Le costume comme empreinte du corps

Entretien avec Dominique Fabrègue , Propos recueillis par Marie Glon

Dans Repères, cahier de danse 2011/1 (n° 27) , pages 3 à 6
Éditions La Briqueterie / CDCN du Val-de-Marne
ISSN 2112-5147
DOI 10.3917/reper.027.0003
© La Briqueterie / CDCN du Val-de-Marne | Téléchargé le 11/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 176.172.129.157)

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Le costume comme
empreinte du corps
entretien avec Dominique Fabrègue
Les costumes sont l’une des rares choses qui restent d’un spectacle
qui a cessé d’être représenté. Lors du “remontage” d’une pièce
ancienne, ils sont donc fréquemment réutilisés, retouchés pour
de nouveaux interprètes. Nous avons demandé à Dominique Fabrègue
de nous décrire ce que cela implique : d’un danseur à un autre,
d’une époque à une autre, elle travaille avec la diversité
et la transformation des corps.
dominique fabrègue Lors d’une réunion de bilan au
est costumière. sein des Carnets Bagouet, vous
note mentionniez la difficulté de réuti-
1. Les Carnets liser les costumes originaux d’une
Bagouet (sous la
dir. d’I. Launay), les pièce de Dominique Bagouet,
Solitaires intempes- Meublé Sommairement (1989),
tifs, 2007, p. 207. Cet
ouvrage rassemble les
pour une recréation en 20001.
archives des Carnets Pouvez-vous nous expliquer
Bagouet, l’association pourquoi ?
qui fait vivre le réper-
toire de Dominique La reprise d’un spectacle par de nou-
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Bagouet depuis la veaux interprètes — ou un simple
mort du chorégraphe,
en 1992. La recréation
remplacement impliquant qu’un
de Meublé sommai- danseur endosse le costume d’un
rement en 2000 était autre —, j’ai beaucoup de mal à m’y
signée par Fabrice
Ramalingom. faire. La nuit qui a suivi le premier
essayage pour la reprise de Meublé
Sommairement, je n’ai pas fermé
La géographie d’un corps,
c’est son histoire
l’œil ! Tout mon travail consiste à ha-
biller chaque interprète, à le révéler
— d’autant plus que je travaille “en un
morceau”, c’est-à-dire avec une seule
pièce de tissu qui s’enroule autour du
corps et qui révèle la posture dans ce
qu’elle a de plus singulier, de plus
personnel. Alors mettre quelqu’un
dans le costume d’un autre, c’est
comme vouloir le faire entrer dans le
corps de l’autre ! L’intérieur du cos-
tume ne va pas toucher la peau aux
mêmes endroits ; le corps va buter
sur des coutures mal placées… Sans
compter que si j’avais vraiment tra-
vaillé pour ce nouvel interprète, j’au-
rais eu d’autres idées ; une autre ma-
tière, une autre couleur se seraient
peut-être imposées…
Pourtant, dans une pièce comme
Meublé Sommairement, les dan-
seurs portent des costumes sem-
blables les uns aux autres.
J’ai compris avec Dominique
Bagouet que, si j’habillais les gens de
façon uniforme, leurs différences se
révélaient d’autant plus. Mais, même
si le patron et le tissu sont les mêmes
pour tous, chaque costume est fait
pour un corps particulier, à ses me-
sures et, en bonne partie, sur son
corps ; il prend de l’ampleur ou se ré-
trécit à certains endroits, emprunte
un chemin légèrement différent des
autres ; il aura un décolleté, une em-
manchure spécifiques… Car chaque
costume doit montrer la géographie
du corps. Or, sa géographie, c’est son
histoire : une histoire qui a creusé
des vallées ou érigé des monts, qui a
fait que la tête s’est projetée en avant,
qu’une épaule s’est légèrement avan-
cée, que le dos s’est courbé… Que l’on
ait eu des joies, des peines, que l’on
se soit soumis ou révolté, que l’on ait
choisi telle ou telle façon de s’entraî-
ner, notre histoire s’inscrit dans le
dessin de notre corps. Cette histoire
raconte comment chacun de nous
tient debout. Tenir debout, c’est un
miracle !
Si je trahis le corps du danseur, si je
le raccourcis, si je lui interdis une
amplitude qui le constitue, je lui en-
lève de la force. Et je pense que le
spectateur, même inconsciemment,
le perçoit. La forme d’un corps nous
renseigne sur l’identité de la per-
sonne : si mon costume est faux, il
vies de costumes
brouille le message… J’ai alors l’im-
pression d’amputer le danseur.
Mais identifier ce qui fait la parti-
cularité d’un corps n’a rien d’évi-
dent… Sauriez-vous dire comment
vous déterminez les parties du
corps ou les caractéristiques à
mettre en valeur ?
Certains endroits sont particuliè-
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rement révélateurs. Les courbes et
contre-courbes du dos sont une vraie
signature, comme une empreinte di-
gitale ; je suis intransigeante sur le
fait que le costume colle au “creusé”
du dos. J’y ai beaucoup travaillé avec
Béatrice Massin : dans Songes (2009),
elle a exploré la façon dont les pas
baroques intégraient les déplace-
ments et le “temps de retard” de la
traîne par rapport au corps. La traîne
matérialise la tenue du bassin, qui
est différente chez chacun de nous.
On comprend aussi ce qu’il faut
mettre en valeur en parlant avec
le danseur, en lui demandant quel
type de costumes il aime, en obser-
vant la façon dont il se regarde dans
le miroir, dont il réagit quand on le
touche… Évidemment, c’est très sub-
jectif ! Je suis là pour entendre le
corps du danseur — ce qui implique
de mettre en jeu mon propre corps,
ma propre histoire. Je cherche à
souligner les beautés : une courbe
magnifique qui va sans rupture de
la taille aux genoux ; un dos très,
très long ; l’angle d’une clavicule par
rapport au cou… On peut “corriger”
bien sûr, c’est-à-dire accentuer des >
repères, cahier de danse n°27 3
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4 repères, cahier de danse n°27

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Chaque patron
est un itinéraire
> beautés : bomber une courbe pour
donner l’impression de plus de vo-
lume, tirer une droite pour agrandir
un buste, faire en sorte qu’une cou-
ture souligne une direction qui est
esquissée sur le corps…
Le risque bien sûr, c’est de ne pas
réussir à voir ce qui fait la beauté de
quelqu’un — parce que des choses
dans son corps nous gênent, ou en-
core parce que l’on est tenté de proje-
ter notre propre corps sur le sien. Par
exemple, j’ai la taille marquée : mon
premier mouvement est toujours de
serrer la taille des danseuses, voire
d’en créer une si elle n’est pas mar-
quée ! Il est fréquent également de
reproduire le rapport entre le haut
et le bas du corps qui est le nôtre,
alors que les proportions varient,
évidemment… Il arrive aussi que les
problèmes techniques à résoudre
nous empêchent d’être suffisamment
à l’écoute, suffisamment généreux
pour découvrir le corps de l’autre.
Aboutir au costume juste prend
du temps : je ne laisserais jamais
quelqu’un monter sur scène si son
costume n’allait pas, mais souvent, à
la générale, je me dis qu’il y a encore
des choses à améliorer !
Concrètement, comment procé-
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dez-vous ?
Je travaille sur la coupe en un mor-
ceau : en me l’enseignant, Geneviève
Sevin-Doering m’a permis d’être
heureuse dans mon travail toute ma
vie. Je passe mon temps à travailler
et affiner cette technique, notam-
ment par un procédé de triangu-
lation qui permet de “développer”
le corps à plat, comme un cube
que l’on déplie.
Je commence par un relevé topo-
graphique : identifier les reliefs du
corps, les points hauts et les points
bas. Quand j’étais petite, j’étais fas-
cinée par l’histoire des Lilliputiens
qui parcouraient le corps de Gulliver.
Il faut s’imaginer être un Lilliputien,
qui va devoir franchir des fossés,
contourner ou gravir des monts, em-
prunter des chemins inclinés… Ainsi
on commence à comprendre le corps
— et cela rappelle aussi que philoso-
légendes phiquement, il faut être humble par
En haut : la prise des rapport à l’histoire d’un corps ; il faut
mesures sur le buste.
© Dominique Fabrègue. être petit et émerveillé !
J’ai établi un ensemble de points sur
En bas : développement
à plat du buste,
le corps : je mesure les longueurs
par triangulation. entre ces points et à l’aide d’un com-
© Dominique Fabrègue. pas, je dessine tous les triangles qui
vies de costumes
relient les points entre eux. Je fais “MDos Lomb” par exemple ( “milieu
mon chemin en avançant, posant dos lombaires” ), c’est l’endroit où le
les triangles l’un après l’autre… C’estvolume change, sans que cela cor-
ce que j’appelle la triangulation du responde nécessairement à un os
corps ; l’illustration p. 4 (en bas) re-ou un muscle… Lors de mes cours à
présente le buste mis à plat selon l’École nationale supérieure des arts
ce procédé : à partir du moment où et techniques du Théâtre, les élèves
les longueurs relevées sont justes, s’entraînent à prendre les mesures
les angles, donc les surfaces, le sont les uns des autres. Moi-même j’hé-
aussi. Sur la base de cette empreinte site longtemps avant de déterminer
du corps, je construis le patron. l’emplacement de chaque point !
Chaque patron est un itinéraire, un D’année en année, j’ajoute de nou-
voyage organisé : par exemple, pour veaux points de repère. Je n’ai pas
aller d’un sein à l’autre, on peut choi-fini de chercher la meilleure façon de
sir de descendre dans la vallée puis “trianguler” le passage, très délicat,
de remonter de l’autre côté — c’est- entre le corps et la manche : je sais où
à-dire que l’on moule l’entre-sein prendre les mesures, mais je ne suis
— ou d’emprunter un pont d’un sein pas certaine de savoir dans quelle
à l’autre. Mon père était ingénieur position du bras il faudrait idéale-
des ponts et chaussées ! Je raisonne ment les prendre. L’indépendance du
beaucoup en termes d’axes à tracer bras, qui peut bouger sans entraîner
dans le paysage ; je n’ai pas oublié le reste du corps (donc du costume),
ma fascination, dans les années 1960, c’était primordial dans le travail de
quand j’ai découvert le réseau routier Dominique Bagouet…
des États-Unis, ces ponts qui chevau- Je suis aussi en train de travailler à
chaient des autoroutes… Il y a aussi une nouvelle façon de faire l’épaule.
des fleuves et leurs affluents, les Je ne veux plus de la couture entre
contours du littoral, des îles. À cette l’épaule et le bras, ce diktat qui décide
étape bien sûr, tout l’enjeu est dans que le bras commence à cet endroit
les courbes, alors que la triangula- précis, alors qu’il pourrait englober
tion forme des angles. Je ne dessine l’épaule et l’omoplate. Je veux aussi
pas ces courbes, ou plus exactement cesser de voir l’épaule comme une
je les dessine aux ciseaux. Couper, seule ligne droite. Je discutais beau-
c’est un acte, qui implique une vraie coup de l’épaule avec Odile Duboc :
décision et qui peut même être vio- chez elle l’épaule était comme “sou-
lent : trancher dans une trame conti- lagée”, alors que cette partie du
nue, décider où sera la couture. corps est souvent volontaire, dressée,
La surface ainsi dessinée deviendra manifestant l’assurance et la puis-
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un volume par un mouvement de sance. Je pense qu’Odile aurait beau-
rotation : j’enroule le patron sur le coup aimé ce que je suis en train de
corps du danseur (voir photographie mettre en place, qui consiste à rendre
p. 6). C’est un mouvement très fort : compte des deux segments de la
celui que l’on fait autour du corps ligne qui va du cou jusqu’au bord de
d’un petit enfant dans ses langes, l’épaule. Deux segments dont l’in-
celui de se blottir et d’être accueilli.clinaison est très différente d’une
La spirale permet également de ré- personne à l’autre…
pondre à des problèmes techniques, Vous comprenez pourquoi j’ai tant de
notamment au niveau de la manche : peine à mettre quelqu’un dans le cos-
on peut lever le bras sans entraîner tume d’un autre ! Et pourtant je suis
tout le costume… réaliste, je sais qu’il n’y a pas toujours
d’autre possibilité, pour des raisons
Les points de repère de la triangu- de temps et de budget ; alors je “bri-
lation sont-ils des points que l’on cole” le costume…
peut identifier de la même façon
chez tout le monde (l’attache d’un Comment cela s’est-il déroulé
os par exemple), ou des reliefs pour la recréation de Meublé
spécifiques à chaque corps ? Sommairement ?
Il y a les deux. Certains éléments C’était très révélateur du fait que les
sont “objectifs” (la pointe du sein, corps, en dix ans, avaient incroyable-
la jonction de deux os, la septième ment changé. Il y avait par exemple,
cervicale…). Cela ne signifie pas pour un groupe de quatre danseuses,
qu’ils correspondent aux mêmes re- de longues robes orange, qui tom-
liefs chez tout le monde : des zones baient droit devant, et qui laissaient
généralement bombées, au niveau le dos nu. Les quatre danseuses
du sternum par exemple, sont des étaient très différentes les unes des
creux chez certaines personnes ! autres, et bien sûr le modèle de cha-
D’autres points sont vraiment à l’ap- cune lui était adapté, mais cela leur
préciation du costumier. Le point allait magnifiquement à toutes. >
repères, cahier de danse n°27 5

légende
Le patron s’enroule
> Dix ans plus tard, je reprends les
robes pour quatre nouvelles dan-
en spirale pour devenir
un costume. Image seuses. La première chose, bien sûr,
tirée de l’exposition de c’est qu’elles ne rentrent pas dans
Dominique Fabrègue,
En 1 morceau -
les robes — cela n’a rien d’étonnant,
costumes de danse, puisque le poids moyen de la popu-
Montpellier, Carré lation a augmenté, et ce n’est pas
Sainte-Anne, 2003.
© Pierre Grosbois. trop grave, parce que je fais tou-
jours en sorte de laisser de grosses
coutures. Mais ce qui était épouvan-
table, c’est que le patron lui-même
n’allait plus du tout. Dans ces robes,
les nouvelles danseuses — fines, élé-
gantes — semblaient avoir du ventre !
J’ai été obligée d’ouvrir le décolleté
du dos, pour faire “basculer” toute
la robe vers l’avant, et même de ra-
jouter des morceaux d’étoffe. J’ai
fini par comprendre que leur corps
avait légèrement basculé — un petit
angle, mais sur toute la longueur
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de la colonne vertébrale, cela impli-
Quand les danseurs
pensent différemment,
leur corps change
quait qu’il me manquait trente ou
quarante centimètres de tissu… À
l’époque de Bagouet, la plupart des
danseurs avait suivi un apprentis-
sage classique, ils étaient “gainés”,
avec des abdominaux extrêmement
toniques. De profil, même avec une
robe qui tombait droit, le ventre était
une ligne verticale, rien ne dépassait
de cet axe. Dix ans plus tard, le bas
du buste était passé à l’avant. Quand
les danseurs pensent leur corps dif-
féremment, cette pensée nouvelle
change la forme du corps…
Vous parlez d’une nouvelle géné-
ration de danseurs. Pensez-vous
que vous auriez constaté la même
évolution sur le corps des dan-
seurs de 1989, si vous les aviez
retrouvés dix ans plus tard pour la
nouvelle production ?
Familiers de la technique très “arti-
culaire” de Dominique Bagouet, ils
auraient sans doute repris une pos-
ture plus proche de celle des années
1980, mais leur corps a assurément
évolué lui aussi.
En 2003, Odile Duboc a repris Projet
de la matière (1993). Les danseurs
ont ré-enfilé leurs anciens cos-
tumes, ceux qui avaient été faits
pour chacun d’eux dix ans aupara-
vant. On pouvait voir alors combien
ils avaient changé. Je pense à Boris
Charmatz : ses omoplates n’avaient
plus la même position, il avait fait
un magnifique travail sur son dos,
très sinueux en 1993, et qui s’était
totalement aplani… Chez plusieurs
danseurs, la dernière courbe du dos
s’était décreusée : un basculement
du bassin, très doux, qui se réper-
cutait aussi sur les cuisses, remises
dans l’axe — j’ai l’impression que cela
permet une meilleure circulation et
que, pour cette raison peut-être, les
cuisses s’affinent… D’une manière
générale, l’empilement des volumes
du corps m’a semblé plus détendu
et plus droit aussi, comme si les
corps avaient trouvé une façon de
se redresser doucement. Une tenue
moins forte, moins crispée… Ou plu-
tôt une autre répartition de la tenue.
Cela donne des corps moins “aigus” :
je dirais qu’au début des années
1990, les paysages corporels étaient
plus contrastés, avec des falaises,
des sentiers très étroits, une diffé-
rence très accusée entre la taille et
les hanches pour les femmes… Chez
les hommes, j’étais habituée à ce que
la 7e cervicale — un point important
pour un costume, si l’on veut faire
un ras-du-cou — soit proéminente.
C’est beaucoup moins souvent le cas
aujourd’hui. Cela correspond à une
autre façon de poser la tête — je re-
marque d’ailleurs que les danseurs
aujourd’hui ne ressentent plus le
besoin, à chaque moment de pause,
de faire tourner la tête, de la pencher
vies de costumes
de part et d’autre pour détendre le
cou… Cette façon de poser la tête est
elle-même liée, je pense, à une autre
façon de placer son regard, moins
fixe peut-être. Il pourrait aussi s’agir
d’une nouvelle façon de se position-
ner par rapport au sol…
Je vous parle de changements que
j’ai observés chez des danseurs en
les retrouvant au bout de dix ans,
mais cela peut aller plus vite encore
— sans même évoquer les danseuses
enceintes, dont la posture change
d’une semaine à l’autre. En 1992, au
début de l’été, la compagnie Bagouet
a fait des essayages pour la création
de So Schnell. Puis les danseurs sont
partis découvrir le travail de Trisha
Brown aux États-Unis. Quand ils sont
revenus, ce devait être six semaines
plus tard… leurs cuisses faisaient ex-
ploser les pantalons ! Le travail devait
être moins en force chez Dominique,
sollicitait les muscles différemment…
Il a fallu élargir tous les pantalons !
Je suis curieuse de voir comment les
corps vont évoluer dans les années à
venir, avec une nouvelle façon de se
nourrir, de bouger… Les femmes ont
plus de poitrine, ce qui va nécessai-
rement changer la tenue des épaules.
Je pense aussi que quelque chose va
se passer au niveau du bassin ; j’ai
l’impression que les tailles sont en
train de remonter. Récemment j’ai
proposé à un jeune comédien un
pantalon taille basse. Il a fait : « Oh
non, pas un pantalon de papi ! » Il y
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a peu de temps, c’est le pantalon à
taille haute qui faisait “papi”…
Sur une pièce comme Meublé
sommairement, qu’auriez-vous
fait si vous aviez pu réaliser de
nouveaux costumes pour les nou-
veaux interprètes ?
J’aurais fait un tout autre patron.
Mais il faut avouer que c’est tou-
jours difficile quand le chorégraphe
n’est plus là. Je conçois mon travail
comme une traduction : il y a le lan-
gage du corps du danseur, il y a le
langage du désir du chorégraphe ;
je cherche à faire “une belle phrase”
entre ces deux discours… En ne tra-
hissant ni l’un ni l’autre. C’est le croi-
sement de ces deux paroles qui fait
qu’un costume est juste. •
Propos recueillis par Marie Glon
repères, cahier de danse n°27 6