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UNIVERSITE DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR

FACULTE PLURIDISCIPLINAIRE DE BAYONNE/ANGLET/BIARRITZ


Licence 1 – Semestre 1 Philippe Zavoli
Droit constitutionnel Année 2022/2023

Thème 2

Séance 4 : Naissance, vie et mort d’une

Constitution

I. Notions à définir

- Pouvoir constituant originaire


- Pouvoir constituant dérivé
- Abrogation/Suspension
- Supra-constitutionnalité

II. Documents

Document 1 : P. ARDANT, B. MATHIEU, « L’élaboration de la Constitution, sa révision,


son abrogation », Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 2015, extraits

Document 2 : Alexandre Viala, « Limitation du pouvoir constituant, la vision du


constitutionnaliste », Civitas Europa 2014/1 (N° 32), pages 81 à 91

Sujet de dissertation :

- L'utilité des constitutions


- Le pouvoir constituant, mythe ou réalité ?
- Autre sujet précisé par le chargé de TD
LIMITATION DU POUVOIR CONSTITUANT, LA VISION DU
CONSTITUTIONNALISTE

Alexandre Viala

IRENEE / Université de Lorraine | « Civitas Europa »

2014/1 N° 32 | pages 81 à 91
ISSN 1290-9653
DOI 10.3917/civit.032.0081
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2014-1-page-81.htm
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Limitation du pouvoir constituant,
la vision du constitutionnaliste

Alexandre VIALA
Professeur
Université Montpellier I
Directeur du CERCOP

Toute la difficulté que renferme, pour le constitutionnaliste, la question de la


limitation du pouvoir constituant, provient du statut normatif de son objet qu’est
la Constitution. Aux yeux d’un constitutionnaliste, juriste de droit interne, elle est
la source ultime de l’ordre juridique et ne tire sa validité d’aucune autre norme de
droit positif, ni dans l’ordre juridique interne ni dans le droit international. Selon
la vision classique de ce dernier, aucune norme en son sein ne saurait non plus
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fonder la validité d’une Constitution dans la mesure où le droit international, aux
termes de cette approche subjectiviste, est une création et non une source du
pouvoir constituant qui demeure le détenteur exclusif de la souveraineté.

Dès lors, la quête d’une limitation du pouvoir constituant nous conduit à un


dilemme. La première solution consisterait à la concevoir en termes d’hétéro-
limitation au risque de se heurter à une impasse métaphysique : penser l’hétéro-
limitation du pouvoir créateur d’une norme qui ne tire sa validité d’aucune autre
norme de droit positif oblige à invoquer une norme de droit naturel dont aucun
juriste ne peut apporter, sous la bannière de la science du droit, une définition
objective. La seconde alternative serait de raisonner en termes d’autolimitation
dont la notion achoppe sur un problème de logique juridique : un organe qui n’est
limité que par sa propre volonté n’est pas limité. Cette solution, envisagée par les
théories allemandes de l’Etat de droit et relayée en France par Raymond Carré de
Malberg, avait été fortement critiquée par les juristes d’obédience objectiviste à
l’instar de Duguit et Hauriou.

Il est néanmoins possible d’envisager la limitation du pouvoir constituant dans


sa dimension paradoxale de pouvoir institué ou dérivé. Depuis Roger Bonnard1,
une large partie de la doctrine oppose en effet au pouvoir constituant originaire, ce
qu’elle dénomme le pouvoir constituant dérivé selon une expression qui n’est pas

1 R. BONNARD, Les actes constitutionnels de 1940, Paris, LGDJ, 1942.


82 Alexandre VIALA

exempte de critique2. Habilité à réviser la Constitution, le pouvoir constituant ainsi


dénommé « pouvoir constituant dérivé » peut être aisément considéré comme
limité par cela seul qu’il est habilité. Mais dans ce cas, certains ne regardent pas
le pouvoir constituant dérivé comme une manifestation du pouvoir constituant
et préfèrent le qualifier de législateur constitutionnel à moins, comme l’a fait la
doctrine positiviste dominante sous l’autorité de Georges Vedel, de le réputer
comme inhérent au pouvoir constituant tout en considérant sa limitation avec
beaucoup de scepticisme3.

Comme on le perçoit aisément, si la limitation du pouvoir constituant originaire


revêt les traits d’un défi impossible à surmonter (I), celle du pouvoir constituant
dérivé demeure une hypothèse fragile (II).

I. L’impossible limitation du pouvoir constituant originaire

Contrairement au pouvoir constituant dérivé, le pouvoir constituant originaire


est un pouvoir de fait et relève de la politique davantage que du droit. A tel point
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que l’un des plus éminents constitutionnalistes du XXe siècle, Carré de Malberg, a
pu considérer que la genèse du pouvoir constituant n’intéresse pas le juriste et ne
saurait susciter l’intérêt scientifique que de l’historien ou du politiste4.

Originaire, il honore de la façon la plus éclatante, la conception volontariste et


subjectiviste du droit que promeut la pensée juridique moderne depuis Jean Bodin
jusqu’à Carré de Malberg. Considérant que les concepts juridiques modernes sont
des concepts théologiques sécularisés5, Carl Schmitt a pu établir l’analogie entre
l’acte constituant et le miracle : dans un cas comme dans l’autre, s’opère une
affirmation démiurgique de la volonté, un fiat dont Emmanuel Sieyès a su dresser
la théorie en opposant le pouvoir constituant (illimité) au pouvoir constitué (limité).
La théorie est désormais solidement acquise et Kelsen n’a pas su la déstabiliser
malgré son normativisme pourtant étranger à l’idée que le fait puisse être source
de droit. Carl Schmitt l’a approfondie en opposant le pouvoir constituant, toujours
illimité, au législateur constitutionnel, limité comme tout pouvoir constitué.

2 S. RIALS, « Supraconstitutionnalité et systématicité du droit », Archives de philosophie du droit,


t. 31, 1986, p. 65 ; O. BEAUD, La puissance de l’Etat, PUF-Léviathan, 1994, pp. 314-315 selon
qui « on ne peut pas à la fois soutenir le caractère juridiquement inconditionné du pouvoir
constituant originaire, celui juridiquement habilité du pouvoir dérivé, et les qualifier tous deux de
pouvoir constituant comme s’ils étaient de nature identique. L’erreur de la doctrine – une faute
de logique en fait – est donc de ranger ces deux pouvoirs dans un genre unique, d’adopter une
différenciation relative (différence de degré), alors qu’elle devrait être absolue ».
3 G. VEDEL, « Schengen et Maastricht », RFDA, 8, 1992, p. 179.
4 R. CARRE DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat, Sirey 1920, p. 62.
5 C. SCHMITT, Théologie politique, 2e éd., 1934, trad. fr., Paris, Gallimard, 1988.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 83

Cette doctrine de l’illimitation du pouvoir constituant, que l’on doit au théoricien


pionnier du pouvoir constituant, rencontre ainsi dans la pensée juridique un large
consensus autour duquel se rejoignent normativistes (A) et décisionnistes (B).

A. De Sieyès au normativisme

Emmanuel Sieyès « est un peu à la théorie du pouvoir constituant ce que


Bodin est à la théorie de la souveraineté »6 : le pionnier. Il a forgé cette théorie à
des fins politiques pour justifier la souveraineté de la nation contre celles du roi
et des Etats-généraux. Entièrement conçue dans son opuscule militant Qu’est-
ce le Tiers-Etat ?7, la théorie fut destinée à justifier le renversement du système
pluriséculaire de la répartition tripartite de la société et du vote par ordres par un
système différent de répartition monolithique de la société aux termes duquel
les représentants votent par têtes au sein d’un seul ordre, la nation. Il s’agissait
donc de détruire un système pour en reconstruire un autre au moyen d’un double
processus : une phase dé-constituante suivie d’une phase reconstituante.

C’est la phase dé-constituante qui est véritablement révolutionnaire et


qui traduit, ce faisant, le caractère illimité du pouvoir constituant. On retrouve
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semblable défaut de limitation chez Carré de Malberg selon qui le pouvoir
constituant est un pur fait. Contre les théories qui font de l’Etat une création
naturelle et indépendante de la volonté humaine, le constitutionnaliste
strasbourgeois affirme le primat et le caractère déterminant de celle-ci. Mais
en même temps, face aux théories du contrat social qui accordent, quant à
elles, une importance de taille à la volonté, il nie toute genèse juridique – donc
contractuelle – de la formation de l’Etat. S’inscrivant dans la modernité anti-
aristotélicienne selon laquelle, depuis Hobbes, la volonté humaine est à l’origine
de la formation de l’Etat, Carré de Malberg n’en libère pas moins la primauté de
l’Etat de toute référence aux thèses contractualistes. Celles-ci sont écartées car
« la science juridique n’a point à rechercher le fondement de l’Etat : la naissance
n’est pour elle qu’un simple fait, non susceptible de qualification juridique  »8.

6 O. BEAUD, La puissance de l’Etat, op. cit., p. 224.


7 E. SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, rééd., Paris, PUF, 1982.
8 R. CARRE DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat, op. cit., p. 62. Pour l’auteur
de la Contribution, l’hypothèse du contrat social et l’idée que l’homme aurait été naturellement
isolé avant de signer librement un pacte avec ses semblables dans le but d’entrer dans l’état
social, ne désigne aucun fait historiquement observable. Seule la soumission des individus à la
contrainte étatique dès leur naissance et leur inscription immédiate dans la société correspond
à la réalité. Au surplus, fait remarquer CARRE DE MALBERG, la théorie contractualiste « tourne
dans un cercle vicieux, en tant qu’elle fait intervenir le facteur juridique contrat à un moment
où la société est à fonder et où par conséquent il ne saurait encore exister ni droit social,
ni davantage contrat ayant une valeur juridique quelconque » (Contribution, op. cit., p. 56). Le
rejet du contractualisme n’implique pas, néanmoins, celui du facteur volonté. Bien au contraire,
celui-ci reste indispensable à la création de l’Etat. Les fondateurs de l’Etat sont mus par une
84 Alexandre VIALA

Le volontarisme de Carré de malberg se démarque ainsi de celui de Rousseau


au nom d’une rigoureuse préoccupation anti-métaphysique et anti-rationnelle :
insaisissable expérimentalement, le contrat social est un faux postulat. Ceci le
conduit à la thèse de l’antériorité du fait étatique par rapport au droit et, par voie
de conséquence, à un pur subjectivisme que discréditeront à la fois Kelsen et les
partisans de l’hétérolimitation de l’Etat.

S’agissant de la phase reconstituante, Sieyès la fonde sur sa célèbre distinction


entre pouvoir constituant et pouvoir constitué. Après avoir aboli l’ordre ancien, le
pouvoir constituant crée un ordre auquel seront soumis les pouvoirs constitués.
Sieyès songe en premier lieu au pouvoir législatif. D’où la différence de procédures
entre celle qui organise l’assemblée constituante et celle qui régit l’assemblée
législative. La première est plus solennelle et plus rigide car il s’agit de soustraire
la Constitution aux contingences de la vie partisane auxquelles est exposée
l’assemblée législative. De là vient l’idée que celle-ci ne peut pas entreprendre ce
que seule peut faire l’assemblée solennellement réunie en la forme constituante.
Sieyès justifie ainsi la limitation de tous les pouvoirs à l’exclusion du pouvoir
constituant, seul à détenir la souveraineté. Paradoxalement, nul n’est prophète
en son pays, c’est aux Etats-Unis que semblable distinction prospèrera tandis
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qu’en France, elle subira une relative négligence en raison du défaut de contrôle
de constitutionnalité et du légicentrisme dominant sous la IIIe République.

Mais revenons à la phase dé-constituante, la plus intéressante au regard


de notre sujet sur le caractère illimité du pouvoir constituant. Même un auteur
comme Kelsen, dont on connaît l’objectivisme juridique, a été finalement contraint
d’admettre, à demi-mots, cette illimitation. On sait le savant autrichien prisonnier
de son dogme normativiste aux termes duquel une norme ne peut tenir sa propre
validité que d’une autre norme et jamais, au grand jamais, d’un simple fait, fût-
il l’expression d’un acte de souveraineté à laquelle, au demeurant, il n’accordait
aucun crédit et qu’il regardait comme une survivance métaphysique de la théorie
traditionnelle du droit divin. D’où l’hypothèse logico-transcendantale qu’il émet en
supposant valide la Constitution historiquement la première. En se réclamant de
l’idéalisme transcendantal d’Emmanuel Kant, Kelsen prétend qu’il est possible de
connaître – et de construire – son objet, le droit, de façon a priori, indépendamment
de l’expérience. Cette revendication de l’idéalisme transcendantal est la commode
posture qui lui permet de penser la limitation du pouvoir constituant sans recourir
aux chimères métaphysiques du droit naturel : le transcendantal n’est pas la
transcendance.

volonté commune d’imposer un sujet juridique supérieur aux individus. Peu importe que cette
volonté s’exprime par la force ou la concertation. L’essentiel est d’y voir un pur fait insusceptible
de qualification juridique. Pour résumer l’option épistémologique de CARRE DE MALBERG, il y a
de la volonté mais pas de droit à l’origine et en amont de l’Etat.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 85

Mais bientôt, le juriste viennois devra faire à l’empirisme des concessions qui
le conduiront inéluctablement, sans l’avouer explicitement, à admettre le défaut
d’hétéronomie dont jouit le pouvoir constituant. Comment expliquer la normativité
du décret du 17 juin 1789 aux termes duquel les députés des Etats-généraux
s’auto-proclament Assemblée nationale et imposent le vote par têtes en totale
effraction par rapport au droit en vigueur, celui de l’Ancien régime ? En supposant
valide semblable décret. Mais pourquoi supposer valide ce décret ? Parce qu’il est
à l’origine d’un régime représentatif sur lequel nous continuons de vivre depuis plus
de deux siècles. Autrement dit, l’on ne peut recourir à l’argument transcendantal
qu’à la condition que le régime dont la Constitution originaire est le fondement
s’avère efficace en général et en gros9. Par où l’on voit que l’efficacité est une
condition – et non le fondement – de la validité d’une Constitution. Ce sont les faits
et non le droit qui sont à l’origine du processus constituant. Sans le dire, Kelsen
admet le défaut de limitation juridique du pouvoir constituant.

B. De Sieyès au décisionnisme

C’est a fortiori le cas de Carl Schmitt dont le décisionnisme l’a conduit tout
naturellement à ne jamais s’embarrasser avec l’interdiction d’inférer une norme
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d’un fait. Tout au moins pour fonder l’origine d’un ordre juridique qui repose toujours,
à l’inverse de ce qu’enseigne le normativisme, sur une décision. « Est souverain,
celui qui décide de la situation exceptionnelle » écrit le père du décisionnisme dans
l’incipit de sa Théologie politique10. A l’origine de tout ordre juridique, gît la décision
du souverain dont le pouvoir constituant est l’auteur quitte à ce qu’ensuite, celui-ci
s’exprime en la forme normative pour réviser la Constitution. Affranchie de toute
limitation, la décision originelle relève exclusivement de la politique avant que ne
se succèdent des normes qui n’échappent pas, quant à elles, au principe d’un
contrôle de supra-légalité constitutionnelle sans perdre pour autant leur valeur
constitutionnelle.

De là vient la nouvelle distinction que Schmitt élabore en s’inspirant de Sieyès


et qu’il superpose à celle que l’ecclésiastique avait fondée. Si Emmanuel Sieyès
est le père de la distinction entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués,
Carl Schmitt affine l’analyse en établissant la dualité entre pouvoir constituant
originaire et pouvoir constituant dérivé et en faisant le départ entre la Constitution
(verfassung) et les lois constitutionnelles (verfassungezets). Pour cet auteur connu
pour son anti-formalisme, si les lois constitutionnelles sont de simples normes,
la Constitution qui est le véritable fondement de l’ordre juridique est une décision
qui exprime la volonté d’un peuple ou d’un chef et qu’aucune norme, pas même
les lois constitutionnelles, ne saurait effacer par un simple jeu d’écriture formel.

9 H. KELSEN, Théorie pure du droit, 2e éd., trad. C. EISENMANN, rééd. Bruylant-LGDJ, 1999, p. 215.
10 C. SCHMITT, Théologie politique, op. cit., p. 15.
86 Alexandre VIALA

Au sein d’un texte constitutionnel, il convient pour Carl Schmitt de souligner par
exemple la différence entre les dispositions relatives aux droits fondamentaux ou à
la souveraineté de l’Etat et celles relatives au régime des sessions parlementaires.
Si les deux types de dispositions sont formellement égaux en tant qu’ils relèvent
du même support textuel, le premier est matériellement supérieur au second car il
touche au cœur de la Constitution et ne peut dès lors, contrairement à celui-ci qui
revêt un caractère technique, être abrogé par une simple loi constitutionnelle11.

Selon les tenants de cette nouvelle distinction, le pouvoir constituant originaire


ne serait pas l’auteur des lois constitutionnelles car juché sur un piédestal encore
plus élevé que le pouvoir constituant dérivé, il ne s’exprimerait qu’une seule fois,
au moment de la genèse d’un régime constitutionnel, pour élaborer définitivement
la Constitution. Ayant ainsi conçu la matrice originelle du régime et prévu les
règles de procédure à suivre pour en modifier ultérieurement certains aspects,
il délèguerait ainsi au pouvoir constituant dérivé qu’on peut aussi qualifier de
législateur constitutionnel, le soin de changer ultérieurement la Constitution au
moyen de lois constitutionnelles et sans pour autant remettre en cause ni son esprit
ni sa quintessence. Aussi, le pouvoir constituant dérivé ne serait pas souverain
car il serait limité par le noyau dur de la Constitution qu’il ne saurait dénaturer à
l’occasion d’une révision constitutionnelle. La langue anglaise est intéressante à
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mobiliser pour illustrer cette distinction car elle dispose de deux termes différents
pour décliner le verbe « pouvoir » : can signifie pouvoir au sens de puissance12
tandis que may désigne le même terme au sens d’investiture ou de droit13.
La première déclinaison (can) renvoie à la situation du pouvoir constituant originaire
lequel, pour forger une Constitution, s’y prend généralement en méconnaissance
des règles de révision de la Constitution en vigueur sachant qu’une telle infraction
est justifiée par le contexte révolutionnaire dans lequel elle s’inscrit. Le succès
de son travail, qui s’inscrit au-delà des limites du droit, ne tient alors qu’à sa
légitimité ou à sa puissance. La seconde déclinaison (may) s’attache au contexte
dans lequel s’exprime le pouvoir constituant dérivé qui ne peut normalement
intervenir que dans les limites juridiques que lui prescrit la procédure de révision
constitutionnelle et qui, dès lors, voit sa démarche s’apprécier non pas en termes
de légitimité ou de puissance mais de stricte régularité. Toute la question est de
savoir si une telle gradation est opératoire et enferme logiquement le pouvoir
constituant dérivé dans des limites juridiques objectives. Rien n’est moins certain.

11 C. SCHMITT, Théorie de la Constitution, 1928, trad. L. DEROCHE, préf. O. BEAUD, rééd. 1993,
PUF-Léviathan.
12 I can drop a stone : je peux soulever une pierre c’est-à-dire que j’en ai la puissance nécessaire
ou la capacité physique.
13 I may smoke a cigarette in this room : je peux fumer une cigarette dans cette pièce car j’en ai le
droit.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 87

II. La fragile limitation du pouvoir constituant dérivé

En 1962, le pouvoir constituant dérivé a utilisé, en la personne du général


de Gaulle, une procédure que la plupart des juristes de l’époque considéraient
comme irrégulière. L’initiative du législateur constitutionnel n’a pas empêché sa
réforme, celle de l’élection du président de la République au suffrage universel
direct, de fonder la validité de toutes les élections présidentielles qui se sont
ensuite succédé. Le précédent de 1962 atteste ainsi qu’en France, au moins sur
le plan formel, le pouvoir de révision est souverain et met en lumière le caractère
fragile de la distinction entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant
dérivé. Pourtant, entretenu pendant dix ans par une célèbre décision du Conseil
constitutionnel du 2 septembre 199214, le doute s’est un moment installé sur
la réalité de cette souveraineté. Une large partie de la doctrine a fait sienne la
distinction entre les deux types de pouvoir constituant en affirmant la limitation
du pouvoir constituant dérivé au prix de devoir recourir à la théorie métaphysique
de la supra-constitutionnalité  (A). Ce n’est que plus tard, le 26 mars 200315,
que la Haute instance rejettera fermement toute invitation à contrôler les lois
constitutionnelles et lèvera ainsi toutes les incertitudes qui empêchaient de
reconnaître la souveraineté du pouvoir de révision constitutionnelle dans le droit
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positif français (B).

A. Une limitation affirmée par la doctrine jusnaturaliste et la théorie


de la supra-constitutionnalité

On a vu que le pouvoir constituant se conçoit à la lumière de deux types de


gradation. La première ne fait l’objet d’aucune discussion. Il s’agit en effet de
celle qui oppose le pouvoir constituant aux pouvoirs constitués, les seconds étant
investis par le premier et pouvant adopter des normes selon une procédure plus
simple que celle qui est requise pour l’adoption des lois constitutionnelles16. Cette
différence de degrés dans la difficulté procédurale s’explique par l’échelle de
valeurs qui distingue le contenu des lois constitutionnelles, réputé fondamental
et portant sur le long terme (droits et libertés des personnes, structure de l’Etat),
de celui des lois ordinaires qui intéresse des sujets plus conjoncturels et qui, plus
fréquemment traité, nécessite une procédure plus légère. Le pouvoir constituant,
et lui seul, est l’auteur des lois constitutionnelles.
Mais revenons à la seconde distinction à laquelle il a déjà été fait allusion et
qui, cette fois, prête à discussion, celle qui sépare le pouvoir constituant originaire
du pouvoir constituant dérivé. Cette subordination du pouvoir constituant dérivé

14 CC n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, rec. 76.


15 CC n° 03-469 DC du 26 mars 2003, rec. 293.
16 E. SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, op. cit.
88 Alexandre VIALA

au pouvoir constituant originaire n’est pas expressément ni formellement inscrite


dans le droit positif mais revendiquée par toute une doctrine d’obédience
jusnaturaliste qui pense qu’au sein de toute Constitution, il est possible de
discerner sans faire appel au moindre jugement de valeur subjectif, un ensemble
de principes qui seraient immuables et hors de portée de toute loi, même
constitutionnelle. Ces principes relèveraient d’une sphère qu’on appelle la supra-
constitutionnalité.

Avatar contemporain des théories du droit naturel, la théorie de la supra-


constitutionnalité s’est imposée dans la doctrine française au début des années
quatre-vingt-dix17. Elle a trouvé la source de son épanouissement dans le débat
que suscita la révision du 25 juin 1992 nécessaire à la ratification du traité
de Maastricht qui dérogeait, par l’autorisation de transferts de compétences
législatives à l’Union européenne, au principe constitutionnel de la souveraineté
nationale que d’aucuns considéraient comme intangible. Au lendemain de la
révision qui eut pour effet d’adapter la Constitution au traité de Maastricht, des
parlementaires souverainistes insistèrent et prirent l’initiative de déférer celui-ci
une seconde fois au Conseil constitutionnel en allant jusqu’à mettre en cause,
dans leur argumentation, la révision elle-même qui à leurs yeux, franchissaient
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les limites qu’un législateur, même constitutionnel, ne saurait transgresser. En
réponse à cet appel implicite à la reconnaissance d’un noyau supra-constitutionnel
– la souveraineté nationale –, la Haute instance prit une position pour le moins
ambiguë et contradictoire dans sa décision du 2 septembre 1992 : tout en
déboutant les requérants et en refusant de rentrer dans leur jeu au motif que
« le pouvoir constituant est souverain »18, les sages ont néanmoins implicitement

17 C’est à S. RIALS que l’on doit, en France, l’introduction du concept : « Supra-constitutionnalité


et systématicité du droit », Archives de philosophie du droit, tome 31, 1986, p. 64. V. également
O. JOUANJAN, « La forme républicaine du gouvernement, norme supraconstitutionnelle ? » in La
République en droit français, sous la dir. de B. MATHIEU et M.  VERPEAUX, Economica, 1996,
p. 267 ; O.  BEAUD, «  Maastricht et la théorie constitutionnelle, la nécessaire et inévitable
distinction entre le pouvoir constituant et le pouvoir de révision constitutionnelle », Les Petites
Affiches, 31 mars 1993, n° 39, p. 14.
18 Dans le prolongement de cette affirmation, le Conseil constitutionnel ajoutait du reste qu’il
est « loisible (au pouvoir constituant) d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions
constitutionnelles dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’il
introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles
visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation
peut être aussi bien expresse qu’implicite » (CC n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, rec. 76).
Le Conseil voulait montrer que le principe de souveraineté nationale, fût-il constitutionnel,
pouvait très bien souffrir d’exceptions introduites à titre dérogatoire, par exemple au profit
des instances européennes, par le législateur constitutionnel. Il convient d’ores et déjà de
relever que dès 1992, les sages utilisent l’expression de « pouvoir constituant » pour désigner
le législateur constitutionnel, ce qui laisse entendre que dans leur esprit, la distinction entre
pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé est inopérante. Le 2 septembre 1992,
ce réflexe terminologique est le signe annonciateur d’une négation de la supra-constitutionnalité
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 89

admis l’idée d’un possible contrôle des lois constitutionnelles en subordonnant


cette souveraineté d’une part, au respect des fameuses périodes d’abstinence
constitutionnelle qui interdisent toute révision en fonction de circonstances bien
précises et d’autre part, surtout, à l’observation « des prescriptions du cinquième
alinéa de l’article 89 en vertu desquelles la forme républicaine du gouvernement
ne peut faire l’objet d’une révision ».

Cette référence par le juge constitutionnel au dernier alinéa de l’article 89


qui pose une limite matérielle au pouvoir de révision a fortement galvanisé les
défenseurs de la supra-constitutionnalité. En effet, l’article 89 alinéa 5 donne chair
en droit positif au concept de noyau irréductible d’une Constitution qu’aucune
législation, même constitutionnelle, ne saurait atteindre. Cette limitation trouve
son origine dans l’article 2 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884 qui disposait
déjà que « la forme républicaine du gouvernement ne pouvait faire l’objet d’une
révision » afin de conjurer tout retour éventuel à la monarchie. Reprise sous la
IVème République à l’article 91 de la Constitution du 27 octobre 1946, elle est
aujourd’hui considérée par les tenants de l’intangibilité absolue de certains
principes constitutionnels, comme le pendant en France de l’article 79 § 3 de la
Loi Fondamentale allemande qui prohibe toute révision de nature à porter atteinte
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soit à la structure fédérale du pays soit aux libertés fondamentales garanties
par les article 1 et 20 du texte constitutionnel. Même si la Cour de Karlsruhe a
rarement procédé à l’invalidation d’une loi de révision, l’exemple allemand reste
un mythe et fait figure d’emblème pour les partisans de la supra-constitutionnalité
en raison de la clarté et de la précision terminologiques avec laquelle l’article 79
§ 3 de la Loi Fondamentale définit la limite matérielle du pouvoir de révision. Mais
la nébulosité de notre article 89 alinéa 5 est de nature à rendre problématique, en
France, l’hypothèse d’un contrôle des lois de révision constitutionnelle qu’a laissée
ouverte la décision du 2 septembre 1992. La perspective d’un tel contrôle de supra-
constitutionnalité fondé sur un élément aussi flou que la « forme républicaine du
gouvernement » était si incertaine que le juge constitutionnel français lui-même,
immergé dans un pays traditionnellement plus attaché que l’Allemagne à la notion
de souveraineté, a fini par y renoncer.

B. Une limitation niée par la doctrine positiviste et le droit positif


français

En effet, ne s’étant exprimé sur la question que de façon allusive pour


répondre incidemment en 1992 à un moyen soulevé à l’appui d’une requête
contre un traité, le Conseil constitutionnel a eu enfin l’occasion, plus tard, de livrer
sa position de façon nette grâce au recours parlementaire exercé directement

même s’il transparaît, comme on va le voir, dans une décision qui alimente la confusion par
l’usage de la réserve du respect de « la forme républicaine du gouvernement ».
90 Alexandre VIALA

contre une loi de révision. Dans sa décision du 26 mars 2003, la Haute instance
rejette le recours exercé contre la loi constitutionnelle relative à l’organisation
décentralisée de la République, au motif qu’il « ne tient ni de l’article 61, ni de
l’article 89, ni d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer
sur une révision constitutionnelle ». Dix ans après la décision du 2 septembre
1992 qui renfermait une contradiction dans les termes et qui laissait ainsi le
débat largement ouvert entre les positivistes attachés au pouvoir de dernier mot
du constituant et les doctrinaires du droit naturel se mettant à rêver à l’existence
d’un gardien de la vérité juché au-dessus du souverain, le Conseil constitutionnel
adopte une position ferme. Il n’existe pas de supra-constitutionnalité de nature
à diviser le pouvoir constituant en deux entités dont l’une serait originaire et
souveraine tandis que l’autre simplement constituée et dérivée. Il ne saurait
se distinguer, au sein du bloc de constitutionnalité, un ensemble particulier de
principes qui auraient systématiquement et pour l’éternité la prééminence sur
tous les autres.

On peut à la limite concevoir qu’en Allemagne, une telle hiérarchie des valeurs
puisse se dessiner dans un même texte car outre-Rhin, la fameuse disposition qui
met un certain nombre de principes à l’abri des révisions est d’une précision dont
est dénué l’article 89 alinéa 5. Tandis que l’article 79 § 3 de la Loi Fondamentale
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cite expressément les droits que ne peut méconnaître une loi de révision, personne
n’est en mesure en France de définir objectivement ce qu’il faut entendre par
« forme républicaine du gouvernement ». Certes, l’expression avait été trouvée
pour les besoins de la rédaction de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 14 août
1884 à une époque où la majorité républicaine voulait consolider le régime et
empêcher les familles ayant régné sur la France d’accéder à la présidence de
la République. Mais transportée dans le contexte de la Vème République, la
formule ne désigne pas seulement l’interdiction de rétablir la monarchie. Elle
renvoie plus fondamentalement à des valeurs démocratiques et pluralistes qui
sont opposables les unes aux autres comme dans tout régime fondé sur la liberté
et qui ne répondent pas, par conséquent, aux intérêts des mêmes catégories
d’individus. Nul ne peut donc au nom du droit naturel, dont chacun détient
d’ailleurs sa propre conception, établir une discrimination objective entre les
valeurs qui peuvent être sacrifiées par une révision constitutionnelle et celles
qui ne sauraient souffrir d’aucune entrave. Dans ces conditions, l’utilisation de
l’article 89 alinéa 5 comme norme de référence au service d’un contrôle de supra-
constitutionnalité des lois de révision conduirait à une situation dans laquelle
la définition de «  la forme républicaine du gouvernement  » et la hiérarchie des
valeurs que la société française doit observer serait livrée à l’entière subjectivité
du juge. En France, compte tenu de la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 89
de la Constitution, la théorie de la supra-constitutionnalité est donc la brèche
idéale dans laquelle pourrait s’engouffrer le gouvernement des juges. Le Conseil
constitutionnel a su y résister le 26 mars 2003.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 91

Résumé

Il est difficile en droit constitutionnel d’envisager la limitation du pouvoir


constituant. Dans sa nature de pouvoir originaire, le pouvoir constituant s’inscrit en
dehors des limites de la rationalité juridique comme l’ont bien montré Emmanuel
Sieyès et bien plus tard Carl Schmitt. De sorte que pour concevoir sa limitation,
le constitutionnaliste est confronté à deux écueils : l’autolimitation qui souffre de
ne pas être une véritable limitation en raison de son caractère auto-référentiel
et l’hétéro-limitation qui nous plonge dans les eaux troubles de la métaphysique.
Il n’est alors possible de concevoir une telle limitation qu’à l’égard du pouvoir
constituant dérivé qui n’est réputé s’exprimer, pour changer la Constitution,
que dans les bornes que lui indique le pouvoir constituant originaire. Or, cette
dualité fonctionnelle du pouvoir constituant ne résiste pas à l’observation du droit
positif français depuis que le Conseil constitutionnel a renoncé à contrôler les
lois constitutionnelles dans une décision du 26 mars 2003. Cette jurisprudence
atteste de l'imperméabilité de la culture juridique et du droit positif français à la
thèse schmittienne de la gradation entre Constitution et loi constitutionnelle.
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Abstract

It is difficult to consider the constitutional limitation of constituent power. In its


original nature, the constituent power falls outside the bounds of legal rationality
as have shown Emmanuel Sieyes and later on Carl Schmitt. So as to develop its
limitation, the constitutionalist faces two obstacles: self-restraint that suffers not
to be a real limitation because of its self-referential character and hetero-limitation
which plunges us into the trouble waters of metaphysics. It is then possible to
design such a limitation only in respect of the derived constituent power which is
deemed to be expressed, to change the Constitution, only within the framework
specified by the original constituent power. However, this functional duality of
constituent power can not resist the French positive law’s observation since the
Constitutional Council has waived the constitutional laws’ control in its decision
dated March 26th 2003. This case-law demonstrates the impermeability of the
legal culture and the French positive law to Schmitt's theory of gradation between
Constitution and constitutional law.

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