Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Thème 2
Constitution
I. Notions à définir
II. Documents
Sujet de dissertation :
Alexandre Viala
2014/1 N° 32 | pages 81 à 91
ISSN 1290-9653
DOI 10.3917/civit.032.0081
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2014-1-page-81.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
© IRENEE / Université de Lorraine | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 193.55.218.106)
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Alexandre VIALA
Professeur
Université Montpellier I
Directeur du CERCOP
volonté commune d’imposer un sujet juridique supérieur aux individus. Peu importe que cette
volonté s’exprime par la force ou la concertation. L’essentiel est d’y voir un pur fait insusceptible
de qualification juridique. Pour résumer l’option épistémologique de CARRE DE MALBERG, il y a
de la volonté mais pas de droit à l’origine et en amont de l’Etat.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 85
Mais bientôt, le juriste viennois devra faire à l’empirisme des concessions qui
le conduiront inéluctablement, sans l’avouer explicitement, à admettre le défaut
d’hétéronomie dont jouit le pouvoir constituant. Comment expliquer la normativité
du décret du 17 juin 1789 aux termes duquel les députés des Etats-généraux
s’auto-proclament Assemblée nationale et imposent le vote par têtes en totale
effraction par rapport au droit en vigueur, celui de l’Ancien régime ? En supposant
valide semblable décret. Mais pourquoi supposer valide ce décret ? Parce qu’il est
à l’origine d’un régime représentatif sur lequel nous continuons de vivre depuis plus
de deux siècles. Autrement dit, l’on ne peut recourir à l’argument transcendantal
qu’à la condition que le régime dont la Constitution originaire est le fondement
s’avère efficace en général et en gros9. Par où l’on voit que l’efficacité est une
condition – et non le fondement – de la validité d’une Constitution. Ce sont les faits
et non le droit qui sont à l’origine du processus constituant. Sans le dire, Kelsen
admet le défaut de limitation juridique du pouvoir constituant.
C’est a fortiori le cas de Carl Schmitt dont le décisionnisme l’a conduit tout
naturellement à ne jamais s’embarrasser avec l’interdiction d’inférer une norme
© IRENEE / Université de Lorraine | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 193.55.218.106)
9 H. KELSEN, Théorie pure du droit, 2e éd., trad. C. EISENMANN, rééd. Bruylant-LGDJ, 1999, p. 215.
10 C. SCHMITT, Théologie politique, op. cit., p. 15.
86 Alexandre VIALA
Au sein d’un texte constitutionnel, il convient pour Carl Schmitt de souligner par
exemple la différence entre les dispositions relatives aux droits fondamentaux ou à
la souveraineté de l’Etat et celles relatives au régime des sessions parlementaires.
Si les deux types de dispositions sont formellement égaux en tant qu’ils relèvent
du même support textuel, le premier est matériellement supérieur au second car il
touche au cœur de la Constitution et ne peut dès lors, contrairement à celui-ci qui
revêt un caractère technique, être abrogé par une simple loi constitutionnelle11.
11 C. SCHMITT, Théorie de la Constitution, 1928, trad. L. DEROCHE, préf. O. BEAUD, rééd. 1993,
PUF-Léviathan.
12 I can drop a stone : je peux soulever une pierre c’est-à-dire que j’en ai la puissance nécessaire
ou la capacité physique.
13 I may smoke a cigarette in this room : je peux fumer une cigarette dans cette pièce car j’en ai le
droit.
Limitation du pouvoir constituant, la vision du constitutionnaliste 87
même s’il transparaît, comme on va le voir, dans une décision qui alimente la confusion par
l’usage de la réserve du respect de « la forme républicaine du gouvernement ».
90 Alexandre VIALA
contre une loi de révision. Dans sa décision du 26 mars 2003, la Haute instance
rejette le recours exercé contre la loi constitutionnelle relative à l’organisation
décentralisée de la République, au motif qu’il « ne tient ni de l’article 61, ni de
l’article 89, ni d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer
sur une révision constitutionnelle ». Dix ans après la décision du 2 septembre
1992 qui renfermait une contradiction dans les termes et qui laissait ainsi le
débat largement ouvert entre les positivistes attachés au pouvoir de dernier mot
du constituant et les doctrinaires du droit naturel se mettant à rêver à l’existence
d’un gardien de la vérité juché au-dessus du souverain, le Conseil constitutionnel
adopte une position ferme. Il n’existe pas de supra-constitutionnalité de nature
à diviser le pouvoir constituant en deux entités dont l’une serait originaire et
souveraine tandis que l’autre simplement constituée et dérivée. Il ne saurait
se distinguer, au sein du bloc de constitutionnalité, un ensemble particulier de
principes qui auraient systématiquement et pour l’éternité la prééminence sur
tous les autres.
On peut à la limite concevoir qu’en Allemagne, une telle hiérarchie des valeurs
puisse se dessiner dans un même texte car outre-Rhin, la fameuse disposition qui
met un certain nombre de principes à l’abri des révisions est d’une précision dont
est dénué l’article 89 alinéa 5. Tandis que l’article 79 § 3 de la Loi Fondamentale
© IRENEE / Université de Lorraine | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 193.55.218.106)
Résumé