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C'est lui qui devra réaliser l'accord des deux parti·es, puis- Mais l·e compromis suppose un prolongement. Il faut
qu'il est paritaire, pour le choix des projets industriels que l'Association coop érative existe, fonctionne, trouve
et des modalités du financement. Il recevra en outre la et vende du pétrole. Il faut que les sociétés conc~ssion
responsabilité d'e ffectuer toutes études utiles et le gouver- naires consolidées continuent d'exploiter leurs gisements
nement algérien a prévu de le charger de réaliser tout ou de man iè re rentable. Il faut que le gaz soit effectivement
parti e d'un projet déterminé. vendu en quantités importantes, sur 1-e marché français
notamment. Il faut enfin que l'aide française à l'Algérie
su·s cite une industrialisation rapide.
L'accord intervenu mériterait une analyse plus détaillée Cette énumération montre que l'application de cet ac-
et plus complète, mais il a paru plus opportun d'éclairer cord sera déterminante pour le succès de l'entreprise.
les textes signés par une longue considération oes motifs Cela suppose que soit poursuivie une politique de coopé-
et des mobiles vraisemblables de chacun des deux parte- ration étroite et confiante. Mais l'accord lui-même s'insère
naires. Au terme de ce trop rapide survol des engage- dans une réalité mondiale, que les relations franco-algé-
ments pris de part et d'autre une double réflexion s'im- riennes ne peuvent ignorer. Si le prix du pétrole s'effon-
pose. drait sur le marché mondial, les concessions faites du côté
français, en matière fiscale, constitueraient des charg·es
Cet accord a complètement transformé le climat qui ré- trop lourdes pour les sociétés, compte tenu du prix de
gnait à I'~!Utomne 1963. Ce qui semblait compromis a fina- revient actu·el du pétrole saharien. A l'inverse, si des dé-
lement été rétabli, qu'il s'agisse du pétrole ou de la négo- couvertes de gaz considérable'.> étaient faites en Europe,
ciation. En ce sens c'est la victoire d'une certaine politique l'Algérie aurait alors peut-être abandonné la proie pour
voulue à Alger et à Paris sur des divergences d'Intérêt l'ombre, en revendiquant la rente du sous-sol pour une
évidentes. marchandise qui ne serait pas effectivement vendue.
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1961-1965
La Promotion nationale - initialement appelée Promo- L'expan·sion démographique, la pénurie des capitaux et
tion rural·e - fut lancée en juillet 1961. Elle se fondait des cadres, le chômage, le poids de la paysannerie ont
sur la constatation que, sans une action de restauration été suffisamment analysés pour qu'il ne soit pas utile d'y
des régions défavorisée·s, la modernisation des terres ri- revenir. C'est la toile de fond devant laquelle évolue
ches comme les efforts d'industrialisation seraient voués à l'action de la Promotion nationale. Mais celle-ci entendait
l'échec. L'accentuation du dualisme de l'économie, la s'attaquer plus particulièrement à trois faits majeurs, inti-
croissance démographique, le sous-emploi ne feraient mement liés les uns aux autres : les zones marginales
qu'accélérer l'exod·e rural, augmenter le nombre des chô- (sous-développées économiquement et autarciques), le
meurs dans l·es bidonville·s et annihiler la mise en valeur sous-emploi, la destruction des sols.
rationnelle des ·secteurs d'i ntensification agricole.
Mais l'originalité de la Promotion nationale - le pari Ce devait être la marque propre de la Promotion natio-
qu'elle proposait - était de vouloir utiliser pour atteindre nale, l'élément nouveau qu'eli'e allait apporter, que de
son but, des moyens auxquels les économistes et les tech- vouloir se servir des sous-employés pour rénover les ·sols.
nicien·s n'accordaient guère de crédit. «Mettre au travail Désormais en créant du travail on allait pouvoir recréer
les hommes sous-employés des campagnes pour qu'ils de la terre. Œuvre de longue haleine mais qui contribue-
transforment leur sol et leur sort. Recourir à cette réserve rait en même temps à maintenir la population rurale sur
de travail comme à un capital et l'investir dans l'exécu- place et à l'associ·e r directement à l'amélioration de son
tion de travaux productifs mais relativement simples du niveau de vie comme à la régularisation de sa produc-
point de vue technique. •• tion. Ce serait aussi, progressivement, favoriser l'entrée
•
36 ETUDES ET NOTES
des reg1ons marginales dans le circuit économique mo- Des visites du délégué général, des membres de son
derne et contribuer à l'élargissement d'un marché inté- équipe ou du Comité technique, des séances de travail
rieur, sans lequel aucun avenir ne s'ouvre à !~industrie. à Rabat, des échanges constants assurent une liaison et
une collaboration étroites entre les provinces et la capi-
La Promotion nationale n'était donc pas guidée seule- tale.
ment par un souci humanitaire, mais se fondait d'abord
sur une obligation économique.
LE FINANCEMENT
•
LA P R 0 M 0 T 10 N NAT 1 0 NA LE 'AU MAR 0 C 37
·.
chantiers d'i ntérêt général : les ouvriers y perçoivent à définir et adapter des conditions nouvelles d'exécution.·
plein salaire ; Sa souplesse administrative, h~s ressources qu 'elle appor-
tait en même temps qu 'u n esprit nouveau , firent ,de la .1
chantiers intéressant directement ceux qui s'y em- Promotion nationale un outil de développement des pro-
ploient : les ouvriers travai llent gratuitement et ne re- vinces. Ainsi les premières bases d'un programme provin-
ço ivent qu'une aide en matériaux ; cial pouvaient être posées et l'accent porté, selon les
particularités provinciales, sur tel ou te l type de travaux.
chantiers intéressant une collectivité réduite : demi-
·salaire versé uniquement en nature.
5.000.000 journées
sible que grâce à l'accumulation de moyens riches et né-
cessairement, liée au spectaculaire.
A compter de 1964 le programme Promotion nationille
Enfin l'insuffisance des technici·ens conduit à une in·s uffi- s'alignait sur l'année budgétaire et commençait en jan-
sance des études, empêchant . ou retardant la mise en vier.
œuvre de projets pourtant nécessaires. Là encore la Pro-
motion nationale ne voulait ni ne pouvait apporter une Ramenés au calendrier grégorien nous obtenons les chif-
solution uniforme et totale. En effet, si elle péut former fres suivants :
sur le tas ou au niveau des provinces les petits cadres
dont ene a besoin, il ne peut être question pour elle de - de juillet à décembre 1961 6.500.00 journées
former ses propres techniciens. Son but n'est pas de se - de janvier à décembre 1962 15.700.000 journées
substituer à la mission des administrations compétentes. de janvier à décembre 1963 10.100.000 journées
Mais ce qui est en son pouvoir, c'est de faire pression
sur les responsables pour qu' ils ne négligent point les de janvier à décembre 1964 15.500.000 journées
problèmes des secteurs dont elle s'occupe plus particu-
lièrement, c'est de susciter chez les ingénieurs· locaux des A ce bilan il convient d'ajouter pour 1961 : 900.000 jour-
initiatives créatrices, chez les administrateurs et les popu- nées con·s acrées à la construction d'écoles ; et pour 1962 :
lations un esprit d'entreprise. La réussite de certaines 800.000 journées pour l'édification de maisons communa-
tentatives, l'échec d'autres conduisirent, par expérimenta- les. Pour 1964 : 450.000 journées employées au lancement
tions successives, à établir des principes de réalisation, du projet Derro. ·
38 ETUDES ET NOTES
Sur son compte spécial et pour la réalisation des tra- Irrigation et aménagement des sols
vaux dont elle a seule la charge, la Promotion nationale
a dépensé en outre pour les achats de matériel, de maté- Près de 3.000 km de réseau ·d'irrigation (canaux, sé-
riaux -et les frais de transport 18 millions de OH. Depuis guias, khettara) ont pu être rénovés ou construits, prin-
juillet 1963, les services techniques participant aux tra- cipalement dans les provinces du Sud, permettant de
vaux, ont des charges importantes, difficiles à chiffrer mieux irriguer environ 45.000 hectares. A ce réseau pro-
parce que confondues dans la masse de leur budget gé- prement dit (800 chantiers) il faut ajouter l'exécution de
néral. Ces dépenses peuvent s'estimer néanmoins à quel- pfu·s d·e 150 bassins d'accumulation, d'une trentaine de
que 15 millions de dirhams. petits barrages de dérivation et de quelque 250 ouvrages
d'art hydrauliques tels que syphons, partiteurs, prises bé- à 13 DH, la participation de la Promotion nationale ayant
tonnées sur les oueds. La Promotion participe également permis de réduire le pri x de revient de 15 % .
à l'édification de deux moyens barrages et à l'aménage-
ment des surfaces qui en dépendront. - En 1964 une vaste cam pag ne de re stauration et
de transformation de la région rifaine s'est ouverte et doit
De·s travaux d'assainissement, de défrichement, d'épier- s'étaler sur cinq ans. Fruit des études d'une mission de la
rage, de nivellement, de seuils en pierres sèches, de bour- F.A.O., l'importance et l'originalité du projet nous amène-
relets en courbe de niveau, soit plus de 80 chantiers sur ront à en parler p·lus loin . Au cours de cette campagn e
près de 25.000 ha ont été entrepris en vue d·e mieux uti- commencée fin septembre 1964, il fut effectué en trois mois,
liser et canaliser les eaux. Ces travaux se sont intensifiés 2.000 ha de D.R.S. et 450.000 journées de travail.
à · partir de 1963, surtout à l'instigation de l'Office national
des irrigations (O .N.I.) . Enfin, pour faire face aux inonda-
tions périodiques dans le Gharb , un projet de construction
de digues pour la protection des cultures et des villages a
été entrepris et, en 1964, 110 km de digues ont été levées.
~ ...~ %
L'EQUIPEMENT
1961 ............. 29,7 54 ,3 1 6 ,0
1962 .. .. .... ... .. 33 , 6 51 ,3 15 '1
- 250 sources ont été aménagées ou captées ; 1 963 ....... . ..... 39,0 35 ' 1 25 , 9
- 200 points d'eau et 270 citernes ont été implantés ; 1 964 ...... ..... .. 11 , 1
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Sans compter de très nombreux chantiers d'aménage- C'est à partir de 1963, année pourtant médiocre, que la
ment de centres, voiries, adductions d'eau , ai res à grains, mise en valeur prend la tête des travaux. En 1964 ell·e
plantations dans les communes. devient nettement prépondérante, indice qu'un des objec-
tifs majeurs de la Promotion nationale commence à être
saisi. La participation active des Eaux ·et Forêts, l'effort
Par ailleurs il faut signaler des op érations spécifique·s fourni par l'Office des irrigations, la compréhension mani-
importantes : festée par plusieurs provinces, ont permis ces progrès. Le
programme de 1965 prévoit que 60% des journées ·s eront
- Pendant l'été 1961 l'opération écoles qui a permis investis dans le domaine de la production agricole. Mais
la construction de 1.200 cl asses et 700 logements d'insti- il ne faut pas perdre de vue qu 'il est relativement plus
tuteurs et la rentrée de 225.000 élèves supplémentaires en facile d'exécuter des terrassements pour l'ouverture de
octobre 1961. pistes ou de nivellements de souks, que de mener à bonne
fin des travaux d'irrigation ou d'aménagement de ·s ols.
- En 1962-1963, la construction de 125 maisons com- Ceux-ci mettent en jeu des éléments complexes, exigent
munales, comportant chacune une salle de réunion , un des études et un encad rement dont ne dispose pas la
foyer féminin tenu par deux monitrices (ayant suivi un Promotion nationale et qui manquent souvent aux admi-
stage de trois mois), un atelier communal géré par un nistrations techniques. C'est ce qui explique que souvent,
artisan rural poiyvalent préparé à sa tâche · pendant six en 1961 et 1962, la Promotion nationale fut contrainte de
mois, grâce au concours du B.I.T. faire plus de voies de communication et d'équipements
ruraux que de séguia·s ou de plantations. Il fallut atten-
- Un programme d'habitat économique pour lutter con- dre que la méthode et l'esprit se rodent, pour obtenir,
tre les bidonvilie·s, auquel participe la Promotion natio- à partir de 1963 un renversement des tendances et en
nale depuis 1962. Cette action s'est situ ée jusqu ' ici à Casa- 1964 enfin l'orientation véritablement productive que s'est
blanca, Marrakech et Kénitra. Six mille logements ont déjà assignée la Promotion nationale.
été construits. A Marrakech , grâce à une rationalis ation
du travail très poussée, notamment dans l'utilisation des Par ailleurs, l'examen des réalisations par secteur géo-
manœuvres et à la préfabrication sur place, la construc- graphique et par province .permet des constatations uti-
tion d'une maison revient à 2.300 OH, le loyer mensuel les:
40 ETUDES ET NOTES
1•. - Dan-s les provinces du Nord , longtemps isolées, après un tableau récapitulant les résultats jusqu 'en fin
la préoccupat ion principale était d'améliorer les moyens 1963 et un tableau équivalent pour l'année 1964.
de communication. D'où une dominante " infras1ructure ., :
B ILAN DE LA PR OMOTI ON NATIO NALE
jusqu'à à partir DE J UILLET 1961 A DEC EMBR E 1963
fin 1963 de 1964
1 1 Rép:1rt1 tian à es journées
1 J ournoeo 1
Tétouan . . . . ... . . .. ...... . 76,7 % 74 % Pro v 1 nee l "·o.v:u 116oc·l t.i l.~C ln1~ra -
Al Hoceima . . .... . . .. . .. . . 72,2 % 10 % 1 ( 0!1 1. 000) 1
en valeur .::;truc turu
Equi pcr..cn':.
TOTAL DES JOUR NEES DE TR AVA IL ET POURCENTAGE DE CES JOURNEE S PAR CATEGORIES DE TRAVAUX EN 1964
Ac;éldlr ...... .... ...... ... .... ....... 51w. 7 10 257 . 3 18 49,8 173 . 867 33,6 85 . 1) 25 16 , 6
Al i:i occu::a ...... ..... ..... .... ...... 758. 1 )4 53 1 . 994 70 , 2 70 . 8 10 9 ,3 1!)? .3 50 20,5
B..;n: -L! cll:::. l .. ..... .. ...... ... .. .. ... 711.317 392.922 55 ,3 308.25 1 4 3 '3 1 o. 14 4 1 ,4
Cc..,obhnca .. .. .. ..... ....... .. .. .... 1 . 298.678 528 . 07 1 40,7 699.208 53 ,8 70 .7 99 s .~
Fè:J .... .... ..... .... .... ... ...... ... 1.3 69 . 932 52? . 616 38,4 Ü1 7 068
0 4~ , 0 227.24 8 16 ,6
K:;.:::.r Eo Souk .. ......... .... .... .... . 842 .3 94 482 . 11 9 57,2 253 . 492 30 ' 1 10 6 . 783 12 ,7
Uo.rrakecb ... ..... .. .... ... ..... ... .. 1 . 47 1. 7;5 1 . 030 . 02 1 70 , 0 184 . 676 12,5 257 . 058 17 , 5
l.! r. knà :::: .. ... .... .... .. .. ... ... ...... . 1. 074 . 027 187.036 17 ,4 850 . 895 79,2 3 6 .09 6 3 ,4
t:ador ... .... ...... ... .. ... ..... ..... 439.10 250 . 93 2 57' 1 132.189 30, 1 56 . 026 12 , 8
Ouarz.:..zate ... ..... .. ... ........ ..... 3.030.617 2 .77 0 . 093 91 ,4 21 2.44 1 7 ,0 48 . 083 1 ,6
Oujdo. ..... ... .. ... .... .... .. .... .... L)9 . 7~3 31 7 . 570 36 ,9 373 . 781 43 .5 1 68 . 3!32 19 , 6
Kcn1 t.ra .... ..... .. .. ... .... ....... .. 7 1 6 . 508 479.823 G7 , 0 29 . 795 12 , ') 14 6 . 890 20 , 5
Tc..nge:r
···· ···· ·········· ····· ······ ·
Taza .... ..... .. .. ... .... .... ..... ...
155.798
945 .3 52
50.796
420.644
32 , 6
45,0
3 .051
352 . 302
5 ,2
37,0
96 . 95 1
172.40 6
62 , 2
18 ,0
Té:..ouo...'1
·· ·· ···· ···· ··· ······ ······ ·· 1. 362 . 982 260.943 19, 1 1. 012.393 74 ,4 89 . 646 6 ,6
Tot._:.;! .... ... ..... ... . 15 .5 53 .1 04 8 . 486.49!3 54, 6 5 .33 9 . 219 34 ,3 1. 727.387 11 ,1
On peut également suivre les prog rès de la " mise en Agadir: passe dans le même domaine de 154.000 journées
valeur , dans quelques province·s : en 1961 à 120.000 en 1963 pour le·s six derniers mois
seulement. En 1964 elle utilise 260.000 journées pour
Beni-Mellal : effectue durant le programme 1962 : 486.000 !a mise en valeur, soit 50% ;
journée·s cont re 262.000 en 1961 et maintient ce rythme
depuis lors ;
Fès : passe de 122.000 journées en 1961 à 150.000 pour les
six derniers mois de 1963. En 1964 elle atteint 525.000
Marrakech : en 1961 exécute 967.000 journées de mise en
journées, soit 38,5 %.
val·eur, en 1962 elle compte : 801 .000 journées, en 1964
elle parvient à : 1.000.000 de journées sur un total de
1.470.000 journées, soit un pourcentage de mise en Ainsi, dans la quasi-totalité des provinces on voit. pro-
valeur atteignant 70% ; gresser sensiblement la part des travaux productifs.
LA PROMOTION NATIONALE AU MAROC 41
tuent !Jne approche sérieuse de la question . Tcr:·uooemcnt en foui llc ..••••••••• 1 5 ,50 1
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des pierres. A Meknès, par contre, pour Je même travail de la production, peuvent ainsi être envisagés à un prix,
et par suite d'une mauvaise conduite du chantier, la dé- pour l'Etat, défiant toute concurrence. La notion d'inves-
pense a été supérieure de 66% par rapporf à la nor- tissement-travail acquiert alors toute sa vale1Jr.
male.
en grande partie de l'augmentation de ses charges de économiques et statistiques établis à l'occasion du pre-
fonctionnement, alors que ·ses ressources stagnent, que mier Plan quinquennal, le sous-emploi était d'une telle
les investissements diminuent et que la population s:ac- ampleur que 300 millions de journées de travail devaient
croît. Certes, c'est pour pallier une telle situation, qui se être annuell-ement disponibles dans les campagnes. La
dessinait déjà, que la Promotion nationale a été fondée. Promotion nationale elle-même s'était créée sur ces don-
Mais la " cure d'amaigrissement, que subissent le·s admi- nées. Or elle ne peut atteindre que 17 millions de jour-
nistrations techniques, risque de retentir sur la Promotion nées par an . Le rapport des deux chiffres fut exploité sur
nationale, dans la mesure où l'es services connaîtraient le plan politique.
une certaine paralysie. Toutefois une phase de moindre
facilité dans les dépenses et d'austérité pour les Offices,
p·eut au contraire pousser à recourir encore plus systé- La réalité était assez différente, encore fallait-il essayer
matiquement aux méthodes d'investissement-travail et obli- de ia comprendre. Les premiers chiffres avai·ent été éta-
ger à un meilleur usage des moyens existants. La crise blis d'après le temps de travail nécessaire aux différents
actuelle peut ainsi provoquer enfin une réforme adminis- travaux agricoles. De plus, les 300 millions de journées
trative profonde, et la révision des méthodes d'intervention inemployées englobaient les journées des femmes qui re-
de l'Etat, surtout dans le domaine agricole où règne un présentent la moitié de la population. Il n'est évidemment
désarroi évident. pas dans les intentions de la Promotion de mobiliser les
femmes et pour ceux d'ailleurs qui les ont vu vivre dans
les campagnes, il paraît curieux de les juger sous-em-
2". - L!n premier pas a déjà été amorcé. Les gouver- ployées!
neurs de province sont directement chargés, désormais,
de l' impulsion et de la coordination des actions de déve-
C'est que la méthode de calcul employée était pure-
loppement. Certes, pour le moment, ils manquent du per-
sonnel nécessaire et surtout du personnel techniqu·e. La ment arithmétique et ne tenait pas compte des modes et
centralisation des grand·es directions, la complication et conditions de vie des ruraux. Méthode sans doute valable
pour mesurer Je travail en usine, pas pour appréhender le
le cloisonnement des services et des circuits, hérités de
la conception française, amènent évidemment une grande travail du paysan maghrébin. Car, ainsi que J'analyse P.
Bourdieu dans la " Sociologie de l'Algérie , : « la terre est
perte de temps et d'efficacité à l'échelon local. La concen-
une fin et non pas un simple moyen d'existence, et .Je tra-
tration des cadres dans la capitale, la non-coïncidence
vail non pas une façon de gagner sa vie mais une façon
fréquente des circonscriptions des services techniques
de vivre ... , " ... Cette conception du travail est insépa-
avec le découpage territorial administratif, accusent en-
rable d'un autre trait caractéristique de cet esprit tradi-
core les difficultés et les déséquilibres. La Promotion na-
tionnaliste, à savoir J'absence de calcul économique ra-
tionale a joué un grand rôle dans la prise de conscience
tionnel. Pour le paysan vivant dans le milieu naturel, Je
de ces problèmes et, par son insistance à les mettre ·en
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correspondantes. Le résultat de ce sondage, bien que de consécutives à leurs occupations agricoles normale·s, obli-
valeur inégale, ayant été effectué par les caïds et leurs gent les différents utilisateurs de la Promotion à organiser
adjoints, dont la formation est variable, représente la pre- la marche des travaux et à combiner ou alterner les· diffé-
mière approche d'un problème jusqu'alors inexploré. rentes interventions, en fonction des ressources en hom~
mes.
ne sera plus qu'un marécage constamment inondé par les 5°. - Bien qu 'il déborde du cadre strict de la Promo-
crues de deux grands fleuves et de leurs affluents déva- tion nationale, un problème sous-jacent doit être évoqué.
lant deS pentes dénudées du Rif. L'ampleur et l'urgence C'est celui de la réforme agraire. Arme ·essentiellément
du projet étudié par la F.A.O., amènent actuellement l·es politique, il n'y a pas de solution économique miraculeuse
grands organismes techniques et financiers des Nations à en attendre, surtout dans les zones marginales où ce
Unies à envisager une participation importante à son exé- qu 'ô! y a à partag·er est peu productif. Il n'en reste pas
cution. Or la Promotion nationale sera une des principales moins que sans possibilité directe ou indirecte. de récupé-
parties prenantes, les travaux Je·s plus importants consis- ration des plus-values, sans obligation de mise en valeur
tant en des plantations et des aménagements de sols faits et surtout sans modification du statut foncier, l'intérêt que
à main d'homme. Sans attendre les résultats des négocia- porteront les paysans au travail et à la bonification de la
tions en cours et avec ses seuls moyens, le Maroc a terre demeurera aléatoire.
commencé à opérer en 1964 sur 8.000 ha et il est prévu
en 1965 de réaliser 15.000 ha. L'action se concentre sur
quelques sites de 1.500 à 3.000 ha chacun. L'importance
des travaux nécessite dE;Js concentrations de 2 à 4.000 ou-
vriers, sur chacun des périmètres choisis ; donc l'instal•
lation d!:l camps d'hébergement, une organisation du tra-
vail, des tâches, des plans précis, une comptabilité régu-
lière, un encadrement ·et un personnel technique perma-
nent. Opération intégrée, elle ·met en jeu des disciplines Conclusion
diverses et' exigera une forte coordination. C'est une expé-
rience nouvelle dans laquelle s'est engagée la Promotion
nationale et ·ses résultats seront déterminants. Au-delà de ces réalisation·s, l'intérêt de la Promotion
nationale est de déboucher sur un certain nombre de
c - Mais les questions administratives et techniques ne problèmes. Elle permet, sinon de les résoudre immédia-
doivent pas masquer le problème fondamental : la parti- tement à elle seule, tout au moins de les placer dans une
cipation de la population à l'action de Promotion natio- perspective nouvelle. Signe de contradiction, alors qu'elle
nale. Sans participation ·et sans esprit d'initiative de la est officiellement contestée par l'opposition, elle s'est vue
part des fellahs, la Promotion est condamnée à piétiner cependant encouragée par la Commi·ssion parl·ementaire
au stade actuel et ne pourra pas déboucher sur la grande de la Promotion nationale composée de toutes les ten-
œuvre de tran·sformation des mentalités et de mise au tra- dances politiques et présidée par un opposant. Inscrite
vail généralisée pour laquelle elle fut créée. Œuvre de très dans la Constitution et encore dynamique après quatre
longue haleine et qui ne peut progresser qu'insensible- ans de vie, voilà une belle preuve de constance dans un
ment. Un signe favorable d'évolution existe cependant : le pays sous-développé. Sans fonctionnaires, ·sans techni-
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