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Daniel Bach, Regionalism in Africa.

Genealogies,
Institutions and Trans-State Networks
Jérémy Révillon
Dans Afrique contemporaine 2017/1 (N° 261-262), pages 273 à 275
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 0002-0478
ISBN 9782807390867
DOI 10.3917/afco.261.0273
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 25/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 197.30.197.217)

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Daniel Bach
Regionalism in Africa. Genealogies, Institutions
and Trans-State Networks1

Après avoir travaillé sur le néopatrimonialisme 2 ,


Daniel Bach, directeur de recherche émérite, au
Centre Émile-Durkheim du CNRS et à Sciences
Po Bordeaux, retourne à son sujet de prédilec-
tion : le régionalisme. Son dernier ouvrage sur le
sujet datant de 1999 3 , une mise à jour s’avérait
nécessaire, alors que le continent construit peu à
peu sa communauté économique africaine.
L’ouvrage débute par deux chapitres
introductifs. Le premier est une histoire du régio-
nalisme au niveau mondial, avec les exemples
européens, sud-américains et asiatiques.
Quelques définitions sont données afin de cadrer
le sujet (notamment la différence entre régiona-
lisme, régionalisation et intégration régionale).
Le chapitre suivant s’inscrit dans la même lignée historique, puisqu’il aborde
l’inf luence de la colonisation et de la décolonisation dans les processus d’inté-
gration régionale. Daniel Bach utilise le terme « d’hystérésis », provenant de la
physique, en référence à la continuité d’un phénomène ou d’une réaction, bien
que les facteurs l’ayant initialement provoquée aient disparu. Le facteur coloni-
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sation a disparu, mais il existe une réelle continuité du régionalisme en Afrique
que Daniel Bach démontre à l’aide de la SACU et de la zone franc CFA. La
métaphore est parlante et pourrait être reprise. Il aborde ensuite la dislocation
des empires français et britanniques, entraînant la création d’une multitude
d’organisations intergouvernementales et/ou d’union douanière.
Le troisième chapitre s’attarde sur les raisons expliquant cette multipli-
cation des organisations intergouvernementales (le chiffre de 160 est avancé).
Daniel Bach en retient trois : la consolidation des régimes, le club diploma-
tique et le « patronage » (lien avec l’ancienne puissance coloniale, recherche
d’aides). À travers Félix Houphouët-Boigny, il revient sur les épisodes du
Conseil de l’entente et de l’Union africaine et malgache (deux organisations de
coopération régionale à vocation économique, créées au moment des indépen-
dances), exemple de patronage et de club diplomatique en Afrique francophone.
La consolidation des régimes est abordée via la CEDEAO et la confédération

1. Routledge, 2016. 3. Daniel Bach, Régionalisation,


2. Daniel Bach, Mamadou Gazibo, mondialisation et fragmentation en
Neopatrimonialism in Africa and Afrique subsaharienne, Paris,
Beyond, Londres, Routledge, 2013. Karthala, 1999.

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Sénégal/Gambie. La SADC quant à elle présente ces trois aspects en l’espace
d’une décennie. L’auteur revient également très (trop ?) rapidement sur le plan
d’action de Lagos (1980), destiné à promouvoir l’intégration économique de la
région africaine à l’horizon 2000. En conclusion, Daniel Bach explique que
la survivance des organisations régionales africaines, malgré leur peu d’im-
pact économique, repose essentiellement sur ces trois raisons. Il est toutefois
dommage que l’auteur n’ait pas tiré certains de ces exemples de la période
contemporaine.
Revenant sur l’affirmation que la partition de l’Afrique et la mise en
place des frontières coloniales handicapent sérieusement l’intégration régio-
nale, le quatrième chapitre permet à l’auteur de démonter peu à peu cette idée :
les frontières stimulent les interactions transfrontalières, même à l’époque
coloniale. La notion « d’entrepôt 4 » est utilisée pour caractériser la politique
étatique des voisins du Nigeria (Niger, Bénin) après l’indépendance, jouant sur
les différents niveaux de taxation afin de favoriser les réexportations (et leurs
ports). Dans la zone des Grands Lacs, le conf lit congolais permet à l’Ouganda et
au Rwanda de récolter les dividendes de l’insécurité, prouvant que la fermeture
d’une frontière n’empêche pas la régionalisation.
La transition est bien amenée : c’est une régionalisation sans régio-
nalisme. Les populations frontalières l’utilisent à leur propre avantage, négo-
ciant avec ou se jouant des acteurs étatiques (principalement les autorités
douanières). Dans le même temps, l’État, conscient de cette situation, la laisse
parfois perdurer pour stabiliser une zone à risque (exemple des Mourides du
Sénégal) ou développer une région périphérique. Daniel Bach souligne ici l’in-
f luence essentielle des commerçants transfrontaliers dont les relations inter-
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personnelles, que ce soit avec les agents douaniers ou les réseaux commerciaux,
sont essentielles à leur réussite transétatique. L’auteur privilégie le terme de
« réseau transétatique », plus neutre, à ceux de « commerce informel » ou de
shadow regionalism.
Le cinquième chapitre aborde le panafricanisme et son retour en force
à la suite du traité d’Abuja (1991) et de la transformation de l’OUA en Union
africaine. Cette décision est fortement inspirée par l’UE, région que les CER
utilisent également comme modèle (exemples de la SADC, CEDEAO et EAC).
Des huit CER définis par l’UA, rares sont cependant celles qui favorisent les
institutions supranationales. La cour de justice de la CEDEO fait figure de
contre-exemple, quand le tribunal de la SADC avec sa juridiction de plus en
plus limitée représente la norme. On peut regretter ici l’absence de référence au
tribunal de l’EAC, qui aurait pu compléter l’argumentation.
L’auteur revient sur la véritable (r)évolution de l’UA : son architecture
« paix et sécurité ». La CEDEAO est précurseur dans ce domaine (ECOMOG),

4. Concept « d’État-entrepôt » forgé informel ou solution à la crise ?, Paris,


par John Igué et Goura Soulé, Karthala, 1992.
L’État-entrepôt au Bénin. Commerce

274 notes de lecture Afrique contemporaine 261-262


la SADC et l’IGAD sont aussi évoquées. Concernant l’évolution des huit CER
vers une communauté économique africaine, Daniel Bach remarque l’absence
de progrès pour la moitié d’entre elles (CEN-SAD, UMA, CEEAC, IGAD). Si la
CEDEAO, la SADC et la COMESA évoluent lentement vers les zones de libre-
échange, il faut se tourner vers l’EAC pour observer un exemple de succès. Les
négociations et la signature en 2014 des accords de partenariat économique
sont étudiées en profondeur, cela reconfigurant les CER (la CEDEAO, l’EAC et
la SACU ayant réussi des négociations groupées, au contraire des autres CER).
Cette partie est particulièrement bien pensée, Bach suivant ce sujet des accords
de partenariat économique depuis plusieurs décennies 5 .
Le sixième chapitre débute par le NEPAD et son agenda de réhabilita-
tion des infrastructures. Daniel Bach distingue les infrastructures dures (avec
le retour depuis les années 2000 des grands projets routiers, ferroviaires et
d’électricité, soutenus en partie par la Chine) des infrastructures soft (facilitant
les mouvements transfrontaliers et supprimant les barrières non tarifaires).
Les technologies de l’information et de la communication sont également évo-
quées, ainsi que les corridors de transport. L’auteur aborde enfin l’accord tri-
partite COMESA-EAC-SADC. Cette partie permet à Daniel Bach de distinguer
les accords de libre-échange ou accords régionaux des intégrations régionales
plus profondes, ces dernières nécessitant une perte ou une délégation de souve-
raineté que les États hésitent trop souvent à consentir.
Le dernier chapitre est plutôt décevant. Il souhaite aborder la frontière
comme un concept et une métaphore, mais l’auteur se contente d’une histoire
assez générale du continent, orientée notamment sur l’image qu’en ont les
Occidentaux depuis 1990. Les références au régionalisme sont absentes, tant et
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si bien que l’on ne voit pas le rapport de ces quinze dernières pages avec la ligne
directrice de l’ouvrage. L’absence d’une réelle conclusion fait également défaut.
Daniel Bach maîtrise parfaitement son sujet et passe en revue certains
des grands aspects du régionalisme, sans toutefois s’y attarder. L’ouvrage a les
défauts de ses qualités, 145 pages à un rythme effréné où les non-connaisseurs
risquent de se gratter la tête. Mais l’objectif est affiché et assumé, l’ouvrage
s’adresse aux étudiants et chercheurs s’intéressant de très près au thème. Il
permet de revenir sur les principaux débats et ainsi de s’ouvrir à la littérature
existante via les références. L’importante bibliographie est sans aucun doute
son principal point fort. Jérémy Révillon 6

5. Daniel Bach, « Un ancrage à la 6. Jérémy Révillon est chercheur Burundi, le Rwanda et les
dérive : la Convention de Lomé », associé, « Les Afriques dans le organisations régionales africaines.
Tiers-Monde, vol. XXXIV, n° 136, Monde » (LAM), spécialisé sur le
1993, p. 749-758.

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