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Christophe Fardet
Dans Civitas Europa 2017/2 (N° 39), pages 13 à 27
Éditions IRENEE / Université de Lorraine
ISSN 1290-9653
DOI 10.3917/civit.039.0013
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Christophe FARDET
Professeur de droit public
Université de Lorraine
IRENEE – EA 7303
Le champ de l’exécution est, lui, plural quant aux domaines et quant aux actes
concernés.
Le droit constitutionnel est concerné puisque le Pouvoir exécutif est chargé
de l’exécution des lois. Cette dernière est d’ailleurs mal distinguée d’une notion
voisine qu’est l’application des lois ainsi qu’en témoigne la jurisprudence du
Conseil constitutionnel relative aux pouvoirs de réglementation et de sanctions
confiés aux autorités indépendantes qui amalgame sous l’expression de « mise en
œuvre de la loi » les notions pourtant bien distinctes d’exécution et d’application
de la loi. Si l’exécution de la loi nécessite de préciser les conditions de mise en
œuvre de cette dernière pour la doter d’un effet direct, l’application de la loi, elle,
n’est possible que si la loi est d’effet direct et n’a donc besoin d’aucune mesure
d’exécution.
Le droit administratif est également convoqué notamment en raison de la
théorie jurisprudentielle de l’exécution forcée4. Il l’est aussi à raison de la décision
exécutoire théorisée par Hauriou.
5 CE, ass., 28 juin 2002, Garde des sceaux, ministre de la Justice c. Magiera, n° 239575, p. 247.
Pour une application récente précisant que « lorsque des dispositions applicables à la matière
faisant l’objet d’un litige organisent une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, la
durée globale de jugement doit s’apprécier, en principe, en incluant cette phase préalable »,
cf., CE, 13 juill. 2016, Jarraud, n° 389760.
6 CEDH, 31 juin 2005, Matheus c. France, n° 62740/00, pt 56 et s.
7 M. GUYOMAR et B. SEILLER, Contentieux administratif, Dalloz, Hypercours, 3° éd., n° 983.
8 CE, 30 mars 2005, SCP médecins Reichfeld et Sturtzer, p. 128.
9 CE, 20 mai 1988, Nardin, p. 198.
10 CE, 17 octobre 1997, Rubet, n° 176800.
11 CE, 26 décembre 1925, Rodière, p. 1065.
12 CE, 1er juin 2017, SCI La Marne Fourmies, n° 406103.
13 CE, 29 décembre 2014, Cne d’Uchaux, n° 372477. Pour un exemple récent : CE, 25 janvier 2017,
Assoc. Avenir d’Alet et a., n° 372676.
Érigé par le Conseil d’État comme « la règle fondamentale du droit public »15
– ce qui n’est tout de même pas rien – le caractère exécutoire des décisions
administratives permet d’édicter des obligations indépendamment du recours
préalable à un juge.
14 A. GARCIA et J. GOURDOU, Exécution des décisions de justice administrative, Rép. Cont. Adm.,
Dalloz, n° 1.
15 CE, Ass, 2 juillet 1982, Huglo, p. 257.
cet acte : aucune exécution ne peut juridiquement en naitre. Seul une norme
décisoire extérieure pourra sanctionner l’irrespect de cet acte ne comportant en
lui-même aucun titre d’exécution. Le cas s’illustre à propos tant à propos d’actes
administratifs qu’à propos d’actes juridictionnels.
Parmi les actes administratifs non décisoires, les actes de droit souple sont
révélateurs. Bien que stricto sensu les actes de droit souple « ne créent pas par
eux-mêmes de droits ou d’obligations 16 », le Conseil d’État a décidé en 2016
que le recours pour excès de pouvoir était ouvert contre certains actes pourtant
non décisoires au motif qu’« ils sont de nature à produire des effets notables,
notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière
significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent »17.
C’est donc par dérogation prétorienne, que fut écartée la règle énoncée à
l’époque par le CJA selon laquelle « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être
accompagnée (…) de la décision attaquée18 ». Un acte peut donc faire grief sans
que la cause juridique de ce grief soit le titre d’exécution attaché à la décision,
puisque décision il n’y a pas. De ce point de vue, la modification par le décret du
2 novembre 2016 du CJA ne fait que conforter l’idée selon laquelle la « création
de droits ou d’obligations » est un monopole décisionnel lié au titre d’exécution
contenu dans la décision, puisque ce n’est plus ce critère qui fonde la recevabilité
de la requête concernant un acte qui peut ne plus être décisoire.
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Il en est de même de toutes les décisions de justice, même celles qui ne sont
pas dotées de l’autorité de chose jugée comme les ordonnances de référé qui
sont provisoires23, lesquelles sont, conformément au principe rappelé à l’article
L. 11 CJA, exécutoires24 et obligatoires25. Il en est de même des décisions de
justice susceptibles de recours juridictionnels, sauf à déterminer le caractère
suspensif du recours26. En conséquence et ainsi que le considère le Conseil d’État
« le représentant de l’État… doit prêter le concours de la force publique en vue de
l’exécution des décisions de justice ayant force exécutoire27».
D’autre part, les décisions de justice voient leur expédition alourdie d’une
formule exécutoire. La différence tient à ce que cette formule exécutoire permet
l’exécution forcée des décisions de justice, ce dont ne sont pas généralement
40 Concl. ROMIEU sous TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just c. préfet du Rhône,
p. 713.
41 CE, Sect., 27 février 2004 Dme Popin, n° 217257.
1850, elle n’en différait que fort peu42. Quant aux conseils de préfectures
– premières juridictions administratives puisqu’ayant reçu de la loi la justice
déléguée (le Conseil de préfecture prononcera…) –, l’article 7 de la loi du 28
pluviôse an VIII prévoyait que « l’expédition est donnée par le secrétaire général
de la préfecture ». Elle ne sembla pas avoir compris de formule spécifique.
42 « L’expédition des décisions est délivrée par le secrétaire général ; elle porte la formule exécutoire
suivante : “La République mande et ordonne au ministre de (ajouter le département ministériel
désigné par la décision), en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne
les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente
décision” ». Rec. Duvergier, Lois décrets ordonnances et réglements, 1850, p. 279.
43 Sur les mesures provisoires prononcées par la CEDH, Cf. S. WATTHEE, Les mesures provisoires
devant la CEDH, La protection préventive des droits conventionnels en puissance ?, Nemesis-
Anthémis, Coll. Droit et justice, n° 107, 2014.
44 CEDH, communiqué de presse du 25 juin 2014, n° CEDH 183 (2014).
45 Ibid.
46 C. MILHAT, « Entre contraintes et interdits : l’administration et l’exécution de ses actes », Droit et
Cultures, 57/2009-1, n° 3.
titre d’exécution) de ce qui relève du juge (l’exécution forcée), elle n’est toutefois
pas juridiquement exacte.
Car l’apparence est trompeuse et l’expression n’est qu’un commode abus de
langage. Conformément à la formule exécutoire, le juge n’est pas l’administrateur
de l’exécution de ses décisions. Quand bien même le législateur aurait renforcé
ses pouvoirs notamment d’injonction ou d’astreinte, ceux-ci ne lui permettent,
selon les termes de René Chapus, que d’« expliciter ce à quoi la chose jugée
oblige, mais, ce faisant, il reste juge »47. Sans doute serait-il plus conforme à la
logique juridique de poser que le juge administratif est le juge de la précision des
obligations découlant du caractère exécutoire de ses décisions48. Preuve en est
attestée par les pouvoirs dits « d’exécution » limités à ce que la décision de justice
« implique nécessairement ».
Ainsi, tant la loi du 16 juillet 1980 instituant la possibilité de demander au
Conseil d’État, statuant au contentieux, de prononcer une astreinte pour assurer
l’exécution des décisions rendues par les juridictions administratives, que la loi
du 8 février 1995 qui institue une procédure d’injonction d’exécution, ou même
plus spécialement et tout récemment la loi du 9 décembre 2016 habilitant la
juridiction à
« prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-
renouvellement de son contrat ou d’une révocation en méconnaissance du deuxième
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Sans doute parce la réalité l’impose, les solutions juridiques ont toujours limité
– c’est-à-dire justifié de la manière la plus restreinte qui soit – cette compétence.
Le Conseil d’État l’a explicitement exprimé « le justiciable nanti d’une sentence
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Selon Laferrière,
« Il ne faut pourtant pas conclure de cette absence de sanction légale, que le ministre,
en exécutant les condamnations prononcées contre l’État, n’accomplit qu’un acte de
déférence envers la juridiction qui les a prononcées, un acte de justice envers la partie
qui les a obtenues, et qu’il lui appartient d’apprécier l’opportunité d’un ordonnance-
ment ou d’une demande de crédit. Il a le devoir strict, le devoir juridique de pourvoir à
cette exécution, parce qu’elle lui est prescrite par une autorité supérieure à l’autorité
ministérielle et qui s’impose à tous les pouvoirs de l’État : « Au « nom du peuple fran-
çais », porte la formule exécutoire, la République « mande et ordonne au ministre... »
de pourvoir à l’exécution de la « présente décision ». Cette injonction ne laisse place à
aucune appréciation portant sur le mérite de la décision ou sur les avantages ou les
inconvénients de son exécution »57 ».
jurisprudence « société fermière de Campoloro » (CE, Sect., 18 novembre 2005, n° 271898) est
patente.
57 E. LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Berger-Levrault,
t. 1, 2e éd., 1896, p. 348.
58 R. CARRE de MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État, t. I, p. 725.
Résumé
Pouvant se définir comme « l’action de faire passer le droit dans les faits »,
64 Concl. ROMIEU sous TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just c. préfet du Rhône,
p. 714.
Abstract
Defining itself as “the action of putting the law into practice”, the execution
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