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De la résilience de l’islamisme
Par Haoues Seniguer
POLITISTE
L’islamisme est plus complexe que l’image qui en est forgée par le sens
commun ou les médias : outre un islamisme violent, il existe un islamisme
légaliste, qui respecte formellement les lois établies, incarné par exemple
par Ennahda en Tunisie ou par le Parti de la justice et du développement au
Maroc. Ces deux mouvements ont vécu des défaites électorales, mais ils
restent présents, forts de leur ancrage socio-culturel dans les populations et
d’un contexte conservateur qui leur bénéficie.
Il existe dans notre pays une hypersensibilité, rationnelle à bien des égards, d’une
partie de l’opinion, ordinaire, médiatique, associative ou politique, sur et autour de
l’islamisme. Et ce, en particulier, lorsque, à tort ou à raison, celui-ci est associé,
sinon assimilé sans distance, aux attentats terroristes, ou à ce qu’il est convenu de
nommer aujourd’hui le djihadisme ; autrement dit la violence totale, sanguinaire,
déployée indistinctement par des individus ou groupes au nom d’une conception
ultra violente de l’islam.
Ce phénomène reste minoritaire mais il ne cesse de défrayer la chronique, de
déchaîner les passions et d’entretenir l’émotion à cause de ses répercussions
funestes. Toutefois, cette omniprésente confusion, acritique, entre deux faits, l’un
islamiste l’autre djihadiste, n’est pas seulement le fait du sens commun.
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Sur les réseaux sociaux comme dans certaines couvertures médiatiques, il n’est pas
rare de voir utiliser tout cet appareillage sémantique (islamisme, djihadisme, etc.),
synonymiquement, c’est-à-dire de façon essentialiste et irréfléchie. Mais ce n’est
pas tout : certains symboles ou signes de religiosité musulmane dans l’espace
public, à l’instar du voile ou de la barbe longue du maghrébin d’origine ou de
l’Africain, peuvent être appréhendés, a priori, comme porte-étendard ou indices
probants de cet islamisme supposément « systémique » ; quelquefois, c’est même la
lutte contre l’islamophobie qui est clouée au pilori, au prétexte qu’elle serait une
stratégie « victimaire » menée par les islamistes (lesquels ?) et de leurs complices
présumés, en vue de saper les fondements de la république et de la liberté
d’expression.
Or, les usages plus ou moins relâchés, voire carrément idéologiques, du
vocable islamisme nuisent considérablement à la compréhension fine d’un
phénomène aux multiples facettes ; les airs de famille, réels, entre différents
courants de l’islamisme, d’ici et d’ailleurs, ne relèvent pourtant ni de la stricte
identité ni de l’absolue différence. En effet, un même terreau ne donne pas
forcément les mêmes arbres et encore moins les mêmes fruits. Il y a un islamisme
légaliste, qui respecte formellement les lois établies, à l’instar de Ennahda en
Tunisie ou du Parti de la justice et du développement au Maroc, et un islamisme
violent, à l’instar d’al-Qaïda et de ses avatars.