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LA GESTION DU RISQUE EN DOUANE : PREMIÈRES LEÇONS TIRÉES DE

L'EXPÉRIENCE DE QUELQUES PAYS D'AFRIQUE DE L'OUEST


Risk Management in Customs: Initial Lessons from Experiences in Some African
Countries

Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

De Boeck Supérieur | « Revue d'économie du développement »

2012/3 Vol. 20 | pages 67 à 82


ISSN 1245-4060
ISBN 9782804175764
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2012-3-page-67.htm
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La gestion du risque en douane :
premières leçons tirées de l’expérience
de quelques pays d’Afrique de l’Ouest
Risk Management in Customs: Initial Lessons
from Experiences in Some African Countries
Anne-Marie Geourjon
FERDI
Bertrand Laporte
CERDI, Université d’Auvergne

En raison de l’accroissement des flux commerciaux et donc de leur charge de travail, les adminis-
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trations douanières les plus modernes développent depuis plusieurs années des approches struc-
turées pour analyser le risque, seul moyen efficace pour limiter les contrôles intrusifs, répondre
aux besoins des opérateurs privés et sécuriser leurs opérations. Peu de pays en développement se
sont engagés dans cette voie en raison de réticences fortes, tant au niveau des agents de contrôle
qui ne souhaitent pas forcément changer leur façon de travailler, que des autorités qui craignent
des pertes de recettes fiscales. L’article présente l’expérience de cinq pays d’Afrique de l’Ouest
qui, dans le cadre de la modernisation de leur administration douanière, développent des systè-
mes d’analyse et de gestion du risque qui reposent notamment sur une exploitation exhaustive et
systématique de l’information statistique disponible. Les premières leçons tirées de ces expérien-
ces sont encourageantes et d’autres pays devraient logiquement suivre. Actuellement réservées
aux administrations douanières, ces méthodes pourraient aussi être développées au sein des
administrations des impôts.

Mots clés : Douane, analyse du risque, contrôles, sélectivité, réforme, administration.


Classification JEL : H26, H39, O24

For several years, the most modern customs administrations rely on risk analysis structural
approaches for reducing intrusive inspections, satisfying private operators and securing their
operations. In developing countries, customs administrations have been slow to take this course
due to high reluctance from both customs officers refusing to change and authorities fearing reve-
nue losses. This paper presents five experiences in West African countries where customs adminis-
tration are developing in their modernization strategy, risk analysis and management systems
using statistical scoring methods. Initial lessons from these experiences are promising and logically

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68 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

other countries should follow. Presently used only by customs administrations, these methods
could also be developed by tax administrations.

Key words: Customs, risk analysis, inspections, selectivity, reform, administration.

1 INTRODUCTION

En raison de l’accroissement des flux commerciaux et donc de leur charge de


travail, les administrations douanières les plus modernes développent depuis
plusieurs années des approches structurées pour analyser le risque, seul
moyen efficace pour limiter les contrôles intrusifs, répondre aux exigences des
opérateurs privés et sécuriser leurs opérations (Harrisson, 2007). Cette
démarche devrait également être adoptée, pour les mêmes raisons, dans les
administrations douanières des pays en développement (Walsh, 2003 ; Wid-
dowson, 2005), qui doivent en plus faire face aux pressions de leurs autorités
pour sécuriser les recettes. Cependant, malgré les recommandations de
l’OMD 1 et les propositions faites par les États membres de l’OMC dans le
cadre des négociations en cours sur la facilitation des échanges, les adminis-
trations douanières dans les pays en développement tardent à s’engager dans
cette voie et à recourir à des techniques modernes pour analyser et gérer le
risque afin de déterminer le traitement à appliquer à une opération commer-
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ciale particulière.
Pour remédier au problème d’information imparfaite qui caractérise toute
opération de dédouanement de marchandises (moralité des intervenants et
caractéristiques réelles des produits), les administrations des douanes ont mis
en place des mécanismes permettant de révéler l’information. Afin d’appréhender
les caractéristiques des marchandises importées, les administrations douanières
des pays en développement ont essentiellement misé sur le contrôle physique
souvent quasi systématique des importations. Malheureusement, cette procé-
dure coûteuse est d’une efficacité très limitée car elle néglige l’importance du
risque moral et entretient de facto la pérennité de certains comportements qui
expliquent la persistance de la fraude et de la corruption.
De nombreux pays en développement, initialement encouragés par les
institutions internationales, ont recours à des sociétés privées d’inspection
pour pallier les défaillances de l’administration en matière de contrôle. Ces
sociétés ont pour mission d’inspecter physiquement, généralement avant
l’embarquement, la plupart des marchandises et de révéler l’information sur

1 Convention de Kyoto Révisée, 2003.


La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 69

les caractéristiques des biens importés (Dequiedt et al., 2009). Mais comme
dans la plupart des pays les douanes gardent la possibilité de contrôler physi-
quement les marchandises à l’arrivée, et de remettre en question l’informa-
tion fournie par ces sociétés privées, le risque moral reste fortement présent
(Dutz, 2000 ; Johnson, 2001). En conséquence, dans les pays en développe-
ment, ces contrôles s’avèrent dans la majorité des cas, inefficaces 2. D’où une
forte pression, dans le cadre des programmes de modernisation entrepris dans
la majorité des administrations douanières de ces pays, pour développer des
systèmes performants d’analyse et de gestion du risque afin de limiter les con-
trôles intrusifs grâce à un ciblage performant des opérations commerciales.
Cinq pays d’Afrique de l’ouest développent actuellement, avec l’appui de
l’AFRITAC de l’Ouest du FMI, un système « expert » d’analyse et de gestion des
risques qui repose sur une exploitation systématique de l’information statisti-
que. Ce sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal.
L’idée est d’appliquer les méthodes d’analyse du risque utilisées dans de nom-
breux secteurs (banques, assurances, sécurité…) en les adaptant au contexte
douanier. En effet, si l’analyse du risque se retrouve dans tous les secteurs et
toutes les organisations, elle nécessite chaque fois une démarche spécifique
(Gates, 2006). Le système fonctionne au Bénin et au Mali depuis peu, il est en
phase de test en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Le projet démarre au Burkina Faso.
L’objet de cet article est de tirer les premiers enseignements de ces projets
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ambitieux et pour l’instant inachevés. La section suivante est consacrée aux
opportunités offertes par l’économétrie pour cibler efficacement les contrôles
douaniers. La section 3 présente les différentes expériences menées en Afri-
que de l’Ouest, et la section 4 en fait un premier bilan. La dernière section
résume les principales conclusions.

2 L’ÉCONOMÉTRIE COMME NOUVEL OUTIL D’AIDE


À LA DÉCISION EN DOUANE

Les systèmes de sélectivité traditionnellement utilisés


Pour répondre au problème d’asymétrie informationnelle et d’aléa moral
qui caractérise toute opération commerciale, les administrations douanières
ont développé des méthodes de ciblage afin de limiter le contrôle physique des
marchandises aux opérations les plus risquées.

2 Le taux de contentieux douanier (nombre de déclarations contentieuses rapporté au


nombre total de déclarations) est inférieur à 3 % dans les pays d’Afrique de l’Ouest.
70 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

Dans les pays développés, en dehors des contrôles réalisés systématique-


ment suite à des informations recueillies concernant certains courants parti-
culiers de fraude, le ciblage des opérations est effectué en utilisant des critères
de risque et/ou de manière aléatoire. L’identification des critères de risque se
fait sur la base de l’expérience et du jugement des agents de l’administration
des douanes, mais aussi souvent de méthodes plus sophistiquées de filtrage et
de profilage dépendant également fortement de l’appréciation humaine. Les
résultats obtenus à partir de ces techniques de ciblage sont toutefois satisfai-
sants essentiellement parce que les contrats passés implicitement entre l’admi-
nistration et ses agents (incitations/sanctions) sont en principe respectés ce qui
permet de neutraliser l’aléa moral.
En revanche, dans les pays en développement qui ont mis en place une
sélectivité des contrôles basée sur la détermination de critères et dans les-
quels ce type de contrats a des difficultés à être mis en œuvre et respecté,
l’aléa moral n’est pas éliminé, au contraire.
Les systèmes informatiques douaniers utilisés dans les pays en développe-
ment prévoient la sélectivité des déclarations par la définition et l’application
de règles itératives en fonction de critères essentiellement qualitatifs et duals
auxquelles s’ajoute parfois un ciblage aléatoire. Ils ne permettent pas d’analy-
ser le risque. Les critères de sélectivité sont déterminés par un « Comité de
sélectivité » chargé de les identifier et de les valider. Les critères, une fois vali-
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dés, sont paramétrés dans le module de sélectivité du système informatique.
L’information est organisée sous forme de listes de produits, origines, régi-
mes, importateurs… Celles-ci sont, en principe, réétudiées périodiquement
par le Comité de sélectivité. Ces méthodes traditionnelles de sélectivité inté-
grées dans les systèmes informatiques de dédouanement, restent très dépen-
dantes de l’appréciation humaine, ce qui constitue un inconvénient majeur
compte tenu du risque moral persistant. Elles sont également statiques et
figées car les règles définies sont peu souvent actualisées laissant aux frau-
deurs la possibilité d’adapter leurs comportements en conséquence. La persis-
tance de l’aléa moral ne permet pas de révéler l’information, et compromet
l’efficacité du contrôle lui-même, parfois même en favorisant les importateurs
fraudeurs qui, par collusion, risquent de se retrouver systématiquement favo-
risés, ce qui constitue un biais à l’encontre des importateurs honnêtes.
L’apport d’une approche économétrique
La solution la plus propice pour le ciblage des contrôles dans les pays en
développement doit donc avoir pour objectif d’éliminer au maximum l’inter-
vention des agents de l’administration pour limiter l’aléa moral. La sélectivité
doit reposer sur une analyse de risque réalisée à partir des informations
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 71

recueillies sur les fraudes constatées (fraude avérée), et non sur d’éventuels
soupçons de fraude 3. L’exploitation de ces informations est faite en utilisant
des techniques rigoureuses d’analyse de données et d’économétrie.
Pour réussir à cibler avec précision les déclarations qui présentent un ris-
que élevé de fraude, il est nécessaire de réaliser au préalable un travail d’ana-
lyse de données qui portent sur l’ensemble des éléments de la déclaration. Ce
travail consiste à identifier les caractéristiques des déclarations qui ont fait
l’objet, au cours d’une période donnée (une année par exemple), d’une infrac-
tion constatée, et à dégager « des régularités statistiques » parmi ces caractéris-
tiques. Ces régularités statistiques vont permettre d’établir des profils de
risque par critère. Alors que l’information est essentiellement qualitative avec
l’utilisation des critères de sélectivité traditionnels, l’analyse statistique permet
ainsi d’établir une échelle de risques « quantitative » pour chacun des critères
potentiels renseignés sur la déclaration, notamment les circuits commerciaux,
les opérateurs économiques, la marchandise (par exemple le produit, l’origine,
la provenance, la monnaie de facturation, l’importateur, le transitaire, le
régime douanier de l’importation…). Chaque produit, chaque importateur,
chaque origine… aura ainsi un score « individuel » compris entre 0 et 1. Ce score
n’est autre que la fréquence d’infraction. Par exemple, le score « individuel » de
chaque importateur est calculé comme le nombre de ses déclarations ayant fait
l’objet d’une infraction constatée rapporté au nombre total de ses déclarations
au cours de la période d’analyse retenue.
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Il faut ensuite combiner au mieux ces profils de risque pour prendre une
bonne décision d’orientation de toute nouvelle déclaration vers l’un des cir-
cuits de dédouanement en fonction du risque encouru : soit un contrôle physi-
que, soit un contrôle documentaire, soit une absence de contrôle. L’objectif est
d’attribuer un score « global » à chaque nouvelle déclaration, obtenu en combi-
nant les scores « individuels » des différents critères. Ce score « global » doit
refléter au mieux la probabilité de fraude de la nouvelle déclaration. L’orien-
tation vers l’un des circuits de dédouanement se fait en fonction de ce score et
de seuils préalablement déterminés par l’analyse statistique.
Les modèles économétriques permettent ainsi (1) de déterminer les critè-
res de risque pertinents pour expliquer la fraude à partir de l’analyse de l’his-
torique et (2) de calculer la probabilité de fraude pour toute nouvelle
déclaration (Laporte, 2011). Cette probabilité constitue le score « global » de

3 En dehors des critères de blocage imposés par les services de renseignement douanier
sur la base de fortes présomptions concernant de nouveaux courants de fraude.
72 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

la déclaration. Pour cela, il faut d’abord estimer le modèle suivant à partir de


l’historique des déclarations et des fraudes constatées sur la période retenue :

Avec Pr, la probabilité ; Fraudei, la variable binaire 0/1 pour l’opération i


(1 si fraude et 0 si pas de fraude ; fq_i, les fréquences de fraude pour chaque
critère de risque associé à l’opération i, ε, l’écart aléatoire et α et β les paramè-
tres de l’équation à estimer. Un modèle plus sophistiqué peut aussi faire appa-
raître la nature de la fraude, sous réserve de l’existence de données
suffisamment détaillées sur les fraudes constatées. Une même déclaration
pouvant comprendre plusieurs produits importés, l’analyse économétrique
décompose chaque déclaration en autant d’opérations que de produits impor-
tés afin de pouvoir analyser le risque « produit » qui est l’un des critères de
risque potentiels dans les opérations de dédouanement. Lorsqu’une déclara-
tion comprend plusieurs produits, donc plusieurs opérations, c’est le score le
plus élevé des opérations qui la composent qui est retenu comme score global
de la déclaration.
L’estimation peut se faire à partir d’un modèle de probabilité linéaire, un
modèle PROBIT ou un modèle LOGIT. Les deux derniers modèles sont les
plus appropriés pour estimer un modèle dont la variable expliquée est binaire.
En effet, certaines hypothèses stochastiques sont violées avec une régression
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linéaire. L’écart aléatoire est par construction hétéroscédastique et ne suit
pas une loi normale. De plus, la valeur prédite ne peut pas être interprétée
comme une probabilité de fraude car elle n’appartient pas à l’intervalle [0 ; 1].
Si les modèles LOGIT et PROBIT sont, « en théorie », les plus appropriés,
l’objectif final est d’obtenir un modèle qui soit capable de cibler au mieux les
déclarations qui présentent un risque réel de fraude. Les trois modèles peu-
vent donc être testés et celui qui présentera les meilleurs résultats en matière
de ciblage devra être retenu (Laporte, 2011).

3 LES EXPÉRIENCES EN COURS EN AFRIQUE


DE L’OUEST

Le développement dans les administrations douanières d’un système d’ana-


lyse et de gestion des risques qui repose sur une exploitation systématique de
l’information statistique requiert un certain nombre de prérequis, que chaque
pays a mis progressivement en place.
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 73

Des prérequis
Ces prérequis concernent l’informatique douanière, le cadre institution-
nel, la disponibilité des données et les ressources à mobiliser.
L’informatique douanière et la disponibilité des données
Quatre des cinq pays utilisent le système SYDONIA (Système Douanier
automatisé) de la CNUCED pour gérer les procédures de dédouanement. Le
Bénin, le Mali et le Burkina Faso utilisent SYDONIA++ alors que la Côte
d’Ivoire utilise la version la plus récente (SYDONIA world) sous le nom de
SYDAM world. La version++ est une version « fermée » qui ne permet pas
aux administrations douanières d’avoir accès aux programmes sources.
L’implication en matière d’analyse et de gestion des risques est que seuls l’uti-
lisation de critères de sélectivité et le ciblage aléatoire peuvent être utilisés
pour mettre en œuvre une stratégie d’orientation des déclarations dans diffé-
rents circuits de contrôle. SYDONIA world est un système ouvert et devrait
permettre aux administrations douanières de développer localement de nou-
velles fonctionnalités. Le Sénégal a développé son propre système de dédoua-
nement, GAINDÉ (Gestion automatisé des Informations douanières et des
Échanges) et peut donc plus facilement mettre en œuvre un système intégré
d’analyse et de gestion des risques.
Les cinq pays disposent donc tous d’une information statistique dense à tra-
vers leur système informatique douanier, qui repose essentiellement sur le mani-
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feste et la déclaration en détail. À ces informations s’ajoutent celles relatives aux
attestations de vérification des sociétés privées d’inspection, cependant parfois
difficiles à relier avec les déclarations en douane concernées. En revanche, les
infractions douanières et notamment les affaires contentieuses sont encore
gérées manuellement, bien que parfois reprises dans un logiciel en dehors des
systèmes informatiques douaniers, alors même que SYDONIA propose un
module « contentieux ». Il y a donc un chaînon manquant dans les systèmes
informatiques pour construire une base de données exhaustive sur les informa-
tions douanières, ce qui est dans un premier temps un obstacle important pour
construire un système automatique et « expert » d’analyse et de gestion des ris-
ques. Ainsi, dans les cinq pays, les services en charge du projet ont dû constituer
dans un premier temps, de façon ad hoc, une base de données en réunissant,
souvent avec difficultés, plusieurs sources d’information émanant de diffé-
rents services de la douane et sur différents supports (informatique et papier).
Le cadre institutionnel et les ressources à mobiliser
Dans chacun des pays, le démarrage du projet s’est toujours accompagné
d’une réflexion sur l’organisation institutionnelle des activités d’analyse et de
74 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

gestion des risques dans l’administration douanière concernée. Les réformes


organisationnelles ont été d’autant plus importantes que le projet « analyse
de risque » a été identifié comme prioritaire par la Direction Générale et
inséré dans le cadre d’une stratégie globale de modernisation de l’administra-
tion. Le projet a été à chaque fois l’occasion de rationnaliser cette organisation
en optimisant les échanges d’information et en instituant une collaboration
étroite entre services concernés.
Ainsi, la Douane sénégalaise a créé un bureau d’analyse et d’aide à la déci-
sion (BAD) à la Direction des statistiques et de l’informatique douanière
(DSID), qui pilote le projet, composé d’un inspecteur des douanes (chef de
bureau), de deux statisticiens/économètres et d’informaticiens, et un comité
de gestion du risque composé des agents du BAD et du Bureau du Renseigne-
ment et de la documentation (BRD). La Douane ivoirienne a créé un groupe
de projet qui est composé de personnels des directions de la réglementation et
du contentieux (DRC), de l’analyse du risque, du renseignement et de la
valeur (DARRV), des enquêtes douanières (DED), des services douaniers
d’Abidjan (DSDA), de la surveillance et des interventions (DSI), de l’informa-
tique (DI) et de la statistique et des études économiques (DSEE). La DARRV,
qui pilote le projet, a vu ses effectifs renforcés en personnels ayant des compé-
tences en mathématiques appliquées et statistiques. Le Bénin et le Mali ont
eu une approche différente. Le Bénin a recruté un économètre à la direction
de la gestion de l’information (DGI) et a eu recours à de l’assistance technique
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extérieure privée. Le Mali a créé le Comité de sélectivité (CS) pour piloter le
projet et la Cellule technique de gestion du risque (CTGR) pour les développe-
ments techniques. Ces deux structures mobilisent des personnels de différents
services et notamment du Centre informatique et statistique. Enfin, au Bur-
kina Faso, deux structures ont été créées pour prendre en charge l’analyse du
risque et la gestion de la sélectivité des opérations douanières : (1) la Cellule
de supervision et d’orientation (CSO), structure « décisionnelle » chargée de
superviser l’analyse de risque et la sélectivité ; et (2) le Comité technique opé-
rationnel (CTO), groupe de projet dont le rôle est d’identifier et d’effectuer
toutes les tâches nécessaires à la réalisation des résultats attendus.
Une approche graduelle
L’objectif ultime est d’aboutir à la mise en place d’un système intégré
dynamique d’analyse et de gestion du risque. Cette démarche demande du
temps. L’appropriation des méthodes nécessaires au développement d’un tel
système ne peut se faire que progressivement dans un environnement doua-
nier qui n’a la culture ni de la collecte de l’information ni de l’exploitation des
données.
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 75

L’AFRITAC de l’Ouest a mis en place une programmation pluriannuelle


d’assistance technique sur 3 ans pour appuyer le développement de ce type de
système d’analyse et de gestion des risques dans les pays. Les principales éta-
pes qui rythment ces projets sont (1) la présentation du concept d’analyse du
risque dans l’environnement douanier afin de sensibiliser les cadres des admi-
nistrations douanières à l’intérêt de la démarche ; (2) la création des structu-
res institutionnelles nécessaires à la conception du système ; (3) la réalisation
de l’inventaire des sources d’informations disponibles sur la fraude et la cons-
titution d’une base de données d’informations douanières la plus exhaustive
possible ; (4) La formation des cadres en charge du projet aux outils statisti-
ques nécessaires au développement du système et la réalisation des premiers
tests statistiques pour déterminer les critères de fraude les plus pertinents ;
(5) la conception et l’application d’un système transitoire qui repose sur des
outils statistiques simples ; et enfin (6) la conception et l’application du sys-
tème définitif qui mobilise des outils d’inférences statistiques plus avancés.
Actuellement, les pays en sont au mieux à la mise en application d’un système
transitoire.
Passer par une phase transitoire avec un système simplifié d’analyse du
risque laisse à l’administration le temps de travailler en parallèle sur une plus
longue période pour lever les deux principales contraintes à la conception d’un
système intégré dynamique d’analyse et de gestion du risque : la faiblesse des
données existantes sur la fraude douanière et les difficultés informatiques.
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L’application de systèmes transitoires
La mise en application de systèmes transitoires d’analyse de risque
répond à plusieurs objectifs. Le premier est pédagogique puisqu’il permet aux
personnels de l’administration de se familiariser avec la démarche et de se
l’approprier. Le second est technique dans la mesure où cette étape constitue
un progrès significatif comparativement aux anciens systèmes de sélectivité.
Laporte (2011), Geourjon et al. (2012) montrent en effet qu’effectivement des
méthodes simples peuvent être efficaces dans un premier temps en matière de
ciblage. Enfin, la conception de tels systèmes qui ne peuvent exister sans avoir
bâti au préalable un fichier regroupant l’ensemble des données disponibles
sur les infractions douanières, est l’occasion de souligner l’importance de la
traçabilité informatique des informations relatives à la fraude douanière.
Quatre des cinq pays 4 ont construit un système transitoire simple, tenant
compte des contraintes techniques. Celles-ci (en particulier, système informa-

4 Le Burkina Faso est en phase de démarrage et s’est donné pour premier objectif d’infor-
matiser les opérations contentieuses.
76 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

tique plus ou moins fermé, maîtrise insuffisante de la programmation des


fonctions statistiques) ont été contournées, différemment selon les pays. Le
Bénin a ainsi pu développer dans SYDONIA++ un système de scoring à par-
tir d’une analyse économétrique des critères de fraude et de leur combinaison
grâce à un appui technique extérieur qui a permis « d’entrer » dans le cœur de
SYDONIA. Le Mali a défini son système transitoire d’analyse et de gestion des
risques en fonction de règles, compatibles avec celles de la programmation
dans le module de sélectivité de SYDONIA. La Côte d’Ivoire a bâti un système
transitoire à partir de son application PVS-net 5, indépendante de SYDAM
world, qui fonctionne pour l’instant en parallèle de la sélectivité du SYDAM
world. Le Sénégal a pour objectif d’intégrer son système transitoire dans
GAINDÉ au cours du 1er trimestre 2012.
Dans tous les pays, des profils de risque (score individuel) ont été établis sur
une période de référence (une année le plus souvent) pour les principaux critères
de risque, déterminés selon l’appréciation des équipes en charge de l’analyse de
risque. Ce sont essentiellement l’importateur, le transitaire, l’origine ou la pro-
venance, le régime douanier de dédouanement et la nature du produit.
Ces profils de risque ou score individuel sont ensuite combinés pour obte-
nir un score global pour toute nouvelle déclaration et pour orienter cette
déclaration vers un circuit de dédouanement. La détermination du score glo-
bal est différente suivant les pays. Le système sénégalais calcule une moyenne
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pondérée du score individuel de quatre critères. Le système ivoirien retient le
score individuel maximal parmi trois critères. Au Mali, à partir des profils de
risque sont établis pour chaque critère trois niveaux de risque (fort, moyen
faible). Une règle de décision combinant ces niveaux de risque permet d’orien-
ter vers un circuit de dédouanement (un risque « fort » ou deux risques
« moyen » entraînent une orientation en circuit de contrôle physique par
exemple). Au Bénin, le recours à l’économétrie permet de déterminer les critè-
res pertinents (six critères retenus) et leur pondération pour calculer une pro-
babilité de fraude à partir d’une estimation LOGIT.
Le point commun à tous ces systèmes est qu’ils ne sont pas dynamiques.
Les profils de risque et les pondérations ne sont pas ajustés en temps réel
suite à l’intégration du résultat des contrôles douaniers. Les calculs sont faits
selon une périodicité propre à chaque pays, en dehors du système de dédoua-
nement.

5 PVS-net est un système d’informatisation des contentieux douaniers développé par les
douanes ivoiriennes.
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 77

4 QUELLES LEÇONS TIRER DE CES EXPÉRIENCES ?

Leçon 1 : Les premiers résultats des systèmes transitoires


sont encourageants
Évaluer les « performances » d’un nouveau système d’analyse et de gestion
du risque est un exercice difficile car il faut définir une situation de référence à
partir de laquelle les résultats en matière de ciblage et de contrôles seront com-
parés. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont adopté deux approches différentes. Le
Sénégal a choisi de comparer, non pas en temps réel, mais sur une période don-
née, passée, le résultat des orientations et des contrôles des deux systèmes, le
résultat des orientations pouvant être déterminé a posteriori pour le nouveau
système. Ce sont des considérations techniques qui ont conduit à ce choix, le
nouveau système ne pouvant pas être intégré et fonctionner en temps réel en
même temps que l’ancien système dans GAINDÉ. En Côte d’Ivoire, le nouveau
système repose sur les éléments de la déclaration anticipée à l’importation
(DAI), ce qui permet à la Douane de travailler en amont de la déclaration en
détail. Le ciblage du nouveau système fonctionne donc en parallèle de la sélec-
tivité intégrée dans le SYDAM world. Dans les deux pays, l’objectif des tests est
de s’assurer que le nouveau système, malgré une information douanière
« défaillante », fait au moins aussi bien en matière de détection des fraudes que
l’ancien système, tout en contrôlant moins. Dans les deux cas, seul le ciblage
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statistique a été utilisé pour le nouveau système, alors que ce n’est qu’un des
éléments de ce système. 6
Au Sénégal, le nouveau système a été appliqué au premier puis au second
trimestre 2011, avec un calcul des profils de risque glissant sur les quatre tri-
mestres précédents le trimestre d’application. 100 % des déclarations déposées
dans les deux principaux bureaux de Dakar ont été contrôlées au premier tri-
mestre 2011 et 99,8 % au second trimestre. Le taux de fraude révélé a été res-
pectivement de 0,65 % et 0,93 %. Si le système transitoire avait été appliqué, le
taux de contrôle au premier et second semestre aurait été respectivement de
25,4 % et 18,1 %, pour des taux de fraude révélés de 1,38 % et 1,72 %.
En Côte d’Ivoire, au cours de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre
2011, le SYDAM world a orienté 80 % des déclarations en circuits de contrôle
contraignants pour seulement 47,5 % pour le système transitoire. Parmi les
déclarations orientées en circuit sans contrôle par le système transitoire, 6,2 %

6 Une autre possibilité d’apprécier la performance du nouveau système serait de com-


parer les résultats obtenus avec ceux obtenus par un ciblage purement aléatoire. Aucun
pays ne l’a fait jusqu’à maintenant.
78 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

avaient été orientées en contrôles contraignants par le SYDAM et avaient


révélé une fraude. Un peu plus de la moitié des déclarations orientées en cir-
cuit sans contrôle par le SYDAM ont été orientées en circuit de contrôle con-
traignant par le Système transitoire. L’absence de contrôle sur ces déclarations
ne permet pas de dire si oui ou non il y a eu fraude.
Ces résultats sont particulièrement intéressants. Les taux de contrôle
sont significativement diminués, sans que les fraudes révélées par les systèmes
en place n’échappent au nouveau système. Ces systèmes transitoires pour
l’instant n’intègrent qu’un « ciblage statistique » simple des opérations à con-
trôler, alors que d’autres éléments composent le système (Geourjon et Laporte,
2005, Geourjon et al, 2012). Par ailleurs, les techniques économétriques n’ont
pas encore été développées. La prise en compte de ces éléments et l’améliora-
tion de la qualité des contrôles avec leur réduction en nombre devraient logique-
ment aboutir à des systèmes performants, permettant de contrôler moins pour
contrôler mieux.
Leçon 2 : Les services en matière d’analyse du risque offerts par les
sociétés d’inspection qui vérifient dans un même pays les importations,
ne peuvent pas être efficaces
Les sociétés privées d’inspection présentes dans les PED offrent, dans le
cadre de leurs contrats gouvernementaux pour la mise en place de program-
mes d’inspection avant embarquement ou à destination et/ou de service de
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scanning, des services d’analyse du risque pour les administrations douaniè-
res. Les systèmes proposés par ces sociétés sont standards et basés sur leurs
propres informations, c’est-à-dire sur les résultats de leurs propres contrôles.
Ces systèmes sont des systèmes intégrés et dynamiques ayant les mêmes
caractéristiques que ceux actuellement visés dans les cinq pays. Les sociétés
ont jusqu’à présent toujours été réticentes à les transférer aux administra-
tions des douanes. Celles-ci ont donc des difficultés à s’en approprier les résul-
tats et de facto ne les utilisent que peu pour la sélectivité de leurs contrôles
qui reste essentiellement basée sur leur propre méthode traditionnelle. Et
même si, comme au Sénégal, l’orientation des déclarations fournie par la
société sur une partie des importations est suivie par l’administration, la
démarche reste imparfaite puisqu’aucun retour d’information sur le résultat
des contrôles douaniers n’est fourni à la société pour alimenter son système
d’analyse de risque.
La principale raison avancée à ce blocage est que les services offerts en
matière d’analyse du risque par les sociétés privées d’inspection et les pro-
grammes de vérification des importations pour lesquels elles ont été initiale-
ment sollicitées, visent deux objectifs antinomiques : pour les premiers, la
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 79

modernisation de l’administration qui implique un partenariat douane/société


privée, et pour les seconds, l’efficacité de la « double vérification » qui néces-
site au contraire la mise en concurrence de la douane et de la société pour évi-
ter toute collusion. Associer dans un même contrat les services d’inspection et
ceux relatifs à l’analyse du risque est donc incompatible. Or, les sociétés qui
offrent ce dernier type de services les ont jusque-là basés uniquement sur les
résultats de leurs propres inspections (Dequiedt et al. 2009, 2012).
Leçon 3 : La faiblesse des administrations douanières n’est pas un
obstacle au développement de tels systèmes
Au contraire. En présence d’aléa moral fort, l’usage de techniques de
sélectivité scientifiques plutôt que l’application de décisions fondées sur
l’appréciation humaine est d’autant plus nécessaire. Ainsi, paradoxalement
plus une administration est faible et plus elle devrait avoir recours à des sys-
tèmes sophistiqués permettant de se libérer d’influences et d’arbitrages éven-
tuels.
Reste le problème des compétences requises pour développer des systèmes
de ce type. En fait, on peut noter qu’en dehors de celles particulières en ana-
lyse de données et économétrie, que l’on rencontre d’ailleurs parfois déjà dans
les administrations douanières, celles-ci détiennent déjà toutes les compéten-
ces nécessaires en informatique.
Leçon 4 : S’éloigner de la « vraie douane » en choisissant d’utiliser
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des méthodes d’inférences statistiques peut être un moyen de mieux y
revenir
Une question revient toujours avant de s’engager dans ce type de projet,
surtout dans le contexte actuel où d’importants chantiers de modernisation
sont en cours. Est-il opportun de consacrer du temps et d’affecter des res-
sources au développement de techniques relevant de domaines très éloignés
des préoccupations purement douanières ?
En fait, ces expériences ont montré que ce type de projet avait des effets
directs importants sur le processus de réforme (Geourjon et al., 2012). Déve-
lopper des systèmes de ce type implique de disposer d’une plateforme de don-
nées sur les infractions douanières, indispensable à la modernisation. À cette
fin, et pour garantir la traçabilité des infractions constatées, il est nécessaire
de mettre à plat et de revoir les procédures du contentieux pour les informati-
ser. Cette démarche a favorisé la prise de conscience de l’existence de pro-
fonds dysfonctionnements et a permis de renforcer la coordination entre les
différents services. Enfin, ces expériences ont été l’occasion de valoriser cer-
taines tâches indispensables à une douane moderne, l’utilisation de l’information
80 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

notamment, et ont favorisé un mouvement en faveur d’un profond change-


ment de culture.
Leçon 5 : Le développement de ces systèmes peut faciliter la seg-
mentation des opérateurs en douane et les résultats du ciblage être
utilisés pour l’orientation dans les différents circuits en fonction de
cette segmentation
La création d’un statut d’opérateurs économiques agréés, bénéficiant
d’un traitement préférentiel sous forme de procédures allégées, est préconisée
par l’OMD et l’OMC pour faciliter les échanges. Plus généralement, définir les
principales caractéristiques des opérateurs et les regrouper en fonction est
essentiel pour une administration afin de mieux adapter les procédures et les
contrôles. L’établissement de profils de risque par importateur constitue un
outil approprié pour segmenter les opérateurs. Les critères requis pour béné-
ficier du statut d’opérateur économique agréé vont bien évidemment au-delà
des seuls résultats obtenus relativement au risque évalué par la fréquence de
fraude qui constitue un critère parmi d’autres. Ces résultats sont également
utiles pour établir des listes d’opérateurs à haut risque en complément
d’autres critères comme par exemple les opérateurs non immatriculés ou
ayant un identifiant douteux.
La segmentation des opérateurs permet inversement d’affiner les seuils
définis pour l’orientation dans un circuit de contrôle. Les opérateurs agréés
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ne devraient ainsi pas être contrôlés sinon en fonction d’une orientation pure-
ment aléatoire. À l’opposé, les seuils pour orienter les opérateurs les plus ris-
qués en circuit de contrôle physique, devraient être très bas, voire nuls en cas
de choix en faveur d’un contrôle systématique.
Leçon 6 : Pour aboutir, le projet doit être identifié comme prioritaire
et s’inscrire dans un programme global de modernisation
Dans les cinq pays qui ont choisi de développer ce type de système, le pro-
jet a été dès le départ considéré par la Direction générale comme prioritaire.
Ceci est indispensable pour mobiliser les ressources humaines et matérielles
nécessaires. Il s’agit ensuite de continuer à considérer le projet comme prio-
ritaire. Ceci est indispensable pour maintenir la stabilité et la disponibilité de
l’équipe projet initialement choisie, notamment en excluant éventuellement
ses membres des traditionnelles rotations annuelles de personnel.
Les expériences en cours ont mis en évidence l’interdépendance des diffé-
rents projets initiés dans le cadre des programmes de modernisation, les
retards pris dans un domaine pouvant très sensiblement affecter l’avance-
ment dans les autres. En ce qui concerne le développement des systèmes
La gestion du risque en douane : premières leçons tirées de l’expérience... 81

d’analyse de risque, la qualité de l’information est déterminante. Elle dépend


du nombre d’infractions relevées et de leur traçabilité, et donc en conséquence
des progrès réalisés sur le terrain en matière de contrôle, sur la façon dont les
inspecteurs des douanes rapportent dans le système informatique les infrac-
tions constatées, et de l’avancement de l’informatisation de la gestion du con-
tentieux douanier. Enfin, en dehors des aspects techniques relevant de ces
différents domaines, le renforcement et l’amélioration de la gestion des res-
sources humaines sont indispensables pour maximiser l’impact de toutes les
avancées réalisées.

5 CONCLUSION

Les expériences menées dans ces cinq pays d’Afrique de l’Ouest, qui ont choisi
de développer dans leurs administrations douanières des systèmes intégrés et
dynamiques d’analyse de risque, ont déjà permis d’obtenir des résultats posi-
tifs, alors même qu’elles n’en sont qu’à une phase transitoire. Cet intérêt pour
le développement d’approches structurées pour analyser le risque s’est mani-
festé dans ces pays en priorité dans les administrations douanières qui font
face, compte tenu des spécificités des procédures d’importation et des coûts de
transactions élevés, à une forte pression des opérateurs, comme des institu-
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tions internationales pour limiter et accélérer les contrôles. D’autres adminis-
trations devraient logiquement suivre.
Une récente étude (Grigoriou, 2012) vient en effet de mettre en évidence
les avantages des systèmes de ce type pour organiser les contrôles visant à
s’assurer du respect des normes techniques, sanitaires et phytosanitaires. Les
administrations fiscales commencent également à intégrer le concept d’ana-
lyse de risque pour améliorer leurs contrôles. Des expériences sont envisagées
notamment pour organiser le ciblage des contrôles relatifs aux rembourse-
ments des crédits de TVA afin d’en accélérer et rationaliser le processus.
L’analyse et la gestion du risque grâce à l’utilisation d’outils statistiques et
économétriques devraient ainsi pouvoir efficacement contribuer à la moder-
nisation des administrations, et à une meilleure application de la politique fis-
cale et commerciale.
82 Anne-Marie Geourjon, Bertrand Laporte

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