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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
Anne Cornet
Politiques de santé et contrôle social au Rwanda. 1920-1940 1
1. Karthala, 2011.
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
les années 1930 (après celle venue du Congo au début du siècle et combattue
par les Allemands) et surtout le pian. Cette maladie, très répandue, avec ses
plaies invalidantes, est combattue méthodiquement à partir de 1933, à coup
de campagnes itinérantes, appuyées sur un recensement médical systématique
et l’obligation de se faire traiter. Les injections de Salvarsan (un médicament à
base d’arsenic) obtiennent des résultats rapides qui impressionnent favorable-
ment la population, malgré le poids des corvées, des contraintes et des puni-
tions collatérales. Cette action, menée durant cinq ans, est une manifestation
éclatante de l’administration indirecte, puisque les autorités coloniales tra-
vaillent avec les autorités dites coutumières, selon des instructions données en
kinyarwanda par le mwami Mutara lui-même.
La même ambiguïté se retrouve dans la politique hygiéniste, à l’instar
des autres colonies : elle produit dès la fin des années 1920 un apartheid spatial
dans les agglomérations et une véritable police de la vie quotidienne (interdic-
tion des vêtements traditionnels, obligation de se raser).
L’action sanitaire missionnaire apporte un éclairage original sur des
aspects souvent méconnus de la présence européenne au Rwanda, notamment
sur le rôle des femmes et, dans ce monde colonial « confessionnel » dominé par
l’Église catholique, le rôle des protestants. Ces derniers (la Société belge de mis-
sions protestantes au Congo, créée en 1910 en Wallonie et qui reprend les missions
allemandes, les anglicans de la Church Missionary Society, venus d’Ouganda,
et les adventistes) sont accueillis par l’administration en fonction de leur pro-
fessionnalisme : personnel diplômé, création d’hôpitaux (la CMS à Gahini, les
adventistes à Ngoma), formation d’infirmiers africains.
La contribution féminine y est majoritaire. Du côté catholique, ce sont
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Lestrade (un ancien des missions protestantes), publiées à Tervuren en 1972,
auraient pu être utiles. Malgré l’absence de sources orales, des indications (des
objets, des situations, des notes biographiques), livrées au fil du texte, auraient
pu être davantage mobilisées selon l’esprit de la Vision des vaincus de Nathan
Wachtel.
Une dernière observation : quelques passages montrent comment, dès
les années 1930, les pères blancs tendent à confondre globalement autorités ou
cadres rwandais 2 et identité tutsie (tel le cas de la mission de Rulindo, située au
nord du pays), alors que des observations multiples (voir p. 418-424) attestent
que, par exemple, les réticences des Hutus et des Tutsis sont rigoureusement les
mêmes dans la question de la pudeur féminine. Jean-Pierre Chrétien 3
Béatrice Steiner
Cybercafés de Bamako. Les usages de l’Internet au prisme des classes
d’âges et de parenté 4
2. Les « Karavi », tels que transcrits effectivement recrutés surtout chez CNRS et spécialiste de l’Afrique des
dans la revue Grands Lacs en 1935, les Tutsis ? Grands Lacs.
ne sont-ils pas les karani, les 3. Jean-Pierre Chrétien est historien, 4. Karthala, 2011.
auxiliaires de l’administration, ancien directeur de recherches au
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d’ethnographie 5 . Elle a complété cette observation par des entretiens fouillés
consacrés à l’étude de parenté et aux représentations d’Internet et usages des
internautes. Constatant que « les différences de pratiques d’un cybercafé à
l’autre restent marginales par rapport aux grandes tendances qui les traver-
sent », Béatrice Steiner rend compte successivement de trois espaces sociaux
qui composent selon elle le grand espace social du « Cyber ». Dans chacun de
ces espaces, « Ego » – le client du cybercafé et héros de l’ouvrage – entretient
des relations particulières avec ses pairs et les membres de sa famille, dont les
rôles sont typifiés et limités en nombre 6 . Ces espaces sont le « cybercafé » (cha-
pitre 7), le « tiers espace 7 » (chapitre 8), et le « cyberespace », où Ego évolue avec
ses correspondants (chapitre 9).
Résumons rapidement, pour chacun d’entre eux, les résultats de la
recherche. Concernant le « cybercafé », la proposition la plus importante est
sans doute que « tout le monde n’[y] est pas également bienvenu ni à l’aise car
tout ne peut se partager avec tous […]. Entre la rhétorique des promesses de
l’universalité du savoir et la réalité des pratiques, écrit Béatrice Steiner, l’écart
est important » (p. 167). Les profils des clients restent en effet relativement
homogènes et c’est un « monde de pairs » que le lecteur découvre, jeune (15-
35 ans), masculin, où la liberté de parole est de mise (on y plaisante, on y parle
des filles et on y drague) et où complicité et concurrence sont visibles autour
d’usages dominants qualifiés de « ludiques » (courriels et chats sont majoritai-
res devant les sites de sport, musique, turfisme, pornographie, d’astrologie ou
d’actualités people). Par voie de fait, la relation avec les aînés y serait compli-
quée, ces derniers ne souhaitant pas « perdre la face » nous dit l’auteur, soit en
étant témoin des pratiques « transgressives » des cadets, soit en rendant visi-
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5. Dans sa restitution du processus cybercafé, ses « initiateurs » à personnes auxquelles Ego confie son
d’enquête pour laquelle elle a pris l’informatique, ses « grands mot de passe), et enfin les
grand soin de s’inclure, on y apprend argentiers » qui financent sa « mandants », c’est-à-dire les
qu’elle y a successivement endossé connexion, les « correspondants personnes qui l’ont chargé d’aller
les rôles de simple cliente, de courriel et correspondants chats » chercher des informations sur
gérante, pour se fixer sur celui, le plus bien sûr, les « muses-adresse Internet ou de consulter leur boîte à
approprié, de visiteuse complice avec électronique et muses- leur place (p. 62-63).
les propriétaires et gérants. cryptogramme », c’est-à-dire les 7. Défini comme celui qui « réunit une
6. Il y a les « utilisateurs » qui sont les personnes dont le nom ou le surnom foule d’acteurs […] que l’on ne
autres clients du cybercafé, le ont inspiré Ego pour construire son rencontre jamais dans le cybercafé
« gérant » du lieu, les mot de passe et son adresse mais qui contribuent activement aux
« accompagnants » d’Ego au électronique, les « confidents » (les pratiques numériques d’Ego » (p. 64).
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[par qui on est commissionné pour aller au cybercafé] diffèrent selon leur âge
et leur sexe, ils ont cependant un point commun : tous cherchent à préserver
quelque chose » : la « face » pour les aînés, la « réputation » pour les jeunes fem-
mes et les « dépenses intempestives » pour les jeunes garçons ; que les consan-
guins sont les « confidents » (à qui on confie son mot de passe) les plus appréciés
(mère, frères et sœurs, amis très proches parfois) ; qu’entre alliés ce mot de
passe peut devenir un enjeu de lutte et un moyen de contrôle, notamment des
époux sur les épouses ; et que les jeunes cachent parfois leur fréquentation des
cybercafés ou minimisent l’aspect « ludique » de leurs usages vis-à-vis d’aînés
qui souvent financent la connexion mais « craignent de perdre le contrôle » sur
leurs cadets.
Dans le « cyberespace » enfin, pairs et parents sont cette fois tous deux
présents, sous le visage de correspondants courriel et chat. Deux principales
propositions ressortent. D’abord, dans le cadre des relations et des obligations
financières familiales, le caractère asynchrone du courriel, en faisant effet de
« paravent », donnerait une marge de manœuvre plus grande aux cadets qui ose-
raient plus vis-à-vis de leurs aînés. La rapidité de la communication faciliterait
également les demandes matérielles et augmenterait ainsi la pression sur ces
derniers, notamment ceux vivant à l’extérieur 8 . Ensuite, ce même effet « para-
vent » et la possibilité de correspondre hors réseau social d’origine avec ses pairs
(l’auteur insiste sur le succès du « bavardage » en chat) ouvriraient des espaces
de discussion à la fois plus individualisés et où la parole circule plus librement.
Comme l’attestent ces résultats, l’auteur a souhaité relever le défi de
l’égale importance accordée au dispositif technique et aux rapports sociaux
d’âge et de parenté, sans trancher entre primauté du média et primauté de l’uti-
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traversent la société malienne (re-moralisation de l’espace public, monétarisa-
tion des rapports sociaux, multimédiatisation). Thomas Perrot 9
Pierre Vermeren
Maghreb, les origines de la révolution démocratique10
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populaire et démocrate » des islamistes et « leur nécessaire cohabitation avec
la frange moderniste et mondialisée11. Les alliances politiques post-électora-
les qui se sont mises en place en Tunisie entre les islamistes d’Ennahda et les
démocrates laïcs du CPR (Congrès pour la république) et d’Ettakatol semblent
lui donner raison.
Vibrant plaidoyer pour la démocratie au Maghreb, l’ouvrage apporte
donc un éclairage informé et inscrit dans la longue durée sur les dynamiques
politiques, culturelles, sociales et économiques dont la conjonction a rendu
possibles les changements en cours. Cet éclairage relativise aussi un tant soit
peu l’argument de l’imprévisibilité des révolutions arabes – même s’il est vrai
que nul spécialiste de la région, quelle que soit sa discipline, ne peut dire qu’il
les avait prévues – et donne sens à ce « surgissement de l’inattendu12 » qu’elles
ont incarné. Il convient de donner acte à Pierre Vermeren d’avoir restitué l’in-
telligibilité de ces évolutions même si son propos initial n’en était pas annon-
ciateur, et à l’historien de rappeler aux politologues combien la prise en compte
du temps long est indispensable à la compréhension du présent.
Le politologue, justement, s’autorisera néanmoins trois remarques criti-
ques inspirées par la lecture de la conclusion de l’ouvrage. La première a trait à
la démocratisation des « États africains, notamment maghrébins » qui, « durant
les années quatre-vingt… passait pour une douce utopie ». Il y a là comme une
confusion : si les États africains dont il est question incluent ceux d’Afrique
subsaharienne, alors il faut préciser que ceux-ci ont, pour la plupart, connu
leurs revendications démocratiques dès la fin de ces années-là et que, dans le
cas du Bénin notamment, la fin du régime autocratique de Mathieu Kérékou
s’amorce antérieurement à la chute du Mur. Si l’on doit parler d’un « Printemps
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11. Petite remarque : la distinction G. Kepel, F. Burgat et d’autres ont, 12. Dobry, M. (1995), « Les causalités
entre ces franges qui seraient par-delà leurs divergences d’analyse, de l’improbable et du probables.
« mondialisées » et les islamistes qui, montré que l’islamisme, y compris Notes à propos des manifestations de
c’est dit implicitement, ne le seraient sous sa forme violente et 1989 en Europe centrale et
pas est pour le moins sujette à déterritorialisée, s’inscrit dans la orientale », Cultures et Conflits, n° 17.
discussion. Des spécialistes de l’islam mondialisation et se nourrit de ses
comme O. Roy, P. Haenni, B. Soares, dynamiques paradoxales.
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accommodée après La Baule – et s’accommode encore – de la survivance de
régimes autoritaires en Afrique, y compris dans sa partie nord, la Françafrique
a su se recomposer en s’adaptant à la nouvelle donne « démocratique » et au
principe de conditionnalité dont le moins qu’on puisse dire est qu’il fut et reste
à géométrie variable. Cela ne veut pas dire que l’environnement international
n’a eu aucun impact sur les revendications démocratiques, mais c’est vraisem-
blablement dans la mondialisation de la norme démocratique, qui a aiguisé
le désir de démocratie des populations arabes, qu’il faut rechercher celui-ci,
davantage que dans les desseins démocratiques de l’administration de Georges
W. Bush, fussent-ils drapés dans les oripeaux du « Grand Moyen-Orient », qui
seraient entrés en résonance avec le volontarisme pro-démocratique français
et européen.
La troisième renvoie à l’effet d’aubaine qu’ont représenté les attentats
du 11 septembre 2001 pour les régimes autoritaires arabes (et subsahariens),
qui en ont profité pour revenir sur les timides réformes libérales qu’ils avaient
engagées et renouer avec leurs pratiques ultra-répressives. Le phénomène n’a
pas échappé à Pierre Vermeren mais il en tire une conclusion contestable. Son
hypothèse selon laquelle, aussi bien pour les autorités américaines que pour les
Européens, la chasse aux salafistes djihadistes n’aurait été qu’une « première
étape » préludant à une seconde qui aurait été une « contagion démocratique
étendue à l’ensemble du bassin méditerranéen » ignore le fait, avéré, que le sou-
tien des démocraties occidentales aux autoritarismes arabes a été sans faille au
nom de la lutte contre la « menace » islamiste. Et qu’il a fallu les soulèvements
populaires que l’on sait pour que Ben Ali, Moubarak et Kadhafi soient « lâchés ».
On pourrait ajouter que ce soutien aveugle a été contre-productif puisque, loin
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Scott Straus et Lars Waldorf
Remaking Rwanda. State Building and Human Rights After Mass Violence14
14. University of Winconsin Press, 15. En particulier celles de Bert (p. 240-251) et Susan Thomson
2011. Ingelaere (p. 67-78), Catharine (p. 331-339).
Newbury (p. 223-239), An Ansoms
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autant, les inégalités ne recouvrent pas toujours les lignes ethniques comme
le prétendent les auteurs. Ainsi, le monde des affaires rwandais a vu émerger
de grandes entreprises dirigées par des personnalités hutues16 . D’autre part,
les auteurs semblent ignorer que les paysans pauvres, hutus comme tutsis,
partagent le même quotidien. La lecture « ethnicisante » des réalités sociales,
économiques et culturelles se poursuit dans la critique des politiques de récon-
ciliation nationale menées depuis la fin du génocide.
Si certains points – comme la loi sur le « divisionnisme » – méritent en
effet d’être soulevés17 leur examen n’est guère alimenté d’études de cas concrets.
Plutôt qu’une analyse surplombante d’un texte de loi, on aurait souhaité un
exposé nourri par des exemples tirés de son application – qui aurait sans doute
donné plus de poids à la critique. La question pertinente relève moins, à notre
sens, de la prolifération législative que d’une appréhension judiciarisée du passé
en l’absence de tout enseignement de l’histoire depuis 1994. Le problème n’est
cependant guère posé en ces termes. Au contraire, les contributions recondui-
sent la logique manichéenne qu’ils dénoncent pourtant avec force quand celle-
ci est produite par le régime de Kigali, au prix parfois d’erreurs grossières.
Ainsi, dans sa contribution consacrée aux mémoriaux du génocide, Jens
Meierhenrich (London School of Economics)18 impute au pouvoir en place la
volonté d’effacer la mémoire des massacres en changeant les toponymes. Si la
restructuration administrative a en effet conduit à un tel phénomène, le régime
n’a pourtant pas modifié le nom des cours d’eau comme l’affirme l’auteur. Selon
lui, certains lieux marqués par l’histoire du génocide comme les ponts sur la
rivière Nyabarongo seraient purement et simplement sacrifiés à la logique de
la modernisation des infrastructures. Faut-il rappeler que les commémorations
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16. Nous pensons à Gérard Sina, Underdemocratic Nature of 18. Jens Meierhenrich,
PDG de l’une des plus importantes Transition in Rwanda” (p. 25-47) et “Topographies of Remembering and
firmes agroalimentaires, Urwibutso. Lars Waldorf, “Instrumentalizing Forgetting. The Transformation of
17. Voir sur ce point les contributions Genocide. The RPF’s Campaign Lieux de Mémoire in Rwanda”,
de Thimothy Longman, “Limitations Against ‘Genocide Ideolog’” p. 283-296.
to Political Reform. The (p. 48-86).
Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
paradoxalement absent de la réf lexion. La singularité du génocide – en par-
ticulier l’atteinte profonde qu’il a imprimée aux liens sociaux les plus intimes
– n’est guère prise en compte. Ainsi s’étonnera-t-on du ton empathique avec
lequel Carina Tertsakian (Human Rights Watch)19 traite la question du sort des
prisonniers. On s’étonnera tout autant de ses excès de généralisation lorsqu’elle
affirme, sans fournir de sources précises, que « pour les Rwandais ordinaires
comme pour le gouvernement elles [les arrestations pour génocide] représentent
une occasion de se débarrasser des personnes considérées comme des ennemis
ou des rivaux ». Les dysfonctionnements du système judiciaire rwandais sont
réels, mais n’autorisent pas un jugement aussi lapidaire. Les jugements gacaca
révèlent au contraire l’ampleur et le large spectre des modes de participation
au crime. Si des innocents furent arbitrairement détenus, d’autres participè-
rent activement à l’exécution d’un génocide. En outre, le chercheur ne saurait se
substituer au juge, en décrétant l’innocence ou la culpabilité des accusés.
De ce point de vue, la contribution de Max Rettig (Stanford Law School) 20
sur les juridictions gacaca prend soin de revenir sur l’histoire du génocide avant
de poser la question de la réconciliation. En effet, comment envisager la recons-
titution du tissu social sans rappeler les conditions dans lesquelles une atteinte
majeure y fut porté ? On regrettera toutefois que l’article n’établisse pas de lien
entre les perceptions populaires du processus gacaca et le déroulement concret
des procès. La pratique du sondage d’opinion prend le pas sur une analyse en
profondeur de la révélation du passé dans l’espace judiciaire. Or, les positions
des différents acteurs face au processus gacaca dépendent de ce qui aura pu
être révélé – ou occulté – au cours des audiences. Une nouvelle fois, la question
du point de vue adopté se pose avec force. En effet, comment analyser un pro-
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19. Carina Tertsakian, “‘All Rwandans 20. Max Rettig, “The Sovu Trials. The 22. Hélène Dumas, doctorante,
Are Afraid of Being Arrested One Impact of Genocide Justice in One appartient au Centre d’études
Day.’ Prisoners Past, Present and Community”, p. 194-209. africaines, EHESS
Future”, p. 210-222. 21. Une contribution est d’ailleurs (helenedumas.uw@gmail.com).
signée de Kenneth Roth, directeur
exécutif de HRW.
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Jean-Pierre Filiu
La Révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique 23
23. Fayard, 2011. Democratic Uprising, Hurst & Co, 25. Philippe Droz-Vincent,
24. Jean-Pierre Filiu, The Arab 2011. Moyen-Orient : pouvoirs autoritaires,
Revolution. Ten Lessons from the sociétés bloquées, PUF, 2004.
Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
Certaines des leçons tirées par l’ouvrage se révèlent convaincantes :
ainsi celle sur « Les Arabes ne sont pas une exception » qui donne de la pro-
fondeur historique aux événements de 2011, ou « La jeunesse est en première
ligne » qui montre les enjeux considérables auxquels doivent faire face les diri-
geants actuels et à venir. La transition démographique en cours, la nécessité
de créer des emplois et de renouveler les régimes politiques et les processus de
croissance économique sont les défis majeurs auxquels devront faire face les
États et les sociétés de la région.
Néanmoins, on peut rester sur sa faim lorsqu’il affirme « on peut gagner
sans chef » ou « la Palestine au cœur demeure » : la victoire dont il est question,
le départ de dictateurs, reste fragile et l’auteur affirme lui-même que les pro-
blèmes internes devraient largement occuper les dirigeants des pays concernés
avant que ceux-ci ne s’investissent lourdement sur la scène internationale. À
moins que le cœur ait ses raisons que la raison ignorera.
L’auteur insiste sur le fait que la perception des systèmes politiques ne
se résume pas à l’opposition entre la dictature et l’islamisme : cette alternative
a longtemps été présentée comme la seule possible pour expliquer le dilemme
auquel étaient confrontées les sociétés, fermant ainsi la porte à d’autres voies,
notamment la démocratisation. L’enthousiasme de Jean-Pierre Filiu est donc
rafraîchissant et à la mesure des mouvements historiques constatés. Cependant,
si le soulèvement révolutionnaire a des racines lointaines, il serait intéressant
d’approfondir la manière dont la démocratisation pourrait procéder (et l’auteur
reconnaît que son livre n’est qu’une modeste contribution à l’analyse de ces évé-
nements). En effet, la démocratie, si l’on reprend l’expression d’Hubert Védrine,
n’est pas un « café instantané » : l’utilisation du terme « révolution » dans le titre
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26. Abdelwahab Meddeb, Printemps et Albin Michel, 2011, pour la France. est disponible dans le numéro 239
de Tunis. La métamorphose de Une note de lecture de cet ouvrage d’Afrique contemporaine.
l’histoire, Cérès, 2011, pour la Tunisie,
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
dont les futurs dirigeants seront issus et avec lesquelles devront traiter ? Quelles
prochaines étapes dans l’évolution des droits économiques et sociaux des popu-
lations révoltées ? Comment créer les quelque cinquante millions d’emplois
nécessaires en Méditerranée dans les dix prochaines années ? Quelle recompo-
sition des inf luences extérieures ce soulèvement démocratique implique-t-il ?
Les réponses à ces questions ne sont connues de personne mais il est dommage
qu’à la fin ces leçons laissent les lecteurs sur leur faim. Emmanuel Comolet 27
Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
Le lecteur trouvera une quantité importante de textes réglementaires,
parfois présentés de façon intégrale dans le corps de l’ouvrage et qui auraient pu
être rassemblés en annexe pour faciliter la lecture et accéder plus directement
aux analyses de l’auteur. Il n’en demeure pas moins que les données présentées,
tant réglementaires que chiffrées sur les coûts des transactions, intéresseront
autant les praticiens que les chercheurs travaillant sur les questions douanières
et logistiques en Afrique.
La première partie illustre la complexité technique propre à la matière
douanière et la multiplicité des acteurs qu’il faut coordonner pour tendre vers
un équilibre entre contrôle et facilitation : les opérateurs privés du commerce
extérieur (importateurs et exportateurs), les intermédiaires (transitaires, agents
maritimes, acconiers 29 , banques), les entités privées assurant des missions de
service public (société d’inspection, gestionnaire du terminal conteneur), les
institutions nationales concrétisant le dialogue public-privé (le guichet uni-
que, le comité national de facilitation du trafic maritime international 30) et les
administrations dont le rôle dans l’amélioration du passage au port de Douala
se trouve, à l’issue de cette partie, fortement relativisé au regard des nombreux
acteurs en présence.
Pour chaque acteur, l’auteur identifie quelques difficultés propres
à ralentir le mouvement des marchandises en élargissant fort justement la
réf lexion au-delà de la technique douanière pour s’intéresser aussi aux condi-
tions logistiques propres au port de Douala. On peut citer comme exemples
l’absence de certains acteurs majeurs du bâtiment du guichet unique (consi-
gnataires, acconiers), le report de l’inspection des marchandises depuis les pays
d’export vers une inspection à destination ou l’ensablement du chenal menant
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29. Le terme « acconier » désigne les 30. Plus connu au Cameroun sous la constitue un espace de dialogue
professions chargées du désignation « comité FAL », ce comité entre le secteur public et le secteur
déchargement et du chargement des est une institution paritaire, sous privé et représente une force de
marchandises. l’autorité du Premier ministre, qui vise proposition au gouvernement.
à améliorer le passage portuaire. Il
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
elle révèle comment toute réforme administrative, bien que s’appuyant sur des
principes généraux et partagés à l’international, prend une forme concrète
dans des détails techniques – modifications des compétences administratives,
des fonctionnalités informatiques. Ces détails peuvent paraître mineurs mais
posent les conditions déterminantes du changement de culture professionnelle
des administrations et des professions intermédiaires.
S’il rend compte brièvement de l’impact de la réforme, l’auteur aurait
pu également développer une analyse plus quantitative des effets de la réforme
sur les recettes, la lutte contre la fraude et les délais de dédouanement. Ainsi,
l’impact d’une réforme douanière focalisée sur la réduction des coûts et leur
potentielle répercussion sur les prix des marchandises commercialisées aurait
pu être remis en perspective. Les gains financiers liés à l’amélioration des pro-
cédures douanières ne sont pas toujours aussi importants qu’espérés dès lors
que la douane est le seul acteur à se moderniser.
La troisième et dernière partie regroupe les textes juridiques, nationaux
et internationaux, qui ont été adoptés pour faciliter le passage en douane et
diminuer les effets négatifs des contrôles sur les délais. Paradoxalement, même
si les douanes proposent de nombreuses procédures facilitées, cette partie nous
apprend que pour « faciliter », il faut parfois être coercitif. Pour les importa-
teurs, les exportateurs et les professionnels du dédouanement, la facilitation
ne va pas toujours nécessairement de soi et ils doivent être incités fortement à
accomplir plus rapidement leurs formalités administratives. Ainsi, le dernier
chapitre offre une perspective intéressante sur la capacité de l’administration à
« négocier » avec les professions intervenant dans le domaine du dédouanement
pour les rendre plus efficaces. Cette approche contractuelle des rapports entre
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Jean Ziegler
Destruction massive. Géopolitique de la faim 32
32. Seuil, 2011. 34. Josué Apôlinio de Castro, Ouvrières, coll. « Économie et
33. Sociologie de la nouvelle Afrique, Géopolitique de la faim, nouv. éd. Humanisme », 1971.
Gallimard, 1964. revue et augmentée, Les Éditions
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
l’Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale – « les trois cava-
liers de l’Apocalypse » – derrière lesquels se profilent sournoisement les deux
cents transnationales de l’agroalimentaire, dont la plus inf luente et la plus
omniprésente, Cargill. Il est exact que la position oligopolistique de quelques
grands exportateurs (dix États dans le monde assurent actuellement 60 % des
exportations agroalimentaires mondiales, explique la grande volatilité des prix,
la défaillance de l’un a des incidences sur l’équilibre général des échanges et des
prix) dans un contexte marqué par l’abandon depuis vingt ans des politiques de
régulation des marchés et de protections agricoles.
Le réveil des consciences fut de courte durée. À la « destruction mas-
sive » à laquelle on assiste à présent, l’opinion des pays occidentaux oppose
aujourd’hui une indifférence glacée. Les conférences internationales, les réu-
nions d’experts, les séances de négociation se multiplient à Genève, à New York
et ailleurs. Jean Ziegler évoque le chiffre de dix mille réunions en 2010 sur les
droits de l’homme et en particulier le droit à l’alimentation. Autant de choral
singing pour reprendre une heureuse expression de Mary Robinson, ancien pré-
sident d’Irlande et haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme,
qui fait référence à la coutume irlandaise des chorales qui le jour de Noël vont
de maison en maison chantant d’une voix monocorde les mêmes refrains naïfs.
Les « ennemis du droit à l’alimentation » sont désormais trop puissants au sein
des Nations unies. Jean Ziegler les démasque et les dénonce sans nuance, sur le
ton de l’inquisiteur qu’aucun argument n’ébranle.
« Les ennemis du droit à l’alimentation ». Les méfaits du libéralisme
sont évidents. L’auteur prend cette image : sur un même ring de boxe s’affronte
Mike Tyson, le champion poids lourds, et un chômeur bengali sous-alimenté.
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des millions de tonnes de dioxyde de carbone, mais, en plus, ils provoquent
des désastres sociaux dans les pays où les sociétés transcontinentales qui les
fabriquent deviennent dominantes » (p. 261). Il développe le cas du programme
Pro-alcool au Brésil pour dénoncer l’esclavage dont sont victimes les coupeurs
de canne à sucre.
Les « spéculateurs » enfin. Ils sont toujours à rechercher du côté des
sociétés de l’agrobusiness et des hedge funds qui spéculent sur les prix des den-
rées alimentaires. « La cupidité illimitée des oligarchies prédatrices du capital
financier globalisé l’emportent – dans l’opinion publique et auprès des gou-
vernements – sur toute autre considération, faisant obstacle à la mobilisation
mondiale » (p. 16). On aurait souhaité plus de détails sur les mécanismes de la
financiarisation spectaculaire du marché des biens alimentaires, devenues des
produits hautement spéculatifs, comme en témoigne l’indice d’activités de la
Bourse de Chicago où se négocient les options et les contrats à terme des céréa-
les et des oléagineux.
On regrette que tant d’informations collectées tant dans les meilleures
sources que sur le terrain ne soient pas mobilisées pour un exposé plus serein,
qui ressemble moins à un « règlement de comptes », qui laisse une place aux
arguments de l’« ennemi », ne serait-ce que pour mieux construire l’espérance
d’un changement radical que souhaite l’auteur. Pierre Jacquemot 35
35. Pierre Jacquemot a été développement au ministère de la 36. Prévention des crises et
coopérant, chef de mission de Coopération, puis au ministère des promotion de la paix, vol. I, Bruylant,
coopération (Burkina Faso, Affaires étrangères et ambassadeur 2010.
Cameroun), directeur du de France (Kenya, Ghana, RDC).
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
« source d’inspiration renouvelée pour l’action politique de la francophonie »
institutionnelle, comme le souligne le président Diouf dans sa préface.
Le plan de cet ouvrage massif s’ordonne en quatre parties suivant une
logique déductive et prospective : concepts et approches de la médiation et de
la facilitation ; démarches et dispositif francophones ; études de cas (limitées à
l’espace francophone) ; dynamiques, potentiels et défis. Le « trésor caché d’en-
seignements et de bonnes pratiques » qu’évoque l’introduction n’est donc abordé
qu’après une longue première partie générale et conceptuelle de 260 pages, qui
constitue un ouvrage en soi. Ceci caractérise nettement ce livre comme éma-
nant d’une culture de droit romain et d’une tradition intellectuelle à l’opposé de
l’empirisme anglais : ce n’est pas un hasard si la contribution venant en tête de
l’ouvrage, celle de Komi Tsakadi, commence par rappeler que le « terme généri-
que “médiation” vient du latin mediare ».
Malgré son orientation théorique, cette première partie est cependant
loin d’être aride et monotone. Elle s’ordonne autour de deux petits chef-d’œuvre
de réf lexion générale sur l’expérience diplomatique de la médiation au tournant
du xxie siècle, la contribution de Lakdar Brahimi et Salman Ahmed sur les
« sept péchés capitaux de la médiation » (traduction française d’un article paru
en anglais en 2008), suivie immédiatement de celle d’Ahmedou Ould-abdallah
sur les “conf lits dans le conf lit : médiations et médiateurs” qui propose une
sorte d’examen de conscience du médiateur moderne face à la mondialisation
des interventions et à la multiplication des acteurs extérieurs dans le traitement
de crises internes et à la montée de nouveaux concepts comme le state-building,
alors que « la Charte des Nations unies en son article 2, paragraphe 7, reconnaît
le droit des États à gérer leurs affaires domestiques en toute souveraineté ».
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Gustave Ngueda Ndiefouo, La Douane camerounaise a l'ere de la facilitation des echanges commerciaux
études de cas. Ceci pose le problème de la structure de l’ouvrage, qui pâtit mani-
festement du fait que le comité de pilotage a eu à gérer des contributions trop
diverses dans la forme et trop inégales en longueur comme en qualité.
La deuxième partie, très déséquilibrée en longueur (soixante-quinze
pages seulement) n’en est pas moins au cœur du sujet et se prolonge dans la
troisième partie : elle aborde la véritable thématique de cet ouvrage, qui est
l’expérience de la francophonie politique institutionnelle dans le domaine de la
médiation et de la facilitation depuis les années 1990, sujet généralement très
peu connu.
L’article bilan de Christine Desouches, alors conseiller spécial du secré-
taire général Abdou Diouf, qui fut au centre du dispositif francophone depuis
1988, est donc un pilier central du livre. Il décrit le cadre (celui d’un « espace
démocratique francophone »), recense les principes et les textes internes de réfé-
rence avant d’analyser l’engagement effectif de la francophonie et de se conclure
par un appel à accroître une coopération multiforme dans un cadre où, en temps
de paix comme en tant de crise, les « dynamiques endogènes consensuelles »
soient systématiquement favorisées, avec plus de volonté et de capacité dans la
prévention, qui reste, en francophonie comme ailleurs, très peu satisfaisante
actuellement. Il est donc regrettable que cet article traitant des questions fon-
damentales abordées par la francophonie dans le domaine de la médiation ne
soit suivi d’aucune analyse critique extérieure du bilan des médiations franco-
phones selon les principes de la recherche universitaire. Sur ce point, l’ouvrage
se révèle trop proche de son commanditaire pour répondre aux exigences d’un
travail scientifique.
Néanmoins, la synthèse de Christine Desouches est complétée dans la
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Georges Nakseu Ngefang de l’université de Montréal, ne répond pas à cette
attente. Cela souligne les limites d’un ouvrage qui a parfois préféré les signatu-
res aux analyses de fond, mais qui n’en reste pas moins une référence sans équi-
valent pour toute étude de la dimension francophone de ce phénomène majeur
de notre époque, le développement de la médiation/facilitation extérieure dans
les conf lits nationaux. François Gaulme 37
Martin N. Murphy
Somalia, The New Barbary? Piracy and Islamism in the Horn of Africa 38
37. François Gaulme est historien, développement (AFD) et membre 38. Columbia University Press, 2011.
chargé de mission à la cellule du comité de rédaction de la revue
« Prévention des crises et sortie de Afrique contemporaine
conflits » à l’Agence française de (gaulmef@afd.fr).
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Syad Barré, jusqu’à la chute de ce dernier en 1991 au terme d’une guerre civile
menée par plusieurs clans concurrents et qui déboucha sur la partition du pays
avec l’indépendance du Somaliland. S’ensuivirent deux décennies caractérisées,
jusqu’à nos jours, par la succession d’épisodes d’« anarchie » souvent sanglante
et de plages de paix et de stabilisation, certes précaires mais qui montrent que
le désordre somalien n’est peut-être pas insoluble, pour peu que soient choisies
et soutenues des solutions correspondant à l’esprit du lieu.
Martin N. Murphy décortique les pistes de solution en question. Certaines
d’entre elles furent mises en œuvre par les Somaliens eux-mêmes, selon des modè-
les de gouvernance politique qui sont propres à leur société et en s’appuyant sur
des institutions sui generis. C’est ainsi que les tribunaux islamiques, réunissant
hommes d’affaire, chefs de clan et religieux avec l’objectif de restaurer la sécurité
des biens et des personnes et de permettre l’exercice d’un minimum de missions
de service public au profit des populations, s’avérèrent souvent raisonnablement
efficaces au niveau local, voire sur une large partie du pays quand ces tribunaux
se fédérèrent en une Union du même nom. Toutefois, l’expérience fut éphémère,
car mise à mal par le soutien des États-Unis à une coalition de seigneurs de la
guerre soucieux de rétablir leurs prérogatives, puis par l’invasion du pays par
l’armée éthiopienne.
La communauté internationale, de son côté, a également tenté à de mul-
tiples reprises de stabiliser le pays et d’y construire la paix. Mais, jetant parfois
de l’huile sur le feu, comme dans les deux cas mentionnés ci-dessus, s’efforçant
de réimplanter un modèle de gouvernement central fort, bien peu convaincant
pour les Somaliens qui n’ont pas oublié ce que ce modèle avait produit sous le
régime du président Syad Barré, et décalquant des institutions sur celles en
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transitant par les lieux où sévit le phénomène est peut-être le produit de la psy-
chose née des attentats terroristes de septembre 2001 aux États-Unis. À preuve,
la piraterie également présente sur d’autres mers, en particulier dans le golfe de
Guinée ou le détroit de la Sonde, est loin de bénéficier de semblable publicité.
En conclusion, et très sagement, Martin N. Murphy laisse percer une
certaine perplexité devant cet ovni qu’est la Somalie et face à l’imbroglio des
causes, tant intérieures qu’extérieures, qui pourrait décourager les meilleu-
res bonnes volontés cherchant à y reconstruire la paix et la stabilité. D’où ce
non moins sage conseil que toute solution, nécessairement politique, devra
être assise sur la compréhension fine d’un pays aussi complexe. Son ouvrage y
contribue de belle manière. Jean-Bernard Véron 39
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