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Dossier

actualité et
dossier en
santé publique

11
juin 1995

Les nouveaux outils de


planification sanitaire
Sommaire
II Plans et planification, XX L’élaboration des Sros :
définition et histoire une méthodologie variée
VI Planification et XXIII Régulation du système de
programmation des soins
équipements
XXVI Vers une programmation
VII La loi de 1991 régionale de santé publique
IX Les outils de la planification
XXX Tribune
XIX Centralisation et
déconcentration XL Bibliographie

a planification de la santé connaît de Visible sur de nombreux aspects de notre sys-

L multiples définitions, variables selon les


acteurs qui y sont impliqués. Elles peu-
vent aussi bien signifier un processus d’action
tème de soins, cette opposition est assez arti-
ficielle, elle est due à des procédures de
gestion du système de soins inappropriées ; les
en santé publique, qu’une méthode de résolu- nouveaux instruments de la planification tentent
tion de problèmes ou qu’un moyen de régula- de combler une partie de cette lacune.
tion ou de maîtrise des dépenses. Nous avons Nous définissons ici dans une première partie
pris le parti de présenter ici deux usages de la le processus de planification-programmation
notion de « planification » en France : celui qui de la santé. Puis nous décrivons son adapta-
vise l’atteinte d’objectifs de santé et celui qui tion à la réorganisation de l’offre de soins hos-
vise à la régulation du système de soins hos- pitaliers, qui a constitué l’effort principal de
pitaliers. On peut illustrer par un schéma (cf. l’État en matière de planification sanitaire.
page IV) les deux logiques suivies par ceux qui Compte tenu de la dimension limitée de ce dos-
se revendiquent des méthodes de planification sier, nous nous sommes efforcés de présenter
sanitaire : dans un cas, la mortalité évitable par la construction juridique proposée ainsi que les
le système de soins représente une part mino- principaux outils forgés par les professionnels
ritaire des décès prématurés, dans l’autre, les pour réaliser un schéma régional d’organisa-
efforts (donc les dépenses) consacrés aux tion sanitaire (Sros). Nous présentons ensuite
soins représentent une fraction élevée de la un premier bilan des Sros réalisés dans diffé-
dépense de santé. Dans la politique de santé rentes régions et en proposons une analyse en
publique proposée par le rapport La santé en termes de régulation du système de soins. Pour
France, la réduction de la mortalité évitable est finir, la perspective de projets régionaux de
un des buts prioritaires, mais l’analyse du sys- santé nous fournit l’exemple d’une approche
tème de santé et d’assurance maladie définie rénovée de la programmation régionale à
dans le Livre blanc montre que les dépenses partir d’objectifs de santé compatibles avec
consacrées aux soins ne sont pas mobilisées l’organisation actuelle de notre système de
vers la recherche d’un état de santé optimal. soins.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page I


Plans et planification
Définition et histoire

La santé n’est apparue en tant que telle dans la planification que dans les années
60. L’approche de la planification sanitaire a varié au fil des plans, au gré des
conceptions politiques et des aléas économiques. La définition proposée ici est
celle d’un « processus d’aide à la décision ». Après concertation des acteurs
concernés, accord sur les finalités et définition des objectifs prioritaires, on
programme les moyens et activités nécessaires à la réalisation des objectifs.

a planification est essentiellement un ins- sus sur les buts ou finalités (par exemple dimi-
L trument de gestion qui doit permettre aux
responsables de prendre des décisions sur une
nuer la mortalité évitable, améliorer la qualité
de vie des personnes handicapées, réduire les
base plus rationnelle. Pour l’administration inégalités en matière de mortalité et de handi-
chargée de répartir des ressources limitées et de cap) ce qui sous-tend un accord sur des valeurs
s’assurer que les services et institutions sont (équité, autonomie par exemple) (cf. p. V, La
Processus gestionnaire organisés et dispensés de façon équitable, elle santé en France). Compte tenu de l’ampleur des
pour le développement sanitaire fournit l’aide pour prendre ses décisions. changements escomptés, cette étape se place
national : principes directeurs. généralement sur une durée de cinq à dix ans ;
Genève : OMS, 1981, série Santé
• la seconde est la définition d’objectifs
pour tous, n° 5
Un processus d’aide à la décision spécifiques prioritaires. Cette étape implique
l’identification des problèmes de santé et de
La planification est donc un processus d’aide leurs déterminants, les personnes concernées
à la décision qui vise, par concertation des ac- (populations cibles), la localisation géographi-
teurs concernés, à prévoir des ressources et des que (nationale, régionale, communale, etc.) puis
services requis pour atteindre des objectifs dé- la hiérarchisation des problèmes*. À ce stade,
terminés, selon un ordre de priorité établi, per- on tient compte de l’évolution possible de ces
mettant ainsi le choix d’une solution préféra- différents facteurs (caractère prospectif). Les
ble parmi plusieurs alternatives. objectifs de réduction du problème de santé
Ce choix prend en considération le contexte (ou d’amélioration d’un déterminant) sont
et les contraintes internes et externes connues
actuellement ou prévisibles dans le futur. * Cette dernière est fonction de la fréquence , en tenant compte
de l’accroissement éventuel dans le temps, de la gravité vitale
À travers cette définition, le processus lui- et/ou fonctionnelle, de l’impact socio-économique, de la per-
même peut être découpé en trois étapes : ception sociale, de l’évidence de mesures efficaces et accepta-
• la première est la recherche d’un consen- bles par la population concernée et en matière de coût.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page II


Approche IVe plan Ve plan
historique de la La reconstruction L’inscription
planification de Le IVe plan (1962-65) avait La planification mise en place
la santé donné priorité aux équipe- vise à introduire de la cohérence
ments collectifs, faisant entre les objectifs et les moyens.
L’histoire de la planification suite aux plans antérieurs, Le Ve plan (1966-1970) a un
économique et sociale qui concernaient la recons- maître mot : l’inscription au plan,
montre que la planification de truction de la France. qui vaut subvention. Les deman-
la santé implique des choix, des sont nombreuses et les
besoins déclarés sont considéra-
qui ne sont pas toujours faits.
bles (80 milliards de l’époque).
D’une part, une lecture
Le budget ne peut fournir, et de
rétrospective indique que les 80 milliards, l’enveloppe est
propositions de changement ramenée à 12,8 milliards de
ne sont pas toujours mises en francs. La Commission est
œuvre. D’autre part, certains chargée de répartir l’enveloppe :
changements majeurs ne une priorité est donnée aux
sont pas planifiés : passage hôpitaux, CHU et à la santé
de la croissance à la crise mentale. Une part va à la forma-
tion des personnels sanitaires. Le
économique dans les
taux de réalisation du plan pour
années 70, changement de les opérations subventionnées
majorité présidentielle et est de 67,1 %. Le Ve plan met
parlementaire dans les donc en évidence une planifica-
années 80. tion fruste, peu sophistiquée.

Le processus de planification quantifiés et rapportés à une période de cinq ans


en général. Le choix des solutions doit s’ap-
Étape 1 puyer sur des scénarios alternatifs en matière
Identification des problèmes d’efficacité et de coût, mais aussi prendre en
Recherche d'un
consensus sur les compte les situations socio-politiques natio-
Établissement des priorités
buts ou finalités nales et locales : contraintes internes liées par
Fixation des buts
exemple à une multiplicité d’acteurs aux inté-
rêts contradictoires ;
• la troisième étape est la programmation
Étape 2 Fixation des objectifs des moyens et des activités nécessaires à la réa-
Définition généraux et spécifiques lisation des objectifs. Elle doit définir le calen-
d'objectifs
drier et les conditions permettant la mise en
spécifiques Détermination des actions
prioritaires
œuvre des actions décidées (s’attaquer notam-
pour atteindre les objectifs
ment aux obstacles) et évaluer les actions en
Prévision des ressources requises
termes de procédures et de résultats.

Fixation des objectifs opérationnels Un processus de concertation sociale


D’après Pineault

Étape 3 Mise en œuvre du programme À travers cette approche de la planification on


Programmation des
moyens et des activités
voit qu’il s’agit d’un processus continu et dy-
Évaluation namique de concertation sociale. Ce processus
implique la reconnaissance des acteurs clés, de

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page III


Plans et
planification

VIe plan VIIe plan


La fonction santé La crise
Le VIe plan (1971-1975) est rationalisation des choix De 1976 à 1980, de ailleurs satisfaits. Il faut
le signe d’un véritable budgétaires (RCB), ce qui nouvelles perspectives limiter l’hébergement par
tournant dans l’état d’esprit induit un développement apparaisent du fait de la l’hospitalisation à domicile
du planificateur. La notion des actions préventives. Il crise. Il y a une rupture de par exemple ;
de fonction collective faut rendre cohérents les la planification générale. • il faut adopter une
apparaît : on parle de éléments du système de L’horizon de la prévision se politique cohérente du
fonction santé. Il faut santé en favorisant par resserre. On prend une personnel. La démographie
considérer ce qu’il y a exemple le lien entre option plus libérale, moins médicale inquiète (9 000
autour des équipements et établissements publics et volontariste. On élabore un étudiants seront autorisés à
il convient de faire fonction- privés. On détermine trois Conseil de la planification. s’inscrire en médecine au
ner au mieux les investisse- programmes finalisés Le plan devient moins lieu de 11 000) ;
ments déjà existants. C’est (d’actions prioritaires) : ambitieux. Quatre options • le maître mot est la
une idée neuve pour humanisation des hôpitaux, sont prises : maîtrise de l’évolution des
l’époque. Le VIe plan est programme de formation • les individus doivent se dépenses de santé (c’est la
l’occasion d’élaborer une des personnels, pro- réapproprier la santé. La première fois qu’un tel
réflexion globale sur le gramme de périnatalité. prévention aidera l’individu. objectif apparaît). La
système de santé. En Pour réaliser ces trois L’État veut se désengager. réforme de la tarification
choisissant des objectifs et programmes, 15 milliards La santé devient un pro- préoccupe tout le monde
des actions prioritaires, on de francs sont nécessaires, blème individuel ; sans voir le jour pour
assiste à une vision nou- qui seront subventionnés à • pour les hôpitaux, il faut autant. On assiste à la
velle de la planification. hauteur de 3,5 milliards de avoir une démarche création du tableau statisti-
Nous sommes également francs. Ce plan sera réalisé rationalisatrice et huma- que d’activité du praticien
dans un contexte de à 98,2 %. niste. Les besoins sont par (TSAP). On veut réduire les

leur(s) intérêt(s) respectif(s) puis l’organisation


d’un débat démocratique à la recherche de con- Les deux logiques du système de santé
sensus sur les objectifs, les priorités, les actions.
Il faut alors rechercher une cohérence dans la Poursuite d’objectifs et gestion des ressources
stratégie des différents acteurs. Grâce à ce con- Part de la mortalité évitable Structure de la dépense
sensus, la planification peut aboutir au change- dans la mortalité avant courante de santé en 1993
ment de la situation existante vers une meilleure 65 ans en 1991
26 472 Dépenses en faveur
réponse à des besoins par exemple. La planifi- du système de soins Sources : La santé en France, HCSP, 1994.
cation est en effet pour certains une méthode Mortalité évitable par 20 000 (recherche, formation)
pour conduire le changement social (Planing le système de soins
for Health. Blum, 1974). Dépenses
Les différents plans quinquennaux de déve- pour les maladies
loppement économique et social des années 682 482 (soins hospitaliers et
ambulatoires, biens
60-70 répondent bien à cette définition. Ils ont Mortalité évitable par médicaux, transports
été accompagnés de programmes finalisés en une prévention des 40 000 sanitaires, aides aux
matière de santé ou d’action médico-sociale. risques individuels malades et subventions)
Les objectifs quantifiés étaient fixés d’après les
recommandations d’un groupe de travail réu- 16 138 Dépenses de prévention
nissant les partenaires sociaux, les experts du Décès évitables Millions de F
domaine, les représentants des administrations
concernées. Leur mise en œuvre s’est heurtée La part des efforts consacrés à la prévention des risques individuels est nettement
à de nombreux obstacles (cf. encadré histori- inférieure à la part des gains en mortalité prématurée qu'elle pourrait permettre.
que ci-dessus).

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page IV


IXe plan Xe plan
Le contrat de plan La maîtrise des dépenses
dépenses en pharmacie. En 1984, c’est le IXe plan, Le Xe plan part d’une
Trois programmes d’actions avec une réforme de la critique de la situation
prioritaires sont la poursuite planification instituée par actuelle : hausse des
mot pour mot des program- deux lois (une sur les dépenses, résultats médio-
mes finalisés du plan orientations du plan et une cres, inégalités persistan-
précédent. Dès cette sur les moyens). Il y a une tes. Il faut donc recentrer
époque, planification et séparation entre l’aspect l’action sur des objectifs de
maîtrise des dépenses vont planification et l’aspect solidarité, et également
se rapprocher. programmation. La notion réaffirmer les missions de
de contrat de plan appa- l’État. Les orientations
raît : il s’agit de lier l’octroi prises consistent en la
VIIIe plan de moyens supplémentai- maîtrise des dépenses de
L’inachevé res à l’acceptation des santé, plutôt que de réguler
objectifs nationaux. Les par de nouveaux acteurs
Le VIIIe plan (1980-85) va priorités sont : mieux (assurance privée par
s’arrêter en 1981 avec le connaître et mieux gérer, exemple), et en l’accroisse-
changement de gouvernement. réorienter le système de ment de la capacité
Il s’agit d’un plan banal. La soins. d’expertise des responsa-
santé est réinsérée dans un bles. Il s’agit de légitimer
ensemble plus vaste, celui de médicalement les actions
la protection sociale. Entre de maîtrise des dépenses.
1982 et 1983, un plan intéri- Enfin, il faut se préparer à
maire est dirigé par M. Rocard. l’échéance européenne.

Les objectifs de La santé en France


Extrait des objectifs pour les déterminants prioritaires

Les consommations d’alcool Les quatre buts meurs réguliers et de fumeurs occa-
D’ici l’an 2000, diminuer de 20 % la sionnels chez les 12-18 ans ; dimi-
consommation moyenne d’alcool Réduire les décès évitables nuer la proportion de femmes qui
pur par adulte de plus de 15 ans ; Donner des années à la vie continuent de fumer durant leur
réduire les conduites d’alcoolisation grossesse.
dommageables et leurs conséquen-
ces sanitaires et sociales ; réduire Réduire les incapacités évitables
Précarité, insertion et santé
les disparités régionales en amenant Donner de la vie aux années
Assurer des conditions de vie dé-
Sources : La santé en France, HCSP, 1994.

l’ensemble des régions au niveau centes aux personnes en situation


des régions les moins consommatri- très précaire et favoriser leur réinser-
Améliorer la qualité de vie
ces. tion sociale.
des personnes handicapées
L’usage du tabac ou malades
D’ici l’an 2000, diminuer de 30 % la Quel que soit leur âge Difficultés d’accès aux soins et à
quantité de tabac vendue, diminuer la prévention
de 25% la proportion de fumeurs Améliorer l’accès aux services mé-
réguliers dans la population adulte Réduire les inégalités face dicaux et sociaux des populations
et de 35% les proportions de fu- à la santé défavorisées.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page V


Planification et
programmation des
équipements

La nouvelle loi hospitalière fait suite à un mouvement de renouveau de la planification


dans les années 80, dans un contexte de maîtrise des dépenses et un courant de
pensée « hôpital-entreprise ». Elle prescrit un schéma de référence qui permettra
à l’État de gérer les demandes d’autorisation de structures nouvelles. La loi définit
les règles du jeu pour l’élaboration de ces schémas, laissant aux acteurs régionaux
le soin de forger les outils pour leur élaboration. Ainsi, une négociation décentralisée
s’est amorcée entre les Drass, les Cram et les établissements sur la base des
projets d’établissements. Mais l’absence de références nationales fut un obstacle
majeur particulièrement dans l’élaboration des schémas des urgences.

a régulation du système de santé est de- quement depuis les années 60. Les inégalités de
L venue un enjeu très important depuis une
dizaine d’années en France. Les données
répartition de l’offre de soins étaient telles que
même avec des méthodes de planification très
macro-économiques du compte satellite de la frustes on pouvait atteindre des objectifs
santé‚ montrent qu’une inflexion de la consom- d’équité dans l’accès aux services. L’idée de la
mation médicale totale s’est produite dans les planification sanitaire a évolué depuis et à la
années 1982-83, passant d’un rythme annuel régulation strictement quantitative s’est impo-
moyen de l’ordre de 15 % à moins de 8 %. C’est sée petit à petit une réflexion sur l’efficience.
l’hôpital public qui en est le vecteur essentiel, La loi de juillet 1991 a demandé un long pro-
avec pour conséquence un report de certaines cessus d’élaboration. C’est du travail mené en
consommations sur l’hôpital privé, les soins Basse-Normandie qu’est né véritablement le
ambulatoires et les biens médicaux. concept de schéma régional d’organisation
sanitaire. À l’occasion d’une révision de la carte
sanitaire qui conduisait du point de vue prati-
Un renouveau de la planification dans que à une impasse, la Drass a essayé d’expéri-
un contexte de néo-libéralisme menter une méthode de concertation de 1983 à
1986, visant donc à dépasser la logique
La planification sanitaire fut amorcée en France indiciaire pure et dure et à rationaliser l’offre
avec la loi hospitalière de 1970 instaurant la de soins notamment en termes de contrats d’ob-
carte sanitaire pour réguler et redistribuer un jectifs État/établissement.
parc hospitalier qui s’était développé anarchi- Ces évolutions se produisent aussi dans un

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VI


contexte idéologique en évolution. Le secteur
hospitalier est traversé par un fort courant La loi de 1991
« hôpital-entreprise », cherchant à appliquer au
secteur public des modes de gestion et d’inci-
tation dérivés du secteur privé. L’État est au La loi du 31 juillet 1991 n’est pas une révolu-
cours de la même période à la recherche d’une tion : fidèle à l’esprit de celle de 1970, elle tire
« nouvelle administration » plus efficace, plus les leçons de son demi-échec. Elle comporte
soucieuse des usagers et de la productivité de cependant des innovations importantes. Plus
ses actions. Le domaine de la santé connaît un que jamais, les pouvoirs publics s’efforcent de
développement particulièrement actif de dépasser les clivages traditionnels de la méde-
réflexion en ce sens avec les recherches sur la cine française (de ville/à l’hôpital ; libérale/
médicalisation des systèmes d’information, publique ; non lucrative/lucrative), d’optimiser
l’établissement de nouveaux rapports conven- l’utilisation des installations et de maîtriser les
tionnels avec les professions de santé, des coûts. Il en résulte un alourdissement sensible
expériences d’organisation administrative nou- de leur contrôle de l’offre de soins.
velles (décentralisation, déconcentration, Driss). Direction Art. L 711-1 Le pivot du système devient l’établissement
C’est dans ce contexte qu’apparaît le schéma régionale et et L 711-2 CSP de santé. La loi ne le définit pas, se bornant à
régional d’organisation sanitaire (Sros). interdéparte- en déterminer les missions et les objets. Elle le
mentale de la
Alors que rien ne se passe pendant douze fait en termes si larges que les contours de cette
santé et de la
ans, la carte sanitaire constituant le seul outil solidarité
notion nouvelle sont incertains : elle « coiffe »
de planification, on assiste à quatre éléments de les établissements publics et privés et dépasse
renouveau de la planification entre 1982 et largement le système hospitalier stricto sensu.
1991. Le premier est l’instauration du plan Mais englobe-t-elle toutes les structures de
gérontologique en 1982. Le second est la dé- soins, y compris les cabinets de ville ? Le
centralisation qui donne naissance en 1986 au ministère semble considérer qu’il y a établis-
schéma départemental des équipements sociaux sement de santé dès lors que ces structures com-
et médico-sociaux. Il étend la planification portent un élément soumis à planification et à
gérontologique aux handicapés et à l’enfance autorisation, ce qui est très large.
mais en donne l’initiative aux services Or, l’enjeu est considérable : d’une part, la
départementaux. Un an après est créé le schéma physionomie de l’organisation française des
départemental d’organisation en santé mentale, soins est en cause (jusqu’à la liberté d’installa-
à l’initiative des services déconcentrés de l’État. tion) ; d’autre part, les conséquences sont très
Enfin la loi hospitalière de 1991 crée le schéma lourdes pour l’établissement de santé : partici-
régional d’organisation sanitaire, transférant au Art. L 713-1 et suivants pation aux conférences sanitaires de secteur ;
niveau régional le pouvoir d’autorisation de Art. L 710-2 information du malade ; analyse de l’activité et
créer des structures nouvelles. Art. L 710-4 évaluation ; et surtout soumission au régime
Ces quelques éléments illustrent un renou- d’autorisation. Ce dernier est unifié et concerne
veau de la planification sanitaire et sociale. Les désormais dans les mêmes termes les établis-
résultats ne sont pas toujours à la hauteur des sements publics et privés.
espérances. Douze ans après le texte précurseur Pour le reste, les grandes lignes du système
sur les plans gérontologiques, 40 % des dépar- M. Frossard. antérieur sont maintenues. Mais son champ
tements ne l’ont pas élaboré. Les professionnels Le schéma d’application, déjà élargi par les textes qui
départemental
de santé publique opposent souvent une logi- personnes âgées :
Art. L 712-8 avaient modifié la loi de 1970 est encore
que des besoins à une logique dite de rationne- vers une nouvelle étendu : création, extension, conversion et
ment et/ou à une logique de marché, accentuant régulation regroupement d’établissements, équipements
parfois une coupure avec les directeurs d’éta- économique ? In matériels lourds et structures alternatives à
blissement qui se construisent une légitimité Handicap et l’hospitalisation ; mise en œuvre ou extension
renouvelée précisément sur ce terrain ou à par- viellissement : des « activités de soins d’un coût élevé ou
politiques publiques
tir de conceptions qui en sont dérivées. Au nécessitant des dispositions particulières dans
et pratiques
niveau local, les schémas, qu’ils soient dépar- sociales. Paris :
l’intérêt de la santé publique ».
tementaux ou régionaux, ont néanmoins déve- Éditions de l’Inserm, Innovations très importantes : les demandes
loppé des mécanismes de concertation très 1995. d’autorisations doivent être déposées au cours
importants entre les acteurs du système de d’une période de réception ; les autorisations
santé, qui n’existaient pas auparavant. ont une durée limitée (5 à 10 ans), à l’issue de

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VII


Planification et
programmation
des équipements

laquelle elles sont soumises à renouvellement. Article 21 de la loi du avec eux. Incertitude accrue avec l’institution
Ainsi, les pouvoirs publics contrôlent non plus 4 février 1995 sur d’un schéma national, qui veille « à l’égalité des
l’aménagement du territoire
seulement la constitution initiale du « parc » conditions d’accès (aux soins) sur l’ensemble
sanitaire (comme en 1970, dans la version d’ori- du territoire et au maintien des établissements
gine), mais aussi son évolution. de proximité », ce qui, en pratique, pourrait
Ces autorisations restent délivrées dans le remettre en cause certaines options des schémas
cadre d’une planification sanitaire. À lire la loi régionaux.
de 1991, on pourrait croire qu’il y a peu de La loi de 1991 conserve à la planification et
changement : carte sanitaire et indices de besoin aux autorisations leur caractère centralisé (mais
demeurent ; tout au plus, l’importance des davantage déconcentré au profit du préfet de
régions et secteurs sanitaires est-elle affectée région) et unilatéral. Une tendance à la contrac-
par l’apparition d’un nouveau cadre géographi- tualisation apparaît cependant : contrats pluri-
que de référence : la zone sanitaire. annuels entre les établissements et l’État, la
Mais il y a les schémas d’organisation sani- sécurité sociale, voire les collectivités locales ;
taire : la loi limite leur objet à la répartition Art. L 712-3 consultation systématique des comités national
géographique des installations et équipements et régionaux de l’organisation sanitaire et
de soins. Or, le décret d’application leur confie Art. R 712-9 sociale ; concertation à l’occasion de l’élabo-
aussi la nature et l’importance des éléments ration des schémas régionaux. Et un décret du
soumis à planification, y compris les équipe- 1er mars prévoit une procédure expérimentale
ments matériels lourds, tous points qui, dans la de délivrance contractuelle des autorisations
loi, ne relevaient que de la carte sanitaire. De relatives aux équipements matériels lourds.
fait, la pratique fait des schémas (et de leur Plus ample, plus souple, et donc moins
annexe « indicative ») les supports principaux « lisible » que son prédécesseur, le système de
de la planification et… les lieux d’affrontement 1991 paraît donc promis à de nouvelles évolu-
sur le terrain. tions. En son état actuel, son avenir dépendra
Leur portée juridique demeure incertaine et de la volonté des établissements de « jouer le
notamment le rapport de « compatibilité » que jeu », et de la capacité du ministère à le mettre
les projets d’établissement doivent entretenir en œuvre.

Les éléments soumis à autorisation


La planification sanitaire vise à ment, exprimés notamment en lits ou 11. Compteur de la radioactivité totale
assurer un développement places. Les installations concernées du corps • 12. Appareil de destruction
harmonieux, tant géographique- correspondent aux six groupes de dis- transpariétale des calculs.
ment que fonctionnellement des ciplines suivants : médecine, chirurgie,
obstétrique, psychiatrie, soins de suite Les activités de soins
capacités hospitalières de la
ou de réadaptation, soins de longue Allant plus loin ici que la loi de 1970,
France. Les établissements durée. l’article L 712-2 fait entrer dans le
publics et privés de santé sont champ de la planification sanitaire, non
également concernés. L’article Les équipements matériels lourds pas toutes les activités de soins, mais
L 712-2 définit les trois éléments Il existe une définition législative de la celles qui ont un coût élevé ou qui né-
qui en font l’objet. notion d’équipement lourd et une liste cessitent des dispositions particulières
réglementaire qui varie au fil des pro- dans l’intérêt de la santé publique.
Les installations grès médico-techniques et figure dans 1. Transplantation d’organes et greffes
Cette notion n’a jamais été définie. De- l’article R 712-2-II : de moëlle osseuse • 2. Traitement des
puis 1970, la pratique l’a réduite, pour 1. Appareil de circulation sanguine ex- grands brûlés • 3. Chirurgie cardiaque
l’essentiel, aux lits. L’article R 712-1 an- tra-corporelle • 2. Caisson hyperbare • 4. Neurochirurgie • 5. Accueil et trai-
nonce peut-être une acception plus • 3. Appareil d’hémodialyse • […] 10. tement des urgences • 6. Réanimation
ample en parlant de : moyens d’hos- Appareil d’imagerie ou de spectro- • […] 11. Activités de procréation mé-
pitalisation ou structures de soins de métrie par résonance magnétique dicalement assistée et diagnostic pré-
toute nature, avec ou sans héberge- nucléaire à utilisation clinique • natal • 12. Réadaptation fonctionnelle.
D’après D. Truchet. Traité de droit médical et hospitalier. Paris : Litec, 1993.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VIII


Les outils de la
Le Sros et ses annexes
planification
Sros d’Aquitaine

Le schéma définit la structuration de


l’offre de soins par niveau et décrit sa
localisation par secteur sanitaire.
Un Sros est une référence qui guidera l’évolu-
[…] Les services d’accueil des urgences
tion de l’offre de soins dans le moyen terme. Il
(SAU) doivent être implantés dans un établis-
sement de santé comprenant des services
correspond théoriquement à la phase de défi-
de médecine polyvalente ou médecine in- nition des objectifs prioritaires citée dans notre
terne, cardiologie, chirurgie viscérale, chirur- définition de la planification. On s’intéresse
gie orthopédique et de gynéco-obstétrique. donc ici à la planification en tant que méthode
Chaque discipline doit organiser des astrein- d’aide à la décision qui repose sur une concer-
tes médicales opérationnelles […]. tation entre les acteurs, fondée sur un dossier
• La masse critique est d’au moins 10 000 démo-médico-technique.
passages chaque année.
• Le délai d’accès ne doit pas excéder 30
minutes. Comment élaborer un schéma ?
• Les obligations de ce type de service sont
d’assumer la prise en charge, le traitement
des personnes accueillies et d’organiser Il n’y a pas de méthode unique pour élaborer
l’orientation et le transport des patients vers un schéma. Chaque région a suivi sa propre
le service spécialisé requis. démarche, compte tenu de ses caractéristiques
Dans chaque secteur sanitaire doit être im- géographiques et démographiques, de l’état de
planté au moins un SAU susceptible d’assu- l’offre de soins, des ressources humaines dont
rer au sein même de l’établissement, l’accueil elle disposait et surtout de la manière dont a été
et la prise en charge des urgences pédia- conduite la concertation entre les acteurs. On
triques néonatales et psychiatriques. Le délai peut néanmoins repérer deux grandes étapes :
d’accès à ce SAU ne doit pas être supérieur
un bilan de prise en charge des besoins et une
à 1 heure. […]
Localisation des trois SAU sur le secteur
analyse prospective des changements à pro-
sanitaire n° 1 : un à Bordeaux, siège d’un mouvoir qui conduiront, après négociation, au
Samu-Centre 15 et d’un Smur ; deux à Arca- document final Sros et annexes.
chon et Langon, sièges d’un Smur. […] Le bilan de prise en charge des besoins est
un jugement d’ensemble sur une série de
dossiers qui décrivent différentes dimensions de
Les annexes décrivent les équipements la notion de « besoin », appréciation d’un écart
prévus par secteur sanitaire. entre un état constaté et un état souhaitable par
Pour le secteur sanitaire n° 1 en Aquitaine la collectivité à un moment donné. Ces diffé-
• Obstétrique
rents dossiers ont pour titre :
6 des 8 maternités implantées sur le pôle font
plus de 1 000 accouchements. Les 2 derniè-
• Caractérisation de la population cible :
res […] font chacune plus de 300 accouche- quelles sont les grandes catégories de popula- Voir p. X
tion que l’on retiendra pour faire l’étude des La notion d’approche
ments. Compte tenu de l’offre globale en
besoins de la collectivité (localisation géogra- populationnelle
obstétrique sur le pôle de Bordeaux, il est tou-
tefois proposé le regroupement de ces deux phique, catégories sociales, bénéficiaires des
maternités avec la suppression sur ce site soins…) ?
regroupé de 10 lits d’obstétrique […]. • Système de finalités : quels sont les grands
• Réanimation objectifs que l’on choisit de privilégier dans la Voir p. XVII
Il est proposé sur ce secteur, 6 services de région : traiter un problème de santé prioritaire, La méthode suivie
réanimation médicale et polyvalente et 2 ser- par l’Auvergne
améliorer l’accès au service public hospitalier,
vices de soins intensifs polyvalents :
• au CHU Pellegrin, 32 lits de réanimation et
privilégier la qualité de soins spécialisés ?
31 lits de surveillance continue, • Normes quantitatives et référentiels de
• au CHU Hôpital Saint-André, 8 lits de réa- qualité : compte tenu de la population à Voir p. XIV
nimation […]. desservir, quels sont les moyens minimums en La notion de
personnel et matériel dont il faut disposer pour référence
assurer des prestations de qualité acceptable ?

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page IX


Planification et
programmation
des équipements

• Fonctionnement de l’existant : l’utilisation Ces objectifs sont mesurés par une batterie d’in-
actuelle des services est-elle conforme d’un Voir p. XIII dicateurs fournis par les établissements, ce qui
point de vue quantitatif aussi bien que quali- La notion d’indice permet d’établir un diagnostic sur la quantité
tatif ? et la qualité des services de soins actuels par
• Stratégies et projets des acteurs : quelle Voir p. XVI secteur sanitaire.
appréciation des besoins est faite par les acteurs Le comité technique sur Autre exemple, la Haute-Normandie s’est
et sur quels objectifs une mobilisation est-elle le projet d’établissement inspirée du schéma d’aménagement du terri-
possible ? toire pour définir des complémentarités entre
En complément du bilan de prise en charge, secteurs sanitaires pour chacune des grandes
l’analyse prospective doit permettre aux acteurs spécialités.
de confronter leur vision des tendances qui
affecteront la demande de services à l’horizon
du plan (généralement 5 ans) et proposer les Comment caractériser la population
transformations à apporter. cible ? Approche populationnelle ou
Mais rappelons que la planification sanitaire approche institutionnelle ?
en France se met en œuvre par la gestion des
autorisations de création, extension, trans- R. Pineault, C. Daveluy. R. Pineault et C. Daveluy ont utilisé ces deux
formation, regroupement ou conversion des La planification de la santé. concepts pour décrire la confrontation entre les
établissements. L’élaboration d’un schéma Concept, méthodes et besoins de la population et la logique de
d’organisation sanitaire, dont il est question ici, stratégies. Montréal : l’organisation. Utiliser une approche popula-
Éditions Agence d’Arc, 1986.
est un outil d’aide à la décision qui procède par tionnelle, c’est partir des besoins de la popula-
confrontation entre le projet de l’État, censé tion et adapter l’organisation de l’offre de soins
résumer l’intérêt collectif étayé par les dossiers de façon à y répondre de manière optimale. À
précédents et soumis à la discussion de l’en- l’inverse, l’approche institutionnelle ou encore
semble des partenaires. Le Sros final, quand il organisationnelle considère que les offreurs de
est arrêté par le préfet, est différent du projet
initial, il devient la référence qualitative pour
décider du bien-fondé des demandes de créa-
tion, extension, etc., de services de soins. On
entre alors dans la phase de programmation des La démarche de planification
moyens et des activités. Caractérisation Finalités Normes ou
Il n’y a pas de méthode unique pour élaborer des besoins référentiels
un schéma car chacun des « dossiers » précé- Population-cible de qualité
dents a une importance plus ou moins grande
selon les régions. Peut-on imaginer que l’Île-de- Stratégies
Fonctionnement Bilan-diagnostic
France et le Limousin élaborent leur schéma en de l'existant du dispositif de prise et projets
suivant la même démarche méthodologique ? en charge des acteurs
Ainsi, les régions Provence-Alpes-Côte-
d’Azur (Paca) et Rhône-Alpes ont procédé à
une approche populationnelle qui a consisté à
définir les zones géographiques homogènes du
Prospective : délimitation
point de vue des relations sociales et économi- Analyse des alternatives,
du système, variables-clés, coût, faisabilité, acceptabilité
ques. En Paca, la comparaison entre les indi- scénarios
ces d’équipement et le fonctionnement réel des
structures a permis une première appréciation
des moyens nécessaires pour répondre aux
besoins de la population du secteur. En Rhône-
Alpes, ce sont les références fournies par des Choix politique
comités régionaux, appliquées à ces zones géo-
graphiques qui ont permis de faire des propo- Programmation
sitions pour la réorganisation de l’offre de soins. Mise en œuvre
L’Auvergne est partie d’un consensus régio-
nal sur les grands objectifs du système de soins, Évaluation
dont le Sros doit permettre la mise en œuvre.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page X


Les autorisations
La gestion des autorisations est un de l’équipement matériel lourd ou de demandes d’autorisation. Une déci-
élément central de la loi de 1991. la mise en œuvre des activités de sion de refus de renouvellement
C’est par la réponse donnée aux soins alternatives à l’hospitalisation d’autorisation ne peut être prise que
demandes de création, extension, projetées. pour l’un des motifs suivants :
transformation, regroupement ou Cependant, pour certains établisse- • non-respect des conditions techni-
conversion des structures que se met ments, équipements, activités de ques de fonctionnement ;
en œuvre le schéma d’organisation soins ou structures alternatives à • non-respect des conditions et en-
sanitaire, document de référence. l’hospitalisation (liste fixée par dé- gagements relatifs aux dépenses à la
Dans le domaine sanitaire, un régime cret), l’autorisation est délivrée par le charge des organismes d’assurance
d’autorisation existe depuis 1958 ministre chargé de la Santé, après maladie ou au volume d’activité ;
puisqu’une ordonnance avait à l’épo- avis du comité national de l’organisa- • non-respect de l’engagement pris
que imposé une autorisation pour la tion sanitaire et sociale. par les demandeurs de conclure un
création des hôpitaux publics et une contrat de concession ou un accord
déclaration préalable pour la création d’association au service public hos-
ou l’extension des cliniques privées. Les conditions d’autorisation pitalier ;
Un nouveau régime des autorisations Art. L 712.9 • lorsque les résultats de l’évaluation
est mis en place par les articles Le projet, pour être autorisé doit ré- périodique ne sont pas jugés satis-
L 712.8 à L 712.20 de la loi du 31 juil- pondre à trois conditions cumulati- faisants.
let 1991 et par les articles R 712.37 à ves : On notera que la non-compatibilité
R 712.46 du décret n° 91-1410 du • répondre, dans la zone sanitaire avec le Sros et la carte sanitaire ne
31 décembre 1991. considérée (selon le cas, le ou les figure pas comme motif de refus.
La loi unifie désormais les procédu- secteurs, la région ou un groupe de
res d’autorisation applicables au sec- régions, ou encore le territoire natio-
teur public et au secteur privé. Les nal) aux besoins de la population tels Les effets de l’autorisation
mêmes règles s’appliquent désor- qu’ils sont définis par la carte sani- Art. L 712.17
mais à l’ensemble des établisse- taire ; L’autorisation, une fois donnée, vaut
ments de santé. • être compatible avec les objectifs de plein droit autorisation de fonction-
du Sros ; ner, sous réserve du résultat positif
• satisfaire à des conditions techni- d’une visite de conformité et, sauf
Le champ de l’autorisation ques de fonctionnement fixées par mention contraire, autorisation de dis-
Art. L 712.8 et R 712.2 décret. penser des soins remboursables aux
Toujours à durée déterminée, les Il est possible de déroger à ces deux assurés sociaux (celle-ci, en vertu de
autorisations sont nécessaires pour : premières conditions (art. L 712.10 et l’article L 712.12 alinéa 3, peut être re-
1. les créations, extensions et trans- L 712.11) en cas : fusée lorsque le prix prévu est hors
formations : • de création de structures de soins de proportion avec les conditions de
• des installations alternatives à l’hospitalisation com- fonctionnement du service).
• des équipements lourds plète (décret du 2 octobre 1992) ; Les autorisations sont ainsi, avec les
• des structures de soins alternatives • de regroupement ou de conversion dotations et la gestion des postes mé-
à l’hospitalisation de tout ou partie des établissements dicaux pour le secteur public, un des
2. le regroupement ou la conversion (décret 92-1373 du 24 décembre moyens de s’orienter par étapes vers
des établissements 1992). les objectifs du Sros. Leur analyse
3. la mise en œuvre et l’extension Enfin il convient de mentionner le permettra annuellement d’estimer le
des activités de soins. régime expérimental concernant les stade de réalisation de ces objectifs.
équipements lourds mis en place par Les règles du jeu étant ainsi fixées,
la loi DMOS du 18 janvier 1994. reste à définir le document de réfé-
L’autorité compétente pour (L 716.1) rence pour autoriser ou non ces
donner l’autorisation transformations de structures. Un
Art. L 712.16 choix méthodologique doit être fait
L’autorisation est donnée par le repré- Le renouvellement et ses entre une approche centrée sur la lo-
sentant de l’État (préfet de région), conditions calisation géographique des besoins
après avis du comité régional de l’or- Art. L 712.12 et L 712.14 de la population et la localisation des
ganisation sanitaire et sociale, avant Les demandes de renouvellement lieux de soins.
le début des travaux, de l’installation suivent la même procédure que les

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XI


Planification et
programmation
des équipements

soins, c’est-à-dire les établissements de santé, et lieux d’hospitalisation. Ayant mesuré les flux
sont déterminants dans le processus de planifi- d’hospitalisation prédominants, ils ont pu des-
cation. siner en médecine, chirurgie, obstétrique, le
La mission sociale de l’hôpital public telle territoire d’influence ou bassin d’attraction des
qu’elle est définie en France (soit l’accueil sites hospitaliers. La définition des secteurs
24h/24 de toutes les clientèles, pour toutes les sanitaires qui en a résulté divergeait en certains
pathologies) légitime en premier lieu l’appro- points avec celles des services de l’État mais
che populationnelle. La loi prescrit donc de convergeait en d’autres endroits.
déterminer par le Sros l’offre de soins pertinente Cette confrontation des deux approches en
pour chaque zone géographique, sans préciser enrichissant le débat, a permis certainement de
l’identité des établissements chargés d’y rendre plus opérationnel le découpage des
pourvoir. Cette approche est fondée sur une secteurs sanitaires dans une optique de déter-
connaissance de la population et de ses lieux de mination de filières et de réseaux de soins.
vie sociale. Les besoins en équipements ont été, L’approche populationnelle est souvent con-
et sont encore partiellement définis par l’appli- sidérée comme prioritaire en matière de locali-
cation d’indices, ou de références techniques sation des équipements lourds. Si dans un
proposés par les experts médicaux. Mais cette périmètre d’accès de trente minutes, le bassin
méthode a ses limites en raison de l’impréci- de population à desservir est jugé insuffisant
sion des indices utilisés. On complète donc cette compte tenu notamment de la présence d’autres
approche populationnelle par la description du offres concurrentes à proximité, on pourra
champ d’attraction des établissements, qui refuser, par exemple, à un établissement l’at-
contribuent eux aussi à la structuration de tribution d’un scanner.
l’espace géographique, même si cette donnée
est instable car liée au savoir-faire des prati-
ciens au jour de la mesure de l’attraction.
Un établissement public se doit de prendre Carte sanitaire de Haute-Normandie
en charge toutes les populations dans le cadre
de sa mission de service public. Il se référera Bois-Guillaume
H
donc plus fréquemment, au moins dans certai- P E

Source, Insee. Réalisation, Pôles Rouen. Adaptation, AdSP.


Eu Abbeville
E P P
nes disciplines, à une approche populationnelle. P P P
Un établissement privé s’inscrit plutôt dans une P P H Rouen H
P P
P
démarche commerciale et sera plus enclin à E P P
P L
Petit-Quevilly Dieppe
déterminer ses choix stratégiques à partir d’étu- P St-Valéry-en-Caux
des de marketing. E E
P
Ces deux approches de la planification ne Fécamp Neufchâtel-en-Bray

sont pas opposées car on assiste dans tous les


L P Mont-
cas à un compromis entre les besoins de la St-Romain- Bolbec
Yvetot E St-Aignan
de-Colbosc L P Barentin
population et le nécessaire ajustement avec les L E
P P E Gournay-en-Bray L
structures existantes et les ressources dispo- H P Harfleur Lillebonne P H Rouen
nibles. Le Havre
H
Petit-Quevilly E
Bourg-Achard Caudebec-
Par exemple, la révision de la carte sanitaire Honfleur E L les-Elbeuf Pont-de-l'Arche Gisors
en Rhône-Alpes a permis de confronter les deux H
Centre hospitalier Pont-Audemer P
H
L E H
approches. Les services de l’État ont utilisé de référence Elbeuf
P
L Pontoise
E Les Andelys
comme dans d’autres régions, l’outil « villes et Louviers/Val-de-Reuil
E Établissement L
bourgs attractifs » produit par l’Insee pour pro- public de proximité Lisieux P Le Neubourg
Vernon
H E É vreux E P
poser une définition de secteurs sanitaires de Bernay P
plus de 200 000 habitants reflétant la réalité de P Établissement privé par- P
H L H
ticipant au service public Conches-en-ouche P Pacy-sur-Eure
P Mantes
vie et la distribution des populations au sein de L
la région. P Clinique privée
Les services de l’assurance maladie ont Rugles L
L Hôpital local L Breteuil
choisi quant à eux de partir à contre-courant de
H
cette logique populationnelle, et d’étudier par H Centre hospitalier l'Aigle E H
Verneuil-sur-Avre Dreux
l’intermédiaire de Siam (système d’information hors région
de l’assurance maladie) les liens entre domicile

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XII


Définir le fonctionnement des
structures de soins existantes :
Les indices de la carte sanitaire
usage des indices
Un arrêté du 5 mai 1992 a fixé les fourchettes nationales dans les-
Une fois définie la zone pertinente d’analyse de quelles devaient s’inscrire les indices fixés par le préfet de région
la population, on procède généralement à suite à la révision de la carte sanitaire (un indice maximum plus haut
l’observation du fonctionnement des services est prévu pour les secteurs sanitaires sièges d’un CHR).
existants. À partir du découpage de la carte
sanitaire, on observe le nombre d’entrées dans Nombre de lits et places pour 1 000 habitants
les hôpitaux et cela conduit à l’estimation des Secteur sanitaire
lits nécessaires, compte tenu de la durée de Non siège d’un CHR Siège d’un CHR
séjour et du taux d’occupation des lits souhai- Médecine 1,0 à 2,2 1,0 à 2,5
tables. Nous présentons ici en exemple la mé- Chirurgie 1,0 à 2,2 1,0 à 2,5
thode décrite par la circulaire du 28 septembre Gynéco-obstétrique 0,2 à 0,5 0,2 à 0,6
1992, qui a été l’objet de variantes.
La première opération consiste à calculer la
durée moyenne de séjour (DMS) dans la disci-
pline considérée pour l’ensemble des établisse- tionnent les nouveaux secteurs sanitaires les uns
ments publics et privés du secteur sanitaire par rapport aux autres. Cette méthode permet
(cette durée moyenne s’obtient en divisant le de définir, toutes choses égales par ailleurs, des
nombre de journées réalisées en un an par le capacités de production de soins souhaitables
nombre d’entrées). Dans un second temps, on pour une zone géographique donnée et déter-
calcule les besoins en lits pour le secteur. En miner la réorganisation de ces capacités entre
dernier lieu, les résultats obtenus permettent de secteurs sanitaires.
fixer les indices lits-population qui empêche- La technique des indices est également
ront, le cas échéant, l’autorisation de lits dans employée pour déterminer le besoin en équipe-
des secteurs excédentaires. ments lourds dans chaque secteur sanitaire. Le
En pratique, on procède ainsi : volume d’actes techniques destinés à la
• Si la DMS du secteur est inférieure à la population des secteurs sanitaires est relative-
DMS nationale de la discipline, on retient cette ment constant, cela justifie que l’on estime les
première valeur dans le calcul, tenant compte besoins par le biais d’un indice peu différent
du meilleur résultat réalisé dans le secteur par selon les secteurs.
rapport au niveau national. Le nombre de lits Mais les capacités d’accueil en lits et places
nécessaires s’obtient en divisant le nombre de d’alternative à l’hospitalisation, ainsi que leur
journées réalisées dans le secteur par le taux répartition au sein d’un secteur, sont insuffisan-
cible multiplié par 365. Par exemple, dans un tes pour assurer une planification correcte des
secteur sanitaire de 200 000 habitants, on a re- équipements en raison de l’utilisation très
censé 10 500 entrées, soit 63 000 journées inégale que les praticiens peuvent faire de ces
d’une durée moyenne de 6 jours pour chaque lits. En dernière analyse, ce ne sont que des
entrée. Sur un an, il faut 63 000/365 lits occu- sommiers et des matelas, leur dénombrement ne
pés à temps plein pour répondre à ce besoin. fournit donc aucune indication sur l’intensité
Compte tenu de la nécessité de souplesse dans des soins qui y sont prodigués, ni sur les alter-
la gestion des services, ce sont 63 000/365x0,85 natives à l’hospitalisation, par exemple.
lits qui sont nécessaires, soient 147 lits. D’autre part, ces lits sont regroupés dans des
• Si la DMS du secteur est supérieure à la hôpitaux, leur plus ou moins grande concentra-
DMS nationale de la discipline, le nombre de tion peut être déterminante sur la qualité des
lits nécessaires s’obtient en multipliant le nom- soins, compte tenu d’un effet de « masse criti-
bre d’entrées dans le secteur par la DMS cible que » de soins à prodiguer.
(qui représente donc une valeur à ne pas dépas- Les références techniques constituent donc
ser), et en le divisant par le taux cible multiplié un autre outil utilisé couramment en matière de
par 365. planification. Élaborées par des groupes d’ex-
L’application stricte de cette technique de perts, elles se fondent sur l’état de l’art et con-
calcul est une première base de discussion et de tribuent, dans la démarche de planification, au
réflexion. Elle permet de voir comment se posi- diagnostic sur la qualité des services existants.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIII


Planification et
programmation
des équipements

Normes ou référentiels de qualité

Le système de références techniques et de Comités techniques régionaux


normes joue un rôle important dans la program- Dans le cadre de l’élaboration du réadaptation, la gériatrie, la
mation des équipements au niveau de chaque Sros de la région Rhône-Alpes, chirurgie, l’imagerie, la cancéro-
établissement. En effet dans les différents plus d’une douzaine de comités logie ont fait l’objet de recom-
domaines de l’activité hospitalière existent des techniques régionaux (Coter) ont mandations formalisées et large-
normes ou des références qui résultent soit de été mis en place. Composés ment diffusées courant 1994.
textes réglementaires émanant du ministère de essentiellement de profession- L’existence de ces comités se
la Santé, soit de recommandations édictées par nels médicaux, ils avaient pour poursuit sous différentes moda-
mission d’établir des recomman- lités allant de la simple veille à la
divers organismes ou groupes de travail natio-
dations de bonnes pratiques création de nouveaux groupes
naux (Andem, Conférence de consensus, Haut médicales, de bonne distribution de travail notamment pour la pla-
Comité de la santé publique, rapport Steg sur de soins et de diffuser sur la nification en psychiatrie.
les urgences…). Au niveau régional, la com- région leurs travaux. C’est donc tout un mouvement
mission régionale d’évaluation médicale Chaque comité a élu en son sein de réflexion qui s’est installé en
(Creme), les différents comités techniques un président et disposait d’un Rhône-Alpes et qui valorise les
médicaux (Coterm) et les observatoires régio- secrétariat-rédaction assuré par différents travaux en présence,
naux de la santé ont souvent œuvré au fur et à des cadres des services de l’État associant le niveau institutionnel
mesure de l’élaboration des Sros pour fournir ou de l’assurance maladie. Ainsi, des conférences sanitaires de
dans de nombreuses disciplines ou activités, des pour ne citer que ces disciplines, secteur et le niveau pragmatique
la cardiologie, l’urgence, la réa- des professionnels de la santé.
références régionales de bonne prise en charge
nimation, les soins de suite et de
du patient ou de rationalité en matière de répar-
tition des équipements.
Pour les maternités, la référence d’une acti-
vité annuelle minimale de 300 accouchements prendre la forme d’un livret des « 100 recom-
pour assurer la qualité du service a été établie à mandations pour la surveillance des infections
partir du rapport d’un groupe d’experts réunis nosocomiales » à l’usage de tout le personnel.
par la direction générale de la Santé en 1986 et La connaissance de références techniques
1987. Elle semble avoir été retenue dans la ré- appliquées à un établissement n’est pas suffi-
flexion des Sros et de leurs annexes mais est sante elle-même pour avoir une vision correcte
utilisée avec d’autres critères d’appréciation tels du système de soins. Il faut tenir compte des
que le personnel médical et paramédical pré- complémentarités entre les différents niveaux
sent, l’accessibilité, le respect des normes tech- du système de soins, afin d’apporter une ré-
niques. Cette référence, qui peut arbitrairement ponse graduée aux besoins de la population.
conduire à la fermeture d’une petite maternité,
sera parfois reconsidérée. Certaines régions ont
choisi de fixer ce seuil d’activité minimum à Les niveaux du système de soins
500 accouchements par an.
En matière de chirurgie cardiaque, des Cette notion rappelle tout d’abord l’obligation
normes de fonctionnement ont été imposées par Art. L 710-3 à L 710-5 de moyens. Les moyens n’étant pas réunis par-
le décret n° 91-78, notamment l’obligation de tout, il est nécessaire d’en appeler à un niveau
disposer au moins de deux chirurgiens de supérieur, un niveau de référence. Ainsi les
chirurgie thoracique et cardio-vasculaire et de Art. L 711-6 hôpitaux locaux – s’ils souhaitent poursuivre
deux anesthésistes-réanimateurs. leur activité de médecine – doivent désormais
On peut enfin illustrer dans le domaine de passer une convention avec un ou plusieurs
l’hygiène hospitalière, les différentes notions centres hospitaliers de référence dotés d’un
évoquées. Le nombre d’infections nosocomia- plateau médico-technique complet : réanima-
les détectées dans un établissement étant tion, services spécialisés, imagerie, laboratoire.
considéré comme indicateur, la référence se La fonction de centre hospitalier universi-
définit alors comme le taux de surinfection in- taire (CHU) confère en outre la responsabilité
compressible, l’optimum à atteindre. La norme, de l’enseignement, de la recherche, de l’inno-
elle, décide en fonction du taux observé de la vation, des techniques de pointe, des activités
nécessité de mettre en place un programme de hautement spécialisées, de certaines activités
lutte spécifique. Le référentiel, enfin, pourrait telles la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie,

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIV


les transplantations. Dans ces domaines, le tes (accueil des urgences, réanimation, obsté-
CHU se présente comme l’établissement de ré- trique) et repose donc sur un plateau technique
férence. important (service d’accueil de toutes les urgen-
La notion de référent suggère l’idée d’une ces, Smur, réanimation, chirurgie et médecine
hiérarchie formalisée entre les différents établis- spécialisée, gynéco-obstétrique, pédiatrie, ima-
sements. L’organisation fonctionnelle du sys- gerie [scanner, voire à terme IRM]).
tème de santé doit reposer sur un réseau d’éta- La notion de référence oblige à définir un
blissements qui, selon l’importance de leurs pla- cahier des charges. Chaque secteur sanitaire se
teaux techniques et de la population qu’ils ont doit d’assurer un certain nombre de fonctions :
à desservir, ne se retrouvent pas sur le même la médecine (et ses spécialités telles la cardio-
plan. La hiérarchie fonctionnelle doit conduire logie, la cancérologie…), la chirurgie, l’obsté-
à l’assistance mutuelle et à une définition de trique et la néonatalogie, les soins de suite et
l’utilisation en commun des moyens disponi- de réadaptation, les soins de longue durée,
bles par zone de desserte. Sont donc définis, l’imagerie, l’accueil et le traitement des urgen-
parmi les établissements de soins, les établis- ces et la réanimation.
sements de référence auxquels les autres font Ces fonctions au sein du secteur ont été, dans
appel lorsque leurs moyens propres sont dépas- certaines régions, organisées en trois niveaux :
sés : l’hôpital de référence a des obligations vis- • le niveau 1 est le niveau de référence,
à-vis des autres hôpitaux du secteur. • le niveau 2 est dit de proximité relative,
Deux conditions indissociables ont été po- • le niveau 3 de proximité rapprochée.
sées, dans la plupart des régions, pour une telle Toutes les fonctions ne s’organisent pas
reconnaissance : une population suffisante pour obligatoirement sur les trois niveaux et un
l’utilisation d’un plateau technique sophistiqué niveau peut être assuré par un seul établisse-
et un critère d’accessibilité pour assurer la prise ment du secteur ou plusieurs organisés en
en charge des urgences en toute sécurité. réseau. Le cahier des charges définit donc les
Cette fonction hospitalière de référence se activités par niveau et donne des recommanda-
calque souvent sur les activités dites structuran- tions techniques de fonctionnement.

L’accréditation gage de qualité ?


Aujourd’hui les repères pour l’action partenaires et notamment les sociétés l’usager citoyen une accessibilité à un
autour des conditions matérielles, savantes professionnelles. niveau de prestation suffisant et effi-
humaines et organisationnelles sur Même si çà et là quelques exemples cient, de l’autre il s’agit de faire expri-
lesquelles devraient prendre appui les montrent que l’alliance entre expertise mer par des professionnels ce qu’ils
établissements et leurs partenaires médicale et administration de la santé regardent comme étant les garanties
pour garantir a priori une certaine qua- peut déboucher sur des réorganisa- d’une excellence au quotidien.
lité d’offre de services sont parfois tions fortement structurantes (le sys- Tant que dans notre système de soins
encore trop instables pour donner nais- tème d’urgence en France…), il n’est les conditions de cette dialectique sub-
sance à de nouveaux outils réglemen- pas acquis à terme que ces dynami- tile ne seront pas réunies, il est fort pro-
taires de planification. ques de changement puissent se con- bable que l’intelligence et la mise en
C’est parce qu’il lie la préoccupation de solider sans un vrai travail de créativité pratique de l’autorisation administrative
l’excellence dans la qualité du service institutionnelle qui mettrait en scène la concernant le développement ou le
rendu théoriquement au cœur de l’iden- capacité de groupes professionnels renouvellement d’activités souffriront de
tité professionnelle, et la possibilité organisés à assumer leurs responsabi- n’être que d’instables compromis.
d’une rationalisation argumentée autour lités dans le cadre de la régulation du Au-delà du développement de l’autori-
de la réorganisation des moyens hu- système de soins. sation/accréditation comme instrument
mains et matériels que le thème de Autrement dit la question de l’autorisa- de régulation, reste posée la question
l’autorisation/accréditation s’offre tion administrative aujourd’hui est des entités autorisées/accréditées ?
comme un excellent levier d’une recon- indissociable de la question de l’accré- Établissements, unités de soins, pro-
figuration de l’offre de soins et comme ditation par les pairs. D’un côté il s’agit grammes, filières, réseaux…
un excellent outil pour ouvrir le jeu de de s’assurer que les conditions plan-
la régulation du système à de nouveaux chers sont réunies pour garantir à

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XV


Planification et
programmation
des équipements

Stratégies et projets des acteurs • la mise en œuvre d’autorisations limitées


dans le temps,
Les Sros constituent une référence pour juger • l’approbation des projets d’établissements,
de l’opportunité de projets de transformation du • la possibilité de modifier le Sros à tout
système de soins. Mais cette référence ne serait moment,
pas opérationnelle si elle ne trouvait pas d’écho • la possibilité de réaliser des contrats tri-
dans le projet collectif d’un établissement. partites entre l’État, l’assurance maladie et les
L’une des conditions à remplir pour cela est que établissements,
les promoteurs intègrent dans leur Sros la stra- • l’analyse des possibilités financières des
tégie affichée par les établissements de soins. établissements.
L’expérience menée en Rhône-Alpes est Se profilent enfin en toile de fond de ces
intéressante à cet égard. Dans le cadre de l’éla- confrontations l’évaluation des établissements,
boration du Sros, plus d’une douzaine de co- des relations qu’ils établissent entre eux, des
mités techniques régionaux (Coter) ont été mis pratiques qu’ils mettent en œuvre, qu’il s’agisse
en place. Composés essentiellement de profes- des modes de faire (évaluations centrées sur le
sionnels médicaux, ces Coter avaient pour mis- processus, l’efficience et l’efficacité) ou des
sion d’établir des recommandations de bonnes raisons de faire (évaluations centrées sur l’uti-
pratiques médicales, de bonne distribution de lité et la pertinence de l’objet évalué).
soins et de diffuser leurs travaux sur la région. Recommandations du Coter Dès lors, il s’avérait nécessaire de formaliser
L’un de ces comités était particulier. Com- schéma régional et projet une réflexion sur l’articulation projet-Sros et de
posé de gestionnaires d’établissement, il s’est d’établissement : relations proposer des modes de gestion des relations
adjoint des experts universitaires appartenant réciproques. Drass Rhône- visant à atteindre une mise en cohérence opti-
Alpes.
au CNRS. Sa création traduisait le fait qu’au-
delà des pratiques médicales, l’organisation
d’ensemble de la santé nécessite des régulations
entre la planification régionale et les projets Programmation et
stratégiques de chaque structure. projets d’établissement
En effet, les instruments prévus par la loi
hospitalière (projet et Sros) dessinent une éco- En planification, à la partie ana- orientations, les objectifs, les ac-
nomie singulière et originale au sein des poli- lyse et orientations succède une tions, on a un système dans
tiques de régulation des dépenses de santé mises partie programmation suivie lequel ce centre définit les con-
en œuvre dans les pays développés : d’une partie mise en œuvre. Les ditions de cohérence, analyse,
expériences des différents pays orientation, règles du jeu, qui
• instruments de type macro-économique, la
montrent diverses combinaisons fournissent le cadre d’un appel
carte sanitaire et le schéma régional d’organi- de ces éléments. Le modèle à projets, qui sont ceux des éta-
sation sanitaire profilent sur le territoire régio- anglo-saxon a tendance à les blissements ou de toute autre
nal, à partir d’objectifs de santé publique, les intégrer, le modèle français et/ou structuration d’acteurs. La plani-
grandes orientations de la politique à mettre en latin à les distinguer. fication n’est plus descendante,
œuvre, compte tenu de la structure de l’offre de Le modèle actuel auquel ren- ni montante, mais procède par
soins, de la demande de santé existante et des voient le Sros et les schémas négociation d’un cadre, et des
différents projets d’établissements ; départementaux a tendance à projets dans ce cadre, en réfé-
• instrument de type micro-économique, le poser différemment la question. rence à celui-ci. En ce sens, il ne
projet d’établissement et à l’intérieur de celui- Si l’on part de l’idée d’une régu- peut y avoir de bonne planifica-
lation comme mise en cohérence tion s’il n’y a pas de bons projets
ci le projet médical sont les moyens par lesquels de stratégies a priori non compa- d’établissements ou d’acteurs.
les établissements affirment et énoncent leurs tibles, apparaît une conception Les deux sont indissociables, à
choix stratégiques et leurs spécificités, compte nouvelle d’une planification qui tel point qu’on peut avoir une
tenu des besoins de la population desservie, des consiste à fournir l’analyse d’un double lecture de la loi hospita-
orientations du Sros, de la nature de la concur- système et un référentiel ou en- lière : certains la comprennent
rence à laquelle ils sont confrontés, des pers- semble de règles du jeu qui en- comme un développement de
pectives de développement et de coopération cadrent les propositions des pro- l’autonomie des établissements,
ainsi que l’évolution des techniques médicales ducteurs de soins, les appelle d’autres au contraire comme un
et des prises en charge. plutôt qu’elle ne les propose. Au instrument directif aux mains de
lieu d’une vision descendante, l’État qui limite leur marge de
Les confrontations Sros-projet d’établisse-
avec un centre qui définit les liberté.
ment sont prévues par la loi de façon explicite
et implicite, qu’il s’agisse de :

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVI


Les grands objectifs du dispositif de soins
Favoriser Optimiser les Répondre aux Améliorer l'accès Assurer la qualité
l'adaptation du ressources besoins équitable aux soins des soins
dispositif de soins

• Disposer des • Gradation et • Correspondance entre • Limiter les obstacles • Respect des normes
capacités complémentarité des offre de soins et économiques et sociaux et références en
d'investissements réponses morbidité et/ou mortalité d'accès au système de personnel,
soins pour la population équipements,
• Renforcer les • Utilisation optimale • Améliorer les délais de
procédures, locaux
capacités des des structures prises en charge dans • Proximité et
personnels à évoluer la structure de soins accessibilité des soins • Développer
• Utilisation optimale
l'évaluation interne
• Diversifier les modes des moyens en
de prise en charge personnel • Affectation de
Correspondance de l'équipement aux personnel qualifié dans
• Plein emploi des besoins quantitatifs dans une zone les emplois
équipements médico- « géo-démographique » donnée correspondants
techniques
• Réduire les
• Examen des inégalités
pathologies
intra-régionales dans la
secondaires aux soins
répartition des moyens
Adéquation entre les
• Bonne gestion du patients et les structures
poste « dépenses
médicales et
pharmaceutiques »

D’après A. Lopez, Organiser le dispositif de soins. Une méthode et un processus.

male de ces deux démarches. C’est la mission opérationnelle. En matière de soins, l’Organi-
que s’était assignée ce comité technique parti- sation mondiale de la santé définit la qualité
culier. comme le critère permettant « de garantir à cha-
que patient l’assortiment d’actes diagnostiques
et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur
Les finalités résultat en termes de santé, conformément à
l’état actuel de la science médicale, au meilleur
Une dernière approche possible dans un proces- coût pour un même résultat, au moindre risque
sus de planification consiste à s’intéresser aux iatrogénique, et pour sa plus grande satisfaction
finalités du système de soins, aux grands buts en termes de procédures, de résultats et de con-
qu’il doit atteindre. La prestation de soins de tacts humains à l’intérieur du système de
qualité en est un exemple, la recherche de l’éga- soins ». L’OMS ajoute que la « qualité est sans
lité de santé, ou du meilleur service pour un coût doute le facteur qui contribue le plus à donner
donné en sont deux autres, tout aussi fonda- confiance dans le système de soins, chez les
mentales dans notre organisation des soins. professionnels comme dans le public ».
L’Auvergne a ainsi réalisé son bilan du fonc- La notion de qualité est inscrite plusieurs fois
tionnement des services existants à partir de la Art. L 710-3, L 710-4, dans la loi hospitalière en termes de soins de
sélection de quelques finalités qui ont été L 712-1, L 714-23 qualité, d’évaluation des pratiques et des pro-
mesurées par une série d’indicateurs opération- fessionnels pour une prise en charge globale du
nels et dont le résultat a été discuté avec les res- malade afin d’en garantir la qualité, de mise en
ponsables d’établissements. œuvre, dans les services ou départements, d’ac-
La qualité est une finalité qui, de l’avis de tions pour développer la qualité et l’évaluation
tous, doit guider un processus de planification. des soins. Les conditions techniques de fonc-
Mais un examen plus approfondi de cette no- Art. L 712-9 tionnement fixées par décret dans le cadre de
tion permet d’appréhender quelques-unes des la délivrance des autorisations présagent d’un
difficultés que l’on rencontre pour la rendre minimum requis.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVII


Planification et
programmation
des équipements

De même, compte tenu du fait qu’une plainte


n’est recevable que lorsque le requérant peut
attester d’un préjudice, la « qualité » appréciée Planification, prospective, scénarios…
par les tribunaux correspond essentiellement au
minimum exigible et renvoie à la notion de Ces termes sont souvent pris La première étape de la dé-
sécurité (primum non nocere). pour synonymes. Pourtant, ils marche consiste à délimiter
La qualité du service rendu et la qualité de sont différents sur bien des le système étudié : quels élé-
l’organisation des soins sont deux aspects à points. La planification est un ments constituent le système
entrevoir dans l’évaluation des pratiques que processus d’aide à la déci- de soins, quels éléments font
pose la loi hospitalière. sion. La prospective est une partie de son environne-
Dans un document OMS de 1984, Vuori approche originale d’un pro- ment…
précise les différentes dimensions de la notion blème qui valorise les échan- Puis on recherche les varia-
de qualité en santé publique : ges entre acteurs pour antici- bles-clés, susceptibles de
« • l’efficacité qui se définit comme le rap- per les changements afin faire évoluer le système de
port entre l’impact effectif d’une prestation ou d’accroître les chances de soins, et l’on sélectionne
d’un programme dans un système et son impact réalisation des décisions col- parmi ces variables celles
potentiel total en situation idéale ; lectives. Les scénarios font dont le degré de « motricité »
« • la rentabilité qui considère les résultats partie des méthodes de pros- (capacité à influencer les
de la prestation par rapport à son coût de pro- pective. autres variables-clés) est
duction ; La méthode des scénarios forte. Parallèlement, on dé-
« • la qualité scientifique et technique, qui répond à des conditions de termine les acteurs qui sont
est le degré d’application, dans les soins, des méthodes assez strictes, défi- les mieux placés pour in-
connaissances et des techniques médicales du nies ici par M. Godet. Elle né- fluencer l’évolution du sys-
moment ; cessite d’abord qu’un groupe tème.
« • la satisfaction des consommateurs et des d’experts soit constitué, qui Le scénario est alors cons-
personnels soignants, c’est-à-dire la satisfaction rassemble des gens qui ont un truit en combinant les évolu-
que procurent aux consommateurs les presta- regard compétent sur le pro- tions probables des varia-
tions, les prestataires et les résultats des soins, blème, cette compétence pou- bles-clés. Le choix devient
et la satisfaction que procurent aux personnels vant être technique, aussi alors possible entre
soignants leurs conditions de travail ; bien que politique les différentes
« • la continuité que caractérise un traite- ou associative. alternatives.
ment global du patient considéré comme une Délimitation du
entité humaine, sous la direction d’un respon- système et
sable central. » Phénomène étudié
recherche des
Environnement général
La qualité des soins et des services se me- variables-clés
(variables internes) (variables externes)
sure donc en fonction des résultats obtenus,
compte tenu des ressources investies et de ce
qu’il est possible de réaliser dans un contexte Variables externes motrices
donné. Pour apprécier la qualité, il faut donc Variables internes dépendantes
établir un lien entre une structure (ou des con-
ditions), un processus (ou des façons de faire)
et des résultats effectifs positifs ou négatifs. Rétrospective Situation actuelle
Par ailleurs, il importe de préciser clairement Mécanismes, tendances, Germes de changement,
qui définit les critères de qualité : les consom- acteurs moteurs projets des acteurs
mateurs, les prestataires de soins, les adminis-
trateurs ou les décideurs ?
Ces finalités peuvent se décliner en termes Stratégie des acteurs
techniques, tenant compte des exigences énon-
cées par des experts. C’est le rôle des comités Jeux d'hypothèses, probabilités
techniques que l’on retrouve dans pratiquement sur les variables-clés pour le futur
tous les schémas régionaux, dont une des fonc-
tions est de proposer les références techniques Scénarios
nécessaires au bon fonctionnement du système
de soins.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVIII


La prospective
Les schémas sanitaires spécifiques
Tous ces éléments contribuent au diagnostic de La transfusion sanguine et les urgences
la situation antérieure. L’étape suivante doit
donner, en complément des transformations Face à la médiatisation des affai- Il apparaît clairement aujourd’hui
souhaitables à apporter, une dimension prospec- res relatives au sang contaminé que la précision législative de la
tive, afin d’assurer au Sros un caractère d’aide ou à la pauvreté des équipe- délégation donnée par l’Agence
à la décision anticipée, vers des changements ments des services d’urgence, française du sang permettra
significatifs du système de santé. l’État a été dans l’obligation de grâce au partenariat mené par
Elle se base généralement sur des méthodes mettre en place des politiques celle-ci avec les services cen-
quantitatives de projections démographiques et thématiques. traux et régionaux du ministère
statistiques, mais les méthodes d’expert tendent Ces politiques se réfèrent à un de la Santé, la réorganisation ter-
à se développer de plus en plus. Ces méthodes concept commun, la notion de ritoriale de la transfusion san-
consistent à rechercher un accord sur les déter- schéma régional d’organisation, guine en moins de 18 mois.
minants principaux des services de santé dans soit de la transfusion sanguine Il apparaît tout aussi clairement
l’avenir, et construire par choix raisonné diffé- (loi du 4 janvier 1993 relative à la que l’imprécision de la déléga-
rents scénarios possibles. Ce qui est recherché sécurité en matière de transfu- tion attribuée à la Commission
sion sanguine), soit de l’accueil nationale de restructuration des
ce n’est pas tant la technicité de la prévision,
des urgences (loi hospitalière du urgences, notamment dans la
mais plutôt un consensus sur la vision de l’ave-
31 juillet 1991 et circulaires DGS/ définition et l’application de la
nir, afin que les anticipations sur lesquelles vont DH des 7 et 14 mai 1991). politique relative à l’accueil des
reposer les programmes d’action trouvent leur La définition de la méthodologie urgences aura été source de dif-
fondement dans la pensée des professionnels, employée pour la réalisation de ficultés à la réorganisation de ce
ce qui augmente d’autant la probabilité que ces ces schémas est donnée direc- système. Les préfets de région
scénarios se réalisent. tement par les professionnels de ont dû ainsi définir au cours des
santé concernés avec le soutien travaux des schémas régionaux
des services centraux du minis- d’organisation sanitaire, des cri-
tère de la Santé. tères techniques d’organisation
C’est ainsi que la préparation d’accueil des urgences. Ces cri-
des schémas territoriaux d’orga- tères pourront secondairement
Centralisation et nisation de la transfusion san- être en contradiction avec les
guine (STOTS) est confiée à normes de fonctionnement que
déconcentration l’Agence française du sang, éta- le ministre de la Santé définira
blissement public à caractère par décret sur les modalités
administratif. Dans le cadre de d’accueil des situations d’ur-
son fonctionnement, l’agence fait gence pris en application de la
Les schémas régionaux d’organisation sanitaire appel à un personnel spécialisé loi hospitalière de 1991. Ainsi, la
sont une des expressions de la « nouvelle pla- dans le domaine de la transfu- démarche de planification initiée
nification » née dans les années 80. Ils suivent sion sanguine. au niveau régional pourra être
une logique de déconcentration des services de Pour l’organisation des urgen- contestée par la parution des
l’État, laissant aux autorités régionales une ces, le Pr Steg, auteur du rapport normes nationales.
grande latitude dans l’élaboration du schéma, sur les urgences au Conseil éco- Dans le cadre d’une planification
sachant qu’elles auront à assumer les choix lors nomique et social, a été nommé thématique, la nécessité de la
de la phase de mise en œuvre. Cette délégation en décembre 1991 président de définition d’une méthodologie
est allée très loin avec la loi de 1991, allant la Commission nationale de res- par les professionnels concernés
jusqu’à laisser la région libre d’utiliser les tructuration des urgences. Son s’impose. En l’absence d’une ré-
méthodes de son choix et fixer les référentiels objectif principal est d’accélérer gionalisation de notre système
techniques. l’amélioration des urgences et de de santé, l’obligation de la cohé-
Cette option n’est pas partagée par tous, y définir une méthode d’évaluation rence nationale des schémas ré-
de ces services d’accueil. gionaux thématiques exige que
compris par les services des Drass dont certains
La précision et l’étendue de la l’échéancier de la démarche soit
auraient souhaité plus d’orientations nationales, délégation confiée par le minis- maîtrisé au niveau national par le
afin d’avoir des arguments lors des négociations tre la Santé à ces instances tech- ministre de la Santé avec le sou-
parfois aiguës sur le terrain. Cette opposition niques conditionnent la réussite tien des professionnels concer-
entre centralisation et déconcentration est visi- de la démarche de planification. nés.
ble quand on rapproche les Sros des schémas
de la transfusion sanguine.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIX


L’élaboration des Sros
Une méthodologie variée

La loi de 1991 portant réforme hospitalière ne fixait pas d’objectifs uniformes aux
régions. Ces dernières ont bénéficié d’une large liberté pour l’élaboration de leur
Sros. Ceux-ci réalisés, on constate une grande diversité aussi bien dans les
méthodologies employées, l’analyse de l’existant que dans les objectifs retenus.

ontrairement à la mise en œuvre de la carte ficultés qu’elles ont rencontrées à chaque étape
C sanitaire pour laquelle les services de
l’État peuvent se prévaloir d’une expérience
de la procédure.

certaine, la conception des Sros n’a pas man-


qué de soulever maintes difficultés en raison de Une approche différente
l’absence d’exemples et de références anté- selon les régions
rieurs sur lesquels ils auraient pu s’appuyer. De
plus, le ministère des Affaires sociales, con- Avant l’adoption définitive de la loi du 31 juillet
fronté à des situations différentes et hétéro- 1991 portant réforme hospitalière, plusieurs
gènes selon les régions pour ce qui est de l’offre régions, la Lorraine, la Basse-Normandie et les
de soins, ne pouvait leur fixer des objectifs uni- Pays-de-la-Loire notamment, ont été retenues
formes. comme lieux d’expérimentation de l’élabora-
Dans ce contexte, la position adoptée par le tion du Sros. Cette anticipation de la mise en
ministère de laisser aux régions une grande œuvre de la loi de 1991 a été mise à profit par
liberté de manœuvre dans leur démarche con- chacune de ces régions pour concevoir et tes-
ceptuelle se comprend aisément et explique la ter sa propre méthodologie et ses instruments.
variété des processus retenus par chaque région Cette manière de procéder, si elle a été source
pour concevoir et élaborer les schémas. Cette de difficultés et de tâtonnements, n’en a pas
variété se retrouve aussi bien dans la méthodo- moins apporté une richesse d’initiatives loca-
logie retenue et l’analyse de l’existant par les les qu’un encadrement plus strict par l’adminis-
régions, que dans les objectifs qu’elles se sont tration centrale n’aurait pas permis.
assignées. Dès lors, les relations qu’elles ont Présentés et voulus par le législateur comme
entretenues avec leurs partenaires et les ensei- des éléments complémentaires de planification
gnements qu’elles ont tiré de cette expérience sanitaire, la carte sanitaire et le Sros ont sou-
de planification ne pouvaient également que vent été conçus parallèlement par les régions
varier selon les régions et témoignent des dif- qui ont considéré que l’une et l’autre s’ap-

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XX


puyaient sur une analyse commune de l’exis- territoire a contribué à « polluer » le débat en
tant. Cependant, bien que la carte sanitaire ap- suscitant des revendications souvent peu
paraisse comme le moyen de fixer les objectifs justifiées.
à atteindre et le Sros comme l’outil pour y par-
venir, plusieurs régions ont entrepris d’élabo-
rer celui-ci avant d’arrêter celle-là. Des objectifs sanitaires plus
Les services déconcentrés du ministère ont qu’économiques
multiplié les réunions d’information et les grou-
pes de travail en y associant l’assurance mala- Dès le début de la démarche, les Drass ont es-
die, les professionnels de santé, les représen- sayé de prévoir et de susciter les évolutions
tants de l’hospitalisation publique et privée, les nécessaires de l’offre de soins, en vue de satis-
élus… Même quand certains des partenaires de faire de manière optimale la demande de santé,
l’État se sont plaints de ne pas avoir été suffi- tout en ayant le souci des réalités économiques
samment associés à l’élaboration des schémas et des contraintes financières. Il est certain
ou à la conception de la carte sanitaire, ils n’ont qu’au fur et à mesure de l’avancée des travaux
pas proposé de solutions alternatives. d’élaboration des schémas, la prise en compte
des contingences politiques et des intérêts lo-
caux a conduit à s’écarter de l’idéal théorique
Une analyse de l’existant partielle que chacun s’était assigné à l’origine. C’est
mais utile pour l’avenir pourquoi, les préoccupations de maîtrise des
coûts sont le plus souvent absentes des Sros
La mesure des besoins de la population, c’est- arrêtés par les préfets et les restructurations
à-dire l’étude de la demande de soins, n’a pas entreprises prennent en compte, plus largement
constitué le fil conducteur de l’élaboration des qu’il n’était prévu au départ, les particularismes
schémas. Organiser l’offre de soins à partir des locaux.
besoins de santé suppose une capacité à définir
objectivement ces derniers, qui aujourd’hui est
loin d’être démontrée. Les données démogra- Un vaste exercice de communication
phiques et médicales qui abondent dans les
documents préparatoires des schémas, compo- Se déroulant sur plus de deux années, l’élabo-
sent seulement le décor général de l’environ- ration des schémas a été, avant tout, un vaste
nement sanitaire des régions sans constituer la exercice de communication, avec comme acteur
base et la cause de la construction des proposi- principal la Drass. La démarche de planifica-
tions à faire figurer dans le schéma. Néanmoins, tion impliquait nécessairement une impulsion
les études conduites par les Drass ou utilisées forte de l’échelon régional, une concertation
par elles ont principalement servi à conforter intense entre Drass et Ddass et devait s’appuyer
les concepteurs du schéma dans leurs analyses sur un large partenariat avec l’assurance mala-
antérieures sur les caractéristiques de la région die et les hospitaliers. Même s’ils sont globa-
et les besoins de la population. lement positifs, les résultats varient selon les
L’analyse quantitative de l’offre de soins régions, les relations personnelles entretenues
s’appuie essentiellement sur deux indicateurs, et les méthodologies retenues.
la durée moyenne de séjour et le taux d’occupa- Les divers partenaires ont appris à mieux se
tion considérés par beaucoup comme rustiques. connaître, à collaborer, à conduire des enquê-
L’analyse qualitative de l’offre de soins a été tes en commun mais les travaux d’élaboration
l’occasion de constituer des groupes d’experts, du schéma n’ont pas occulté les divergences de
chargés d’élaborer des normes et des référen- vue entre l’État et l’assurance maladie, d’une
ces d’organisation de soins reconnues par les part, les différences d’intérêts entre l’État et les
professionnels pour des activités médicales pré- représentants des établissements de santé,
cises. d’autre part.
La compatibilité des projets de Sros avec les L’attitude des préfets est globalement jugée
perspectives d’aménagement du territoire a été attentiste ; ils paraissent plus souvent s’intéres-
recherchée en considérant que les Sros en ser aux dossiers d’aménagement du territoire
étaient l’une de ses composantes. Néanmoins, qu’à ceux des restructurations hospitalières. Les
la relance du débat sur l’aménagement du élus ont adopté une attitude prudente et réser-

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXI


L’élaboration
des Sros

vée, quelquefois hostile, en raison des enjeux


liés à l’aménagement du territoire ou à la pers- Un schéma régional d’organisation
pective des échéances municipales à venir. sanitaire… et social
Dans la région Midi-Pyrénées aussi, les inégalités sociales sont étroi-
Une démarche riche d’enseignements tement imbriquées aux problèmes de santé. La frontière entre les
deux domaines n’est pas toujours nette, en particulier lorsqu’il s’agit
mais à conforter pour l’avenir
des personnes âgées dépendantes.
Le schéma régional d’organisation sanitaire et social cherchera, à
En dépit de ses imperfections, la procédure clarifier l’action de l’État afin qu’elle s’articule mieux avec celle des
d’élaboration du Sros a fourni l’occasion de collectivités territoriales. Même si l’État n’est plus le principal acteur
mobiliser l’ensemble des acteurs publics et pri- sur le terrain de l’action sociale, il reste le garant de la justice so-
vés et de multiplier les concertations et les ciale.
amorces de partenariat. Elle a accéléré la prise Les insuffisances des actions d’un « État providence » dans des pays
de conscience de la nécessité du changement où les pyramides des âges sont en train de s’inverser, et où les rup-
même si des considérations d’opportunité à tures des cellules familiales génèrent de plus en plus d’isolement,
court terme, liées notamment aux échéances conduisent à la mise en œuvre de politiques transversales mieux
orientées, dont la coordination est indispensable. […] Au-delà des
électorales de 1995, en ont réduit la portée dans
indications qui permettent de les mettre en place, elles n’améliore-
certains cas. C’est pourquoi, souvent, les orien- ront réellement les prises en charge des personnes, que si toutes
tations retenues dans les Sros devraient consti- les institutions appelées à y participer sont bien conscientes de la
tuer un cadre de référence pour les années à nécessité d’une approche commune.
venir, reconnu par l’ensemble des partenaires
(Extrait de l’introduction du Sross Midi-Pyrénées)
publics et privés.
L’originalité de la démarche tient, notam-
ment, au fait qu’avec l’accord et l’encourage-
ment de l’administration centrale, chaque • Le développement de l’analyse qualitative
région a pu construire son schéma selon sa pro- de l’offre de soins : les premiers Sros ont été
pre méthodologie. La variété des expériences élaborés essentiellement à partir des instru-
menées par les régions permettra, au ministère ments existants qui privilégient l’offre sur la
des Affaires sociales, de tirer de nombreux demande et le quantitatif sur le qualitatif. Les
enseignements pour l’avenir. D’ores et déjà, schémas ultérieurs devront intégrer davantage
l’analyse de l’élaboration des premiers Sros les approches fondées sur la demande et s’ap-
permet de dégager quelques pistes de réflexion puyer sur des indicateurs de qualité.
en vue de la mise en place des Sros de deuxième • L’organisation des réseaux et le lien entre
génération. Plusieurs thèmes paraissent devoir le sanitaire, le social et le médico-social : struc-
être approfondis : tures et actions de prévention, articulation entre
• Un affichage politique plus clair au niveau court, moyen et long séjour, alternatives à l’hos-
gouvernemental : la procédure d’élaboration du pitalisation et développement des services de
premier Sros s’est déroulée dans un contexte soins infirmiers à domicile…
politique marqué par un certain « brouillage » • L’amélioration des procédures d’élabora-
des messages émanant des autorités gouverne- tion du Sros : élaboration de référentiels natio-
mentales, en particulier, les contradictions naux, aménagement des rôles respectifs des
apparentes entre la politique de planification et services de l’État, de l’assurance maladie et des
de restructuration hospitalière et des considé- établissements hospitaliers, gestion du temps,
rations liées à la politique de l’emploi et de messages techniques et politiques…
l’aménagement du territoire. Les effets constatés, positifs ou négatifs, ne
• La maîtrise des incidences du premier manqueront pas d’avoir des répercussions dans
Sros : il s’agira d’accompagner les évolutions les interventions futures de l’État et de ses
proposées en tenant compte des normes budgé- représentants dans le fonctionnement et l’orga-
taires et des situations financières réelles. nisation du système de soins. La connaissance
• La couverture par le Sros de l’ensemble sur le fonctionnement et l’organisation du sys-
du champ sanitaire : il devra être complété au tème de soins, sur les filières, sur l’activité plus
niveau du moyen et long séjour et de la psy- précise des établissements… est un acquis
chiatrie, afin de parvenir à un vision globale de incontestable du processus d’élaboration du
la demande et de l’offre de soins. Sros pour les services déconcentrés.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXII


Régulation du
système de soins

Les méthodes de planification n’ont pas pour fonction principale d’assurer une
maîtrise des dépenses de santé. On trouvera confirmation de cette idée dans le
Livre blanc sur l’assurance maladie. La fonction principale du dispositif de
planification sanitaire actuel est plutôt d’assurer la coordination des principaux
acteurs qui participent au service public hospitalier.

e Sros est un outil de gestion des politi- ou retardent la destruction du système qui en
L ques publiques qui reste limité dans ses
effets, du fait de l’absence d’une conception
résulterait. D’après l’Encyclopedia universalis,
la régulation est un ensemble de mécanismes
claire du mode de régulation économique par qui rendent compatibles des jeux de variables
les acteurs du système de santé : élus, techni- ou des stratégies d’acteurs qui n’ont aucune rai-
ciens de la santé publique et des administrations son de l’être a priori.
de l’État ou de la Sécurité sociale, producteurs Pour ce qui nous concerne, il s’agit de ren-
de services, usagers-consommateurs. Cette dre compatibles les offres des producteurs de
absence de lisibilité du système de régulation soins ou de prévention et les demandes (ou les
provient de la coexistence de formes relevant besoins) de la population. Le Sros est bien
de trois modes différents de celle-ci, ou d’une défini dans la loi hospitalière comme la recher-
transition en cours entre les modèles tradi- che d’une meilleure réponse à la demande et un
tionnels qui sont ceux du marché ou de la con- processus d’allocation optimale de l’offre régio-
currence et un modèle nouveau qui est une nale. Cette recherche se fait dans le cadre de
régulation analysable dans les catégories de contraintes réglementaires et organisationnelles
l’économie des conventions. variées, qui régissent les autorisations, les ta-
rifs, les missions et statuts des offerts. L’état des
connaissances en économie fait que le modèle
Le Sros : davantage une aide à la le mieux connu est celui du marché. Mais on
décision qu’un processus de décision sait aussi combien son application pose pro-
blème dans le domaine de la santé.
La notion de régulation économique s’applique- Les Sros ont mis en place des procédures,
t-elle au Sros ? Elle est empruntée à l’analyse en général très développées, de concertation.
systémique. Tout système est soumis à une loi Elles ont souvent été installées sans que la
d’entropie qui signifie un état de désordre crois- question des finalités du schéma n’ait été
sant. Les mécanismes de régulation empêchent véritablement tranchée et appropriée par les

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIII


Régulation
du système
de soins

équipes projets. Lieux de rencontre de différents sans compétence régulatrice, ce qu’elle refuse,
pouvoirs, politiques, administratifs, médicaux, l’hôpital public se montre tout à la fois sous le
ces instances de concertation ne peuvent jouer jour gestionnaire interne, organisme de santé
correctement leur rôle que si chaque acteur joue publique, pourvoyeur d’emploi et de tissu
bien le sien… ce qui nécessite qu’il soit clair. économique local. Les usagers font l’objet de
Beaucoup d’élus sont à la fois des « régula- beaucoup d’attentions… mais sont rarement
teurs » et des producteurs de soins (le maire- représentés.
président du conseil d’administration de De fait, la concertation dans les Sros a été
l’hôpital), l’assurance maladie est considérée principalement celle des professionnels entre
souvent sous l’angle exclusif d’un financeur eux. Elle a pour mérite immense d’avoir tenté

Les Sros permettent-ils une régulation quantitative des capacités d’offre ?


Le diagnostic du Livre blanc
Divers moyens sont suscepti- limites indépassables : les comme on l’a vu, ils ne
bles d’assurer une régulation systèmes d’information ne permettent pas de résorber
quantitative de l’offre de seront jamais assez parfaits un excédent et n’empêchent
soins : pour que l’on puisse prévoir nullement une allocation des
• la responsabilisation des chaque année les besoins de ressources inefficiente, dont
assurés et le recentrage sur santé sur l’ensemble du l’hôpital donne l’exemple
le gros risque ; territoire, et a fortiori pour en aujourd’hui. La politique
• la régulation médicalisée déduire l’allocation des hospitalière se trouve
par le contrôle des acteurs ; ressources nécessaires. aujourd’hui placée devant un
• la régulation financière par L’objectif financier passe par choix : les intérêts locaux en
les enveloppes ; un certain rationnement des jeu étant généralement
• la régulation quantitative capacités d’offre, dont on puissants, et peu sensibles
des capacités d’offre ; craint qu’elles génèrent leur aux appels à l’intérêt général,
• la régulation incitative par propre demande : la thèse faut-il restructurer le secteur
les modes de rémunération dite de la demande induite, par un surcroît de planifica-
des soins. repose sur la capacité tion, jusqu’à transformer les
Relèvent de la régulation supposée des prescripteurs à hôpitaux en services de l’État
quantitative des capacités ajuster leur stratégie à des soumis à une autorité régio-
d’offre : les instruments de la objectifs de revenu ; elle nale forte, ou au contraire
planification hospitalière et les correspond bien au cas de accorder encore davantage
différentes formes de nume- professions détenant un d’autonomie – et de respon-
rus clausus. Ces instruments monopole de l’expertise. sabilité aux établissements –
répondent à une double […] C’est le cas classique en jouant sur un mode incitatif
préoccupation de santé des rendements d’échelle d’allocation de ressources ?
publique et de maîtrise des croissants, qui justifie les Cette seconde option sup-
dépenses. Leurs effets situations de monopole pose toutefois que le système
peuvent être importants mais public. Ces arguments récompense les efforts de
ils sont difficiles à manier et justifient sans doute une productivité, et que les
exigent un niveau d’expertise forme de planification par sanctions appliquées aux
et d’information d’autant plus l’État, notamment en ce qui erreurs de gestion aient une
élevé que les normes sont concerne l’hôpital. […] Les portée plus que symbolique.
détaillées. À vouloir en faire indices de lits et les autorisa- À défaut, le maintien de la
des instruments de pilotage tions d’activité sont des outils situation actuelle (l’autonomie
fin du système, les pouvoirs de planification conçus pour sans la responsabilité) est la
publics se heurtent vite à des orienter des flux montants : pire des solutions.

R. Soubie, J.-L. Portos, Ch. Prieur. Livre blanc sur le système de santé et d’assurance maladie. Paris : La Documentation française, 1994, 549 p.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIV


de dépasser les logiques professionnelles nification, l’annexe doit être opposable pour
corporatistes pour définir des consensus de bon- garantir l’atteinte d’objectifs précis. Dans le
nes pratiques, des référentiels de qualité. Elle cadre de la régulation conventionnelle, elle n’a
s’est plus située à un niveau de santé publique pas à l’être, la démarche visant à définir les
qu’à un niveau de choix stratégiques, qu’elle a règles du jeu et à réduire les incertitudes (de
contribué à éclairer sans les assumer. En ce sens l’environnement comme des comportements
la dimension des Sros est plus celle d’une aide des acteurs) qui font que la solution qui se
à la décision que celle d’un processus de déci- dégage à un moment donné peut ne plus paraî-
sion lui-même. Elle a permis de développer des tre opportune au fur et à mesure que progresse
critères de santé publique, sur une base profes- l’apprentissage collectif. Le système d’informa-
sionnelle de forte technicité, que les politiques tion cherche à réduire l’asymétrie d’information
retiennent partiellement ou complètement dans entre les producteurs de soins et la tutelle.
une décision multicritère. Le schéma régional d’organisation sanitaire
est né d’une réflexion critique sur les mécanis-
mes antérieurs d’aide à la décision d’allocation
Vers une régulation conventionnelle des ressources. Il procède à la fois d’un rejet
ou une non-régulation ? du marché, même si celui-ci a joué un rôle idéo-
logique important de réhabilitation d’une pré-
La relation entre l’analyse et l’action est diffé- occupation d’efficacité et d’incitation, et d’un
rente dans le cadre conventionnel de ce qu’elle rejet d’un modèle de planification impérative
est dans la planification. Dans ce dernier cas, descendante. Celui-ci reste cependant plus ou
la logique est de fabriquer une batterie d’indi- moins confusément et implicitement un modèle
cateurs d’objectifs, de moyens et de résultats. de référence pour de nombreux professionnels
Ils servent d’orientations stratégiques, de de santé publique qui voient en lui un modèle
moyens d’action et d’évaluation, placent le pla- efficace reposant sur une logique opérationnelle
nificateur dans la position successivement de forte, pouvant s’appuyer sur des données scien-
stratège puis de gestionnaire de programmes tifiques. Il est aussi au cœur des questions que
indépendants. Les phases d’orientations straté- se pose l’État sur son rôle : désengagement
giques avec définition de priorités, de program- comme producteur de biens et services pour
mation, de mise en œuvre, de suivi et d’évalua- investir un rôle tourné vers l’instauration de
tion, se suivent de manière fonctionnelle et règles du jeu et l’évaluation. L’abandon du
linéaire. Ceci correspond fortement à une logi- terme de plan au profit de celui de schéma est
que très classique de santé publique et explique révélateur de la recherche d’un nouveau mo-
l’attachement que lui portent les professionnels dèle. Par contre aucun terme n’a remplacé celui
de santé publique. Sa mise en œuvre repose sur de planification. L’économie de la santé con-
un système d’information très développé, per- naît un renouveau après une phase de déclin
mettant de connaître les besoins, de contrôler dans les années 70 et début 80. Le marché reste
les moyens des établissements, de les mettre en néanmoins un modèle de référence fort auprès
rapport. des décideurs politiques, car il débouche sur des
Dans le cas d’une régulation convention- outils d’aide à la décision adaptés aux situations
nelle, l’accent est mis sur l’élaboration des de rareté. Le Sros est à la croisée de cet ensem-
règles du jeu par les pouvoirs publics et/ou les ble d’éléments qui renvoient aux pratiques
professionnels, permettant d’encadrer et de professionnelles comme aux développements
favoriser des stratégies, les indicateurs sont scientifiques. La plupart des schémas opèrent
moins des objectifs stratégiques à atteindre, au un mélange des modèles que nous avons
sens classique d’objectifs quantifiés, hiérarchi- définis.
sés, etc., que des conditions à remplir sur
lesquelles un consensus s’est formé qui garan-
tissent que les actions menées par les acteurs
iront dans le sens des orientations définies, leur
laissant une certaine souplesse d’adaptation. On
peut interpréter la non-opposabilité des annexes
du Sros comme une illustration de ce point.
Dans le cadre d’une démarche classique de pla-

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXV


Vers une programmation
régionale de santé publique

Les méthodes de planification évoluent. Depuis 1994, une programmation


stratégique des actions de santé finalisée par objectifs est expérimentée dans trois
régions. Ces projets régionaux de santé sont centrés sur l’amélioration de l’état de
santé de la population.
renant en compte les inégalités régiona- seconde génération de schémas. Il est probable
P les dans la répartition des problèmes de
santé, les projets régionaux de santé se veulent
que la maîtrise des dépenses et la planification
sanitaire seront désormais mieux distinguées.
l’instrument d’une politique de santé volonta- Sur la base des grands objectifs de la politique
riste, centrée sur l’amélioration de la santé de de santé, il devient possible de rendre cohéren-
la population. En effet, ils visent à favoriser la tes la programmation d’actions régionales et la
mobilisation, la concertation et la coordination programmation des équipements. La rencontre
des pouvoirs publics, des institutions et des entre les projets régionaux de santé et les Sros
associations. Ils tentent d’impliquer, dans la donne à la notion de planification une dimen-
recherche et la mise en œuvre des solutions, les sion nouvelle.
personnes, leurs familles, leurs milieux de vie La programmation stratégique des actions de
et les professionnels avec lesquels elles sont en santé vise à développer progressivement avec
relation. Ils structurent, dans une approche l’ensemble des acteurs concernés les actions les
globale, les activités de promotion de la santé, mieux adaptées au contexte en vue d’apporter
d’éducation, de prévention, de soins, de ré- des solutions à moyen terme à un problème de
habilitation et de réinsertion, et constituent ainsi santé identifié comme prioritaire pour la popu-
le complément des schémas régionaux d’orga- lation de la région. Le résultat de ce processus
nisation sanitaire. est un projet régional de santé qui identifie les
objectifs à atteindre, les actions à mettre en
œuvre et les différents partenaires mobilisés par
Trois régions expérimentales le projet. La programmation stratégique des
actions de santé a été expérimentée en 1994 en
Cette présentation de l’expérience de planifica- collaboration avec la direction générale de la
tion sanitaire au travers de la loi hospitalière Santé et avec le soutien pédagogique de l’École
montre que les préoccupations d’organisation nationale de la santé publique, par l’Alsace sur
du système de soins sont primordiales, au dé- le thème du cancer, l’Auvergne sur la périna-
triment de la poursuite d’objectifs de santé talité et les Pays-de-la-Loire sur les consom-
publique. La publication récente du rapport La mations d’alcool. Huit autres régions et un
santé en France et le choix d’objectifs priori- département d’Île-de-France débutent leur pro-
taires est un événement qui va marquer la grammation en 1995.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVI


Le contexte : un constat nuancé sur la Elle dispose des instruments d’observation
santé en France nécessaires à la définition d’une politique et des
instruments de formation pour sa mise en
Selon le rapport du Haut Comité de la santé œuvre. Les ressources atteignent au plan
publique, la santé s’est globalement améliorée régional un niveau suffisant pour permettre des
en France au cours des dernières années. L’état réaffectations significatives. Enfin, la région est
de santé de la population française comporte un échelon essentiel pour l’organisation des
cependant des faiblesses : la situation de la soins. L’accent mis sur le rôle stratégique du
mortalité prématurée et évitable est préoccu- niveau régional ne préjuge pas de l’absence de
pante. Les disparités persistent ou s’accroissent possibilités de négociation, de gestion et de pro-
entre hommes et femmes, entre catégories so- grammation aux niveaux du département, de la
ciales et entre régions. Les maladies chroniques commune et même du quartier.
augmentent en raison du vieillissement de la La déclinaison au niveau régional des prio-
population. La crise économique fait émerger rités nationales de santé suppose que soient
des groupes fragilisés. La qualité de vie des identifiées les priorités de chaque région. Cette
personnes handicapées ou malades est insuffi- identification a souvent débuté de façon plus ou
samment prise en compte. Les problèmes liés moins explicite à l’occasion de l’élaboration des
au mal-être psychologique et social sont large- Sros ou des débats organisés autour du premier
ment répandus. rapport du Haut Comité de la santé publique
En dépit du progrès des techniques médica- Stratégie pour une politique de santé. Les con-
les, d’une couverture sociale très large et d’un férences régionales sur l’état de santé et les
niveau de dépenses élevé, les services de santé priorités de santé publique devraient parache-
ne peuvent, seuls, résoudre tous les problèmes ver le processus d’identification des priorités
de santé, ni réduire les écarts persistants. Il est régionales et leur appropriation par les acteurs
donc indispensable que d’autres secteurs que le locaux. L’identification des priorités est une
système de soins interviennent pour concourir étape nécessaire, mais non suffisante à la mise
à l’amélioration de la santé. en œuvre d’une politique centrée sur l’amélio-
Les centres de décision en matière de santé ration de la santé. Il s’agit ensuite d’agir pour
sont nombreux (État, collectivités locales, as- réduire les conséquences de chacun des problè-
surance maladie…). Il n’ont pas nécessairement mes identifiés.
une politique coordonnée, y compris lorsque
leurs compétences respectives devraient être
complémentaires. Sur le terrain, les institutions, Les projets régionaux de santé
les professionnels, les associations ne coordon-
nent pas toujours leurs efforts. Les usagers sont La volonté d’agir est l’élément moteur des pro-
le plus souvent cantonnés dans un rôle passif. jets régionaux de santé qui reposent sur le pos-
Face à ce constat, quatre grands buts sont tulat, admis par les différents acteurs concer-
proposés pour une politique centrée sur l’amé- nés, qu’il est possible, par une action concertée,
lioration de la santé. Ils correspondent aux fai- d’améliorer de façon significative l’état de santé
blesses identifiées : réduire la mortalité évitable, de la population régionale et de contribuer ainsi
réduire les incapacités évitables, améliorer la aux grands buts proposés au niveau national.
qualité de vie des personnes handicapées ou Cette volonté a besoin, pour être efficace, de
malades, réduire les inégalités face à la santé. s’appuyer sur une démarche rigoureuse. La pro-
Ils sont eux-mêmes déclinés en seize priorités grammation des actions de santé débute par une
correspondant à des problèmes de santé parti- analyse soigneuse du problème de santé dans
culièrement importants pour le pays pour les- la région dans l’ensemble de ses dimensions :
quels sont proposés des objectifs spécifiques. déterminants sociaux, habitudes de vie, carac-
Ces propositions constituent le cadre géné- téristiques des populations concernées, points
ral d’une politique nationale d’amélioration de faibles des réponses apportées jusqu’à présent,
la santé qu’il est indispensable d’adapter à qu’il va falloir corriger, points forts sur lesquels
l’hétérogénéité des situations sanitaires, écono- le projet va pouvoir s’appuyer. Sur la base de
miques, sociales et culturelles sur le territoire. cette analyse, les objectifs du projet peuvent
Dans le cadre de cette adaptation, la région sem- ensuite être envisagés. Ces objectifs sont for-
ble constituer un niveau stratégique pertinent. mulés non pas en termes de moyens mais bien

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVII


Vers une
programmation
régionale de
santé publique

en termes de résultats à atteindre, en termes de fisantes, une partie d’entre elles pourraient être
meilleur état de santé pour la population. Les orientées de manière plus efficace. La program-
différentes activités à mettre en œuvre pour les mation stratégique des actions de santé doit per-
atteindre sont ensuite envisagées. La program- mettre ces réorientations progressives avec une
mation stratégique des actions de santé sur- grande transparence. Les projets régionaux de
monte les distinctions entre promotion et édu- santé créent un lien explicite entre les buts à
cation pour la santé, prévention, soins, insertion, atteindre, les activités à mettre en œuvre, et les
etc. en structurant ces différentes activités dans ressources déployées pour ce faire. Les diffé-
une approche globale et cohérente. Les activi- rents partenaires du projet connaissent la part
tés hiérarchisées dans le temps, structurées en des ressources prévues pour chaque secteur
autant de projets opérationnels que nécessaire d’activités et les raisons qui justifient les inves-
dans lesquels les responsabilités propres de tissements réalisés ou envisagés dans chacun de
chacun des acteurs qui les soutiennent ou les ces secteurs.
animent sont définies ainsi que les ressources
qui vont être mobilisées. Le projet régional de
santé comporte un système d’évaluation qui va Une évolution décisive
permettre de la réorienter en fonction des résul- pour la gestion de la santé
tats atteints, des activités effectivement mises
en œuvre, des obstacles rencontrés, etc. Les enjeux dans le domaine de la santé ont long-
L’une des caractéristiques essentielles de la temps été dominés par la gestion des services
programmation stratégique des actions de santé et singulièrement de l’hôpital public. Depuis
est l’importance qu’elle accorde aux différents une quinzaine d’années, la maîtrise des dépen-
acteurs, décideurs, institutionnels, profession- ses de santé a été placée, avec un succès limité,
nels et associatifs. L’élaboration d’un projet de au cœur des priorités. Plus récemment, la sé-
santé n’a de sens que s’il est effectivement réa- curité des soins a occupé le devant de la scène.
lisé. Il ne peut l’être dans de bonnes conditions Les projets régionaux de santé s’inscrivent dans
que si les personnes qui auront à y participer, à un courant qui tend à recentrer les préoccupa-
différents niveaux, dans différents domaines tions du système de santé sur l’amélioration de
d’intervention se sont appropriés le projet. La la santé, sans pour autant renoncer à la qualité
concertation de ces acteurs dès le stade d’éla- et à la sécurité des soins, ni aux impératifs d’or-
boration du projet est un élément majeur de ganisation des services en adéquation avec les
cette appropriation. L’identification d’objectifs besoins. La maîtrise des dépenses de santé est
explicites et partagés leur procure une visibi- considérée, dans ce cadre, non pas comme un
lité à moyen terme qui leur permet d’inscrire but en soi, mais comme une contrainte incon-
leurs propres activités dans le sens des objec- tournable.
tifs du projet. La concertation entre les acteurs Dans les années 70, le programme périnata-
permet également une reconnaissance mutuelle lité a été un exemple demeuré fameux de pla-
de leur compétence propre sans laquelle il ne nification dont la finalité était l’amélioration
peut exister de partenariat durable. Si la pro- d’un problème de santé prioritaire. La planifi-
grammation stratégique des actions de santé cation sanitaire a ensuite été centrée essentiel-
favorise la mobilisation, la concertation et la lement sur l’organisation des services à travers
coordination des pouvoirs publics, des institu- la carte sanitaire, les schémas départementaux
tions et des associations, elle doit également de psychiatrie et de soins aux personnes âgées,
impliquer, dans la recherche et la mise en œuvre et plus récemment les schémas régionaux d’or-
des solutions, les personnes, leurs familles, leurs ganisation sanitaire. Enfin, se sont développés
milieux de vie et les professionnels avec les- les programmes de prise en charge des person-
quels ils sont en relation. Ce sont en définitive nes atteintes d’infection par le VIH. La pro-
les personnes qui constituent la population, qui grammation stratégique des actions de santé
en adoptant des comportements plus favorables renoue avec le caractère finalisé du programme
à la santé, vont contribuer le plus à l’améliora- périnatalité, dans une approche toutefois plus
tion de l’état de santé, la démarche doit tenir déconcentrée et sans doute moins technique,
compte de leurs aspirations. soucieuse de mobiliser plutôt que d’imposer.
Si les ressources consacrées à la santé peu- La programmation stratégique des actions de
vent être considérées comme globalement suf- santé, sans renier les efforts d’amélioration de

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVIII


Pays de la Loire, pays du bien boire, un mélange à maîtriser
Pays de la Loire

L’importance du problème Les objectifs valeurs sociales liées à l’alcool et


La surmortalité masculine due à • Diminuer dans les cinq ans à à sa consommation.
l’alcool, le pourcentage de respon- venir les conduites d’alcoolisation • Sensibiliser toutes les personnes
sables présumés d’accidents mor- à risque (ayant des conséquences concernées au respect des régle-
tels de la circulation ayant une néfastes pour l’individu ou la mentations (responsables d’éta-
alcoolémie supérieure à 0,7 g/l, le société, entraînant des dommages blissements scolaires, chefs d’en-
nombre de débit de boissons par physiques, psychologiques ou treprises, restaurateurs, policiers,
rapport au nombre d’habitants sont sociaux). gendarmes, magistrats…).
tous situés au-dessus de la moyen- • Faire en sorte que toute per- • Promouvoir la consommation de
ne nationale. sonne confrontée, pour elle-même boissons non alcoolisées par des
Les structures de prévention et de ou pour son entourage à des con- actions diversifiées dans les diffé-
soins ne sont pas assez dévelop- duites d’alcoolisation à risque rents lieux de consommation.
pées, insuffisamment coordon- puisse accéder à l’ensemble des Aider, soigner, réinsérer
nées, et inégalement réparties prestations sanitaires et sociales • Sensibiliser les professionnels
entre les départements. dans la zone géographique où elle du champ sanitaire et social à
réside. l’identification des conduites d’al-
Les atouts de la région coolisation à risque et de leurs con-
Au regard de la difficulté du pro- Les actions séquences.
blème, tenant particulièrement à Prévenir • Mieux faire connaître à la popu-
son caractère multifactoriel, les • Mieux informer la population, lation et aux professionnels les
Pays de la Loire disposent d’incon- directement ou par l’intermédiaire structures de soins, de suivi et de
testables atouts : de groupes relais sur l’alcool, ses réinsertion.
Les acteurs de terrain sont motivés effets et les manières de boire. • Adapter le dispositif de soins, de
Le secteur associatif est très actif • Développer les possibilités de suivi et de réinsertion en fonction
Les exemples de mise en réseau libre choix face à l’alcool par des des besoins, coordonner le réseau
des structures de soins sont pro- démarches éducatives participati- des acteurs pour une prise en
metteurs. ves destinées à faire évoluer les charge continue et globale.

la gestion du système de soins, propose de pas- peuvent être résolus par un seul type d’acteur,
ser à un stade supérieur : l’orientation du sys- et pour aucun, les moyens à mettre en œuvre
tème vers des objectifs explicites d’améliora- ne sont sous la responsabilité d’un décideur
tion de la santé. unique. Ainsi par exemple, les départements ont
La programmation stratégique des actions de une compétence particulière en matière de can-
santé offre une alternative à la gestion centrali- cer, tandis que la lutte contre l’alcoolisme et le
sée par directives qui suppose que l’adminis- tabagisme, principaux déterminants de l’appa-
tration centrale soit chargée non seulement de rition de cancers, sont sous la responsabilité de
concevoir les politiques nationales, mais aussi l’État ainsi que la tutelle des établissements
d’en édicter les modalités d’application tandis hospitaliers qui prennent en charge les malades,
que les services déconcentrés sont chargés de l’assurance maladie finance certaines activités
l’exécution sur le terrain. Les directives sont ici de dépistage et la quasi-totalité des soins aux
remplacées par une impulsion, un cadre, un malades. Ainsi, aucune collectivité, aucun or-
apport de méthode, une formation et un soutien ganisme ne dispose à lui seul des compétences
aux projets élaborés. La participation de repré- qui lui permettraient de résoudre l’ensemble du
sentants de l’administration centrale aux étapes problème. Le partenariat est donc incontourna-
clefs de l’évolution du projet est source d’une ble. Dans ce partenariat, les services de l’État
meilleure compréhension mutuelle et d’un en- ont à jouer pleinement un rôle d’impulsion et
richissement réciproque. d’animation qui leur est rarement contesté dès
Parmi les problèmes de santé identifiés lors qu’ils respectent les compétences propres
comme prioritaires au niveau national, très peu des autres partenaires.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIX


t ribune

Planification et besoins
de santé de la population

L acrement
planification contribue médio-
à la prise en compte des
quinquennal. Elles ont été accompagnées
d’objectifs globaux mais chiffrés ;
besoins de la population. Le cas est-il • la loi hospitalière de 1970 devait con-
désespéré ? Est-il impossible, ou seule- duire à des travaux spécifiques sur les
ment très difficile, de mettre en œuvre équipements hospitaliers et médicaux,
une planification qui tienne vraiment débouchant également sur des décisions
compte des besoins de santé de la popu- (réglementaires). Ce processus de plani-
lation ? fication sanitaire aurait pu aisément
Longtemps, le « besoin » a été comme « s’emboîter » dans le précédent ; avec
l’intelligence : « c’est… ce que je me- des indicateurs de référence communs,
sure », répondait en substance le spécia- une composition adéquate des commis-
liste de santé publique sommé par le sions sollicitées, il était naturel d’établir
planificateur de trouver des critères un tel lien.
rationnels, socialement acceptables, à la Dans ce double processus, l’étude des
programmation de ses actions. Qu’il eut besoins de la population était supposée se
des doutes, c’est probable. En tout état de réaliser à la fois aux niveaux local et na-
cause, il faisait des réponses. C’est le tional, et les préférences de la population,
mode de fabrication de ces réponses qui supposées s’exprimer par la voix de ses
nous intéressera ici. représentants (élus, partenaires sociaux)
En revanche on rencontre moins de dans toutes les instances de concertation.
problèmes pour préciser ce que planifier Pour rationnel qu’il fût, ce double proces-
veut dire. Planifier, c’est mettre en œuvre sus n’a cependant pas fonctionné selon ce
un processus de concertation, tenant schéma idéal, et la loi hospitalière de
compte des besoins et des contraintes, qui 1991 lui a substitué un processus nou-
débouche sur des décisions techniques veau, centré sur l’élaboration des sché-
prises en application d’orientations mas régionaux d’organisation sanitaire.
déterminées sur le moyen ou le long Quelles que soient les améliorations
terme. Dans le domaine de la santé, en apportées par le dispositif qui vient de
France, deux types de travaux relèvent déboucher sur une première génération de
traditionnellement d’une telle définition : Sros, on peut douter qu’un certain nom-
• jusqu’au début des années 80, des bre des facteurs qui ont fait obstacle
orientations ont été définies en matière de pendant deux décennies à une bonne prise
santé dans le cadre d’une planification en compte des besoins de la population
nationale débouchant sur une loi de Plan aient totalement disparu. Les nouvelles

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXX


dispositions ont surtout cherché à remé- nitaire, l’assurance maladie n’a guère de ment jamais fait l’objet d’une plani-
dier au manque de référentiels sur l’or- raisons de se positionner institutionnel- fication. En planifiant une offre sans
ganisation et à la faiblesse des réflexions lement comme un organisme de veille sur expliciter clairement l’activité qu’elle est
sur la cohérence des dispositifs. L’expres- les besoins de la population. Sans doute, supposée permettre ou… générer, per-
sion des besoins de la population et leur depuis le milieu des années 80, une met-on les rapprochements recherchés
prise en compte se heurtent toujours à des sensibilité croissante aux questions entre besoins et offre planifiée ?
difficultés réelles, relevant en partie du d’efficience au sein de l’assurance mala- • les ministères chargés des Affaires
système institutionnel qui n’a été que par- die et en particulier au contrôle médical, sociales et de la Santé n’ont qu’un faible
tiellement modifié, en partie d’une mo- est-elle nettement perceptible. Cette sen- pouvoir d’agir sur un grand nombre des
bilisation trop faible de connaissances sur sibilité devrait conduire progressivement variables déterminantes pour la santé des
la santé de la population. Ces deux fai- à rapprocher dépenses, activité médicale populations (conditions de vie, conditions
blesses sont évidemment liées. et besoins de la population. Les observa- de la conduite routière, politique du tabac
tions réalisées dans cette optique seraient ou de l’alcool…). Là s’introduisent de
précieuses pour la planification. Elles font nouveaux doutes : les besoins de santé,
Les obstacles institutionnels à cependant encore rarement l’objet d’un non réductibles à des besoins de soins,
une prise en compte des besoins rassemblement d’ensemble soumis publi- sont-ils « planifiables » avec les seuls
de santé quement à la réflexion. moyens dont disposent ces deux dépar-
La prise en compte des besoins de la tements ministériels ?
Depuis cinq ans, plusieurs rapports remis population devrait revenir à l’État. Mais • enfin, on sait que l’expression des élus
aux Premiers ministres successifs ont les pouvoirs publics sont également en ou des partenaires sociaux peut être
souligné plus vigoureusement que jamais retrait. Ils souffrent depuis longtemps de motivée par des soucis d’emploi ou de
les difficultés créées par la répartition peu certains handicaps. Débouchant sur des prestige qui n’ont que peu de chose à voir
claire des responsabilités entre collecti- orientations et des décisions, la planifi- avec les besoins de santé. Si leurs inter-
vités publiques et assurance maladie, cation ne s’attache qu’aux variables sur ventions ne sont pas appuyées sur de
favorisant une dilution des objectifs de lesquelles un pouvoir effectif s’exerce. solides travaux techniques, leur présence
santé publique au profit de raisonnements Or : dans les instances de planification n’of-
gestionnaires et comptables. • l’État, responsable des conditions gé- fre donc guère de garantie pour une bonne
Responsable du financement des nérales de la santé publique (contrôle de prise en compte de ces « besoins ».
soins, l’assurance maladie n’est cepen- l’hygiène, exercice de la médecine par Dans les processus de planification, on
dant : des diplômés…), a des pouvoirs limités a beaucoup usé d’échappatoires institu-
• ni chargée des actions de prévention ; sur l’activité de soins. Il n’exerce guère tionnelles formelles : pendant de nom-
• ni mobilisée pour promouvoir la santé de pouvoirs sur la distribution des servi- breuses années, il a paru suffisant d’offrir
publique ; ces de soins proprement dits (les méde- aux représentants légitimes de la popula-
• versant a posteriori ses paiements en cins de ville exercent en toute indépen- tion l’occasion de se prononcer. Ils se
fonction des consommations constatées dance et en solo, les hôpitaux sous tutelle sont prononcés, somme toute, sur des
ou de décisions incrémentales prises par de l’État ne rendent guère de comptes sur choix secondaires comme la localisation
une autorité extérieure (taux directeur des la nature et l’origine des troubles qu’ils des équipements, mais guère sur des
budgets hospitaliers), elle n’a pas à s’en- soignent et ne reçoivent pas de directives choix plus fondamentaux concernant les
gager dans un processus de réflexion dans ce domaine). L’« indépendance » problèmes de santé ou les techniques aux-
préalable sur l’allocation efficiente des traditionnelle de la médecine a ses con- quels il convenait d’accorder une atten-
ressources qu’elle gère indirectement ; treparties. La planification s’exprime, tion particulière.
• les procédés « d’évaluation » auxquels aujourd’hui encore, surtout en termes de Au total, le dispositif institutionnel
elle consacre traditionnellement l’essen- répartition géographique de l’offre ; n’incite pas l’État à jouer un rôle très actif
tiel de ses efforts relèvent soit du contrôle • les pouvoirs publics ne peuvent exer- pour évaluer et prendre en compte les
comptable, soit du contrôle bureaucrati- cer d’action directe sur les dépenses besoins de la population. L’élaboration
que (vérification de droits ouverts, de engagées. Ils prennent des décisions sur des cartes et des schémas ne conduit
l’effectivité des actes remboursés, de la les tarifs, la progression des budgets, les guère à raisonner en termes d’affectations
conformité des profils médicaux…) ; équipements, mais ne disposent guère de fonctionnelles des dépenses courantes
• non responsable enfin des décisions mécanismes d’allocation pour les res- selon les « besoins ». Au reste, l’organi-
concernant les prélèvements (cotisations) sources de fonctionnement, dont le sation interne de l’administration centrale
qui assurent son équilibre financier ; volume et la répartition demeurent large- du ministère reflète assez bien la décon-
• laissant aux pouvoirs publics le soin ment constatés a posteriori. Les effectifs nexion de fait entre les fonctions de
d’instruire et de mettre en application les de personnels hospitaliers, soumis au gestion de l’offre (essentiellement la
décisions relevant de la planification sa- contrôle de la tutelle, n’ont paradoxale- direction des Hôpitaux), les fonctions

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXI


tribune

d’observation des états de santé et des sommations sont abusivement considérés lieux de définition et de production des
conditions techniques de l’exercice mé- comme inaccessibles aux effets des po- données sur l’état de santé ou ses déter-
dical (direction générale de la Santé), et litiques publiques : la référence aux minants. Dès lors, le risque demeure
les fonctions financières (direction de la consommations constatées est alors sus- d’une déconnexion entre la logique des
Sécurité sociale) : quelle instance admi- ceptible de servir surtout des corporatis- besoins et la recherche d’une meilleure
nistrative est vraiment responsable de la mes particuliers ; organisation territoriale de l’offre de
stratégie globale, tenant compte à la fois • enfin, les attentes légitimes du public soins. Une des conséquences en serait une
des contraintes de financement et de ges- (« les usagers potentiels ») n’ont pas inéquité plus grande d’accès aux soins,
tion et des besoins de la population ? trouvé de modalités organisées d’expres- (l’équité supposant un traitement diffé-
Quant à l’usager, on l’a laissé « voter sion, si ce n’est, a posteriori, au travers rencié des situations selon la nature et
avec ses pieds », en l’absence de choix des médias ou des flux de clientèles cons- l’ampleur des besoins).
collectifs significatifs, sans guère s’inter- tatés. C’est probablement un des facteurs Le concept de « besoins de santé de la
roger (et l’interroger) sur les chemine- qui explique la place très insuffisante des population » est donc paradoxalement
ments qui l’avaient porté à consommer tel instruments de mesure de la qualité de vie démobilisateur, dans la mesure où les spé-
soin dans tel ou tel service. des populations, aux côtés des indicateurs cialistes de santé publique savent qu’il ne
Dans un tel contexte « mou », rien n’a de mortalité ou de morbidité pour appré- peut guère aujourd’hui déboucher sur des
conduit non plus à développer des instru- hender les besoins. applications concrètes satisfaisantes, en
ments performants de connaissance adap- Jusqu’à une date relativement récente, l’absence surtout d’instruments de con-
tés aux besoins de la planification sur les l’observation de l’état de santé de la po- naissance adaptés. De façon quelque peu
problèmes de santé et les recours aux pulation était l’apanage d’instances scien- paradoxale, il semble que le processus de
soins de la population. On s’en est long- tifiques spécialisées (Inserm, Comité planification ne puisse tenir compte des
temps contenté. Mais dans la période national des registres, réseaux de sur- besoins de santé de la population que si,
récente la rareté des ressources a donné veillance…) ou d’équipes de chercheurs, auparavant, on accepte de limiter ses
un nouvel intérêt à ces notions : comment dont le partenaire institutionnel était la ambitions à quelques priorités reconnues
en effet limiter les dépenses ou leur direction générale de la Santé. Les objec- (ce qui souligne l’importance, pour les
progression sans identifier les besoins, les tifs poursuivis étant la surveillance définir, d’une concertation élargie au-delà
hiérarchiser, protéger ceux qui apparais- épidémiologique et la production de des professionnels et des élus).
sent « prioritaires » ? connaissances, il était naturel que le choix Sans un tel complément, il apparaît
des thèmes retenus et le cadre géographi- trop flou et trop vaste pour donner prise
que des études laissent peu de place à des à des analyses rationnelles et à des orien-
Une faible mobilisation des préoccupations opérationnelles (exem- tations précises. La demande accrue de
connaissances sur la santé des ples : registre des malformations congé- sécurité, de la part du public ou d’une
populations nitales de l’enfant, études de pathologies opinion secouée par diverses affaires qui
limitées à un ou deux départements). ont ébranlé sa confiance, contribue en
Les évolutions récentes conduisent à con- La création des Observatoires régio- outre aujourd’hui à élargir l’écart qui
sidérer les instruments traditionnels naux de la santé a rapproché la mission sépare « demande » et « besoins » et à
d’approche des besoins de la population générale d’observation du système déci- rendre plus complexe l’approche de ces
comme très insuffisants : sionnel local et contribué de façon signi- derniers.
• les données démographiques sont, ficative à la renaissance du concept de Pour éviter la paralysie ou la disper-
certes, une base de projection indispen- besoins, à partir de données comparatives sion inefficace, la solution est probable-
sable. Mais quand les disparités locales chiffrées, faciles à appréhender. Une ment de passer par une étape de sélection
d’équipements et de consommation sont étape supplémentaire pourrait être fran- des domaines où doit s’exercer une action
aussi fortes qu’en France, quels critères chie si les épidémiologistes des instituts volontariste de la puissance publique. Ce
normatifs appliquer à ces données pour de recherche et des universités étaient peut être, comme aux Pays-Bas, au tra-
déboucher sur une planification ? mobilisés pour alimenter les réflexions vers d’une définition d’un « panier de
• les fréquentations ou les consomma- opérationnelles (qui en retour, peuvent soins et de services » minimum, ce que
tions constatées ont traditionnellement offrir aux recherches les plus académi- propose notamment le rapport Soubie. Le
servi à la fois de « base historique » pour ques des données de qualité). Haut Comité de la santé publique, pour
approcher le devenir des équipements et Cependant, les conditions d’encadre- sa part, propose d’adopter tout ou partie
de substituts à des données de besoins (le ment réglementaire de la planification des « objectifs spécifiques pour des pro-
faible taux d’occupation d’un service (normes médico-techniques, fixation blèmes de santé prioritaires » et d’en faire
hospitalier justifie sa suppression). d’indices, maîtrise de la démographie l’axe central des exercices de planifica-
Médiocres substituts, en vérité, car les médicale) sont restées largement centra- tion à moyen terme. Les besoins seraient
cheminements qui ont conduit à ces con- lisées et, par conséquent, découplées des repérés essentiellement à partir de l’écart

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXII


entre ces objectifs « cibles » et les réali-
tés régionales, la préoccupation du niveau
central étant de faciliter le « rattrapage »
des régions les plus défavorisées.
Quoiqu’il en soit, ceci suppose que les Planification sanitaire en Rhône-Alpes
politiques acceptent ce débat, pour amé-
liorer l’efficacité et l’équité de l’offre de
soins, et préparent l’opinion publique à
cette approche sans doute plus modeste,
Aménagement du
mais plus réaliste, des « besoins de
santé ». Ils peuvent y être puissamment
aidés par les procédés d’une gestion plus
rigoureuse des dépenses de santé qui ont
territoire et
été mis en place au cours des dernières
années.
Au total, les modifications réglemen-
taires de la planification intervenues ces
solidarité régionale
dernières années paraissent moins déter-
minantes pour l’évolution des mentalités,
des instruments d’analyse et des proces-
sus de décision que les divers change-
ments intervenus dans des domaines con-
nexes (contraintes budgétaires, accords
de dépenses avec les professions de santé, ontribuer de façon significative à la
régionalisation des enveloppes…). Ainsi,
au fur et à mesure que le processus de pla-
C prise en compte des besoins de
santé de la population, tel doit être l’ob-
nification se « dilue » dans un ensemble jectif constamment recherché de la
plus vaste d’interventions qui visent à planification sanitaire et sociale. En
« mieux gérer » la santé, pourrait se pré- Rhône-Alpes, les événements de la Mure
ciser et se mettre en œuvre un concept de viennent, tout récemment, de mettre sous
« besoins de santé d’une population » un les feux des projecteurs cette question
peu plus opératoire. d’actualité. La fermeture, par arrêté
préfectoral, de la maternité, unique éta-
blissement de ce type sur le plateau
matheysin, a en effet déclenché un mou-
vement de protestation sans précédent.
Quatre cents maires et conseillers muni-
cipaux ont démissionné en bloc, cinq
mille personnes ont manifesté un après-
midi durant. L’assemblée régionale, que
j’ai honneur de présider, n’est pas restée
insensible. À l’unanimité, elle s’est pro-
noncée favorablement sur un vœu qui
considère que « la fermeture de cette ma-
ternité va à l’encontre de la logique la
plus élémentaire d’aménagement du
territoire et est en contradiction flagrante
avec tout les efforts déployés pour la
Marianne Berthod-Wurmser reconversion économique de la Mathey-
Chef de la Mission recherche expéri- sine ». Une mobilisation qui a porté ses
mentation fruits, le ministère des Affaires sociales
Dominique Baubeau et de la Santé décidant de rouvrir la ma-
Médecin inspecteur en chef de la santé ternité de la Mure, compte tenu de son
Direction des Hôpitaux éloignement de Grenoble. Une heureuse

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIII


tribune

nouvelle qui me satisfait pleinement et Enfin, elle mène une politique active
me conforte dans l’action menée en de prévention en direction notamment des
Rhône-Alpes. jeunes, via des campagnes de sensibilisa-
En effet, malgré l’absence d’attribu- tion (bruit, sida, alcoolisme).
tions légales, la région s’est fortement im- Autant d’actions qui s’attachent à
pliquée, de façon tout à fait volontariste, prendre en compte les besoins de santé de
aux côtés des collectivités et de l’État, la population rhônalpine.
depuis de longues années, dans une poli-
tique sanitaire et sociale d’envergure.
Ainsi, le budget 1995 d’un montant total
de 80 millions de francs se décline en ter-
mes d’aménagement du territoire, dans un
souci sans cesse renouvelé de solidarité
régionale. Il prend en compte, en complé-
ment des interventions existantes, de nou-
velles orientations : vieillissement des
personnes handicapées, dynamisation des
politiques de prévention de la santé et
coordination du maintien à domicile.
Dans le détail, la région Rhône-Alpes
apporte un soutien au secteur des person-
nes âgées par sa participation aux réno-
vations et extensions d’établissements,
par des opérations portant création de
nouveaux lits médicalisés, par la pour-
suite de l’aide à la coordination des ser-
vices concourant au maintien à domicile
des personnes âgées, en partenariat avec
la Caisse régionale d’Assurance Maladie
ou dans le cadre des contrats globaux de
développement ainsi que par l’humanisa-
tion des lits d’hospice dans le cadre du
Contrat de Plan.
En faveur des personnes handicapées,
la région privilégie la création ou l’agran-
dissement des structures de travail
(centres d’aide par le travail et ateliers
protégés). Elle encourage les structures
capables d’apporter des réponses inno-
vantes et structurantes en matières d’hé-
bergement des personnes handicapées
vieillissantes. Elle aide les projets origi-
naux et innovants visant à l’intégration
dans la cité de ce public si souvent rejeté,
cloisonné.
La région apporte également une aide
en matière d’adaptation des logements
aux personnes âgées souhaitant rester à
leur domicile malgré la dépendance.
Elle s’implique aussi au niveau des
aspects sociaux de la politique de la ville,
par le biais de valorisation de program-
mes locaux d’insertion concourant à la Charles Millon
vie du territoire rhônalpin. Président de la région Rhône-Alpes

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIV


De la planification de papier à
l’organisation régionale
globale et dynamique
des soins

L’ assurance maladie s’est engagée


pleinement dans la planification en
partenaires de santé. Nous proposons de
poursuivre avec une vision globale des
région Rhône-Alpes. Elle entend bien soins et une concertation permanente en-
poursuivre, dans le cadre de ses deux tre acteurs.
missions principales, la maîtrise de l’évo-
lution des dépenses de santé et la recher-
che de la qualité du service rendu aux La planification traditionnelle
assurés. prend en compte des besoins
La richesse de cette expérience nous préétablis pour les limiter
permet de mettre en évidence l’intérêt que
nous avons trouvé à cette démarche : le Sans insister sur les indices… de besoin
passage d’une planification de papier à fixés unilatéralement et sans transpa-
une planification globale fondée sur les rence, qui empêchent l’offre de s’accroî-
besoins. tre, il faut souligner la longue absence
Les besoins de santé ont en effet été d’outils de planification ciblés.
conçus de manière plutôt restrictive de- Lors du débat sur le redécoupage de
puis la loi hospitalière de 1970, qui cher- la carte sanitaire dans la région, l’assu-
chait à les encadrer. La dernière loi hos- rance maladie a été amenée à proposer un
pitalière a enrichi les outils disponibles en outil nouveau, celui des flux d’hospitali-
instaurant le Sros et ses annexes, plus en sation. Il s’agissait pour elle d’exploiter
prise avec la réalité de terrain. les informations de séjour en sa posses-
Il n’en reste pas moins un certain flou sion pour dessiner une carte montrant les
sur la notion même de besoin, étrange- lieux d’hospitalisation par discipline en
ment anonyme, impersonnelle et difficile fonction du domicile des malades.
à cerner puisqu’elle ne s’exprime que par Ce faisant, nous avons introduit une
la négative, dans le cadre de la réponse nouvelle logique dans la démarche, la
qui lui est apportée par l’offre. prise en compte de la réalité des choix des
Nous proposons de la considérer dans assurés sociaux. La question se pose sou-
son aspect positif et de voir en elle un vent du caractère théorique de la planifi-
moteur de l’évolution de l’offre de soins. cation. Si elle se fonde sur des constats
La démarche entreprise dans la région plutôt que sur des affirmations prééta-
nous a permis de prendre conscience de blies, elle aura plus de chance de s’ancrer
la volonté de limitation des besoins puis dans la réalité.
de leur révélation dans l’échange entre Jusqu’alors les besoins étaient pris en

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXV


tribune

considération comme préexistants et hospitalière de 1991 et de penser l’orga- des malades, en amont ou en aval de l’éta-
connus, mais victimes d’une tendance à nisation des soins dans un cadre général, blissement, et déboucher sur une vérita-
l’expansion qu’il s’agissait d’encadrer en à la fois sanitaire et médico-social, les ble organisation des soins en réseau.
limitant l’offre de soins pour casser la dy- deux aspects, bien que distincts, se révé- À ce moment, la prise en compte des
namique entre l’offre et la demande, lant fortement complémentaires. besoins réels des assurés apparaît. Elle
assimilée aux besoins. Cette conception Une telle perspective est valable à la naît du dialogue, de l’analyse et de la
est dépassée. fois au niveau de chaque établissement et volonté de comprendre puis de répondre
au niveau de l’ensemble de la région. au mieux aux besoins reconnus.
La prise en charge globale de la per- Une organisation souple mais forma-
Les besoins peuvent être sonne implique une reconnaissance de la lisée doit se mettre en place pour permet-
appréciés dans la rencontre entre médecine interne, dont l’approche privi- tre et organiser une telle planification. Le
partenaires de santé légie une vision d’ensemble du malade, suivi des objectifs fixés constitue un in-
une organisation des soins de suite et de dicateur de l’implication de chacun dans
Nous savons que les besoins ne peuvent réadaptation large, à la fois de rééduca- la démarche, tout en garantissant l’effi-
longtemps être niés. Ils finissent par faire tion et de convalescence, en tenant cacité du dispositif.
irruption et obliger le système à évoluer. compte de l’aspect social et médical.
Le développement des alternatives à Un schéma régional d’organisation so-
l’hospitalisation en est une illustration. ciale complèterait l’existant pour former Poursuivons…
Le débat que nous avons eu dans la ré- un schéma régional d’organisation des
gion sur le contenu du schéma régional soins, fondé sur les besoins de la personne Nous sommes donc au milieu du gué,
d’organisation sanitaire a permis de faire et non sur les structures qui les délivrent. dans la région, entre une planification
se rencontrer des partenaires qui s’igno- L’exemple des bassins gérontologi- théorique, de papier, et une planification
raient souvent ou n’avaient pas l’habitude ques, dont la création a été demandée par participative où chacun joue son rôle vis-
de travailler ensemble. Cette synergie a l’assurance maladie au préfet, illustre à-vis de ses partenaires dans un dialogue
rendu les uns et les autres plus perfor- cette volonté de mettre en synergie les constructif qui permet de déboucher sur
mants et plus sensibles à leur spécificité institutions au service des personnes une organisation globale et réaliste des
dans l’exercice de leurs missions. âgées et de permettre le maintien à domi- soins au service des personnes et non des
Un vocabulaire commun a été adopté, cile en le concevant dans un ensemble de établissements.
des règles du jeu reconnues pour l’évo- services, dont ceux que peut rendre ponc- L’analyse des besoins, en zone isolée,
lution des structures, un consensus mini- tuellement l’hôpital. ou en psychiatrie par exemple, ne peut
mal sur le constat de l’existant est apparu. Une telle planification ne se décrète être sanitaire ou médico-sociale. Elle
La prise en compte du point de vue des pas d’emblée mais résulte d’une large appelle une réponse globale.
professionnels a enrichi le débat et per- concertation. La finalité de la planification elle-
mis de réfléchir avec plus d’efficacité. La même comme celle des institutions qui y
connaissance de l’existant, à laquelle l’as- concourent ou sont impliquées, réappa-
surance maladie a largement participé Pour une planification itérative et raît dans cette conception large, de ser-
avec des enquêtes transversales et le fruit participative vice, à laquelle l’assurance maladie est
de ses travaux courants finalisés pour la attachée.
planification, a permis d’approcher les La participation des acteurs à la réflexion Nous sortirons alors complètement de
besoins de manière plus précise, par sur l’organisation des soins devrait per- l’ère de la planification de papier.
l’analyse. mettre de fixer des objectifs réalistes et
Il reste cependant à poursuivre dans en prise directe avec le terrain, facilitant
cette voie car la logique d’ensemble de- ainsi l’évolution souhaitée. Le nécessaire
meure celle d’un encadrement de l’offre suivi des objectifs conduit à revoir en
plutôt que d’une organisation globale des permanence le dispositif pour le rendre
soins. plus efficace, en associant les acteurs à
cette évaluation, enrichie par l’expérience
des uns et des autres.
La nécessité d’une vision globale Les projets d’établissement consti-
des soins tuent à cet égard une occasion privilégiée
de dialogue entre les partenaires, sur le
Au lieu de partir des structures, nous pro- constat de l’existant puis sur les perspec- Jacques Kiner
posons de partir de la prise en charge glo- tives. Le débat pourrait alors s’ouvrir aux Directeur de la caisse régionale
bale de la personne préconisée par la loi acteurs concernés par la prise en charge d’assurance maladie de Rhône-Alpes

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVI


Planification et besoin de santé de
la population
L’approche hospitalière

a nouvelle planification sanitaire Le discours ambiant : la critique


L issue de la loi du 31 juillet 1991
place la régulation de l’offre de soins au
globale de la maîtrise de l’offre
centre du dispositif de maîtrise des dépen- La publication des schémas régionaux
ses de santé, et l’impact des schémas d’organisation sanitaire (Sros) génère de
régionaux est bien réel, si l’on en juge par nombreuses réactions défavorables.
les réactions sociales et médiatiques nom- L’argument classiquement opposé à la
breuses qu’ils suscitent. planification et fréquemment repris par
Pour autant, cette action de planifica- les médias, se réfère aux limites d’un pro-
tion demeure largement inadaptée, car cessus centralisateur, considéré comme
elle prend insuffisamment en compte la réducteur : c’est la planification contre
réalité du fonctionnement de l’hôpital, l’accès aux soins.
mais aussi des professionnels de santé. Ce raisonnement met en avant la lutte
Pour améliorer la réponse aux besoins contre la désertification des zones rura-
de santé de la population, nous pensons les, alors que la politique de restructura-
qu’il est indispensable d’appuyer la pla- tion hospitalière condamne, au nom de
nification sanitaire sur la mise en réseaux l’économie et de la sécurité, un certain
des professionnels, intégrés dans une nombre d’unités qui constituent généra-
approche stratégique, institutionnelle, lement le premier employeur local.
menée en partenariat avec son environ- Cette analyse considère que la concen-
nement par chaque établissement de tration de l’offre sanitaire risque de ren-
santé. forcer la tendance à offrir des réponses
Sur la base de l’expérience lilloise, inadaptées à certaines demandes, notam-
dont le bilan effectué en avril 1994 par ment d’ordre social, et qu’elle ne fera
l’autorité de tutelle conclut à la perti- qu’augmenter les surcoûts issus des ina-
nence, nous pensons pouvoir tirer un pre- déquations de structure.
mier enseignement général : l’élaboration
de la carte sanitaire tenant compte des
projets d’établissements approuvés, le La critique sociale : le
rôle de la stratégie des établissements renforcement de l’action médico-
peut être reconnu à part entière comme sociale, une priorité mal intégrée
élément de la réponse aux besoins de la
population dans le cadre d’une démarche De plus en plus spécialisés autour de leurs
de planification élargie. plateaux techniques, les hôpitaux ont pri-

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVII


tribune

vilégié les soins de pointe et des modes C’est un exercice difficile, indispen- méthodes et de comportements partagés.
de prise en charge centrés sur la couver- sable, qui dépend de la capacité d’initia- De ce fait, il souffre de ne pas pouvoir,
ture de l’assurance-maladie, visant une tive et du dynamisme des hôpitaux. C’est savoir ou vouloir orienter et contrôler les
clientèle d’assurés sociaux stables ; ainsi aussi le fondement sur lequel repose une processus de formalisation et de sociali-
s’opère, par le double jeu de la filière véritable adaptation de la réponse aux sation de ses membres. Gérés par des
administrative et médicale, un processus besoins de santé de la population, à con- instances différentes, ces processus en-
d’exclusion sociale grave. dition de bien intégrer la dimension gendrent une hétérogénéité des logiques
Garant de l’égal accès aux soins des socio-organisationnelle de l’hôpital, de professionnelles qui nuit à l’émergence
personnes, le service public se doit d’or- développer une approche stratégique, d’une vision commune et équilibrée des
ganiser, dans une approche communau- ouverte sur l’environnement, de travailler nécessaires interactions entre acteurs.
taire, une réponse adaptée à la demande à la mise en synergie des réseaux de soins. Dans un contexte où l’offre structure
et aux besoins des personnes incluses le marché plus que la demande, l’hôpital
dans ces filières. peut perdre de vue les attentes de ceux qui
L’action de planification peut contri- Appuyer le projet d’établissement recourent à ses services et se refermer sur
buer à renforcer les mécanismes d’exclu- sur une démarche stratégique lui-même, diminuant ainsi ses facultés
sion, en classant certaines populations d’adaptation. Face à un renforcement des
dites « à risque » dans un dispositif figé. En quatre ans, seuls ou assistés par des contraintes pesant sur l’organisation, il
Plus fondamentalement, le régime des consultants, les établissements hospita- risque de voir ses membres les plus in-
autorisations, couplé à des programmes liers ont donc, pour la plupart, produit des fluents adopter une position prescriptrice
fléchés (urgences, sida, maladies cardio- documents sur l’impact desquels il con- rigide, destinée à les protéger de toute
vasculaires…) peut conduire au dévelop- vient de s’interroger. ingérence, et développer un discours
pement d’activités reposant sur l’expres- Le projet d’établissement ne peut en idéologique et moralisateur pour rejeter
sion de rapports de pouvoirs n’apportant effet se résumer à la production d’un do- les évolutions qui leurs sont proposées.
pas de réponse à moyen et long terme aux cument répondant à une obligation régle- L’une des conclusions de la démarche
besoins de santé de la population. mentaire. Un tel document, support de stratégique appliquée à l’hôpital est que
communication et référence, tant sur le pour être performant dans un contexte de
La critique interne : l’insuccès plan interne qu’externe, n’est qu’une ressources limitées, l’établissement ne
des solutions gestionnaires phase d’un processus qui poursuit une peut ni ne doit tout faire. Une analyse de
double ambition : son positionnement par rapport à l’envi-
L’implantation du « budget global » a • expliciter les choix et identifier les ronnement est nécessaire, pour mettre en
permis de limiter le montant des ressour- actions permettant de concilier trois di- évidence ses forces et faiblesses, dans un
ces allouées aux établissements publics et mensions qui ont tendance, spontané- contexte où menaces et opportunités doi-
privés concernés. Il a généré des gains de ment, à s’exprimer de façon contradic- vent être appréciés au regard d’un projet
productivité au cours des dix dernières toire : l’intérêt des usagers, l’intérêt de commun.
années par redéploiement de personnel et l’institution et l’intérêt des professionnels Elle met aussi en évidence que si l’ina-
rationalisation des activités logistiques, qui y travaillent ; daptation de certaines structures est une
mais dont le potentiel s’épuise. • engager, par le développement source incontestable de surcoûts et de
Au début des années 80, des efforts d’une approche intégratrice, une évolu- non-qualité, les défauts d’intégration au
d’organisation et de gestion ont été entre- tion culturelle ayant pour but d’ouvrir de sein des filières de soins sont une source
pris afin d’accroître la capacité des éta- nouvelles voies à la recherche de plus de surcoûts encore plus considérables.
blissements à maîtriser leur consomma- d’efficacité et d’efficience. Duplication d’examens, dégradation
tion de ressources. Dans le même temps, C’est tout le sens du management stra- de l’état des patients, coûts de transfert
la médicalisation du système d’informa- tégique hospitalier, que de tirer partie du abusifs en sont les conséquences les plus
tion, base d’un système de tarification système professionnel en place, pour fréquentes. La ressource la plus rare, le
rénové, se mettait en place. aboutir à des choix médicaux articulés en temps médical, est ainsi mal employée,
Ces différentes tentatives se sont réseaux, au service de la population*. ce qui génère une cascade de conséquen-
soldées par des échecs ou des retards plus En effet, l’hôpital est une institution ces pour les autres acteurs de l’hôpital.
ou moins importants, liés pour l’essentiel « professionnelle », composée d’indivi- L’approche du management stratégi-
à la non-prise en compte du fonctionne- dus souscrivant à une déontologie et que a pour objet la définition des choix
ment et de la culture des établissements ; possédant un patrimoine de savoirs, de d’orientations médicales les plus appro-
la loi « portant réforme hospitalière » du priés aux missions qui sont les siennes
* sur ce thème, se reporter à M. Cremadez-F. Grateau
31 juillet 1991 a donc cherché à dépas- Le management stratégique hospitalier. Interéditions,
(recours, recherche en particulier). Ce qui
ser cette limite en articulant planification 1992, qui présente l’analyse complète de cette appro- suppose le développement d’actions de
sanitaire et projet d’établissement. che, et sur lequel est fondé cet article. partenariat, en vue notamment de :

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVIII


• limiter les double-emplois de ressour- Le fonctionnement en réseau permet à déformer l’offre de soins et à l’éloigner
ces en veillant à leur utilisation la plus à chacun des acteurs impliqués d’assurer des besoins exprimés par la population.
adéquate aux regard des missions de soins la prise en charge d’une partie d’un tout Si l’on ne peut contrôler efficacement
fixées par la collectivité ; (sa spécialité ou sous-spécialité) sans per- la marge de liberté des acteurs, il faut
• garantir le suivi et la continuité de la dre la vision d’ensemble nécessaire pour donc changer complètement la perspec-
prise en charge des malades ; mesurer les effets de son intervention. tive et s’orienter vers des modes d’action
• assurer la diffusion à l’ensemble des Sur la base de cette approche qu’on basés sur une reconnaissance de cette
équipes médicales de la région de tech- peut qualifier de « communautaire », l’ef- marge de liberté.
nologies maîtrisées. fort à porter par les institutions sera de Il faut abandonner l’idée d’une plani-
En d’autres termes, cette approche centrer l’approche de santé publique sur fication de plus en plus détaillée au pro-
donne un contenu structurant à l’action de la structuration de la prise en charge glo- fit d’une régulation de l’interface entre
mise en réseau des projets médicaux bale des besoins de santé. deux niveaux d’appréhension des problè-
d’établissement. Si le milieu professionnel de la santé mes : le niveau des acteurs locaux, por-
nous apparaît comme spontanément teurs de préoccupations essentiellement
ouvert au concept de réseau, ceci est d’ordre micro-économique, et le niveau
Travailler sur les réseaux beaucoup moins évident en ce qui con- des acteurs nationaux, tutelle et assurance
cerne l’univers technocratique chargé de maladie, qui ont en charge les équilibres
Un hôpital ou une clinique s’inscrit dans l’encadrer. Il s’y cultive encore l’illusion fondamentaux du système national de
un système de santé composé de nom- d’une conception de la santé publique santé et l’insertion de la politique de santé
breux acteurs institutionnels (profession- s’imposant à ses administrés de manière dans une politique d’ensemble.
nels de santé exerçant une activité libé- centralisée pour contenir leur tendance Compte tenu des enjeux sociaux, éco-
rale, laboratoires de recherche médicale, naturelle à privilégier l’intérêt particulier nomiques, éthiques de ce travail, il est
laboratoires pharmaceutiques, produc- au détriment de l’intérêt général. clair que la définition par les pouvoirs
teurs d’équipements paramédicaux…). Fort heureusement, si le cadre régle- publics et les représentants de la Nation
Son action se situe dans un contexte de mentaire actuel fondé sur l’autorité plus des grands axes d’une politique de santé
filières de soins mettant en jeu, pour la que sur la coopération se prête mal à l’éla- publique constitue le préalable à la défi-
prise en charge d’un patient, de multiples boration d’un nouveau contexte relation- nition de telles actions au plan local.
intervenants internes et externes à l’éta- nel, des évolutions se font jour et un re- Cette approche trouve une expression
blissement hospitalier lui-même. nouvellement de la doctrine planificatrice tout à fait intéressante dans la notion de
Pour l’économie du système, le réseau s’élabore progressivement. contrat d’objectifs pluriannuel, consacré
de soins assure le meilleur moyen de rap- Sur la base des réflexions qui précè- par la réforme hospitalière du 31 juillet
procher les modalités de prise en charge dent, elle pourrait tendre à intégrer les 1991 ; en effet, la négociation entre la
du lieu de vie du patient, conduisant vers réponses apportées par les établissements tutelle et l’établissement public de santé
une gestion de l’économie du système de santé, dans le cadre de leurs projets d’objectifs à moyen terme, assortis de
garante d’un renforcement de la qualité d’établissements, élargissant ainsi singu- conditions de financement et d’une éva-
du service et de la satisfaction des usa- lièrement l’approche souvent restrictive luation conjointe permet de sortir de la
gers. de la santé publique, en y admettant l’en- contradiction relevée plus haut entre auto-
Une certaine conception du réseau est semble des actions pouvant faire l’objet nomie des acteurs et nécessité d’une maî-
familière au corps médical. Chaque pra- d’un cadre de définition stratégique, trise des flux économiques transitant par
ticien s’inscrit naturellement parmi un c’est-à-dire porter autant sur les proces- les établissements de soins : elle révèle les
ensemble de partenaires dont il tire en sus de diffusion technologique et l’évo- « préférences » de l’institution. De ce fait,
grande partie sa force. Cependant leur jeu lution des modes de prise en charge que il restitue aux acteurs leurs véritables res-
s’inscrit dans un contexte concurrentiel et sur une approche populationnelle dont on ponsabilités, en leur fixant des objectifs
réglementaire qui en stérilise souvent les a souligné l’inadaptation croissante. à atteindre, connus de l’institution, néces-
effets bénéfiques. Au total, la complexité et la diversité sairement partagés par les acteurs inter-
Construire un réseau c’est, sans pour du champ d’action des acteurs de santé nes des organisations complexes que sont
autant le négliger, dépasser le cadre des locaux – hôpitaux, cliniques, médecins les établissements de santé.
relations confraternelles. C’est établir un libéraux – rend illusoire la recherche d’un
cadre institutionnel de relations entre par- contrôle strict et centralisé de l’autorité
tenaires, plus ou moins formalisé, ayant de tutelle.
pour but d’organiser les complémenta- Une approche globale de rationne-
rités et de faciliter la saisie des opportu- ment, non fondée sur la prise en compte
nités économiques et technologiques au d’éléments fins de l’activité et du fonc- René Caillet
moindre coût. tionnement des acteurs précités conduit Secrétaire général du CHRU de Lille

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIX


Les modalités de préparation et de Prospective. Lesourne J. In Encyclopédie

Bibliographie construction des schémas régionaux


d’organisation sanitaire. Bauduret J. -F.
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Technologie Santé. La planification économique. Ruine et
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Blum H. I. New-York : Human science La planification en santé. Pineault R.,
press, 1974. Daveluy C. Montréal : Agence d’Arc Inc,
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planification dans la société française. Santé 2010. Soubie R. Commissariat
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La planification sanitaire. Truchet D. In
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pour personnes âgées. Frossard M. la direction de M.-J. Auby. Paris : Litec,
Paris : La documentation Française, 1991. 1993.
De l’anticipation à l’action, manuel de Schémas régionaux d’organisation
prospective et de stratégie. Godet M. sanitaire. In Espace social européen,
Paris : Dunod, 1993. supplément du n° 289, avril 1995.
La santé en France, rapport général du La planification sanitaire. In Travail
Haut Comité de la santé publique. social actualités, septembre 1991, n° 375.
Paris : La documentation Française, 1994.
Alain Jourdain, démographe, professeur à
l’ENSP et Michel Frossard, économiste, maî-
tre de conférence, université de Grenoble ont
coordonné ce dossier et en ont assuré la tions par an dont les contenus avaient été
rédaction finale. Sros : rôle de l’École conçus ou repensés dans l’esprit de la nou-
Merci aux auteurs qui ont apporté leur contri- nationale de la santé velle loi. Parmi eux, la planification fut privi-
bution écrite : Jean-Claude Henrard, profes- publique en matière de légiée :
seur de santé publique (plans et planification), formation et de recherche • cinq séminaires interrégionaux intéres-
Didier Castiel, économiste (présentation sant 12 régions au moment de l’élaboration
des plans), Didier Truchet, professeur Dans le cadre du programme de formation de leur schéma, permettant des échanges
de droit (loi de juillet 1991), Isabelle continue, la création ou la réorientation de méthodologiques précieux,
de Turenne, démographe, et les partici- nombreuses actions ont accompagné de • des sessions techniques furent propo-
pants au groupe thésaurus de planification, 1991 à 1994, à la demande de la direction sées sur : la prospective, les méthodes de
A. Lopez, F. Piednoir, B. Basset, D. Lebrun, des Hôpitaux, la mise en œuvre de la loi sondage, l’épidémiologie, l’évaluation, la né-
M. Fouillat, D. Baubeau (présentation des hospitalière. Dans le domaine particulier de gociation. Tous thèmes repérés par une en-
outils), Marc Brémond, chercheur (autorisa- la planification, notre objectif fut d’accom- quête auprès des professionnels.
tion/accréditation), Michel Fouillat, inspec- pagner pédagogiquement l’élaboration des Soutenus par la direction des Hôpitaux,
teur des affaires sanitaires et sociales, et schémas régionaux d’organisation sanitaire nous avons engagé une recherche sur ces
Jean-Pierre Claveranne, chercheur au (Sros) en mettant à la disposition des pro- méthodologies de planification en devenir,
CNRS (Sros et projets d’établissements), fessionnels, concepts et méthodes utilisa- avec des travaux portant sur la concertation,
Jean-François Dodet, médecin inspecteur bles, mais aussi en expertisant et capitali- la production du thésaurus des termes de
de santé publique (schémas des urgences sant toutes les expériences menées sur le planification, l’analyse comparée avec des
et de la transfusion sanguine), Roger terrain à cette occasion. pays étrangers. On a ainsi pu montrer que
Linsolas, inspecteur général des affaires En 1991, un séminaire national élaboré en notre approche nationale ne peut pas être
sociales (Sros : une méthodologie variée), collaboration étroite avec la direction des déclinée en termes de planification par pro-
Michel Frossard (régulation du système de Hôpitaux réunissait à Versailles 60 respon- grammes, de planification stratégique ni de
soins) et René Demeulemeester, médecin sables médico-administratifs des Drass et quasi-marché. L’intérêt du nouveau disposi-
inspecteur de santé publique (vers une pro- de l’administration centrale. Il voulait renou- tif de planification sanitaire tient au processus
grammation régionale de santé publique) veler l’approche traditionnelle de la planifi- mis en œuvre d’élaboration de conventions
Merci à Dominique Baubeau, Marianne cation par l’apport de concepts plus neufs : entre acteurs, mais laisse presque entier le
Berthod-Wurmser, René Caillet, Jacques prospective, aménagement du territoire, problème de la maîtrise des dépenses.
Kiner et Charles Millon pour leur tribune. négociation… Nos efforts portent actuellement sur une
Merci à P. Siwek et Ph. Ferrero pour leur aide De 1992 à 1994, notre programme de for- contribution au bilan de cette expérience
dans la conception et la réalisation de ce dossier. mation continue a proposé de 25 à 30 ac- amorcée il y a maintenant près de cinq ans.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XL

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