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la presse égyptienne
Goetz Nordbruch, Traduit de l'anglais par Claire Darmon
Dans Revue d’Histoire de la Shoah 2004/1 (N° 180), pages 246 à 263
Éditions Centre de Documentation Juive Contemporaine
ISSN 1281-1505
ISBN 9782850567186
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par Goetz NORDBRUCH
Traduit de l'anglais par Claire Darmon
Introduction
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le national-socialisme
suscite un intérêt croissant au sein de l'opinion publique arabe. Alors
qu'auparavant, auteurs et intellectuels évitaient presque totalement
d'aborder ce thème - rejetant tout rapport entre le monde arabe et les
crimes nazis perpétrés par les Allemands -, récemment, ce vide a été
comblé. Un certain nombre d'événements impliquant inévitablement la
mention du national-socialisme et de ses crimes - comme la visite planifiée
de Yasser Arafat au musée de la Shoah à Washington en 1998 - ont
déclenché des réactions controversées dans les médias arabes. Ces
dernières années, des intellectuels comme Edward Said et Hazem Saghieh
ont, à plusieurs reprises, remis en cause cette esquive délibérée du sujet et
demandé au public arabe de reconnaître la Shoah comme un crime extra-
ordinaire contre l'humanité. Cependant, les Israéliens demeurent fréquem-
ment accusés de déformer l'histoire nationale-socialiste, de la falsifier et de
l'exploiter afin d'exercer un chantage sur l'opinion publique mondiale 2.
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première traduction en arabe du livre controversé de Norman Finkelstein
L'Industrie de l'Holocauste était en vente à Beyrouth et au Caire avant
même qu'une traduction en allemand paraisse en librairie.
1. Pour une exception, avec une étude de l'impact de l'idéologie nazie chez les intellec-
tuels arabes, voir Ahmed Abd al-Halim Atiyya, « Abd al-Rahman Badawi - Du nazisme au
libéralisme » (en arabe), Riwaq Arabi n° 18, 2000, p. 21-38.
2. Voir le chapitre « L'Holocauste. Le mensonge de la Mahraqa (Holocauste) et la tenta-
tive de brûler Garaudy » in Muhammad al-Ghiyati, Israël pille les lettres égyptiennes (en
arabe). Le Caire, Madbuli, 1997 ; le chapitre « Les Juifs et l'Allemagne » in Hamdi al-
Tahiri, Les Juifs et leur État (en arabe), Le Caire, Maktaba al-Adab, 2001, le chapitre
« Zola, Faurisson, Garaudy et les juges sionistes » in Ashraf al-Dabagh, Les Péchés
d'Israël. Le sionisme et l'effondrement de l'Union soviétique (en arabe), Le Caire, Gama’a
Hur al-Thaqafa, 2000 ; le chapitre « L'Holocauste : le service funèbre qui n'en finit pas »
in Muhammad Galal Anayya, Le Pouvoir juif en Amérique (en arabe), Le Caire, 2001 ; et
Mustafa Mahmud, Israël nazi et le langage de l'Holocauste (en arabe), Le Caire, Dar
Akhbar al-Yaum, 2001. Parmi les autres livres abordant le nazisme, un certain nombre de
volumes traitent des « personnalités du XXe siècle ». À titre d'exemple, voir le chapitre sur
Adolf Hitler dans Ahmad Hassan, Les Maux du monde (en arabe), Le Caire, Dar Akhbar al-
Yaum, 2000.
discursive du nazisme pour leur propre cause. Point de référence historique
exceptionnel pour solliciter un soutien international et une intervention, la
reconnaissance des persécutions racistes et antisémites allemandes autorise
l'établissement de parallèles et de comparaisons avec un précédent histo-
rique reconnu. Auxiliaire complexe des attaques contre Israël, ces
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dernières années, le nazisme est devenu un langage codé multifonctionnel
dans les discours publics arabes 1.
1. Parmi les études menées sur les rapports entre le nazisme et le monde arabe, citons
Stefan Wild, « National Socialism in the Arab Near East Between 1933 and 1939 », in Die
Welt des Islams, vol. 27, 1985, p. 126-173 et Edmond Cao-Van-Hoa, « Der Feind meines
Feindes... » in Darstellungen des nationalsozialistischen Deutschlands in ägyptischen
Schriften, Francfort-sur-le-Main, Europäische Hochschulschriften, 1990.
2. Bernard Lewis, Sémites et Antisémites, Paris, Fayard, 1987, p. 340.
des motifs qui reviennent dans d'innombrables discours publics arabes
contemporains 1.
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zons politiques et religieux. Après avoir décrit l'accueil enthousiaste
réservé par l'opinion publique au négationniste français Roger Garaudy et
à son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne paru en 1995,
on exposera la controverse sur la conférence internationale intitulée
« Révisionnisme et sionisme » qui avait été prévue à Beyrouth pour mars
2001. L'analyse des articles publiés en amont et en aval de la conférence
de l'ONU contre le racisme à Durban en août 2001 pour étayer les compa-
raisons entre le nazisme et le sionisme mettra en évidence l'existence de
textes plus récents formulant des approches de l'histoire nazie communé-
ment répandues dans l'opinion publique arabe.
1. Les théories du complot dans le monde arabe attirent de plus en plus l'attention d'intel-
lectuels arabes qui ont exprimé leur inquiétude face à l'impact négatif de ces interprétations
de la société. Des exemples détaillés de réflexions sur la conspiration sont fournis par
Bassam Tibi, Die Verschwörung. Das Trauma arabischer Politik, Munich, Deutscher
Taschenbuch Verlag, 1994. L'une des rares études sur le contexte socio-psychologique de
ces points de vue se trouve dans Marvin Zonis et Craig M. Joseph, « Conspiracy Thinking
in the Middle East », Political Psychology, n° 15, 1994, p. 443-459. La présence de stéréo-
types antisémites dans les pays arabes en général et en Égypte en particulier est attestée par
diverses études. La majorité d'entre elles se limitent cependant à des recensements descrip-
tifs des images actuelles, à la notable exception de celle de Hazem Saghieh, Les Nationa-
listes arabes du Levant. De Dreyfus à Garaudy (en arabe), Beyrouth, Riad El-Rayyes
Books, 2000. Saghieh remonte aux sources de la pensée antijuive dans les idéologies natio-
nalistes. Parmi les autres études publiées dernièrement, cf. Said Ismail Daif Allah, L'Autre
dans la culture populaire, Le Caire, Centre d'études sur les droits de l'homme, 2001 ; al-
Tahir Labib, « L'Autre dans la culture arabe » (en arabe), in L'Image de l'Autre, la percep-
tion des Arabes et la façon dont ils sont perçus (en arabe), sous la direction de al-Tahir
Labib (Beyrouth, Centre d'études sur l'unité arabe, 1999), p. 187-227 ; Abd al-Basit Abd
al-Ma’ati, « La perception de l'Israélien par l'Égyptien. Entre la culture publique et le spec-
tacle télévisé » (en arabe) in L'Image de l'Autre. La perception des Arabes et la façon dont
ils sont perçus, op. cit., p. 357-372 ; Hilal Khasan, « Arab Attitudes Toward Israel on the
Eve of the New Millennium », The Journal of Social. Political and Economic Studies, vol.
25, été 2000, p. 132-229.
conclusions sur les sentiments et interprétations de l'opinion publique.
Cependant, si cette étude porte principalement sur les débats en Égypte, ses
conclusions ne se limitent pas aux discours tenus dans l'opinion publique
égyptienne. Malgré l'augmentation du nombre de médias arabes allant
dans le même sens, qu'il s'agisse de journaux, de radios ou de télévisions,
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l'importance des médias égyptiens demeure inégalée pour former et
refléter l'opinion publique des autres pays arabophones.
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Liban, et donna de nombreuses conférences sur son livre et sur les accusa-
tions et poursuites dont il était l'objet. L'immense intérêt suscité par ses
thèses lui valut un accueil triomphal à la Foire internationale du livre du
Caire en février 1998, où il donnait une conférence. Quelques jours seule-
ment avant que le tribunal de Paris ne rende son verdict, Garaudy bénéfi-
ciait d'un soutien populaire revêtant diverses formes : rassemblements,
lettres de protestation émanant d'institutions comme l'Association des
écrivains palestiniens et dons pour aider au financement de son procès.
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bénéficié la publication de son introduction, c'est Muhammad Salmawy
qui fournit l'exemple le plus frappant parmi les accueils faits aux Mythes
fondateurs. Rédacteur en chef du journal francophone Al-Ahram Hebdo et
assistant du prix Nobel Naguib Mahfouz, il propose une interprétation de
l'action en justice intentée contre Garaudy qui reprend les points de vue
communément formulés dans l'opinion égyptienne 2. Dans cet article paru
en février 1998, qu'il a intitulé « Cherchez les Juifs ! », Salmawy aborde
trois sujets alors d'actualité3. Outre le sort de Garaudy, il fait allusion aux
restrictions juridiques imposées à David Irving ainsi qu'au procès de
Monica Lewinsky aux États-Unis. Son article début ainsi :
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nature de la France comme terre de libertés. Se référant à la loi Gayssot
votée en 1990 par l'Assemblée nationale pour lutter contre le nombre
croissant de publications encourageant l'antisémitisme et la négation de la
Shoah, Salmawy affirme que la mesure juridique adoptée contre la mise en
doute radicale des crimes commis contre l'humanité définit « l'humanité
non comme l'ensemble du genre humain, mais plutôt comme les six
millions de Juifs qui auraient été exterminés par le régime nazi d'Hitler en
Europe pendant la dernière guerre mondiale ». L'unique crime commis par
Garaudy, poursuit Salmawy, est d'avoir émis des doutes sur le nombre réel
de victimes juives de la Shoah. Si seulement quatre millions de Juifs
vivaient en Europe à l'époque, le nombre de six millions de Juifs tués par
les nazis est dénué de toute pertinence. Salmawy reprend en outre l'affir-
mation de Garaudy quant à l'impossibilité d'avoir utilisé des chambres à
gaz pour tuer des êtres humains : « D'un point de vue technique, l'idée
elle-même [dit Garaudy] est une impossibilité. Jusqu’à aujourd'hui,
personne n'a expliqué comment ces supposés fours fonctionnaient. » En
dépit de sa réputation et de sa participation à la Résistance lors de l'Occu-
pation, Garaudy est devenu la victime d'un acharnement public orchestré
par des groupes juifs contre lui et ses partisans.
Salmawy insiste sur le fait que ces campagnes ne sont pas sans précé-
dents. L'exemple de David Irving dont le dernier livre sur Joseph Goebbels
fut refusé par la plupart des maisons d'édition montrerait l'existence
d'autres campagnes de ce type menées contre des historiens mettant en
cause l'existence des chambres à gaz et la politique antisémite d'Adolf
Hitler. Selon lui, les limitations de déplacement imposées à Irving par suite
de sa participation et de ses contributions à des réunions internationales
d'extrême droite en Europe, aux États-Unis et au Canada constituent de
même des tentatives pour saper la recherche historique. Le lien explicatif
qu'établit Salmawy entre les incidents évoqués devient évident dans sa
conclusion rhétorique :
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rieur visant à défendre son point de vue, il insiste sur le caractère descriptif
de son texte et rejette avec véhémence les arguments l'accusant de soutenir
Garaudy et Irving. En dépit de ces tours rhétoriques visant à suggérer une
position neutre dans la controverse, la vision sous-jacente proposée par
Salmawy n'est pas anodine. L'idée d'une main cachée préparant des lois,
les faisant voter et appliquer en Europe et aux États-Unis et contrôlant
l'opinion publique à travers les médias et le marché du livre fait écho à des
théories du complot fortement répandues. La façon dont Salmawy présente
ces complots ne laisse aucun doute quant à leur origine. Alors que la
plupart des auteurs limitent soigneusement leurs accusations à Israël ou au
sionisme, Salmawy assimile ouvertement la puissance cachée aux
« Juifs ». Les médias internationaux ainsi que la politique internationale
sont ainsi présentés comme dirigés par des forces juives utilisant tous les
moyens possibles pour atteindre leurs objectifs.
Cet article reflète l'une des principales approches du nazisme que l'on
retrouve dans les réactions du public égyptien aux Mythes fondateurs 1. La
plupart des auteurs, loin de le traiter comme un sujet d'intérêt universitaire,
se sont abstenus d'approuver la validité historique des thèses de Garaudy.
Cependant, les longues citations non commentées de ses livres ou de ses
conférences ne laissent aucun doute quant à leurs positions. En exprimant
des doutes quant au discours historique officiel tout en dénonçant un
supposé plan secret mis en œuvre par le sionisme, ces points de vue repren-
nent des interprétations que l'on retrouve de manière récurrente dans
l'opinion égyptienne sur d'autres aspect de la société. En fin de compte, en
tant qu'exemple de discours sur les complots et les forces occultes, la
présentation des Mythes fondateurs et de la manière dont ce livre aborde
l'histoire nazie reflète des approches courantes dans la société.
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préparatifs de cette conférence prévue en mars 2001 à Beyrouth sur le
thème « Révisionnisme et sionisme » furent abondamment couverts par les
médias aussi bien locaux qu'internationaux. Après les premiers rapports
qui révélaient les liens des organisateurs de la conférence avec l'extrême
droite internationale, des protestations émanant des États-Unis, d'Europe
et d'Israël relancèrent le débat dans le public arabe. Malgré l'annulation de
la réunion par le Conseil des ministres libanais quelques jours avant la date
prévue, la controverse sur la conférence et son interdiction furent l'occa-
sion d'un débat sur les objectifs des organisateurs et leur pertinence pour
le monde arabe. Tentative patente de s'adresser au public arabo-islamique,
la conférence reflétait les débats en cours au sein de la droite occidentale à
propos de ses liens avec les mouvements politiques islamiques et arabes 2.
L'empressement des éditeurs du monde arabo-islamique à traduire et à
publier les travaux de ces représentants de l'extrême droite encourageait ce
type d'approche. Escomptant l'intérêt porté à la conférence, l'un de ses
organisateurs, le Suisse Jurgen Graf qui, dit-on, avait élu résidence en Iran
après avoir été condamné à une peine de prison dans son pays, souligna que
« ceux qui mentent en permanence à propos des “chambres à gaz” et des
“six millions” sont précisément ceux qui s'acharnent à calomnier l'Iran et
la révolution islamique. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui propagent l'avor-
tement, les droits des homosexuels [...], le porno hard et autres
abominations3 ».
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déclenchèrent, tant à l'encontre des signataires que du gouvernement liba-
nais, des accusations de trahison de la cause arabe et de soumission à
l'ennemi, voire de collaboration.
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défend une approche analogue de la Shoah et exprime son soutien aux
signataires de la lettre ouverte 1. Mettant en doute la pertinence des thèmes
prévus pour la conférence de Beyrouth, il considère l'Holocauste nazi
perpétré contre les « Juifs, Tsiganes, Russes ainsi que contre les Arabes »
comme une occasion de bénéficier d'un soutien international pour mettre
fin à « l'Holocauste contemporain » dont les Palestiniens sont victimes :
« Aucun Arabe n'a quoi que ce soit à voir avec les crimes perpétrés contre
les Juifs livrés aux nazis européens. » En revanche, « les Palestiniens et les
Arabes sont victimes de l'Holocauste sioniste qu'est l'extermination du
peuple arabe de Palestine ».
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participants prévus pour la conférence de Beyrouth. Tandis que l'article de
Faurisson brossait un tableau général du négationnisme en Europe et aux
États-Unis, la réimpression d'une lettre ouverte du directeur de l'IHR,
Mark Weber, au poète libanais Adonis mettait l'accent sur les positions en
faveur de la conférence de Beyrouth. Dans sa rubrique hebdomadaire,
Ahmad al-Khamisi fait précéder cette lettre d'une brève présentation
élogieuse de l'IHR et de ses activités, et il reprend les accusations de
Weber à l'encontre d'Adonis et des signataires de la lettre contre la confé-
rence, qu'il décrit comme des traîtres non seulement à la cause arabe et
palestinienne, mais également à ceux qui recherchent la vérité historique.
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en définitive une réinterprétation du nazisme présenté comme un crime
regrettable, mais dénué de spécificité.
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dentale moderne1. Al-Missiri conclut que les crimes du nazisme reflètent les
tendances immanentes de la « civilisation d'extermination » occidentale 2.
En conséquence, les persécutions antijuives et notamment la Shoah sont
l'expression de la pensée occidentale moderne. Exemple historique de ces
tendances, les crimes allemands perpétrés contre les Juifs sont considérés
comme un précédent de la politique israélienne à l'égard des Palestiniens.
1. Abd al-Wahab al-Missiri, Sionisme, nazisme et fin de l'histoire (en arabe), Le Caire,
Dar al-Shuruq, 1997.
2. Al-Missiri, interview, in al-Djadidfi-Alam al-Kutub w-al-Maktabat, hiver 1997, p. 45.
3. Al-Arabi, 29 avril 2001.
4. Al-Arabi, 6 mai 2001.
matisme semblable à celui d'Hitler, mais il a commis et commet contre les
Arabes des actes plus répugnants » que les nazis n'en ont commis contre les
Juifs. Hitler, enfin, n'est qu’« un disciple de second plan dans l'école israé-
lienne de terrorisme et de racisme1 ». Outre d'autres accusations -
l'« Holocauste sioniste » en cours aurait causé plus de cinq millions de
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victimes —, Gamal Fahmi conclut finalement que si quelqu'un devait se
plaindre de la comparaison entre Pérès et Hitler, « nul doute que c'est le nazi
qui a été traité injustement2 ».
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le sionisme. Réduire la pensée occidentale à l'idéologie nazie et présenter
le sionisme comme son héritier le plus moderne brouille ainsi toute pers-
pective historique. Dans le contexte de la conférence de Durban et de
l'affrontement auquel elle a donné lieu entre les États-Unis et l'Union
européenne d'une part, et les États arabes les plus islamistes de l'autre, la
description d'un « Israël nazi », représentant une « civilisation occidentale
d'extermination » justifiait les demandes de condamnation d'Israël et de sa
politique « d'occupation » par la communauté des nations.
Conclusion
Deux ans après l'acmé des répercussions, l'esprit de Garaudy demeure
manifeste dans les médias arabes. Loin de constituer des arguments appli-
qués temporairement au conflit arabo-israélien, les accusations de falsifi-
cation et de déformation du nazisme et de la Shoah resurgissent
régulièrement. Bien que des personnalités publiques aient renouvelé leurs
appels au public pour une reconnaissance de la Shoah en tant que fait histo-
rique, le négationnisme continue à se répandre ouvertement.
Ce tour d'horizon de trois controverses majeures sur le nazisme met en
évidence la variété des arguments - du négationnisme aux comparaisons.
Fournissant un lien argumentatif, le débat sur Garaudy a permis de
surmonter le silence délibéré qui avait tant perduré dans le discours public
égyptien s'agissant du nazisme. Les perceptions évoluant de l'évitement
volontaire à la minimisation, le nazisme et ses crimes sont devenus un
élément discursif des controverses publiques.
Ces interprétations de l'histoire nazie sont de toute évidence liées à des
points de vue exprimés sur l'évolution des événements après la Shoah.
Dans le récit historique dominant, les hypothèses générales de complot
présentées comme des forces sociales et politiques majeures s'accompa-
gnent d'accusations de distorsion et de falsification constantes des événe-
ments. L'histoire ainsi que l'évolution politique et sociale contemporaine
sont alors interprétées comme des complots fomentés à des fins politiques
particulières. L'interprétation d'Israël, du sionisme, et en fin de compte des
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l'image qui est donnée des Juifs. Mises en relief par l'exclamation de
Salmawy « Cherchez les Juifs ! », les références aux « Juifs », au
« sionisme » et à « Israël » fonctionnent comme des synonymes. L'appli-
cation de stéréotypes antijuifs dans les débats sur le nazisme et la Shoah et
en particulier l'histoire post-Shoah constitue une caractéristique frappante
des controverses analysées. La description des Juifs comme des êtres sour-
nois et conspirateurs peut être identifiée comme un moyen de représenta-
tion courant. Cependant, ces modèles d'interprétation ne se limitent pas
aux controverses sur l'histoire nazie. Les théories de conspiration et les
accusations de complots juifs reviennent régulièrement pour expliquer
divers phénomènes sociaux et politiques.
Dans ses écrits les plus récents, Edward Said illustre les limites de ces
changements sensibles des perceptions de l'histoire national-socialiste par
le public arabe 1. Étant l'une des rares voix appelant ouvertement à une
reconnaissance de la Shoah en tant que crime particulier perpétré contre les
Juifs européens, Said a insisté à plusieurs reprises sur les comparaisons
symboliques établies entre la Shoah et les souffrances palestiniennes sous
occupation israélienne. À l'instar d'al-Missiri dont la reconnaissance de la
Shoah se fonde sur l'importance des crimes nazis pour illustrer ce qu'il
présente comme les menaces inhérentes à la pensée occidentale moderne,
Said fait allusion à la fonction de la Shoah comme moyen rhétorique dans
son argumentation. Le national-socialisme en général et la Shoah en parti-
culier servent de précédents historiques permettant de fonder des appels à
des interventions internationales, des réclamations d'indemnités ou des
demandes de procès internationaux comparables au procès de Nuremberg
pour les criminels de guerre allemands.
À cet égard, les changements analysés et la variété des interprétations
publiques du nazisme demeurent ambivalents. Parallèlement à une tendance
de plus en plus affirmée à reconnaître l'impact de la Shoah, ces interpréta-
tions tendent à être exploitées dans l'argumentaire anti-israélien. En tant que
source fondamentale de légitimation de la politique israélienne, la Shoah - et
l'affirmation d'une répétition de la Shoah dans les territoires palestiniens -
se retourne contre le récit israélien. Selon ces points de vue, les exigences
palestiniennes sont légitimes non pas malgré la Shoah mais à cause d'elle.