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Lorenzo SALAZAR
Sommaire
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spécifique de la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes et la genèse d'un espace pénal européen, dans le cadre du droit
communautaire et, plus généralement, du droit pénal de l'Union. En partant des
premières propositions de la Commission de 1976 et en passant par la célèbre
décision de la Cour de Justice de 1988 en matière de principe d'assimilation ainsi
que de sanctions relatives aux violations du droit communautaire, l'article analyse
les nombreux textes adoptés dans ce secteur après l'entrée en vigueur du Traité
de Maastricht, et notamment la convention de 1995 sur la protection des intérêts
financiers de la Communauté et ses trois protocoles. Enfin, dans ses conclusions,
l’article présente les perspectives d’évolution d’un espace pénal européen et du
droit pénal européen, en reprenant développements les plus récents dans le
domaine.
1. Introduction : Le contexte
L'image presque surréaliste des "lignes parallèles convergentes" (image évoquée
par Aldo Moro, ancien homme d’État italien, dans un contexte très différent de
celui abordé dans les pages qui suivent) convient bien pour caractériser le
rapprochement progressif intervenu entre le droit pénal et le droit communautaire.
La lutte contre la fraude et celle contre la corruption des fonctionnaires ont
toujours fortement influencé cette évolution, étant parmi les éléments clés qui ont
déterminé cette "convergence".
Magistrat, Membre du Cabinet du Vice-Président F. Frattini, Commission européenne.
Les vues exprimées dans cet article sont personnelles à l’auteur et n’engagent en rien la
Commission européenne.
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Dans les traités actuellement en vigueur, l’article 280 TCE représente le point de
repère dans le domaine de la protection des intérêts financiers communautaires.
Cette disposition prévoit que la Communauté et les Etats membres combattent la
fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la
Communauté par des mesures dissuasives et qui offrent une protection effective
dans les États membres.
Enfin, sur le plan des procédures législatives communautaires, l’article 280 TCE
prévoit la possibilité pour le Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée et en
codécision avec le Parlement européen, après consultation de la Cour des
comptes, les mesures législatives dans les domaines de la prévention et de la
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lutte contre la fraude au détriment des intérêts financiers de la Communauté,
lesquelles sont nécessaires afin de mettre en place une protection effective et
équivalente dans les États membres desdits intérêts. Toutefois, aux termes de la
disposition en question, ces mesures "…ne concernent ni l'application du droit
pénal national ni l'administration de la justice dans les États membres".
Il est utile de rappeler ici que l'article 280, entré en vigueur avec le Traité
d'Amsterdam en 1999, constitue l'évolution du précédent article 209A du traité de
Maastricht de 1992, qui se limitait, quant à lui, à introduire dans le traité le
principe d'assimilation dans la lutte contre la fraude communautaire ainsi qu’une
base légale pour une coordination de l'action dans le domaine de la protection
des intérêts financiers communautaires, à réaliser par les Etats membres « avec
l'aide de la Commission européenne ».
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doivent prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives contre la
fraude communautaire.
Par le biais de son art.209A, le traité de Maastricht a introduit dans la législation
primaire l'essentiel de la décision de la Cour en termes de principe d'assimilation.
Toutefois, il n’introduisait ni un principe d'efficacité des sanctions à adopter par
les Etats membres, ni une base légale explicite pour une intervention législative
de la part de la Communauté.
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la liste de 17 Recommandations portant dispositions pour une protection des
intérêts financiers communautaires plus effective) et la plus célèbre est l’étude
connue sous le nom de "Corpus juris" portant un projet de "mini-code" pénal (et
de procédure pénale) pour la protection des intérêts financiers de la CE7.
des C.E., Bruxelles 1994; Etude comparative sur la protection des intérêts financiers de la
Communauté, Bruxelles 1994; V. aussi le Rapport de la Commission sur l'application de
l'article 209A du traité sur l'Union européenne, Bruxelles 1995.
7 Corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de
Pour cette raison, on pourrait à juste titre affirmer que c’est "par la porte de
service" que le rapprochement a fait son apparition dans le droit de l'Union. Ce
n’est que par la suite qu’il a pu gagner ses titres de noblesse grâce notamment
aux instruments qui sont issus de cette « convention mère » en matière de
protection des intérêts financiers.
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La fraude ainsi définie, les Etats membres doivent adopter les mesures
nécessaires pour assurer que ces comportements illégaux soient passibles de
sanctions pénales conformes aux critères établis par la Cour de Justice dans son
arrêt de 1989, c'est-à-dire de sanctions "effectives, proportionnées et
dissuasives". De plus, elles doivent inclure, au moins dans les cas de « fraude
grave », des peine d’emprisonnement pouvant entraîner l'extradition (c’est-à-dire
une peine maximale d’au moins un an). Pour ce qui est de la définition de fraude
grave il appartient à chaque Etat membre de fixer un montant minimal sur lequel
porte la fraude, ce montant minimal ne pouvant toutefois dépasser 50 000 ¤. La
complicité, l'instigation ou la tentative relatives aux comportements visés doivent
faire l'objet du même type de sanctions.
Les temps n'étant pas encore mûrs pour l'introduction de dispositions en matière
de responsabilité des personnes morales (comme demandé dans la résolution
ministérielle de 1994), la convention PIF se limite à introduire une disposition sur
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B. … et ses protocoles
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Dans les considérants initiaux de la Convention PIF, le Conseil avait déjà relevé
la nécessité de compléter l’instrument "à bref délai" par d'autres instruments
juridiques, de manière à améliorer l'efficacité de la protection pénale des intérêts
financiers des Communautés. C’est pour cette raison que la convention a été
rapidement complétée par trois protocoles additionnels.
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relève de leurs propres fonctionnaires que pour ce qui relève des fonctionnaires
communautaires et des autres Etats membres.
10 Au niveau mondial le protocole a été précédé sur ce point uniquement par la Convention
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décembre 1999) et des Nations Unies (Merida, décembre 2003), auxquelles ils ne
manqueront pas de fournir des solutions et des sources d'inspiration.
Europol (JO, C 299, 9.19.1996, 1) et en même temps que le protocole sur l'interprétation
de la Convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes – Convention
SID (JO, C 151, 20.5.1997, 16)
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ouvrir aux magistrats nationaux l'accès direct à la Cour sur des sujets relevant de
la coopération judiciaire pénale au sens propre du terme. Il prévoit un dispositif "à
la carte" ou d'opt-in, dont l’introduction fut nécessaire pour vaincre les réticences
de la part de certains Etats membres à céder devant ce qui était vécu comme une
'"intrusion" d'une institution communautaire dans un territoire réservé à
l'intergouvernemental. Par le biais d’une déclaration ad hoc les Etats membres
"peuvent", ainsi, accepter la compétence de la Cour à connaître des questions
soulevées par leurs juges nationaux. Il s’agit là d’un modèle précurseur de la
solution finalement retenue par le traité d'Amsterdam, qui sera conclu l'année
suivante.
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Le protocole oblige, tout d'abord, les Etats membres à incriminer le blanchiment
de l'argent au moins en ce qui concerne les produits de la fraude grave et de la
corruption active et passive, contribuant ainsi à élargir la portée de l'infraction de
blanchiment au-delà des seuls produits du trafic de drogue, comme semblaient le
préconiser les recommandations provenant de différentes instances internationa-
les de l'époque15. Cette obligation d’incrimination est assortie d'un engagement
des Etats à permettre la saisie et la confiscation des instruments et du produit de
ces actes délictueux, ou des biens d'une valeur équivalente. La "confiscation en
valeur" - jusqu'alors uniquement reprise dans des instruments de droit
international16 - fait, à cette occasion, son entrée sur la scène du droit de l'Union
pour être ensuite reproduite, avec une portée générale, dans l'action commune
de décembre 1998 sur le blanchiment de l'argent et la confiscation des produits17.
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Etats membres, à accepter l'introduction d'un système de responsabilité pénale
pour les personnes morales, ont pu être dépassées grâce à une solution de
compromis, qui semble en même temps relever de la sagesse et de l'astuce. En
vertu du protocole, les Etats membres sont tenus de prévoir vis-à-vis des
personnes morales des sanctions qui ne doivent pas nécessairement être de
nature pénale : elles peuvent aussi relever du droit administratif ou du droit civil.
Mais, indépendamment de leur nature, elles devront être proportionnées,
efficaces et dissuasives, et ce conformément aux enseignements de l'arrêt "maïs
grec" de la Cour de justice évoqué ci-dessus. Ces sanctions "doivent" inclure des
sanctions pécuniaires et "peuvent" inclure des sanctions d'une autre nature telles
que des mesures d'exclusion d'aides, de suspension ou d'interdiction d'exercer
une activité commerciale, de surveillance judiciaire ou encore de dissolution.
L'"effet utile", c’est-à-dire celui d'obtenir que les personnes morales puissent
partout dans l'Union faire l'objet de sanctions efficaces, proportionnées et
dissuasives, est donc atteint, et ce avec toute la souplesse nécessaire pour ne
pas heurter les Etats membres les plus réticents à la consécration de la
responsabilité pénale des personnes morales (suivant le principe "societas
delinquere non potest").
Last but not least, le deuxième protocole introduit des dispositions d'une
importance primordiale quant à la création d’une base légale pour fonder une
coopération entre les Etats membres et la Commission européenne dans le
secteur de la lutte contre la fraude, la corruption et le blanchiment d’argent,
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Depuis l’adoption de ces textes, l'Europe pénale a progressivement changé sa
configuration, tout en devenant de plus en plus une réalité incontournable.
Depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam en mai 1999, les choses ont
évolué à un rythme de plus en plus élevé : à cet égard, il importe de mentionner
les conclusions de Tampere mais également le Programme de La Haye, de
même que les perspectives ouvertes par le Traité constitutionnel, qui a été signé
à Rome mais dont l’entrée en vigueur est très incertaine.
Pour ce qui est de la PIF, l'entrée en vigueur de l'article 280 du TCE a été
accompagnée par la création de l'Office européen de lutte antifraude ou OLAF18
et par l'adoption du règlement réglementant ses enquêtes administratives pour
lutter contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte
aux intérêts financiers de la CE19.
Si l’on revient au droit pénal et à la procédure pénale, un livre vert sur la
protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d’un
Procureur européen20 a été présenté par la Commission en 2001 pour
promouvoir un large débat et une réflexion sur les possibilités de mise en oeuvre
d’un Parquet européen responsable de la poursuite, au niveau européen, de
toute activité portant atteinte aux intérêts financiers communautaires: il s’agit là
d’un projet lancé par l’étude « Corpus Juris », qui débouchera finalement,
quoique avec peine, sur l’introduction d’une disposition dans le Traité
constitutionnel (article III-274).
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Communauté à édicter des dispositions relevant du droit pénal par le biais d’une
directive (premier pilier). Certes, de nombreuses réticences se manifestent,
notamment au sein de certains Etats membres, quant à la reconnaissance d'une
portée générale de cet arrêt. Il n’en demeure pas moins que le débat lancé par
d’interminables discussions entre juristes et spécialistes tout au long des années
'90 (et même avant) semble enfin parvenir à une solution définitive, grâce à
l’intervention d'une Cour qui, après sa première saisine en matière de troisième
pilier pour l'interprétation des dispositions de l'acquis de Schengen sur le ne bis in
idem,23 paraît de plus en plus à l'aise dans le domaine du droit pénal.
Une décision ultérieure de la Cour, visant un autre texte adopté par le Conseil au
sein du « troisième pilier »24 et attendue pour fin 2007, pourrait venir confirmer
une compétence communautaire en matière pénale, ce dans l'attente de
nouveaux développements liés au traité constitutionnel lequel aurait, une fois
pour toute, éliminé les distinctions entre piliers.
pénal pour la répression de la pollution causée par les navires (JO L 255, 30.09.2005)
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5. Conclusions
Bien qu'aujourd'hui d'autres sujets d’actualité (terrorisme, crime organisé, traite et
trafic des êtres humains) semblent au premier chef retenir l'attention des
Ministres ainsi que de la plupart des commentateurs, le secteur de la protection
des intérêts financiers communautaires n'a pas perdu sa nature de véritable
"laboratoire du droit pénal de l'Union" tout en constituant au même temps un
Corpus de dispositions doté d'une cohérence propre.
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Toute évolution future reste en grande partie liée à l’avenir toujours incertain du
processus constitutionnel. Néanmoins, tout en restant dans le cadre des Traités
existants, l'évaluation de la mise en œuvre complète des instruments en place
pourrait donner lieu à de nouvelles propositions de la part de la Commission
européenne qui, dans une phase d’essoufflement manifeste de la dynamique
inaugurée à Tampere en Octobre 1999 et fondée sur la pierre angulaire
constituée par la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, pourrait ouvrir
encore la voie à des avancées audacieuses.
La PIF semble encore aujourd'hui avoir "un grand avenir derrière elle..."