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Rcdip 102 0313
Rcdip 102 0313
KHALID ZAHER
Professeur à la Faculté de droit de Fès
souvient qu’à l’occasion de ces derniers les Hauts magistrats avaient refusé © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
(1) Cass. civ. 1re, 17 février 2004, cette Revue, 2004. 423, note P. Hammje ; JDI 2002.
1200, note L. Gannagé ; D. 2004. 824, concl. F. Cavarroc, aussi D. 2004. 815 et chron.
P. Courbe, « Le rejet des répudiations musulmanes » ; JCP 2004. II. 10128, note H. Ful-
chiron ; Defrénois, 2004. 812, note J. Massip ; RTD civ. 2004. 367, obs. J.-P. Margué-
naud ; Gaz. Pal. 2004. 2814 et chron. M.-L. Niboyet, « L’avenir du nouveau revirement
de la Cour de cassation sur la reconnaissance des répudiations musulmanes ».
(2) L. Gannagé, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JDI 2002. 1200, spéc.
p. 1202.
(3) P. Lagarde, « Les répudiations étrangères devant le juge français et les traces du
passé colonial », in Privatrecht in Europa, Mélanges en l’honneur de Hans Jürgen Son-
nenberger, Munich, 2004, p. 481.
(4) Dahir n° 1.04.22 du 3 février 2004 portant promulgation de la loi n° 70.03 rela-
tive au Code de la famille, Bulletin Officiel du Royaume du Maroc n° 5184 du 5 février
2004, p. 418.
d’un droit qui lance l’anathème sur les répudiations musulmanes tout en © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
l’inscrivant dans ses normes internes » (8). Dès lors, la question de savoir
si la Cour de cassation ne devait pas prendre acte de la réforme marocaine
et, partant, infléchir sa jurisprudence était clairement posée (9).
cières de cette rupture du lien matrimonial laisse quelque peu perplexe au © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
vu des dernières évolutions du droit français de la famille (II).
I. — LE
DIVORCE POUR DISCORDE
DANS LE NOUVEAU DROIT MAROCAIN DE LA FAMILLE
(10) Cass. civ. 1re, 4 novembre 2009, D. 2010. 543, note G. Lardeux.
(11) Sur cet objectif, v. K. Zaher, Conflit de civilisations et droit international privé,
préface V. Heuzé, L’Harmattan, 2009, n° 354, p. 251.
dant impossible le maintien de la vie conjugale (13). Les premières applica- © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
tions jurisprudentielles y voient « une situation de fait qui empêche la continuité
de la relation conjugale, chaque époux étant devenu très éloigné de l’autre à
cause d’un climat d’hostilité, de sorte que les liens d’affection se sont dis-
tendus sapant par là les fondements même du mariage en empêchant les
époux d’accomplir leurs droits et obligations réciproques » (14).
à saisir le tribunal dans le ressort duquel se trouve la résidence effective de © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
l’épouse, l’article 212 du Code marocain de procédure civile énumère des
(15) F. Sarehane, « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz. Pal. 2004. 2792,
spéc. p. 2804.
(16) A l’exception de la pension alimentaire due normalement à l’épouse pendant le
délai de viduité dans le cadre des divorces révocables. Le divorce pour discorde étant un
divorce irrévocable, l’épouse ne pourrait donc prétendre à l’entretien pendant le délai
de viduité.
(17) CA El-jadida, 12 décembre 2006, dossiers n° 34/101/2006 et n° 34/635/2006,
in Al-mounthaqa min ‘amal al-qadae fi thatbiq moudawanath al-usra (Morceaux choisis
de la jurisprudence en matière d’application du Code de la famille), Ministère de la Jus-
tice, publications de l’association de diffusion de l’information juridique et judiciaire,
série relative aux explications et preuves, n° 10, Matba’ath Elite, Rabat, 2009, vol. I,
p. 118.
(18) CA Fès, 21 décembre 2006, dossier n° 258/05, inédit.
(19) Le divorce pour discorde est considéré comme un divorce judiciaire. Le Code de
la famille le traite d’ailleurs explicitement dans le titre VI intitulé « Du divorce judiciaire ».
(20) Al-muqthadayath al-jadida li mudawanath al-usra min khilal ajwibath al-sayid
wazir al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthif-
tharath al-muthara athnaê munaqachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-bar-
laman (Les nouvelles dispositions du Code de la famille à travers les réponses du ministre
de la Justice et celui des biens de mainmorte et des affaires islamiques aux questions
posées pendant la discussion du projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres
du Parlement), Royaume du Maroc, Ministère de la Justice, publications de l’associa-
tion de diffusion de l’information juridique et judiciaire, série relative aux explications
et preuves, n° 4, 2004, 1re éd., p. 131-132.
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(21) M.-C. Foblets et M. Loukili, « Mariage et divorce en droit marocain de la famille : © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
quelles implications pour les marocains en Europe ? », cette Revue, 2006. 522, spéc. p. 527.
Ces deux auteurs ont fait remarquer dans la foulée que « la réponse à cette question devra
venir de la pratique judiciaire. Certains juges pourraient être amenés à considérer que ce
mode de divorce constitue une variante du divorce pour préjudice, ce qui confère au tri-
bunal un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la recevabilité de la demande ou fixer le
montant dû en guise de réparation du préjudice subi par l’époux du fait que l’épouse porte
la responsabilité dans la rupture du mariage. Une telle interprétation rend bien évidemment
le divorce plus difficile pour la femme. S’il s’avérait qu’en pratique ce soit cette interpréta-
tion qui l’emporte, il faudrait conclure que le chiqâq [divorce pour discorde] ne constitue
pas un équivalent du talaq [répudiation] ». Ces craintes sont à notre avis injustifiées. D’une
part, en cas d’échec de la tentative de réconciliation (autrement dit, devant la persistance
de l’épouse dans sa volonté de mettre fin au lien conjugal), le tribunal ne peut en aucun
cas rejeter la demande de l’épouse [v. sur ce point, « Dalil ‘amali limoudawanath al-usra »
(Guide pratique du Code la famille), publications du ministère de la Justice, publications
de l’Association de diffusion de l’information juridique et judiciaire, Matba’ath fadala, 2e
éd., 2006, p. 72]. D’autre part, l’argument selon lequel une éventuelle condamnation de
la femme à payer un montant correspondant à la réparation du préjudice subi par l’époux
serait de nature à rendre ce type de dissolution du mariage plus difficile pour l’épouse et
jugement n° 701, dossier n° 2489/8/2004, inédit. © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
(22) Al-muqthadayath al-jadida li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir
al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftha-
rath al-muthara athnaê munaqachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barla-
man (Les nouvelles dispositions du Code de la famille à travers les réponses du ministre
de la Justice et celui des biens de mainmorte et des affaires islamiques aux questions
posées pendant la discussion du projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres
du Parlement), op. cit., p. 130.
(23) Entre autres, CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006, in Al-mounthaqa
min ‘amal al-qadae fi thatbiq moudawanath al-usra (Morceaux choisis de la jurisprudence
en matière d’application du Code de la famille), Ministère de la Justice, publications de
l’association de diffusion de l’information juridique et judiciaire, série relative aux explica-
tions et preuves, n° 10, Matba’ath Elite, Rabat, 2009, vol. I, respectivement p. 119 ; aussi,
Trib. 1re inst. Semara, sect. just. fam, 23 janvier 2007, dossier n° 129/2006, ibid, p. 128.
(24) M. Kachbour, Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia (commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), op. cit., p. 105.
(25) Trib. 1re inst. Nador, sect. just. fam., 8 février 2006, jugement n° 187, dossier
n° 719/2005 ; aussi, Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam, 25 novembre 2004, juge-
ment n° 3475, dossier n° 2114/8/2004, inédit.
(26) Trib. 1re inst. Oujda, sect. just. fam., 15 mars 2005, jugement n° 974, dossier
n° 1362/04, inédit ; Trib. 1re inst. Romany, sect. just. fam., 29 janvier 2004, jugement
n° 40, inédit ; v. également, « Al-thaqrir al-khithami ‘an al-ayam al-dirassiya al-lathi
nadamathha wizarath al-’adl lilichkaliyath al-’amaliya fi majal qadaê al-usra wa al-huloul
al-moulaîma laha » (Le rapport de clôture des journées d’études organisées par le ministère
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de la Justice relativement aux problèmes pratiques ainsi qu’aux solutions correspondantes © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
dans le domaine de la justice de la famille), Rev. just. fam., n° 1, juillet 2005. 27, spéc.
p. 63.
(27) M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq fi mou-
dawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op. cit., p. 51.
(28) Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 25 novembre 2004, jugement n° 3475,
dossier n° 2114/8/2004, préc. ; aussi, Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars
2005, jugement n° 418, dossier n° 04/8/2005, inédit.
(29) V. les explications du ministre marocain de la Justice, in Al-muqthadayath al-
jadida li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir al-’adl wa al-sayid wazir
al-awqaf wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftharath al-muthara athnaê muna-
qachath machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barlaman, (Les nouvelles dispositions
du Code de la famille à travers les réponses du ministre de la Justice et celui des Biens
de mainmorte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du
projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit.,
p. 131-132.
(30) Trib. 1re inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars 2005, jugement n° 418, dos-
sier n° 04/8/2005, préc. ; aussi Trib. 1re inst. Larache, sect. just. fam., 9 janvier 2007,
dossier n° 90/06/5, in Rev. just. fam., double numéro 4-5, février 2009. 252.
le législateur marocain a voulu mettre sur un pied d’égalité les deux époux
en ouvrant à la femme un droit équivalent à celui conféré aux hommes (31).
Exiger la preuve d’un quelconque préjudice, c’est remettre en cause l’esprit
de la nouvelle législation. Comme le remarquent à juste titre certains auteurs,
« si l’époux peut mettre fin au mariage par sa seule volonté unilatérale et
pour la simple raison qu’il ne veut plus vivre avec sa femme, et ce sans
avoir à avancer un seul motif raisonnable, il doit en aller de même pour
l’épouse qui ne supporte plus la vie conjugale. Elle peut désormais y met-
tre fin en recourant à la procédure du divorce pour discorde » (32).
de mainmorte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
projet de la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit., p. 17.
(32) M. Kachbour, H. Fathoukh et Y. Zouhri, Al-thatliq bissabab al-chiqaq fi mou-
dawanath al-usra (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op. cit., p. 50.
(33) V. aussi, Dalil ‘amali limoudawanath al-usra (Guide pratique du Code la famille),
op. cit., p. 72.
(34) B. Lisser, « Le Code de la famille après quatre année d’application, “bilan et
perspectives” », Rev. just. fam., double numéro 4-5, février 2009. 5, spéc. p. 22.
(35) Tout comme les autres modes de divorce judiciaire, le divorce par compensa-
tion ainsi que les décisions prononçant la dissolution du mariage.
(36) CA Marrakech, 1er février 2005, dossier n° 3955/8/2004, inédit : « est sans fonde-
ment juridique l’appel interjeté contre le jugement ayant prononcé le divorce pour discorde ».
(37) V. les explications du ministre marocain de la Justice, in Al-muqthadayath al-jadida
li mudawanath al-usra min khilalajwibath al-sayid wazir al-’adl wa al-sayid wazir al-awqaf
wa al-chuoun al-islamiya ‘ani al-asîla wa al-isthiftharath al-muthara athnaê munaqachath
machrou’ al-mudawana amama majlissay al-barlaman (Les nouvelles dispositions du Code
de la famille à travers les réponses du ministre de la Justice et celui des Biens de main-
morte et des Affaires islamiques aux questions posées pendant la discussion du projet de
la nouvelle Moudawana devant les deux chambres du Parlement), op. cit., p. 151-152.
famille), op. cit., p. 122-123]. Or, ces droits sont exactement les mêmes que ceux dus © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
à l’épouse en cas de répudiation sur initiative du mari excepté la pension alimentaire
pendant le délai de viduité (sauf si elle est enceinte) qui n’est accordée qu’en cas de
divorce révocable (art. 196, al. 2) ce qui n’est pas le cas du divorce pour discorde (art.
122). D’autre part, la responsabilité dont parle l’article 97 – que le juge doit prendre
en considération dans l’évaluation du dédommagement accordé au conjoint censé avoir
subi un préjudice – ne se présume pas du seul silence de l’épouse quant aux raisons
l’ayant conduit à former une action en divorce pour discorde. Il s’agit en réalité d’une
responsabilité distincte qui doit être appréciée indépendamment des droits accordés à
l’épouse, lesquels ne souffrent aucune restriction. C’est le cas par exemple de l’adultère
de l’épouse. Même dans ce cas, le juge sera amené à accorder des dommages-intérêts à
l’époux mais sans pour autant dispenser celui-ci d’accorder à la femme les droits qui lui
sont dus au titre d’arriéré de la dot, don de consolation, la rémunération due au titre
de la garde des enfants, frais de logements pendant le délai de viduité... (v. le jugement
du tribunal de 1re instance de Casablanca, 21 février 2005, n° 1024/2004, inédit). Il est
désormais clairement établi que même « l’adultère de l’épouse ne saurait priver celle-ci
des droits que l’époux doit lui accorder en cas de divorce pour discorde conformément
aux articles 83, 84 et 85 du Code de la famille », v. entre autres Trib. 1re inst. Oujda,
sect. just. fam., 18 juillet 2006, jugement n° 3139/06, dossier n° 1765/05, inédit).
(39) V. cependant contra, G. Lardeux, note sous Cass. civ. 1re, 4 novembre 2009, D.
2010. 543, spéc. p. 545. pour cet auteur, « les caractères de la répudiation – exclusive-
ment maritale et exercée de manière totalement disproportionnée par l’époux, ne lais-
sant donc aucune place à l’expression de la volonté de l’épouse ni au contrôle du juge
– expliquent qu’aucune circonstance d’espèce ne puisse lui retirer son vice intrinsèque :
rompre l’égalité des époux lors de la dissolution du mariage ». Affirmer ceci, c’est mécon-
naître tout simplement l’apport fondamental de la réforme du droit marocain de la
famille à savoir la bilatéralisation de la répudiation au profit de l’épouse de sorte qu’il
est désormais inexact de parler du caractère « exclusivement marital » de celle-ci.
(40) H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JCP 2004. II. 10128,
p. 1481, spéc. p. 1485.
(41) H. Fulchiron, « ‘‘Ne répudiez point...’’ : pour une interprétation raisonnée des
arrêts du 17 février 2004 », RID comp. 2006. 6, spéc. p. 7.
(42) C. Brière, Les conflits de conventions internationales en droit privé, LGDJ, 2001,
préface P. Courbe, n° 410, p. 299 ; R. El-Husseini-Begdache, Le droit international privé
français et la répudiation islamique, LGDJ, 2002, préface J. Foyer, n° 466, p. 236 ; L.
Gannagé, note sous CA Paris, 13 décembre 2001, cette Revue, 2002. 730, spéc. p. 739-
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740 ; H. Fulchiron, « Droits fondamentaux et règles de droit international privé : conflits © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
de droits, conflits de logiques ? L’exemple de l’égalité des époux et responsabilité des
époux au regard du mariage, durant le mariage, et lors de sa dissolution », in F. Sudre
(dir.), Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme, Nemessis-Bruylant 2002, p. 353, spéc. p. 376 ; du même auteur, « ’’Ne
répudiez point’’ : pour une interprétation raisonnée... », article préc., p. 15 ; M.-L.
Niboyet, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musul-
manes », RID comp. 2006. 27, spéc. p. 32.
(43) Pour une analyse de ce mode de dissolution du mariage, v. supra, n° 3 s.
(44) F. Sarehane, « La répudiation, quels obstacles pour les marocains résidants en
France ? (exercice au Maroc et reconnaissance en France) », RID comp. 2006. 47, spéc.
p. 55 ; contra M.-C. Najm, note sous Cass. civ. 1re, 3 janvier 2006, cette Revue, 2006.
627, spéc. p. 639. Mme Najm se contente d’affirmer que la réforme marocaine du Code
du statut personnel n’a pas supprimé le droit unilatéral du mari dans le prononcé de la
répudiation sans expliquer pourquoi elle continuerait à heurter les valeurs fondamen-
tales de l’ordre juridique français. Nous avons déjà montré que la répudiation a été
bilatéralisée au profit des deux époux. À moins de considérer que le droit français doit
s’opposer à toute dissolution du mariage sans raison sérieuse (mais le divorce pour alté-
ration définitive du mariage est là pour attester du contraire...), l’exception d’ordre public
que la « répudiation était contraire au principe d’égalité des époux [...], dès
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lors que [...] les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français » (49).
Dans le deuxième arrêt de février 2004, l’exigence de proximité est réduite
au domicile en France « de la femme, sinon même, des deux époux » (50).
Cette référence au principe européen de l’égalité des époux n’a pas disparu
dans la présente décision. Ce faisant, la Haute juridiction s’aligne sur une
partie de la doctrine favorable au rejet des répudiations étrangères s’agis-
sant d’époux domiciliés en France (51). Aussi, certains partisans de la prox-
(48) H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, JCP 2004. II. 10128,
p. 1481, spéc. p. 1484.
(49) Arrêt n° 256.
(50) Arrêt n° 258.
(51) A. Sinay-Cyterman, note sous Cass. civ. 1re, 1er mars 1988, cette Revue, 1989.
723, spéc. p. 732 ; H. Gaudemet-Tallon, « La désunion du couple en droit internatio-
nal privé », Rec. Cours La Haye 1991-I, vol. 226, p. 271, aussi du même auteur, « Le
droit international privé, thèse Paris I, 2002, n° 278, p. 245. Cet auteur préconise de © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
subordonner le déclenchement de l’exception d’ordre public à l’encontre des répudia-
tions étrangères à la domiciliation en France des époux, voire de la seule épouse. Tou-
tefois, seuls les effets de la répudiation devraient être rejetés au nom de l’ordre public
international, lequel ne devrait pas s’opposer à l’accueil de l’acte même de répudiation.
Ce faisant, l’auteur s’aligne sur les propositions de Mme el-Husseini.
(52) P. Courbe, « Le rejet des répudiations musulmanes », chron. préc, p. 819 ; P.
Hammje, note sous 17 février 2004, préc., cette Revue, 2004. 437.
(53) P. Lagarde, Rép. Dalloz dr. inter. Cahiers de l’actualité 2003-1. 9.
(54) J.-P. Marguénaud, obs. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., RTD civ. 2004.
368 ; aussi, Gannagé, note sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., JDI 2004. 1209.
(55) J.-P. Marguénaud, obs. préc., ibid ; aussi H. Fulchiron, note sous Cass. civ. 1re,
17 février 2004, préc., JCP 2004. II. 10128, p. 1486 ; du même auteur, « “Ne répu-
diez point” : pour une interprétation raisonnée des arrêts du 17 février 2004 », RID
comp. 2006. 7, spéc. p. 17 ; v. cependant contra M.-L. Niboyet, « L’avenir du nouveau
revirement de la Cour de cassation sur la reconnaissance des répudiations musulmanes »,
chron. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, Gaz. Pal. 2004. 2814, p. 2816 ; v. aussi du
même auteur, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musul-
manes », RID comp. 2006. 27, spéc. p. 36.
20. Ensuite, les arguments relatifs au souci d’éviter les situations boiteuses
et d’assurer une certaine prévisibilité des solutions n’emportent pas la con-
juillet-août 2002. 13. © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
(58) P. Hammje, note sous 17 février 2004, préc., cette Revue, 2004. 436. L’auteur
soutient que, dans ces cas, « toute référence à la Convention européenne des droits de
l’homme doit alors être bannie, sous peine d’en donner une lecture incohérente ». L’au-
teur se demande si le principe de l’égalité des époux consacré par la Convention européenne
des droits de l’homme n’est-il pas pour autant atteint si la femme répudiée réside en
Belgique ou en Espagne ? Si un lien de proximité est nécessaire, peut être devrait-il être
européen, pas uniquement français », ibid., p. 437. Cette conception nous paraît au
contraire choquante. Quelle est la différence entre une femme marocaine résidant en
France ou en Belgique et une canadienne résidant au Canada répudiée par son mari
étranger résidant en France ? Victimes toutes les deux d’un acte de répudiation, les deux
épouses nous paraissent dignes de protection et pas seulement les ressortissantes des pays
européens. Il s’agit ici d’une conception égoïste de l’ordre public. À Mme Hammje qui,
lors d’une communication devant le groupe de recherche de droit international privé,
proposait d’étendre la protection de l’ordre public à toutes les femmes européennes, M.
Heuzé avait répondu : « et les Néo-Zélandaises ? ». Désormais, nous ajouterons volon-
tiers « et les Algériennes ? ». En cas d’atteinte aux valeurs du for, l’exception d’ordre
public devrait, à notre sens, jouer en faveur de toutes les femmes sans distinction aucune.
(59) Cass. civ. 1re, 3 janvier 2006, cette Revue, 2006. 627, note M.-C. Najm.
viction. M. Lagarde (60) cite l’exemple d’une femme qui a été répudiée
dans son pays d’origine où elle a toujours sa résidence et qui prétendrait
prendre part à la succession de son ex-mari relativement à des biens situés
en France. Mlle Gannagé en déduit, à juste titre, que « l’invocation de l’ar-
ticle 5 du protocole n° 7 de la CEDH dans ce contexte peut s’avérer inop-
portune notamment lorsque le mari a contracté un deuxième mariage. La
logique de l’ordre public commanderait certainement dans ce cas de figure
de reconnaître en France une situation régulièrement constituée à l’étranger
et n’ayant que des liens ténus avec le for » (61). Nous ajouterons que cette
situation présente l’avantage de ne pas ruiner les prévisions légitimes des
parties : celle de l’époux ayant contracté un mariage valable ainsi que celle
de la dernière épouse ayant contracté un mariage monogamique. Refuser
de reconnaître en France une répudiation intervenue à l’étranger à un moment
où la situation ne présentait aucun lien avec l’ordre juridique français aurait
des conséquences regrettables.
21. Cependant, cet exemple n’épuise pas toutes les difficultés. Une légère
modification des données de cette hypothèse permet de s’en rendre compte.
Prenons maintenant l’exemple d’une femme domiciliée en France et qui a
été répudiée dans son pays d’origine. Son mari contracte un nouveau mariage
avec une compatriote. Refuser de reconnaître la répudiation prononcée à
l’étranger au motif que l’épouse est domiciliée en France aurait les mêmes
conséquences que celles évoquées plus haut. Car accorder la vocation suc-
cessorale à l’épouse répudiée sur des biens situés en France contrarierait les
prévisions légitimes du défunt qui avait contracté un mariage valable con-
formément à la loi applicable en vertu du droit international privé français,
mais aussi et surtout celles de la dernière épouse qui avait la certitude de
s’engager dans un mariage monogamique. La solution aurait de surcroît
l’inconvénient de consacrer une relation polygamique en application du
droit français alors que le droit étranger qui a présidé à la formation des
deux liens conjugaux ainsi qu’à la dissolution du premier mariage a con-
sacré une relation purement monogamique. Ainsi, exiger la proximité dans
le déclenchement de l’exception d’ordre public ne permettrait pas, dans ce
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cas, d’éviter les situations boiteuses. En témoigne la situation de l’épouse © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
répudiée. Divorcée dans son pays d’origine, celles-ci serait encore mariée
en France. « Alors de grâce cessons d’invoquer le sempiternel argument du
spectre des mariages boiteux » (62). Il prouve trop.
22. Comme le montrent ces deux exemples, les arguments liés à la conti-
nuité dans le traitement des relations familiales ainsi que ceux liés au souci
d’assurer la prévisibilité des solutions ne sauraient expliquer une gradua-
tion dans le déclenchement de l’exception d’ordre public fondée sur des
exigences de proximité. Car si l’on doit se soucier de l’harmonie des solu-
tions, cela ne doit pas concerner uniquement les femmes domiciliées à l’é-
tranger au moment de la répudiation. L’argument vaut tout autant pour
celles domiciliées en France. Et de fait, le deuxième exemple montre que
la solution actuelle de la Cour de cassation qui subordonne le déclenche-
ment de l’exception d’ordre public contre la répudiation à la domiciliation
en France des époux (ou de la seule épouse) pourrait déboucher sur des
résultats diamétralement opposés à ceux escomptés par les partisans de l’or-
dre public de proximité. Il en va de même dans la présente décision qui
ne semble pas trop se soucier de l’harmonie des solutions.
référence religieuse. Or, la laïcisation du droit marocain de la famille n’est © Dalloz | Téléchargé le 27/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.128.20.188)
certainement pas pour demain. La coordination des systèmes juridiques
attendra. Ensuite, outre le fait que la remarque méconnaît que la dissolu-
tion unilatérale n’est plus l’apanage du seul époux, elle n’est plus en phase
avec l’esprit même de la nouvelle législation. En effet, le mari n’est plus
considéré comme le chef de famille (65). Le devoir d’obéissance de la femme
(63) C’est oublier que la matière du divorce est particulièrement imprégnée par la reli-
gion. Même le droit français l’a été et pendant longtemps. V. sur cette question J. Car-
bonnier, Introduction, les personnes, la famille, l’enfant, le couple, op. cit., n° 578, p. 1290.
(64) M.-L. Niboyet, « Regard français sur la reconnaissance en France... », article
préc., p. 41.
(65) En vertu de l’article premier de l’ancienne Moudawana, le mariage « a pour but
la vie dans la fidélité, la pureté et le désir de procréation par la fondation, sur des bases
stables et sous la direction du mari, d’un foyer permettant aux époux de faire face à leurs
obligations réciproques dans la sécurité, la paix l’affection et le respect mutuel ».
à son mari a disparu. La famille est placée sous le signe du respect mutuel (66).
Enfin, l’argument relatif à la dépendance financière de l’épouse est un peu
exagéré. Certes, les femmes au foyer sont encore très nombreuses. Mais
elles ne représentent plus le modèle dominant. D’ailleurs, le législateur maro-
cain en a pris acte dans le nouvel article 51, alinéa 3, en confiant la ges-
tion du foyer ainsi que l’autorité parentale à la responsabilité commune des
deux époux. Aussi, le nombre des divorces sur initiative de l’épouse représente
65,18 % de l’ensemble des demandes formulées en 2007 (67). Ce qui
témoigne que les femmes font preuve de moins en moins de « souplesse »
à l’égard de leurs maris.
25. Toutefois, ce rééquilibrage des droits et des obligations entre les époux
ne dispense nullement les jugements marocains de divorce de l’obligation
de respecter les garanties procédurales et d’assurer à l’épouse des droits pécu-
niaires conséquents. Le nouveau Code s’oriente nettement en ce sens et les
premières applications jurisprudentielles semblent bien respecter ces exi-
gences (68). Le nombre des répudiations sur initiative du mari enregistrées
après un an d’application du nouveau texte témoigne d’une baisse sans
précédent du recours à ce mode de dissolution du mariage (69). Une con-
séquence due à l’application rigoureuse du nouveau texte par les tribunaux.
(72) J.-P. Marguénaud, obs. sous Cass. civ. 1re, 17 février 2004, préc., RTD civ. 2004.
367, spéc. p. 369.