Les cérémonies de l’évacuation de Bizerte

14-16 décembre 1963

Dans Maghreb - Machrek 1964/1 (N° 1), pages 9 à 10
Éditions La Documentation française
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.001.0009
© La Documentation française | Téléchargé le 28/03/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 8 (IP: 193.54.180.221)

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LES CEREMONIES DE L'EVACUATION DE BIZERTE
A ,J'occasion de la prise de possession officie.hle de Jo bose
navale et mi:l'itoire de Bizerte par Jo Tunisie, le Prés·ident
Bourguiba pr-it la décision d'organiser, les 14, 15 et 16 dé-
cembre 1963, des fêtes commémoratives d'une importance
exceptionneilile, tant sur le pilon internotiona·l que sur le
plon orobe.
Le chef de l'Etat tunisien invitait alors les plus grandes
personnalités du monde orobe, sans tenir compte apparem-
ment des différends pdiHiques qui les avaient opposés jus-
que 1)(1 ou des incompatibi,Jités qui semblaient évidentes.
Panmi ces invités figuraient 1le President Ben BeNe, le Roi
Hassan Il et le Colonel! Nasser.
A la suite de 'la tension née entre le Maroc et 1)0 R.A.U.,
des positions prises par 1le Président Nasser dans le con+.lit
Ql)géro-mt~rocain, tla visite du roi Hassan Il à Bizerte parut
aussitôt fort improbable et c'est en l'absence du souverain
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du Maroc que ,Jes chefs d'Etat dlgérien, égyptien et tuni-
sien furent offidelllement accueilllis le 13 décembre dans
la vi•llle de Bizerte en l·iesse : « De l·a fou,Je massée à l'aéro-
drome et tout le ,Jang du trajet emprunté par ·le cortège,
s'étlevoient 'les vivats ... · A 10 h. 10, les t-rois chefs d'Etat
mettent le pied sur ·le sol même de Bizerte. La main dans
la main, i.J$ répondent aux acclamations qui montent de la
fovle innombrable qui empl·it •la vî11ile ... » ( 1).
le Président Nasser souligne dans le discours qu'ill pro-
nonce au meeting :
« Nous avons toujours considéré que le recouvrement de
la liberté dans tout pays arabe est une contribution au
renforcement de la liberté dans la grande patrie arabe ... »
« ... La Palestine exige que nous devenions forts, que
nous défendions notre nationalisme arabe, que nous abat-
tions tous les obstacles élevés par le colonialisme qui vou-
lait nous diviser en peuples épars. La Palestine exige l'unité
arabe. »
le Président Ben Be·J,Jo succède à 1a tribune au chef du
gouvernement de ,Jo République Arabe Unie et affirme l'uni-
té de volonté entre des gouvemements arabes représentés à
Bizerte :
« L'Algérie a sa mission à remplir : une mission d'unifi-
cation du Maghreb en premier lieu, du monde arabe en-
suite et de toute l'Afrique. »
Puis le P·résident Bourguiba prononce un discours orienté
dans 1le même sens, en rappellent que ,Jes différends politi-
ques qui avaient opposé ,Jo Tunisie à !a R.A.U. et à l'Al-
gérie étaient entièrement révolus.
« Tous nos différends du passé sont le fruit de malenten-
dus. Tout à l'heure, le Président Nasser m'a demandé,
avant de prendre la parole, s'il pouvait citer la Nation
Arabe et l'arabisme.
( 1) Le Peuple, 14 décembre 1963.
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14- 16 DECEMBRE 1963
« Comme si nous étions des adversaires de la cause arabe
qui est et demeure notre cause, voilà où mènent les équi-
voques. L'unité arabe reste un de nos vœux les plus chers.
Encore faut-il en préparer l'avènement. La tliche exige
bien des efforts. Il nous faut d'abord nous connaître et
nous respecter mutuellement. »
« Hier j'ai eu un tête-à-tête de plus d'une heure avec le
Président Ben Bella. Le résultat _a été particulièrement
concluant. Nous avons fait mieux que ce que nous pou-
vions espérer en vingt ans de négociations diplomatiques.
Ce matin, un entretien de quelques minutes avec le Pré-
sident Nasser s'est révélé particulièrement utile et fécond.
Bizerte aura, je l'espère, apporté une contribution subs-
tantielle au rapprochement de tous les peuples maghrébins
et arabes. »
Les émissions de la radiodiffusion a1lgérienne, en rendant
compte de ·la visite des chefs arabes à Bizerte, soulignèrent
que les hommes politiq-ues avaient jeté ·les bases d'un front
commun, fût-i·l même constitué aux dépens des intérêts po-
l-itiques d'a·utres puissances.
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« Symbole de la victoire sur l'occupation étrangère, Bi-
zerte signifie aussi un espoir de voir établir .de nouvelles
bases de départ et une clarification des problèmes que pose
l'édification du Maghreb arabe.
C'est bien, en effet, sur le plan économique et structurel
que l'unité maghrébine a le plus de chances de réussir ;
les mêmes urgences du développemer~t se retrouvant dans
les trois pays voisins.
Ce n'est pa:~ autre chose que ces problèmes que le Pré-
sident Ben Bella a évoqués tout au long de ces trois jour-
nées passées à Tunis , en contact permanent avec le peuple
frère de Tunisie qui lui a réservé un accueil chaleureux. »
Dans la conférence que le Président Bourguiba accordait
à ·la presse .Je 15-12-63, i'l énumérait ~es object·ifs communs
des p:ays arabes représentés aux cérémonies de Bizerte et
i'l disait notamment :
« Les premiers pays qui se sont libérés ont aidé à la
décolonis'ation des autres. C'est la même chose pour les
bases militaires.
Suez a facilité ou du moins rendu moins difficile l'éva-
cuation de Bizerte ... Cela est logique, fatal, d'autant plus
que les bases militaires fixes ont perdu leur efficacité et
que l'on cherche maintenant à établir des bases secrètes ... »
H notait que les ent-r etiens avec le Président Ben BeHo
avaient permis de préparer une politique économique com-
mune à J'égard du Marché Commun Européen .:
« Nous avons besoin d'aide et de marchés pour nos pro-
duits, la Tunisie comme l'Algérie.
Ces données ont été étudiées par nos experts et ceux du
Marché Commun. Nous nous efforcerons de créer une zone
de préférence, qui nous aide dans notre développement et
qui fournisse à l'Europe un marché intéressant. Pour l'Eu-
rope, il est préférable de se trouver face d une Afrique
du Nord unie et prospère. J
 10
hl marquait sa satisfaction du fait que Jes dif,férends pas-
sés étaient désormais oubliés
« Entre la Tunisie et !'Algérie, i! n 'y a plus de problè-
mes, !es entretiens que j'ai eus avec !e Président Ben Bella
ont fait énormément pour dissiper !es malentendus. Ces
contacts personnels ont créé une estime réciproque et des
sentiments d'affection se sont instaurés entre !e Président
Ben Bella et moi-même. »
te principe des contacts personnels entre chefs d'Et-a t,
tel est ·J'ocquis définitif des cérémonies de Bizerte. Et si, au
Caire, en janvier 1964, une conférence au sommet des chefs
arabes a pu être organisée au sujet des mesures à envisager
LE CONFLIT FRONTALIER ALGÉRO-MAROCAIN
Le con~lit porte sur des territoires situés au Sud de l'Oued
Dra et à l'ouest de ·la Zousfana-Saoura dont le Maroc reven-
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dique do souveroineté. Cette revendication a été formu lée
au •lendemain de !l'indépendance marocaine et, par Jo suite,
a fait il'objet de conversations entre le gouvernement maro-
cain et le G ..P.R.A., avant ,J'indépendance de l'hlgérie.
Depuis •l'indépendance ail•g érienne et ,J'occupation par l'A.
L.N. des postes tenus par les troupes françaises, eltle a don-
né •lieu à divers incidents et .provoqué à l'automne de 1963,
un con'iilit aigu et des affrontements armés.
Il a paru intéressant de reproduire ici des extraits de
texte qui permettent de suivre l'évolution diplomatique de
l''Offaire.
Protocole d'accord entre le gouvernement
de Sa Majesté le Roi du Maroc
et le gouvernement provisoire de la République Algérienne
(Extraits)
(6 juillet 1963)
« ... Le gouvernement de S. M. !e Roi du M~r?c réaffirme
<<son soutien inconditionne! au peuple a!genen dans sa
« lutte pour son indépendance et son unité nationales. Il
« proclame son appui sans r éserve au gouvernement pro-
« visoire de !a République algérienne dans ses négocia-
« tions avec !a France , sur !a base du respect de !'intégrité
« du territoire algérien. Le gouvernement de S. M. !e Roi
« du Maroc s'opposera par tous !es moyens d toute tenta-
« tive de partage, d'amputation du territoire algérien.
« Le gouvernement provisoire de . !a République a!gé-
« rienne reconnaît pour · sa part !e problème territorial
« posé par !a délimitation imposée arbitrairement par !a
« France entre les deux pays, qui trouvera sa solution
« dans des négociations entre !e gouvernement du royau-
« me du Maroc et !e gouvernement de !'Algérie indêpen-
<c dante.
<< A cette fin, !es deux gouvernements décident la créa-
« tion d'une commission algéro-marocaine qui se réunira
<< dans !es meilleurs délais pour procéder à ·!'étude et d
« !a solution de ce problème dans un esprit de fraternité
a et d'unité maghrébines ... » · · que sans aménité.
R E L A T 1 0 N S 1 N T E R N A T 1 0 N A L E S
pour •ha solution du problème des eaux du Jourdain, cette
initiative a abouti, semble-t-i•!:, en raison du succès des en-
tretiens de Bizerte, comme le soulignait le ,journal marocain
Les Phares alors même que se déroulaient ·les cérémonies :
~ L'évacuation de ia base de Bizerte constitue un succès
de !a politique de non-engagement maghrébine.
« C'est un authentique succès de !a politique de négocia-
tions qui est aujourd'hui célébré. Il témoi{lne que la voie
ingrate, difficile et pénible du « réformisme », si elle n'a
pas !e côté spectaculaire et facile du recours à !a violence
e~t sûrement en toute hypothèse moins coûteuse et plu;
sure. »
Parmi tles documents qui suivent, les communiqués ou
résdl•utions publiés à !'·issue des rencontres internationa•les
auxquel-les tle con~lit a donné •lieu, sont des repères objectifs
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qui en jalonnent le déroulement. Il a paru également util e
de retenir certaines déc-larations officiel•les des chefs d'Etat
dlgérien et marocain à cause de •l 'éminente signifieotion que
leur ·confère ·la personnalité de ·leurs auteurs.
L'abondance de ces textes permet de suivre l'évolution
de cette idée de négoci·a tion qui s'est fait jour dès qu'a pu
s'engager un di'a·logue d'égaux entre le demandeu•r maro-
cain et son fraternel intenlocuteur.
Etl•le comporte essentie<hlement deux époques. La première,
qui prend fin le 18 octobre par tl 'échec des pounp>anlers de
Morrokech, voit dépérir .les chances d'un règ·lement bhlatéral
conforme aux accords olgéro-marocains antérieurs. Dans la
deuxième, les tentatives d'internotionolisotion à des degrés
divers qui furent entreprises aboutissent à la mise en œuvre
d'inst.ances africaines prévues par •la charte de l'Organisa-
tion de •l 'Unité Africaine.
L'ECHEC DES CONVE<RSATIONS BILATERALES
LA RENCONTRE D'OUJDA (5 octobre 1963)
Depuis t-rois mois, les -rapports a·lgéro-marocains se dété-
riorent. Les habituel-les revendications territoria•les du parti
marocain de l' lstiq'lail sont reprises avec une insistance à
l·aquellle •la situation du parti dans .l'opposition confère une
dimension nouvellle. Des ressort-issants de chacun des deux
pays ·résidant dans l'autre, sont interpel·lés après parfois 20
ou 30 ans de séjour. On signale aux frontières des incidents
mitlitaires. La presse par·lée et écrite de chaque Etat po·Jémi-