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All content following this page was uploaded by Rémi Bourguignon on 22 September 2016.
Introduction
Depuis les années 1960, chercheurs et praticiens ont constaté la diversité des
pratiques de management à travers le monde. La gestion comparée a mis en évidence
l’enracinement culturel des comportements des salariés ainsi que des processus de
gestion. Par exemple, selon la célèbre étude d’Hofstede (1980), les relations
hiérarchiques ou les structures d’organisation ne prennent pas les mêmes formes
d’un pays à l’autre. La mondialisation qui a suivi la chute du mur de Berlin a
accéléré depuis une vingtaine d’années l’internationalisation des entreprises qui
répartissent leurs activités dans différents pays selon leur attractivité et visent des
marchés mondiaux. Cette évolution de l’activité économique qui s’opère désormais à
l’échelle de la planète a multiplié les situations interculturelles de travail, ce qui n’est
pas sans poser certaines difficultés. En effet, la socialisation des individus dans un
cadre culturel donné leur confère progressivement une grille de lecture de la réalité
sociale qu’ils mobilisent pour donner du sens à ce qu’ils vivent, sans avoir
nécessairement conscience que leurs références ne sont pas partagées (Davel et al.
2008). Dès lors, la rencontre interculturelle est source de divergences d’interprétation
et par conséquent de difficultés à s’accorder sans que les raisons profondes de ces
malentendus ne soient très claires pour les protagonistes. Afin de relever ces défis,
les entreprises se sont lancées depuis une dizaine d’années dans la gestion de la
diversité qui comprend, entre autres, la diversité culturelle. Le projet du management
interculturel est de mettre en place tant au niveau de la gestion des ressources
humaines que des dispositifs de gestion en général les mesures nécessaires pour faire
1
face aux difficultés engendrées par les différences culturelles et, plus encore, pour
tirer parti de cette diversité. Dans ce chapitre, nous traiterons successivement de
quatre volets du management interculturel qui nécessitent chacun des ajustements
liés aux différences culturelles : le management d’équipes interculturelles, le
transfert d’outils de gestion conçus dans un contexte culturel vers un autre contexte
et la négociation interculturelle.
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souvent définir une procédure et des outils partagés que l’ensemble des partenaires
utilise. Dans les équipes mixtes, les interactions interculturelles sont permanentes
tout comme les ajustements.
Les équipes projet sont des équipes temporaires constituées dans le but d’atteindre un
objectif défini en combinant les expertises de chaque membre. Par exemple, elles
peuvent viser à la conception d’un nouveau produit en s’appuyant sur les
compétences techniques et les connaissances des différents marchés de salariés
répartis dans différentes unités d’une firme multinationale. Généralement, l’équipe
qui peut être plus ou moins diversifiée en termes de métiers, d’entités et de
nationalités est tendue vers la réalisation de son objectif dans un contexte de fortes
contraintes de coûts, de délais et de qualité du résultat. Afin d’atteindre l’objectif
commun, chaque membre doit articuler très étroitement son travail avec celui des
autres. Dès lors, les interactions sont très fréquentes et tournées vers la coordination
et la résolution de problème. Les différences de cultures nationales ne coïncident pas
nécessairement avec les différences de spécialités professionnelles ou la diversité des
entités organisationnelles auxquelles se rattachent les contributeurs.
Les équipes métier rassemblent, comme leur nom l’indique, des personnes partageant
la même spécialité professionnelle pour une mission commune. Il peut s’agir par
exemple de chercheurs, d’informaticiens, d’ingénieurs spécialisés issus de divers
pays mais travaillant ensemble sur un sujet donné. Selon les cas, le travail de
l’équipe est plus ou moins intégré. Dans certains cas, le produit final de l’équipe
résulte de la somme de contributions réparties entre les membres, dans d’autres cas,
le produit final est issu d’une collaboration étroite et d’activités imbriquées les unes
aux autres. Dans ce dernier cas, on se rapproche du fonctionnement des équipes
projet.
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souvent, les équipes de ce type sont plutôt composées en majorité de personnel local
et accueillent un nombre limité voire un seul membre étranger qui s’est installé
temporairement ou définitivement dans le pays. Dès lors qu’ils sont peu nombreux,
les membres étrangers de l’équipe ne pèsent guère sur les modalités de son
fonctionnement qui reste marqué par les représentations culturelles locales. Dans ce
contexte, la charge de l’adaptation incombe généralement à la minorité.
4
COORDINATION Représentan Assurer la Chaque Concertation Permanente Comité des
STRATEGIQUE ts d’entités cohérence membre périodique directeurs de
nationales des actions défend ses filiales
locales intérêts européennes
5
voient assignés une injonction de prime abord paradoxale. On leur demande de
transférer les pratiques et valeurs de la maison mère tout en leur demandant de
s’adapter à la culture locale. Il s’ensuit un champ de tensions inévitables qui peuvent
affecter tant l’individu que sa mission.
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Enfin, le processus d’ajustement peut également être encouragé par des formations
au management interculturel qui permettent à chaque participant de relativiser ses
pratiques en prenant conscience de la diversité des repères culturels à travers le
monde.
Dans les équipes internationales appelées à travailler ensemble dans la durée comme
dans le cas des équipes mixtes (cf. 1.2), il peut être plus judicieux d’aller au-delà des
ajustements interpersonnels empiriques et de mettre en place des dispositifs
institutionnels pour améliorer le fonctionnement des équipes interculturelles. Un
accompagnement peut ainsi aider les équipes à élaborer des règles du jeu légitimes
pour chacun et efficaces pour l’action commune (Chevrier, 2010). Dans cette
démarche, un ou des médiateurs aident les équipes à analyser les incidents critiques
qui se produisent, à mettre en évidence les grilles culturelles de lecture des
participants et leurs attentes vis-à-vis des situations en question. Dans un second
temps, les participants assistés des médiateurs construisent des modes de
fonctionnement collectif comme des procédures de prise de décision qui satisfont les
exigences de chacun. Ces modes de management négociés sont ensuite mis à
l’épreuve sur le terrain puis amendés au fil de l’expérience. Dans cette démarche, les
ajustements sont formellement inscrits dans les routines de l’équipe et ne dépendent
pas seulement des capacités d’adaptation individuelle. En outre, ils s‘appuient sur
une compréhension des grilles de référence culturelles des collègues qui permet de
désamorcer certaines perceptions mutuelles négatives qui émergent fréquemment
lorsque les uns jugent avec leurs propres références le comportement des autres
légitime à la lumière d’un tout autre univers de sens.
Plus particulièrement, la gestion de l’expatriation doit alors avoir pour horizon tant la
réussite à court terme de la mission, telle que mesurée par l’atteinte des objectifs, que
la satisfaction qu’en tire l’individu de manière à le fidéliser et exploiter les
compétences acquises à moyen/long terme. Pour cela, les entreprises ont cherché à
optimiser le processus allant de la sélection à l’adaptation en passant par la
formation.
La sélection. Pour Mendenhall et Oddou (1985), il aura fallu un certain temps avant
que les organisations en viennent à considérer le fait culturel dans la sélection des
expatriés. Sous l’emprise d’une vision du management comme science et ensemble
de pratiques à portée universelle, les états-majors d’entreprises multinationales
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étaient prompts à missionner ceux de leurs cadres qui avaient démontré leur haut
degré d’expertise technique. Ces auteurs recensent alors les travaux dont l’objectif
est d’identifier les caractéristiques des individus renseignant sur une prédisposition à
l’adaptation interculturelle. Depuis, une profusion de recherches ont été conduites,
partageant ce dessein et articulant la diversité des approches à la diversité des
contextes culturels. Dans une recension récente de ces recherches, Caligiuri et
Tarique (2006) constatent que trois ensembles de critères sont généralement retenus :
les caractéristiques personnelles, l’expérience internationale antérieure et les
compétences linguistiques. Ces trois ensembles sont alors à considérer dans leurs
complémentarités. En France, on doit à Cerdin (1996) la première étude de grande
ampleur sur cette question. À partir d’un échantillon de 293 cadres français
intervenant dans 44 pays, l’auteur montre que l’adaptabilité des expatriés est pour
une bonne part expliquée par six dimensions : la confiance dans les compétences
techniques, la capacité de réduction du stress, la capacité de substitution1, la volonté
de communiquer, le développement de la communication et enfin la stratégie
d’acculturation.
La formation. Une fois la sélection opérée mais avant le départ effectif, il apparait
utile de proposer au futur expatrié une formation censée faciliter son adaptation au
nouvel environnement. Cet effort de formation recouvre généralement différents
aspects : la connaissance de la région, de son histoire, de ses institutions voire de la
langue. Il vise également à sensibiliser l’individu à la nécessité d’ajuster son
comportement et ses pratiques professionnelles. Deux objectifs principaux sont
traditionnellement poursuivis dans ces formations interculturelles. Il s’agit, en tout
premier lieu, d’établir la relativité des comportements en montrant comment un
même comportement peut donner lieu à des interprétations contrastées suivant les
contextes culturels. Il s’agit, en second lieu, de diffuser auprès des stagiaires les
valeurs locales et les normes de comportements. Dans cet objectif, il est largement
fait usage des célèbres grilles de lecture formalisées par Hall (1990), d’une part, ou
Hofstede (1980), d’autre part. Cette seconde approche est discutable car la diffusion
de ces stéréotypes se révèlent d’une utilité limitée dans l’action et porteuse d’un
risque d’effet contreproductif (Chevrier, 2010). En effet, la culture définie comme
norme de comportements décrit les caractéristiques moyennes d’une population qui
1
La notion de capacité de substitution fait référence à la capacité des individus à remplacer les activités
appréciables dans le pays d’origine par de nouvelles activités dans le pays de destination.
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ne reflètent qu’approximativement le comportement réel d’un individu particulier.
Surtout, le risque est grand que le renforcement des stéréotypes exacerbe les
incompréhensions. Il est peu surprenant alors que les programmes de formation
interculturelle aient des effets contradictoires sur l’adaptation réelle des cadres et leur
performance. De surcroit, ces formations préparant les expatriés à travailler dans un
nouvel environnement particulier répondent mal aux attentes actuelles des
entreprises multinationales. Celles-ci attendent désormais de leurs salariés qu’ils
soient à même de passer d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre.
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Or, le retour est parfois négativement vécu par l’expatrié (perte d’autonomie,
contrechoc culturel…) au moment même où de nouvelles opportunités
professionnelles hors de l’entreprise se présentent. Il est donc important d’anticiper
ce retour en proposant un poste adapté ou en valorisant leur expérience.
Les outils de gestion sont façonnés dans un contexte culturel donné et sont porteurs
de représentations explicites ou implicites liées à ce contexte. Par exemple, la mise
en œuvre d’un outil de contrôle de gestion, par delà ses aspects techniques de
définition de tel ou tel indicateur, véhicule une vision politique des liens dans
l’entreprise en impliquant que certains rapportent à d’autres sur des points auxquels
on accorde une importance particulière. Ainsi Bourguignon et al. (2002) ont montré
les différences d’approche entre un outil français comme le tableau de bord et un
outil américain comme le balanced scorecard. Dans les deux cas, les outils visent à
répondre aux besoins d’information et de pilotage des managers en s’appuyant sur
des indicateurs financiers et extra-financiers. Cependant, certaines divergences entre
les deux outils trouvent leur origine dans les différences culturelles entre la France et
les Etats-Unis (d’Iribarne, 1989). Par exemple, le balanced scorecard repose sur un
modèle causal qui lie les choix stratégiques et la performance, tandis que le tableau
de bord laisse le soin à chaque manager de déterminer les variables pertinentes pour
son activité. Le tableau de bord demande une démarche de réflexion pour être
construit et utilisé tandis que le balanced scorecard est prêt à l’emploi. De même le
balanced scorecard sert à évaluer la performance du manager afin de déterminer son
niveau de rémunération, ce qui n’est pas le cas pour le tableau de bord. Selon les
auteurs, la logique du contrat qui lie le manager américain à son employeur
expliquerait cette adhésion à un modèle de performance préétabli et l’usage de ce
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modèle pour l’évaluation. La logique de l’honneur prévalente en France aboutirait à
ce qu’on laisse une plus grande marge de manœuvre aux managers dans la
construction d’outils adaptés à la situation. C’est en effet à travers l’exercice de son
propre jugement que le manager exerce sa liberté et ne se place pas dans une position
redoutée d’exécution servile d’un modèle prédéfini. En outre, la subjectivité et
l’approximation dont est nécessairement empreint l’outil le rendent moins apte à
alimenter une politique de rémunération selon un regard français.
D’autres travaux ont montré que les chartes éthiques ou principes d’action des
entreprises reposent sur des postulats différents selon les pays (d’Iribarne, 2009). Par
exemple, il est légitime dans une entreprise américaine d’exiger que les salariés
adhèrent aux valeurs qu’elle proclame car elle représente une communauté unie par
une culture d’entreprise. L’adhésion aux valeurs n’entame pas la liberté de chaque
salarié qui choisit de rejoindre ou pas l’entreprise. De même, tout contrevenant aux
principes pourra faire l’objet d’un signalement par ses collègues afin de ne pas nuire
à la collectivité. En revanche, dans le contexte français, les salariés estiment d’abord
être mus par leurs valeurs personnelles qui relèvent de leur sphère privée et
n’hésitent pas à prendre quelque distance par rapport aux valeurs proclamées par
l’entreprise, exerçant ainsi leur liberté de jugement. De même, le signalement d’un
comportement déviant d’un autre salarié a une connotation de délation qui le rend
menaçant.
Cependant, il ne faudrait pas conclure que les outils de management ne peuvent pas
se diffuser par delà les frontières. Il arrive même que l’adoption d’un outil par une
filiale dépasse les espérances de la maison-mère au sein de laquelle ces mêmes outils
n’ont pas connu un succès équivalent comme dans le cas d’une démarche qualité
mise en œuvre dans la filiale marocaine d’un groupe français (d’Iribarne, 2003).
Les raisons de la diffusion des outils de management par delà les frontières sont
multiples. Citons en particulier la quête des meilleures pratiques par les entreprises
après des benchmarking internationaux ou le déploiement dans les filiales à
l’étranger des outils conçus au siège.
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Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les difficultés d’un transfert brut d’un
outil dans un nouvel environnement. Nous prendrons pour exemple les pratiques
d’évaluation du personnel. L’appréciation du personnel est au cœur de la gestion des
ressources humaines dans le contexte américain. Elle participe directement à
l’amélioration de la performance des ressources humaines : l’évaluation alimente en
effet directement les décisions de formation, de rémunération, de gestion des
carrières, et éventuellement, de licenciement. Elle s’inscrit dans une perspective à la
fois instrumentale et contractuelle qui suppose que les employés doivent rendre
précisément des comptes à leurs employeurs sur l’atteinte des objectifs qui leur ont
été fixés.
Bien que rendues obligatoires, les pratiques d’évaluation ont eu du mal à s’implanter
en France. Il existe encore de nombreuses entreprises où l’appréciation du personnel
n’est que partiellement voire pas mise en œuvre (par exemple, elle concerne les
cadres ou le siège seulement). De plus, même lorsque l’évaluation existe, sa
dénomination refoule souvent sa dimension évaluative comme en témoignent les
appellations suivantes : entretiens de progrès, entretiens individuels annuels, etc. Ces
formulations cherchent à gommer le rapport de dépendance et de soumission
dévalorisante à la hiérarchie en charge de la conduite de ces entretiens qu’une lecture
française est prompte à y voir. La critique syndicale récurrente qui est formulée à
propos de ces dispositifs porte sur leur caractère discrétionnaire et opaque et le fait
qu’ils peuvent être utilisés par un chef « pour régler ses comptes » (Lapra, 2006).
De manière générale, lorsque l’adaptation d’un outil n’est pas pensée, son
implantation peut donner lieu à plusieurs types de réactions (Kostova et al., 2002) :
l’absence de mise en œuvre (l’outil n’est pas utilisé), la conformité de façade (par
exemple l’outil est formellement rempli mais pas exploité), le détournement du
projet initial (l’outil est utilisé différemment de ce qu’avaient prévu ses concepteurs),
voire, plus rarement, le rejet radical qui peut dans les cas extrêmes prendre la forme
d’un conflit social. C’est, par exemple, ce qui a été observé chez Airbus où un conflit
social a éclaté en 2010 à propos des modalités du système d’évaluation. Les salariés
refusaient le principe de quotas dans les différents niveaux de performance,
l’appellation jugée stigmatisante de « low performer » ainsi que l’usage de critères
comportementaux dans l’évaluation.
12
Dans le cas des transferts d’outils, le management interculturel consiste à
comprendre les contextes d’émergence et d’accueil de l’outil pour trouver les
ressources culturelles qui permettront aux personnels locaux de se l’approprier car il
prendra un sens positif. On peut procéder par expérimentations en soumettant des
projets d’outils aux personnes concernées ou mieux en anticipant et en interrogeant
un échantillon de personnes sur leurs attentes face à l’outil. Cette dernière démarche
permet de mettre au jour les principales représentations qui fondent les outils et de
penser l’adaptation. Concernant l’évaluation du personnel par exemple, il s’agit dans
le contexte français de mettre en place des modalités qui « redonnent ses lettres de
noblesse au processus d’évaluation » (Lapra, 2006, p. 12). L’enjeu est de juguler la
crainte prégnante dans le contexte français d’être à la merci de la hiérarchie et de ses
décisions arbitraires pour en faire un processus d’analyse et de reconnaissance
objective du travail effectué. Ainsi, toujours selon Lapra, restaurer la dignité du
subordonné peut passer par la co-signature de l’évaluation, la mise en place de
conditions favorisant un réel « dialogue » entre les parties, la garantie de la
transparence et de l’objectivité du processus.
Négociation interculturelle
Fondamentalement, la négociation, quel qu’en soit l’objet d’ailleurs, est un processus
qui prend place dans un contexte de grande incertitude en ce qui concerne les
finalités poursuivies par l’interlocuteur ou les moyens qu’il possède. Dans cette
situation, les attitudes et comportements jouent, de manière plus ou moins
consciente, un rôle critique comme révélateur des intentions des protagonistes. Or,
l’interaction entre des négociateurs de cultures différentes tend à élever ce niveau
d’incertitude. Un même comportement est diversement interprété selon les cultures
et le risque est grand que des malentendus prennent leur source dans la dimension
interculturelle et viennent perturber le processus de négociation.
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L’orientation intégrative
S’il est, dans l’analyse des processus de négociation, un clivage qui s’impose de
manière classique, c’est celui qui met en contraste les dimensions distributives et
intégratives. La métaphore du gâteau reste la plus éclairante pour comprendre cette
dimension. En effet, la question est de savoir si la négociation porte sur le partage
d’un gâteau de taille fixe ou si la négociation peut permettre d’agrandir la taille de ce
gâteau. Le premier cas de figure est dit distributif en ce sens qu’on se situe dans un
jeu à somme nulle. Tout ce que gagne l’une des parties, c’est au détriment de l’autre
de sorte que le compromis se construit, par le rapport de forces, autour de
concessions. Le second cas de figure, correspondant à la dimension intégrative,
renvoie à la volonté des acteurs d’aboutir à une solution gagnant-gagnant. Le
processus prend alors la forme d’une coopération bien comprise parfois appelée
résolution de problème. L’hypothèse est régulièrement avancée de « prédispositions
culturelles à adopter une stratégie intégrative » (Usunier, 1992). Dans une même
situation de négociation, en effet, les individus peuvent adopter des tactiques
contrastées suivant la manière dont ils se représentent cette situation.
Le contenu du contrat
La quête de consensus
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Le comportement des acteurs dans une négociation n’est pas indépendant de la
manière dont se prennent les décisions dans leur culture d’appartenance. Sebenius
(2002) invite dans cet esprit à considérer deux idéaux-types : d’une part, les cultures
dans lesquelles la décision résulte d’une autorité descendante et, d’autre part, les
cultures dans lesquelles la décision fait l’objet d’un consensus. L’enjeu soulevé est
celui, pour le négociateur, de l’identification du décideur ultime dans le camp
opposé. Il arrive, en effet, que le négociateur ne soit pas le décideur final mais un de
ses émissaires. Dans ce cas, il peut être inefficace de faire des concessions
prématurées ou de révéler des informations critiques. Une stratégie alternative
consiste à tacher d’atteindre directement le décideur. Dans un contexte culturel
privilégiant le consensus, la stratégie de négociation doit avoir pour visée de
convaincre l’ensemble de l’équipe. Cela implique, par exemple, de se préparer à
interagir de manière informelle avec chacun des membres pour construire des
coalitions.
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à la négociation. Lorsque l’on prête, par exemple, à son interlocuteur une orientation
compétitive, chacune de ses propositions devient suspecte.
Conclusion
Le management interculturel concerne désormais l’ensemble des acteurs de
l’entreprise : les DRH et spécialistes de la mobilité internationale, la hiérarchie
chargée de fédérer des équipes diversifiées, les commerciaux qui négocient avec des
partenaires étrangers, les ingénieurs qui conçoivent de nouveaux produits avec leurs
homologues représentant leurs marchés nationaux, les chefs de projet ayant pour
mission de déployer localement un outil de gestion développé ailleurs… En quelques
décennies, le management interculturel est passé d’une préoccupation marginale à
une situation quotidienne pour une majorité d’acteurs. C’est pourquoi, il importe
aujourd’hui pour les managers d’être sensibles aux différences culturelles, d’être
capables d’en saisir les implications sur la dynamique sociale de l’entreprise et de
connaître les pistes pour inventer dans chaque circonstance des pratiques adaptées à
la singularité des situations.
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Bibliographie
J.S. Black, M. Mendenhall, « The U-Curve Adjustment Hypothesis Revisited: A
Review and Theoretical Framework », Journal of International Business Studies,
vol.22, n°2, pp. 225-247, 1991.
E.T. Hall, M.R. Hall, Guide du comportement dans les affaires internationales.
Allemagne, États-Unis, France, Paris, Seuil, 1990.
Ph. Iribarne (d’), Le Tiers Monde qui réussit, Paris, Odile Jacob, 2003.
Ph. Iribarne (d’), L’Épreuve des différences. L’expérience d’une entreprise mondiale,
Paris, Seuil, 2009.
17
T. Kostova, K. Roth, « Adoption of an organizational practice by subsidiaries of
multinational corporations: Institutional and relational effects », Academy of
Management Journal, vol.45, n°1, pp. 215-233, 2002.
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