Vous êtes sur la page 1sur 21

Plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains

À propos de l’arrêt de la première chambre civile du 4 novembre


2009
Khalid Zaher
Dans Revue critique de droit international privé 2010/2 (N° 2), pages 313 à 332
Éditions Dalloz
ISSN 0035-0958
DOI 10.3917/rcdip.102.0313
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-critique-de-droit-international-prive-2010-2-page-313.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Dalloz.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
II. — VARIÉTÉS

Plaidoyer pour la reconnaissance


des divorces marocains

À propos de l’arrêt de la première chambre civile


du 4 novembre 2009

KHALID ZAHER
Professeur à la Faculté de droit de Fès

1. Au lendemain des célèbres arrêts du 17 février 2004 (1), Mlle Gannagé


se posait la question de savoir si la nouvelle jurisprudence de la Cour de
cassation constituait un véritable épilogue ou un simple rebondissement (2)
tant il paraissait difficile de se faire une idée juste sur la position de la
Haute juridiction en la matière (3). La question était d’autant plus perti-
nente que les arrêts du 17 février 2004 ont été rendus douze jours après
l’entrée en vigueur du nouveau Code marocain de la famille (4). L’on se
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

souvient qu’à l’occasion de ces derniers les Hauts magistrats avaient refusé © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

(1) Cass. civ. 1re, 17 février 2004, cette Revue, 2004. 423, note P. Hammje ; JDI 2002.
1200, note L. Gannagé ; D. 2004. 824, concl. F. Cavarroc, aussi D. 2004. 815 et chron.
P. Courbe, « Le rejet des répudiations musulmanes » ; JCP 2004. II. 10128, note H. Ful-
chiron ; Defrénois, 2004. 812, note J. Massip ; RTD civ. 2004. 367, obs. J.-P. Margué-
naud ; Gaz. Pal. 2004. 2814 et chron. M.-L. Niboyet, « L’avenir du nouveau revirement
de la Cour de cassation sur la reconnaissance des répudiations musulmanes ».
(2) L. Gannagé, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JDI 2002. 1200, spéc.
p. 1202.
(3) P. Lagarde, « Les répudiations étrangères devant le juge français et les traces du
passé colonial », in Privatrecht in Europa, Mélanges en l’honneur de Hans Jürgen Son-
nenberger, Munich, 2004, p. 481.
(4) Dahir n° 1.04.22 du 3 février 2004 portant promulgation de la loi n° 70.03 rela-
tive au Code de la famille, Bulletin Officiel du Royaume du Maroc n° 5184 du 5 février
2004, p. 418.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


314 DOCTRINE ET CHRONIQUES

de reconnaître que la répudiation puisse produire effet en France au motif


principal que « le pouvoir conjugal reste entre les mains de l’époux et que
le divorce doit être prononcé sur la seule volonté de celui-ci » (5) ou encore
que « la puissance maritale est entre les mains de l’époux selon la Charia
et le Code » (6). Ce que reprochait donc la Cour de cassation aux répu-
diations étrangères, c’est le fait que l’épouse soit privée d’un droit équiva-
lent à celui du mari dans la dissolution du lien conjugal. En d’autres ter-
mes, c’est l’impossibilité pour l’épouse de dissoudre le mariage dans des
conditions équivalentes à celles offertes au mari qui rendait la reconnais-
sance en France de la répudiation « contraire au principe d’égalité des époux
lors de la dissolution du mariage, reconnu par l’article 5 du protocole du
22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention européenne des
droits de l’homme, que la France s’est engagée à garantir à toute personne
relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international ». Or, depuis
la promulgation du nouveau Code marocain de la famille en février 2004,
les droits de l’épouse ont sensiblement évolué. Désormais, la famille est
placée sous la direction des deux époux (art. 4). Mais la plus grande nou-
veauté réside dans la mise en place d’une nouvelle procédure appelée « divorce
pour discorde » (art. 94 s.) permettant également aux femmes de se libérer
du lien conjugal de façon unilatérale et discrétionnaire de sorte que l’égal-
ité des époux lors du divorce se trouve rétablie.

2. Concomitante aux arrêts de février 2004, la réforme marocaine rendait


incertaine la portée de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.
Cette incertitude devenait d’autant plus grande avec l’instauration en France
d’un véritable droit au divorce (7) par la loi du 26 mai 2004. C’est ainsi
que certains auteurs n’avaient pas hésité à relever au lendemain de cette
réforme que « le droit français connaît désormais une forme de répudia-
tion. Si l’on définit en effet la répudiation comme le droit, discrétionnaire,
reconnu aux époux ou à l’un deux, de mettre fin unilatéralement au mariage,
comment ne pas retenir une telle qualification pour le divorce pour altéra-
tion définitive du lien conjugal ? Certes, le mot est choquant, mais la réal-
ité l’est plus encore. Et l’on ne manquera pas de s’interroger sur la cohérence
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

d’un droit qui lance l’anathème sur les répudiations musulmanes tout en © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
l’inscrivant dans ses normes internes » (8). Dès lors, la question de savoir
si la Cour de cassation ne devait pas prendre acte de la réforme marocaine
et, partant, infléchir sa jurisprudence était clairement posée (9).

3. C’était donc la première fois que l’occasion se présentait devant la haute


juridiction afin de se prononcer sur le sort qu’elle compte désormais réserver
aux nouvelles dispositions marocaines en matière de dissolution du mariage.

(5) Arrêt n° 256.


(6) Arrêt n° 258.
(7) Il s’agit de la procédure du divorce pour altération définitive du lien conjugal pré-
vue par les articles 237 et 238 du Code civil.
(8) Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, Defrénois, 2006, n° 682, p. 278.
(9) H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JCP 2004. II. 10128,
p. 1481, spéc. p. 1484-1485.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 315

Pourtant, et sauf retournement de situation, Il semble désormais acquis que


les arrêts du 17 février 2004 de la Cour de cassation constituent l’épilogue
de la jurisprudence française en matière d’accueil des répudiations pronon-
cées au Maroc. À s’en tenir à la présente décision (10), celles-ci n’ont pas
droit de cité. Aussi, l’un des objectifs poursuivis par les pères de la réforme
marocaine, à savoir l’accueil en France des décisions de divorce prononcées
au Maroc, n’a, pour l’instant, pas été atteint (11). C’est ce qui ressort claire-
ment de la présente décision. Les faits de l’espèce sont très classiques. L’épouse
dépose une requête en divorce devant les juridictions françaises. Avant le
prononcé de la dissolution du lien conjugal, le mari excipe d’un jugement
de divorce prononcé devant le tribunal de Khemisset au Maroc avec l’ob-
jectif de court-circuiter l’action intentée par l’épouse. De l’accueil ou non du
divorce marocain dépendait l’issue de la procédure française. La reconnais-
sance de la décision marocaine aurait définitivement mis fin à l’action en
divorce formée en France par l’épouse. En revanche, en cas d’échec de la
demande du mari, la procédure entamée en France devait suivre son cours
normal. Les juges du fond refusent d’accéder à la demande du mari. Pour
eux, la reconnaissance de la décision marocaine porterait atteinte au principe
de l’égalité des époux en ce sens que la femme ne dispose pas d’un droit
équivalent à celui du mari lors de la dissolution du mariage ce qui débouche
sur une « différence flagrante de traitement » entre les époux. C’est cette
affirmation qui est contestée par le pourvoi. En effet, la deuxième branche
du moyen reprochait aux juges du fond de ne pas avoir recherché si les dif-
férentes procédures de divorce prévues par le code de la famille marocain du
5 février 2004 et ouvertes, selon les cas, à l’époux ou à l’épouse, n’assurent
pas, globalement, une égalité des époux lors de la dissolution du mariage ».
Balayé par la Cour de cassation, le moyen ne manquait pourtant pas de per-
tinence puisque, on l’a vu, le Code marocain de la famille a instauré cette
nouvelle procédure du divorce appelée « divorce pour discorde » respectueuse
du principe d’égalité des époux lors du divorce (I). De même, l’affirmation
selon laquelle l’inégalité consisterait aussi dans le fait que la répudiation puisse
être prononcée malgré l’opposition de la femme en privant l’autorité com-
pétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences finan-
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

cières de cette rupture du lien matrimonial laisse quelque peu perplexe au © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
vu des dernières évolutions du droit français de la famille (II).

I. — LE
DIVORCE POUR DISCORDE
DANS LE NOUVEAU DROIT MAROCAIN DE LA FAMILLE

4. L’évolution de la loi marocaine en matière de statut personnel n’a pas


échappé au demandeur au pourvoi qui reprochait aux juges d’appel d’avoir

(10) Cass. civ. 1re, 4 novembre 2009, D. 2010. 543, note G. Lardeux.
(11) Sur cet objectif, v. K. Zaher, Conflit de civilisations et droit international privé,
préface V. Heuzé, L’Harmattan, 2009, n° 354, p. 251.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


316 DOCTRINE ET CHRONIQUES

déclaré la répudiation marocaine contraire au principe européen de l’égal-


ité des époux en ce que l’épouse est privée d’un droit équivalent sans avoir
vérifié si cette égalité n’était pas assurée grâce aux nouveaux modes de divorce
instaurés par le législateur marocain. Et de fait, la possibilité pour l’épouse
de se délier du mariage dans les mêmes conditions que son mari vide l’ar-
gument invoqué par la juridiction d’appel de toute sa substance. Certes,
l’argument invoqué par le pourvoi était exprimé de façon assez générale en
ce sens qu’il parle des « différentes procédures de divorce prévues par le
code de la famille marocain du 5 février 2004 et ouvertes, selon les cas, à
l’époux ou à l’épouse » sans préciser laquelle de ces procédures sert à con-
trebalancer la répudiation masculine. Il n’en demeure pas moins que le
moyen invoqué était pertinent. Pourtant, il n’a pas trouvé grâce aux yeux
de la Cour de cassation qui, par une formule lapidaire, annonce que « l’épouse
ne peut saisir le tribunal d’une demande similaire que si elle y a été autorisée
par le mari ». C’est cette impossibilité pour la femme de disposer d’un
droit équivalent à celui de son mari qui rendrait, aux yeux des Hauts mag-
istrats, la répudiation contraire au principe de l’égalité des époux et, donc,
à l’ordre public international. Cette affirmation ne nous semble pas fondée.
Car, depuis février 2004, l’épouse dispose d’un droit équivalent à celui du
mari lors de la dissolution du lien conjugal. En effet, le divorce pour dis-
corde par son régime procédural (A), mais aussi par ses causes (B) permet
de rétablir une égalité parfaite des époux lors du divorce.

A. — Le régime procédural du divorce pour discorde

5. Si l’on définit la répudiation comme la « rupture du mariage par la volonté


libre et unilatérale d’un époux sans contrôle de justice ni accord du conjoint
répudié » (12), le divorce pour discorde en a toutes les caractéristiques. Il est
inutile de chercher une quelconque définition à ce nouveau mode de divorce
dans le Code de la famille. La doctrine, elle, définit la discorde comme l’ensem-
ble des querelles et malentendus qui éloignent les époux l’un de l’autre ren-
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

dant impossible le maintien de la vie conjugale (13). Les premières applica- © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
tions jurisprudentielles y voient « une situation de fait qui empêche la continuité
de la relation conjugale, chaque époux étant devenu très éloigné de l’autre à
cause d’un climat d’hostilité, de sorte que les liens d’affection se sont dis-
tendus sapant par là les fondements même du mariage en empêchant les
époux d’accomplir leurs droits et obligations réciproques » (14).

(12) G. Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, Quadrige, 2005, 7e éd., p. 798.


(13) A.-I.T. Soussi-Thanani, Moudawanath al-usra fi itar al-madhab al-maliki wa adi-
lithih, al-kithab al-thani, al-talaq (Code de la famille selon le rite malékite et ses fon-
dements, livre II, le divorce), Imarsi matba’ath fonoun al-qarn, Casablanca, 2007, p. 147 ;
aussi, M. Kachbour, Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia (Commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), t. II, Matba’ath al-najah
al-jadida, Casablanca, 2006, p. 102.
(14) Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., dossier n° 3269/8/2004, 13 janvier
2005, inédit.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 317

6. En réalité, le nouveau Code ne consacre qu’indirectement l’issue de cette


nouvelle procédure qui débouche systématiquement sur le prononcé du
divorce. Ne désirant pas consacrer expressément en faveur des femmes un
droit équivalent à la répudiation masculine, les rédacteurs du Code ont
préféré procéder par un détour afin de ne pas choquer la frange la plus
conservatrice de la société marocaine (15). Ainsi, l’article 94 autorise les
époux à demander « au tribunal de régler un différend les opposant et qui
risquerait d’aboutir à leur discorde ». Le juge de la famille doit alors procéder
à une tentative de conciliation. Les personnes désignées à cet effet doivent
ainsi s’employer à résoudre le différend qui oppose les deux époux en en
recherchant les causes (art. 95). En cas de réconciliation, les arbitres dressent
un rapport en trois copies signées conjointement par les deux époux. Le
tribunal en prend acte en remettant une copie à chacun des époux. La
troisième copie est conservée dans le dossier. En cas de désaccord entre les
arbitres quant à la détermination des responsabilités respectives des époux,
le tribunal peut ordonner une enquête complémentaire. Si la conciliation
s’avère impossible en raison de la persistance de la discorde, « le tribunal
prononce le divorce et statue sur les droit dus, conformément aux articles
83, 84 et 85 » (16). Mieux encore, le tribunal a l’obligation de statuer d’of-
fice sur les droits de l’épouse et ce bien que celle-ci se soit contentée dans
sa requête de demander le divorce sans faire la moindre allusion à ses droits (17).
C’est ainsi qu’il a été jugé que « le moyen de défense tiré d’un défaut de
demande de ses droits par l’épouse ne saurait être accueilli par le juge qui
doit les accorder d’office conformément aux dispositions de l’article 97 du
Code de la famille » (18).
Autrement dit, les droits dus à l’épouse sont exactement les mêmes que
ceux qu’elle perçoit en cas de répudiation par le mari. Or, il s’agit, ni plus
ni moins, d’une répudiation théoriquement ouverte aux deux époux mais
qui consacre au profit des femmes un droit équivalent à celui de la répu-
diation masculine comme on va le voir.

7. À la différence de l’article 79 du nouveau Code qui pose des chefs de


compétence hiérarchisés en matière de répudiation masculine obligeant l’époux
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

à saisir le tribunal dans le ressort duquel se trouve la résidence effective de © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
l’épouse, l’article 212 du Code marocain de procédure civile énumère des

(15) F. Sarehane, « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz. Pal. 2004. 2792,
spéc. p. 2804.
(16) A l’exception de la pension alimentaire due normalement à l’épouse pendant le
délai de viduité dans le cadre des divorces révocables. Le divorce pour discorde étant un
divorce irrévocable, l’épouse ne pourrait donc prétendre à l’entretien pendant le délai
de viduité.
(17) CA El-jadida, 12 décembre 2006, dossiers n° 34/101/2006 et n° 34/635/2006,
in Al-mounthaqa min ‘amal al-qadae fi thatbiq moudawanath al-usra (Morceaux choisis
de la jurisprudence en matière d’application du Code de la famille), Ministère de la Jus-
tice, publications de l’association de diffusion de l’information juridique et judiciaire,
série relative aux explications et preuves, n° 10, Matba’ath Elite, Rabat, 2009, vol. I,
p. 118.
(18) CA Fès, 21 décembre 2006, dossier n° 258/05, inédit.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


318 DOCTRINE ET CHRONIQUES

chefs de compétence alternatifs en matière de divorce pour discorde. En


vertu de cette disposition, « la requête en divorce judiciaire (19) est présen-
tée dans les formes ordinaires au tribunal de première instance du domi-
cile conjugal ou du domicile de l’épouse ou du lieu de conclusion du con-
trat de mariage ». Comme les femmes sont les principales bénéficiaires de
cette nouvelle procédure (20), nous ne pouvons nous empêcher de voir ici
un véritable forum actoris instauré par le législateur au profit de l’épouse
désirant mettre fin au lien conjugal.

8. En réalité, l’apport fondamental du divorce pour discorde est ailleurs.


La nouvelle procédure permet à l’épouse de se débarrasser d’un mariage
dont elle ne veut plus. Ceci sans avoir à en préciser les motifs ou à prou-
ver un quelconque préjudice et ce malgré l’opposition éventuelle du mari.

B. — Les causes du divorce pour discorde

9. « Est-il permis de voir dans cette nouvelle disposition un équivalent pour


la femme de ce qu’est la répudiation pour l’homme ? » se demandaient
certains au lendemain de la promulgation du nouveau code (21). La réponse

(19) Le divorce pour discorde est considéré comme un divorce judiciaire. Le Code de
la famille le traite d’ailleurs explicitement dans le titre VI intitulé « Du divorce judiciaire ».
(20) Al-muqthadayath al-jadida li mudawanath al-usra min khilal ajwibath al-sayid
wazir al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthif-
tharath al-muthara athnaê munaqachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-bar-
laman (Les nouvelles dispositions du Code de la famille à travers les réponses du ministre
de la Justice et celui des biens de mainmorte et des affaires islamiques aux questions
posées pendant la discussion du projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres
du Parlement), Royaume du Maroc, Ministère de la Justice, publications de l’associa-
tion de diffusion de l’information juridique et judiciaire, série relative aux explications
et preuves, n° 4, 2004, 1re éd., p. 131-132.
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

(21) M.-C. Foblets et M. Loukili, « Mariage et divorce en droit marocain de la famille : © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
quelles implications pour les marocains en Europe ? », cette Revue, 2006. 522, spéc. p. 527.
Ces deux auteurs ont fait remarquer dans la foulée que « la réponse à cette question devra
venir de la pratique judiciaire. Certains juges pourraient être amenés à considérer que ce
mode de divorce constitue une variante du divorce pour préjudice, ce qui confère au tri-
bunal un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la recevabilité de la demande ou fixer le
montant dû en guise de réparation du préjudice subi par l’époux du fait que l’épouse porte
la responsabilité dans la rupture du mariage. Une telle interprétation rend bien évidemment
le divorce plus difficile pour la femme. S’il s’avérait qu’en pratique ce soit cette interpréta-
tion qui l’emporte, il faudrait conclure que le chiqâq [divorce pour discorde] ne constitue
pas un équivalent du talaq [répudiation] ». Ces craintes sont à notre avis injustifiées. D’une
part, en cas d’échec de la tentative de réconciliation (autrement dit, devant la persistance
de l’épouse dans sa volonté de mettre fin au lien conjugal), le tribunal ne peut en aucun
cas rejeter la demande de l’épouse [v. sur ce point, « Dalil ‘amali limoudawanath al-usra »
(Guide pratique du Code la famille), publications du ministère de la Justice, publications
de l’Association de diffusion de l’information juridique et judiciaire, Matba’ath fadala, 2e
éd., 2006, p. 72]. D’autre part, l’argument selon lequel une éventuelle condamnation de
la femme à payer un montant correspondant à la réparation du préjudice subi par l’époux
serait de nature à rendre ce type de dissolution du mariage plus difficile pour l’épouse et

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 319

n’était certes pas aisée en ce qu’elle dépendait des applications jurispru-


dentielles. Toutefois, l’affirmative était déjà en germe tant les nouvelles dis-
positions relatives au divorce pour discorde laissaient peu de place au doute.
D’ailleurs, le pourvoi n’a pas manqué de soulever la question en invitant
expressément la Cour de cassation à vérifier si les procédures de divorce
instaurées par la réforme marocaine « n’assurent pas, globalement, une égal-
ité des époux lors de la dissolution du mariage ».

10. Premièrement, la lettre même de l’article 97 du nouveau Code de la


famille n’autorise aucune hésitation. En effet, la saisine du juge de la famille
d’une demande de divorce pour discorde a pour effet le déclenchement sys-
tématique de la procédure de conciliation. L’échec de cette dernière et la
persistance de la dissension entre les deux époux obligent le tribunal à pronon-
cer le divorce (22). La jurisprudence est solidement établie en ce sens (23).
Or, la seule insistance de l’épouse dans sa volonté de mettre fin au lien con-
jugal suffit à caractériser la discorde lui ouvrant le droit au divorce (24). Se
basant sur le texte de l’article 97 du Code de la famille, la jurisprudence
marocaine a considéré que la discorde entre les époux se trouve caractérisée
par la seule volonté de la femme de se séparer de son mari (25). De sur-

le rapprocherait davantage d’un divorce par compensation n’emporte pas l’adhésion. Et


pour cause : la femme qui saisit le juge d’une demande en divorce pour discorde ne fait
qu’exercer un droit que lui a conféré le législateur. Ce dernier ne saurait, sous peine de
contradiction, ouvrir une nouvelle voie de désunion au profit de l’épouse tout en présu-
mant l’abus de cette dernière dans l’exercice de ce droit. Même l’impossibilité pour l’é-
pouse d’établir la discorde devant le juge ne pourrait constituer un abus estime la doc-
trine la plus autorisée [M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq
fi moudawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), Matba’ath
al-najah al-jadida, Casablanca, 2006, p. 170]. La jurisprudence marocaine s’est d’ailleurs
ralliée à cette dernière analyse plus en phase avec l’esprit du texte. Ainsi, le Tribunal de
première instance de Marrakech a décidé que « l’abus ne saurait être déduit du simple
exercice par l’épouse de son droit de saisir le juge d’une demande en divorce pour dis-
corde. Par conséquent, la demande de réparation pour préjudice formée par le mari doit
être rejetée parce que infondée », Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam, 10 mars 2005,
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

jugement n° 701, dossier n° 2489/8/2004, inédit. © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
(22) Al-muqthadayath al-jadida li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir
al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftha-
rath al-muthara athnaê munaqachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barla-
man (Les nouvelles dispositions du Code de la famille à travers les réponses du ministre
de la Justice et celui des biens de mainmorte et des affaires islamiques aux questions
posées pendant la discussion du projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres
du Parlement), op. cit., p. 130.
(23) Entre autres, CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006, in Al-mounthaqa
min ‘amal al-qadae fi thatbiq moudawanath al-usra (Morceaux choisis de la jurisprudence
en matière d’application du Code de la famille), Ministère de la Justice, publications de
l’association de diffusion de l’information juridique et judiciaire, série relative aux explica-
tions et preuves, n° 10, Matba’ath Elite, Rabat, 2009, vol. I, respectivement p. 119 ; aussi,
Trib. 1re inst. Semara, sect. just. fam, 23 janvier 2007, dossier n° 129/2006, ibid, p. 128.
(24) M. Kachbour, Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia (commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), op. cit., p. 105.
(25) Trib. 1re inst. Nador, sect. just. fam., 8 février 2006, jugement n° 187, dossier
n° 719/2005 ; aussi, Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam, 25 novembre 2004, juge-
ment n° 3475, dossier n° 2114/8/2004, inédit.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


320 DOCTRINE ET CHRONIQUES

croît, le juge a l’obligation d’accéder à sa demande même en l’absence de


toute faute de la part du mari (26). Autrement dit, l’épouse ne doit nulle-
ment prouver les causes de la discorde pour pouvoir dénouer les liens d’un
mariage dont elle ne veut plus (27). C’est ce qui ressort clairement des
décisions jurisprudentielles rendues en la matière (28).

11. Deuxièmement, obliger l’épouse à prouver la faute du mari pour que


sa demande soit recevable reviendrait à vider le texte de la nouvelle réforme
de toute sa substance en transformant le divorce pour discorde en divorce
pour préjudice. Or, l’instauration de cette nouvelle procédure trouve juste-
ment sa raison d’être dans la volonté du législateur de permettre à la femme
de se défaire du lien conjugal sans avoir à recourir au divorce pour préju-
dice très difficile à obtenir en raison du niveau élevé des exigences de
preuve (29). Certains jugements traduisent d’ailleurs fidèlement cette
volonté législative. Ainsi, dans un jugement en date du 3 mars 2005, le
tribunal de première instance de Marrakech a déclaré que le défaut de
preuve du préjudice par l’épouse ne rend pas irrecevable sa demande de
divorce pour discorde, puisque « sans fondement légal, un tel argument est
de nature à vider le nouveau Code de la famille de sa substance et de sa
philosophie visant à faciliter l’accès à la dissolution du lien conjugal aux
épouses se trouvant dans l’incapacité de prouver le préjudice en raison de
la gêne qu’elles éprouvent à exposer l’intimité de leurs vies privées devant
les institutions judiciaires » (30). L’on ne peut que s’en féliciter.

12. Troisièmement, en autorisant l’épouse à divorcer sans avoir à prouver


la discorde ou une quelconque faute de la part du mari opposé au divorce,

(26) Trib. 1re inst. Oujda, sect. just. fam., 15 mars 2005, jugement n° 974, dossier
n° 1362/04, inédit ; Trib. 1re inst. Romany, sect. just. fam., 29 janvier 2004, jugement
n° 40, inédit ; v. également, « Al-thaqrir al-khithami ‘an al-ayam al-dirassiya al-lathi
nadamathha wizarath al-’adl lilichkaliyath al-’amaliya fi majal qadaê al-usra wa al-huloul
al-moulaîma laha » (Le rapport de clôture des journées d’études organisées par le ministère
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

de la Justice relativement aux problèmes pratiques ainsi qu’aux solutions correspondantes © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
dans le domaine de la justice de la famille), Rev. just. fam., n° 1, juillet 2005. 27, spéc.
p. 63.
(27) M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq fi mou-
dawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op. cit., p. 51.
(28) Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 25 novembre 2004, jugement n° 3475,
dossier n° 2114/8/2004, préc. ; aussi, Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars
2005, jugement n° 418, dossier n° 04/8/2005, inédit.
(29) V. les explications du ministre marocain de la Justice, in Al-muqthadayath al-
jadida li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir al-’adl wa al-sayid wazir
al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftharath al-muthara athnaê muna-
qachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barlaman, (Les nouvelles dispositions
du Code de la famille à travers les réponses du ministre de la Justice et celui des Biens
de mainmorte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du
projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit.,
p. 131-132.
(30) Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars 2005, jugement n° 418, dos-
sier n° 04/8/2005, préc. ; aussi Trib. 1re inst. Larache, sect. just. fam., 9 janvier 2007,
dossier n° 90/06/5, in Rev. just. fam., double numéro 4-5, février 2009. 252.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 321

le législateur marocain a voulu mettre sur un pied d’égalité les deux époux
en ouvrant à la femme un droit équivalent à celui conféré aux hommes (31).
Exiger la preuve d’un quelconque préjudice, c’est remettre en cause l’esprit
de la nouvelle législation. Comme le remarquent à juste titre certains auteurs,
« si l’époux peut mettre fin au mariage par sa seule volonté unilatérale et
pour la simple raison qu’il ne veut plus vivre avec sa femme, et ce sans
avoir à avancer un seul motif raisonnable, il doit en aller de même pour
l’épouse qui ne supporte plus la vie conjugale. Elle peut désormais y met-
tre fin en recourant à la procédure du divorce pour discorde » (32).

13. Aussi, la volonté du législateur de rétablir l’égalité des époux en matière


de dissolution du lien conjugal se manifeste sur le plan des délais imposés
aux tribunaux de la famille pour statuer sur les demandes de divorce pour
discorde. En effet, en vertu de l’article 97, alinéa 3, le juge doit impéra-
tivement statuer dans un délai maximum de six mois à compter de la date
du dépôt de la requête (33). Aussi, les tribunaux respectent scrupuleuse-
ment cette disposition et statuent dans les délais impartis par le nouveau
Code (34). Cette volonté se manifeste encore davantage sur le plan des
recours. Ainsi, le divorce pour discorde (35) n’est susceptible d’aucun recours
quant au chef du dispositif mettant fin au lien conjugal (art. 128). Les pre-
mières applications jurisprudentielles sont très claires à cet égard (36). Cette
nouveauté s’explique par la volonté de fermer toute possibilité de recours
dilatoires exercés par les époux de mauvaise foi qui n’hésitaient pas à atta-
quer les décisions prononçant le divorce demandé par l’épouse sous l’em-
pire de l’ancienne Moudawana et ce bien qu’ils aient la certitude qu’une
rupture était devenue inévitable (37).

(31) V. la présentation du projet du Code de la Famille par le ministre marocain de


la Justice devant la chambre des représentants le 16 janvier 2004, in Al-muqthadayath
al-jadida li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir al-’adl wa al-sayid wazir
al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftharath al-muthara athnaê muna-
qachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barlaman (Les nouvelles dispositions
du Code de la famille à travers les réponses du ministre de la Justice et celui des Biens
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

de mainmorte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit., p. 17.
(32) M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq fi mou-
dawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op. cit., p. 50.
(33) V. aussi, Dalil ‘amali limoudawanath al-usra (Guide pratique du Code la famille),
op. cit., p. 72.
(34) B. Lisser, « Le Code de la famille après quatre année d’application, “bilan et
perspectives” », Rev. just. fam., double numéro 4-5, février 2009. 5, spéc. p. 22.
(35) Tout comme les autres modes de divorce judiciaire, le divorce par compensa-
tion ainsi que les décisions prononçant la dissolution du mariage.
(36) CA Marrakech, 1er février 2005, dossier n° 3955/8/2004, inédit : « est sans fonde-
ment juridique l’appel interjeté contre le jugement ayant prononcé le divorce pour discorde ».
(37) V. les explications du ministre marocain de la Justice, in Al-muqthadayath al-jadida
li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf
wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftharath al-muthara athnaê munaqachath
machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barlaman (Les nouvelles dispositions du Code
de la famille à travers les réponses du ministre de la Justice et celui des Biens de main-
morte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du projet de
la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit., p. 151-152.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


322 DOCTRINE ET CHRONIQUES

14. De ce qui précède résultent les conclusions suivantes :


1. La femme peut saisir le juge d’une demande en divorce pour discorde
sans avoir à en expliquer les raisons.
2. Elle n’a pas non plus à établir la faute du mari ou un quelconque
préjudice.
3. L’opposition du mari est sans incidence sur l’issue de l’affaire.
4. Si la femme persiste dans sa demande, le juge a l’obligation de pro-
noncer un divorce irrévocable dans un délai maximum de six mois à comp-
ter de la date du dépôt de la requête.
5. Cette décision n’est susceptible d’aucun recours quant au chef du dis-
positif mettant fin au lien conjugal.
Conclusion : le divorce pour discorde, bien qu’il soit une procédure
ouverte aux deux conjoints, offre à l’épouse un droit au moins équivalent
à celui du mari dans la dissolution unilatérale du lien conjugal (38).

(38) V. cependant contra, F. Laroche-Gisserot, « Le nouveau Code marocain de la


famille : innovation ou archaïsme ? », Rev. dr. internat. dr. comp. 2005. 335, spéc. p. 343-
344. Pour cet auteur, le divorce pour discorde instauré par le législateur marocain « tient
du divorce pour altération du lien conjugal (loi française du 26 mai 2004) sans s’écar-
ter totalement du divorce pour faute [...] ce divorce n’est pas moralement neutre ; le
lien avec la faute est souligné par le fait que le juge doit peser les responsabilités dans
la désunion du couple pour fixer les droits de chacun et notamment de l’épouse : sort
de la dot, entretien pendant le délai de viduité. Cela signifie donc que, sans avoir à véri-
fier le caractère irréversible de la désunion, le juge doit analyser les origines du conflit
conjugal, ce qui risque d’aboutir à punir celui qui est le moins conciliant donc le deman-
deur ». Ces affirmations procèdent d’une lecture erronée du Code de la famille. Même
les commentateurs marocains les plus autorisés n’ont pas osé ce rapprochement [v. par
ex. M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq fi moudawa-
nath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op. cit., p. 167].
D’une part, les droits de l’épouse dont parle l’auteur doivent lui être accordés conformé-
ment à l’article 97, et ce quels que soient les motifs de sa demande de divorce dont le
juge n’a pas à connaître [v. à cet égard le jugement du tribunal de 1re instance de Mar-
rakech, 4 août 2005, cité par M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bis-
sabab al-chiqaq fi moudawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

famille), op. cit., p. 122-123]. Or, ces droits sont exactement les mêmes que ceux dus © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
à l’épouse en cas de répudiation sur initiative du mari excepté la pension alimentaire
pendant le délai de viduité (sauf si elle est enceinte) qui n’est accordée qu’en cas de
divorce révocable (art. 196, al. 2) ce qui n’est pas le cas du divorce pour discorde (art.
122). D’autre part, la responsabilité dont parle l’article 97 – que le juge doit prendre
en considération dans l’évaluation du dédommagement accordé au conjoint censé avoir
subi un préjudice – ne se présume pas du seul silence de l’épouse quant aux raisons
l’ayant conduit à former une action en divorce pour discorde. Il s’agit en réalité d’une
responsabilité distincte qui doit être appréciée indépendamment des droits accordés à
l’épouse, lesquels ne souffrent aucune restriction. C’est le cas par exemple de l’adultère
de l’épouse. Même dans ce cas, le juge sera amené à accorder des dommages-intérêts à
l’époux mais sans pour autant dispenser celui-ci d’accorder à la femme les droits qui lui
sont dus au titre d’arriéré de la dot, don de consolation, la rémunération due au titre
de la garde des enfants, frais de logements pendant le délai de viduité... (v. le jugement
du tribunal de 1re instance de Casablanca, 21 février 2005, n° 1024/2004, inédit). Il est
désormais clairement établi que même « l’adultère de l’épouse ne saurait priver celle-ci
des droits que l’époux doit lui accorder en cas de divorce pour discorde conformément
aux articles 83, 84 et 85 du Code de la famille », v. entre autres Trib. 1re inst. Oujda,
sect. just. fam., 18 juillet 2006, jugement n° 3139/06, dossier n° 1765/05, inédit).

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 323

Comme nous venons de le voir, la procédure du divorce pour discorde


permet à l’épouse de procéder à une véritable répudiation unilatérale et dis-
crétionnaire de son mari contrairement aux affirmations de la haute juri-
diction. En un mot : la répudiation n’est plus l’apanage du seul époux (39).
Certes, la Cour de cassation a eu raison d’affirmer que « l’épouse ne peut
saisir le tribunal d’une demande similaire [à celle de l’époux] que si elle y
a été autorisée par le mari » dans le cadre d’un « divorce sous contrôle
judiciaire » régi par les articles 78 à 93 du Code de la famille marocain.
Mais il suffisait d’aller un article plus loin (art. 94 s.) pour constater que
l’épouse peut exercer cette possibilité exactement dans les mêmes condi-
tions que son mari et ce sans avoir à obtenir une quelconque autorisation
de la part de ce dernier et sans que le juge puisse refuser de prononcer le
divorce. En somme, un véritable droit au divorce ouvert aux deux époux a
été instauré par le législateur marocain. Or la question qui se pose au juge
français est celle de savoir si la femme peut ou non accéder au divorce dans
les mêmes conditions que son époux, peu importe alors si cette égalité est
assurée par l’article 94 et non l’article 93 ! En d’autres termes, l’apprécia-
tion de la compatibilité ou non d’une décision marocaine de divorce avec
l’ordre public international doit se faire en fonction de l’ensemble du droit
marocain de la famille et non seulement au regard des seules dispositions
78 à 93 dudit Code comme semble l’admettre la Cour de cassation. Les
contrepoids d’un système juridique ne sauraient ressortir à travers la lec-
ture de quelques dispositions mais grâce à l’appréhension de son équilibre
général pris dans globalité (40).
Ce ne sont pas là les seules interrogations soulevées par l’arrêt du 4
novembre 2009. D’autres liées au caractère discrétionnaire du divorce obtenu
au Maroc mais aussi aux conditions spatiales du déclenchement de l’ex-
ception d’ordre public ne manquent pas de surprendre.

II. — INTERROGATIONS SUR LES FONDEMENTS


DE LA CONDAMNATION
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

Outre le caractère prétendument inégalitaire de la répudiation prononcée


au Maroc, la Cour de cassation invoque le caractère discrétionnaire de celle-

(39) V. cependant contra, G. Lardeux, note sous Cass. civ. 1re, 4 novembre 2009, D.
2010. 543, spéc. p. 545. pour cet auteur, « les caractères de la répudiation – exclusive-
ment maritale et exercée de manière totalement disproportionnée par l’époux, ne lais-
sant donc aucune place à l’expression de la volonté de l’épouse ni au contrôle du juge
– expliquent qu’aucune circonstance d’espèce ne puisse lui retirer son vice intrinsèque :
rompre l’égalité des époux lors de la dissolution du mariage ». Affirmer ceci, c’est mécon-
naître tout simplement l’apport fondamental de la réforme du droit marocain de la
famille à savoir la bilatéralisation de la répudiation au profit de l’épouse de sorte qu’il
est désormais inexact de parler du caractère « exclusivement marital » de celle-ci.
(40) H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JCP 2004. II. 10128,
p. 1481, spéc. p. 1485.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


324 DOCTRINE ET CHRONIQUES

ci ainsi que le rôle restreint du juge cantonné à l’aménagement des consé-


quences financières de la rupture conjugale. Ces arguments ne manquent
pas de surprendre au vu des récentes évolutions du droit français du divorce (A).
Il en va de même pour les conditions spatiales qui sous-tendent le déclen-
chement de l’exception d’ordre public à l’encontre des répudiations
étrangères (B).

A. — Le caractère discrétionnaire de la répudiation


et l’ordre public international

15. La « vraie répudiation » (41) est considérée comme un privilège mar-


ital permettant à l’époux de mettre fin unilatéralement au mariage. C’est
en cela qu’elle peinait à s’attirer la sympathie des juges. Dans les arrêts du
17 février 2004, la Haute juridiction met clairement à l’index cette « puis-
sance maritale entre les mains de l’époux selon la Charia et le Code » telle
que décrite par le tribunal algérien. Autrement dit, ce qui est contraire à
l’ordre public français c’est le fait que l’épouse soit dépourvue d’un droit
symétrique (42). Or, l’accès de l’épouse marocaine au divorce dans des con-
ditions au moins équivalentes à celles reconnues au mari change profondément
les termes du débat.

16. En effet, sous l’étiquette « divorce pour discorde » (43), le législateur


marocain a consacré un véritable droit à la répudiation au profit de
l’épouse (44). Cette bilatéralisation de la possibilité de mettre fin unilatéralement

(41) H. Fulchiron, « ‘‘Ne répudiez point...’’ : pour une interprétation raisonnée des
arrêts du 17 février 2004 », RID comp. 2006. 6, spéc. p. 7.
(42) C. Brière, Les conflits de conventions internationales en droit privé, LGDJ, 2001,
préface P. Courbe, n° 410, p. 299 ; R. El-Husseini-Begdache, Le droit international privé
français et la répudiation islamique, LGDJ, 2002, préface J. Foyer, n° 466, p. 236 ; L.
Gannagé, note sous CA Paris, 13 décembre 2001, cette Revue, 2002. 730, spéc. p. 739-
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

740 ; H. Fulchiron, « Droits fondamentaux et règles de droit international privé : conflits © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
de droits, conflits de logiques ? L’exemple de l’égalité des époux et responsabilité des
époux au regard du mariage, durant le mariage, et lors de sa dissolution », in F. Sudre
(dir.), Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme, Nemessis-Bruylant 2002, p. 353, spéc. p. 376 ; du même auteur, « ’’Ne
répudiez point’’ : pour une interprétation raisonnée... », article préc., p. 15 ; M.-L.
Niboyet, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musul-
manes », RID comp. 2006. 27, spéc. p. 32.
(43) Pour une analyse de ce mode de dissolution du mariage, v. supra, n° 3 s.
(44) F. Sarehane, « La répudiation, quels obstacles pour les marocains résidants en
France ? (exercice au Maroc et reconnaissance en France) », RID comp. 2006. 47, spéc.
p. 55 ; contra M.-C. Najm, note sous Cass. civ. 1re, 3 janvier 2006, cette Revue, 2006.
627, spéc. p. 639. Mme Najm se contente d’affirmer que la réforme marocaine du Code
du statut personnel n’a pas supprimé le droit unilatéral du mari dans le prononcé de la
répudiation sans expliquer pourquoi elle continuerait à heurter les valeurs fondamen-
tales de l’ordre juridique français. Nous avons déjà montré que la répudiation a été
bilatéralisée au profit des deux époux. À moins de considérer que le droit français doit
s’opposer à toute dissolution du mariage sans raison sérieuse (mais le divorce pour alté-
ration définitive du mariage est là pour attester du contraire...), l’exception d’ordre public

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 325

au mariage sans motif apparent est de nature à ruiner l’argument princi-


pal (le pouvoir exclusif du mari dans la dissolution du mariage) qui justi-
fiait jusque-là le rejet des répudiations prononcées au Maroc. De même, le
caractère discrétionnaire n’est plus l’apanage de la seule répudiation mas-
culine. L’on a vu que ni l’époux, ni le juge ne peuvent désormais s’opposer
à la dissolution du mariage sur initiative de l’épouse. La seule volonté de
la femme de mettre fin au mariage (sans aucune autre raison) suffit pour
prononcer le divorce. En d’autres termes, les juges français ne peuvent plus
arguer du caractère unilatéral ou discrétionnaire de la répudiation pour s’op-
poser à son accueil. Cet argument devient d’autant plus fragile que la loi
du 26 mai 2004 a introduit une sorte de répudiation dans le droit français
du divorce (45). Ni le juge, ni le conjoint ne peuvent désormais s’opposer
à la demande de divorce formée par celui qui souhaite rompre le lien con-
jugal après deux ans de cessation de la communauté de vie (46). Il est pour
le moins surprenant de voir les Hauts magistrats mettre à l’index dans la
présente décision le caractère discrétionnaire du divorce prononcé au Maroc
ainsi que le pouvoir restreint du juge marocain en affirmant que « la déci-
sion d’une juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale par
le mari sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme
et privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager
les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, est con-
traire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage ».
En réalité, ce que dénonce la Haute juridiction est bel et bien pratiqué en
droit interne. Et de fait, les deux traits distinctifs de la répudiation carac-
térisent également le divorce pour altération définitive du lien conjugal
introduit par la réforme de mai 2004 et prévu par les articles 237 et 238
du Code civil français. En d’autres termes, la reconnaissance d’une répu-
diation obtenue au Maroc (47) ne relèverait plus de la tolérance que pour-
rait témoigner le juge français à l’égard de cette institution dès lors qu’on
en trouve l’équivalent en droit français. Seule l’impossibilité pour l’épouse
de la pratiquer pouvait justifier l’intransigeance de la Cour de cassation.
Comme le relève justement un auteur, « n’est-ce pas là un tel système que
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)


ne doit pas être déclenchée en raison du seul caractère discrétionnaire de la répudiation
désormais ouverte aux deux époux au Maroc.
(45) J. Carbonnier, Introduction, les personnes, la famille, l’enfant, le couple, coll. Droit
civil, vol. I, Puf, Quadrige, 2004, n° 575, p. 1280 ; l’auteur assimile le divorce-faillite
caractérisé par la volonté unilatérale de rompre manifestée par un époux à un « divorce
répudiation » ; Ph. Malaurie, « Conclusions sur la réforme du divorce : le divorce pour
altération définitive du lien conjugal et la société de la peur », Defrénois, 2004. 1601,
spéc. p. 1602 où l’auteur parle de « répudiation pour altération définitive du lien conju-
gal » ; F. Terré, « Les libertés et le divorce », in Le discours et le Code, Portalis, deux
siècles après le Code Napoléon, ouvrage collectif, Litec, 2004, p. 167, spéc. p. 171 ; aussi
Y. Lequette, « Le conflit de civilisation à la lumière de l’expérience franco-tunisienne »,
in Mouvements du droit contemporain, Mélanges offerts au professeur Sassi Ben Halima,
Tunis, 2005, p. 175, spéc. p. 186. Faisant allusion au divorce pour altération définitive
du lien conjugal, l’auteur fait remarquer que le législateur français consacre une « répu-
diation unilatérale au profit de chaque époux ».
(46) F. Terré et D. Fenouillet, Les personnes, la famille, les incapacités, Dalloz, 2005,
7e éd., n° 370, p. 493.
(47) Que celle-ci soit prononcée sur initiative du mari ou de l’épouse.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


326 DOCTRINE ET CHRONIQUES

le législateur français vient de consacrer avec l’instauration par la loi du 24


mai 2004 du divorce pour altération définitive du lien conjugal ? Un époux
peut imposer le divorce à l’autre, sans avoir à faire la preuve de griefs par-
ticuliers, sans que le conjoint puisse s’y opposer et sans que le juge puisse
refuser de le prononcer : tout au plus le juge peut-il aménager les con-
séquences de la rupture du lien et sanctionner, directement ou indirecte-
ment, l’époux qui abuserait, en quelque sorte de son droit. Qu’un époux
soit à la merci de l’autre ne saurait être jugé contraire à l’ordre public
français en matière internationale dès lors qu’un véritable droit au divorce
a été reconnu en France » (48). L’on ne saurait mieux dire.
En somme, ni le caractère unilatéral de la répudiation, ni son caractère dis-
crétionnaire ne semblent justifier le refus de sa reconnaissance en France au
nom de l’ordre public international pour atteinte au principe européen de l’é-
galité des époux. Et ce n’est pas la condition de proximité nécessaire au jeu
de l’exception d’ordre public qui risque d’en justifier le déclenchement.

B. — La difficile conciliation du recours au principe européen


de l’égalité des époux avec les exigences de proximité

17. En annonçant que « la décision d’une juridiction étrangère constatant


une répudiation unilatérale […] est contraire au principe d’égalité des époux
lors de la dissolution du mariage énoncé par l’article 5 du protocole du 22
novembre 1984 n° VII, additionnel à la Convention européenne des droits
de l’homme, que la France s’est engagée à garantir à toute personne rele-
vant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international », la Cour de
cassation n’a fait que reprendre sa jurisprudence du 17 février 2004. La
condition de proximité indispensable au jeu de l’exception d’ordre public
se trouve remplie ici en ce que « les deux époux vivent sur le territoire
français » affirment les Hauts magistrats dans le présent arrêt. Déjà, dans
sa première décision des arrêts de février 2004, la Cour de cassation annonce
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

que la « répudiation était contraire au principe d’égalité des époux [...], dès
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
lors que [...] les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français » (49).
Dans le deuxième arrêt de février 2004, l’exigence de proximité est réduite
au domicile en France « de la femme, sinon même, des deux époux » (50).
Cette référence au principe européen de l’égalité des époux n’a pas disparu
dans la présente décision. Ce faisant, la Haute juridiction s’aligne sur une
partie de la doctrine favorable au rejet des répudiations étrangères s’agis-
sant d’époux domiciliés en France (51). Aussi, certains partisans de la prox-

(48) H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JCP 2004. II. 10128,
p. 1481, spéc. p. 1484.
(49) Arrêt n° 256.
(50) Arrêt n° 258.
(51) A. Sinay-Cyterman, note sous Cass. civ. 1re, 1er mars 1988, cette Revue, 1989.
723, spéc. p. 732 ; H. Gaudemet-Tallon, « La désunion du couple en droit internatio-
nal privé », Rec. Cours La Haye 1991-I, vol. 226, p. 271, aussi du même auteur, « Le

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 327

imité mettent en avant l’intérêt d’éviter les situations boiteuses et d’assurer


l’harmonie internationale des solutions (52). D’autres soutiennent que l’ex-
igence de proximité assure une meilleure prévisibilité des solutions (53).
Les premiers arguments nous paraissent très discutables. Les seconds ne
convainquent qu’à moitié.

18. D’abord, en décidant que la répudiation est contraire au principe européen


de l’égalité des époux « que la France s’est engagée à garantir à toute per-
sonne relevant de sa juridiction » dès lors que les deux époux étaient domi-
ciliés en France, la cour régulatrice ne pouvait éviter la contradiction. En
effet, la logique de proximité semble incompatible avec la référence par la
Cour de cassation au principe européen de l’égalité des époux (54). En
effet, le recours à la Convention européenne des droits de l’homme implique
nécessairement que les droits consacrés par celle-ci doivent être reconnus à
toutes les personnes relevant des juridictions françaises (art. 1er). Si la com-
pétence du juge français est fondée pour apprécier la régularité du juge-
ment étranger homologuant un acte de répudiation, c’est que l’épouse –
sinon les deux époux – relève bien d’une juridiction française. Par con-
séquent, le principe de l’égalité des époux consacré par l’article 5 du pro-
tocole n° 7 doit être garanti quel que soit le lieu du domicile au moment
de l’intervention de la répudiation (55).

pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-


ciel) », Rec. Cours La Haye 2005-I, vol. 312, p. 429 ; P. Lagarde, « La théorie de l’ordre
public international face à la polygamie et à la répudiation. L’exemple français », in
Nouveaux itinéraires en droit, Hommage à François Rigaux, Bruylant, 1993, p. 261 ; D.
Alexandre, « La protection de l’épouse contre la répudiation », in Le droit de la famille
à l’épreuve des migrations transnationales, LGDJ, 1993, p. 125, spéc. p. 140 ; rappr. H.
Fulchiron, « Droits fondamentaux et règles de droit international privé : conflits de
droits, conflits de logiques ?... », article préc. L’auteur propose de déclencher l’exception
d’ordre public chaque fois que les deux époux ont leur résidence en France et que la
répudiation a été homologuée postérieurement à une action en divorce formée en France ;
aussi, N. Joubert, La notion de liens suffisants avec l’ordre juridique (Inlandsbeziehung) en
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

droit international privé, thèse Paris I, 2002, n° 278, p. 245. Cet auteur préconise de © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
subordonner le déclenchement de l’exception d’ordre public à l’encontre des répudia-
tions étrangères à la domiciliation en France des époux, voire de la seule épouse. Tou-
tefois, seuls les effets de la répudiation devraient être rejetés au nom de l’ordre public
international, lequel ne devrait pas s’opposer à l’accueil de l’acte même de répudiation.
Ce faisant, l’auteur s’aligne sur les propositions de Mme el-Husseini.
(52) P. Courbe, « Le rejet des répudiations musulmanes », chron. préc, p. 819 ; P.
Hammje, note sous 17 février 2004, préc., cette Revue, 2004. 437.
(53) P. Lagarde, Rép. Dalloz dr. inter. Cahiers de l’actualité 2003-1. 9.
(54) J.-P. Marguénaud, obs. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., RTD civ. 2004.
368 ; aussi, Gannagé, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., JDI 2004. 1209.
(55) J.-P. Marguénaud, obs. préc., ibid ; aussi H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re,
17 février 2004, préc., JCP 2004. II. 10128, p. 1486 ; du même auteur, « “Ne répu-
diez point” : pour une interprétation raisonnée des arrêts du 17 février 2004 », RID
comp. 2006. 7, spéc. p. 17 ; v. cependant contra M.-L. Niboyet, « L’avenir du nouveau
revirement de la Cour de cassation sur la reconnaissance des répudiations musulmanes »,
chron. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, Gaz. Pal. 2004. 2814, p. 2816 ; v. aussi du
même auteur, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musul-
manes », RID comp. 2006. 27, spéc. p. 36.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


328 DOCTRINE ET CHRONIQUES

19. Ainsi, le recours à la Convention européenne des droits de l’homme


pour s’opposer à la reconnaissance des répudiations ne s’accommode pas
de la conception relativiste que se fait la Cour de cassation de l’ordre pub-
lic français. La Haute juridiction française ne saurait impunément faire
appel à un principe européen dont elle n’a nullement besoin sans com-
promettre sa liberté de modulation des conditions relatives au déclenche-
ment de l’exception d’ordre public. D’ailleurs, même les auteurs favorables
aux exigences de proximité dans l’intervention de l’ordre public soutien-
nent que, si la nouvelle solution (56) donnée par la Cour de cassation ne
concerne pas les répudiations prononcées contre les femmes domiciliées
hors de France, lesquelles devraient être reconnues sous réserve des condi-
tions posées par l’arrêt Douïbi (57), aucune référence à la Convention
européenne ne devrait figurer dans les décisions de reconnaissance (58).
C’est là indirectement reconnaître que le recours au principe européen de
l’égalité des époux est allergique aux conditions de proximité posées par la
Cour de cassation. D’ailleurs, il est assez remarquable que, dans un arrêt
récent (59), les Hauts magistrats ne font plus référence à l’article 1 de la
Convention européenne des droit de l’homme. Il en est de même dans le
présent arrêt où l’on note l’absence de toute référence à l’article premier
de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fon-
damentales. Et pour cause : cette référence étant de nature à ruiner les exi-
gences de proximité posées par la cour régulatrice.

20. Ensuite, les arguments relatifs au souci d’éviter les situations boiteuses
et d’assurer une certaine prévisibilité des solutions n’emportent pas la con-

(56) Celle consacrée par les arrêts du 17 février 2004.


(57) Cass. civ. 1re, 3 juillet 2001, cette Revue, 2001. 704, note L. Gannagé ; Dr. et
patr. 2001, n° 97, p. 116, obs. F. Monéger ; la chronique de M.-L. Niboyet, « La pre-
mière chambre civile répudie sa propre jurisprudence sur les répudiations musulmanes,
D. 2001. 3378 ; JDI 2002. 181, note Ph. Kahn ; JCP 2002. II. 10039, note Th. Vig-
nal ; LPA 2002, n° 108, p. 11, note P. Courbe ; v. chron. M. Farge, « Les répudia-
tions musulmanes : le glas de l’ordre public fondé sur l’égalité des sexes », Dr. fam.,
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

juillet-août 2002. 13. © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
(58) P. Hammje, note sous 17 février 2004, préc., cette Revue, 2004. 436. L’auteur
soutient que, dans ces cas, « toute référence à la Convention européenne des droits de
l’homme doit alors être bannie, sous peine d’en donner une lecture incohérente ». L’au-
teur se demande si le principe de l’égalité des époux consacré par la Convention européenne
des droits de l’homme n’est-il pas pour autant atteint si la femme répudiée réside en
Belgique ou en Espagne ? Si un lien de proximité est nécessaire, peut être devrait-il être
européen, pas uniquement français », ibid., p. 437. Cette conception nous paraît au
contraire choquante. Quelle est la différence entre une femme marocaine résidant en
France ou en Belgique et une canadienne résidant au Canada répudiée par son mari
étranger résidant en France ? Victimes toutes les deux d’un acte de répudiation, les deux
épouses nous paraissent dignes de protection et pas seulement les ressortissantes des pays
européens. Il s’agit ici d’une conception égoïste de l’ordre public. À Mme Hammje qui,
lors d’une communication devant le groupe de recherche de droit international privé,
proposait d’étendre la protection de l’ordre public à toutes les femmes européennes, M.
Heuzé avait répondu : « et les Néo-Zélandaises ? ». Désormais, nous ajouterons volon-
tiers « et les Algériennes ? ». En cas d’atteinte aux valeurs du for, l’exception d’ordre
public devrait, à notre sens, jouer en faveur de toutes les femmes sans distinction aucune.
(59) Cass. civ. 1re, 3 janvier 2006, cette Revue, 2006. 627, note M.-C. Najm.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 329

viction. M. Lagarde (60) cite l’exemple d’une femme qui a été répudiée
dans son pays d’origine où elle a toujours sa résidence et qui prétendrait
prendre part à la succession de son ex-mari relativement à des biens situés
en France. Mlle Gannagé en déduit, à juste titre, que « l’invocation de l’ar-
ticle 5 du protocole n° 7 de la CEDH dans ce contexte peut s’avérer inop-
portune notamment lorsque le mari a contracté un deuxième mariage. La
logique de l’ordre public commanderait certainement dans ce cas de figure
de reconnaître en France une situation régulièrement constituée à l’étranger
et n’ayant que des liens ténus avec le for » (61). Nous ajouterons que cette
situation présente l’avantage de ne pas ruiner les prévisions légitimes des
parties : celle de l’époux ayant contracté un mariage valable ainsi que celle
de la dernière épouse ayant contracté un mariage monogamique. Refuser
de reconnaître en France une répudiation intervenue à l’étranger à un moment
où la situation ne présentait aucun lien avec l’ordre juridique français aurait
des conséquences regrettables.

21. Cependant, cet exemple n’épuise pas toutes les difficultés. Une légère
modification des données de cette hypothèse permet de s’en rendre compte.
Prenons maintenant l’exemple d’une femme domiciliée en France et qui a
été répudiée dans son pays d’origine. Son mari contracte un nouveau mariage
avec une compatriote. Refuser de reconnaître la répudiation prononcée à
l’étranger au motif que l’épouse est domiciliée en France aurait les mêmes
conséquences que celles évoquées plus haut. Car accorder la vocation suc-
cessorale à l’épouse répudiée sur des biens situés en France contrarierait les
prévisions légitimes du défunt qui avait contracté un mariage valable con-
formément à la loi applicable en vertu du droit international privé français,
mais aussi et surtout celles de la dernière épouse qui avait la certitude de
s’engager dans un mariage monogamique. La solution aurait de surcroît
l’inconvénient de consacrer une relation polygamique en application du
droit français alors que le droit étranger qui a présidé à la formation des
deux liens conjugaux ainsi qu’à la dissolution du premier mariage a con-
sacré une relation purement monogamique. Ainsi, exiger la proximité dans
le déclenchement de l’exception d’ordre public ne permettrait pas, dans ce
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

cas, d’éviter les situations boiteuses. En témoigne la situation de l’épouse © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
répudiée. Divorcée dans son pays d’origine, celles-ci serait encore mariée
en France. « Alors de grâce cessons d’invoquer le sempiternel argument du
spectre des mariages boiteux » (62). Il prouve trop.

22. Comme le montrent ces deux exemples, les arguments liés à la conti-
nuité dans le traitement des relations familiales ainsi que ceux liés au souci
d’assurer la prévisibilité des solutions ne sauraient expliquer une gradua-
tion dans le déclenchement de l’exception d’ordre public fondée sur des
exigences de proximité. Car si l’on doit se soucier de l’harmonie des solu-

(60) P. Lagarde, Rép. Dalloz dr. int., Cahiers de l’actualité 2003-1, p. 9.


(61) L. Gannagé, note sous 17 février 2004, préc., JDI 2004. 1209.
(62) L’expression est de M.-L. Niboyet, « Regard français sur la reconnaissance en
France... », article préc., p. 43.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


330 DOCTRINE ET CHRONIQUES

tions, cela ne doit pas concerner uniquement les femmes domiciliées à l’é-
tranger au moment de la répudiation. L’argument vaut tout autant pour
celles domiciliées en France. Et de fait, le deuxième exemple montre que
la solution actuelle de la Cour de cassation qui subordonne le déclenche-
ment de l’exception d’ordre public contre la répudiation à la domiciliation
en France des époux (ou de la seule épouse) pourrait déboucher sur des
résultats diamétralement opposés à ceux escomptés par les partisans de l’or-
dre public de proximité. Il en va de même dans la présente décision qui
ne semble pas trop se soucier de l’harmonie des solutions.

23. Au delà de ces réserves, la solution donnée par la Cour de cassation


dans le présent arrêt est intrinsèquement fragile. Et de fait, la loi maro-
caine de février 2004 avait déjà rétabli le principe de l’égalité des époux en
mettant en place la procédure du divorce pour discorde. Cependant, tout
en concédant que le divorce pour discorde s’apparente à un véritable divorce
unilatéral, certains auteurs refusent de franchir le pas et de considérer que
l’égalité a été rétablie entre les époux dans l’accès au divorce en arguant du
fait que « la répudiation est l’héritage d’une tradition (63), celle du statut
traditionnel d’infériorité de la femme dans la société musulmane, la plaçant
dans une situation de soumission et justifiant soit son entretien par le mari,
si elle est obéissante, soit sa répudiation dans le cas contraire. De fait, beau-
coup de femmes musulmanes font preuve de la plus grande souplesse à l’é-
gard du comportement de leur mari pour échapper à une répudiation qui
les mettrait, elles, et parfois leurs enfants, au ban de la société. C’est donc
une prérogative, sans aucun équivalent pour l’épouse, qui est particulière-
ment grave puisqu’elle porte atteinte à la dignité de la femme » (64). La
remarque n’emporte toutefois pas la conviction, et ce à plus d’un titre.

24. Que la répudiation soit l’héritage d’une tradition, nul ne le conteste.


Seulement, il est un peu exagéré d’en déduire qu’elle continue de placer la
femme dans une situation de soumission. D’abord, rejeter la répudiation
maritale par cela seul qu’elle est issue d’une tradition patriarcale reviendrait
à n’accepter les divorces marocains que lorsqu’ils auront été purgés de toute
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

référence religieuse. Or, la laïcisation du droit marocain de la famille n’est © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
certainement pas pour demain. La coordination des systèmes juridiques
attendra. Ensuite, outre le fait que la remarque méconnaît que la dissolu-
tion unilatérale n’est plus l’apanage du seul époux, elle n’est plus en phase
avec l’esprit même de la nouvelle législation. En effet, le mari n’est plus
considéré comme le chef de famille (65). Le devoir d’obéissance de la femme

(63) C’est oublier que la matière du divorce est particulièrement imprégnée par la reli-
gion. Même le droit français l’a été et pendant longtemps. V. sur cette question J. Car-
bonnier, Introduction, les personnes, la famille, l’enfant, le couple, op. cit., n° 578, p. 1290.
(64) M.-L. Niboyet, « Regard français sur la reconnaissance en France... », article
préc., p. 41.
(65) En vertu de l’article premier de l’ancienne Moudawana, le mariage « a pour but
la vie dans la fidélité, la pureté et le désir de procréation par la fondation, sur des bases
stables et sous la direction du mari, d’un foyer permettant aux époux de faire face à leurs
obligations réciproques dans la sécurité, la paix l’affection et le respect mutuel ».

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DES DIVORCES MAROCAINS 331

à son mari a disparu. La famille est placée sous le signe du respect mutuel (66).
Enfin, l’argument relatif à la dépendance financière de l’épouse est un peu
exagéré. Certes, les femmes au foyer sont encore très nombreuses. Mais
elles ne représentent plus le modèle dominant. D’ailleurs, le législateur maro-
cain en a pris acte dans le nouvel article 51, alinéa 3, en confiant la ges-
tion du foyer ainsi que l’autorité parentale à la responsabilité commune des
deux époux. Aussi, le nombre des divorces sur initiative de l’épouse représente
65,18 % de l’ensemble des demandes formulées en 2007 (67). Ce qui
témoigne que les femmes font preuve de moins en moins de « souplesse »
à l’égard de leurs maris.

25. Toutefois, ce rééquilibrage des droits et des obligations entre les époux
ne dispense nullement les jugements marocains de divorce de l’obligation
de respecter les garanties procédurales et d’assurer à l’épouse des droits pécu-
niaires conséquents. Le nouveau Code s’oriente nettement en ce sens et les
premières applications jurisprudentielles semblent bien respecter ces exi-
gences (68). Le nombre des répudiations sur initiative du mari enregistrées
après un an d’application du nouveau texte témoigne d’une baisse sans
précédent du recours à ce mode de dissolution du mariage (69). Une con-
séquence due à l’application rigoureuse du nouveau texte par les tribunaux.

26. Au delà de ces considérations d’ordre juridique, il est un fait notable


qui plaide dans le sens de la reconnaissance des divorces prononcés au
Maroc sous l’empire du nouveau Code de la famille. En effet, par la réforme
du statut personnel, le législateur marocain a non seulement voulu répon-
dre aux attentes d’une large couche de la société marocaine aspirant à des
changements profonds (70), mais a aussi voulu envoyer un signe clair de
sa volonté d’ouverture aux juridictions françaises (71). Prenant acte de la
légitimité des tribunaux français à rejeter des répudiations intrinsèquement
inégalitaires, le législateur marocain a voulu, en bilatéralisant la répudia-
tion, modifier ses solutions avec le souci de les rendre plus en phase avec
l’ordre juridique d’accueil. En commentant les arrêts du 17 février 2004,
Jean-Pierre Marguénaud notait que « la Cour de cassation française s’est
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

(66) F. Sarhane, « Le nouveau Code marocain de la famille », article préc., p. 2797 ;


aussi, M. Kachbour, Char’h moudawanath al-usra, al-zawaj (commentaire du Code de
la famille, le mariage), op. cit., t. I, p. 306.
(67) Statistiques fournies par le ministère de la Justice, Rev. jus. fam., n° 4 et 5, double
numéro, 2009, p. 317.
(68) Entre autres, Trib. 1re inst. Tantane, 28 septembre 2004, jugement n° 257, dos-
sier n° 168/2004, Rev. just. fam., n° 1, 2005. 95 ; aussi, Trib. 1re inst. Qal’ath al-sraghna,
21 décembre 2004, dossier n° 5536/2004, Rev. just. fam., n° 1, 2005. 98.
(69) En 2004, ce nombre était de 26 914. Comparé aux 44 922 répudiations enre-
gistrées en 2003, cela fait une baisse de 40,09 %. Statistiques fournies par le ministère
de la Justice, Rev. just. fam., n° 1, 2005, p. 115, spéc. p. 116.
(70) F. Sarhane, « Le nouveau Code marocain de la famille », article préc., p. 2792.
(71) C’est ce qui ressort des débats des membres de la Commission royale ayant pré-
sidé à l’élaboration dudit projet, rapporté par M. Kachbour, Char’h moudawanath al-
usra, inh’ilal mithaq al-zawjia (commentaire du Code de la famille, la dissolution du
lien conjugal), op. cit., note 26, p. 27.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010


332 DOCTRINE ET CHRONIQUES

érigée en championne de la protection européenne des droits de la femme


répudiée avec à peine plus de trois de semaine de retard sur l’histoire du
Maghreb » (72), allusion faite à la réforme marocaine qui venait d’être
adoptée le 23 janvier 2004. Six ans plus tard, la remarque n’a rien perdu
de sa pertinence…
© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

© Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)

(72) J.-P. Marguénaud, obs. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., RTD civ. 2004.
367, spéc. p. 369.

Rev. crit. DIP, 99 (2) avril-juin 2010

Vous aimerez peut-être aussi