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Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique et la

part maudite en Afrique Centrale


Basile Ndjio
Dans Revue du MAUSS 2018/2 (n° 52), pages 307 à 320
Éditions La Découverte
ISSN 1247-4819
ISBN 9782348040832
DOI 10.3917/rdm.052.0307
© La Découverte | Téléchargé le 24/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.72.168.83)

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D. Ambivalences du don

Mokoagne moni : l’argent du diable, le don


maléfique et la part maudite en Afrique Centrale1

Basile Ndjio

Dans cet article, nous nous proposons d’actualiser le débat


anthropologique sur l’imaginaire social du don en Afrique en
analysant la perception ambivalente par des populations d’Afrique
centrale de ce qui est donné ou reçu. Toutefois, au lieu de chercher,
comme Marcel Mauss, pourquoi le désir de rendre la chose reçue est
tellement fort au point qu’elle entraîne généralement un contre-don,
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il s’agit plutôt de se demander pourquoi, dans les sociétés d’Afrique
centrale, et notamment au Cameroun, certaines formes de don sont
à la fois considérées comme l’« argent de Dieu » et la « part du
diable ». En d’autres termes, il s’agit de comprendre pourquoi,
dans la société contemporaine camerounaise, la chose reçue est
alternativement valorisée et dévalorisée, appréciée et dépréciée,
sublimée et entourée de suspicion à tel point que le bénéficiaire est
parfois obligé de la refuser ou de la rejeter. Il s’agira de se demander
comment, au Cameroun, l’intérêt pour le don coexiste avec un
discours moralisateur qui le condamne. Pourquoi le don est-il à
la fois fêté, attendu et considéré comme une pratique vicieuse ?
À travers les expressions de « mokoagne moni » ou d’« argent
de mokoagne » qui sont assez usuelles dans le langage populaire
au Cameroun, nous expliquerons que le don permet d’humaniser
l’autre, mais qu’il est également le processus par lequel l’on

1. Ce travail a bénéficié du soutien financier de la fondation allemande Alexander


von Humboldt à qui j’adresse ici mes sincères remerciements.
308 Anthropologie(s) du don

déshumanise ou zombifie [Tonda, 2005] son prochain. Le concept


d’argent de mokoagne se distingue de la distribution appréciée par
les populations locales qui s’accordent avec les logiques ethniques
ou communautaires. En effet, certains types de distribution sont
considérés comme dangereux, voire maléfiques, parce que perçus
comme visant à s’emparer mystiquement de la force vitale du
malheureux bénéficiaire. Le mokoagne moni est fait de dons sans
limites qui traduisent une munificence outrancière. Il s’agit aussi
des formes de distribution qui sapent l’éthique locale du don et
transgressent les logiques familiales et ethniques de production et
de distribution des richesses.

Crise économique, manque d’argent et retour des spectres

La récession économique des années 2000 a créé ce que Mbembe


et Roitman ont nommé le « temps de la crise » et se caractérise
par le « manque d’argent » qui affecte les populations urbaines et
rurales. Vivre en Afrique, c’est apprendre à vivre tous les jours sans
argent, à s’en passer [Mbembe et Roitman, 1995].
Plusieurs de mes informateurs dans la ville de Douala interprètent
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ce manque d’argent en termes de « disparition d’argent », de « rareté
de l’argent » ou encore d’« argent que l’on ne voit plus ». Pour
eux, l’argent est un spectre invisible habitant un monde auquel les
pauvres n’ont que très peu accès. Comme me l’a confié un jeune
conducteur de moto-taxi de Douala, « être pauvre, c’est ne plus voir
l’argent avec ses yeux ; c’est ne plus savoir quelle est l’odeur ou la
couleur d’un billet de banque ». Même dans les lieux de distribution
par excellence que sont le Trésor public, les banques centrales
ou les institutions financières privées, la population parlait dans
les années 1990 de « caisses vides », de manque ou d’absence de
liquidités. L’époque de la croissance économique des années 1970
et du début des années 1980 était révolue, un fonctionnaire s’en
rappelle la qualifiant de moment où « même les aveugles voyaient
l’argent avec leurs yeux ».
L’argent a pris un caractère virtuel ou spectral qui ne doit rien à
la démonétarisation ou digitalisation comme l’ont suggéré les ana-
lyses de Bill Maurer à propos du monde occidental, mais plutôt à
son absence de la circulation, à sa rétention ou à sa confiscation par
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 309

les détenteurs des leviers de l’économie nationale et internationale


[Maurer, 2017]. Les propos tels que « l’argent qui aurait fui le pays »
ou « des grands types qui auraient caché tout l’argent du pays »
s’entendaient souvent auprès des Camerounais qui avaient idéalisé
le retour à la démocratie multipartiste du début des années 1990 et
l’avait associé au rapatriement de l’argent caché en Occident [Ndjio,
2008]. Pour eux, la démocratie signifiait la fin du « manque d’argent »
et le retour à la prospérité des décennies 1970 et 1980, elle signifiait le
retour à une circulation de l’argent jusque-là injustement bloquée par
une pratique pernicieuse de rétention [Takougang and Krieger, 1998].
La récession économique, qui a mis l’État postcolonial africain en
faillite, a souvent été analysée en termes économiques et financiers
[Roitman, 2003]. Cependant, la dette dont il est question dans cet
article ne renvoie pas seulement aux obligations de l’État, elle ne se
limite pas aux arriérés de salaires des nombreux agents publics. Par
dette, il faut également comprendre l’espoir inassouvi que les citoyens
avaient placé dans l’État pour l’amélioration de leurs conditions de
vie, ce que nous appellerons une « dette politique ». Elle se crée
lorsque l’État ne témoigne plus de sa prodigalité en redistribuant les
ressources publiques, en octroyant des bourses d’études, en recrutant
des jeunes diplômés, en rétribuant ses fonctionnaires par ce « don »
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permanent que constitue le salaire2. La rupture du lien entre l’État et
la société africaine a créé une dette sociale qui se concrétise par la
fragilisation des liens entre citoyens. La dette sociale naît de l’inca-
pacité des individus à assumer leurs différentes obligations comme
parents, tuteurs ou protecteurs de la famille et du clan.
La crise économique des années 1980 a « plongé une large partie
de la population dans un état d’anxiété et de perplexité » [Mbembe
et Roitman, 1995] qui a engendré un retour des spectres qui, depuis,
n’ont cessé de hanter les sociétés africaines postcoloniales. Le terme
« spectre » fait référence à tout ce qui rend l’existence précaire, fragile
et vulnérable. Les spectres zombifient les vivants en les rendant inca-
pables de toute action sociale, ils engendrent un climat d’insécurité
et de tension permanente banalisant l’usage de la violence.

2. Au Cameroun, au début des années 1990, la raréfaction de l’argent a transformé


les salaires en ce que les Camerounais appellent aujourd’hui avec dérision « Sida »,
à savoir un Salaire insuffisant et difficilement acquis.
310 Anthropologie(s) du don

La crise et la demande du don

Bon nombre d’habitants, incapables d’accéder par leurs propres


moyens aux ressources matérielles, se sont vus contraints d’assujettir
leur existence à l’espoir d’un don. Ce désir immodéré d’assistance a
créé une économie de la mendicité ; pour vivre il faut « mendigoter
sa pitance », les populations précarisées rivalisant d’adresse et
d’ingéniosité, les mendiants de rue n’en étant que la face visible.
Depuis le début des années 1990, un nouveau langage de la
charité s’est répandu dans les villes et les campagnes africaines ;
ce discours est aussi bien véhiculé par les responsables politiques
que par la population. Chacun détenant son propre vocabulaire
et code linguistique pour traduire cette nouvelle obsession de
l’assistanat et la dépendance. Le discours officiel utilise souvent
des termes édulcorés, tels « l’aide ou la coopération internationale »,
et le peuple ne se montre pas moins inventif dans les métaphores
économiques. L’usage des verbes tels que « donner », « laisser »
(remettre ou abandonner quelque chose à quelqu’un), « cadeauter »
(faire cadeau de quelque chose à quelqu’un), « dépanner » (distribuer
ou donner un peu d’argent à une personne qui est dans le besoin),
« faroter » (distribuer de manière extravagante et démesurée l’argent
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au public), « gérer » (prendre soin ou entretenir financièrement et
matériellement une personne) en témoigne. Les expressions telles
que « donne ma part » (exiger sa part d’argent ou de présent à
une personne qu’on a vu faire le « farotage »), « donner-donner »
(donner sans compter), « donner cadeau » (faire un don sans
attendre d’être remboursé en retour), « un geste pour les pauvres »
(mendier quelque chose ou demander de l’argent à une personne)
accompagnent généralement les demandes d’assistance.
Dans le quartier populaire de New Bell, la plainte est devenue
une habitude. L’essentiel des récriminations porte sur le refus
d’assistance mutuelle ou sur la rétention d’un bien qui aurait dû
être partagé par les membres d’une même famille. Le discours
populaire local a même inventé des expressions telles que : « être un
chichard ou un Grec », « être chiche comme un Bamiléké », « avoir
le frein en main », « être trop dur avec son argent », « être esclave
de l’argent », « avoir la colle en main », « ne jamais laisser tomber
son argent », « manger avec la cuillère ». Ces expressions décrivent
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 311

des formes d’avarice et d’égoïsme, et dénoncent le comportement


asocial qui se vit à l’intérieur d’un même groupe social.
Au début des années 2000, l’une des chansons les plus écoutées
avait pour titre « Témoignez-moi » (« aidez-moi », en français du
Cameroun) et avait été composée par un artiste local appelé Longué
Longué. Avec cette chanson, il se fait la voix des sans-voix et invite
les gens à aider leurs proches quand ils sont encore en vie. D’après
lui, on ne devrait pas seulement attendre le jour de leur mort pour
« acheter le cercueil » ou « offrir des costumes ». Dans le vidéoclip
qui accompagne la chanson, un jeune homme gangrené par la
misère et la maladie va voir son riche oncle dans l’espoir de se
faire offrir les médicaments dont il a besoin. En guise de réponse,
l’oncle brandit une liasse d’argent qu’il feint de tendre à son neveu.
Mais, au moment où le jeune homme espère recevoir les billets de
banque flambant neufs, il est surpris de voir son oncle replonger sa
main dans la poche de sa chemise pour n’en ressortir que quelques
pièces de monnaie qu’il lui tend de manière désinvolte, non sans lui
signifier qu’il n’y a pas d’argent. Incapable de se soigner, le jeune
homme meurt quelques jours plus tard et l’oncle n’hésitera pas à
dépenser de grosses sommes d’argent pour organiser les obsèques
de ce neveu qu’il traitait avec mépris de son vivant.
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Nkap nsi : l’argent de Dieu et le don salutaire

Contrairement à ce qu’affirme Mauss pour le monde océanien, la


réciprocité n’est pas le principe fondamental des échanges dans bon
nombre de sociétés africaines, qui pratiquent des formes d’échange
unidimensionnelles et sans réciprocité. Lors d’échanges égalitaires
entre personnes d’une même classe sociale, celui qui donne attend
un contre-don. Or, dans les relations de subordination, le riche donne
au pauvre mais il n’attend rien d’autre que de la reconnaissance
à son égard. Dans ce type d’échange, le contre-don est d’ailleurs
mal perçu car il est souvent interprété comme une volonté du
receveur de défier le donateur. En d’autres termes, dans les sociétés
africaines contemporaines, ce qui fonde les échanges inégaux,
c’est l’obligation du don sans obligation de retour. Pour maintenir
les relations de subordination, l’un doit toujours donner pour être
respecté par celui qui doit recevoir pour rester son obligé et justifier
312 Anthropologie(s) du don

ainsi son allégeance. Donner là où il faut recevoir et recevoir là où il


faut donner reviendrait plutôt à pervertir les principes des échanges
entre le possédant et le dépossédé, le bienfaiteur et le nécessiteux, le
patron et son dépendant. En bref, dans les principes du don tel que
pratiqué dans les sociétés contemporaines africaines, il y a rarement
de mouvements circulaires dans les pratiques de distribution.
Si donner revient à s’affirmer socialement comme étant
supérieur, le remboursement ou le contre-don devient une opération
par laquelle on essaie de subordonner ou de rééquilibrer les rapports
de forces. Ce rapport de forces, exacerbé par la crise économique,
met les pauvres dans l’obligation de susciter la générosité des
nantis, d’exprimer la demande d’une aide, de rappeler à ceux
qui possèdent que leur assistance est indispensable à leur survie.
L’individu qui ne sollicite pas un don ou ne manifeste aucune
envie de recevoir voudrait, par son attitude ou comportement,
signifier qu’il est autosuffisant. On pourrait de manière cynique
affirmer que, dans le contexte camerounais, marqué par une
forte croissance des inégalités sociales, le système appauvrit la
population dans le but de la contraindre à mendier et à favoriser
l’émergence ou l’enrichissement par des moyens illicites. Ce qui
est rarement souligné dans les études sur le don en Afrique, c’est
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que la demande est généralement à la base des échanges. Elle
est l’élément déclencheur de ce processus ; la demande incite ou
contraint à la générosité et le don vient mettre un terme à celle-ci.
Sans la demande de recevoir, il n’y a pas de volonté ou d’envie
de donner. L’on échange ou distribue parce que l’un a demandé
et que l’autre a accepté de donner, ce qui souligne l’antériorité de
la demande sur l’offre ou le don. Cette antériorité de la demande
constitue l’un des principes de ce qu’on pourrait appeler les « lois
du don au Cameroun », lesquelles sont à la base de la distinction
entre ce que le discours populaire local appelle l’« argent de dieu »,
d’une part, et l’« argent de mokoagne », d’autre part.
Dans la cosmologie des Bamiléké des hauts plateaux de la
région de l’Ouest-Cameroun, il existe des formes de don que
l’on peut considérer comme positives ou bienveillantes. Ce type
de don témoigne de l’altruisme du donateur et traduit son souci
permanent du bien-être de l’autre. C’est une forme de distribution
qui transforme la pratique du don en un art de redonner espoir à
celui qui est dans le besoin. Ce « bon don » est celui qui ne fait pas
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 313

l’objet de suspicion de la part de celui qui le reçoit et ne suscite


pas de rumeurs malveillantes sur son origine ou sur l’intention du
donateur. Ce premier principe, en quelque sorte, fait découler le
don d’une demande préalablement formulée. Elle se résume en
« recevez parce que vous avez demandé et donnez parce qu’on
vous a demandé ». Cependant, une disparité place généralement
la valeur du don en dessous de celle espérée ou sollicitée. Dans les
pratiques locales des échanges, l’on s’attend toujours à recevoir
moins que ce que l’on a demandé, ceci signifie qu’il ne faut jamais
donner au-delà de ce qui a été demandé. Le deuxième principe
préconise que le don doit être significatif, mais jamais suffisant
pour combler les attentes.
Le troisième est celui qui recommande la pondération dans
la pratique du don. Nous entendons par là le fait que, dans la
conception locale des échanges, on donne de manière parcimonieuse
et rarement de manière outrancière3. Un « vrai don » ne doit jamais
être surdonné (donner avec excès) car cela revient alors, souligne
un informateur, à du « gaspillage » ou à s’« amuser avec l’argent ».
Ces propos font écho à ce que Jean-Pierre Warnier [1993] identifie
chez les Bamiléké comme un « ethos de rétention », lequel, selon lui,
serait l’un de leurs traits caractéristiques, se manifestant notamment
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dans la pratique du don. Aussi, donner consiste-t-il à retenir une
part de ce qu’on aurait pu ou dû donner à l’autre tout en maintenant,
chez le demandeur du don, l’obligation de s’aider soi-même par le
biais de l’effort et du travail [ibid.].
Le quatrième principe est celui de la proximité et de la fami-
liarité. Il impose que des liens préexistent entre le donateur et le
bénéficiaire, que ces liens soient familiaux, ethniques, profession-
nels, corporatistes, sociaux, politiques, religieux, etc. Le don les
consacre alors dans l’acte d’échange et c’est la raison pour laquelle,
dans les traditions Bamiléké, il est strictement interdit de deman-
der de l’argent à des inconnus ou à des « étrangers » ; les mêmes
traditions proscrivent de donner ou d’accepter un don de la part
d’une personne que l’on ne connaît pas. En raison de la politique
d’autochtonie promue depuis le début des années 1990 par le gou-
vernement camerounais, la proximité ethnique est devenue l’une des

3. Sauf à de rares occasions, comme certaines funérailles où les plus riches


rivalisent entre eux dans l’économie du don.
314 Anthropologie(s) du don

attaches les plus valorisées par les Camerounais dans les pratiques
d’échange et de redistribution. Ce principe de proximité va de pair
avec un principe de sélection ou de discrimination ethnique dans
l’acte du don. Ceci signifie que, dans les pratiques locales d’échange
ou de redistribution, il faut privilégier les proches, les membres de
sa famille ou de sa communauté ethnique.
Les dons « ethniques » subliment les biens octroyés par un frère
ou une sœur du village ; ils sont loués comme étant le « nkap nsi »
ou « moni nkogni », que l’on peut traduire par « argent de Dieu »
ou « argent de la paix ». C’est l’argent que vous recevez parce que
vous l’avez préalablement sollicité et qui vous est donné parce
que Dieu aurait inspiré son donateur à être généreux à votre égard.
Un informateur, chef d’un quartier populaire de Douala, recourait
même à un langage religieux pour rendre compte de ce nkap nsi :
« Dieu envoie des gens bons et charitables pour venir en aide aux
pauvres : ce qu’ils vous donnent est plein de grâce et de bonté ;
cela vous redonne de la joie au cœur. Cet argent-là est bon et on
l’accepte sans problème parce que c’est l’argent de Dieu. » Pour
les Bamiléké, l’« argent de Dieu » n’est pas seulement associé au
bien-être ou à la prospérité ; il est aussi perçu comme porteur de
ce que le discours populaire local appelle « bogni » ou « kogni », à
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savoir l’esprit de la paix, de la solidarité et de la concorde.
En outre, donner à son entourage proche ou à ses « frères du
village » permet de légitimer sa propre richesse ou d’acquérir une
certaine reconnaissance sociale. Dans un ouvrage publié en 2012, et
qui avait pour titre Magie et enrichissement illicite : la feymania au
Cameroun, nous indiquions que la distribution d’argent mal acquis à
ses proches parents ou aux membres de son clan est paradoxalement
perçue comme bénéfique. Sa légitimation se justifie par le fait
que ce don d’argent exprimerait l’accomplissement d’un devoir
de solidarité et d’entraide. Nous soulignions aussi que le riche
Bamiléké donnant uniquement aux membres de sa parentèle (ou
son groupe clanique) est encensé par les siens, qui le nomment
« taboh » ou « taloh », ce protecteur de la communauté à qui l’on
confère souvent des titres de notabilité.
Pour les peuples de hauts plateaux de l’Ouest, celui qui vous
gratifie d’argent de « nsi » serait guidé par l’esprit du « nkogni »
ou « bogni » qui le pousserait à une générosité et à un altruisme
désintéressé, sans arrière-pensée ni calcul mesquin. Dans cette
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 315

perspective, si donner, c’est manifester sa volonté de lutter contre


le mal-vivre et la misère des autres, accepter ce que l’on vous donne
c’est valider le caractère bienveillant et inoffensif de ce que l’on
a reçu ; c’est signifier au donateur que son don est bon, qu’il n’est
pas porteur du « balock », la malédiction ou malchance susceptible
de ruiner la vie de celui qui l’accepte ou le reçoit.
Ainsi, contrairement à ce qu’écrivait Marcel Mauss à propos de
la règle qui préconise de donner, recevoir et rendre par le contre-
don ou dans un potlatch, ce qui ressort des commentaires de bon
nombre de mes informateurs, c’est l’idée selon laquelle le « nkap
nsi » est ce que l’un donne de gaieté de cœur et que l’autre reçoit
chaleureusement et conserve parce qu’il ne court aucun risque
en l’acceptant. C’est le don dont on ne ressent ni le besoin ni la
nécessité de le rendre ou le redonner – c’est-à-dire le restituer au
donateur – pour faire tomber sur lui la malchance, la malédiction
ou le mauvais sort dont cette offrande serait soudainement porteuse.
En conclusion, l’argent du bogni serait cette forme d’offrande
que l’on peut consommer en toute quiétude sans courir le moindre
danger qu’il « nous cale au cou ou nous reste au fond de la gorge »,
pour reprendre les mots d’un informateur de Douala. Il consisterait
en une forme de redistribution qui s’inscrit dans une vitalis politis,
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en ce sens que le donateur serait préoccupé par la vie du donataire.

L’argent de mokoagne : don maudit et argent du diable

À l’opposé de l’argent de Dieu, qui est une forme de don mesurée


et respectueuse des règles de l’éthique du partage, il existe des
formes de don outrancières et démesurées qui transforment l’art
de donner en une économie de la dépense. En outre, il existe des
formes de prodigalité qui pervertissent la pratique du don en la
transformant en une opération consistant à gaspiller ou à détruire
ce qu’on possède à travers des formes d’évergétisme. Celles-ci
violent les règles du communautarisme et transgressent les principes
de l’autochtonie, qui exigent qu’on ne donne qu’à ceux que l’on
connaît. C’est ce type de don d’argent qui suscite de la suspicion
et la perplexité du public, qui le nomme « argent de mokoagne ».
Bien qu’il n’existe pas une définition consensuelle de cette notion,
le terme « mo koagne » renvoie généralement à ce qui est incroyable,
316 Anthropologie(s) du don

fabuleux et surtout mystérieux. Dans l’imaginaire populaire local, ce


terme désigne aussi une secte mystique qui permet à ses membres de
devenir riches en peu de temps, sans travailler ni fournir le moindre
effort. Selon les croyances populaires, les adeptes de cette organisation
secrète, souvent désignée sous le nom de secte mokoagne, doivent, en
contrepartie, lui offrir régulièrement des victimes sacrificielles qu’elle
transformerait en zombies dans le but d’exploiter leur main-d’œuvre
[Warnier, 1993 ; Geschiere, 1995 ; Geschiere et Konings, 1993 ;
Rosny, 1981 ; Ndjio, 2012]. Historiquement, le terme « mokoagne »
est entré dans le lexique populaire urbain camerounais au milieu des
années 1990, époque où certains jeunes arnaqueurs professionnels,
communément appelés feymen, bouleversaient par leur ethos de
munificence les logiques locales. À l’opposé des membres de la
bourgeoisie locale, qui refusaient de partager leurs richesses, ces
nouveaux riches pratiquaient ce que le langage populaire urbain local
appelle « farotage4 », qui est un symbole de la distribution outrancière
et irréfléchie de l’argent.
Un groupe de jeunes comédiens locaux, appelés les Guignols
de Douala, vont dénoncer l’origine douteuse de la fortune des
feymen et leur style de vie flamboyant. Ceux-ci seront décrits
comme étant des « mokoagne men », à savoir de riches sorciers
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dont la richesse extraordinaire proviendrait de leur implication dans
ce que Jean et John Comaroff ont appelé « occult economies », ou
économies de l’occultisme [Comaroff et Comaroff, 1999, p. 279-
330]. De même, l’argent que ces jeunes escrocs distribuaient dans
les quartiers populaires de Douala et Yaoundé à leurs amis d’enfance
sera assimilé au « mokoagne moni » impliquant des pratiques
maléfiques. Les discours sur l’occultisme auquel ces jeunes
comédiens de Douala recouraient pour stigmatiser le comportement
des feymen traduisaient une croyance populaire qui associait modes
d’enrichissement et de redistribution à une forme de capitalisme
maléfique dans lequel l’argent qu’on gagne ou reçoit finit par vous
posséder, comme l’a démontré l’anthropologue américain Michael

4. Ce terme renvoie à une distribution outrancière et démesurée de l’argent


non seulement aux membres de sa famille ou de son entourage, mais également à
des personnes inconnues avec lesquelles on n’a souvent aucun lien. La pratique du
farotage donnait souvent lieu à des compétitions intenses entre ces nouveaux riches
qui cultivaient leur prestige social ou faisaient étalage de leurs nouvelles richesses à
travers cette économie du don et des offrandes [Ndjio, 2012].
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 317

Taussig [1980]. Ce qui rend ce concept aussi singulier qu’ambigu,


c’est qu’il est le fruit d’un « capitalisme millénariste » [Comaroff et
Comaroff, 2001] qui permet de produire magiquement des richesses
à partir de rien et qui représente la « part maudite » [Bataille, 1949],
le don du diable que l’on doit impérativement détruire dans des
dépenses somptuaires ou à travers des potlatchs pathologiques.
Dans un quartier populaire de Yaoundé, j’ai été témoin d’une
scène rocambolesque qui en dit long sur l’attitude ambivalente
des Camerounais face à l’« argent de mokoagne » ; la situation est
révélatrice de la propension à recourir au langage de la sorcellerie
pour expliquer un don qui reste étranger aux logiques locales de
redistribution et d’échange.
En juillet 2003, un jeune homme qui jouissait d’une certaine
popularité en tant que feyman et qui revenait d’Indonésie où il
aurait escroqué des hommes d’affaires et des commerçants locaux
pour plus d’un demi-million de dollars américain, s’est écroulé
dans une buvette. Depuis son retour au pays natal, le jeune escroc
se distinguait par un style de vie flamboyant : il distribuait de
grosses sommes d’argent à ceux qui avaient la chance de le croiser.
Quelques heures après l’incident, la panique s’est emparée de ses
compagnons, mais également des résidents du quartier Biyem Assi
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qui avaient accepté les cadeaux du jeune arnaqueur. Cette panique
trouve sa source dans une rumeur qui présentait le feyman comme
membre d’une secte dénommée « vivre heureux et mourir jeune »,
dont les adeptes seraient contraints de dilapider sans compter leur
fortune en se montrant généreux envers les personnes qu’ils vont
livrer à la secte. La générosité excessive du feyman cachait ainsi
une stratégie sournoise visant à attirer d’innocentes victimes
dans l’organisation occulte. Le fait qu’il soit d’origine Bamiléké
renforçait cette rumeur car, dans l’imaginaire populaire, ces derniers
ont la réputation d’être obsédés par l’accumulation aux dépens des
autres. L’anthropologue Jean-Pierre Warnier [1993] attribue aux
Bamiléké un « esprit parcimonieux » qui les distinguerait des autres
groupes ethniques munificents dans leur style de vie. Ainsi, bien
que le feyman ait été victime, d’après les médecins, d’une perte
de connaissance ou d’une crise d’épilepsie, les gens du quartier
colportaient des rumeurs annonçant le décès de ceux ayant bénéficié
de ses faveurs. Il se disait que les bénéficiaires de ses « cadeaux
empoisonnés » étaient condamnés à une mort atroce, et tous se
318 Anthropologie(s) du don

débarrassaient des présents reçus. Pour ceux qui doutaient encore,


le récit d’une tenancière de bar, qui racontait l’ascension fulgurante
du jeune feyman, servait de preuve :
J’avais mis en garde les fils de mon voisin qui aimaient beaucoup
traîner avec le feyman, parce que je le trouvais louche. Je connais très
bien ce jeune homme. Il y a moins de six mois, il mangeait encore les
beignets haricots ici dans le quartier, et il portait toujours les mêmes
vêtements et chaussures parce qu’il n’avait pas d’argent pour s’en
payer de neufs. Et puis, un jour, j’ai entendu les gens dire qu’il avait
quitté le quartier pour réapparaître, trois mois plus tard, avec beaucoup
d’argent. Où croyez-vous qu’il ait pris tout cet argent, si ce n’est dans
une secte mokoagne ? Est-ce que vous avez déjà vu un Bamiléké offrir
son argent à des gens comme s’il s’agissait d’arachides ?

L’argent de mokoagne est le symbole de cet argent du diable ou


de cet argent maudit que l’on donnerait à l’autre moins par générosité
que parce qu’on voudrait l’ensorceler. C’est le don de la mort qui met
en danger la vie de celui ou celle qui le reçoit. Par cette offrande, le
soi-disant sorcier mokoagne prend possession du corps et de l’esprit
du bénéficiaire pour l’attirer dans la secte maléfique qui l’obligerait
à se montrer généreux envers des gens qui ne sont membres ni
de sa famille ni de son clan. Le discours populaire sur l’argent de
mokoagne exprime ainsi une critique acerbe de la dépense injustifiée,
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un don anormal et immoral qu’on distribue à tout vent, y compris
aux « étrangers », aux « inconnus » et aux « autres ».

Conclusion

Les vignettes ethnographiques de cet article montrent que les


dons d’argent au sein de la population camerounaise apparaissent
comme des réponses à la mendicité et à la misère apparues dans
les années 1980. Ces fragments de vies montrent aussi des efforts
individuels et collectifs pour recréer des liens sociaux dans une
société africaine où la citoyenneté se décline trop souvent en
termes de droits d’accès aux ressources financières et matérielles.
L’attente quasi messianique du don fait partie des efforts des
Africains pour redonner du goût à une existence sans charme.
Mais, comme nous l’avons démontré ici, à travers l’exemple des
Bamiléké, pour donner, recevoir et si possible rendre à travers
Mokoagne moni : l’argent du diable, le don maléfique… 319

la pratique du contre-don, comme le suggérait Marcel Mauss, il


faut préalablement que l’un ait accepté de recevoir ce que l’autre
a voulu bien donner. Dans les Grassfields du Cameroun, accepter
un don, c’est reconnaître sa nature bienveillante, admettre qu’il
est inoffensif et que le récipiendaire ne court aucun risque en
l’acceptant. Or il a été démontré que ces populations n’affichent
pas la même confiance envers les autres formes de dons qui leur
sont proposées ; les Bamiléké qui croient à la sorcellerie mokoagne,
à savoir la sorcellerie de la vente, pensent que c’est par le biais de
la générosité que les personnes maléfiques essayeraient d’attirer
leurs futures victimes. L’instrumentalisation croissante du don
dans leur quête – exacerbée par la crise économique des années
1990 – d’un bonheur et le « manque d’argent » ont fait que les
Africains valorisent certains types de redistribution comme étant
du « nkap nsi » qui contribue au bien-être de l’individu, mais qu’ils
se montrent soupçonneux à l’égard d’une générosité débordant
l’ancrage ethnique et se caractérisant par son extravagance et ses
excès. Ce type de redistribution est généralement associé à l’argent
de mokoagne qui nuit à celui qui a le malheur de l’accepter.
Ainsi, deux visions contrastées du don s’opposent ici dans cette
cosmologie africaine de la redistribution : d’une part, celle qui
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lie le don à une vitalis politis et, d’autre part, celle qui l’associe
plutôt à une thanapolitique, à savoir un art de causer la mort du
bénéficiaire du don. En définitive, cette perception ambivalente
du don par les peuples d’Afrique centrale relativise la conception
maussienne de la redistribution et des échanges ; le don n’est plus
cette mystique porteuse d’un pouvoir qui oblige les uns à donner
et les autres à rendre. Il est plutôt cette double face de Janus qui
incarne à la fois le bien et le mal, qui fait fuir les spectres de la
dette ou plutôt les attire.
320 Anthropologie(s) du don

Références bibliographiques

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dépense (1933), introduction de Jean Piel, Seuil, « Points », Paris.
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d’entreprise au Cameroun, Karthala, Paris.

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