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De la transformation du mouvement culturel hip-hop en

pouvoir politique
Bakari Kitwana
Dans Diogène 2003/3 (n° 203), pages 139 à 145
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0419-1633
ISBN 9782130539940
DOI 10.3917/dio.203.0139
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 25/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.72.6.61)

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DE LA TRANSFORMATION DU MOUVEMENT
CULTUREL HIP-HOP EN POUVOIR POLITIQUE
par

BAKARI KITWANA

La question du rôle de l’art noir s’est posée depuis longtemps


aux artistes africains-américains. Elle fut lancée par Langston
Hughes dans son essai de 1926 : « L’artiste noir et la Montagne
Raciale ». Et posée à nouveau par le mouvement des arts noirs à la
fin des années 60, comme souvent pendant, avant et depuis lors.
Pour les jeunes noirs américains d’aujourd’hui, plusieurs facteurs
importants ont contribué à poser à nouveau cette question, bien
que de manière singulièrement audacieuse et curieuse.
Dans la plus grande partie des vingt dernières années, les intel-
lectuels africains-américains, du champ de bataille des activistes
au fauteuil de la tour d’ivoire, ont débattu sans fin de cette ques-
tion : pourquoi n’y a-t-il aucun mouvement politique noir contem-
porain ? À part les membres aux avant-postes des mouvements the
« flash in the pan » du front africanophile et afrocentrique du mi-
lieu à la fin des années 1980, peu soutiendraient qu’un quelconque
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réel mouvement politique ait existé aux États-Unis de la fin des
années 60 au début des années 70. Curieusement, le mouvement
culturel qui a le plus souvent donné le flanc à la critique et au mé-
pris de la génération des droits civiques (Civil Rights) et du black
power, par ses chansons sexistes et homophobes et par son exalta-
tion apparemment incessante du bling-bling1 et de la société de
consommation, pourrait bien être le vecteur du prochain mouve-
ment politique notable de l’Amérique noire.
Tout d’abord, il s’agit de la première génération africaine-
américaine qui a suivi la fin de la ségrégation. Nous, la génération
hip-hop (les jeunes Africains-Américains nés entre 1965 et 1984),
sommes les premiers Africains-Américains à avoir grandi sans sé-
grégation légale. Nous sommes également la première génération
sur laquelle le mouvement des droits civiques (Civil Rights move-
ment), avec son idéologie et ses héros, a largement pesé dans notre
propre définition de nous-mêmes et de nos compatriotes améri-
cains. Bien que Martin Luther King Jr ne soit pas le héros de notre

1. Le terme « bling-bling » est devenu courant dans les paroles du hip-hop à par-
tir de la fin des années 1990, et popularisé par des rappers comme Jay-Z, Foxy
Brown, Lil Kim, Mase et Puff Daddy. Il fait généralement référence à des bijoux
coûteux en platine ou incrustés de diamants et à la lumière qui s’y reflète. J’utilise
ce terme également pour évoquer les produits de luxe qui donnent un statut dans la
société de consommation américaine.

Diogène n° 203, juillet-septembre 2003.


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génération, il nous a été impossible – en partie à cause de la créa-


tion du King Holiday (journée commémorative) – d’échapper à
l’institu–tionnalisation de certains aspects des théories du Dr
King. En cela, son célèbre discours « J’ai un rêve » et l’idée de juger
un individu « par le contenu de son caractère » plutôt que par sa
couleur de peau sont tous deux des fondements de notre identité.
En même temps, notre génération d’Américains est la première
à atteindre sa majorité à une époque où la société de consommation
domine l’imaginaire américain avec les idéaux du « libéralisme
économique » et de la « démocratie ». Ces idées, pour le meilleur et
parfois le pour le pire, sont également fondamentales pour notre
identité. Comme notre idée de la démocratie est souvent liée à celle
de l’omnipotence du libéralisme, nous ressentons comme un droit
naturel de briser les chaînes des anciennes manières de voir et
d’être, y compris dans la définition de la race.
Cette folie du libéralisme a d’une certaine manière contribué à
ouvrir la voie à l’explosion des arts du hip-hop. Dans la décennie
des années 85 à 95, le mouvement culturel dominant de notre épo-
que, la culture hip-hop, est devenu, apparemment du jour au len-
demain, un courant dominant de la culture populaire américaine.
Cette vedettisation de l’art hip-hop – et plus particulièrement du
rap – dans la culture populaire américaine a conféré aux jeunes
Africains-Américains une visibilité nationale et internationale sans
précédent, à une époque de l’histoire où les images sur la place
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publique du XXIe siècle – télévisions, films et Internet – sont plus
que jamais déterminantes pour notre identité.
Cette visibilité et, très certainement, les images de ségrégation
souvent stéréotypées qui l’accompagnent, requièrent une distinc-
tion entre culture populaire noire actuelle et idées traditionnelles
sur la culture noire, y compris dans l’art et dans ce qui est en jeu
dans les productions culturelles.
Afin de trouver clairement notre voie en méditant sur ces ques-
tions, nous devrions également distinguer les différentes tendances
culturelles convergentes puisque le hip-hop est devenu un produit
fondamental de la culture populaire américaine. La culture popu-
laire noire n’est pas une copie conforme de la culture hip-hop. Et
les éléments issus de la culture des prisons qui ont frayé leur che-
min dans la culture hip-hop ne devraient pas être assimilés à la
culture de la jeunesse noire. De la même manière, si la culture de
rue dans le domaine de la culture populaire est considérée comme
représentative de ce que veut dire être jeune et noir, ce n’est pas
pour autant qu’elle l’est, même si elle apparaît comme telle dans la
musique rap qui illustre les bandes-sons de vidéos ou de films de
gangsters noirs, de Menace II Society à Paid in Full.
Dans un tel climat, une question surgit inévitablement : l’art
noir joue-t-il encore un rôle comme lieu de soutien à l’esprit d’un
peuple opprimé ? La réponse est à la fois un Non et un Oui francs !
LE MOUVEMENT CULTUREL HIP-HOP 141

Le hip-hop, comme mouvement culturel, se définit souvent par


ses manifestations commerciales – les ventes de disques, les per-
sonnalités dynamiques de millionnaires instantanés, le bling-bling,
le clinquant et le glamour du bling-bling. Cet aspect commercial du
mouvement culturel – à quelques notables mais rares exceptions
près – conduirait bien des gens à conclure très vraisemblablement
que le marché a en fait dépassé les idées d’intégrité culturelle noire
comme partie de la mentalité des jeunes artistes noirs.
Mais le « Oui » franc existe aussi ! Et les analyses de l’impact du
hip-hop seraient incomplètes si elles ne prenaient pas en compte la
partie immergée du mouvement culturel hip-hop. Ceux qui appar-
tiennent au milieu des jeunes du hip-hop et pressent leurs propres
CDs, ceux qui cherchent à pénétrer le marché commercial, ceux qui
sont heureux de réaliser leur projet à l’échelle locale, ceux qui se
« branchent » tout simplement sur le hip-hop, à travers des
« soirées » locales, des clips, des mixages sur bande, etc. dans
n’importe quelle ville, petite ou grande, des États-Unis. C’est
l’élément underground sur lequel repose le mouvement culturel
hip-hop et qui nourrit ce mouvement de la parole scandée. L’un
comme l’autre alimentent le mouvement politique naissant. Vous y
trouverez d’obscurs artistes hip-hop comme Medusa, Capital D et
beaucoup d’autres pour qui les idées traditionnelles noires font
encore partie de l’identité de l’artiste.
Des critiques radicales de ce type qui caractérisent les artistes
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hip-hop et peuvent aussi se retrouver chez des artistes plus connus
tels The Goodie Mob, Common et d’autres groupes de rap comme
par exemple Le Coup – dont l’un des membres, MV Bootd Tiley, se
dit communiste et vient d’une famille activiste – ne sont pas des
aberrations dans le monde du hip-hop, mais au contraire une tradi-
tion forte. Ceci se vérifie chez de nombreux artistes en vue, même
les soi-disant gangsters et bandits. Les Jay-Zs, les Babys, les Ca-
mrons et les Ja-Rules, au centre du courant commercial hip-hop,
ont aussi été politisés, comme la majeure partie de la génération
hip-hop, par la politique publique américaine des années 80 et 90.
Ces artistes évoquent, à travers le rap, la rareté croissante des
emplois décents dans la classe laborieuse, les inégalités dans
l’incarcération et l’infériorité de l’éducation, bien qu’y associant des
mots comme « niggas », « bytches »2, « hos », « blunt-smoking »,
Trinquer du Moët dans du cristal, tuer des noirs.

2. Les termes « bytches » et « ho » fréquemment utilisés dans le hip-hop dans les


dernières 14 années fait généralement référence aux femmes black et latinos. Avant
la fin des années 80, ces termes étaient rarement utilisés dans le hip-hop, mais sont
devenus plus fréquents à mesure que des membres de la génération hip-hop se sont
fait prendre dans le système criminel américain avec la lutte des État-Unis contre
la drogue qui vise de manière disproportionnée les quartiers pauvres blacks et lati-
nos. Ces termes qui sont utilisés dans le hip-hop pour désigner des femmes ont leur
origine dans les prisons américaines où s’établit une hiérarchie entre les hommes
qui les utilisent aussi.
142 BAKARI KITWANA

« La conscience » – feu Kwame Toure (un membre autrefois actif


du SNCC3 et président du parti révolutionnaire de tous les peuples
africains [All African Peoples Revolutionary Party]) nous le rappe-
lait souvent – « est multiforme. Et si elle ne se présente pas tou-
jours dans un emballage courant, joli et soigné – cela ne signifie
pas qu’elle n’existe pas ».
De même, alors que des artistes comme Mos Def, Talib Kweli,
Boots Riley et Dead Prez soutiennent des causes activistes sur le
terrain, il semble plus difficile à la plupart des artistes d’établir un
lien direct entre les textes musicaux des artistes et une démarche
activiste concrète. Cependant, lorsqu’on leur parle d’un événement
politique, la majeure partie de la génération hip-hop se souvient
sans peine que leur première prise de conscience politique de cet
événement vient de la musique rap. Plutôt que d’essayer d’être
eux-mêmes activistes, ce qu’ont fait les artistes du rap, c’est de
participer à la création d’une infrastructure nationale et au renfor-
cement d’une culture nationale jeune que rallient de plus en plus
de jeunes activistes, la plupart du temps aux niveaux local et ré-
gional (des organisations comme le Third Eye Movement de San
Francisco, le Hip-Hop Political Action Committee de Chicago, le
L.I.S.T.E.N. Inc. de Washington pour n’en citer que quelques-
unes), lorsqu’ils cherchent à amorcer un changement politique.
Plutôt que d’adhérer à la position de la culture populaire selon
laquelle tous les membres de la génération hip hop ne partagent
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pas les mêmes problématiques culturelles que celles de la culture
noire traditionnelle, nous devrions considérer de plus près le climat
habituel de la culture et de la politique noires. Quant au hip-hop et
à la nouvelle génération, nous sommes dans une période unique de
l’histoire où le mouvement culturel de notre génération annonce un
mouvement politique. Curieusement, c’est dans la partie immergée
de l’iceberg du mouvement culturel hip-hop que l’on trouve certai-
nes des expressions artistiques les plus politisées de cette généra-
tion. Celles qui participent aux meetings politiques, organisent le
vote en masse de la génération hip-hop, et jettent des ponts entre
le mouvement culturel et le mouvement politique naissant. Ce sont
des groupes dont les idées, quelquefois associées à des paroles anti-
noires et misogynes, vont venir de plus en plus sur le devant de la
scène, à mesure que le hip-hop assied sa position de force politique.
Déjà au niveau des principaux courants politiques, des artistes

3. SNCC : Student Non violent Co-ordinating Committee (Comité de coordina-


tion étudiant non violent). Organisation nationale fondée par les jeunes, pour la
plupart étudiants, en 1960, pendant le mouvement des droits civiques (Civil Rights
movement). Le SNCC a été créé avec l’aide du SCLC (Southern Christian Leaders-
hip Conference) et avec l’idée que les jeunes devraient avoir leur propre organisa-
tion. SNCC était le terrain d’entraînement des leaders-clés du mouvement du Black
Power, mouvement qui devait apparaître à la fin des années 60 et au début des
années 70, et est souvent la référence pour la génération hip-hop de ce qui est ab-
sent dans notre génération.
LE MOUVEMENT CULTUREL HIP-HOP 143

de rap tels que LL Cool J, Naughty By Nature et MC Lyte ont prê-


té leur voix et leur influence à des causes politiques. À Dallas, le
meeting du réseau actif de hip-hop de Russell Simmons a permis
au candidat aux élections sénatoriales Ron Kirk de s’adresser à la
génération hip-hop. À New York, le Urban Think Tank Institute a
récemment accueilli une conférence sur le thème : « La nouvelle
politique dans l’Amérique urbaine : un nouveau dialogue des géné-
rations ». À Chicago, le Comité d’Action Politique Hip-Hop met en
avant l’éducation des électeurs et offre une scène aux candidats
afin qu’ils s’adressent aux jeunes du hip-hop. À Little Rock, Selma,
San Francisco, Los Angeles, etc. de jeunes activistes font appel à
l’influence du hip-hop et à la nouvelle génération pour travailler
aux changements des mentalités au niveau local. Tout ceci aurait
été inimaginable, ne serait-ce qu’il y a trois ans.
La culture hip-hop, à ses origines, au milieu des années 70,
était essentiellement représentée par la musique rap, le graffiti, le
break dancing et la culture des soirées DJ ; elle s’est transformé au
cours des 25 dernières années à la fois en culture populaire à sen-
sation et en une entité commerciale prospère (avec les milliards
d’euros des ventes de disque rap et les millions d’euros des lignes
de vêtements) : c’est un fait largement reconnu. Ce que l’on sait
moins, en dehors du milieu de la culture des jeunes, c’est à quel
point l’activisme politique est développé chez les jeunes Américains
du hip-hop.
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Dans tous les campus universitaires du pays, les étudiants ont
initié une certaine explosion des clubs hip-hop qui sont le pendant
de l’introduction des études noires sur les campus universitaires de
la fin des années 60 et du début des années 70. Ces clubs font par-
tie d’un mouvement activiste d’étudiants novices qui utilise égale-
ment l’influence de la culture hip-hop pour politiser la jeunesse. Ils
réclament des cours sur la culture hip-hop et organisent des confé-
rences sur le hip-hop. Les cours et les conférences, comme ceux de
l’Université de Californie à Berkeley et de l’Université du Wis-
consin à Madison, par exemple, font passer des idées politiques.
Des organisations activistes de la communauté des jeunes
comme le Centre Ella Baker de San Francisco, le Inner City Games
de Philadelphie et le LISTEN de Washington, essaient tous de tis-
ser des liens avec les enfants du hip-hop pour semer la bonne pa-
role et motiver leurs pairs sur les questions sociales qui affectent
leurs vies. À Chicago, de jeunes activistes impliqués dans la section
des jeunes de la Chicago Alliance for Neighborhood Safety (Al-
liance de Chicago pour la sécurité dans les quartiers), par exemple,
sont montés au front pour alerter la communauté sur l’injustice du
décret antigang de Chicago qui a a engendré plus de 45 000 arres-
tations, avant d’être décrété inconstitutionnel par la Cour suprême
des États-Unis.
Les membres la génération hip-hop qui tentent de s’engager sé-
144 BAKARI KITWANA

rieusement dans l’action politique agissent de même. Au cours des


dernières années, le Urban Think Tank Institute de New York a
joué un rôle crucial et a relevé la responsabilité du hip-hop envers
l’intégrité culturelle noire, en faisant ressortir la nécessité de poli-
tiser la génération postérieure aux Droits Civiques. Ras Baraka,
fils de l’activiste des années 60, Amiri Baraka, et poète du rap lié à
de grandes vedettes de l’industrie du rap, comme par exemple les
Fugees, a perdu de quelques voix une récente élection de conseil
municipal à Newark, dans le New Jersey. En 2000, l’activiste Ma-
laika Sanders a lancé la campagne du « Joe’s Gotta Go (Joe doit
partir) », qui inscrivait les jeunes sur les listes électorales et les a
organisés en une masse d’électeurs éduqués, et a contribué à faire
tomber Joe Smitherman, maire depuis des dizaines d’années, et
auparavant ségrégationniste, en faisant élire le premier maire noir
de la ville. Des efforts de ce type utilisent l’influence du hip-hop
pour conquérir une nouvelle génération d’électeurs.
Bien des activistes de base, des étudiants activistes, et des ac-
teurs politiques se sont récemment réunis et organisent actuelle-
ment une convention politique nationale pour la génération hip-
hop. Cette convention est prévue pour mars 2004 et est en général
considérée comme la suite de la convention politique nationale
noire, qui se tint à Gary, dans l’Indiana, en 1972. Les organisa-
teurs de la convention de mai 2004 prévoient que la génération
hip-hop se réunira pour établir un agenda politique national pour
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la génération hip-hop. Les organisateurs espèrent que les partici-
pants rapporteront cet agenda dans leurs communautés locales et
continueront à utiliser le hip-hop comme moyen de contrôle des
élus, en apportant des changements sociaux dans les domaines qui
ont le plus affecté les enfants du hip-hop, comme l’éducation, la
prison et un revenu minimum vital dans le travail, pour n’en men-
tionner que quelques-uns.
Il nous semble difficile d’imaginer qu’un jour un Jay-Z ou un P.
Diddy suive les directives d’un député-maire de Newark comme
Ras Baraka, d’un journaliste et auteur comme Joan Morgan, d’un
ministre comme Conrad Muhammad, d’un membre du congrès
comme Jesse Jackson, Jr ou d’une activiste comme Malaika San-
ders, mais ce jour n’est pas si loin qu’on ne le pense. Le travail de
ces activistes, politiciens et intellectuels de la génération hip-hop,
et de bien d’autres de la même tendance, suscite à la ronde les ré-
solutions et innovations d’idées progressistes qui apparaissent
dans la nouvelle génération. Alors que ces efforts pourraient au
contraire apparaître comme des incursions de routine dans les cou-
rants politiques réformistes, derrière les sunlights, on trouve une
avant-garde qui synthétise les différentes idéologies d’hier et de
demain dans des perspectives politiques concrètes inattendues sus-
ceptibles d’apporter un changement radical pour notre époque.
Pendant ce temps, les débats de générations comme ceux du conte-
LE MOUVEMENT CULTUREL HIP-HOP 145

nu des paroles commerciales du rap et les noms d’oiseaux intergé-


nérationnels comme ceux du Barbershop4 continueront à se déve-
lopper. C’est-à-dire, jusqu’à ce que la génération hip-hop prouve
irrévocablement que de tels débats sont révolus.
En tant que communauté, les jeunes Africains-Américains
comme les plus âgés, attachés au rôle de l’art à notre époque, doi-
vent s’appliquer consciencieusement à regarder plus loin que l’éclat
aveuglant de la culture populaire. Car c’est là qu’on peut trouver
une génération de jeunes Africains-Américains engagés dans la
cause de l’intégrité de la culture noire, à l’instar des générations
précédentes. En dernière analyse, grâce à l’influence sur le marché
de cette génération, dans ses années d’adolescence, nous nous mon-
trerons dans les années à venir tout aussi habiles, si ce n’est plus,
à utiliser l’art comme arme de résistance.

Bakari KITWANA.
(États-Unis.)

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aimée-Catherine Deloche.


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4. Barbershop : un film populaire de 2002 qui a été à l’origine d’un conflit de gé-
nérations. Dans ce film, l’acteur et homme de spectacle, Cédric le comédien, fait des
remarques désobligeantes sur Jesse Jackson, Rosa Parks et Martin Luther King Jr.
Les partisans des droits civiques trouvèrent ces références désobligeantes. Le hip-
hop pensa que la réponse de la vieille école montrait à quel point elle était peu liée
avec la jeune génération

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