... 1 236,00 1 1 64,00
motion nationale 2,5 DH et les dix ouvrages d'art que la Fourni turc c~t pose de Buse 50 ••••. 1 39,50 1 28,60
piste comportait, estimés à 500 DH l'unité par l'entreprise
revinrent à 400 DH l'unité. Au lieu d'un coût total de
110.000 DH, l' ingénieur conclut que le prix de la piste
s'est élevé à 41.500 DH.
En règle générale l·es terrassements pour le creusement
des fouilles ou tranchées sont évalués au m3 en Promo-
tion aux environs de 3 DH et à l'entreprise autour de 6 OH,
A Oujda une piste de montagne évaluée par l'entreprise selon la nature du terrain. De même la maçonnerie de
à 15 DH le mètre coûta 7 DH le mètre en Promotion. pierre sèche ou de moëllons ordinaires pour la construc-
tion des canaux revient à 30 DH -en Promotion et à 40
OH ou plus à l'entreprise. Un tel gain n'est évidemment
pas toujours atteint et il a été noté au contraire des coûts
Dans la province de Marrakech, sur une piste (à lmin' équivalents ou supérieurs à ceux demandés par les entre-
Tanout), le rendement obtenu a été de 2,23 m2 par jour preneurs. En matière d'aménagement d-es sols relevons
et le prix. de revient de 50% moins cher que par l'entre- deux cas:
prise.

A Marrakech, des chantiers d'épierrage, qui permet-


Par contre, dans certaines provinces des chantiers de tent de doubler, en bonne année, l·es rendements des
. piste se révélèrent plus chers que s'ils avaient été confiés sols, ont coûté à l'hectare 317 DH au lieu de 400 DH à
à une enlreprise. En ce domaine le prix de revient tient l'entreprise (sur 1.015 ha), y compris la mise en cordon
42 ETUDES ET NOTES

des pierres. A Meknès, par contre, pour Je même travail de la production, peuvent ainsi être envisagés à un prix,
et par suite d'une mauvaise conduite du chantier, la dé- pour l'Etat, défiant toute concurrence. La notion d'inves-
pense a été supérieure de 66% par rapporf à la nor- tissement-travail acquiert alors toute sa vale1Jr.
male.

Mais d'un point de vue plus large Je coût ne p·eut seul


entrer en ligne de compte. Même à coût égal la Promo-
Pour 1963 J'Office des irrigations estime que la Pro-
tion offre J'avantage d'employer une quantité de main-
motion nationale lui a permis de réaliser une économie
d'œuvre b·eaucoup plus importante que n'auraient pu Je
variant selon les cas de 19 % à 56 %. Ces chiffres sont
faire les entreprises spécialisées et Je recours systéma-
peut-être un peu optimistes dans la mesur·e où ils ne
tique aux engins mécaniques. Dans les pays qui souffrent
tiennent pas compte de certains frais difficiles à évaluer,
tant du chômage et du sous-emploi , J'économiste ne peut
tels que les heures des technici·ens passées sur les chan-
rester insensible à un tel fait, fondamentalement lié au
tiers, leurs déplacements et J'utilisation du matériel de
problème du sous-développement. Notons au passage
l' Etat. L'étude de l'Office conclut cependant : " ·en géné-
J'économie en devises que représente, à la longue, J'uti-
" rai , le fait d'uti liser la Promotion · nationale conduit à
lisation rationnelle du capital-travail. Devises dépensées
" une économie appréciable. Cette économie, lorsqu'elle
soit à J'achat du gros matériel , soit au transfert des béné-
" atteint 30 % et plus, permet de constater que la mé-
fices. D'ailleurs la Promotion nationale, par la muftitude
" thode pour ces chantiers est bonne et que la conduite
des chantiers (en 1964, plus de 1.800) ouverts sur l'en-
" des travau x a été effectuée correctement - que dans
semble du territoire et surtout dans les zones les plus
" 'les cas où l'économie est inférieure à 20 % il convient
défavori·sées, permet une redistribution des revenus beau-
" d'en rechercher les causes. En effet ces travaux ne
coup plus large et effective aux populations rurales. Il
" supportent pas les frais des travaux à J'entreprise dont
faut reconnaître que, généralement, les investissements
" le prix de revient doit être inférieur à celui du prix de
publics aussi bien que le partage du fruit des impôts
" facturation pour tenir compte des charges sociales, des
s'effectuaient fatalement au profit des centres urbains ou
" bén éfices et de l'amortissement. .,
des secteurs modernisés (siège de la majorité des fonc-
tionnaires comme des grosses entreprises, bénéficiaires
des marchés d'Etat) . Ainsi à Ouarzazate, par exemple,
En 1964, la Promotion nationale a été mise à contribu- J'intervention de la Promotion a fait quintupler Je montant
t ion pour des travaux intéressant deux moyens barrage s. des investissements par rapport à J'époque antérieure.
Il s' agissa it chaque fois de chant iers importants ut ilisant
300 à 500 ouvriers. L'u n, dans la province de Tétouan ,
pour J'aménagement des rives et la préparation des enro- La part des s alaires versés en nature a réduit d'autre
part J'autoconsommation des masses paysannes et leur
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chements du barrag e de Nikhla. Les rendements obtenus
atteign ire nt en terrassement 5 m3 par jour et par homme permet de co mmercialiser une portion plus grande de
(14.740 m3 pour 3.220 journées) , en carrière 1 m3 par jour ieurs réc oltes. Cette commercialisation accrue et la per-
de moëllons d'enro ch ement par ho mme. L'économi e réa- ception de s alaires en ·espèces ont intensifié la circulation
lisée su r Je prix entreprise rep résente 60 % . Le second , monétaire dans des régions nagu ère particulièreiT.ent au-
dans la province d'Ouarzazate, pour la construction de ta rc iqu es : contributi on à J'entrée de ce·s régions dans Je
canau x principau x à partir du barrage d'Azakhar. Les courant économique moderne, à la création d'un marché
rendements obtenus en terrassement de canaux de forte intérieur indispensable à une production industrielle na-
dimension (9 m de larg e) sont de 1,5 m3 par jour et par tionale, dont Je développement est freiné par le manque
ouvrier y compris 3 jets de pelle (soit 4,5 m3 par jour) , de déb ouchés et la faiblesse du pouvoir d'achat.
ce qui constitue une économie sur J'entreprise de J'ordre
de 70 % .

Ces exemp les suffisent à prouver que la Promotion na-


tionale, à condition d'être bien menée et appliquée à des
travaux bien précis, peut donner des résultats incontes-
tables. D'autant plus que la journée de travail doit s'éva-
luer à un doub le prix : économique, en y comptant la part Problèmes et perspectives
de salaire de 2 OH en nature qui est un don (J·es chiffres
cités tenaient compte de ce salaire) ; budgétaire, qui n'est
que de 2 OH en espè ces, J·e seul qui compte pour le Malgré les réalisations à porter à son actif, la Promo-
Trésor. C'est ainsi qu 'à Ouarzazate, où la population de- tion nationale est loin d'avoir entièrement atteint ses objec-
mande à exécuter des travaux de petite irrigation sans tifs. La résorption du sous-emploi n'est encore qu 'amor-
rémunération ou à salaire uniquement en nature, la Pro- cée, les travaux de mise en valeur insuffisants, leur ren-
motion nationale ne dépense que Je prix d'achat et de tabilité trop souvent incertaine. Une opération de ce type
transport du matériel et des matériaux. Dans ces condi- se heurte, en effet, à une série de problèmes et d'obs-
tions Je mètre cube de maçonnerie de séguia ne revient tacles aussi intéressants à connaître que ses réussites.
qu'à 4 OH alors qu 'avec une entreprise il s'élèverait à
400 DH . La restauration du réseau hydraulique traditionnel ,
J'amélioration des débits, la réduction des pertes d'eau et 1". - Comme tant de pays d'Afrique, le Maroc est entré
partant J'augmentation, à tout Je moins la régularisation dans une période de difficultés financières qui résultent
LA PROMOTION NATIONALE AU MAROC 43

en grande partie de l'augmentation de ses charges de économiques et statistiques établis à l'occasion du pre-
fonctionnement, alors que ·ses ressources stagnent, que mier Plan quinquennal, le sous-emploi était d'une telle
les investissements diminuent et que la population s:ac- ampleur que 300 millions de journées de travail devaient
croît. Certes, c'est pour pallier une telle situation, qui se être annuell-ement disponibles dans les campagnes. La
dessinait déjà, que la Promotion nationale a été fondée. Promotion nationale elle-même s'était créée sur ces don-
Mais la " cure d'amaigrissement, que subissent le·s admi- nées. Or elle ne peut atteindre que 17 millions de jour-
nistrations techniques, risque de retentir sur la Promotion nées par an . Le rapport des deux chiffres fut exploité sur
nationale, dans la mesure où l'es services connaîtraient le plan politique.
une certaine paralysie. Toutefois une phase de moindre
facilité dans les dépenses et d'austérité pour les Offices,
p·eut au contraire pousser à recourir encore plus systé- La réalité était assez différente, encore fallait-il essayer
matiquement aux méthodes d'investissement-travail et obli- de ia comprendre. Les premiers chiffres avai·ent été éta-
ger à un meilleur usage des moyens existants. La crise blis d'après le temps de travail nécessaire aux différents
actuelle peut ainsi provoquer enfin une réforme adminis- travaux agricoles. De plus, les 300 millions de journées
trative profonde, et la révision des méthodes d'intervention inemployées englobaient les journées des femmes qui re-
de l'Etat, surtout dans le domaine agricole où règne un présentent la moitié de la population. Il n'est évidemment
désarroi évident. pas dans les intentions de la Promotion de mobiliser les
femmes et pour ceux d'ailleurs qui les ont vu vivre dans
les campagnes, il paraît curieux de les juger sous-em-
2". - L!n premier pas a déjà été amorcé. Les gouver- ployées!
neurs de province sont directement chargés, désormais,
de l' impulsion et de la coordination des actions de déve-
C'est que la méthode de calcul employée était pure-
loppement. Certes, pour le moment, ils manquent du per-
sonnel nécessaire et surtout du personnel techniqu·e. La ment arithmétique et ne tenait pas compte des modes et
centralisation des grand·es directions, la complication et conditions de vie des ruraux. Méthode sans doute valable
pour mesurer Je travail en usine, pas pour appréhender le
le cloisonnement des services et des circuits, hérités de
la conception française, amènent évidemment une grande travail du paysan maghrébin. Car, ainsi que J'analyse P.
Bourdieu dans la " Sociologie de l'Algérie , : « la terre est
perte de temps et d'efficacité à l'échelon local. La concen-
une fin et non pas un simple moyen d'existence, et .Je tra-
tration des cadres dans la capitale, la non-coïncidence
vail non pas une façon de gagner sa vie mais une façon
fréquente des circonscriptions des services techniques
de vivre ... , " ... Cette conception du travail est insépa-
avec le découpage territorial administratif, accusent en-
rable d'un autre trait caractéristique de cet esprit tradi-
core les difficultés et les déséquilibres. La Promotion na-
tionnaliste, à savoir J'absence de calcul économique ra-
tionale a joué un grand rôle dans la prise de conscience
tionnel. Pour le paysan vivant dans le milieu naturel, Je
de ces problèmes et, par son insistance à les mettre ·en
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temps n'a pas la même signification que dans Je milieu
évidence et à tenter de les résoudre, contribue à hâter
technique où la durée est l'objet de calcul ; Je souci de
leur solution .
la productivité qui conduit à l'évaluation quantitative du
temps étant ignoré, c'est le travail à faire qui commande
l'horaire et non l'horaire qui limite le travail, comme on Je
Or la Promotion national·e, en confiant au gouverneur voit par exemple en ce que la terre s'évalue en «journées
la responsabilité de ses travaux et la présidence d'un de labour, (1) . De telles attitudes sociologiques expli-
Conseil provincial , lui apportait en même temps J'obliga- quent ce qui était dit au début de cette étude sur le fait
tion et l'occasion de coordonner l'ensemble des activités que le rural, économiquement sous-employé, n'est que
économiques et techniques de sa province. Il était évident rarement inoccupé, mais hélas plus rarement encore pro-
qu'une ligne de démarcation artificielle ne pouvait être ductif.
établie entre ce qui était Promotion nationale et ce qui
ne J'était pas . Au niveau communal et sur le terrain ,
les interventions publique·s se trouvent liées les unes aux Voilà pourquoi tant de déboires furent enregistré·s au
autres. La population proposant les projets et participant début. Techniciens comme administrateurs connaissant
à leur exécution, ses représentants élus siégeant au mal ·les disponibilités réelles en main-d'œuvre, ne savaient
Conseil provincial, la Promotion nationale n'était plus seu- pas toujours adapter leurs prévisions aux possibilité·s
lement affaire administrative et technique, mais également d'·exécution .
populaire. C'était un bouleversement qui, au début, en-
traîna quelques malentendus, mai·s qui déjà commence à
permettre un vrai dialogue. Cela assure une vitalité propre C'est pour résoudre ce problème que la Promotion na-
à la Promotion nationale et en fait un instrument vérita- tionale décida, en 1964, de lancer une enquête dans toutes
blement à la disposition du monde rural traditionnel. les provinces. Elle devait déterminer, commune par com-
mune, tout d'abord Je calendrier des activités agricoles
de la population masculine, ensuite le nombre d'hommes
susceptibles de travailler dans les chantiers aux périodes
3". - On se heurta rapidement à un problème inattendu
qui fut au début une cause de déception pour les techni-
ciens ·et d'étonnement pour les responsables de la Pro-
motion nationale. Il n'était pas toujours possible en effet
de trouver un nombre ·suffisant d'ouvriers pour exécuter (1) Cf. P. Bourdieu : " Sociologie de l'Algérie " • Paris, P.U.F.,
les chantiers projetés. Pourtant, d'après tous les calculs Coll. " Que sais-je"·
44 ETUDES ET NOTES

correspondantes. Le résultat de ce sondage, bien que de consécutives à leurs occupations agricoles normale·s, obli-
valeur inégale, ayant été effectué par les caïds et leurs gent les différents utilisateurs de la Promotion à organiser
adjoints, dont la formation est variable, représente la pre- la marche des travaux et à combiner ou alterner les· diffé-
mière approche d'un problème jusqu'alors inexploré. rentes interventions, en fonction des ressources en hom~
mes.

Le dépoui llement de l'enquête -.,... faite uniquement en


b - Ain·si débouche-t-on sur un nouvel ordre de pro-
milieu rural - a confirmé que la main-d'œuvre disponible
blèmes, dont dépend également l'extension de la Promo-
est moins importante que ne l'estimaient les calculs _théo-
tion nationale. Ces problèmes, cette fois, concernent la
riques. Le ré·sultat obtenu donne le chiffre de 60 millions
technique et les techniciens.
de journées de travail-an (au lieu de 150 millions) . C'est-
à-dire que - compte tenu des structures actuelles de la
paysannerie - la Promotion nationale aurait utilisé, bon
Les ingénieurs ont surtout appris à faire appel à des
an ou mal an, le quart du sous-emploi apparent.
techniques évoluées, aux engins et aux entreprises. · Par
formation , ils ont donc tendance à placer l'homme sur le
plan de la machine et pour des raisons d'efficacité pré-
4•. - Est-il possible d'aller plus loin, d;employer un fèrent avo ir affaire à cette dernière. Le recours à la Pro-
plus grand nombre d'hommes? Sans doute, mars à condi- motion nationale les a obligés à s'adapter à des facteurs
tion de savo ir " comment"· En effet toute une série d'obs- variables et à redécouvrir l'art de conduire des hommes.
taèles doivent être levés, certains d'ordre pratique et d 'au- Les remarques faites au sujet de la rentabilité illustrent
tres d'ordre plus fondamental. ces difficultés (1 ). C'est à partir de tentatives réussies
aussi bien que d'échecs que se dessinent petit à petit des
méthodes de réalisation originales. Des échanges d'infor-
mations, d·es confrontations entre techniciens apportent
a - Il est certain qu 'une organisation plus poussée per- des éléments de réflexion et d' invention . Dans les études
mettrait d'atteindre le chiffre de 20 à 25 millions de jour- de grands travaux d'aménagemef)t ou de construction et
nées-an. Mais la difficulté de·s problèmes d'organisation d'extension de barrages, par exempl·e, il est tenu compte
ne doit pas être sous-estimée. Evoquons l·es principaux. de l'emploi éventuel de la Promotion nationale et de sa
possible combinaison avec des moyens mécaniques.

- L'élaboration et l'approbation du programme ont sou-


vent souffert de retards cependant que les crédits n'étaient Ain·si ·en arrive-t-on à déterm iner, selon la nature des
mis en place qu 'en avril ou mai, à la veille des moissons. travaux, toute une gamme de méthodes d'exécution et de
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C'était au moins tro is mois de travail perdus. La Promotion types de chantiers. Aux deux extrêmes on trouve, d'une
nationale fait déso rmais élaborer se s programmes six mois part le petit chantier à technicité réduite, généralement
à l'ava·nce. demandé par la population locale ; d'autre part le grand
chantier nécessitant des études préliminaires et un enca-
drement technique permanent. Au premier cas correspon-
- La multiplication des chantiers, leur dispersion, leur dent la plupart des travaux de petite et moyenne hydrau-
éloignement, souvent l·eur accès malaisé, rendent difficile lique tels qu'ils sont exécutés à Ouarzazate, avec une
le paiement des ouvriers à date fixe. Pourtant, sans régu- main-d'œuvre bénévole. Au second cas correspondent de
larité dan·s la paye, comment obten ir des ouvriers cons- gro·s chantiers, soit d'ouverture de route, soit de grands
tance et rendement dans leur travail. Des retards de cette travaux de restauration des sols.
nature ont conduit maintes fois à la désertion des chan -
tiers par la main-d 'œu vre.
C'est à cette dernière catégorie qu'appartient le ·projet
de sauvegarde et de rénovation du Rif occidental (D.E.R.
Le manque de cadres, déjà sensible au niveau de R.O.) établi par la F.A.O. Etalé sur vingt ans, ·ce pro-
l'ingénieur, l'est tout autant au niveau moyen et subal- gramme comporte une première tranche de cinq· ans avec
terne. Sans démultiplication des moyens de surveillance, 100.000 ha à traiter, 25.000 hommes à mettre au travail,
les techniciens ne pourront pas suivre sérieusement une des dizaines de techniciens à trouver, des centaines de
multitude de travaux éparpillés. C'est pourquoi, à partir de cadres à former. Le coût de l'opération est estimé à 150
1964, des stages provinciaux de formation de chefs de millions de F.F. Sans sa réalisatio11, le Rif en tant que
chantiers ont été mis sur pied. Organisés et conduits par territoire agricole, aura disparu d'ici 40 ans sous .!'.effet
les agents des services technique·s régionaux, ces stages, de l'érosion qui arrache chaque année 2% de la terre
précédés et suivis d'une pér iode probatoire sur le terrain, arable et le Gharb, actuellement un des greni·ers du Maroc,
ouvrent la voie à une formation pratique au profit de la
Promotion national·e.

(1) Ces préoccupation s et ces difficultés ne sont pas l ' apanage


du Maroc. Ainsi peut-on lire dans le rapport du Premier ministre
- La nécessité et les progrès de la décentralisation du gouvernement de la Chine populaire sur les activités · du gou-
ont été précédemment évoqués. La coordination des ac- vernement en 1964 : " Une révolution devra être entreprise dans
" l 'élaboration des projets afin que ceu x-ci répondent aux e_xi ·
tions au niveau de la province trouve déjà à s'exercer " genees du principe : quantité, rapidité , qualité et écol)omie. ' Qu ' il
sur les résultats de l'enquête main-d'œuvre. En effet, les " s'agisse de construction productive ou non -productive, les inves·
" tissements devront être faits à bon escient et il faudra s' efforcer
variations saisonnières dans les effectifs des travail.leurs, " d'améliorer la qu alité des travaux à effectuer" ·
LA PROMOTION ' NATIONALE AU MAROC 45

ne sera plus qu'un marécage constamment inondé par les 5°. - Bien qu 'il déborde du cadre strict de la Promo-
crues de deux grands fleuves et de leurs affluents déva- tion nationale, un problème sous-jacent doit être évoqué.
lant deS pentes dénudées du Rif. L'ampleur et l'urgence C'est celui de la réforme agraire. Arme ·essentiellément
du projet étudié par la F.A.O., amènent actuellement l·es politique, il n'y a pas de solution économique miraculeuse
grands organismes techniques et financiers des Nations à en attendre, surtout dans les zones marginales où ce
Unies à envisager une participation importante à son exé- qu 'ô! y a à partag·er est peu productif. Il n'en reste pas
cution. Or la Promotion nationale sera une des principales moins que sans possibilité directe ou indirecte. de récupé-
parties prenantes, les travaux Je·s plus importants consis- ration des plus-values, sans obligation de mise en valeur
tant en des plantations et des aménagements de sols faits et surtout sans modification du statut foncier, l'intérêt que
à main d'homme. Sans attendre les résultats des négocia- porteront les paysans au travail et à la bonification de la
tions en cours et avec ses seuls moyens, le Maroc a terre demeurera aléatoire.
commencé à opérer en 1964 sur 8.000 ha et il est prévu
en 1965 de réaliser 15.000 ha. L'action se concentre sur
quelques sites de 1.500 à 3.000 ha chacun. L'importance
des travaux nécessite dE;Js concentrations de 2 à 4.000 ou-
vriers, sur chacun des périmètres choisis ; donc l'instal•
lation d!:l camps d'hébergement, une organisation du tra-
vail, des tâches, des plans précis, une comptabilité régu-
lière, un encadrement ·et un personnel technique perma-
nent. Opération intégrée, elle ·met en jeu des disciplines Conclusion
diverses et' exigera une forte coordination. C'est une expé-
rience nouvelle dans laquelle s'est engagée la Promotion
nationale et ·ses résultats seront déterminants. Au-delà de ces réalisation·s, l'intérêt de la Promotion
nationale est de déboucher sur un certain nombre de
c - Mais les questions administratives et techniques ne problèmes. Elle permet, sinon de les résoudre immédia-
doivent pas masquer le problème fondamental : la parti- tement à elle seule, tout au moins de les placer dans une
cipation de la population à l'action de Promotion natio- perspective nouvelle. Signe de contradiction, alors qu'elle
nale. Sans participation ·et sans esprit d'initiative de la est officiellement contestée par l'opposition, elle s'est vue
part des fellahs, la Promotion est condamnée à piétiner cependant encouragée par la Commi·ssion parl·ementaire
au stade actuel et ne pourra pas déboucher sur la grande de la Promotion nationale composée de toutes les ten-
œuvre de tran·sformation des mentalités et de mise au tra- dances politiques et présidée par un opposant. Inscrite
vail généralisée pour laquelle elle fut créée. Œuvre de très dans la Constitution et encore dynamique après quatre
longue haleine et qui ne peut progresser qu'insensible- ans de vie, voilà une belle preuve de constance dans un
ment. Un signe favorable d'évolution existe cependant : le pays sous-développé. Sans fonctionnaires, ·sans techni-
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nombre de travaux exécutés gratuitement ou semi-gratui- ciens, sans moyens matériels, ell·e a pu s'imposer aux
tement ne cesse de progresser. D'abord uniquement pra- corps de l'Etat et la marque de son action est sensible
tiquée dans la province de Ouarzazate, d'autres provinces jusqu'aux cantons les plus reculés du pays.
ont adopté en 1964 pour la réalisation de certains chan-
tiers, cette· formule qui doit encore s'étendre en 1965. Mais la Promotion nationale n'est pas une recette ma-
giqu·e pour le développement. Elle est un des outils à son
En effet, sans la multiplication de petits travaux pro- service, elle ne saurait remplacer tous les autres. E•lle ne
ducti.fs au profit direct de ceux qui les réalisent, la possi- prétend pas se substituer à la technique ou à la machine.
bilité d'élargir le champ de la Promotion nationale sera Elle cherche à les précéder ou à se combiner avec elles.
faible. -Difficiles à contrôler du point de vue technique, Elle ne rend pas •les réformes inutiles, elle cherche à les
des milliers de chanti·ers deviennent impossibles à finan- provoquer.
cer par l'Etat s'lis nécessitent la rémunération, chaque
année, de 50 à 60 millions de journées de travail à 2 di-
Elle n'est pas non plus la seule expéri·ence qui ait été
rhams/jour en espèces. C'est souligner que la résorption
faite d'utilisation de la main-d'œuvre sous-employée, mais
du sous-emploi est liée à la mise au travail effective de
son originalité consiste à rendre cette utilisation efficace
la population qui,' pour une partie au moins de ceHe-ci,
et systématique, à en analyser le processus et . à le cri-
va revêtir bientôt un caractère obligatoire : dans un dis-
tiquer.
cours prononcé le 9 juillet 1965, à l'occasion de la fête
de la Jeunesse, le roi Hassan Il a annoncé l'institution
d'un travai·l civil obligatoire, à partir du 1•• janvier 1966, La Promotion na~ionale n'est donc ni une simple opé-
" dans le cadre de la mobilisation générale qui va absor- ration politique, ni une œuvre de charité. Elle est avant
ber toutes les possibilités des jeunes pour les employer tout le banc d'essai où s'éprouve une formule économique
dans des programmes de travaux et de construction ». qui s'adapte aux réalités et· aux possibilités du pays.

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