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La production manuscrite des informateurs berbères à

l’époque coloniale : le cas de Ssi Brahim Akenkou


El Khatir Aboulkacem-Afulay
Dans Études et Documents Berbères 2016/1 (N° 35-36), pages 31 à 51
Éditions La Boite à Documents
ISSN 0295-5245
DOI 10.3917/edb.035.0031
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Études et Documents Berbères, 35-36, 2016 : pp. 31-51

LA PRODUCTION MANUSCRITE DES INFORMATEURS


BERBÈRES À L’ÉPOQUE COLONIALE :
LE CAS DE SSI BRAHIM AKENKOU
par
El Khatir Aboulkacem-Afulay

Depuis au moins la troisième décennie du XIXe siècle, les explorateurs,


diplomates et scientifiques américains et européens, entrés en contact avec
des lettrés locaux dans certains milieux berbérophones en Afrique du Nord, ont
commencé à solliciter d’eux la collecte de productions orales et des matériaux
lexicaux et grammaticaux ainsi que la rédaction de textes et de notices
linguistiques et ethnographiques d’importance variable sur la vie sociale et
culturelle de leur groupe et/ou sur l’histoire et la géographie de leurs régions.
Les raisons historiques et scientifiques de ces sollicitations sont évidentes. La
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connaissance des pays à coloniser et à dominer est indispensable pour la
conquête militaire et pour son organisation. Dans ce cadre, la présence d’une
activité scripturaire importante et, par conséquent, d’une catégorie de lettrés
disposés à produire des textes écrits dans leur langue maternelle a été mise à
profit pour la réalisation de ces projets de collecte et d’élaboration de docu-
ments différents et nécessaires aux programmes d’exploration scientifique. La
mobilisation de ces compétences a aidé dans le développement d’un type
particulier de littératie berbère sensiblement différente des genres classiques
produits et diffusés essentiellement dans les sphères maraboutiques 1.

1. Un nombre important d’études, de monographies, de catalogues et d’éditions de textes ont été


réalisés sur la littératie en berbère depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Voir, en particulier, Ali
Amahan, « Sur une notation du berbère en caractères arabes dans un fragment de manuscrit inédit de
1832 », Groupe Linguistique des Etudes Chamito-sémitiques, Séance du 18 juin 1980, pp. 51-60, du
même auteur, « L’écriture en tachelhit est-elle une stratégie des zaouïas », in Drouin et Roth (Eds),
À la croisée des études libyco-berbères, mélanges offerts à Lionel Galand et Paulette Galand-Pernet,
Paris, CNRS, 1993, pp. 437-449, Henri Basset, Essai sur la littérature des Berbères, Alger, Jules
Carbonel, 1920 [Réédition, Paris, Ibis press-Awal, 2001], René Basset, Relation de Sidi Brahim de
Massat, Paris, Ernest Leroux, 1882, Nico Van Den Boogert, Catalogue des manuscrits arabes et
berbères du Fonds Roux (Aix-en-Provence), Travaux et Documents de l’IREMAM no 18, Aix-en-
Provence, 1995, et du même auteur, The berber literary tradition of the Sous, with an edition and
translation of “the ocean of the tears” by Muhammad Awzal (d. 1749), Leiden, Nederlands Institut
voor het Nabije Oosten, 1997, M.-G. De Slane, « Note sur la langue, la littérature et les origines du

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D’après les informations dont nous diposons actuellement, Sidi Brahim el-
Massi, un lettré de la première moitié du XIXe siècle qui est originaire comme
son ethnique l’indique de la vallée de Massa dans la région d’Agadir, semble
être l’un des premiers à avoir rédigé une relation sur sa région natale, le Sous. Il
a procédé à cet acte en répondant à la demande formulée par le diplomate
américain William B. Hodgston. Après un séjour dans le cadre de ses activités
diplomatiques à Alger où il a déjà initié un travail de collecte et d’élaboration
d’outils ethnographiques en collaboration avec des lettrés kabyles comme Sidi
Hamet (Ahmed), Hodgston s’est installé à Tanger, siège du ministère de la Mer
chérifien 2. Profitant de la présence dans cette ville de Sidi Brahim en 1834, il
lui a demandé de rédiger une description de la région de Sous, en parler local le
tachelhit, avec une traduction arabe. Ne maîtrisant pas le tachelhit, Hodgston
s’est contenté de la publication de la traduction anglaise du texte basée sur la
version arabe. Elle est publiée dans The Journal of the Royal Asiatic Society, en
1837. Newman a par la suite établi une édition de la version berbère de la
relation. Elle est publiée par la même revue et ce, en 1848 3. De son côté, René
Basset a réalisé la traduction française de cette relation basée sur le texte en
berbère, elle est accompagnée d’une annotation. Elle est publiée, en 1882, à
Paris sous le titre de Relation de Sidi Brahim de Massat 4. Récemment, Omar
Afa a réédité le texte en double transcription, arabe et tifinaghe, avec les
traductions arabe, française et anglaise 5. Cette relation a inauguré tout un
processus d’élaboration et de transcription de différents textes. Au-delà même
du fonds de l’ancien consul français à Mogador Jacques Denis Delporte (1777-
1861) qui comporte aussi bien des manuscrits anciens que des textes oraux 6,
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les contacts établis par ces lettrés ont permis le recueil et l’accumulation d’une
documentation riche et variée à travers la rédaction de notices et la transcription
de coprus oraux. C’est grâce à ces actions que les fonds berbères des biblio-
thèques publiques et privées disposent de documents importants comme le
recueil de Sidi Hammou el-Mazghi, communément connu sous le nom de Sidi

peuple berbère », in Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique
septentrionale, Alger, Impr. du Gouvernement, 1852-1856, t. IV, pp. 489-584, Paulette Galand-Pernet,
« Notes sur les manuscrits à poèmes chleuhs de la Bibliothèque générale de Rabat », Journal
asiatique, vol. CCCLX, 1972, pp. 299-316 et du même auteur, « Notes sur les manuscrits à poèmes
chleuhs du fonds berbère de la Bibliothèque nationale de Paris », Revue des Études islamiques,
vol. XII-2, 1973, pp. 283-296.
2. Dit en arabe wizarat al-bahr, il serait l’équivalent du ministère des Affaires étrangères.
3. F. W. Newman, “The narrative of Sidi Ibrahim Ben Muhammed el Messi el Susi in the Berber
language with interlineary version and illustrative notes”, Journal of The Royal Asiatic Society, IX,
1848, pp. 215-266.
4. R. Basset, Relation de Sidi Brahim de Massat, op.cit.
5. O. Afa, Akhbar Sidi Brahim al-Massi ‘an tarikh Sus fi lqarn attasi’ ‘ashar [relation de Sidi
Brahim al-Massi sur l’histoire de Souss au XIXe siècle], Rabat, Editions de l’IRCAM, 2004.
6. À propos de ce fonds voir en particulier, J.-D. Delaporte, Spécimens de la langue berbère, Paris,
1844, De Slane, « Note sur la langue, la littérature et les origines du peuple berbère », op. cit., et
Paulette Galand-Pernet, « Notes sur les manuscrits à poèmes chleuhs du fonds berbère de la
Bibliothèque Nationale de Paris », op. cit.

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Hammou Taleb, réalisé par Abdelkader Ibn Mohamed Saouiri sous la forme
d’un livre calligraphique (1904) et les recueils de poèmes publiés par le colonel
Justinard collectés et transcrits en caractères arabes par des lettrés locaux 7.
Il est à noter que cette activité a concerné d’autres régions berbérophones. La
description du Djebel Nefousa dans la Tripolitaine (Libye), écrite en parler de
Nefoussa à la fin du XIXe siècle, par un lettré local du nom de Brahim Ben
Slimane Chemmakhi, s’inscrit en effet dans le même contexte. C’est l’orienta-
liste et linguiste Motylinski qui est à l’origine de cette compilation. Dans la
préface à l’édition et à la traduction française de cette relation, il écrit :
« j’engageai Brahim [qu’il a rencontré à Ghardaïa, cité mozabite du Sud
algérien] à rédiger sur la région encore peu connue du Djebel Nefousa une
relation en berbère qui constituerait pour l’étude du dialecte parlé dans son pays
un texte d’une certaine étendue » 8. Rappelons au passage que ce texte est
publié en caractères arabes pour la première fois dans une édition lithogra-
phique en 1855 et que deux autres éditions en ont été effectuées 9. En Kabylie et
au-delà des recueils de contes et des traductions réalisés sous la direction de
Hodgston, le travail du général Hanoteau sur les poèmes kabyles peut être
classé dans cette catégorie. Le fait que les poèmes soient transcrits en caractères
arabes soutienne cette suggestion 10. Il résulte de ces indications sommaires que
les régions concernées par ses premiers travaux constituent les lieux historiques
du développement de l’écriture en berbère et en alphabet arabe.
L’institutionnalisation de cette fonction d’informateur par certains respon-
sables scientifiques, comme Arsène Roux dont le fonds constitué durant ses
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années de travail au Maroc est devenu la propriété de la Bibliothèque de la
Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme à Aix-en-Provence, a certes
engendré une activité régulière et l’accumulation d’une documentation de
valeur inestimable. Néanmoins et malgré la valeur historique et la richesse
scientifique de cette production qu’illustre, pour n’en citer qu’un seul exemple,
le fonds Roux, elle n’a pas attiré l’attention des chercheurs en dehors de son
exploitation, en tant que produit disponible et non situé et attribué souvent à
l’ordonnateur, dans l’édition de certains textes ou dans la confection de
manuels scolaires destinés particulièrement aux officiers des Affaires indi-

7. Justinard, « Poèmes chleuhs recueillis au Souss », Revue du Monde musulman, vol. LX, 1925,
pp. 63-112 et du même auteur, « Poésies en dialecte du Sous marocain, d’après un manuscrit arabico-
berbère », Journal asiatique, no 213, 1928, pp. 217-251.
8. De Calassanti Motylinski, Le Djebel Nefousa, Paris, E. Leroux, 1898, p. I-II.
9. La première est en caractères arabes, elle est l’oeuvre de l’institution Tawalt Voir, Brahim Ou
Slimane Ashmakhi, ighasra d ibridn di drarn n infusn [villages et sentiers du Djebel Nefousa],
Publications de l’Institution Tawalt, Rabat, Fédiprint, 2003. La deuxième, qui comporte outre la
transcription du texte en caractères Tifinagh sa traduction vers l’arabe probablement basée sur la
traduction française de Motylinski, est réalisée par Mohamed Hammam Voir, ighasra d ibridn di idrar
infusn mamu iml t s tmazight brahim u sliman acmaxi [villages et sentiers du Djebel Nefousa, écrit en
amazighe par Brahim Ben Slimane Chemmakhi], Rabat, Publications de l’IRCAM, 2004
10. A. Hanoteau, Poésies populaires de la Kabylie de Jurjura, Paris, Imprimerie impériale, 1867.

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gènes. Au-delà même de la position marginale des pratiques scripturaires dans
le champ des études berbères, le statut inconfortable de l’informateur en
constitue une raison supplémentaire 11. C’est pourquoi il nous a paru intéres-
sant de présenter cette production singulière pour d’abord rendre hommage à
cette catégorie de producteurs culturels longtemps ignorés et ensuite pour la
situer dans le cadre global de la production lettrée en berbère et montrer ses
liens et écarts avec la littératie classique produite dans cette langue.
Pour une meilleure compréhension de la structure des opportunités d’une
telle activité, il importe de tenir compte de deux facteurs déterminants : la
solide tradition lettrée dans l’espace berbère créant les conditions de possibilité
d’une activité scripturaire et l’initiation de l’exploration scientifique coloniale
qui est un stimulant direct. C’est à cette tâche que ce travail doit s’atteler en
traitant de la trajectoire et de la production de Ssi Brahim Akenkou, collabo-
rateur assidu du berbérisant Arsène Roux (1893-1971). Commençons d’abord,
pour rendre intelligible le contexte favorable d’une telle production, par une
mise en exergue de la présence lettrée en milieu berbère.

I. LA PRÉSENCE LETTRÉE EN MILIEU BERBÈRE

Il est vrai que l’on parle souvent de culture berbère comme d’une culture
orale, justifiant le développement, dans le champ des études ethnologiques
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émergeant depuis l’établissement des Français en Afrique du Nord, de toute
une panoplie de théories folkloristes et primitivistes. Cependant, l’existence
d’une forme particulière d’écrit et d’écriture dans certaines régions et d’un
réseau d’institutions chargées du maintien et de la diffusion des techniques
d’écriture et des savoirs que cette activité transmet tranche avec les classifica-
tions les plus ordinairement établies entre les cultures orales et les civilisations
du livre. Loin d’être un monde inconnu qui serait toujours réservé aux cultures
dominantes et extérieures et diffusées dans les centres urbains, considérés
comme détenteurs exclusifs et légitimes de ce genre de savoir, l’écrit et la
culture lettrée ont toujours été investis et utilisés en milieu berbère dans des
contextes variés et dans des stratégies différentes.

11. Il importe de signaler que les premières études sur la culture berbère ont relevé l’existence de
pratiques scripturaires, mais le contexte dont lequel elles ont été menées marqué par la prédominance
des thèses philologiques et orientalistes et par la nature de la pensée ethnologique de l’époque a
déterminé la constitution d’une opinion dévalorisante que résume la thèse d’Henri Basset sur la
littérature des Berbères, éditée en 1920. Dans cet essai, Basset affirme que la littératie berbère n’est
qu’une imitation réussie de lettrés rustiques et que la production orale est la seule qui mérite tout
intérêt. Il en résulte leur mise à l’écart dans le champ des études berbères naissant après la domination
coloniale. Quant à la position marginale des informateurs, il suffit de consulter l’édition de leurs
productions par Roux dans la Vie berbère par les textes pour s’en rendre compte. Aucun nom ne figure
sur ce livre attribué à Roux alors que son travail consiste seulement en la réunion et la classification de
ces textes. Même le travail dactylographique est réalisé par un autre assistant Hamani Ou Miloud.

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Pour circonscrire notre propos à la seule période islamique, il est possible de
dire que la pratique scripturaire en berbère a toujours existé sous différentes
formes et pour des usages pluriels. Inscrite au départ dans les stratégies de
contestation politico-religieuse des mouvements kharidjites après leur appari-
tion en Afrique du Nord au deuxième siècle de l’hégire 12, elle a été par la suite
investie et mobilisée par les autres dynasties en quête de pouvoir dans leur
action sociale et politique. Pour ne citer qu’un seul exemple, l’expérience de la
dynastie des Almohades illustre mieux le développement de l’écrit en berbère
et son utilisation politique. Dès la manifestation de son ambition politique, le
Mahdi ibn Toumert, théoricien et initiateur du mouvement, a produit deux
textes fondateurs en amazighe, « la langue occidentale » suivant les termes
utilisés par l’historiographe de la dynastie El-Baidaq. Au-delà des besoins de
communication pour la diffusion de la doctrine, l’apprentissage de ces textes
est posé comme un critère de définition. En revenant sur cette période fonda-
trice, l’auteur de Raoudh el-Qirtas relate : « Il leur donnait le thaouhîd (doctrine
de l’unicité) écrit en langue berbère, et divisé en versets, en sections et en
chapitres pour en faciliter l’étude et il leur disait : « Quiconque ne suivra pas ces
maximes ne sera point Almohade, mais bien infidèle avec lequel on ne fera pas
sa prière, et on ne mangera pas la chair des animaux tués par ses mains ». Ce

12. Le kharidjisme, qui est un mouvement politique et idéologique auquel la grande discorde a
donnée naissance, est le produit des opinions élaborées par ceux qui se sont retirés de l’armée de Ali
Ibn Talib, gendre du Prophète et quatrième kalife, après la guerre de Siffin, voir, Levi Della Vida,
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« Kharidjites », Encyclopédie de l’Islam, t.VI, Leiden-Paris, 1978, pp. 1106-1109. Leur impantation
en Afrique du Nord, conjuguée aux problèmes politiques propres à cette région, a permis la
recomposition du champ politique et ses effets sur la production culturelle. C’est ainsi qu’un des
prétendants à la prophétie dont l’apparition est à rapporter aux tribulations du kharidjisme nord-
africain, est l’un des premiers à avoir initié l’écriture en berbère. D’après le baron De Slane, traducteur
de l’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldoun, « vers 744/127, un prétendu prophète, nommé Saleh-ibn-
Tarif, commença ses prédications chez les Berghouata. Il leur enseigna un nouveau genre d’islamisme
et composa pour leur usage un coran en berbère », Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes,
Alger, 1856, Tome IV, p. 534. Dans le même cadre, l’ibadhisme, qui est une doctrine dérivée du
kharidjisme, a marqué la scène religieuse de son empreinte. Entendant positionner les Berbères dans
le champ politique émergeant de l’Islam en les dotant d’une assise religieuse et une affiliation
textuelle légale, les auteurs ibadhites ont rapporté du Prophète des traditions énumérant les faits
nobles des Berbères et présentent ces derniers comme les sauveurs d’une religion en disgrâce. Outre
l’introduction des populations locales dans la voie de la légitimité et, par conséquent, de la conquête
du pouvoir, ils sont initiés la production en langue locale dans leur stratégie de mobilisation. C’est en
ce sens que l’action des différentes principautés formées était très bénéfique pour la production lettrée
en berbère. Pour d’amples informations sur cette production voir, Ad-Darjini, Ṭabaqat al-Mashayikh
(les Classes des savants ibaḍites), Alger, (s.d.), De Calassanti Motylinski, Le Djebel Nefousa, op. cit,
du même auteur, « Le Manuscrit arabo-berbère de Zouagha découvert par M. Rebillet. Notice
sommaire et extraits », Actes du XIVe congrès des orientalistes (Alger 1905), Paris, Leroux, 1907,
t. II, pp. 69-78, Tadeuz Lewicki, « De quelques textes inédits en vieux berbère provenant d’une
chronique ibadite anonyme », Revue des Études islamiques, 1934, pp. 275-296, du même auteur,
« Mélanges berbères-ibadhites », Revue des Études islamiques, 1936, pp. 267-285, du même auteur,
« Les historiens, biographes et traditionnistes ibadites-wahbites de l’Afrique du Nord du VIIIe au
e
XVI siècle », Folio Orientalia, III, 1961, pp. 1-134, du même auteur, « Sur le nom de Dieu chez les
Berbères médiévaux », Folio Orientalia, VII, 1966, pp. 227-229 et Ouahmi Ould-Braham, « Sur une
chronique arabo-berbère des Ibadites médiévaux », Études et Documents Berbères, 4, 1988, pp. 5-28.

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thaouhîd se répandit chez les Mesmouda, qui le chérirent bientôt à l’égard du
Koran » 13. La récitation des opuscules du maître trace ainsi une frontière qui
sépare les Almohades des autres, et en particulier les ennemis politiques et
doctrinaux les Almoravides.
Par ailleurs, la maîtrise de la langue berbère s’est instituée comme un moyen
de sélection et d’exclusion. L’instauration de la connaissance de cette langue
comme condition d’accès à la charge de khaṭib à Fès a permis aux nouveaux
maîtres du Maroc d’éliminer les anciens doctes et d’imposer les leurs 14. C’est
dire que le fait d’écrire et de diffuser l’écrit est un acte significatif et fonda-
mental, il participe de la stratégie politique. Il est donc en partie légitime de
constater l’importance du rôle qu’il a joué dans les modalités opératoires des
dynasties.
Mais, à partir du XVIe siècle, le changement des idéologies légitimant l’accès
au pouvoir politique et l’apparition d’autres signes extérieurs et mobilisateurs
ont sensiblement écarté cette pratique scripturaire de la sphère du pouvoir
central, pour être adoptée et utilisée par les marabouts 15. En s’imposant comme
figures dominantes du jeu social et politique local depuis cette période, la
pratique a accompagné leurs mouvements et tribulations. Elle est devenue une
des caractéristiques fondamentales des zaouïas essentiellement dans le Sud
marocain. Pour marquer l’identité d’une maison maraboutique ou d’un saint en
compétition durant les périodes de succession, on charge souvent un lettré,
disciple ou proche, pour composer une œuvre en berbère. L’œuvre permet de
faire entrer cette figure montante de la sainteté dans la mémoire du groupe. Elle
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est en ce sens un témoignage d’une nouvelle pratique, signe d’une différencia-
tion et marque d’un renouveau confrérique.
L’utilisation maraboutique de cette pratique est demeurée intense jusqu’aux
débuts de la conquête française qui, en créant d’autres conditions et enjeux
politiques et en instaurant une nouvelle hiérarchie religieuse et linguistique, a
miné les supports sociaux et culturels de sa réalisation et perception. Elle
commence ainsi à revêtir de nouvelles formes et être utilisée dans d’autres
contextes.

13. Raoudh El-Kartas. Histoire des Souvenirs du Maghreb et annales de la ville de Fès, traduit de
l’arabe par A. Beaumier, Paris, 1860 : 250.
14. Roger Letourneau, Fès avant le protectorat. Étude sociale et économique d’une ville de
l’occident musulman, Casablanca, Société marocaine du Livre et de l’Édition, 1949, p. 60.
15. Ali Amahan, dans son article déjà cité « L’écriture en tachelhit est-elle une stratégie des
zaouïas », op. cit., a été l’un des premiers à avoir établi le lien entre production lettrée en tachelhit et
des stratégies maraboutiques, en partant de l’étude de la vie et de la production de Brahim Ou
Abdallah Aznag (m. 1597). En effet, l’observation des lieux de production et de l’identité sociale des
producteurs fait apparaître la coïncidence entre frontières maraboutiques et production en berbère
durant cette période. Cette coïncidence est à rapporter au rôle désormais important que commencent à
jouer les maisons maraboutiques dans le jeu local nécessitant la mobilisation de l’écriture dans des
contextes précis. Et pour comprendre les effets de la modification des signes de légitimité sur la
conduite politique des ruraux, voir Ali Sadki Azayku, « La Montagne marocaine et le pouvoir central :
un conflit séculaire mal élucidé », Hespéris-Tamuda, vol. 28, 1990, pp. 15-28.

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Cette pratique est communément appelée dans le Sud marocain lmazghi. Ce
dernier est une déformation du mot amazigh qui veut dire la langue berbère et par
extension, comme il a été utilisé par les auteurs classiques, tout livre ou texte écrit
en cette langue. Ainsi, le Hawd (Bassin), qui est une traduction abrégée du
Moukhtasar de Khalil effectuée par Mhend Ou Ali Awzal, un auteur du
e
XVIII siècle et disciple de la zaouïa Naciriya de Tamegrout, est communément
connu sous le nom de amazigh n wawzal, c’est-à-dire l’amazigh d’Awzal.
Lmazghi se matérialise sous la forme d’un texte, souvent versifié, écrit à l’aide
d’un alphabet arabe aménagé, mais n’obéissant à aucune règle orthographique et
morphologique. Ces types de textes se présentent sous des formes variées :
manuels associant divers thèmes (obligations rituelles, pratiques sociales, juris-
prudence, pèlerinage, description de l’au-delà…), manuels consacrés à un thème
homogène (règles des ablutions, règles des prières…), des poèmes didactiques,
d’exhortation (exhortations destinées aux femmes, des textes contre certaines
pratiques qualifiées d’hérétiques comme la vente à réméré, la transformation
d’une part fixée de l’impôt légal en subvention aux mosquées et aux universités
rurales, les prix fixés pour l’évaluation du trousseau de la mariée,…), la descrip-
tion des plaisirs du paradis, l’énumération des noms de Dieu ou du Prophète, les
éloges du Prophète ou des Saints consacrés comme Sidi Ahmed Benacer ou Sidi
Ahmed Tijani, le commentaire sur les textes emblématiques de la tradition, la
traduction des traditions du Prophète, les recettes médicinales, les lexiques arabo-
amazighes destinés essentiellement à un usage notarial ou médicinal, etc.
Le contexte dans lequel elle est utilisée et investie est certes étroit, mais cela
n’exclut pas une diffusion relativement élargie des œuvres et l’intériorisation des
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techniques que leur compilation et utilisation impliquent. La longue histoire de
cette tradition a permis l’accumulation d’un nombre important de ces textes et la
fixation de règles et techniques ainsi que leur transmission dans les différents
lieux de production culturelle. Même s’il est difficile compte tenu de nos
informations lacunaires sur la manière avec laquelle les lettrés apprennent ces
techniques, il est possible de dire que la diffusion des manuscrits et leur circu-
lation dans les milieux lettrés ainsi que les usages multiples de l’écrit (médecine,
notarial, correspondance…) contribuent à l’intériorisation consciente ou incons-
ciente des règles et des outils. La présence ancrée et continue de cette pratique ne
peut que favoriser la formation d’une classe de lettrés possédant une forme de
compétence endormie qui s’éveille et s’active quand les circonstances se présen-
tent. C’est ce que nous allons voir dans le cas précis de Ssi Brahim Akenkou.

II. LA TRAJECTOIRE DE SSI BRAHIM AKENKOU

Avant de devenir l’informateur et collaborateur du berbérisant Arsène Roux


et mettre à sa disposition le savoir technique acquis, Ssi Brahim a fait ses
principaux pas d’apprentissage et d’enseignement dans le système éducatif du

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Sud-Ouest marocain. D’après son autobiographie écrite dans les années 1940 et
dont le manuscrit se trouve au Fonds Roux d’Aix-en-Provence 16, Brahim Ben
Mohammed ben Mhend Ben Hammou des Ayt Ttalb est né dans la localité
d’Ifghl, à Ikounka (Achtoukn, Anti-Atlas Occidental) le 8 dou lqi’da 1323 de
l’Hégire [4 janvier 1906]. Il est le fils cadet d’une famille de huit enfants. Le
nom de sa famille, Ayt Ttalb, tire son nom de la fonction de ses parents mâles,
ils étaient des lettrés occupant les charges d’enseignement dans les écoles et
universités rurales de la région. Dans la région de Souss, les familles dont le
père est maître coranique sont souvent nommées Ayt Ttalb, qui veut dire Ceux
du lettré. Le père de Ssi Brahim, Mohammed, étant maître coranique dans
plusieurs localités de la région avant d’occuper, pendant le règne de Hassan 1er,
les fonctions de notaire et récepteur des impôts légaux dans le territoire des
Achtoukn.
Bien que l’enfance de Ssi Brahim présentait certains traits communs avec les
autres enfants ruraux, elle était ponctuée de certains événements tragiques. Il
n’avait en effet que quatre ans quand son père était mort. Pris en charge par son
oncle paternel, qui était aussi un maître d’école coranique, il commençait à
fréquenter l’école de son village pour faire ses premiers pas dans les écritures
saintes auprès d’un lettré du nom de Sidi Lhousayn Ou Mhend. Quand il apprit
la moitié des chapitres du Coran, il fut obligé de quitter le village natal. Son
tuteur changeant fréquemment d’écoles, l’enfance de Ssi Brahim marquée par
des pérégrinations. Après un séjour d’étude à Lgfifat, dans la tribu de Houwara,
où il apprit la totalité du Coran, il alla à Oulad Bourrays où il poursuivit
l’assimilation parfaite des chapitres et des formes de transcriptions des mots
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suivant la méthode locale. Il séjourna par la suite à Ayt Fallas, dans le territoire
des Ayt Baha, et commença à apprendre le Coran suivant d’autres lectures/
riwayat, comme celle d’el-Mekki et de Qaloun. Après la maîtrise totale du
Coran, il rejoignit, en 1338 de l’hégire/1919-20, l’université rurale de Tanalt,
dans le territoire des Ayt Swab et y assista, à côté de 100 autres étudiants, aux
cours du fqih Haj Abderrahman de Tifirasin.
Il avait juste vingt ans quand il vint rendre visite pour la première fois à sa
famille à Rabat. Fort d’une formation solide dans les écoles de Sous, il fut prié
d’y rester et d’occuper le poste de maître coranique dans le msid des Oudayas.
La ville de Rabat séduisit le lettré et il décida de s’y installer définitivement et
procéda au regroupement familial.
Cependant, le mariage de ses sœurs l’a contraint à quitter la vie urbaine et à
revenir s’installer dans son village natal. Prié en effet par sa mère, qui ne
pouvait plus se prendre en charge compte tenu de sa vieillesse et de sa santé

16. Brahim Akenkou, Ssirt n Brahim Aknku d laṣl nns d nnsb nns, [Vie de Brahim Akenkou, son
origine et sa filiation], Manuscrits du « Fonds Arsène Roux », Aix-en-Provence, no 135a. Voir une
édition en tifinagh de ce texte dans El Khatir Aboulkacem, Ssirt n brahim Aknku d lasl nns d nnsb nns
et tt3lim x dar iclhiyn n Wactukn. Édition et présentation, Rabat, Publication de l’Institut de l’Institut
royal de la culture amazighe, 2011.

38
fragile, il s’est trouvé dans l’obligation de quitter Rabat et de venir s’occuper
d’elle. Après son retour, Ssi Brahim a réintégré la vie scolaire du Sud marocain.
Il est engagé par l’assemblée de la localité des Ighouraysn, dans le territoire des
Idaw Ggaran, comme enseignant et prêcheur dans leur mosquée-université.
Satisfait de sa situation, il n’a pas estimé nécessaire de quitter ce poste même
après la mort de sa mère survenue en 1357/1938-9.
Toutefois, sa vie devait être bousculée à nouveau en 1363/1943-44. La visite de
son beau-frère, qui s’est rendu au village après une longue absence, a troublé sa
retraite tranquille dans son université rurale. Ce dernier l’a invité à venir s’installer
à Rabat. Convaincu, Ssi Brahim, accompagné de sa famille, rejoint le beau-frère et
s’installe chez lui en attendant de trouver un logement et un travail. Contacté une
nouvelle fois par les habitants des Oudayas pour rejoindre le poste de maître
coranique qu’il avait occupé auparavant, il a refusé en arguant la modestie du
salaire proposé, qui n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins d’une famille
nombreuse. Il a aussi refusé l’offre du caïd de Zaer, dans les environs de Rabat, qui
lui a proposé le métier de notaire. Juste après, la rencontre avec Arsène Roux dans
des conditions que nous allons élucider après a marqué sa trajectoire et le propulse
dans l’autre versant du lettrisme rural : l’écriture en berbère.
D’après les bribes d’informations que nous avons pu tirer de son auto-
biographie, Ssi Brahim, outre le fait qu’il soit issu d’une famille de clercs, avait
suivi les principaux cycles de la formation scientifique traditionnelle en vigueur
dans le Sud marocain et a occupé les fonctions d’enseignant dans les écoles et
les universités de cette région. Il fait donc partie de cette classe de lettrés ruraux
qui ont assuré la fonction de transmission de l’écriture et de ses techniques ainsi
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que le savoir qu’il diffuse dans le Sud marocain et qui ont enrichi sa vie
culturelle par des types différents de documents écrits. Même si rien n’indique
sa familiarisation avec la pratique scripturaire en berbère parce qu’il n’est ni
disciple de maison maraboutique ni attaché aux services d’un chef confrérique,
ses pérégrinations et les contacts que le métier établit avec les différentes
figures de la culture lettrée ne peuvent que le confronter aux secrets et aux
méthodes propres à cette tradition. Nous pouvons ainsi dire que, à l’image de
tous ses collègues et maîtres de la région, Ssi Brahim est formé et disposé à
jouer ce rôle et qu’il est prêt à s’engager à assurer les multiples usages que le
métier de scribe et d’écrivain implique quand les circonstances se présentent. Et
ces conditions ne sont que son recrutement en tant que répétiteur du berbère à
l’Institut des hautes études marocaines et assistant d’Arsène Roux.

III. LA STRUCTURE D’OPPORTUNITÉ

Comme il a été brièvement rappelé plus haut, l’écriture en berbère est


souvent le produit d’une demande et ne se réalise que dans des circonstances

39
particulières. Si les lettrés classiques ont écrit leurs œuvres en répondant aux
ordres et aux sollicitations des hommes en quête du pouvoir dynastique ou
confrérique, les informateurs de l’époque coloniale, eux, ont mis leur savoir et
la maîtrise des techniques de l’écriture à la disposition des scientifiques et des
diplomates étrangers qui, engagés dans des projets de constitution des connais-
sances sur les sociétés berbères, sont devenus les nouveaux demandeurs. La
compréhension de cette nouvelle fonction assignée à cette pratique scripturaire
et aux structures d’opportunités au sein desquelles elle a été mobilisée et s’est
développée n’est pas à dissocier des actions et des enjeux qu’elles soulèvent.
Comprendre donc l’implication de Ssi Brahim et la féconde production qu’il a
léguée, c’est avant tout situer son parcours dans le cadre de l’activité profes-
sionnelle et de recherche de Roux. Il importe ainsi de présenter certains aspects
de la trajectoire scientifique de ce dernier et de ses objets d’enquête et de
recherche.
Né le 5 février 1893 à Rochegude, dans la Drôme, Arsène Roux a fait ses
premiers pas dans l’administration coloniale en Algérie. Il est arrivé au Maroc,
alors Protectorat français, en 1913 et commence sa carrière comme interprète
dans le Maroc central jusqu’en 1919. Après avoir obtenu les diplômes de
berbère et d’arabe en 1921 et l’agrégation d’arabe en 1926, il a occupé
plusieurs fonctions administratives, éducatives et scientifiques. Il est d’abord
chargé des cours d’arabe à l’École militaire et au lycée, à Meknès, ainsi que des
cours publics de cette langue et du berbère dans cette même ville, de 1919 à
1927. C’est à cette date qu’il est envoyé à Azrou pour assurer la direction de
l’École régionale qui vient d’être créée dans cette ville 17.
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Transformée en collège, le fameux collège franco-berbère d’Azrou, en 1929,
Roux devient son directeur-fondateur et occupe ce poste jusqu’à son départ, en
1935, pour Rabat où il a été désigné directeur du lycée Moulay Youssef et ce, de
1935 à 1944. Il est également élu directeur d’études et chargé de la direction des
études de la dialectologie berbère à l’Institut des hautes études marocaines, une
fonction qu’il a assurée de 1935 jusqu’à son départ définitif du Maroc en 1956 18.
Outre les multiples fonctions, aussi bien dans l’enseignement que dans
l’administration, que Roux avait occupées, son long séjour au Maroc est
marqué par une féconde activité de collecte et de recherche. L’observation
de ses publications ainsi que les archives léguées révèle une diversification des
objets d’enquête et des centres d’intérêt.
Il est possible de relever dans le parcours de Roux deux préoccupations
fondamentales : la collecte et la recherche. Dans ce cadre, la collecte et le

17. À propos de l’histoire de cette école qui s’est transformée en collège voir, Mohamed Benhlal,
Le Collège d’Azrou. La formation d’une élite berbère civile et militaire, Paris, éditions Karthala et
IREMAM, 2005.
18. D’après la biographie établie par Claude Brenier-Estrine, in H. Stroomer et M. Peyron,
Catalogue des archives du “Fonds Arsène Roux”, Köln, Rüdiger Köppe Verlag, 2004, pp. 9-10.

40
recueil d’échantillons de production orale en constituent un volet important.
Roux a sollicité d’une équipe d’informateurs et de répétiteurs issus des
différentes régions du Protectorat le recueil et la transcription souvent en
caractères arabes des poèmes, des contes et des récits divers en vue de les
exploiter dans l’édition de corpus et la confection de manuels scolaires 19. Il a
aussi conduit l’élaboration de textes de longueurs variables sur la vie sociale et
politique des Berbères marocains 20.
Quant à la recherche et outre l’intérêt porté à la poésie orale et ses agents 21,
Roux, principalement intéressé aux formes de la culture lettrée en milieu
berbère, s’est attaché à la réunion des matériaux et des indications sur ses
institutions, textes et modes de présence, déterminant une grande partie des
tâches assignées à Ssi Brahim et d’autres informateurs. Dans ce cadre, il est à
signaler le soutien qu’il a apporté à l’édition d’un texte de Mhend Ou Ali Awzal
(m. 1749) 22 et la publication d’un résumé d’une conférence sur la tradition
littéraire en tachelhit aux Actes du XXIe Congrès des orientalistes 23. Dans ce
texte, il tente de montrer que, contrairement à une certaine idée reçue, la société
berbère n’ignorait pas la culture lettrée et que toute une littérature écrite existe
et « est moins pauvre qu’on ne l’avait cru ».
Au-delà, la consultation de ses archives montre qu’il a initié une étude sur cet
aspect de pratique culturelle. L’observation des différentes notes, choix de
textes transcrits ou de demandes exprimées à ses assistants montre que l’auteur
s’est mis à travailler sur ses formes et fonctions ainsi que sur ses conditions de
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19. Outre Ssi Brahim Akenkou, on peut citer, pour l’aire tachelhitophone, Ssi Lahcen El Bounâ-
mani (ancien Pacha d’Agadir après l’indépendance), qui a surtout rédigé une importante notice sur la
relation entre la justice musulmane et la coutume dans le Sous (archives Roux, no 27.2.2) et qui a
fourni les principaux matériaux de la tribu des Ayt Brayim, Ssi Mohamed Lakhsassi de Lakhsas, Ssi
Othman Ben Bachir des Igdmiwn, Belkziz des Ida Oultit, Faraji de Mtouga, Ssi Abdelhamid des Ayt
Brayyim.
20. Notons à propos des manuels ces deux ouvrages : A. Roux, Petit guide de conversation
berbère : parlers du Sud-Ouest marocain (tachelhit), Rabat, 1950, et du même, Initiation au thème
berbère, parlers du Sud-Ouest marocain (tachelhit), Rabat, 1950. En ce qui concerne les publications
basées sur la collecte de productions orales, on cite : Récits, contes et légendes berbères dans le parler
des Béni-Mtir, Rabat, 1942 ; Récits, contes et légendes berbères en tachelhit, Rabat, 1942. La Vie
berbère par les textes, parlers du Sud-Ouest marocain, tachelhit. 1re partie. La vie matérielle, Paris,
Larose, 1955, est constituée des notices et textes rédigés par ses informateurs et en particulier Ssi
Brahim Akenkou, Ssi Lahcen El Bounâmani et Ssi Mohamed Lakhsassi.
21. Voir en particulier, A. Roux, « Un chant d’amdyaz, l’aède berbère du groupe linguistique
béraber », in Mémorial Henri Basset, Paris, Guethner, 1928, pp. 237-242 ; « Les Imdyazen ou aèdes
berbères du groupe linguistique béraber », Hespéris, 8, 1928, pp. 231-251, « Les aventures extra-
ordinaires de Sidi Hmad-u-Musa, patron du Tazerwalt », Hespéris, 39, 1936, pp. 75-96, et « Poésie
populaire arabo-berbère du Maroc central », in Actes du IVe Congrès de la Fédération des Sociétés
savantes, Alger, 1938, pp. 865-872
22. Bahr ad-ddumuâ, l’océan des larmes, c’est de ce texte qu’il s’agit, qui remonte au XVIIIe siècle,
a été édité et traduit vers le français par l’égyptologue Bruno H. Stricker, L’Océan des pleurs : poème
berbère de Muhammad al-Awzali, Leiden, publication de la Fondation Goeje, 1960.
23. Arsène Roux, « Quelques manuscrits en berbères en caractères arabes », Actes du
XXIe Congrès des Orientalistes, Paris, Imprimerie nationale, 1949, pp. 316-317.

41
production. Hormis les manuscrits achetés ou des copies réalisées par ses
collaborateurs, le fonds regorge de petites notes, écrites par Roux ou par l’un
de ses assistants ou correspondants, relatives au problème de l’écriture en
berbère ou sur des problèmes inhérents à la traduction des œuvres religieuses
en langues étrangères 24. Grâce à ses archives, nous savons aussi qu’il s’est
attaché à une étude sur la production de Brahim Ou Abdellah Aznag, un auteur
de la fin du XVIe siècle. Quelques notes, réunies dans une chemise portant le
numéro 27.3.19 suivant le Catalogue des archives berbères du “Fonds Roux”
(Stroomer, 2004), montrent qu’il avait confronté trois copies de ses ‘aqa’id
addin (traités de religion) et qu’il a recueilli, le 11 janvier 1942 – auprès d’un
informateur du nom de Ahmed Ben Mohammed, originaire de la zaouïa de Sidi
Abdellah Ou Mhend, près de Taznakht –, des renseignements sur la zaouïa des
Ayt Wissaâden, à laquelle Aznag était affilié. Enfin notons que, sur commande,
certains informateurs, lettrés et issus de la région de Souss, ont produit des
notices et textes d’importance capitale sur la vie scolaire, les programmes et les
institutions en présence dans cette région 25. Le travail de Ssi Brahim s’inscrit
clairement dans ce cadre précis.
Depuis son installation en effet à Rabat, Arsène Roux s’est engagé dans des
projets ambitieux concernant la collecte des productions orales et la réunion des
matériaux pour l’étude de la vie sociale, politique et culturelle des Berbères
marocains et la confection des manuels scolaires. Pour ce faire, il a mobilisé ses
réseaux sociaux et administratifs pour établir les contacts et recruter des
personnes souvent lettrées maîtrisant les techniques d’écriture et ayant des
connaissances suffisantes sur leurs régions d’origine. La rencontre avec Ssi
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Brahim intervient dans ce contexte. D’après les informations fournies par
l’autobiographie déjà signalée, c’est Ssi Mohammed Lakhsassi, ancien assis-
tant de Roux et répétiteur du berbère, qui avait informé que Roux était à la
recherche d’un lettré maîtrisant le tachelhit. « Ils se sont rencontrés, dit Ssi
Brahim dans son autobiographie, Ssi Lahcen el-Bounâmani, Ssi Mohamed
Lakhsassi, [le gendre de l’auteur] Hadj Mohamed Ben Hassoun et lui-même, le

24. Nous savons ainsi qu’il a échangé des correspondances avec un certain Ssi Larbi ben
Mohammed es-Snoussi portant sur la licéité de traduire le Coran vers les autres langues et a demandé
à l’un de ses assistants de lui transcrire le passage où Jalal ad-Ddin as-Souyouti cite des termes
berbères utilisés dans le Coran et de lui rapporter les versets coraniques concernés. On sait aussi qu’il
s’est penché sur les motivations qui animent les auteurs amazighes. Il a en effet transcrit en caractères
latins un passage très significatif, extrait d’un poème de Ahmed ben Abderrahman al-Timli, un auteur
du XIXe siècle, intitulé « utilité pour les musulmans berbérophones d’étudier les ouvrages composés
en berbère ».
25. Nous pouvons signaler aussi l’intéressant travail effectué par l’autre informateur Ssi Lahcen
El Bounâmani qui a rédigé d’importantes notices. Voir en particulier le dossier portant le numéro
31.1.1 suivant le Catalogue des archives berbères du “Fonds Roux” qui comporte des textes sur les
maîtres d’école coranique, une narration sur l’école coranique, les tolbas du Sous, les médersas et les
marabouts de l’Azaghar de Tiznit, Marrakech et ses médersas et les bienfaits de la science. De son
côté, Ssi Mohamed Lakhsassi a rédigé un ensemble de textes, réunis dans un dossier portant le
numéro 31.4.4 (voir Catalogue), sur la vie religieuse comme la gestion de la mosquée, l’appretissage,
les distractions des étudiants, un aperçu sur l’école d’Adouz et une discussion sur la science.

42
jour de la fête de rupture du jeûne chez le caïd Faraji au quartier des Touarga
[à Rabat]. Au cours de la discussion, Ssi Lakhsassi a fait savoir qu’il était à la
recherche d’un lettré bien formé et maîtrisant le tachelhit en vue de le
remplacer dans le poste qu’il occupait avant. Le gendre lui a demandé en
quoi consiste son travail. Ssi Lakhsassi explique qu’il travaillait au collège
Moulay Youssef, auprès du Directeur Monsieur Roux. Ben Hassoun dit
connaître quelqu’un et lui fixe un rendez-vous le lendemain pour le lui
présenter. Une semaine après la fête de rupture du jeûne de l’année 1363 de
l’hégire, il a rencontré [l’auteur de ce récit] et se sont mis d’accord pour se
donner rendez-vous la matinée du jour suivant devant le collège Moulay
Youssef ». Le recrutement est soumis à des conditions déterminées essentiel-
lement par la nature du poste à occuper. Le candidat doit être un lettré et
d’origine chleuh. Il doit aussi maîtriser l’écriture en berbère. C’est pourquoi
Roux procède, aidé par ses anciens collaborateurs, à une épreuve orale et
écrite :
« Présenté à Roux, ce dernier lui a posé des questions sur son identité et son
expérience. Il lui a par la suite donné un ensemble de traditions du Prophète
tirées de Jami’ al-Tirmidi et a demandé à Ssi Lakhsassi de l’accompagner à son
ancien bureau pour qu’il les traduise en tachelhit. Une fois la traduction
achevée, Ssi Lakhsassi est allé voir Roux pour lui rendre compte de l’épreuve.
Satisfait du travail, il a demandé à Ssi Lakhsasssi d’accompagner [l’auteur] à
l’étage d’en haut pour remplir les papiers [de son engagement] » 26.
Il apparaît dans ce passage que Roux charge ses anciens informateurs de la
recherche des profils précis et institue à cet effet un concours de recrutement. Il
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comporte un entretien oral qui entend, à travers la présentation de l’identité et
de la trajectoire du candidat, situer les origines ethniques et les connaissances
acquises, et une épreuve écrite qui a pour objectif principal la vérification du
degré de la maîtrise de l’écriture en berbère. En plus, cette dernière épreuve est
contrôlée par un ancien collaborateur qui a déjà exercé au sein de son équipe et
connaissant suffisamment la langue et les méthodes d’écriture. Dans le cas de
Ssi Brahim, il a été prié de traduire vers son parler local, le tachelhit, quelques
traditions du prophète, tirées du livre de Tarmidi, al-Jami’ al-Sahih. L’obser-
vation du manuscrit de cette épreuve, qui se trouve dans les archives du Fonds
Roux, fait apparaître que, malgré quelques erreurs, Ssi Brahim a déjà acquis
durant ses tribulations dans le Sud marocain une maîtrise suffisante de cette
technique et de ses principales règles 27.
Après avoir réussi cet examen d’entrée, Ssi Brahim s’est vu engagé comme
assistant et ce, depuis octobre 1944 et devait imprimer de sa marque les

26. Ssi Brahim Akenkou, Ssirt n Brahim Aknku d laṣl nns d nnsb nns, ms 135a, Fons Roux, Aix-
en-Provence, pp. 35-37.
27. Voir Ssi Brahim Akenkou, Tarjamat aḥadith min al-jamio aã-ãaghir bi lugha al-barbariya,
lahjat ikunka, [traduction en tachelhit de 99 traditions du prophète, tirées de al-jami’ a-saghir de as-
Suyuti], Archives berbères du “Fonds Arsène Roux”, Aix-en-Provence, no 34.1

43
pratiques scripturaires en berbère, compte tenu de ses compétences endormies
et de la variété des champs d’étude dans lesquels son maître y était impliqué.

IV. QUELQUES PRODUCTIONS DE SSI BRAHIM

L’intégration de Ssi Brahim à l’équipe de Roux marque un tournant décisif


dans sa vie personnelle et professionnelle. Après avoir été un contractuel d’une
communauté locale et ensuite d’un quartier urbain, il est devenu un employé
dans un service dépendant de l’administration publique et libéré des contraintes
de la vie communautaire et de ses exigences ainsi que des incertitudes du msid
urbain. Détaché aussi de la sphère de l’enseignement traditionnel, il n’est plus
acculé à une transmission passive des formules figées et fixées par la tradition
dans le silence des mosquées. Il occupe désormais une position lui permettant
la conversion de ses compétences passives en travail de collecte et d’écriture.
Conjuguée aux préoccupations multiples de Roux, la nouvelle vie de Ssi
Brahim est propice à la production de documents différents et importants. Il
apparaît dans la reconstitution de sa bibliographie en consultant les fonds de
manuscrits et d’archives d’Arsène Roux, à la médiathèque de la Maison
méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence, qu’il y a une
répartition de son activité entre la traduction vers le berbère, la collecte et la
transcription des corpus oraux (contes, légendes, récits…), l’établissement des
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manuscrits anciens avec des notations linguistiques, ethnographiques et histo-
riques ainsi que l’élaboration de notes et des notices ethnographiques sur des
thèmes différents. Ce chapitre n’entend pas traiter ni présenter et détailler les
aspects de toute la production de Ssi Brahim, il se veut une contribution
modeste pour mettre au jour le rôle important que Ssi Brahim, et avec lui la
catégorie socioprofessionnelle des informateurs qu’il représente, a joué dans
les processus de la constitution des savoirs à l’époque coloniale et dans la
production de types différents d’écriture en berbère.
À propos des traductions et en dehors de la traduction en tachelhit de 99
traditions du prophète, qui était l’épreuve écrite de son admission au poste
d’assistant, on peut citer les œuvres suivantes :
– Traduction en tachelhit de la Risala de Abi Zayd al-Qayrawani (m.996)
qui est une épître sur les dogmes de la religion musulmane selon la doctrine
malékite et une des œuvres maîtresses programmées dans les universités
religieuses du Maroc 28.

28. Cette traduction est classée sous le numéro 85 suivant le catalogue des manuscrits du Fonds
Arsène Roux. Nico Van Boogert, qui a établi le catalogue des manuscrits du fonds Roux et réalisé une
monographie importante de la tradition littéraire en tachelhit, avance, dans une note écrite au crayon
dans la première page du manuscrit, que la traduction de la Risala serait l’œuvre de Amaghar al-Hahi,
chef de la zaouïa Tijanïa des Idaw Tghmma (tribu d’Ihahan), auteur de la seconde moitié du XIXe et

44
– Traduction en tachelhit du Guide de conversation franco-arabe de Ho-
norat Delaporte 29.
– Traduction en tachelhit des premiers chapitres du Boukhari, une des
autorités capitales en matière des dictons du prophète dans la doctrine sun-
nite 30.
– Traduction en tachelhit des textes du manuel arabe de Cohen-Solal, qui
était professeur d’arabe au lycée d’Oran 31.
– Traduction en tachelhit de Sindibad le Marin 32.
Quant à la collecte, elle a concerné des pans entiers de la production orale
comme les contes, les poèmes, les proverbes… Ssi Brahim procède souvent à
leur transcription en caractères arabes avant que Roux se charge de leur
traduction en français. Mais le volet le plus important de cette collaboration
et qui a permis le développement de la littératie en berbère, consiste en la
rédaction de textes, des notices et des descriptions portant sur des sujets
différents.
Outre son autobiographie et la description du système scolaire traditionnel
dans le Sud marocain, qui ont fait l’objet d’une édition et présentation et qui
fournissent des éléments importants pour l’étude du système éducatif tradi-
tionnel et de la vie de ces hommes dans la région du Sud-Ouest marocain 33, la
présentation de quelques textes représentatifs peut mettre au jour l’intérêt
capital de ce genre de production et sa contribution au développement de
l’écriture en berbère et à la connaissance de la vie sociale et culturelle des
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compilateur d’un poème panégyrique sur les vertus du Cheikh Tijani. Cependant, cette appréciation
me semble mal fondée. En m’appuyant sur d’autres notes écrites en marge de cette copie, je peux
soutenir l’idée que cette traduction est l’œuvre de Ssi Brahim. La première note, rédigée par Roux,
attribue clairement la traduction à Ssi Brahim : « Traduction de Ssi Brahim el-Kounki dans son parler
berbère du début de la risala al-qayrawaniya. La joindre à la traduction complète du même ouvrage
par le même auteur ». La note introductive de Ssi Brahim soutient la remarque de Roux. Il y écrit que
le traducteur de cette œuvre maîtresse n’a fait que rendre en tachelhit les sens qu’il a pu saisir et
demande à Dieu de l’orienter vers le bon sens. Ces notes laissent paraître que c’est lui-même qui a
effectué le travail de traduction. C’est pour cette raison que j’ai intégré ce travail à la bibliographie de
l’auteur.
29. Classée sous le numéro 29.2 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds Arsène
Roux.
30. Classée sous le numéro 44.1 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds Arsène
Roux.
31. Classée sous le numéro 44.2 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds Arsène
Roux.
32. Classée sous le numéro 34.3.1 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds Arsène
Roux.
33. Voir Ssirt n Brahim Aknku d laṣl nns d nnsb nns, op.cit. et ttâlim x dar iclhiyn n wactukn,
[l’enseignement chez les Chleuhs d’Ashtoukn], manuscrits du « Fonds Arsène Roux », Aix-en-
Provence, no 135b et pour l’édition de ces deux textes en tifinagh, voir El Khatir Aboulkacem, Ssi
Brahim Aknku. ssirt n brahim aknku d laṣl nns d nnsb nns et tt3lim x dar iclhiyn n Wactukn. Édition et
présentation, op. cit.

45
sociétés du sud-ouest marocain dans la première moitié du XXe siècle. Il
importe d’abord de signaler qu’une partie de ces documents a été publiée par
Roux dans la première partie d’une série qu’il n’a pas achevé sur la vie berbère
par les textes. Ils portent sur certains aspects des activités quotidiennes et
rituelles de la tribu des Ikounka dont il est issu comme les traditions culinaires,
les prières probatoires, l’habitation et les manières de construire, les maladies et
les recettes médicinales, l’élevage… 34.

Prenons par exemple le texte sur ljmaât et inflas. Classé sous le numéro
27.2.7 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds Arsène Roux avec
une note de ce dernier le rangeant dans la catégorie de vie sociale, il est une
petite composition en caractères arabes de 13 pages et datant du 26 avril 1949.
Écrit dans un style clair et allègre, c’est une description rigoureuse et détaillée
des institutions qui administrent la vie du village et de la tribu dans le Sud-
Ouest marocain. Contrairement à toute une littérature de l’époque et armée
d’une expérience vécue au sein des communautés locales, il situe ljmaât, que
certains observateurs coloniaux considèrent comme assemblée de la tribu, dans
son cadre précis en tant qu’assemblée administrant les affaires communes
d’une localité. Il distingue ainsi entre l’assemblée de la localité et celle de la
tribu. La première, qui constitue suivant les conclusions d’Ali Amahan en
étudiant les structures tribales des Ighjdamn dans le Haut-Atlas 35, l’unité de
base de l’organisation sociale traditionnelle, gère les « humbles affaires du
village », pour utiliser cette expression d’André Adam 36. Constituée des
représentants mâles des familles de la localité, elle est chargée de la gestion
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des équipements collectifs comme les canaux d’irrigation et le partage des
eaux, de la surveillance des récoltes et l’organisation des temps des travaux et
de l’administration des institutions éducatives et religieuses comme la mosquée
et l’engagement du maître. Quant à la deuxième, elle est formée, comme son
nom inflas l’indique, des représentants des localités de la tribu et ne se réunit
que dans des circonstances particulières pour délibérer des grands problèmes
qui concernent toutes les localités de la tribu. Outre les modalités de constitu-
tion de cette assemblée circonstancielle et des conditions requises pour être
désigné (être riche), l’auteur expose certaines coutumes appliquées par ces
assemblées et la manière dont les administrés les contestent. Au-delà, l’auteur
n’omet pas d’évoquer le représentant de l’administration makhzénienne appelé

34. A. Roux, La Vie berbère par les textes, parlers du Sud-ouest marocain, tachelhit. 1re partie. La
vie matérielle, op. cit. les principaux textes écrits par Ssi Brahim Akenkou sont : Tazdght x tmazirt
yikkunka, pp. 11-16, Taghuzi n wuna x tmazirt iykkunka, pp. 18-22, Timlsit iyclhiyn x tqbilt iykkunka x
wactukn n sus, pp. 23-26, Iẓid, p. 28, Sksu, p. 29, Kra n tiram dar wachtoukn, pp. 30-31, t timuḍan, pp.
44-47, Lfsul usggwas, pp. 49-52, Taẓallit n waman, pp. 56-57, Lksibt n wactukn n Sus, pp. 69-71.
35. Ali Amahan, Mutations sociales dans le Haut-Atlas. Les Goujdama, Paris-Rabat, Editions de
La Maison des Sciences de l’Homme/Laporte, 1999 et « Ljmaât à Ghoujdama », Awal, no18, 1999.
36. André Adam, « La maison et le village dans quelques tribus de l’Anti-Atlas. Contribution à
l’étude de l’habitation chez les Berbères sédentaires du groupe Chleuh », Hespéris, 37(3-4), 1950,
pp. 289-362.

46
ajrray. La lecture de ce texte montre, outre le style simple et le respect des
règles d’écriture fixées par les auteurs anciens, que Ssi Brahim est un fin
observateur de sa société.
Le deuxième texte porte sur les traditions vestimentaires dans la tribu des
Ashtouken. Classé sous le no 30.1.1 suivant le catalogue des Archives berbères
du Fonds, il est publié dans la vie berbère par les textes 37. Il constitue une
description détaillée des costumes et des ornements en fonction du sexe, de
l’âge, du rang social et de la catégorie professionnelle. On apprend ainsi que les
notables locaux, que constituent les chefs de la tribu et les représentants de
l’administration chérifienne, s’habillent différemment des autres membres de la
tribu. Les femmes des riches portent des bijoux en argent alors que les autres
peuvent se contenter des bijoux en cuivre. Les garçons et les filles portent le
même costume jusqu’à l’âge de cinq ans ou les filles s’habillent différemment
et peuvent s’orner de bijoux. Les moissonneurs et les bergers ont leurs habits
distincts. Ce texte est très important dans l’étude des traditions vestimentaires
et les changements subis après l’introduction de nouveaux costumes après la
colonisation. Il montre aussi le regard averti de Ssi Brahim et sa capacité à
décrire dans un style agréable les différentes manières de s’habiller et les
différences entre les sexes, les âges et les catégories sociales.
On peut multiplier les exemples – comme le texte sur Sidi Waggag, classé
sous le numéro no 27.2.7 suivant le catalogue des Archives berbères du Fonds,
qui décrit la foire annuelle qui se tient à proximité du mausolée de Sidi
Ouaggag dans la région de Tiznit et le texte sur l’habitat et les manières de
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construire ainsi que celui consacré aux maladies et aux soins – pour souligner
que l’institution de cette fonction par certains scientifiques a permis non
seulement la production de textes importants mais la contribution de ces
auteurs ignorés dans le développement de l’écriture en berbère et l’apparition
d’un nouveau type sensiblement différent de la littératie religieuse classique.
Il résulte de cette présentation sommaire que sa production est nombreuse et
variée. Mais en quoi consiste la particularité de cette production ? Il est
important de noter que cette production présente certains traits communs
avec la littératie classique. Elle est d’abord le résultat d’une demande formulée.
Dans son autobiographie, Ssi Brahim n’a pas oublié de mentionner les raisons
qui étaient à l’origine de cette œuvre. Il explique qu’il s’est mis à écrire son
autobiographie suite à une demande formulée par son maître et employeur
Arsène Roux. « Il a écrit [cette histoire de vie] à son maître Monsieur le
Directeur Roux que Dieu l’honore, élève son rang et rend plus longue sa
vie) », dit-il 38. Répondant à une demande, ce travail se situe clairement dans le
cadre des conditions de possibilité de l’écriture en berbère, celle-ci étant avant

37. « Timlsit iyclhiyn x tqbilt iykkunka x wactukn n sus », in La vie berbère par les textes, op. cit.,
pp. 23-26.
38. Ibid., p. 38.

47
tout une production recommandée qui s’inscrit dans des stratégies différentes
de mobilisation 39. Mettre le témoignage de Ssi Brahim en regard de la pratique
des écrivains en amazighe, qui consiste à répondre à des demandes et à des
sollicitations de maîtres, montre que l’auteur obéit aux jeux de la pratique.
Ensuite, l’écriture s’est inspirée des méthodes de cette littératie et adopte ses
règles fondamentales. La notation des diacritiques qui consistent à écrire
certaines lettres absentes dans le système graphique arabe (comme le g, le z
et le r emphatiques en ajoutant trois points souscrits sur le ‫ﻙ‬, le ‫ ﺹ‬et le ‫ )ﺭ‬et
l’adoption des vocalisations pour noter les voyelles montrent le respect de la
norme établie et transmise, du moins depuis le XVIe siècle. En cela, le texte
préserve de solides liens avec l’écriture en tachelhit. En travaillant, depuis son
engagement, à l’établissement de copies, au déchiffrage de manuscrits et au
classement des textes emblématiques des auteurs berbères, il s’est approprié ses
principaux outils qui ne débordent pas souvent les frontières d’un espace
restreint. L’écrit dans l’espace berbère, qu’il soit en berbère ou en arabe
notarial, demeure une spécialité, une compétence différenciée des spécialistes.
Toutefois et en tenant compte du thème abordé, il en diffère sensiblement. La
consultation des différents documents produits montre que malgré son inscrip-
tion dans certains objets de la littératie classique – comme la traduction des
œuvres maîtresses comme la risala et les hadiths de Boukhari – les descriptions
ethnographiques et la collecte et transcription des productions orales révèlent la
mobilisation de cette pratique pour d’autres fonctions et la capacité de ses
agents à l’adapter à d’autres contextes d’usage.
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La trajectoire de Ssi Brahim montre que toute une catégorie d’hommes de
lettres issus de sociétés rurales berbérophones sont inscrits dans une activité de
production dans leur langue maternelle et ont légué un héritage, malgré le fait
que la structure scientifique de l’époque ne leur reconnaisse pas le statut de
producteurs légitimes et donc d’auteur, inestimable et d’importance capitale.
Elle montre aussi que l’écrit dans les sociétés berbères a toujours existé et se
montre de surcroît adapté aux transformations de la société et capable d’être
investi dans les différents contextes d’usage. C’est dans ce contexte précis que
l’on peut comprendre aussi bien l’évolution thématique des écritures dévelop-
pées au sein des zaouïas que l’apparition d’autres types dans les nouvelles
conditions du Maroc après la pénétration européenne. L’œuvre de Ssi Brahim
Akenku s’inscrit dans cette nouvelle catégorie d’œuvres à traits particuliers.
Bien que ces écrits obéissent aux règles formelles de la littératie classique en
investissant ses outils et matériaux, ils s’en écartent d’un point de vue d’usage
et de thématique. Témoignant par ailleurs de la dynamique et de la vitalité de
cette pratique et de son inscription dans les mutations de la société, ils se situent
entre la littérature religieuse et péri-religieuse qui a caractérisé l’histoire

39. Voir en particulier, Ali Amahan, « L’écriture en tachelhit est-elle une stratégie des zaouïas », in
Drouin et Roth (Eds), À la croisée des études libyco-berbères, mélanges offerts à Lionel Galand et
Paulette Galand-Pernet, Paris, CNRS, 1993, pp. 437-449.

48
culturelle du Sud marocain, surtout depuis le XVIe siècle, et l’émergence d’une
littérature actuelle comme produit des modalités d’action du mouvement de
l’affirmation des Amazighes dans le Maroc indépendant.
El Khatir ABOULKACEM-AFULAY
IRCAM (Rabat)

BIBLIOGRAPHIE

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