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– Conflits de lois
Sabine Corneloup, Fabienne Jault-Seseke
Dans Revue critique de droit international privé 2015/2 (N° 2), pages 389 à 412
Éditions Dalloz
ISSN 0035-0958
DOI 10.3917/rcdip.152.0389
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relève ; c’est donc également ce droit qui régit son recours). En effet, ni
la loi applicable à l’accident, ni la loi applicable au recours de l’organisme
social ne déterminent l’étendue de la garantie due par l’assureur, laquelle
dépend uniquement de la loi du contrat d’assurance. Devant les juges du
fond, les victimes avaient plaidé l’existence dans le contrat d’assurance d’un
choix implicite de la loi française, mais l’argument a été écarté puisqu’un
tel choix ne résultait pas de façon certaine des documents contractuels ce
qui, sauf dénaturation, ne pouvait être remis en cause devant la Cour de
cassation. Il fallait par conséquent déterminer la loi applicable à défaut de
choix, ce qui soulevait la question de l’applicabilité de la Convention de
Rome, qui exclut, dans son article 1er alinéa 3, de son champ d’applica-
tion seulement les contrats d’assurance couvrant des risques situés sur le
territoire des États membres, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En revanche,
on aurait pu douter de l’applicabilité dans le temps de la convention. En
effet, il y avait une ambiguïté dans le dossier quant à la date de conclu-
sion du contrat d’assurance. Le véhicule faisait partie d’une flotte et des
contradictions apparaissent dans les faits quant à l’identité exacte du véhi-
cule impliqué. Soit il s’agissait d’un véhicule assuré auprès d’AGF en 1987,
soit il s’agissait d’un autre véhicule qui était couvert par un contrat d’as-
surance dont on ne connaît pas la date de conclusion mais qui était assuré
également auprès d’AGF pour la période de mars 1994 à mars 1995. La
cour d’appel s’est référée dans sa motivation à une signature du contrat en
1987, mais elle a néanmoins appliqué la Convention de Rome, ce qui
revient à une application par anticipation puisque la convention est entrée
en vigueur seulement le 1er avril 1991. Quant au pourvoi, il était fondé
sur la Convention de Rome sans fournir d’explication sur ce point, et la
Cour de cassation approuve finalement le raisonnement, également sans
explication, en indiquant que la convention était bien applicable en l’espèce.
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gieux lors de son absorption par Allianz. Seule Colina serait tenue à indem-
nisation. Dans le cas contraire, les demandeurs pourraient réclamer l’in-
demnisation à Allianz.
La cession de portefeuille d’assurances est l’une des rares hypothèses dans
lesquelles le droit admet la validité d’une cession de contrat entre vifs sans
que le cédé ne participe à l’opération, c’est-à-dire sans que le cédé ne donne
son consentement (v. par ex., E. Jeuland, Cession de contrat, Rép. civ. Dal-
loz, 2010 ; M.-L. Izorche, R. Boffa, Circulation du contrat, J.-Cl. Contr.
distr., fasc. 102, 2007, n° 37 s.). En droit français, la cession est admise,
lorsque le risque assuré est situé en France ou dans un autre État membre
de l’Union, selon les conditions des articles L. 324-1 et suivants du Code
des assurances. Dans un premier temps, la demande de transfert est portée
à la connaissance des créanciers par un avis publié au Journal officiel, qui
leur impartit un délai de deux mois pour présenter leurs observations. Ensuite,
le transfert doit être approuvé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution. L’approbation rend le transfert opposable aux tiers à partir de sa
publication au Journal officiel. Enfin, les assurés ont la faculté de résilier
leur contrat dans un délai d’un mois suivant la date de cette publication.
En l’espèce, le risque assuré était situé dans un État tiers à l’Union, et les
dispositions des articles L. 324-1 et suivants du code français n’étaient donc
pas applicables. En droit malien, la cession d’un portefeuille de contrats d’as-
surance est également admise et elle est régie, à quelques détails près, par
des dispositions tout à fait similaires (Code de la Conférence interafricaine
des marchés d’assurance, CIMA, art. 323). La demande de transfert est portée
à la connaissance des créanciers par un avis publié au Journal officiel et/ou
dans un journal d’annonces légales, qui fait courir un délai de trois mois
pour présenter des observations et un délai d’un mois durant lequel les
assurés peuvent résilier leur contrat. Le transfert doit être autorisé par la
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ticle 1690 du Code civil qui exige une signification de la cession au cédé
(Civ. 1re, 5 févr. 2009, n° 08-10.230, D. 2009. 842, obs. X. Delpech, note
L. Aynès). Si l’on suit en droit international privé cette assimilation à une
cession de créance (v. en ce sens B. Audit, L. d’Avout, Droit international
privé, Économica, 2013, n° 864), il convient de se tourner vers l’article 12
de la Convention de Rome (règl. Rome I, art. 14), qui soumet l’opposa-
bilité de la cession au débiteur cédé à la loi qui régit la créance cédée (alors
que les relations entre le cédant et le cessionnaire sont régies par la loi du
contrat de cession). En revanche, l’opposabilité aux autres tiers que le débi-
teur cédé n’a pas été réglée par le législateur européen et relève dès lors du
droit commun (v. sur la difficulté de trouver une solution adéquate, notam-
ment les travaux du Conseil allemand pour le droit international privé,
Rev. crit. DIP 2012. 676 ; D. Pardoel, Les conflits de lois en matière de ces-
sion de créance, LGDJ, 1997 ; E.-M. Kieninger, Das Statut der Forde-
rungsabtretung im Verhältnis zu Dritten, RabelsZ 1998. 678 ; M.-E. Ancel,
E.-M. Kieninger, H. C. Sigman, La proposition de règlement Rome I et
les effets sur les tiers de la cession des créances, Banque et Droit 2006-III.
39). Le litige dans l’affaire commentée concerne l’opposabilité aux tiers-
victimes ainsi qu’à l’organisme social subrogé dans les droits des tiers-vic-
times. Ces tiers-victimes ne sont pas parties au contrat d’assurance. Peut-
on les assimiler néanmoins au débiteur cédé dans le cadre de l’article 12
de la Convention de Rome, ou faut-il les traiter comme les autres tiers ?
Sur le terrain du conflit de juridictions, le règlement Bruxelles I bis traite
le bénéficiaire du contrat d’assurance de la même façon que le souscripteur
et l’assuré, et la jurisprudence semble transposer au tiers-victime un certain
nombre de principes applicables au bénéficiaire du contrat (v. art. 11, al.
1 b, qui est applicable, selon l’art. 13, al. 2, en cas d’action directe de la
victime ; art. 45, al. 1 e, i ; CJUE 13 déc. 2007, FBTO Schadeverzekerin-
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transfert unique, ce qui signifie que les parties au contrat de cession doi-
vent respecter les exigences, notamment de publicité, d’une pluralité de lois.
Dans l’affaire commentée, on ne dispose d’aucune information sur ce point.
On ne peut donc raisonner que par rapport au contrat litigieux, ce qui
devrait conduire effectivement à l’application de la loi du contrat d’assu-
rance, comme l’avait affirmé la cour d’appel dans l’affaire commentée.
Par conséquent, si la cour d’appel de renvoi confirme l’application de
la loi malienne, en motivant cette solution de façon correcte au regard de
l’article 4 de la Convention de Rome par l’existence de liens plus étroits
avec le Mali qu’avec la France (à l’exception de l’établissement de l’assu-
reur, tous les autres éléments étaient en effet localisés au Mali), la cession
serait a priori considérée comme opposable aux tiers. Toutefois, il reste à
ce stade la question des mesures de publicité, comme l’a soulevé le pour-
voi qui soutenait qu’il convenait de s’interroger sur le point de savoir si,
au-delà des formalités accomplies au Mali conformément au droit malien,
des mesures de publicité n’étaient pas également requises en France, dès
lors que l’assureur cédant était une société française. L’argument sous-entend
une qualification de loi de police, dont le critère d’application serait le siège
du cédant. Pour apprécier la valeur de cet argument, il convient de s’in-
terroger sur la fonction des mesures de publicité en cette matière (v. notre
thèse, La publicité des situations juridiques, Une approche franco-allemande
du droit interne et du droit international privé, LGDJ, 2003). L’objectif est,
selon l’article L. 324-1 du Code des assurances, d’informer « les créan-
ciers », c’est-à-dire un public qui dépasse le seul cercle des assurés, notam-
ment afin que ceux-ci puissent présenter leurs observations sur le projet de
cession à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. En effet, cette
dernière n’autorise le transfert que si celui-ci ne préjudicie pas aux intérêts
des créanciers et des assurés. Dans la mesure où le cédant est généralement
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ment ainsi que les sommes forfaitaires calculées sur une base autre que la base
horaire ; qu’en jugeant que la somme dénommée « deslocaçoes estrangeiro »
versée par la société au salarié devait être incluse dans les composantes du salaire
pris en compte pour apprécier si le minimum conventionnel avait été respecté
alors que, ainsi qu’elle le constatait, il s’agissait d’une somme forfaitaire cal-
culée sur une base autre que la base horaire, la cour d’appel a violé le texte
susvisé, ensemble les articles L. 1262-4 et R. 1262-8 du Code du travail ;
5°/ que selon l’article 4.1.2 de l’avenant du 24 juillet 2002 à la convention
collective nationale des ouvriers des travaux publics, sont exclues du montant
de la rémunération annuelle « les sommes constituant des remboursement de
frais (notamment indemnités de déplacement) » ; qu’en jugeant que la somme
dénommée « deslocaçoes estrangeiro » – détachement étranger – versée chaque
mois par la société au salarié devait être incluse dans les composantes du salaire
pris en compte pour apprécier si le minimum conventionnel avait été respecté
alors que les dispositions conventionnelles susvisées excluent du calcul de « la
rémunération annuelle » les indemnités de déplacement, la cour d’appel a violé
l’article susvisé et l’article R. 1261-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article R. 1262-8 du Code du travail,
transposant en droit interne les dispositions de l’article 3 de la directive
96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs
effectué dans le cadre d’une prestation de services, les allocations propres
au détachement sont regardées comme faisant partie du salaire minimal à
l’exception des sommes versées à titre de remboursement des dépenses effec-
tivement encourues à cause du détachement ainsi que les dépenses engagées
par l’employeur du fait du détachement telles que les dépenses de voyage,
de logement ou de nourriture qui en sont exclues et ne peuvent être mises
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tion judiciaire, les conditions de fond du mariage, telles que les empê-
chements, sont régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui
des deux États dont il a la nationalité, son article 4 précise que la loi
de l’un des deux États désignés par la convention peut être écartée par
les juridictions de l’autre État si elle est manifestement incompatible avec
l’ordre public, comme tel est le cas de la loi marocaine compétente qui
s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au
moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le ter-
ritoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet (1).
nalité », pour faire prévaloir les dispositions prévues à l’article 202 1, alinéa 2,
du Code civil, instauré par la loi du 17 mai 2013 selon lesquelles « deux per-
sonnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une
d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle
a son domicile ou sa résidence, le permet », la cour d’appel a violé l’article 55
de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°/ que, selon l’article 3 du Code civil, « …les lois concernant l’état et la
capacité des personnes régissent les Français même résident en pays étran-
gers » ; que selon l’article 5 de la convention franco marocaine du 10 août
1981, « les conditions de fond du mariage tels que l’âge matrimonial et le
consentement, de même que les empêchements, notamment ceux résultant des
liens de parenté ou d’alliance, sont régis pour chacun des futurs époux par la
loi de celui des deux États dont il a la nationalité » ; que selon l’article 4 de
ladite convention, « la loi de l’un des deux États désignés par la présente
convention ne peut être écartée par les juridictions de l’autre État que si elle
est manifestement incompatible avec l’ordre public » ; que l’article 5 précité
n’est pas contraire ni manifestement incompatible à la conception française
de l’ordre public international tel qu’envisagé par la loi française du 17 mai
2013, en ce qu’il ne heurte aucun principe essentiel du droit français ni un
ordre public international en matière d’état des personnes ; qu’en écartant
l’application de la Convention franco marocaine au profit de principes supé-
rieurs d’un nouvel ordre public international, instaurés par la loi du 17 mai
2013, la cour d’appel a violé l’article 3 du Code civil ainsi que les principes
du droit international privé ;
Mais attendu que si, selon l’article 5 de la Convention franco marocaine
du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la
coopération judiciaire, les conditions de fond du mariage telles que les
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II. – Mais c’est encore ce que la solution consacrée par l’arrêt a d’aty-
pique qui apparaît le plus discutable. De manière frappante, les termes de
Petra HAMMJE – C’est une réponse en trompe l’œil que l’arrêt du 28
janvier 2015 donne à la question de l’articulation de l’article 202-1 alinéa
homosexuel. Outre que l’on peut ne pas adhérer au principe même d’un
tel ordre public devenu d’éloignement, surtout s’il s’agit de défendre un
« droit au mariage », la solution est fortement discutable en l’espèce dans
son résultat, car elle maintient une défense à deux vitesses du « droit au
mariage pour tous ».
S’il est permis de s’en tenir à la lettre de l’arrêt, la solution serait satis-
faisante en termes d’égalité entre conjoints de loi nationale prohibitive. Mais
c’est en termes de méthode qu’elle devient discutable, car elle ne peut plus
s’expliquer par le jeu de l’ordre public prévu par l’article 4.
(1) La démarche française rappelle celle suivie en Belgique par l’article 46 du Code
de droit international privé : « L’application d’une disposition du droit désigné en vertu
de l’alinéa 1er est écartée si cette disposition prohibe le mariage de personne de même
sexe, lorsque l’une d’elles a la nationalité d’un État ou a sa résidence habituelle sur le
territoire d’un État dont le droit permet un tel mariage ».
conduit, avec l’article 202-1, alinéa 2, à puiser sans trier dans l’arsenal du
droit international privé pour en tirer les armes avec lesquelles il entend
mener son combat et faire remporter ses victoires au mariage homosexuel.
Le texte est en effet animé par une double logique, conflictuelle et sub-
stantielle, méritant bien la dénomination de « dispositif spécifique » rete-
nue par le Conseil constitutionnel (2). Sur le terrain conflictuel, la reven-
dication de compétence pour la loi française transparait clairement chaque
fois qu’un lien pertinent avec la France existe. Sur le terrain substantiel, la
neutralisation, pour motif de contenu, des statuts prohibitifs étrangers, même
présentant avec la situation un lien qui suffirait à déclencher la compétence
législative française s’il reliait la situation à la France, souligne l’affinité de
la mesure avec l’exception d’ordre public. Mais aucune de ces deux logiques
n’est parfaitement respectée : contrairement à l’orthodoxie conflictuelle, l’ar-
ticle 202-1, alinéa 2, n’abandonne pas le règlement de la question de droit
substantiel à une loi sélectionnée en fonction des liens que l’État l’édictant
entretient avec la situation. Ces liens ne sont validés comme facteurs de rat-
tachement que si la loi désignée permet le mariage homosexuel. Et alors
même que cette donnée suggère un certain rapprochement du dispositif
avec l’exception d’ordre public, une analyse plus précise nous en éloigne (3) :
il ne s’agit pas seulement, comme dans une version proximiste de l’ordre
public, de stériliser en France, du fait des liens de la situation avec notre
pays, les statuts étrangers prohibitifs revendiquant de s’appliquer : ces sta-
tuts sont aussi bloqués lorsque la situation qu’ils visent présente des liens
pertinents avec un pays étranger validant l’union homosexuelle. L’idée d’un
égard dû à la position de ce pays en raison de ces liens renvoie à la logique
répartitrice de la règle de conflit, non à celle régulatrice de l’exception
d’ordre public. L’hésitation persiste donc sur la nature exacte de l’article
202-1, alinéa 2 (4) : règle de conflit à coloration substantielle ? Ou bien
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(2) Décis. n° 2013-669 DC, 17 mai 2013, Rev. crit. DIP 2013. 753, n° 29.
(3) V. doutant de la pertinence d’une analyse en termes d’ordre public, D. Bureau,
Le mariage international pour tous à l’aune de la diversité, Mélanges B. Audit, LGDJ,
2014, n° 27.
(4) V. les interrogations et divergences entre P. Hammje (« Mariage pour tous » et
droit international privé, Rev. crit. DIP 2013.784), D. Bureau (op. cit., n° 27 et 28) et
H. Fulchiron (Le mariage entre personnes de même sexe en droit international privé au
lendemain de la reconnaissance du « mariage pour tous », JDI 2013. 1065-1067).
(5) Rev. crit. DIP 2013. 1044.