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L’entrée en vigueur du Protocole no 16 à la Convention de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés


fondamentales, entre espérances et questionnements…
Catherine Gauthier
Dans Revue trimestrielle des droits de l'Homme 2019/1 (N° 117), pages 43 à 65
Éditions Anthemis
ISSN 0777-3579
DOI 10.3917/rtdh.117.0043
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L’entrée en vigueur du Protocole no 16 à la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, entre espérances et
questionnements…

par

Catherine GAUTHIER
Maître de conférences en droit public à l’Université de Bordeaux
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Résumé
L’entrée en vigueur du Protocole no 16 à la Convention de sauve-
garde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le 1er août
dernier, suscite de nombreux questionnements. Si la Cour de cassa-
tion française a d’ores et déjà enclenché la procédure d’avis consultatif
prévu par ce texte, des doutes persistent quant à son caractère opé-
ratoire et sa capacité à assurer le rôle que ses concepteurs lui avaient
assigné : assurer l’avenir à long terme de la Cour européenne des droits
de l’homme.

Abstract
The entry into force of the Protocol nr. 16 to the Convention for
the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms on last
August 1 raises multiple questions. If the French Court of Cassation
has already launched the procedure of advisory opinions allowed
by this text, some questions remain regarding its operability and its
capacity to perform as intended by those who drafted it : namely, to
ensure the long-term continuity of the European Court of Human
Rights.

Le 31 octobre 2017, le président de la République française se rendait à la


Cour européenne des droits de l’homme et prononçait un discours résolument
en faveur du système européen de protection des droits de l’homme. À cette
occasion, il s’engagea notamment à mettre en œuvre le processus de ratification

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par la France du Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des droits de


l’homme et des libertés fondamentales. Si cette visite répondait probablement
à de savants calculs politiques et diplomatiques1, elle fut suivie d’effets puisque
la France a effectivement ratifié le Protocole no 16 le 12 avril 20182.
Dixième État à ratifier le texte3, la France permettait ainsi à ce protocole
additionnel d’entrer en vigueur le 1er août dernier4, quelque cinq années après
son adoption, le 2 novembre 2013. Signé peu de temps après le Protocole
no 155, le Protocole no 16 est le résultat du processus de réforme de la Cour
européenne des droits de l’homme initié par le rapport rendu par le Groupe
des sages au Comité des ministres du Conseil de l’Europe en 2005, et poursuivi
ensuite lors de la conférence d’Interlaken en 2010, puis des conférences d’Izmir
et de Brighton qui se sont déroulées respectivement en 2011 et en 20126. Visant
à instaurer une voie de droit novatrice qui consiste à permettre aux plus Hautes
juridictions des États parties à la Convention de saisir la Cour européenne des
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droits de l’homme pour avis consultatif, le Protocole no 16 constitue le com-
plément direct de ce processus. Il entend institutionnaliser le dialogue entre les
juges nationaux et la Cour européenne des droits de l’homme et, ce faisant,
il concrétise en effet le principe de subsidiarité qui est au cœur du Protocole
no 157. Le préambule du texte est explicite à cet égard puisqu’il énonce que
« l’extension de la compétence de la Cour pour donner des avis consultatifs

1
L. Burgorgue-­Larsen, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme
(août-­décembre 2017) », A.J.D.A., 2018, p. 150.
2
Loi no 2018-237 du 3 avril 2018 autorisant la ratification du Protocole no 16 à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, J.O.R.F., 4 avril
2018, texte no 1.
3
Les autres États parties à avoir ratifié le Protocole no 16 sont, par ordre alphabétique : l’Al-
banie, l’Arménie, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Lituanie, Saint-Marin, la Slovénie et
l’Ukraine.
4
L’article 8, § 1er, du Protocole prévoit en effet l’entrée en vigueur du texte « le premier jour du
mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle dix Hautes Parties
contractantes à la Convention auront exprimé leur consentement à être liées […] ».
5
Le Protocole no 15 portant amendement de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales a été ouvert à signature le 24 juin 2006. Protocole d’amen-
dement, il n’entrera en vigueur que lorsque l’ensemble des États parties à la Convention l’aura
ratifié. Pour l’heure, il manque encore trois États : la Bosnie-­Herzégovine, l’Italie et la Grèce.
6
Sur le processus de réforme de la Cour européenne des droits de l’homme, se reporter au
site internet de la Cour et à la rubrique consacrée à cette question. Voy. également C. Crépet-­
Daigremont, « Nouvelle étape de la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme : vers
une redistribution des rôles de la Cour et des États », A.F.D.I., 2012, pp. 655‑677.
7
Sur ce point, voy. en particulier Fr. Sudre, « La subsidiarité, ‘nouvelle frontière’ de la Cour
européenne des droits de l’homme ? À propos des Protocoles 15 et 16 à la Convention », J.C.P.,
éd. G., 2013, doctrine 1086.

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renforcera l’interaction entre la Cour et les autorités nationales, et consoli-


dera ainsi la mise en œuvre de la Convention, conformément au principe de
subsidiarité ». L’idée, relativement classique mais néanmoins novatrice dans le
contexte de la Convention européenne des droits de l’homme, est donc de for-
maliser la relation de juge européen à juge national pour améliorer et renforcer
l’application de la Convention.
Si l’idée est simple, elle n’en constitue pas moins une révolution coperni-
cienne. Issu du processus de réforme de la Cour européenne des droits de
l’homme, le Protocole no 16 a été adopté dans un contexte singulier et dans
un but bien particulier. Le contexte était celui de l’engorgement toujours plus
grand du prétoire de la Cour, rendant presque impossible au juge européen
de remplir convenablement son office. C’était également celui d’une défiance
de plus en plus significative de certains des États parties à la Convention,
notamment du Royaume-Uni qui présidait d’ailleurs le Conseil de l’Europe
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au moment de la Conférence de Brigthon. À cet égard, on se souvient encore
du discours très critique prononcé par James Cameron devant la Cour euro-
péenne des droits de l’homme le 25 janvier 2012. Le but de la réforme initiée
à ce moment-là était clair : il convenait urgemment de trouver des solutions à
l’asphyxie programmée du mécanisme européen de protection des droits de
l’homme. À côté des solutions ponctuelles, parfois symboliques et souvent
techniques du Protocole d’amendement no 158, une réforme plus ambitieuse
et transformante était en cours de réflexion et a donné lieu à l’élaboration du
Protocole no 16. Ainsi qu’il a déjà été souligné, l’apport de ce texte était de créer
un lien entre les plus hautes juridictions des États parties et la Cour européenne
des droits de l’homme, les premières pouvant saisir la seconde de « questions
de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et liber-
tés définis par la Convention ou ses protocoles »9. Ce dispositif avait vocation
à faciliter l’application de la jurisprudence de la Cour européenne au niveau
national, à résoudre les difficultés d’interprétation éventuelles et, ce faisant, à
plus long terme, à réduire le nombre de requêtes individuelles déposées devant
la Cour. Cette mécanique, assez évidente, n’en constitue pas moins une évolu-
tion majeure du système. À une relation très étroite, mais largement informelle
et implicite, laissant dans les faits une assez grande marge de manœuvre aux
États pour mettre en œuvre la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme, se substitue une interaction formelle et immédiate dont on ne sait
évidemment pas quelle sera la portée.

8
Voy. notamment Fr. Sudre, ibid.
9
Art. 1er, § 1er, du Protocole no 16.

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En France, la défiance entre les juridictions suprêmes et la Cour européenne


des droits de l’homme est un lointain souvenir des années quatre-vingt et quatre-
vingt-dix. À une attitude de résistance, qui était d’ailleurs essentiellement le
fait du Conseil d’État, a succédé une période constructive, faite d’échanges
interinstitutionnels réguliers entre juges européens et nationaux, et qui n’était
pas étrangère à la présidence remarquable de la Cour européenne des droits
de l’homme exercée par le Français Jean-Paul Costa de 2007 à 2011. Dans ce
contexte, marqué encore tout récemment par la visite du premier président de
la Cour de cassation française à ses homologues de Strasbourg le 5 octobre
dernier, il semblait que le Protocole no 16 serait accueilli favorablement et
que son entrée en vigueur se présenterait sous les meilleurs auspices. Si tel est
certainement le cas, il n’en reste pas moins que des interrogations demeurent.
Les enjeux soulevés par l’acceptation de ce mécanisme en France sont en effet
nombreux et ils sont, à certains égards, particulièrement sensibles. Du point de
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vue interne d’abord, l’acceptation du mécanisme institué par le Protocole no 16
questionne sur l’office des juges, la manière dont s’opère le contrôle de conven-
tionnalité et comment ce contrôle peut s’articuler avec l’avis qui sera rendu
par la Cour européenne. Plus largement, la ratification réalisée en avril der-
nier place la France sous les feux des projecteurs. Premier membre originel du
Conseil de l’Europe à ratifier le Protocole, elle en déclenche l’entrée en vigueur
et il ne fait aucun doute que la future posture de ses juges sera passée au crible
des autres États parties à la Convention et notamment de ceux qui hésitent
encore à ratifier le Protocole et/ou qui y sont réticents. Dans ce contexte très
particulier, il ne semble pas imprudent de penser que les toutes premières appli-
cations de ce mécanisme d’avis consultatif donneront le « tempo » et que de
leur bon usage dépendra son succès.
Il n’aura pas fallu trop attendre. Le 5 octobre dernier, la Cour de cassation
a en effet adressé à la Cour européenne des droits de l’homme une première
demande d’avis consultatif sur la question très actuelle et sensible de la trans-
cription en France d’un acte de naissance établi à l’étranger consécutivement
à une convention de gestation pour autrui10. Le signal est fort. Non seulement
la Cour de cassation n’a pas tardé à réagir, mais encore, elle l’a fait à propos
d’une question de fond qui suscite l’intérêt de l’ensemble des États parties à la
Convention. Ce faisant, la mise en œuvre du Protocole no 16 est enfin lancée.
Si l’on ne peut que se réjouir de cette nouvelle étape, qui « remodèle le système
européen de protection des droits de l’homme »11, il n’en reste pas moins que

10
Cass. (fr), ass. plén., 5 octobre 2018, no 10-19.053.
11
Fr. Sudre, « De QPC en Qpc… ou le Conseil constitutionnel juge de la Convention EDH »,
J.C.P., éd. G., 2014, étude no 1027, p. 1800.

anthemis
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c­ elle-ci est parsemée d’inconnues et de zones d’ombres. Elle répond certes à


des attentes fortes (I), mais pose simultanément de redoutables questions (II).

I. Les attentes

Ainsi que le soulignait il y a quelques années le juge Sicilianos dans cette même
revue, « l’élargissement de la fonction consultative de la Cour européenne des
droits de l’homme par le biais du Protocole no 16 à la Convention européenne des
droits de l’homme marque un pas important dans l’évolution continue du régime
instauré par cette Convention »12. Le but poursuivi par ce texte, ainsi d’ailleurs
que par toutes les autres réformes menées depuis le début des 200013, était clair.
Il s’agissait d’assurer à long terme l’efficacité du mécanisme de contrôle de la
Convention européenne des droits de l’homme14. Les attentes étaient donc mani-
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festes et le sont d’ailleurs toujours. Si le Protocole no 16 a d’abord été conçu
comme un outil permettant d’institutionnaliser et de faciliter le dialogue entre
les juges nationaux et les juges européens, il avait également vocation à fluidifier
et à alléger le contentieux devant la Cour européenne. En d’autres termes, deux
objectifs étroitement liés étaient poursuivis : un ordonnancement plus clair du
contrôle de conventionnalité (A) ainsi qu’une efficacité plus grande du système
européen de protection des droits de l’homme (B).

A. Un ordonnancement plus clair du contrôle de conventionnalité

Le mécanisme proposé par le Protocole no 16 est relativement simple. Il per-


met, selon l’article 1er du Protocole, aux « plus hautes juridictions d’une Haute
Partie contractante […] d’adresser à la Cour des demandes d’avis consultatifs
sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des
droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles ». Ce faisant, une
relation verticale est instaurée entre le niveau national et le niveau européen
permettant ainsi, logiquement, au contrôle de conventionnalité de s’effectuer

12
L.‑A. Sicilianos, « L’élargissement de la compétence consultative de la Cour européenne
des droits de l’homme – À propos du Protocole no 16 à la Convention européenne des droits de
l’homme », cette Revue, 2014, p. 10.
13
On pense notamment au Protocole no 11 (STE no 193), adopté le 13 mai 2004 et entré en
vigueur le 1er juin 2010.
14
Cet objectif est au cœur du rapport des sages remis au Comité des ministres à la fin de
l’année 2005, c’est-à-dire quelques mois à peine après l’adoption du Protocole no 14 (rapport
CM(2006)203).

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harmonieusement. C’est bien là l’un des bénéfices principaux qui était recher-
ché par les rédacteurs du Protocole. Par ailleurs, ce mécanisme peut également
générer, et ce sera certainement le cas en France, une meilleure articulation
horizontale du contrôle de conventionnalité.

1. L’ordonnancement vertical

La manière dont le mécanisme de la « question de conventionnalité »15 a été


organisé devrait conduire à renforcer l’autorité de la Convention européenne
et de l’interprétation qui en est faite par la Cour européenne des droits de
l’homme. Ce faisant, l’ordonnancement vertical du contrôle de conventionna-
lité devrait se voir conforté.
D’une part, en confiant seulement aux « plus hautes juridictions d’une Haute
Partie contractante » le soin d’adresser des demandes d’avis consultatifs à la
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Cour européenne, l’article 1er du Protocole centralise le mécanisme et le limite
aux acteurs les plus éminents du système judiciaire. Certes, le choix de désigner
les plus hautes juridictions demeure la prérogative des autorités nationales,
mais la disposition est claire. Elle vise à circonscrire cette possibilité aux juri-
dictions qui sont dotées de l’autorité la plus haute et qui centralisent ainsi, au
plan national, le contrôle de conventionnalité. Parmi les États parties ayant
ratifié le Protocole, des options variées ont été avancées mais, globalement, ce
sont bien les juridictions suprêmes et constitutionnelles qui ont été retenues16.
En France, la réponse à la question de savoir si le Conseil constitutionnel,
qui n’assure pas le contrôle de conventionnalité de la loi17 et dont le statut
de juridiction n’est pas clairement établi en droit français, allait être désigné
comme haute juridiction, n’était pas évidente. La réponse a cependant été posi-
tive, du moins pour ce qui concerne le contrôle a posteriori qu’il exerce au
travers de la question prioritaire de constitutionnalité et également à travers
sa fonction de juge électoral. Selon l’article 1er, § 2, du Protocole no 16, en effet,
« la juridiction qui procède à la demande ne peut solliciter un avis consultatif
que dans le cadre d’une affaire pendante devant elle ». C’est bien un contrôle
concret qui est ici visé et non le contrôle abstrait a priori. La justification de

15
Fr. Sudre, « De QPC en Qpc… ou le Conseil constitutionnel juge de la Convention EDH »,
op. cit., p. 1799.
16
Voy. les déclarations émises par chacun des États signataires sur le site internet du Conseil
de l’Europe, Bureau des traités.
17
Cette situation date de la fameuse jurisprudence IVG : Cons. const., décision no 74-54 DC,
15 janvier 1975.

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cette inclusion, défendue par le Conseil constitutionnel ­lui-même18, réside dans


l’équivalence des sources constitutionnelles et conventionnelles et dans le fait
que, très régulièrement, le contrôle de constitutionnalité de loi s’apparente, en
substance, à un contrôle de conventionnalité19. En tout état de cause, le fait
de réserver aux plus hautes juridictions la possibilité d’adresser une demande
d’avis à la Cour européenne des droits de l’homme aura pour conséquence
mécanique d’asseoir l’autorité de ces juridictions, au travers du nouveau rôle
central qui leur est donné. Elles deviendront en effet une véritable courroie de
transmission entre la Cour européenne des droits de l’homme et les juridictions
ordinaires. Simultanément, c’est l’autorité de la Cour européenne elle-même et
surtout de sa jurisprudence qui devrait être renforcée par une visibilité accrue
et un effet plus immédiat de ses décisions. Certes, les avis rendus seront sim-
plement consultatifs20 mais, comme le souligne le juge Sicilianos, on préjuge
qu’« une juridiction nationale qui a décidé de recourir au nouveau mécanisme
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sera a priori disposée à suivre l’avis ainsi rendu »21. Par conséquent, une appli-
cation claire et diligente de l’avis rendu devrait logiquement entraîner les juri-
dictions du fond dans un cercle qui devrait devenir vertueux. L’avenir nous le
dira…
Par ailleurs, l’ordonnancement vertical du contrôle de conventionnalité
devrait certainement être favorisé par le positionnement nouveau de la Cour
européenne, qui s’apparente de plus en plus à un rôle de Cour constitution-
nelle. Le Protocole et la manière dont ­celui-ci organise la procédure de l’avis
consultatif favorisent très nettement ce trait. Aux termes de l’article 1er du Pro-
tocole, la Cour européenne ne se prononce que dans le cadre d’une affaire pen-
dante devant les juridictions nationales et sur des questions de principe, c’est-à-
dire sur des questions d’une importance significative et reconnues comme telles
par le comité de filtrage prévu au niveau de la Cour européenne. La procédure
mise en place est ainsi très proche de celle qui existe dans le cadre du contrôle
de constitutionnalité par voie d’exception, tel qu’il est pratiqué dans la majo-
rité des États membres du Conseil de l’Europe. Certes, son caractère stricte-
ment consultatif s’en démarque mais, sur les autres points, les similitudes sont
nombreuses. Par ailleurs, le fait que la Cour européenne ne se prononce qu’en

18
Voy. le communiqué du Conseil constitutionnel publié sur son site internet le 20 décembre
2017.
19
Selon la théorie de l’équivalence ou du miroitement des sources. Sur ce thème, voy. notam-
ment P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité : une question d’ac-
tualité », Rev. fr. dr. adm., 2008, p. 890 ; S. Platon, La coexistence des droits fondamentaux consti-
tutionnels et européens dans l’ordre juridique français, L.G.D.J., Paris, 2018, 719 p.
20
Art. 5 du Protocole no 16.
21
L.‑A. Sicilianos, op. cit., p. 26.

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droit et sur « une question de principe relative à l’interprétation ou à l’appli-


cation des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles »22 et
en formation solennelle, renforce indéniablement ce rôle d’interprète ultime
de ces droits. Ce faisant et ainsi qu’a pu le souligner Frédéric Sudre, « l’avis
consultatif aura une importance comparable à celle des arrêts de principe de la
Cour. Quoique non contraignant, il produira des effets juridiques indéniables,
bénéficiera de l’autorité interprétative déjà reconnue aux arrêts de la Cour et
aura vocation à produire des effets erga omnes, d’autant que la Cour pourra se
référer à ses propres avis dans les affaires contentieuses ultérieures »23.
Cette mise en cohérence verticale devrait se doubler, du point de vue du
droit interne, d’un mouvement comparable au plan horizontal.

2. L’ordonnancement horizontal
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En France, le contrôle de conventionnalité relève de la compétence des juri-
dictions ordinaires, administratives et judiciaires, et dépend donc, dualité juri-
dictionnelle oblige, de l’autorité du Conseil d’État et de la Cour de cassation.
À ce dualisme susceptible de générer des divergences quant à la forme et au
fond du contrôle de conventionnalité opéré par les cours suprêmes s’ajoute un
troisième acteur, le Conseil constitutionnel, qui vient inévitablement complexi-
fier le jeu. Comme il a déjà été souligné, ce dernier, s’il refuse toujours d’inté-
grer dans son bloc de référence les sources internationales et en particulier la
Convention européenne des droits de l’homme, n’en réalise pas moins, par le
truchement de l’équivalence des sources, un contrôle substantiel de conven-
tionnalité par le biais de son traditionnel contrôle de constitutionnalité, qui
a été considérablement dynamisé par l’introduction de la question prioritaire
de constitutionnalité. Par conséquent, le risque de divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation quant à l’interprétation et à l’application de la
Convention européenne des droits de l’homme se double d’un risque de tension
avec le Conseil constitutionnel, conflit pouvant d’ailleurs concerner l’un ou
l’autre des ordres de juridictions.
Ces hypothèses ne sont évidemment pas théoriques. Sur le fond, l’une des
dissensions les plus connues s’est produite sur le terrain des validations légis-
latives. Aux divergences d’interprétation entre le Conseil constitutionnel et

22
Art. 1er, § 1er, du Protocole no 16.
23
Fr. Sudre, « Ratification de la France et entrée en vigueur du Protocole no 16. Une embellie
pour la Convention EDH ? », J.C.P., éd. G., no 17, 2018, p. 803.

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la Cour européenne des droits de l’homme24 se sont en effet ajoutés d’autres


conflits, mais cette fois-ci au plan interne, entre le Conseil constitutionnel et
la Cour administrative d’appel de Paris25. Garde à vue26, application du prin-
cipe ne bis in idem27, législation anti-­terroriste28 sont autant d’exemples dans
lesquels contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité ne s’ac-
cordent pas pleinement, laissant ainsi la responsabilité de l’arbitrage, selon
le jeu contentieux, à l’un ou l’autre des juges impliqués29. Sur la nature du
contrôle opéré, qui peut d’ailleurs avoir des implications non négligeables sur
le fond, les positions ne sont pas non plus univoques. Depuis 2013, sous l’œil
parfois dubitatif de la doctrine30, la Cour de cassation a en effet opté pour
le contrôle de conventionnalité in concreto31, consistant à écarter une dispo-
sition législative pourtant a priori conforme à la Convention européenne des
droits de l’homme parce que son application précise au cas d’espèce portait une
atteinte excessive à ladite Convention. Si le Conseil d’État semblait avoir suivi
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cette même orientation dans son arrêt d’assemblée Gonzalez Gomez en 201632,
il a depuis nuancé ce positionnement33 qui est pourtant désormais directement

24
Cour eur. dr. h., arrêt Zielinski, Pradal, Gonzales e.a. c. France, 28 octobre 1999 ; arrêt Lecar-
pentier c. France, 14 février 2006.
25
Cour administrative d’appel de Paris, arrêt Fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la créa-
tion, 18 juin 2012.
26
Cass. (fr.), ass. plén., 15 avril 2011, no 10-17.049, qui vient partiellement contredire le Conseil
constitutionnel : Cons. const., décision no 2010-14/22 QPC, 30 juillet 2010.
27
Cons. const., décision no 2015-462 QPC, 18 mars 2015 et Cour eur. dr. h., arrêt Grande Stevens
e.a. c. Italie, 4 mars 2014. À ce propos, voy. Fr. Sudre, « Principe non bis in idem et Convention
EDH : la décision en trompe-l’œil du Conseil constitutionnel », J.C.P., éd. G., 2015, note no 368.
28
Pour une vue d’ensemble, voy. L. Milano, « La conventionnalité de la législation anti-­
terroriste française », R.D.L.F., 2017, chron. no 28.
29
Ce sont précisément ces types de situations que décrivait Denys de Béchillon il y a quelques
années déjà (D. De Béchillon, « Cinq cours suprêmes ? Apologie (mesurée) du désordre »,
Pouvoirs, 2011/2, no 137, pp. 33‑45).
30
L’introduction de ce contrôle dans la jurisprudence de la Cour de cassation et l’idée de sa
systématisation au travers de la réforme entreprise au sein de la Haute juridiction ont en effet
entraîné de très vifs débats dans la doctrine privatiste française. À titre d’exemples, voy. Ph. Jestaz,
J.‑P. Marguénaud et Chr. Jamin, « Révolution tranquille à la Cour de cassation », Dall., 2014,
p. 2061 ; Ph. Malaurie, « Pour : la Cour de cassation, son élégance, sa clarté, sa sobriété. Contre :
le judge made law à la manière européenne », J.C.P., éd. G., 2016, p. 318 ; A. Bénabant, « Un culte
de la proportionnalité… un brin disproportionné ? », Dall., 2016, p. 137.
31
Cass. (fr.), 4 décembre 2013, no 12-26.066.
32
C.E. (fr.), ass., arrêt no 396848, Gonzalez Gomez, 31 mai 2016, Recueil, p. 208.
33
C.E. (fr.), arrêt no 396571, Molénat, 28 décembre 2017. Sur cet arrêt, voy. notamment,
X. Dupré de Boulois, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’État ? »,
R.D.L.F., 2018, chron. no 4.

anthemis
52 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

impliqué par la jurisprudence européenne elle-même34. Ce positionnement dif-


férencié pourrait également être source de solutions de fond antagonistes.
Partant, dans ce jeu à plusieurs bandes, qui rend très complexe la lecture que
peut faire le justiciable de la manière dont s’opère le contrôle de convention-
nalité en France, la ratification du Protocle no 16 et l’institutionnalisation d’un
dialogue immédiat et explicite entre la Cour européenne des droits de l’homme
et les plus hautes juridictions françaises, y compris le Conseil constitutionnel
dont les décisions s’imposent en vertu de l’article 62 de la Constitution fran-
çaise, peuvent apparaître comme un vecteur d’ordonnancement salutaire.
Selon ses rédacteurs, le Protocole no 16 devait également permettre au sys-
tème européen de protection des droits de l’homme de gagner en efficacité.
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B. Un gain d’efficacité

Ainsi qu’il a été déjà souligné, le Protocole no 16 est le résultat de la réflexion


menée depuis le début des années 2000 pour assurer le fonctionnement à long
terme de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce fonctionnement, très
largement mis à mal par le nombre exponentiel de requêtes déposées devant la
Cour, ne pourrait être assuré que si la Convention et plus précisément la juris-
prudence de la Cour étaient appliquées avec diligence en amont, dans le cadre
national. La volonté d’institutionnaliser le dialogue entre la Cour et les plus
hautes juridictions nationales procède de cette logique quasi mécanique. Ce
dialogue devrait en effet permettre une meilleure diffusion de la jurisprudence
de la Cour et, ce faisant, le nombre de recours individuels devrait décroître.
Le Protocole no 16 devait d’abord assurer une application plus complète de
la Convention et de la jurisprudence de la Cour. Le mécanisme institué repose
en effet sur la promotion du principe de subsidiarité au sein duquel le juge
national occupe un rôle de tout premier plan35. Ce rôle, qui est déjà implici-
tement le sien, se trouvera considérablement renforcé par la possibilité qui lui
sera donnée d’entrer officiellement dans le jeu et de saisir directement et selon
son bon vouloir la Cour européenne des droits de l’homme des difficultés d’in-
terprétation qui se posent à lui. Cette possibilité de demande d’avis a d’ailleurs
été pensée et organisée de manière à accentuer la responsabilisation du juge
national qui ne pourra soumettre à la Cour que des questions de principe et

34
Cour eur. dr. h., décision Charron et Merle-­Montet c. France, 16 janvier 2018.
35
Fr. Sudre, « La subsidiarité, ‘nouvelle frontière’ de la Cour européenne des droits de
l’homme. À propos des Protocoles 15 et 16 à la Convention », op. cit., p. 1912.

anthemis
Catherine Gauthier 53

qui devra précisément motiver ses demandes36. Cette démarche n’est pas neutre
et permet au juge national d’identifier précisément les difficultés de fond aux-
quelles il se heurte. De ce point de vue, la concision et la rigueur de la pre-
mière demande d’avis consultatif soumise à la Cour européenne des droits
de l’homme par la Cour de cassation française doivent être soulignées. Cet
ensemble de précautions qui entoure le mécanisme devrait assurer son bon
fonctionnement et permettre de gagner le pari qui avait été fait par ses concep-
teurs : faire en sorte qu’en dépit de leur caractère facultatif, les avis soient dotés
d’une autorité particulière v­ is-à-vis de l’ensemble des juridictions nationales.
Pour les plus hautes juridictions, gageons qu’elles respecteront un avis qu’elles
ont elles-mêmes sollicité, et que la crainte de nouvelles condamnations par
la Cour européenne remplisse son office. Pour les juridictions ordinaires, la
nature préventive du mécanisme instauré paraît essentiel. Faisant de la Cour
européenne des droits de l’homme un conseiller davantage qu’un censeur, elle
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permet de substituer une relation de collaboration à une relation trop souvent
marquée par la défiance. La sanction ne sera ainsi plus extérieure mais sera le
fait de l’intervention éclairée du juge national. Sa diffusion et son acceptabilité
devraient ainsi être plus grandes. L’ensemble de l’édifice repose enfin sur un
dernier pari : que les plus hautes juridictions nationales s’emparent effective-
ment du dispositif en respectant son économie générale et en assurant donc
une propagation optimale des solutions retenues par la Cour européenne des
droits de l’homme auprès des juridictions ordinaires. Dans le cadre hexagonal,
la réussite de ce pari supposera en outre un dialogue constant et fructueux
entre le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation. À cet
égard, espérons, comme Laurence Burgorgue-­Larsen, que « l’émulation juri-
dictionnelle franco-­française se mette au service de la garantie européenne »37.
Par ailleurs, en permettant une meilleure diffusion de la jurisprudence euro-
péenne, le Protocole no 16 devrait logiquement induire une baisse du nombre
de recours individuels devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette
espérance légitime s’appuie d’abord sur l’effet mécanique que devrait produire
l’avis consultatif émis par la Cour européenne des droits de l’homme. Si la
solution préconisée par cette dernière est suivie d’effets au plan national, les
recours individuels portant sur cette question de droit devraient logiquement
s’épuiser. La subsidiarité jouerait ainsi pleinement son rôle, le contentieux se
déplaçant du niveau européen vers le niveau national. Cette solution est d’au-
tant plus envisageable que les avis, bien que facultatifs, seront dotés d’une auto-
rité interprétative toute particulière dont la Cour se fera évidemment l’écho si

36
Art. 1er, § 3, du Protocole no 16.
37
L. Burgorgue-­Larsen, op. cit., p. 150.

anthemis
54 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

elle reçoit ultérieurement des requêtes portant sur la même question de droit.
En toute logique, et selon les termes mêmes du rapport explicatif du Protocole
no 16, « il est escompté que les éléments de la requête ayant trait aux questions
traitées dans l’avis consultatif soient déclarés irrecevables ou rayés du rôle »38.
Ce principe vaut en tout premier lieu pour l’espèce qui a précisément donné
lieu à la demande d’avis, mais également pour les affaires ultérieures. Quant
aux affaires pendantes devant la Cour européenne et qui portent sur la même
question de droit que celle qui a fait l’objet de l’avis consultatif, il y a fort à
parier que dans un souci légitime d’efficacité, leur examen sera suspendu. Sui-
vant ainsi la technique utilisée dans le cadre des arrêts pilotes, elles ne seront
traitées qu’une fois l’avis consultatif rendu et avec beaucoup plus de célérité
dans la mesure où elles seront très certainement considérées comme des affaires
répétitives.
Bien davantage que le Protocole no 15, le Protocole no 16 apparaît donc
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comme l’un des vecteurs essentiels de la réforme de la Cour européenne des
droits de l’homme et comme l’un des principaux instruments de son devenir. Si
les espoirs qui entourent cette procédure nouvellement entrée en vigueur sont
dès lors réels et fondés, ils n’en demeurent pas moins fragiles.

II. Les doutes

Les incertitudes qui entourent le fonctionnement à venir du Protocole no 16


sont nombreuses39. Elles sont peut-être aussi importantes que les espoirs portés
par cette nouvelle procédure. Elles vont jusqu’à faire douter de sa viabilité et,
surtout, de son efficacité à long terme et de son impact positif et déterminant
sur le système européen de protection des droits de l’homme. Ces incertitudes
sont d’abord liées aux ambiguïtés réelles que présente la procédure instituée.
Elles résident également dans sa portée, qui demeure, en dépit de son entrée en
vigueur, très aléatoire.

38
§ 26 du rapport explicatif au Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
39
Sur ces incertitudes, voy. notamment Fr. Krenc, « Quelques notes dubitatives sur le Proto-
cole no 16 à la Convention européenne des droits de l’homme. Pour un dépassement du ‘dialogue
des juges’ », in Annuaire international des droits de l’homme, vol. IX/2015-2016, spéc. pp. 416‑423 ;
J. Gerards, « Advisory opinions, Preliminary Rulings and the new Protocol No. 16 to the Euro-
pean Convention of Human Rights. A Comparative and Critical Apraisal », Maastricht Journal of
European and Comparative Law, 2014, p. 630.

anthemis
Catherine Gauthier 55

A. Les ambiguïtés du mécanisme institué

Si le mécanisme prévu par le Protocole no 16 a généralement été salué par


la doctrine, il n’en recèle pas moins certaines zones d’ombres susceptibles de
faire obstacle à sa mise en œuvre optimale. Ces ambiguïtés résident à la fois
dans ce que prévoit le texte du Protocole no 16, mais également dans ce qu’il
tait. Dans l’ensemble, ces imprécisions sont néanmoins volontaires. Elles sont
là pour laisser une marge de manœuvre réelle aux États parties et pour faire en
sorte qu’ils s’approprient efficacement la procédure. Ce pari de la promotion
de la subsidiarité lors de la conférence de Brighton était assumé ; il est cepen-
dant risqué.

1. Les imprécisions
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La concision du Protocole no 16 est remarquable. Mais cette qualité a évi-
demment ses revers. Certains articles demeurent vagues, et même si ce vague a
été voulu, il n’en demeure pas moins problématique à certains égards.
Première illustration de ce mouvement, la question du choix et donc de la
définition des « hautes juridictions » autorisées à poser l’avis. Rappelons que
l’article 10 du Protocole renvoie à la compétence des États pour les désigner.
Cette latitude laissée aux États au nom de leur liberté de choix a pu paraître
risquée, mais la faculté de choix des États a été néanmoins encadrée puisqu’ils
sont tenus, d’après l’article 1er, de ne désigner que « les plus hautes juridic-
tions ». Le risque de désignation pléthorique est donc réduit et dans le même
temps, le texte pare à l’oubli de juridictions d’importance non immédiatement
identifiables. En France, et comme il a déjà été souligné, l’inclusion du Conseil
constitutionnel a pu susciter certaines interrogations. Institution non quali-
fiée de juridiction en droit français et n’effectuant pas de contrôle de conven-
tionnalité, les doutes quant à la pertinence de ce choix semblaient légitimes.
Cependant, force est de constater qu’il a été généralement salué par la doctrine.
Frédéric Sudre a ainsi souligné que « cette procédure permettra au Conseil,
sans avoir à pratiquer un contrôle de la ‘conventionnalité de la loi’, d’assumer
en toute clarté la nécessité d’une interprétation éclairée des normes constitu-
tionnelles, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme, dans un souci de conciliation avec les exigences européennes »40.
Cette lecture optimiste ne doit cependant pas cacher les doutes qui entourent

40
Fr. Sudre, « Ratification de la France et entrée en vigueur du Protocole no 16. Une embellie
pour la Convention EDH ? », op. cit., p. 803.

anthemis
56 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

cette inclusion. Champ d’application de la question de conventionnalité41, arti-


culation avec la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité42,
moyens matériels disponibles pour assumer correctement cette nouvelle tâche,
sont autant d’interrogations qui demeurent et qui ne trouveront de réponses
que progressivement, si le Conseil constitutionnel se saisit effectivement du
nouveau rôle qui lui a été assigné. Reste que cette inclusion du Conseil consti-
tutionnel répond au choix qui a été fait par la majorité des États qui ont ratifié
le Protocole43 et qu’elle s’inscrit donc dans le modèle généralement retenu qui
consiste à avoir désigné à la fois les juridictions constitutionnelles et les juri-
dictions suprêmes. La seule exception notable est celle de la Roumanie qui a
décidé, quelque peu étonnamment, d’inclure également les quinze cours d’ap-
pel44. Cette option correspond cependant à la volonté du Protocole de « tenir
compte des particularités des systèmes judiciaires nationaux » et de permettre
de désigner des juridictions « qui, bien qu’étant inférieures à la Cour constitu-
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tionnelle ou suprême, sont néanmoins d’une importance particulière car elles
sont les plus hautes juridictions pour une certaine catégorie d’affaires »45. C’est
bien ce dernier choix que semble avoir privilégié le gouvernement roumain46.
L’identification de la « question de principe » sur laquelle doit porter la
demande d’avis consultatif constitue le deuxième exemple du flou qui entoure
parfois le Protocole no 16. Mais ce manque de précision ne doit cependant pas
être surévalué. La formule choisie est d’abord connue par la Cour car, comme
le précise le rapport explicatif relatif au Protocole no 16, elle est la même que
celle utilisée dans le cadre de la procédure de renvoi prévue à l’article 43, § 2,
de la Convention47. À ce titre, elle est donc régulièrement utilisée et interprétée
par la Cour qui ne se retrouvera pas en terre inconnue sur ce terrain. Elle per-
met ensuite à la Cour de déterminer relativement librement ce qu’elle entend

41
Selon l’avis général développé par la doctrine, la procédure ne vaudra probablement que
dans le cadre du contrôle a posteriori exercé par le Conseil constitutionnel : fonction de juge élec-
toral ou question prioritaire de constitutionnalité.
42
Th. Larrouturou, « Le Protocole no 16 à la CEDH, nouveau terrain de rencontre des
contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité », Rev. dr. publ., 2018, p. 475 ; Fr. Sudre,
« De QPC en Qpc… ou le Conseil constitutionnel juge de la Convention EDH », op. cit., p. 1799.
43
Les déclarations des États ayant ratifié le Protocole qui indiquent les hautes juridictions
qu’ils ont désignées, figurent sur le site internet du Conseil de l’Europe, sous l’onglet « Bureau des
traités ».
44
Notons que la Roumanie n’a pas encore ratifié le Protocole. Elle a cependant d’ores et déjà
déposé une déclaration de désignation des juridictions impliquées dans la procédure.
45
Voy. § 8 du rapport explicatif du Protocole no 16.
46
À cet égard, précisons que l’article 10 du Protocole prévoit que l’État peut modifier à tout
moment sa déclaration en respectant le parallélisme des formes.
47
Voy. § 9 du rapport explicatif du Protocole no 16.

anthemis
Catherine Gauthier 57

considérer comme des questions de principe. Cette latitude, si elle peut être à
double tranchant, est salutaire car la Cour demeure tout de même maîtresse de
la nouvelle procédure instaurée. Par ailleurs, le canevas dans lequel est enser-
rée la formulation de la demande d’avis et qui prévoit que soient formulées
« les questions pertinentes relatives à la Convention, en particulier les droits
et libertés en jeu »48, incite à la réflexion, en amont, sur ce qui peut être défini
comme une question de principe. Au sein du premier avis sollicité, la Cour de
cassation française s’est ainsi appliquée à démontrer l’intérêt de la question
posée au regard de la Convention et de son interprétation49. Et il y a fort à
parier que la conventionnalité du refus des autorités françaises de transcrire
sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à
l’issue d’une gestation pour autrui à l’égard de la mère d’intention sera considé-
rée comme une question de principe. Elle pose en effet des questions sensibles
et actuelles quant à l’interprétation de l’article 8 de la Convention européenne
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des droits de l’homme, à l’étendue de ce qui doit être considéré comme l’intérêt
supérieur de l’enfant, et vient surtout après une jurisprudence remarquée en
la matière puisque la Cour avait condamné dans un premier temps le refus
de transcription sur les registres d’état civil français du lien à l’égard du père
biologique50. Tous ces enjeux sont très précisément explicités dans la demande
d’avis de la Cour de cassation51.
Dans le prolongement se pose, enfin, la question des conditions dans les-
quelles s’organisera le filtrage des questions reçues. L’article 2, § 1, du Proto-
cole précise en effet que les demandes seront d’abord examinées et filtrées par
un collège de cinq juges, sur le modèle de ce qui existe au contentieux pour

48
Voy. art. 1er, § 3, du Protocole no 16 et art. 92, § 2.1, du Règlement intérieur de la Cour.
49
Sur le modèle de ce qui est pratiqué pour les questions préjudicielles dans le cadre du droit de
l’Union européenne, la demande d’avis de la Cour de cassation commence par exposer la problé-
matique juridique, notamment au regard du droit national, et termine par des questions précises
qui sont ici au nombre de deux : « 1°). En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte
de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui en ce qu’il désigne
comme étant sa ‘mère légale’ la ‘mère d’intention’, alors que la transcription de l’acte a été admise
en tant qu’il désigne le ‘père d’intention’, père biologique de l’enfant, un État-­partie excède-t-il la
marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ? À cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que
l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la ‘mère d’intention’ ?
2°). Dans l’hypothèse d’une réponse positive à l’une des deux questions précédentes, la possibilité
pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un
mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8
de la Convention ? » (Cass. (fr), ass. plén., 5 octobre 2018, no 10-19.053)
50
Cour eur. dr. h., arrêt Labassee c. France, 26 juin 2014 ; arrêt Menesson c. France, 26 juin
2014.
51
Cass. (fr.), ass. plén., 5 octobre 2018, no 10-19.053, § 7.

anthemis
58 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

les procédures de renvoi devant la Grande Chambre. Le collège aura donc un


rôle central car il déterminera les contours de ce qui sera considéré comme une
question de principe. Par ailleurs, et contrairement à ce qui existe pour la pro-
cédure de renvoi, « tout refus du collège d’accepter la demande est motivée ». Si
cette mesure ne peut être que saluée, et elle mériterait d’ailleurs d’être intégrée
à la procédure de renvoi52, sa portée réelle n’en est pas moins incertaine. Quel
sera le degré de précision de la motivation du refus de transmettre ? Quelle
autorité interprétative revêtira-t-il ? Ne constituera-t-il pas une contrainte par-
ticulière sur la Cour et sur la marge de manœuvre dont elle dispose ? Pourquoi
ne pourrait-il pas faire l’objet d’une contestation ? Les interrogations autour
de cette innovation du Protocole no 16 sont réelles. Il serait regrettable que
l’introduction de ce dispositif, qui ne peut être que saluée, ne vienne gripper
le dialogue escompté en déclenchant des passes d’armes entre les juridictions
nationales et le collège de filtrage.
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2. Les silences

Le flou du Protocole no 16 est parfois accentué par ses silences. Sur certains
points, le texte est en effet laconique. C’est le cas sur des aspects procéduraux
précis, mais également et plus logiquement sur les modalités de mise en œuvre
du dispositif par les États parties.
L’importance du collège de filtrage dans la procédure instituée a été souli-
gnée et pourtant, peu d’éléments apparaissent quant à sa composition, ni dans
le protocole ­lui-même, ni dans le rapport explicatif53. Cette absence de préci-
sion a néanmoins été utilement comblée par la réforme du règlement intérieur
de la Cour opérée le 19 septembre 2016. Le nouvel article 93 de Règlement
intérieur précise ainsi que parmi les cinq juges composant le collège figurent le
président de la Cour ainsi que deux présidents de section désignés par rotation.
Cette précision est d’importance. Elle signifie que les plus hautes personnalités
de la Cour, celles qui occupent un ordre de préséance dans son organisation
contentieuse, seront présentes. Elles devraient donc assurer la cohérence des
décisions prises par le collège avec la jurisprudence de la Cour.

52
Le refus de renvoi dans la procédure de renvoi a parfois été très difficilement accepté et
problématique sur le fond. Pour un exemple marquant, voy. N. Hervieu, « Expulsion de terro-
ristes : clap de fin sur la scène européenne pour l’affaire Abu Qatada ? (CEDH, 4e sect., Othman
(Abu Qatada) c. Royaume-Uni) », Actualité – Droits et libertés, 9 mai 2012.
53
Il est seulement précisé à l’article 2, § 3, que « le collège et la Grande Chambre […]
comprennent de plein droit le juge élu au titre de la Haute Partie contractante dont relève la juri-
diction qui a procédé à la demande ».

anthemis
Catherine Gauthier 59

Rien n’est précisé non plus sur le délai de traitement de l’avis consultatif et
pourtant, comme il intervient dans le cadre d’un litige pendant devant les juri-
dictions nationales, cette précision aurait été nécessaire. Certes, il est suggéré
dans le rapport explicatif que devrait être accordée une « priorité haute » à ce
type de procédure, mais aucune précision supplémentaire n’est donnée. Dans le
contexte actuel d’engorgement de la Cour européenne des droits de l’homme, il
aurait été bienvenu, afin de sécuriser la procédure tant v­ is-à-vis des justiciables
que des juridictions elles-mêmes, de donner des garanties tangibles quant au
délai d’action de la Cour. Ces précautions sont d’autant plus nécessaires que la
procédure initiale, comme c’est le cas dans le cadre de la question prioritaire de
constitutionnalité en France, est elle-même enserrée dans des délais précis54. À
cet égard, les propositions de Thibaut Larrouturou visant à organiser la possi-
bilité pour le Conseil constitutionnel de surseoir à statuer, qui serait également
valable dans le cadre de la question préjudicielle devant la Cour de justice de
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l’Union européenne, paraissent tout à fait intéressantes55. Cela permettrait en
effet d’articuler les procédures et de faire en sorte que le Conseil constitution-
nel respecte les délais qui s’imposent à lui, même en cas de saisine de la Cour
européenne des droits de l’homme.
Le Protocole no 16 est enfin silencieux, assez logiquement cette fois-ci, sur
les modalités de mise en œuvre de la procédure par les juridictions nationales.
Ainsi, dans le silence du texte, ­celles-ci useront discrétionnairement de la
faculté qu’elles détiennent désormais de saisir ou non la Cour européenne des
droits de l’homme. De même, les implications techniques de l’introduction de
la procédure seront réglées par les autorités nationales. En France, certaines
questions se posent d’ores et déjà. Celle de l’articulation entre question priori-
taire de constitutionnalité et « question principale de conventionnalité », pour
reprendre la formule utilisée par Frédéric Sudre56, a déjà mobilisé la doctrine57.
Sur le champ de compétence du Conseil constitutionnel et ainsi qu’il a déjà été
souligné, seul le contrôle qu’il exerce a posteriori devrait être concerné. L’ar-

54
Aux termes de l’article 23-10 de la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative
à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de
trois mois à compter de sa saisine.
55
Th. Larrouturou, « Le Protocole no 16 à la CEDH, nouveau terrain de rencontre des
contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité », op. cit., p. 480.
56
Fr. Sudre, « De QPC en Qpc… ou le Conseil constitutionnel juge de la Convention EDH »,
op. cit., p. 1799.
57
Pour l’essentiel, voy. Th. Larrouturou, « Le Protocole no 16 à la CEDH, nouveau terrain
de rencontre des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité », op. cit. ; Fr. Sudre, « De
QPC en Qpc… ou le Conseil constitutionnel juge de la Convention EDH », op. cit. ; D. Szymczak,
« QPC et exception d’inconventionnalité : ‘regard sélectif’ sous l’angle de la CEDH », in B. Bonnet
(dir.), Traité des rapports entre ordres juridiques, L.G.D.J., Paris, 2016, pp. 983 et s.

anthemis
60 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

ticle 2, § 2, du Protocole no 16, précisant très clairement que « la juridiction qui


procède à la demande ne peut solliciter un avis consultatif que dans le cadre
d’une affaire pendante devant elle », exclut en effet les demandes exercées sur
la base du contrôle abstrait qu’exerce le Conseil constitutionnel avant l’entrée
en vigueur de la loi et donc en dehors de tout litige concret. Sur l’articulation
proprement dite, et lorsque coïncide devant le juge ordinaire un moyen d’in-
conventionnalité et d’inconstitutionnalité, la question qui se posera à lui sera
celle de la priorité de l’une ou l’autre des procédures, et donc de l’exclusion de
l’activation simultanée des deux : question prioritaire de constitutionnalité ou
question de conventionnalité. De toute évidence, la première devrait être prio-
ritaire58, à charge pour le Conseil constitutionnel, si les conditions sont réunies,
de saisir à son tour la Cour européenne des droits de l’homme. Mais s’il ne le
faisait pas, alors le juge ordinaire pourrait activer la demande d’avis consul-
tatif. Enfin, et ainsi qu’a pu le relever Thibaut Larrouturou, la capacité des
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juridictions suprêmes françaises à saisir la Cour européenne d’une demande
d’avis alors qu’elles ont été elles-mêmes saisies pour avis, « sur une question de
droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux
litiges »59, interroge60. La Cour européenne des droits de l’homme considére-
ra-t-elle que ces demandes correspondent à des « affaires pendantes » au sens de
l’article 1er, § 2, du Protocole no 16 ? Encore une illustration des interrogations,
nombreuses, qui ne manqueront pas de se poser à l’avenir… Elles se poseront
d’autant plus que la portée du Protocole no 16 est encore très largement incer-
taine.

B. La portée incertaine du Protocole no 16

Comme il a déjà été souligné, les incertitudes suscitées par le Protocole no 16


sont nombreuses. Celles qui entouraient son hypothétique entrée en vigueur
sont certes désormais levées, mais d’autres subsistent inexorablement. D’un
point de vue immédiat, elles concernent le justiciable ­lui-même mais, ­au-delà,
elles portent plus généralement sur le système européen de protection des droits
de l’homme et son devenir.

58
Contrairement à ce qui a été jugé à propos de la question préjudicielle dans le cadre du droit
de l’Union, ce qui souligne d’ailleurs la nature très différente des deux mécanismes. Voy. C.J.U.E.,
arrêt Melki et Abdeli, 22 juin 2010, aff. jtes no C-188/10 et no C-189/10.
59
Art. L.113-1 du Code de justice administrative et art. L.441-1 du Code de l’organisation
judiciaire.
60
Th. Larrouturou, « Protocole no 16 à la Convention européenne des droits de l’homme et
demande d’avis aux cours suprêmes : saisine sur avis ne vaut ? », Dall., 2018, p. 1502.

anthemis
Catherine Gauthier 61

1. Les effets sur le justiciable

Les possibles effets de l’entrée en vigueur du Protocole no 16 sur la situa-


tion du justiciable européen interrogent. Il en est d’abord ainsi s’agissant du
délai de jugement. La demande d’avis intervenant dans le cadre d’une affaire
pendante devant les juridictions nationales, et ne pouvant être le fait que des
plus hautes juridictions, le temps judiciaire de la procédure initiale sera néces-
sairement long. Il faudra y ajouter le temps de la procédure européenne et à
cet égard, rien n’est précisé dans les textes. L’affaire sera traitée en priorité
par la Cour européenne des droits de l’homme mais pour l’heure, ce temps de
traitement n’est absolument pas appréciable. Il y a là un risque évident d’al-
longement du délai de jugement pour le justiciable et de ce point de vue, le
délai de réaction de la Cour pour rendre son premier avis est actuellement
scruté avec attention par les observateurs. Le Protocole no 16 questionne en
outre le devenir du recours individuel devant la Cour européenne des droits de
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l’homme. Certes, en théorie, le justiciable mis en échec devant les juridictions
internes après avis de la Cour de Strasbourg pourra toujours activer devant
elle un recours individuel. Mais en pratique et comme il a déjà été souligné, il y
a fort à parier que sa demande sera jugée irrecevable sur la base, précisément,
de l’avis rendu précédemment. Le Protocole no 16 favorise très largement la
subsidiarité et le rôle premier des juridictions nationales dans l’exercice et la
maîtrise du contrôle de conventionnalité, au détriment, peut-être, du droit de
recours individuel devant la Cour européenne. En France, ce constat est d’au-
tant plus intéressant que l’entrée en vigueur du Protocole no 16 intervient à un
moment d’intenses débats sur la consécration du contrôle de proportionnalité
par les juridictions internes61, débats auxquels la Cour européenne des droits
de l’homme a participé par le truchement d’une décision rendue en janvier der-
nier et qui a été remarquée à juste titre par la doctrine62. Dans cette affaire,
qui concernait l’accès d’un couple homosexuel aux techniques d’assistance

61
Voy. note 30. Se reporter également aux articles suivants : M. Guyomard, « Contrôle in
concreto : beaucoup de bruit pour rien de nouveau », in Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre,
Les droits de l’homme à la croisée des chemins, LexisNexis, Paris, 2018, p. 323 ; H. Fulchiron,
« Vers un rééquilibrage des pouvoirs en matière de protection nationale et européenne des droits et
libertés fondamentaux ? Libres propos sur le rôle du juge judiciaire en tant qu’acteur du principe
de subsidiarité », in Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre, Les droits de l’homme à la croisée des
chemins, op. cit., p. 243 ; H. Fulchiron, « Cadrer le contrôle de proportionnalité : des règles hors
contrôle ? », Dall., 2018, p. 467.
62
Cour eur. dr. h., Charron et Merle-­Montet c. France, préc., obs. J.‑P. Marguénaud, « Le
refus de la procréation médicalement assistée à un couple d’homosexuelles mariées ou la subsidia-
rité otage de la proportionnalité », Rev. trim. dr. civ., 2018, p. 349 ; H. Fulchiron, « Le contrôle de
proportionnalité au service du principe de subsidiarité », Dall., 2018, p. 649.

anthemis
62 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

médicale à la procréation, la Cour européenne a estimé que le recours était


irrecevable pour non-­épuisement des voies de recours internes. Suivant une
jurisprudence bien établie au plan interne, les requérantes avaient en effet jugé
inutile de saisir les juridictions administratives françaises, la loi n’autorisant
pas le recours des couples homosexuels aux techniques d’assistance médicale
à la procréation ayant été précédemment jugée conforme à la Constitution.
Ce choix n’a cependant pas été avalisé par la Cour qui a estimé que les voies
de recours internes n’avaient pas été épuisées par les requérantes. Mettant en
avant le contrôle de proportionnalité in concreto utilisé par le Conseil d’État
dans l’arrêt Gonzalez Gomez63 et intervenant par là même dans un débat natio-
nal houleux sur les conditions d’exercice de ce contrôle, la Cour a ainsi très
clairement favorisé la subsidiarité et le rôle premier des juridictions nationales
dans l’exercice du contrôle de conventionnalité. Simultanément, elle a refusé
aux requérantes l’accès à son prétoire… L’entrée en vigueur du Protocole no 16
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ne peut que favoriser ce type d’hypothèses. Ce faisant, c’est évidemment la
situation du justiciable qui est en jeu mais a­ u-delà, c’est également l’ensemble
du système qui semble potentiellement déséquilibré.

2. L’impact sur le système européen de protection des droits de l’homme

L’impact du Protocole no 16 sur le système européen de protection des droits


de l’homme et sur sa permanence pose de nombreuses questions. Si le main-
tien du droit de recours individuel en constitue l’une des principales, elle n’est
pas la seule, loin de là. Il est possible de s’interroger d’abord sur la teneur du
dialogue des juges mis en œuvre grâce au Protocole. À cet égard, force est de
constater que l’on fait un saut dans l’inconnu. La première incertitude porte
sur la fréquence du dialogue. Les commentateurs pronostiquent une quantité
mesurée d’avis64. Mais qu’en sera-t-il ? La rapidité avec laquelle la Cour de cas-
sation française s’est saisie de la procédure pourrait amener à penser l’inverse.
Dans une telle hypothèse, la mission de la Cour européenne se verrait forte-
ment alourdie dans un contexte où les doutes sont grands sur sa capacité réelle
de réaction. A-t-elle véritablement les moyens de traiter un nombre conséquent
d’avis dans un délai acceptable ? Rien n’est moins sûr. A contrario, une saisine
rarissime, qui est tout à fait envisageable compte tenu du caractère facultatif
de la procédure, pourrait amenuiser considérablement les effets escomptés du
mécanisme. La deuxième incertitude concerne la teneur du dialogue instauré.

63
C.E. (fr.), Gonzalez Gomez, préc.
64
Sénat, rapport no 358, 14 mars 2018, p. 8 ; Th. Larrouturou, « Le Protocole no 16 à la
CEDH, nouveau terrain de rencontre des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité »,
op. cit., p. 483.

anthemis
Catherine Gauthier 63

À trop vouloir assurer la promotion de la subsidiarité, ne fait-on pas la part


belle au juge national et à la contingence éventuelle de ses interprétations,
au détriment peut-être de la protection des droits individuels tels qu’ils sont
consacrés par la Cour européenne des droits de l’homme ? De ce point de vue,
il est intéressant de souligner que dans la motivation de leur demande d’avis,
les juridictions nationales sont autorisées, voire même invitées, à fournir leurs
propres analyses quant à la conventionnalité de la question posée65. N’est-ce
pas là une manière d’orienter la future analyse de la Cour, de cadenasser son
audace pour éviter d’éventuels conflits ?
Ce qui nous amène à la troisième incertitude, peut-être plus redoutable
encore, celle de l’autorité des avis rendus par la Cour. Ils ne sont pas contrai-
gnants, conformément à l’article 5 du Protocole qui est très clair. Néanmoins,
l’ensemble du dispositif est précisément conçu pour que l’avis soit effectivement
suivi par les juridictions nationales. La possibilité d’intégrer les tierces inter-
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ventions d’autorités de premier rang66, la composition du collège de filtrage ou
encore la procédure devant la Grande Chambre, tout est réuni pour donner
une autorité affirmée aux avis et pour faire en sorte qu’ils soient respectés,
non seulement par les États qui les ont sollicités, mais également par les autres
États parties, y compris ceux qui n’ont pas ratifié le Protocole no 16. Cet écha-
faudage parfait pourrait cependant s’effondrer si les États usaient précisément
de ce nouveau moyen pour déstabiliser à long terme le système européen de
protection des droits de l’homme. Dans le contexte actuel de défiance v­ is-à-vis
de la Cour européenne des droits de l’homme, un tel scénario n’est pas impos-
sible. Le dialogue pourrait en effet se gripper durablement si des juridictions
suprêmes refusaient de respecter un avis de la Cour. À cet égard, on peut légiti-
mement se demander s’il n’aurait pas mieux valu un « dialogue sans paroles »67
plutôt que le risque d’un échange direct qui pourrait mener à une défiance
explicite qui pourrait être d’autant plus nourrie que les juridictions nationales
sont invitées à formuler leur propre analyse dans les demandes d’avis. L’atti-

65
L’article 92, § 2.1, e), du Règlement de la Cour précise en effet : « La demande doit être
motivée et exposer : […] si cela est possible et opportun, un exposé par la juridiction dont émane
la demande d’avis consultatif de son propre avis sur la question, y compris toute analyse qu’elle a
pu faire de la question. »
66
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Haute partie contrac-
tante dont relève la juridiction qui a sollicité l’avis peuvent présenter des observations écrites et
participer aux audiences (art. 3 du Protocole no 16).
67
O. Dutheillet de Lamothe, « Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de
l’homme : un dialogue sans paroles », in Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du président
Bruno Genevois, Dalloz, Paris, 2008, p. 403. Sur les vertus de ce dialogue implicite, notamment en
matière contentieuse, voy. Fr. Krenc, « ‘Dire le droit’, ‘rendre la justice’. Quelle Cour européenne
des droits de l’homme ? », cette Revue, 2018, pp. 334‑335.

anthemis
64 Rev. trim. dr. h. (117/2019)

tude réservée, voire hostile manifestée ces dernières années par certaines hautes
juridictions européennes face à l’autorité des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme68 amène à penser qu’une telle situation de défiance pourrait
très bien se produire.
À ces questions sur le dialogue des juges s’ajoutent d’autres inconnues qui
font également douter de l’impact futur du Protocole no 16. L’une d’entre elles
est celle de la portée de cette nouvelle procédure qui ne concerne pour l’heure
que dix États sur les quarante-sept États parties à la Convention. Outre qu’il
s’agit là de la « réintroduction – temporaire ? – d’une mesure de compétence
facultative qui vient briser l’unité du système judiciaire européen »69, cette
entrée en vigueur tardive, cinq années après son adoption, et minimale du Pro-
tocole inquiète. Elle est assez inattendue, tant les précautions avaient été prises
pour rassurer les États quant à la souplesse du mécanisme instauré, et révèle
que l’acceptation du mécanisme est perçue comme lourde de conséquences.
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Avec ce Protocole, un lien formel est établi entre les juridictions nationales
et la Cour européenne, ce qui renforce indubitablement l’autorité de la Cour
et de l’interprétation qu’elle donne des dispositions de la Convention. Non
contraignants en apparence, les avis auront une autorité réelle et c’est proba-
blement en raison de cette hiérarchie de fait entre la Cour européenne et les
juridictions nationales que les États tardent à accepter ce mécanisme70. Il doit
être en outre souligné que la France est pour l’heure le seul État membre histo-
rique du Conseil de l’Europe à avoir accepté le Protocole, les autres ayant tous
été admis au sein du Conseil de l’Europe après la chute du mur de Berlin. Elle
est également, avec l’Ukraine, le seul État de taille importante. Cette situation,
analysée selon Frédéric Sudre comme un « signe inquiétant de la désaffection
dont pâtit le système de la Convention »71 est effectivement préoccupante et fait
douter de la portée réelle du mécanisme institué. Le gain d’efficacité escompté
et la volonté très nette de réduire le nombre de requêtes devant la Cour euro-
péenne des droits de l’homme grâce au Protocole no 16 vise les pourvoyeurs les
plus importants de requêtes72. Or, à l’exception notable de l’Ukraine, les États

68
P.‑F. Laval, « Les limites constitutionnelles à l’exécution des arrêts de la Cour EDH à la
lumière de la jurisprudence nationale comparée », Rev. gén. dr. int. publ., 2017, p. 661.
69
Fr. Sudre, « Ratification de la France et entrée en vigueur du Protocole no 16. Une embellie
pour la Convention EDH ? », op. cit., p. 803.
70
C. Gauthier, S. Platon et D. Szymczak, Droit européen des droits de l’homme, Sirey, Paris,
2016, p. 368.
71
Fr. Sudre, « Ratification de la France et entrée en vigueur du Protocole no 16. Une embellie
pour la Convention EDH ? », op. cit., p. 802.
72
En 2017, il s’agissait de la Roumanie, de la Fédération de Russie, de la Turquie et de
l’Ukraine.

anthemis
Catherine Gauthier 65

qui ont ratifié le Protocole et qui sont engagés dans cette procédure sont loin
d’entrer dans cette catégorie. S’agissant de la France, elle fait désormais figure
de bonne élève. Les statistiques sont parlantes. Elle est de moins en moins
pourvoyeuse de requêtes et fait l’objet d’un nombre décroissant d’arrêts73. Les
facteurs explicatifs de cette situation sont évidemment multiples et complexes
à analyser. Il faut cependant relever que de nombreuses initiatives législatives
et jurisprudentielles ont été récemment menées afin d’améliorer l’exécution des
arrêts de la Cour74. Logiquement, elles viennent, par un effet mécanique ver-
tueux, tarir la source de nouvelles requêtes devant la juridiction européenne.
En définitive, pour que le Protocole no 16 atteigne ses objectifs, il faudrait qu’il
touche un nombre plus grand d’États. Espérons donc que la ratification de la
France ait un « effet d’entraînement »75 sur ses partenaires européens.
Au bilan, les questionnements posés par l’entrée en vigueur du Protocole
no 16 semblent aussi denses et nombreux que les attentes que ce texte a pu
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légitimement susciter. S’il a été conçu et peut être effectivement analysé comme
le principal instrument susceptible d’assurer l’avenir à long terme du système
de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme, il pourrait
également en être le fossoyeur…

73
Voy. Cour européenne des droits de l’homme, « Analyse statistique 2017 », janvier 2018,
p. 29, consultable à l’adresse www.echr.coe.int/Documents/Stats_analysis_2017_FRA.pdf.
74
La loi no 2016-1547 du 16 novembre 2016 a ainsi créé une Cour de réexamen compétente
pour réexaminer des décisions civiles définitives à la suite d’une condamnation de la Cour euro-
péenne des droits de l’homme et dans l’hypothèse où la satisfaction équitable allouée en applica-
tion de l’article 41 de la Convention ne permet pas de réparer les conséquences dommageables
pour la personne concernée. Cette Cour complète la procédure de réexamen existant en matière
pénale depuis la loi no 2000-516 adoptée le 15 juin 2000. Très récemment et dans le même sens,
il est à noter un arrêt du Conseil d’État par lequel le réexamen d’une demande d’asile à la suite
d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme a été admis (C.E. (fr.), arrêt
no 406222, 3 octobre 2018).
75
Fr. Sudre, « Ratification de la France et entrée en vigueur du Protocole no 16. Une embellie
pour la Convention EDH ? », op. cit., p. 802.

anthemis

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