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RESSOURCES DE L’AFRIQUE ET STRATÉGIES D’EXPLOITATION

Demba Moussa Dembélé

Fondation Gabriel Péri | « La Pensée »

2015/1 N° 381 | pages 29 à 46


ISSN 0031-4773
DOI 10.3917/lp.381.0029
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Ressources
de l’afrique
et stratégies
D’exploitation
Demba Moussa
Dembélé*
« Fondamentalement, impérialisme signifie visée, installation et maintien
sur une terre qu’on ne possède pas, un territoire lointain où d’autres vivent
et qui leur appartient. Pour toutes ces raisons, cette perspective séduit
certains et implique souvent pour d’autres des malheurs sans nom. »
Edward. W. Said 1

L a crise du capitalisme mondial a exacerbé la ruée vers les ressources


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naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l’Afrique. Cette ruée se fait sous des
formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les régions riches en
ressources énergétiques (pétrole et gaz), au nom d’objectifs « humanitaires », comme « le
droit de protéger » ou « l’ingérence humanitaire ». Cette doctrine a été mise en œuvre de
manière tragique en Libye par l’impérialisme occidental, par les soins de son bras armé,
l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le but réel de cette intervention
n’était nullement la protection de la population, mais un moyen d’assurer la mainmise des
entreprises occidentales sur les ressources du pays2.

Les ressources naturelles de l’Afrique


Les ressources naturelles recouvrent la terre, l’eau, les ressources minières, les énergies
(pétrole, gaz naturel), les pierres précieuses, l’or, le zinc, les forêts3. L’Afrique possède

* Économiste, chercheur, président de l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au


développement endogène (ARCADE), Dakar, Sénégal.
1. Edward W. Said, Culture et impérialisme, Alger, APIC Éditions, 2013, p. 41.
2. Demba Moussa Dembélé, « Libye : réflexions sur une guerre » dans Afroscopie, L’Harmattan, 2012.
3. OMC, Les ressources naturelles : définitions, structure des échanges et mondialisation. Genève : rapport sur le
commerce mondial, 2010.
la pensée 381 29
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

quelques-uns des plus grands fleuves et cours d’eau du monde. Elle possède de vastes
étendues de terres arables et moins de 10 % de celles-ci sont utilisées, selon plusieurs sources.
Les ressources minières sont également abondantes. Selon la Commission économique des
Nations unies pour l’Afrique, le continent possède 54 % des réserves mondiales de platine,
78 % de celles de diamant, 40 % de celles de chrome et 28 % de celles de manganèse. En outre,
dix-neuf pays d’Afrique au sud du Sahara possèdent d’importantes réserves d’hydrocarbures,
de pétrole, de gaz, de charbon ou de minéraux4.
Des pays, comme la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, le Niger,
l’Afrique du Sud, regorgent de matières premières stratégiques, comme le cuivre, le coltan
(utilisé dans la fabrication des téléphones portables), l’uranium, le diamant, l’or. De nouvelles
découvertes de réserves de pétrole, de gaz naturel et de minerais stratégiques sont annoncées
dans plusieurs pays du continent5.
L’Afrique possède quelques-unes des plus importantes réserves de pétrole. Dans la
région du golfe de Guinée (Angola, Guinée équatoriale, Nigeria, Congo, Gabon), se trouvent
près des trois quarts des réserves pétrolières africaines. Cela explique que cette région soit
la cible des compagnies pétrolières occidentales (Exxon Mobil, Shell, BP, Elf, entre autres).
Plusieurs sources indiquent que plus du quart des besoins des États-Unis viendront de
l’Afrique à partir de 2015. Cette dépendance accrue à l’égard du pétrole africain est liée à la
réduction graduelle de leurs importations en provenance du Moyen-Orient, région de plus
en plus instable et hostile aux intérêts occidentaux. Cette convoitise des ressources pétrolières
africaines explique la création du commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM)
et le désir des États-Unis d’établir le quartier général de ce projet militaire sur le sol africain.
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Abondance de ressources naturelles et misère des populations
Les ressources naturelles dominent donc les économies africaines. Elles sont la
principale source de recettes d’exportations pour la plupart des pays africains et de revenus
pour les budgets des États. Les ressources naturelles constituent également le principal
moyen de subsistance pour les populations africaines, notamment dans les zones rurales.
On retiendra qu’en moyenne, 60 % de la population africaine vit dans le monde rural.
Dans plusieurs pays, c’est plus de 70 %. On estime qu’entre 65 et 70 % de la population
africaine tire ses revenus d’activités liées à l’agriculture, qui contribue pour une moyenne de
35 % au produit intérieur brut (PIB) du continent. Les exportations agricoles (café, cacao,

4. Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et Union africaine (UA), rapport
économique sur l’Afrique, 2013, « Tirer le plus grand profit des produits de base : l’industrialisation au service
de la croissance, de l’emploi et de la transformation économique », Addis Abéba, mars 2013.
5. C’est le cas du Sénégal, avec l’annonce de la découverte de deux gisements de pétrole au large de ses côtes
par une société pétrolière britannique, Cairn Energy. L’État sénégalais mise sur d’autres découvertes et pense
déjà que le Sénégal sera bientôt « un pays pétrolier », Le Témoin, Dakar, 11 novembre 2014, p. 3.

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Demba Moussa Dembélé

coton, arachide, etc.) constituent la principale source de devises pour la plupart des pays
africains, assurant plus de 40 % des entrées de devises de plusieurs pays6.
Mais dans la plupart des pays africains, les ressources disponibles ne profitent pas à
leurs peuples. Une bonne partie des revenus tirés de ces ressources est transférée à l’étranger
de façon licite ou illicite. Par exemple, en 2010, les exportations africaines de pétrole, de
gaz et de minerais s’élevaient à 333 milliards de dollars. Mais, selon un rapport conjoint
publié par la Banque africaine de développement et une ONG nord-américaine, l’Afrique
aurait transféré aux pays riches quelque 1 400 milliards de dollars entre 1980 et 2009, soit
un transfert annuel net de 47 milliards par an dans le cadre de flux illicites de capitaux7. On
voit ainsi que ce qu’on appelle « aide publique au développement » (APD) reçue des pays
du Nord et des institutions multilatérales est tout à fait dérisoire en comparaison de cette
hémorragie financière. Ainsi les flux illicites et licites de capitaux dépouillent-ils l’Afrique
d’immenses richesses et de précieux moyens d’investir dans l’éducation, l’agriculture et la
santé – des secteurs essentiels pour le développement du continent.
Deux cas vont illustrer cette analyse.
Le premier est celui de la République démocratique du Congo (RDC), un pays qui
dispose de fabuleuses richesses mais dont la grande majorité des citoyens vivent dans le plus
grand dénuement. La RDC fait partie des pays les moins avancés (PMA) selon les Nations
unies. Le pays possède l’un des plus faibles indices de développement humain, selon le
programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il a été soumis depuis
son indépendance à un pillage systématique, facilité par l’instabilité politique et sociale
chronique et les guerres frontalières ou civiles. Ces conflits sont encouragés et alimentés
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par les pays occidentaux et les grandes compagnies occidentales qui financent des groupes
armés pour rendre le pays ingouvernable. Ces conflits affaiblissent davantage l’État central et
le rendent incapable de faire régner l’ordre sur l’étendue du territoire. Cette déstabilisation
permet ainsi la mainmise de sociétés étrangères sur les ressources du pays, avec la complicité
de groupes armés transformés en milices au service du pillage de leur propre pays.
Le deuxième cas est celui de la Guinée, en Afrique de l’Ouest, dont le sous-sol recèle
la plus grande réserve du monde de bauxite, estimée à 40 milliards de tonnes  et plus de
20 milliards de tonnes de minerai de fer, des diamants, de l’or et des quantités indéterminées
d’uranium. Mais 55 % des 11 millions d’habitants de la Guinée vivent avec moins de
1,25 dollar par jour et le pays se classe 178e sur 187 pays, selon l’indice de développement
humain 2013 du programme des Nations unies pour le développement (PNUD)8.
Mais la Guinée n’est pas un cas isolé en Afrique de l’Ouest.

6. CEA et UA, rapport économique sur l’Afrique 2011, « Gérer le développement : le rôle de l’État dans la
transformation économique», Addis Abéba, 2011, p. 17.
7. African Development Bank & Global Financial Integrity, Illicit Financial Flows and the Problem of Net Resource Transfers
from Africa. Joint Report by the AfDB and GFI, May 2013.
8. Kingsley Igbor, Kingsley, « L’Afrique veut transformer son industrie minière », Afrique Renouveau, avril 2014,
p. 24.

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Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

Le cas de l’Afrique de l’Ouest


Comme dans les autres sous-régions du continent, l’extraction et le commerce des
ressources minérales constituent la principale activité économique des pays membres de
la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette région
symbolise mieux sans doute l’abondance de ressources mal exploitées.
En effet, la Guinée concentre les plus grandes réserves mondiales de bauxite, le
Niger possède l’une des plus importantes réserves d’uranium d’Afrique, évaluées à
243 000 tonnes en 2007, devant celles de la Namibie (176 000 tonnes). L’Afrique de l’Ouest
génère plus de 27 % de la production africaine de minerai de fer et les gisements de fer les
plus riches en teneur (plus de 65 %) sont en Guinée et au Liberia. De nombreux pays sont
producteurs d’or de très haute teneur (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, etc.). En
2006, l’exploitation de l’or a représenté au Mali 15 % du produit intérieur brut (PIB) et
70 % des recettes d’exportation. Quant au Burkina Faso, ses exportations d’or ont atteint
180 milliards de francs CFA en 2009, ce qui fait passer ce secteur devant le coton, qui a
représenté 120 milliards de francs CFA9. Plus de 34 % du manganèse produit par l’Afrique
vient de l’Afrique de l’Ouest. Concernant le pétrole, quatre pays disposent d’importantes
réserves en cours d’exploitation : le Nigeria, avec environ 2, 25 millions de barils par jour, le
Ghana, avec 120 000 barils par jour, la Côte-d’Ivoire, avec 50 000 barils par jour et le Niger,
avec 20 000 barils par jour. Le pétrole constitue le principal poste dans les transactions
commerciales de la région10.
D’autres ressources naturelles, comme le diamant, se trouvent en Guinée, au Liberia,
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en Sierra Leone, etc. ; on trouve du gaz naturel en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Niger et au
Nigeria. Le Sénégal et le Togo produisent des phosphates tandis que d’autres pays possèdent
charbon, calcaire, marbre, platine et zircon.
En dépit de leur importance pour les États de la région, ces produits sont exportés
pour l’essentiel à l’état de matières premières et peu font l’objet ne serait-ce qu’un début de
transformation sur place. Ceci s’explique par la faiblesse des capacités productives régionales,
l’état embryonnaire de l’industrialisation, le déficit technologique et le manque de capitaux
et plus généralement le caractère extraverti du système productif. L’industrie manufacturière
représente moins de 8 % du PIB régional et seulement quatre pays (Nigeria, Côte d’Ivoire,
Ghana et Sénégal) fournissent les 4/5e de la valeur ajoutée manufacturière de la région11.
À côté des ressources minières, les ressources foncières constituent aussi un capital
inestimable pouvant engendrer les conditions de la création de la richesse et la lutte contre
la pauvreté, en particulier en milieu rural. Pour une région dont plus de la moitié de la
population est active dans l’agriculture, la terre apparaît comme un facteur essentiel dans

9. 1 euro = 655,957 francs CFA.


10. Enda Cacid, L’Afrique de l’Ouest et le défi de la gouvernance des ressources naturelles : levier pour le commerce,
l’industrialisation et la transformation économique, Dakar, 15 novembre 2013.
11. Idem.

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Demba Moussa Dembélé

toute stratégie de développement. Le secteur primaire représente 45 % de la formation du


produit intérieur brut (PIB) en Afrique de l’Ouest.
Les ressources foncières sont à l’origine d’une multitude de services socio-économiques,
culturels et environnementaux. Elles sont donc essentielles en Afrique de l’Ouest pour
définir des valeurs sociales et économiques et offrir des possibilités de faire valoir des droits
à des moyens de subsistance durables pour les populations rurales et les communautés
de producteurs. La flambée des prix des produits alimentaires et ceux de l’énergie et la
pression grandissante en matière de sécurité alimentaire et énergétique ont suscité la ruée
vers les terres productives et de haute valeur dans de nombreux pays de la région, de la part
d’acteurs étrangers et locaux.
Ce phénomène, connu sous le nom d’accaparement des terres, apparaît aujourd’hui
comme un défi majeur qui, s’il n’est pas correctement résolu, pourrait à terme contrarier
les efforts de développement de l’Afrique de l’Ouest. Une partie importante des terres les
plus fertiles et proches des points d’eau font en effet l’objet de transactions, sous forme de
location ou de vente, au profit le plus souvent des investisseurs internationaux espérant
des gains importants12.
Dans un domaine aussi crucial, il est nécessaire d’élever le niveau de conscience des
populations, de documenter les enjeux et de déconstruire les discours et les stratégies
faussement économiques qui tentent de faire croire que ce phénomène, qui avance sous le
manteau de l’investissement agricole, est un mal nécessaire.
Comme les ressources minières et foncières, les ressources halieutiques, provenant aussi
bien de la pêche en eau douce ou en mer, représentent, si elles sont bien gérées, un énorme
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potentiel et ouvrent aussi de réelles perspectives de développement pour de nombreux pays
de la région. Elles contribuent à la fois à la nutrition et à la sécurité alimentaire, créent des
emplois et des revenus et génèrent de substantielles recettes d’exportations. Alors qu’elle
plafonnait à moins de 300 000 tonnes au début des années 1960, la production halieutique
des pays de la CEDEAO est estimée aujourd’hui à plus de 2 millions de tonnes. Selon
l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production
était de 2,122 millions de tonnes en 2008, soit près de 3,5 % du total de la production
mondiale. Le marché ouest-africain présente donc d’énormes potentialités pour les pays
exportateurs nets, comme le Sénégal, la Gambie ou la Mauritanie. Le Nigeria à lui tout
seul peut absorber l’ensemble des exportations en volume et en valeur du Sénégal (près de
100 000 tonnes pour un peu plus de 300 millions de dollars). Les grands pays importateurs
de produits halieutiques d’Afrique de l’Ouest (Nigeria, Ghana, Côte d’Ivoire) peuvent
consommer à eux seuls l’ensemble des exportations des autres pays de la région sans que
leurs besoins soient complètement couverts13.

12. CEA et UA, rapport économique sur l’Afrique 2012, Libérer le potentiel de l’Afrique en tant que pôle de croissance
mondiale, Addis Abéba, mars 2012.
13. Enda Cacid, op. cit.

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Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

En dépit des énormes avantages de l’Afrique de l’Ouest dans chacun des trois domaines
présentés, il est généralement reconnu que la région n’a pas réussi jusqu’ici à en tirer profit.
Pire encore, ces ressources ont tendance à profiter à d’autres plutôt qu’aux populations
ouest-africaines, qui auraient pourtant pu y trouver les moyens nécessaires à leur subsistance.
Le point commun de ces secteurs est qu’ils sont tous insérés dans un modèle d’exploitation
extraverti dans lequel les grands groupes étrangers dominent en amont et en aval. Ces
groupes importent l’essentiel de leurs intrants et exportent la quasi-totalité de leurs produits
sans les transformer. Les recettes tirées de cette exploitation n’alimentent que trop rarement
les économies nationales, ou y contribuent à des niveaux beaucoup moins importants que
ce qu’ils auraient pu atteindre.
Dans le domaine minier par exemple, évoquant le cas de l’Afrique dans son ensemble,
la Commission économique pour l’Afrique montre que les bénéfices nets récoltés par les
quarante plus grandes entreprises minières ont augmenté en moyenne de 156 % en 2010,
alors que la part des pays n’a progressé que de 60 %, dont l’essentiel est allé à l’Australie et au
Canada. Pour les pays africains, les parts ont été nettement moindres du fait des exonérations
accordées aux sociétés minières. Dans la même période, les bénéfices nets réalisés par
ces quarante sociétés minières étaient de 110 milliards de dollars, équivalant aux recettes
d’exportation de l’ensemble des pays les moins avancés (PMA) africains14.

Crise du capitalisme et course vers les


ressources naturelles
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Au vu de ce qui précède, l’on comprend pourquoi l’Afrique est l’objet de tant de
convoitises. Surtout dans cette période de crise du capitalisme mondial, qui a exacerbé les
politiques de préhension sur les ressources naturelles des pays du Sud. L’insertion forcée dans
la mondialisation capitaliste des pays détenteurs de ces ressources, suite à l’accélération de
la libéralisation des échanges, après la naissance de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), a accentué l’exploitation et le commerce de ressources naturelles. Dans ce contexte,
l’Afrique semble focaliser l’attention des principaux centres capitalistes et des pays émergents.
Le sommet Afrique/États-Unis, le premier du genre, est une nouvelle illustration de l’intérêt
des États-Unis pour le contrôle des ressources du continent africain. Mais le président Obama
est dans une sorte de course de rattrapage vis-à-vis des principaux concurrents de son pays,
comme l’Union européenne, le Japon et surtout la Chine, perçue comme le nouvel ennemi
potentiel, l’empêcheur de tourner en rond.
Quant à l’Union européenne, depuis 2007, elle essaie d’imposer des accords de « libre-
échange » à l’Afrique, déguisés sous le vocable d’accords de partenariat économique (APE),
dans le but d’ouvrir les marchés africains aux produits européens. Pour certains critiques,
les APE sont perçus comme « un baiser de la mort » pour les pays africains. En effet, ils vont
mettre en péril l’agriculture paysanne, secteur dont dépendent des centaines de millions

14. Idem.

34
Demba Moussa Dembélé

de personnes pour leur subsistance En effet, l’énorme différence de poids économique


explique pourquoi le « partenariat » sera au détriment des pays africains. Il faut garder à
l’esprit que l’Union européenne est la première puissance commerciale du monde, comptant
pour près de 16 % du commerce mondial contre 10,6 % pour les Etats-Unis, alors que la
part de toute l’Afrique est d’à peine 3 %. En outre, le PIB de l’UE est 31 fois supérieur à
celui de la CEDEAO15 !
La France est également très préoccupée par les profondes mutations en cours en
Afrique et les risques que cela présente pour elle. C’est pour parer au danger qu’elle
cherche d’abord à préserver ses intérêts dans son « pré carré » face à la concurrence des pays
émergents, tout en essayant d’élargir ses relations avec le reste du continent. L’alerte adressée
aux dirigeants français est assez bien résumée par le livre de Jean-Michel Severino, ancien
président de l’Agence française de développement (AFD), et le rapport du Sénat français
sur l’Afrique publié en octobre 201316. Le sommet de la Francophonie organisé à Dakar,
au Sénégal, les 29 et 30 novembre 2014, a été suivi par ce que ses initiateurs ont appelé le
« Forum économique de la Francophonie », les 1er et 2 décembre. Au cours de ce Forum,
certains ont préconisé l’instauration d’une « francophonie économique ». Cela préfigurerait
peut-être une nouvelle stratégie de la France pour construire un espace économique qui lui
donnerait une plus grande marge de manœuvre par rapport à ses concurrents17.

L’Afrique : nouvelle frontière de la


mondialisation capitaliste ?
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En dehors des interventions militaires, la course vers les ressources naturelles de l’Afrique
est enveloppée dans un certain discours, venant de cercles influents du système dominant,
qui tente de vendre l’idée d’une « Afrique émergente ». L’hebdomadaire, The Economist, l’un
des plus influents porte-parole de l’idéologie néolibérale, s’est particulièrement distingué
à cet égard, avec sa « Une » sur « Africa Rising »18. Ce discours a sans doute influencé la
prolifération de « plans émergents » dans plusieurs pays africains, dont le Sénégal, avec
son « Plan Sénégal émergent » (PSE). Mais le but réel d’un tel discours est d’exhorter les
multinationales occidentales à aller à la conquête des ressources du continent. En effet, dans
ces milieux du capitalisme en profonde crise, d’aucuns pensent que l’Afrique est devenue la
nouvelle frontière de la mondialisation capitaliste et qu’elle détiendrait les clés de « sortie
de crise ». Lors de sa visite au siège de l’Union africaine à Addis Abéba, en janvier 2014, le
Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a déclaré : « Avec le potentiel que lui donnent ses

15. Cheikh Tidiane Dièye (dir.), Le Futur du commerce intra-régional en Afrique de l’Ouest, Dakar, Enda Tiers-
Monde, 2010.
16. Jean-Michel et Olivier Ray Severino, Le Temps de l’Afrique, Éditions Odile Jacob, 2010 ; Sénat français, «
Rapport d’information », 104, 29 octobre 2013.
17. Le Soleil, 2 décembre 2014.
18. The Economist, 2-8 mars 2013.

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Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

ressources, avec sa capacité de croissance économique, l’Afrique est aujourd’hui un continent


qui porte les espoirs du monde ».
Ce point de vue semble partagé par le président des États-Unis qui lui aussi pense que
l’Afrique détient la clé pour sortir le capitalisme de sa crise. C’est pour cette raison, entre
autres, que Barack Obama a organisé le premier sommet Afrique/états-Unis au niveau des
chefs d’État et de gouvernement, en août 2014, à Washington. Lors de ce sommet, historique
à bien des égards, les États-Unis ont promis d’investir 33 milliards de dollars en Afrique au
cours des cinq prochaines années. Mais la majeure partie de ce montant proviendrait du
secteur privé, tandis que moins de 10 milliards de dollars proviendraient de fonds publics.
Autant dire que le vrai objectif de ce sommet était de créer les conditions pour que les
multinationales nord-américaines puissent se lancer à la conquête des ressources naturelles
du continent africain19.
Ainsi, l’Afrique serait-elle devenue la nouvelle frontière de la mondialisation capitaliste,
celle dont les ressources devraient servir à sortir le capitalisme de sa crise systémique actuelle,
sans doute au détriment des peuples africains !
C’est dans ce contexte global qu’il faut placer les nouvelles formes d’intervention pour
l’accaparement des ressources.

nouvelles formes d’intervention pour Le


contrôle des ressources
Pour masquer ses politiques visant à mettre la main sur les ressources naturelles de
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l’Afrique, l’impérialisme a recours à des interventions à but « humanitaire » ou ayant pour
justification « la lutte contre le terrorisme ».
L’impérialisme humanitaire
Le cas de la Libye évoqué au début symbolise bien la manifestation la plus violente de
cet impérialisme humanitaire. Sous prétexte du « droit de protéger », les pays occidentaux,
notamment les États-Unis, se sont arrogé le droit d’intervenir contre des pays souverains
dans le but de faire tomber leur gouvernement ou d’y semer le chaos propice à l’exploitation
des ressources naturelles de ces pays. Le chaos libyen a permis aux sociétés occidentales
de contrôler le pétrole libyen face à un gouvernement fantôme. Ainsi, ce sont des dizaines
de milliards de dollars de revenus pétroliers qui échappent chaque mois au pays. En
Centrafrique, l’intervention française est surtout motivée par la nécessité de préserver le
contrôle des mines de diamant par les sociétés françaises. Depuis que cette intervention a
commencé, les tueries continuent et l’anarchie se répand.

19. Demba Moussa Dembélé, « Le Sommet Afrique/États-Unis : pour le contrôle des ressources africaines »,
Dakar, Le Quotidien, 5 août 2014, p. 6.

36
Demba Moussa Dembélé

Le prétexte de la lutte contre le terrorisme


La seconde forme d’intervention militaire pour le contrôle des ressources est le
prétexte de la lutte contre le terrorisme. Au Mali et au Nigeria, c’est le spectre du terrorisme
« islamique » qui est évoqué pour justifier les interventions occidentales. Mais celles-ci n’ont
pas fait reculer le terrorisme. Pire encore, elles ont suscité de nouvelles formes de terrorisme
et contaminé d’autres pays. En fait, la stratégie du chaos serait à l’œuvre dans nombre de
pays dans le but de faciliter la mainmise sur leurs ressources. Les États-Unis en particulier
misent sur cette stratégie afin de se rendre « utiles » pour « rétablir l’ordre » et contribuer
ensuite à la « reconstruction » des pays ciblés.
AFRICOM sert au déploiement de cette stratégie. On l’a vu notamment à l’œuvre en
Libye et dans une moindre mesure au Mali et en RDC. Mais la vraie cible d’AFRICOM est
la région du golfe de Guinée riche en pétrole, comme signalé plus haut.
En dépit du discours officiel, souvent relayé par les médias contrôlés par les entreprises
privées, l’intervention de la France au Mali et en Centrafrique a des visées géostratégiques
liées aux ressources naturelles. Personne n’ignore que le nord du Mali, à la frontière de
l’Algérie, est une région riche en ressources naturelles encore inexploitées. Quant à la
Centrafrique, ses diamants et la perspective de découvrir des gisements de pétrole ont
aiguisé les appétits des entreprises françaises, qui ne veulent à aucun prix perdre le contrôle
de ce « pré carré ».

La promotion de l’agrobusiness
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En dehors de la force militaire, d’autres procédés plus subtils sont utilisés pour
permettre la mainmise sur les ressources naturelles de l’Afrique. Par exemple, le discours
néolibéral fait croire que pour mieux valoriser les terres africaines, il serait nécessaire de
promouvoir l’agrobusiness et les investissements privés étrangers, afin de développer les
cultures d’exportation. Ce modèle, poussé par la Banque mondiale20 et les pays membres
de l’Organisation de Coopération et de développement économiques (OCDE), est fondé
sur la nécessité de « mettre en valeur la terre » par des investissements à grande échelle,
provenant essentiellement d’investissements privés étrangers. Ce modèle vise à accentuer les
politiques de libéralisation et de privatisation de la terre, de l’eau et des intrants agricoles,
ouvrant ainsi la voie aux multinationales de l’agro-industrie et surtout au secteur financier.
Il semble que la crise alimentaire de 2008 a accéléré ces investissements. Entre 2008
et 2009, plus de 56 millions d’hectares auraient fait l’objet de transactions dans plusieurs

20. Banque mondiale, rapport sur le développement dans le monde, L’agriculture au service du développement,
Washington, DC, 2008.

37
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

pays du Sud21. En Afrique, on estime que 2,5 millions de terres arables ont été cédées aux
investisseurs étrangers, entre 2004 et 200922.
Les fonds fonciers se sont particulièrement distingués dans ces investissements. En
effet les investissements dans les terres agricoles sont devenus de loin plus rentables que les
investissements en bourse, dans l’or ou encore dans l’immobilier23. Les fonds de pension
seraient devenus le plus important investisseur institutionnel dans les terres agricoles, avec
un volume d’investissement estimé entre 15 000 et 20 000 milliards de dollars, soit plus de la
moitié de leurs disponibilités. À cela, il faut ajouter les investissements des fonds souverains
et ceux des fonds spéculatifs. Ainsi, les terres agricoles seraient-elles devenues la nouvelle
vache à lait de la finance internationale.
L’entrée en scène du secteur financier a engendré une course plus effrénée vers le
contrôle des terres africaines et leur privatisation. Un tel modèle va poser de graves risques
pour l’agriculture familiale et la production vivrière avec l’accentuation des politiques
tournées vers l’exportation24.
En Afrique, ce modèle se présente sous les traits du projet AGRA (Alliance for a Green
Revolution in Africa) dont le principal porte-parole est Kofi Annan, ancien Secrétaire général
des Nations unies. Le projet AGRA est soutenu par des multinationales de l’agriculture,
comme Monsanto et Cargill, dont les objectifs visent à contrôler et privatiser les connaissances
ancestrales des paysans africains. AGRA va donc accentuer la libéralisation des politiques
agricoles par une plus grande ouverture des marchés africains, ce qui sera au détriment
des petits et moyens producteurs du continent qui n’auront aucune chance de soutenir la
concurrence contre les mastodontes de l’agro-industrie.
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Selon ses partisans, l’agrobusiness est le meilleur moyen d’attirer les capitaux, de
moderniser l’agriculture africaine, d’accroître les rendements, donc de contribuer à la
lutte pour réduire la pauvreté. La Banque mondiale, avec son credo néolibéral à tous crins,
a largement contribué à propager cette idée, depuis son rapport de 2008, dans lequel elle
appelait à mettre « l’agriculture au service du développement ». Pour accentuer son option
résolument néolibérale, elle a, depuis 2013, entrepris de développer ce qu’on appelle le
« Benchmarking the Business of Agriculture » (BBA), à la demande des pays du G8. Ce projet
est similaire à celui de « Doing Business » qui donne de « bonnes notes » aux pays qui font
la part belle aux investisseurs étrangers, en leur octroyant des exemptions fiscales, en
abaissant les taux d’imposition, en payant de bas salaires et en leur permettant de licencier

21. GRAIN, L’accaparement des terres et la crise alimentaire mondiale, 11/2011. GRAIN est une petite
organisation internationale qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le
contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité. Elle publie une revue du
même nom [Ndlr].
22. Afrique Renouveau, « L’Afrique à l’assaut de l’agriculture », spéciale agriculture 2014, New York, Nations unies.
23. GRAIN, revue citée, graphique, p. 6.
24. Ann Mary B. Manahan, « Struggle for land in the 21st century », Focus on the Global South, March 2012.

38
Demba Moussa Dembélé

les travailleurs pour rester « compétitifs ». Paradoxalement, cela est fait au nom de la « lutte
pour la réduction de la pauvreté ».
Les organisations de producteurs agricoles réfutent un tel discours et soulignent que
l’agrobusiness est un moyen d’accélérer la course vers l’accaparement des terres au détriment
des petites exploitations familiales dont les membres risquent d’être dépossédés de la totalité
de leurs terres pour se retrouver comme ouvriers agricoles taillables et corvéables à merci.
C’est ce qui est arrivé dans la plupart des pays figurant sur la liste de la Banque mondiale25.
En Afrique, les politiques préconisées par la Banque mondiale dans le cadre du
« Benchmarking » vont tout simplement aggraver la dépendance alimentaire et compromettre
les projets de souveraineté alimentaire définis au niveau national ou sous-régional. La Banque
mondiale semble « oublier » que plus de 70 % de la production alimentaire en Afrique est
fournie par les exploitations familiales.

La lutte contre le changement climatique : nouvelle mine d’or


pour la finance internationale
La finance internationale tente également d’utiliser la lutte contre le changement
climatique pour contrôler les ressources naturelles des pays africains. Les problèmes
d’adaptation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont de plus en plus confiés
au marché. Industries et grandes entreprises ne lorgnent plus seulement sur l’immense
stock potentiel de carbone des forêts humides. Des forêts de mangroves sont, elles aussi,
transformées en zones protégées pour « compenser » les émissions de gaz à effet de serre
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des entreprises polluantes, comme Rio Tinto à Madagascar par exemple. Ces projets,
portés par des ONG de conservation, s’inscrivent dans le programme « Initiative carbone
bleu » appuyé par les Nations unies. « Ce programme vise à financiariser le carbone stocké,
séquestré ou libéré des écosystèmes côtiers ou marais salés, des mangroves et des herbiers
marins », souligne le rapport26.
La Banque mondiale, encore elle, s’emploie à développer des « obligations bleues »
proposées sur les marchés financiers pour financer la « protection des océans ». En effet,
elle soutient que « le capital financier à grande échelle et le secteur privé sont essentiels
pour parvenir à une meilleure protection et une meilleure gouvernance des ressources
marines ». La Banque a déjà émis les « obligations vertes » dont la valeur est estimée à
40 milliards d’euros en 2014. Soixante obligations vertes ont ainsi été émises pour financer,
selon la Banque, des « projets sobres en carbone susceptibles de contribuer à l’adaptation
au changement climatique »27.

25. Frederic Mousseau, World Bank indicators rig the field against farmers’ rights,The Oakland Institute, November
12, 2014.
26. Sophie Chapelle, « Comment marchés financiers et multinationales accaparent aussi les mers et les océans », Basta,
19 septembre 2014.
27. Idem.

39
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

Mais la logique de profit derrière ces activités risque plutôt de contribuer à une plus
grande dégradation de l’environnement dans les pays africains, donc à annihiler les efforts
entrepris dans la lutte contre le changement climatique.

Exploitation illégale des ressources et


changement climatique
C’est un fait bien connu, la dégradation de l’environnement en Afrique est dans une
large mesure liée au pillage des ressources naturelles du continent. Par exemple, parmi les
quinze pays dans le monde ayant souffert le plus de la déforestation, sept sont en Afrique.
En outre, parmi les quinze pays en butte à l’avancée de la mer, quatre sont en Afrique28. Les
exportations d’un grand nombre de pays africains sont basées sur les ressources naturelles,
ce qui explique souvent la surexploitation de celles-ci, qui engendre des effets négatifs
sur l’environnement. Parmi ces effets, il y a la déforestation, un phénomène observé dans
plusieurs pays du Sahel.
La déforestation

La déforestation est la diminution des surfaces couvertes de forêt. Ce terme


est un synonyme actuel de déboisement puis de défrichement. Il vise plus
particulièrement de nos jours la réduction considérable des forêts équatoriales,
qui résulte bien souvent d’une exploitation inconsidérée de certaines essences
tropicales, et de la volonté de certains pays neufs, comme le Brésil, de développer
la présence humaine et les surfaces agricoles dans ces zones. Déforester, c’est
donc substituer à la forêt une autre occupation des sols : agriculture, urbanisation
etc. La déforestation ne doit pas être confondue avec les coupes rases, pratiquées
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notamment dans certaines forêts boréales, à l’occasion d’exploitations forestières
industrielles de type minier, même si les paysages prennent le même aspect
dénudés. La structure forestière se reconstitue avec le temps par voie naturelle
ou artificielle, alors que, dans le cas de la déforestation, la forêt est durablement,
voire définitivement détruite.

L’exploitation illégale des ressources naturelles de l’Afrique non seulement contribue


à la dégradation de l’environnement, mais elle fait surtout perdre des sommes colossales
aux pays africains. Le rapport de l’Africa Progress Panel indique que le pillage des ressources
naturelles du continent touche tous les domaines. Par exemple, l’activité de pêche, telle que
pratiquée en Afrique de l’Ouest par des navires étrangers, reste confrontée aux « mêmes
aleas » auxquels l’exploitation illégale des forêts se trouve soumise ailleurs sur le continent
africain. « L’exploitation illégale des forêts grève de 18 milliards de dollars par an les
budgets africains, résultat des activités de certaines sociétés offshore dont on ne connaît pas
les véritables propriétaires [...] »
« Le secteur de la pêche, quant à lui, est victime des mêmes aléas, causés par des
pavillons de complaisance, notamment en Afrique de l’Ouest, bien que dans des proportions
moindres. Ce dernier domaine est encore une zone de non-droit », rapporte le document

28. OMC, rapport cité, tableau 1, p. 8.

40
Demba Moussa Dembélé

de l’Africa Progress Panel, un groupe de six personnalités, présidé par l’ancien secrétaire
général de l’ONU, Koffi Annan.
La plupart des navires présents dans les côtes ouest-africaines de la Mauritanie et du
Sénégal, par exemple, sont des bateaux de complaisance dont l’activité vient contrarier
celle des petites communautés villageoises de pêcheurs.
Un exemple a été fourni le 4 janvier 2014 avec l’arraisonnement par la marine
sénégalaise d’un bateau russe, l’Oleg Neydanov, accusé de pêcher illégalement dans les eaux
territoriales du pays. Le bateau fut relâché après près de trois semaines sous séquestre à
Dakar, marquées par d’âpres négociations. L’affaire du bateau russe a fait beaucoup de bruit
au sein des acteurs de la pêche, un secteur important pourvoyeur de recettes d’exportations
et qui occupe plus de 600 000 personnes. La levée du séquestre a été obtenue à la suite d’un
accord intervenu par les parties russe et sénégalaise, assorti du paiement de 600 millions de
francs CFA, soit un peu plus de 900 000 euros.
Toujours dans le domaine de la pêche, vers la fin du mois d’avril 2014, le Sénégal a passé
un accord de partenariat très controversé avec l’Union européenne, pour une durée de cinq
ans. Cet accord suscita une vive opposition de la part de la quasi-totalité des acteurs du secteur
de la pêche au Sénégal. Ces derniers ont jugé très modique la contrepartie financière – plus de
neuf milliards de francs CFA – que devrait verser la partie européenne. Pour nombre d’acteurs
de la pêche, ce protocole est un véritable bradage des ressources halieutiques du pays.
Réagissant à ces critiques, le ministre sénégalais de la Pêche et de l’Économie maritime,
Ali Haidar, a soutenu qu’il n’avait fait que régulariser « une situation anormale », en signant
un nouvel accord qui permet aux bateaux de l’Union européenne de pêcher 14 000 tonnes
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de thon par an dans les eaux sénégalaises. Selon le ministre, « L’Union européenne, depuis
2006, pêche gratuitement dans nos eaux […]. Je n’ai fait que régulariser une situation
anormale ». Finalement, le ministre, qui est un des plus fervents écologistes du pays, a été
limogé à la suite du remaniement qui a suivi les élections locales du 29 juin 2014. Un autre
point à souligner dans cette polémique, ce sont les propos de la représentante-résidente
de l’Union européenne, Mme Dominique Dellicour, qui a « félicité » le ministre pour avoir
« bien négocié » les accords ! Ce genre de compliment a certainement contribué à renforcer
les soupçons de bradage des ressources du pays par le ministre en question.

Quelles solutions pour l’Afrique ?


La ruée vers les ressources naturelles du continent africain et la multiplication des
conflits internes et des interventions extérieures ont été le thème principal de la dernière
édition du Forum social africain (FSA), organisée à Dakar du 15 au 19 octobre 2014.
Au-delà des critiques adressées à la fois aux gouvernements africains et aux puissances
extérieures, les participants ont fait un certain nombre de recommandations qui expriment
les préoccupations de tous ceux qui se soucient de la préservation des ressources naturelles
de l’Afrique et de leur exploitation au service des populations africaines, notamment celles
du monde rural.

41
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

Recouvrer la souveraineté sur ses ressources naturelles


Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour demander que l’Afrique utilise
ses immenses ressources naturelles comme levier de développement économique et social,
en les transformant de l’intérieur. Mais cela commence d’abord par le recouvrement de
la souveraineté sur ses ressources. Ce qui signifie qu’il faut arrêter de les brader par des
politiques de privatisation préconisées par des officines néolibérales pour soi-disant attirer
des investissements privés afin de les valoriser. À cet égard, il faut adopter des législations
contre la privatisation des ressources naturelles, qui doivent être déclarées patrimoine
national sur lequel le peuple seul détient la souveraineté pleine et entière.

Mettre en œuvre la vision proposée par l’Union africaine


En 2009, l’Union africaine avait adopté le projet « Afrique vision minière » (AMV),
un cadre pour la mise en valeur des ressources minérales. L’AMV recommande de mieux
négocier les contrats miniers, de prêter plus d’attention à l’environnement, de veiller à la
valorisation des ressources naturelles et au développement des compétences des Africains.
Son objectif est d’aider le continent à tirer davantage profit de ses ressources pour stimuler
la croissance. Les revenus de l’exploitation minière devraient être investis dans les routes,
les chemins de fer, les ports, l’énergie, l’eau et les télécommunications et il devrait y avoir
davantage d’industries locales de transformation, une économie du savoir et un secteur des
services dynamique. L’AMV prévoit des institutions fortes pour endiguer les flux financiers
illicites29.
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En 2011, les dirigeants africains ont approuvé le plan d’action de l’AMV. En
décembre 2013, les ministres des Ressources naturelles, la société civile et d’autres experts
du continent ont lancé à Maputo, au Mozambique, le Centre africain pour le développement
des ressources minérales (AMDC), destiné à mettre en œuvre les projets de l’AMV.

Nouvelle vision africaine sur les mines

Cette vision a été élaborée et proposée par le Third World network-Africa (TWNA),
basé à Accra. La vision a été partagée avec les chercheurs et organisations de la
société civile africaine travaillant sur la question. Elle a pour objectifs :
– Documenter les pratiques actuelles en matière de gouvernance des ressources
naturelles et informer et sensibiliser les acteurs ouest-africains sur les règles
commerciales internationales qui gouvernent le secteur.
– Aider les États et les institutions régionales à devenir pleinement acteurs et à
jouer leur rôle d’interface entre les compagnies et les populations locales.
– Contribuer à déconstruire le discours économique dominant sur le rôle des
ressources naturelles, en particulier les ressources minières, dans la croissance et
le développement et fournir aux communautés les arguments nécessaires à leur
plaidoyer et à la défense de leurs propres intérêts.
– Appuyer les États et les institutions régionales pour accroître leurs capacités à
conclure des accords commerciaux qui défendent les intérêts nationaux et ceux
des populations pauvres.

29. Kingsley Igbor, art. cité.

42
Demba Moussa Dembélé

– Encourager une participative sélective de l’État dans certains secteurs


stratégiques pour avoir les moyens d’action et d’orientation sur l’ensemble de
l’économie.
– Mobiliser et informer les acteurs de l’Afrique de l’Ouest pour l’effectivité de la
responsabilité des entreprises extractives.

Changer de paradigme de développement


Mais il ne suffit plus seulement de mieux tirer profit des ressources minières et de
les mettre au service des populations. Il faut désormais chercher à transformer en Afrique
même une bonne partie de ces ressources dans le but de créer de la valeur ajoutée, des
emplois et retenir sur place les richesses ainsi générées pour accélérer le développement
du continent. En effet, pour le moment, l’économie de l’écrasante majorité des pays repose
sur l’exploitation des ressources naturelles et des produits de base. Par exemple, toutes
catégories confondues, les ressources naturelles (produits agricoles de base, bois d’œuvre,
métaux, minerais et hydrocarbures) contribuent à hauteur d’environ 35 % à la croissance
du continent africain depuis le début des années 2000. Les matières premières et produits
semi-transformés ont constitué quelque 80 % des exportations africaines en 2011. De même,
l’essentiel de l’investissement direct étranger (IDE) en Afrique a été consacré à des activités
liées aux ressources naturelles, notamment les mines et le pétrole30.
La forte proportion d’emplois dans le secteur primaire reflète par conséquent un
manque d’évolution structurelle et d’emplois productifs, mais constitue également l’avantage
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comparatif de l’Afrique, et, de ce fait, la base à partir de laquelle la transformation structurelle
doit s’opérer. La question devient alors : au vu de son avantage comparatif, comment l’Afrique
peut-elle parvenir à une croissance engendrant des emplois plus productifs ?
Pour la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la réponse
se trouve dans l’industrialisation, comme elle le préconise dans ses deux derniers rapports
économiques sur l’Afrique31. Mais des politiques industrielles viables devraient être conçues
dans un cadre sous-régional. La CEA est convaincue que l’Afrique pourra tirer profit de
sa richesse en ressources naturelles pour définir un modèle de développement durable
générant emplois et revenus pour toute la population du continent.
En résumé, il faut un autre paradigme de développement qui privilégie la transformation
structurelle des ressources au niveau interne, surtout dans un cadre sous-régional32.

30. CEA et UA, rapport de novembre 2013, op. cit.


31. Idem ; CEA et UA, rapport économique sur l’Afrique 2014, « Politique industrielle dynamique en Afrique »,
Addis Abéba, mars 2014.
32. Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Le développement économique
en Afrique ; rapport 2009, Renforcer l’intégration économique régionale pour le développement de l’Afrique, New York &
Genève, Nations unies, 2009.

43
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

Taxer convenablement les investisseurs étrangers


À cet égard, plusieurs pays ont réussi à renégocier les contrats miniers pour accroître
les revenus de l’État. D’autres sont en train de mettre en place de nouveaux codes plus
transparents en adhérant à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE),
une coalition de gouvernements et de groupes de la société civile qui s’efforce d’améliorer
la transparence dans la gestion des ressources naturelles. Cela obligerait les investisseurs à
déclarer leurs revenus, ce qui diminuerait les cas de fausses déclarations et de manipulations
des chiffres visant à soustraire à l’imposition des sommes considérables au détriment des
pays hôtes.
La Zambie est le septième producteur mondial de cuivre. Depuis 2011, le gouvernement
zambien applique un impôt de 30 % sur les sociétés minières. Ce qui a doublé les recettes
minières du pays entre 2010 et 2011, pour les porter à 1,36 milliard de dollars. La forte
demande de cuivre de la Chine et une légère hausse des prix ont également été responsables
de la hausse des recettes33.
Au Mali, le gouvernement a introduit un code minier en 2012 portant principalement
sur les questions environnementales. En Guinée, le code minier de 2011 est plus robuste
que celui du Mali et oblige les sociétés minières à signer un code de conduite contre les
pratiques de corruption et à assurer la formation des employés locaux. Il établit un seuil de
participation du gouvernement de 35 % au capital des projets miniers34.
Tout comme en Zambie, les recettes minières ont fortement augmenté au Ghana,
passant de 210 millions de dollars en 2010 à 500 millions en 2011, selon l’ITIE.
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Cependant, ces changements rencontrent de fortes résistances de la part des
investisseurs étrangers et locaux. C’est le cas notamment au Ghana où la Chambre nationale
des mines a exercé une forte pression sur le gouvernement pour qu’il renonce à son projet
d’augmentation de l’impôt sur les sociétés pour le faire passer de 25 % à 35 % ainsi qu’à
l’impôt de 10 % sur les bénéfices exceptionnels. Cependant, la chambre est à couteaux
tirés avec la National Coalition on Mining, un groupe de la société civile qui soutient les
hausses d’impôt35.

Éviter la « malédiction des ressources naturelles »


Plusieurs cas en Afrique, comme la RDC, le Nigeria, le Tchad, ont été cités comme des
cas auxquels s’applique ce qu’on appelle la « malédiction des ressources naturelles ». Cette
notion renvoie à la situation d’un pays disposant d’abondantes ressources naturelles mais
qui n’ont pas d’impact important sur les autres secteurs de l’économie. Mais cette notion
renvoie surtout à la situation où l’exploitation de ces ressources naturelles profite à une

33. Kingsley Igbor, art. cité.


34. Idem.
35. Kingsley Igbor, art. cité.

44
Demba Moussa Dembélé

petite minorité aux dépens de la grande majorité de la population. Cela engendre alors
des cycles de déstabilisation plus ou moins permanente, sous forme de guerres civiles, de
conflits frontaliers, d’instabilité sociale et politique. Cette instabilité a souvent pour cadre
les régions riches en ressources naturelles dont les populations se sentent exclues des
retombées de leur exploitation36.
Pour remédier à cela, on pourrait envisager l’adoption de politiques donnant la priorité
aux communautés vivant sur les sites d’exploitation. Ce sont des politiques de « discrimination
positive » en termes d’emplois, de distribution de revenus, d’amélioration des conditions
de vie (éducation, santé, assainissement, etc.) De telles politiques contribueraient ainsi à
une certaine justice sociale et atténueraient les causes de conflits résultant de la perception
d’une répartition non équitables des revenus.
Pour Carlos Lopes, le secrétaire exécutif de la CEA, « les ressources naturelles de
l’Afrique sont une bénédiction et non une malédiction ». Les mouvements sociaux africains
partagent ce point de vue. C’est pourquoi ils ont engagé la bataille pour la transparence
dans l’exploitation des ressources naturelles et pour une distribution plus équitable des
revenus tirés de celles-ci. À cet effet, des recommandations sont faites pour que les revenus
tirés de cette exploitation profitent en priorité aux populations vivant dans les zones riches
en ressources naturelles. Les emplois doivent être réservés aux jeunes issus de ces zones,
qui doivent également bénéficier en priorité d’infrastructures éducatives et sanitaires avec
les revenus générés par les ressources de leurs localités.

Conclusion
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L’Afrique dispose d’immenses ressources qui font l’objet d’une plus grande convoitise
résultant de la crise du capitalisme mondialisé et de l’irruption de nouveaux acteurs. Cette
convoitise se manifeste sous diverses formes, allant des interventions militaires au nom
d’objectifs « humanitaires » ou de la « lutte contre le terrorisme » au prétexte de la lutte
contre le changement climatique en passant par la promotion de l’agrobusiness. Ce qui est
inquiétant surtout, c’est l’irruption du secteur financier, avec les investissements massifs
des fonds de pension et des fonds spéculatifs sur les terres agricoles, devenues l’une des
principales sources de rentabilité du capital.
Certes, puisque les ressources naturelles (énergie, minerais et agriculture) resteront
l’avantage comparatif du continent dans un avenir proche, la priorité de l’Afrique pour sa
transformation active doit être la mise en place d’une économie reposant sur les ressources
naturelles, robuste et diversifiée. C’est dans ce contexte que des voix de plus en plus
nombreuses, en Afrique et ailleurs, s’élèvent pour préconiser la nécessité de changement
de paradigme pour que les ressources de l’Afrique soient mieux exploitées dans l’intérêt
des populations africaines. Le premier pas dans cette direction est le recouvrement de

36. CEA et UA, rapport sur le développement de l’Afrique 2007, « L’Afrique et ses ressources naturelles : le
paradoxe de l’abondance », Addis Abéba, mars 2007, p. 129, encadré 4.1.

45
Ressources de l̓Afrique et stratégie d̓exploitation

la souveraineté des peuples sur ces ressources. L’Afrique doit surtout éviter le bradage
de ses terres, car l’agriculture constitue la principale base de son développement et la
principale source d’éradication de la pauvreté. C’est pourquoi, pour éviter ce bradage,
les gouvernements doivent investir massivement dans l’agriculture, conformément à la
recommandation du sommet de Maputo (Mozambique) en 2003, préconisant de consacrer
au moins 10 % du budget national à l’agriculture.
Ensuite, il faudra mettre en œuvre des politiques visant à la transformation économique
interne de ces ressources pour créer de la valeur ajoutée. Pour éviter que les ressources
naturelles se transforment en « malédiction » et pour les transformer plutôt en chance,
il faudrait de la transparence, de l’équité, de la justice sociale dans leur exploitation et
la gestion des revenus. Des politiques sociales hardies visant à instaurer des politiques de
« discrimination positive » en faveur des populations vivant sur les zones d’exploitation
pourraient contribuer à cela.
L’Afrique est à un tournant historique assez favorable, avec la diversification des
partenaires et la possibilité de mieux tirer profit de ses immenses ressources naturelles
au bénéfice de ses populations. Dans cette perspective, elle doit repenser les objectifs
d’industrialisation et de développement à partir de l’utilisation efficace et rationnelle de
ses ressources naturelles en vue de la transformation structurelle du continent, comme
le préconisent les institutions sous-régionales et continentales, faisant écho aux appels
répétés des mouvements sociaux et partis politiques progressistes. Pour avoir des chances
de réussir, une telle transformation devrait être inscrite dans une perspective sous-régionale
et continentale.
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