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santé publique
11
juin 1995
La santé n’est apparue en tant que telle dans la planification que dans les années
60. L’approche de la planification sanitaire a varié au fil des plans, au gré des
conceptions politiques et des aléas économiques. La définition proposée ici est
celle d’un « processus d’aide à la décision ». Après concertation des acteurs
concernés, accord sur les finalités et définition des objectifs prioritaires, on
programme les moyens et activités nécessaires à la réalisation des objectifs.
a planification est essentiellement un ins- sus sur les buts ou finalités (par exemple dimi-
L trument de gestion qui doit permettre aux
responsables de prendre des décisions sur une
nuer la mortalité évitable, améliorer la qualité
de vie des personnes handicapées, réduire les
base plus rationnelle. Pour l’administration inégalités en matière de mortalité et de handi-
chargée de répartir des ressources limitées et de cap) ce qui sous-tend un accord sur des valeurs
s’assurer que les services et institutions sont (équité, autonomie par exemple) (cf. p. V, La
Processus gestionnaire organisés et dispensés de façon équitable, elle santé en France). Compte tenu de l’ampleur des
pour le développement sanitaire fournit l’aide pour prendre ses décisions. changements escomptés, cette étape se place
national : principes directeurs. généralement sur une durée de cinq à dix ans ;
Genève : OMS, 1981, série Santé
• la seconde est la définition d’objectifs
pour tous, n° 5
Un processus d’aide à la décision spécifiques prioritaires. Cette étape implique
l’identification des problèmes de santé et de
La planification est donc un processus d’aide leurs déterminants, les personnes concernées
à la décision qui vise, par concertation des ac- (populations cibles), la localisation géographi-
teurs concernés, à prévoir des ressources et des que (nationale, régionale, communale, etc.) puis
services requis pour atteindre des objectifs dé- la hiérarchisation des problèmes*. À ce stade,
terminés, selon un ordre de priorité établi, per- on tient compte de l’évolution possible de ces
mettant ainsi le choix d’une solution préféra- différents facteurs (caractère prospectif). Les
ble parmi plusieurs alternatives. objectifs de réduction du problème de santé
Ce choix prend en considération le contexte (ou d’amélioration d’un déterminant) sont
et les contraintes internes et externes connues
actuellement ou prévisibles dans le futur. * Cette dernière est fonction de la fréquence , en tenant compte
de l’accroissement éventuel dans le temps, de la gravité vitale
À travers cette définition, le processus lui- et/ou fonctionnelle, de l’impact socio-économique, de la per-
même peut être découpé en trois étapes : ception sociale, de l’évidence de mesures efficaces et accepta-
• la première est la recherche d’un consen- bles par la population concernée et en matière de coût.
Les consommations d’alcool Les quatre buts meurs réguliers et de fumeurs occa-
D’ici l’an 2000, diminuer de 20 % la sionnels chez les 12-18 ans ; dimi-
consommation moyenne d’alcool Réduire les décès évitables nuer la proportion de femmes qui
pur par adulte de plus de 15 ans ; Donner des années à la vie continuent de fumer durant leur
réduire les conduites d’alcoolisation grossesse.
dommageables et leurs conséquen-
ces sanitaires et sociales ; réduire Réduire les incapacités évitables
Précarité, insertion et santé
les disparités régionales en amenant Donner de la vie aux années
Assurer des conditions de vie dé-
Sources : La santé en France, HCSP, 1994.
a régulation du système de santé est de- quement depuis les années 60. Les inégalités de
L venue un enjeu très important depuis une
dizaine d’années en France. Les données
répartition de l’offre de soins étaient telles que
même avec des méthodes de planification très
macro-économiques du compte satellite de la frustes on pouvait atteindre des objectifs
santé‚ montrent qu’une inflexion de la consom- d’équité dans l’accès aux services. L’idée de la
mation médicale totale s’est produite dans les planification sanitaire a évolué depuis et à la
années 1982-83, passant d’un rythme annuel régulation strictement quantitative s’est impo-
moyen de l’ordre de 15 % à moins de 8 %. C’est sée petit à petit une réflexion sur l’efficience.
l’hôpital public qui en est le vecteur essentiel, La loi de juillet 1991 a demandé un long pro-
avec pour conséquence un report de certaines cessus d’élaboration. C’est du travail mené en
consommations sur l’hôpital privé, les soins Basse-Normandie qu’est né véritablement le
ambulatoires et les biens médicaux. concept de schéma régional d’organisation
sanitaire. À l’occasion d’une révision de la carte
sanitaire qui conduisait du point de vue prati-
Un renouveau de la planification dans que à une impasse, la Drass a essayé d’expéri-
un contexte de néo-libéralisme menter une méthode de concertation de 1983 à
1986, visant donc à dépasser la logique
La planification sanitaire fut amorcée en France indiciaire pure et dure et à rationaliser l’offre
avec la loi hospitalière de 1970 instaurant la de soins notamment en termes de contrats d’ob-
carte sanitaire pour réguler et redistribuer un jectifs État/établissement.
parc hospitalier qui s’était développé anarchi- Ces évolutions se produisent aussi dans un
laquelle elles sont soumises à renouvellement. Article 21 de la loi du avec eux. Incertitude accrue avec l’institution
Ainsi, les pouvoirs publics contrôlent non plus 4 février 1995 sur d’un schéma national, qui veille « à l’égalité des
l’aménagement du territoire
seulement la constitution initiale du « parc » conditions d’accès (aux soins) sur l’ensemble
sanitaire (comme en 1970, dans la version d’ori- du territoire et au maintien des établissements
gine), mais aussi son évolution. de proximité », ce qui, en pratique, pourrait
Ces autorisations restent délivrées dans le remettre en cause certaines options des schémas
cadre d’une planification sanitaire. À lire la loi régionaux.
de 1991, on pourrait croire qu’il y a peu de La loi de 1991 conserve à la planification et
changement : carte sanitaire et indices de besoin aux autorisations leur caractère centralisé (mais
demeurent ; tout au plus, l’importance des davantage déconcentré au profit du préfet de
régions et secteurs sanitaires est-elle affectée région) et unilatéral. Une tendance à la contrac-
par l’apparition d’un nouveau cadre géographi- tualisation apparaît cependant : contrats pluri-
que de référence : la zone sanitaire. annuels entre les établissements et l’État, la
Mais il y a les schémas d’organisation sani- sécurité sociale, voire les collectivités locales ;
taire : la loi limite leur objet à la répartition Art. L 712-3 consultation systématique des comités national
géographique des installations et équipements et régionaux de l’organisation sanitaire et
de soins. Or, le décret d’application leur confie Art. R 712-9 sociale ; concertation à l’occasion de l’élabo-
aussi la nature et l’importance des éléments ration des schémas régionaux. Et un décret du
soumis à planification, y compris les équipe- 1er mars prévoit une procédure expérimentale
ments matériels lourds, tous points qui, dans la de délivrance contractuelle des autorisations
loi, ne relevaient que de la carte sanitaire. De relatives aux équipements matériels lourds.
fait, la pratique fait des schémas (et de leur Plus ample, plus souple, et donc moins
annexe « indicative ») les supports principaux « lisible » que son prédécesseur, le système de
de la planification et… les lieux d’affrontement 1991 paraît donc promis à de nouvelles évolu-
sur le terrain. tions. En son état actuel, son avenir dépendra
Leur portée juridique demeure incertaine et de la volonté des établissements de « jouer le
notamment le rapport de « compatibilité » que jeu », et de la capacité du ministère à le mettre
les projets d’établissement doivent entretenir en œuvre.
• Fonctionnement de l’existant : l’utilisation Ces objectifs sont mesurés par une batterie d’in-
actuelle des services est-elle conforme d’un Voir p. XIII dicateurs fournis par les établissements, ce qui
point de vue quantitatif aussi bien que quali- La notion d’indice permet d’établir un diagnostic sur la quantité
tatif ? et la qualité des services de soins actuels par
• Stratégies et projets des acteurs : quelle Voir p. XVI secteur sanitaire.
appréciation des besoins est faite par les acteurs Le comité technique sur Autre exemple, la Haute-Normandie s’est
et sur quels objectifs une mobilisation est-elle le projet d’établissement inspirée du schéma d’aménagement du terri-
possible ? toire pour définir des complémentarités entre
En complément du bilan de prise en charge, secteurs sanitaires pour chacune des grandes
l’analyse prospective doit permettre aux acteurs spécialités.
de confronter leur vision des tendances qui
affecteront la demande de services à l’horizon
du plan (généralement 5 ans) et proposer les Comment caractériser la population
transformations à apporter. cible ? Approche populationnelle ou
Mais rappelons que la planification sanitaire approche institutionnelle ?
en France se met en œuvre par la gestion des
autorisations de création, extension, trans- R. Pineault, C. Daveluy. R. Pineault et C. Daveluy ont utilisé ces deux
formation, regroupement ou conversion des La planification de la santé. concepts pour décrire la confrontation entre les
établissements. L’élaboration d’un schéma Concept, méthodes et besoins de la population et la logique de
d’organisation sanitaire, dont il est question ici, stratégies. Montréal : l’organisation. Utiliser une approche popula-
Éditions Agence d’Arc, 1986.
est un outil d’aide à la décision qui procède par tionnelle, c’est partir des besoins de la popula-
confrontation entre le projet de l’État, censé tion et adapter l’organisation de l’offre de soins
résumer l’intérêt collectif étayé par les dossiers de façon à y répondre de manière optimale. À
précédents et soumis à la discussion de l’en- l’inverse, l’approche institutionnelle ou encore
semble des partenaires. Le Sros final, quand il organisationnelle considère que les offreurs de
est arrêté par le préfet, est différent du projet
initial, il devient la référence qualitative pour
décider du bien-fondé des demandes de créa-
tion, extension, etc., de services de soins. On
entre alors dans la phase de programmation des La démarche de planification
moyens et des activités. Caractérisation Finalités Normes ou
Il n’y a pas de méthode unique pour élaborer des besoins référentiels
un schéma car chacun des « dossiers » précé- Population-cible de qualité
dents a une importance plus ou moins grande
selon les régions. Peut-on imaginer que l’Île-de- Stratégies
Fonctionnement Bilan-diagnostic
France et le Limousin élaborent leur schéma en de l'existant du dispositif de prise et projets
suivant la même démarche méthodologique ? en charge des acteurs
Ainsi, les régions Provence-Alpes-Côte-
d’Azur (Paca) et Rhône-Alpes ont procédé à
une approche populationnelle qui a consisté à
définir les zones géographiques homogènes du
Prospective : délimitation
point de vue des relations sociales et économi- Analyse des alternatives,
du système, variables-clés, coût, faisabilité, acceptabilité
ques. En Paca, la comparaison entre les indi- scénarios
ces d’équipement et le fonctionnement réel des
structures a permis une première appréciation
des moyens nécessaires pour répondre aux
besoins de la population du secteur. En Rhône-
Alpes, ce sont les références fournies par des Choix politique
comités régionaux, appliquées à ces zones géo-
graphiques qui ont permis de faire des propo- Programmation
sitions pour la réorganisation de l’offre de soins. Mise en œuvre
L’Auvergne est partie d’un consensus régio-
nal sur les grands objectifs du système de soins, Évaluation
dont le Sros doit permettre la mise en œuvre.
soins, c’est-à-dire les établissements de santé, et lieux d’hospitalisation. Ayant mesuré les flux
sont déterminants dans le processus de planifi- d’hospitalisation prédominants, ils ont pu des-
cation. siner en médecine, chirurgie, obstétrique, le
La mission sociale de l’hôpital public telle territoire d’influence ou bassin d’attraction des
qu’elle est définie en France (soit l’accueil sites hospitaliers. La définition des secteurs
24h/24 de toutes les clientèles, pour toutes les sanitaires qui en a résulté divergeait en certains
pathologies) légitime en premier lieu l’appro- points avec celles des services de l’État mais
che populationnelle. La loi prescrit donc de convergeait en d’autres endroits.
déterminer par le Sros l’offre de soins pertinente Cette confrontation des deux approches en
pour chaque zone géographique, sans préciser enrichissant le débat, a permis certainement de
l’identité des établissements chargés d’y rendre plus opérationnel le découpage des
pourvoir. Cette approche est fondée sur une secteurs sanitaires dans une optique de déter-
connaissance de la population et de ses lieux de mination de filières et de réseaux de soins.
vie sociale. Les besoins en équipements ont été, L’approche populationnelle est souvent con-
et sont encore partiellement définis par l’appli- sidérée comme prioritaire en matière de locali-
cation d’indices, ou de références techniques sation des équipements lourds. Si dans un
proposés par les experts médicaux. Mais cette périmètre d’accès de trente minutes, le bassin
méthode a ses limites en raison de l’impréci- de population à desservir est jugé insuffisant
sion des indices utilisés. On complète donc cette compte tenu notamment de la présence d’autres
approche populationnelle par la description du offres concurrentes à proximité, on pourra
champ d’attraction des établissements, qui refuser, par exemple, à un établissement l’at-
contribuent eux aussi à la structuration de tribution d’un scanner.
l’espace géographique, même si cette donnée
est instable car liée au savoir-faire des prati-
ciens au jour de la mesure de l’attraction.
Un établissement public se doit de prendre Carte sanitaire de Haute-Normandie
en charge toutes les populations dans le cadre
de sa mission de service public. Il se référera Bois-Guillaume
H
donc plus fréquemment, au moins dans certai- P E
• Disposer des • Gradation et • Correspondance entre • Limiter les obstacles • Respect des normes
capacités complémentarité des offre de soins et économiques et sociaux et références en
d'investissements réponses morbidité et/ou mortalité d'accès au système de personnel,
soins pour la population équipements,
• Renforcer les • Utilisation optimale • Améliorer les délais de
procédures, locaux
capacités des des structures prises en charge dans • Proximité et
personnels à évoluer la structure de soins accessibilité des soins • Développer
• Utilisation optimale
l'évaluation interne
• Diversifier les modes des moyens en
de prise en charge personnel • Affectation de
Correspondance de l'équipement aux personnel qualifié dans
• Plein emploi des besoins quantitatifs dans une zone les emplois
équipements médico- « géo-démographique » donnée correspondants
techniques
• Réduire les
• Examen des inégalités
pathologies
intra-régionales dans la
secondaires aux soins
répartition des moyens
Adéquation entre les
• Bonne gestion du patients et les structures
poste « dépenses
médicales et
pharmaceutiques »
male de ces deux démarches. C’est la mission opérationnelle. En matière de soins, l’Organi-
que s’était assignée ce comité technique parti- sation mondiale de la santé définit la qualité
culier. comme le critère permettant « de garantir à cha-
que patient l’assortiment d’actes diagnostiques
et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur
Les finalités résultat en termes de santé, conformément à
l’état actuel de la science médicale, au meilleur
Une dernière approche possible dans un proces- coût pour un même résultat, au moindre risque
sus de planification consiste à s’intéresser aux iatrogénique, et pour sa plus grande satisfaction
finalités du système de soins, aux grands buts en termes de procédures, de résultats et de con-
qu’il doit atteindre. La prestation de soins de tacts humains à l’intérieur du système de
qualité en est un exemple, la recherche de l’éga- soins ». L’OMS ajoute que la « qualité est sans
lité de santé, ou du meilleur service pour un coût doute le facteur qui contribue le plus à donner
donné en sont deux autres, tout aussi fonda- confiance dans le système de soins, chez les
mentales dans notre organisation des soins. professionnels comme dans le public ».
L’Auvergne a ainsi réalisé son bilan du fonc- La notion de qualité est inscrite plusieurs fois
tionnement des services existants à partir de la Art. L 710-3, L 710-4, dans la loi hospitalière en termes de soins de
sélection de quelques finalités qui ont été L 712-1, L 714-23 qualité, d’évaluation des pratiques et des pro-
mesurées par une série d’indicateurs opération- fessionnels pour une prise en charge globale du
nels et dont le résultat a été discuté avec les res- malade afin d’en garantir la qualité, de mise en
ponsables d’établissements. œuvre, dans les services ou départements, d’ac-
La qualité est une finalité qui, de l’avis de tions pour développer la qualité et l’évaluation
tous, doit guider un processus de planification. des soins. Les conditions techniques de fonc-
Mais un examen plus approfondi de cette no- Art. L 712-9 tionnement fixées par décret dans le cadre de
tion permet d’appréhender quelques-unes des la délivrance des autorisations présagent d’un
difficultés que l’on rencontre pour la rendre minimum requis.
La loi de 1991 portant réforme hospitalière ne fixait pas d’objectifs uniformes aux
régions. Ces dernières ont bénéficié d’une large liberté pour l’élaboration de leur
Sros. Ceux-ci réalisés, on constate une grande diversité aussi bien dans les
méthodologies employées, l’analyse de l’existant que dans les objectifs retenus.
ontrairement à la mise en œuvre de la carte ficultés qu’elles ont rencontrées à chaque étape
C sanitaire pour laquelle les services de
l’État peuvent se prévaloir d’une expérience
de la procédure.
Les méthodes de planification n’ont pas pour fonction principale d’assurer une
maîtrise des dépenses de santé. On trouvera confirmation de cette idée dans le
Livre blanc sur l’assurance maladie. La fonction principale du dispositif de
planification sanitaire actuel est plutôt d’assurer la coordination des principaux
acteurs qui participent au service public hospitalier.
e Sros est un outil de gestion des politi- ou retardent la destruction du système qui en
L ques publiques qui reste limité dans ses
effets, du fait de l’absence d’une conception
résulterait. D’après l’Encyclopedia universalis,
la régulation est un ensemble de mécanismes
claire du mode de régulation économique par qui rendent compatibles des jeux de variables
les acteurs du système de santé : élus, techni- ou des stratégies d’acteurs qui n’ont aucune rai-
ciens de la santé publique et des administrations son de l’être a priori.
de l’État ou de la Sécurité sociale, producteurs Pour ce qui nous concerne, il s’agit de ren-
de services, usagers-consommateurs. Cette dre compatibles les offres des producteurs de
absence de lisibilité du système de régulation soins ou de prévention et les demandes (ou les
provient de la coexistence de formes relevant besoins) de la population. Le Sros est bien
de trois modes différents de celle-ci, ou d’une défini dans la loi hospitalière comme la recher-
transition en cours entre les modèles tradi- che d’une meilleure réponse à la demande et un
tionnels qui sont ceux du marché ou de la con- processus d’allocation optimale de l’offre régio-
currence et un modèle nouveau qui est une nale. Cette recherche se fait dans le cadre de
régulation analysable dans les catégories de contraintes réglementaires et organisationnelles
l’économie des conventions. variées, qui régissent les autorisations, les ta-
rifs, les missions et statuts des offerts. L’état des
connaissances en économie fait que le modèle
Le Sros : davantage une aide à la le mieux connu est celui du marché. Mais on
décision qu’un processus de décision sait aussi combien son application pose pro-
blème dans le domaine de la santé.
La notion de régulation économique s’applique- Les Sros ont mis en place des procédures,
t-elle au Sros ? Elle est empruntée à l’analyse en général très développées, de concertation.
systémique. Tout système est soumis à une loi Elles ont souvent été installées sans que la
d’entropie qui signifie un état de désordre crois- question des finalités du schéma n’ait été
sant. Les mécanismes de régulation empêchent véritablement tranchée et appropriée par les
équipes projets. Lieux de rencontre de différents sans compétence régulatrice, ce qu’elle refuse,
pouvoirs, politiques, administratifs, médicaux, l’hôpital public se montre tout à la fois sous le
ces instances de concertation ne peuvent jouer jour gestionnaire interne, organisme de santé
correctement leur rôle que si chaque acteur joue publique, pourvoyeur d’emploi et de tissu
bien le sien… ce qui nécessite qu’il soit clair. économique local. Les usagers font l’objet de
Beaucoup d’élus sont à la fois des « régula- beaucoup d’attentions… mais sont rarement
teurs » et des producteurs de soins (le maire- représentés.
président du conseil d’administration de De fait, la concertation dans les Sros a été
l’hôpital), l’assurance maladie est considérée principalement celle des professionnels entre
souvent sous l’angle exclusif d’un financeur eux. Elle a pour mérite immense d’avoir tenté
R. Soubie, J.-L. Portos, Ch. Prieur. Livre blanc sur le système de santé et d’assurance maladie. Paris : La Documentation française, 1994, 549 p.
en termes de résultats à atteindre, en termes de fisantes, une partie d’entre elles pourraient être
meilleur état de santé pour la population. Les orientées de manière plus efficace. La program-
différentes activités à mettre en œuvre pour les mation stratégique des actions de santé doit per-
atteindre sont ensuite envisagées. La program- mettre ces réorientations progressives avec une
mation stratégique des actions de santé sur- grande transparence. Les projets régionaux de
monte les distinctions entre promotion et édu- santé créent un lien explicite entre les buts à
cation pour la santé, prévention, soins, insertion, atteindre, les activités à mettre en œuvre, et les
etc. en structurant ces différentes activités dans ressources déployées pour ce faire. Les diffé-
une approche globale et cohérente. Les activi- rents partenaires du projet connaissent la part
tés hiérarchisées dans le temps, structurées en des ressources prévues pour chaque secteur
autant de projets opérationnels que nécessaire d’activités et les raisons qui justifient les inves-
dans lesquels les responsabilités propres de tissements réalisés ou envisagés dans chacun de
chacun des acteurs qui les soutiennent ou les ces secteurs.
animent sont définies ainsi que les ressources
qui vont être mobilisées. Le projet régional de
santé comporte un système d’évaluation qui va Une évolution décisive
permettre de la réorienter en fonction des résul- pour la gestion de la santé
tats atteints, des activités effectivement mises
en œuvre, des obstacles rencontrés, etc. Les enjeux dans le domaine de la santé ont long-
L’une des caractéristiques essentielles de la temps été dominés par la gestion des services
programmation stratégique des actions de santé et singulièrement de l’hôpital public. Depuis
est l’importance qu’elle accorde aux différents une quinzaine d’années, la maîtrise des dépen-
acteurs, décideurs, institutionnels, profession- ses de santé a été placée, avec un succès limité,
nels et associatifs. L’élaboration d’un projet de au cœur des priorités. Plus récemment, la sé-
santé n’a de sens que s’il est effectivement réa- curité des soins a occupé le devant de la scène.
lisé. Il ne peut l’être dans de bonnes conditions Les projets régionaux de santé s’inscrivent dans
que si les personnes qui auront à y participer, à un courant qui tend à recentrer les préoccupa-
différents niveaux, dans différents domaines tions du système de santé sur l’amélioration de
d’intervention se sont appropriés le projet. La la santé, sans pour autant renoncer à la qualité
concertation de ces acteurs dès le stade d’éla- et à la sécurité des soins, ni aux impératifs d’or-
boration du projet est un élément majeur de ganisation des services en adéquation avec les
cette appropriation. L’identification d’objectifs besoins. La maîtrise des dépenses de santé est
explicites et partagés leur procure une visibi- considérée, dans ce cadre, non pas comme un
lité à moyen terme qui leur permet d’inscrire but en soi, mais comme une contrainte incon-
leurs propres activités dans le sens des objec- tournable.
tifs du projet. La concertation entre les acteurs Dans les années 70, le programme périnata-
permet également une reconnaissance mutuelle lité a été un exemple demeuré fameux de pla-
de leur compétence propre sans laquelle il ne nification dont la finalité était l’amélioration
peut exister de partenariat durable. Si la pro- d’un problème de santé prioritaire. La planifi-
grammation stratégique des actions de santé cation sanitaire a ensuite été centrée essentiel-
favorise la mobilisation, la concertation et la lement sur l’organisation des services à travers
coordination des pouvoirs publics, des institu- la carte sanitaire, les schémas départementaux
tions et des associations, elle doit également de psychiatrie et de soins aux personnes âgées,
impliquer, dans la recherche et la mise en œuvre et plus récemment les schémas régionaux d’or-
des solutions, les personnes, leurs familles, leurs ganisation sanitaire. Enfin, se sont développés
milieux de vie et les professionnels avec les- les programmes de prise en charge des person-
quels ils sont en relation. Ce sont en définitive nes atteintes d’infection par le VIH. La pro-
les personnes qui constituent la population, qui grammation stratégique des actions de santé
en adoptant des comportements plus favorables renoue avec le caractère finalisé du programme
à la santé, vont contribuer le plus à l’améliora- périnatalité, dans une approche toutefois plus
tion de l’état de santé, la démarche doit tenir déconcentrée et sans doute moins technique,
compte de leurs aspirations. soucieuse de mobiliser plutôt que d’imposer.
Si les ressources consacrées à la santé peu- La programmation stratégique des actions de
vent être considérées comme globalement suf- santé, sans renier les efforts d’amélioration de
la gestion du système de soins, propose de pas- peuvent être résolus par un seul type d’acteur,
ser à un stade supérieur : l’orientation du sys- et pour aucun, les moyens à mettre en œuvre
tème vers des objectifs explicites d’améliora- ne sont sous la responsabilité d’un décideur
tion de la santé. unique. Ainsi par exemple, les départements ont
La programmation stratégique des actions de une compétence particulière en matière de can-
santé offre une alternative à la gestion centrali- cer, tandis que la lutte contre l’alcoolisme et le
sée par directives qui suppose que l’adminis- tabagisme, principaux déterminants de l’appa-
tration centrale soit chargée non seulement de rition de cancers, sont sous la responsabilité de
concevoir les politiques nationales, mais aussi l’État ainsi que la tutelle des établissements
d’en édicter les modalités d’application tandis hospitaliers qui prennent en charge les malades,
que les services déconcentrés sont chargés de l’assurance maladie finance certaines activités
l’exécution sur le terrain. Les directives sont ici de dépistage et la quasi-totalité des soins aux
remplacées par une impulsion, un cadre, un malades. Ainsi, aucune collectivité, aucun or-
apport de méthode, une formation et un soutien ganisme ne dispose à lui seul des compétences
aux projets élaborés. La participation de repré- qui lui permettraient de résoudre l’ensemble du
sentants de l’administration centrale aux étapes problème. Le partenariat est donc incontourna-
clefs de l’évolution du projet est source d’une ble. Dans ce partenariat, les services de l’État
meilleure compréhension mutuelle et d’un en- ont à jouer pleinement un rôle d’impulsion et
richissement réciproque. d’animation qui leur est rarement contesté dès
Parmi les problèmes de santé identifiés lors qu’ils respectent les compétences propres
comme prioritaires au niveau national, très peu des autres partenaires.
Planification et besoins
de santé de la population
L acrement
planification contribue médio-
à la prise en compte des
quinquennal. Elles ont été accompagnées
d’objectifs globaux mais chiffrés ;
besoins de la population. Le cas est-il • la loi hospitalière de 1970 devait con-
désespéré ? Est-il impossible, ou seule- duire à des travaux spécifiques sur les
ment très difficile, de mettre en œuvre équipements hospitaliers et médicaux,
une planification qui tienne vraiment débouchant également sur des décisions
compte des besoins de santé de la popu- (réglementaires). Ce processus de plani-
lation ? fication sanitaire aurait pu aisément
Longtemps, le « besoin » a été comme « s’emboîter » dans le précédent ; avec
l’intelligence : « c’est… ce que je me- des indicateurs de référence communs,
sure », répondait en substance le spécia- une composition adéquate des commis-
liste de santé publique sommé par le sions sollicitées, il était naturel d’établir
planificateur de trouver des critères un tel lien.
rationnels, socialement acceptables, à la Dans ce double processus, l’étude des
programmation de ses actions. Qu’il eut besoins de la population était supposée se
des doutes, c’est probable. En tout état de réaliser à la fois aux niveaux local et na-
cause, il faisait des réponses. C’est le tional, et les préférences de la population,
mode de fabrication de ces réponses qui supposées s’exprimer par la voix de ses
nous intéressera ici. représentants (élus, partenaires sociaux)
En revanche on rencontre moins de dans toutes les instances de concertation.
problèmes pour préciser ce que planifier Pour rationnel qu’il fût, ce double proces-
veut dire. Planifier, c’est mettre en œuvre sus n’a cependant pas fonctionné selon ce
un processus de concertation, tenant schéma idéal, et la loi hospitalière de
compte des besoins et des contraintes, qui 1991 lui a substitué un processus nou-
débouche sur des décisions techniques veau, centré sur l’élaboration des sché-
prises en application d’orientations mas régionaux d’organisation sanitaire.
déterminées sur le moyen ou le long Quelles que soient les améliorations
terme. Dans le domaine de la santé, en apportées par le dispositif qui vient de
France, deux types de travaux relèvent déboucher sur une première génération de
traditionnellement d’une telle définition : Sros, on peut douter qu’un certain nom-
• jusqu’au début des années 80, des bre des facteurs qui ont fait obstacle
orientations ont été définies en matière de pendant deux décennies à une bonne prise
santé dans le cadre d’une planification en compte des besoins de la population
nationale débouchant sur une loi de Plan aient totalement disparu. Les nouvelles
d’observation des états de santé et des sommations sont abusivement considérés lieux de définition et de production des
conditions techniques de l’exercice mé- comme inaccessibles aux effets des po- données sur l’état de santé ou ses déter-
dical (direction générale de la Santé), et litiques publiques : la référence aux minants. Dès lors, le risque demeure
les fonctions financières (direction de la consommations constatées est alors sus- d’une déconnexion entre la logique des
Sécurité sociale) : quelle instance admi- ceptible de servir surtout des corporatis- besoins et la recherche d’une meilleure
nistrative est vraiment responsable de la mes particuliers ; organisation territoriale de l’offre de
stratégie globale, tenant compte à la fois • enfin, les attentes légitimes du public soins. Une des conséquences en serait une
des contraintes de financement et de ges- (« les usagers potentiels ») n’ont pas inéquité plus grande d’accès aux soins,
tion et des besoins de la population ? trouvé de modalités organisées d’expres- (l’équité supposant un traitement diffé-
Quant à l’usager, on l’a laissé « voter sion, si ce n’est, a posteriori, au travers rencié des situations selon la nature et
avec ses pieds », en l’absence de choix des médias ou des flux de clientèles cons- l’ampleur des besoins).
collectifs significatifs, sans guère s’inter- tatés. C’est probablement un des facteurs Le concept de « besoins de santé de la
roger (et l’interroger) sur les chemine- qui explique la place très insuffisante des population » est donc paradoxalement
ments qui l’avaient porté à consommer tel instruments de mesure de la qualité de vie démobilisateur, dans la mesure où les spé-
soin dans tel ou tel service. des populations, aux côtés des indicateurs cialistes de santé publique savent qu’il ne
Dans un tel contexte « mou », rien n’a de mortalité ou de morbidité pour appré- peut guère aujourd’hui déboucher sur des
conduit non plus à développer des instru- hender les besoins. applications concrètes satisfaisantes, en
ments performants de connaissance adap- Jusqu’à une date relativement récente, l’absence surtout d’instruments de con-
tés aux besoins de la planification sur les l’observation de l’état de santé de la po- naissance adaptés. De façon quelque peu
problèmes de santé et les recours aux pulation était l’apanage d’instances scien- paradoxale, il semble que le processus de
soins de la population. On s’en est long- tifiques spécialisées (Inserm, Comité planification ne puisse tenir compte des
temps contenté. Mais dans la période national des registres, réseaux de sur- besoins de santé de la population que si,
récente la rareté des ressources a donné veillance…) ou d’équipes de chercheurs, auparavant, on accepte de limiter ses
un nouvel intérêt à ces notions : comment dont le partenaire institutionnel était la ambitions à quelques priorités reconnues
en effet limiter les dépenses ou leur direction générale de la Santé. Les objec- (ce qui souligne l’importance, pour les
progression sans identifier les besoins, les tifs poursuivis étant la surveillance définir, d’une concertation élargie au-delà
hiérarchiser, protéger ceux qui apparais- épidémiologique et la production de des professionnels et des élus).
sent « prioritaires » ? connaissances, il était naturel que le choix Sans un tel complément, il apparaît
des thèmes retenus et le cadre géographi- trop flou et trop vaste pour donner prise
que des études laissent peu de place à des à des analyses rationnelles et à des orien-
Une faible mobilisation des préoccupations opérationnelles (exem- tations précises. La demande accrue de
connaissances sur la santé des ples : registre des malformations congé- sécurité, de la part du public ou d’une
populations nitales de l’enfant, études de pathologies opinion secouée par diverses affaires qui
limitées à un ou deux départements). ont ébranlé sa confiance, contribue en
Les évolutions récentes conduisent à con- La création des Observatoires régio- outre aujourd’hui à élargir l’écart qui
sidérer les instruments traditionnels naux de la santé a rapproché la mission sépare « demande » et « besoins » et à
d’approche des besoins de la population générale d’observation du système déci- rendre plus complexe l’approche de ces
comme très insuffisants : sionnel local et contribué de façon signi- derniers.
• les données démographiques sont, ficative à la renaissance du concept de Pour éviter la paralysie ou la disper-
certes, une base de projection indispen- besoins, à partir de données comparatives sion inefficace, la solution est probable-
sable. Mais quand les disparités locales chiffrées, faciles à appréhender. Une ment de passer par une étape de sélection
d’équipements et de consommation sont étape supplémentaire pourrait être fran- des domaines où doit s’exercer une action
aussi fortes qu’en France, quels critères chie si les épidémiologistes des instituts volontariste de la puissance publique. Ce
normatifs appliquer à ces données pour de recherche et des universités étaient peut être, comme aux Pays-Bas, au tra-
déboucher sur une planification ? mobilisés pour alimenter les réflexions vers d’une définition d’un « panier de
• les fréquentations ou les consomma- opérationnelles (qui en retour, peuvent soins et de services » minimum, ce que
tions constatées ont traditionnellement offrir aux recherches les plus académi- propose notamment le rapport Soubie. Le
servi à la fois de « base historique » pour ques des données de qualité). Haut Comité de la santé publique, pour
approcher le devenir des équipements et Cependant, les conditions d’encadre- sa part, propose d’adopter tout ou partie
de substituts à des données de besoins (le ment réglementaire de la planification des « objectifs spécifiques pour des pro-
faible taux d’occupation d’un service (normes médico-techniques, fixation blèmes de santé prioritaires » et d’en faire
hospitalier justifie sa suppression). d’indices, maîtrise de la démographie l’axe central des exercices de planifica-
Médiocres substituts, en vérité, car les médicale) sont restées largement centra- tion à moyen terme. Les besoins seraient
cheminements qui ont conduit à ces con- lisées et, par conséquent, découplées des repérés essentiellement à partir de l’écart
nouvelle qui me satisfait pleinement et Enfin, elle mène une politique active
me conforte dans l’action menée en de prévention en direction notamment des
Rhône-Alpes. jeunes, via des campagnes de sensibilisa-
En effet, malgré l’absence d’attribu- tion (bruit, sida, alcoolisme).
tions légales, la région s’est fortement im- Autant d’actions qui s’attachent à
pliquée, de façon tout à fait volontariste, prendre en compte les besoins de santé de
aux côtés des collectivités et de l’État, la population rhônalpine.
depuis de longues années, dans une poli-
tique sanitaire et sociale d’envergure.
Ainsi, le budget 1995 d’un montant total
de 80 millions de francs se décline en ter-
mes d’aménagement du territoire, dans un
souci sans cesse renouvelé de solidarité
régionale. Il prend en compte, en complé-
ment des interventions existantes, de nou-
velles orientations : vieillissement des
personnes handicapées, dynamisation des
politiques de prévention de la santé et
coordination du maintien à domicile.
Dans le détail, la région Rhône-Alpes
apporte un soutien au secteur des person-
nes âgées par sa participation aux réno-
vations et extensions d’établissements,
par des opérations portant création de
nouveaux lits médicalisés, par la pour-
suite de l’aide à la coordination des ser-
vices concourant au maintien à domicile
des personnes âgées, en partenariat avec
la Caisse régionale d’Assurance Maladie
ou dans le cadre des contrats globaux de
développement ainsi que par l’humanisa-
tion des lits d’hospice dans le cadre du
Contrat de Plan.
En faveur des personnes handicapées,
la région privilégie la création ou l’agran-
dissement des structures de travail
(centres d’aide par le travail et ateliers
protégés). Elle encourage les structures
capables d’apporter des réponses inno-
vantes et structurantes en matières d’hé-
bergement des personnes handicapées
vieillissantes. Elle aide les projets origi-
naux et innovants visant à l’intégration
dans la cité de ce public si souvent rejeté,
cloisonné.
La région apporte également une aide
en matière d’adaptation des logements
aux personnes âgées souhaitant rester à
leur domicile malgré la dépendance.
Elle s’implique aussi au niveau des
aspects sociaux de la politique de la ville,
par le biais de valorisation de program-
mes locaux d’insertion concourant à la Charles Millon
vie du territoire rhônalpin. Président de la région Rhône-Alpes
considération comme préexistants et hospitalière de 1991 et de penser l’orga- des malades, en amont ou en aval de l’éta-
connus, mais victimes d’une tendance à nisation des soins dans un cadre général, blissement, et déboucher sur une vérita-
l’expansion qu’il s’agissait d’encadrer en à la fois sanitaire et médico-social, les ble organisation des soins en réseau.
limitant l’offre de soins pour casser la dy- deux aspects, bien que distincts, se révé- À ce moment, la prise en compte des
namique entre l’offre et la demande, lant fortement complémentaires. besoins réels des assurés apparaît. Elle
assimilée aux besoins. Cette conception Une telle perspective est valable à la naît du dialogue, de l’analyse et de la
est dépassée. fois au niveau de chaque établissement et volonté de comprendre puis de répondre
au niveau de l’ensemble de la région. au mieux aux besoins reconnus.
La prise en charge globale de la per- Une organisation souple mais forma-
Les besoins peuvent être sonne implique une reconnaissance de la lisée doit se mettre en place pour permet-
appréciés dans la rencontre entre médecine interne, dont l’approche privi- tre et organiser une telle planification. Le
partenaires de santé légie une vision d’ensemble du malade, suivi des objectifs fixés constitue un in-
une organisation des soins de suite et de dicateur de l’implication de chacun dans
Nous savons que les besoins ne peuvent réadaptation large, à la fois de rééduca- la démarche, tout en garantissant l’effi-
longtemps être niés. Ils finissent par faire tion et de convalescence, en tenant cacité du dispositif.
irruption et obliger le système à évoluer. compte de l’aspect social et médical.
Le développement des alternatives à Un schéma régional d’organisation so-
l’hospitalisation en est une illustration. ciale complèterait l’existant pour former Poursuivons…
Le débat que nous avons eu dans la ré- un schéma régional d’organisation des
gion sur le contenu du schéma régional soins, fondé sur les besoins de la personne Nous sommes donc au milieu du gué,
d’organisation sanitaire a permis de faire et non sur les structures qui les délivrent. dans la région, entre une planification
se rencontrer des partenaires qui s’igno- L’exemple des bassins gérontologi- théorique, de papier, et une planification
raient souvent ou n’avaient pas l’habitude ques, dont la création a été demandée par participative où chacun joue son rôle vis-
de travailler ensemble. Cette synergie a l’assurance maladie au préfet, illustre à-vis de ses partenaires dans un dialogue
rendu les uns et les autres plus perfor- cette volonté de mettre en synergie les constructif qui permet de déboucher sur
mants et plus sensibles à leur spécificité institutions au service des personnes une organisation globale et réaliste des
dans l’exercice de leurs missions. âgées et de permettre le maintien à domi- soins au service des personnes et non des
Un vocabulaire commun a été adopté, cile en le concevant dans un ensemble de établissements.
des règles du jeu reconnues pour l’évo- services, dont ceux que peut rendre ponc- L’analyse des besoins, en zone isolée,
lution des structures, un consensus mini- tuellement l’hôpital. ou en psychiatrie par exemple, ne peut
mal sur le constat de l’existant est apparu. Une telle planification ne se décrète être sanitaire ou médico-sociale. Elle
La prise en compte du point de vue des pas d’emblée mais résulte d’une large appelle une réponse globale.
professionnels a enrichi le débat et per- concertation. La finalité de la planification elle-
mis de réfléchir avec plus d’efficacité. La même comme celle des institutions qui y
connaissance de l’existant, à laquelle l’as- concourent ou sont impliquées, réappa-
surance maladie a largement participé Pour une planification itérative et raît dans cette conception large, de ser-
avec des enquêtes transversales et le fruit participative vice, à laquelle l’assurance maladie est
de ses travaux courants finalisés pour la attachée.
planification, a permis d’approcher les La participation des acteurs à la réflexion Nous sortirons alors complètement de
besoins de manière plus précise, par sur l’organisation des soins devrait per- l’ère de la planification de papier.
l’analyse. mettre de fixer des objectifs réalistes et
Il reste cependant à poursuivre dans en prise directe avec le terrain, facilitant
cette voie car la logique d’ensemble de- ainsi l’évolution souhaitée. Le nécessaire
meure celle d’un encadrement de l’offre suivi des objectifs conduit à revoir en
plutôt que d’une organisation globale des permanence le dispositif pour le rendre
soins. plus efficace, en associant les acteurs à
cette évaluation, enrichie par l’expérience
des uns et des autres.
La nécessité d’une vision globale Les projets d’établissement consti-
des soins tuent à cet égard une occasion privilégiée
de dialogue entre les partenaires, sur le
Au lieu de partir des structures, nous pro- constat de l’existant puis sur les perspec- Jacques Kiner
posons de partir de la prise en charge glo- tives. Le débat pourrait alors s’ouvrir aux Directeur de la caisse régionale
bale de la personne préconisée par la loi acteurs concernés par la prise en charge d’assurance maladie de Rhône-Alpes
vilégié les soins de pointe et des modes C’est un exercice difficile, indispen- méthodes et de comportements partagés.
de prise en charge centrés sur la couver- sable, qui dépend de la capacité d’initia- De ce fait, il souffre de ne pas pouvoir,
ture de l’assurance-maladie, visant une tive et du dynamisme des hôpitaux. C’est savoir ou vouloir orienter et contrôler les
clientèle d’assurés sociaux stables ; ainsi aussi le fondement sur lequel repose une processus de formalisation et de sociali-
s’opère, par le double jeu de la filière véritable adaptation de la réponse aux sation de ses membres. Gérés par des
administrative et médicale, un processus besoins de santé de la population, à con- instances différentes, ces processus en-
d’exclusion sociale grave. dition de bien intégrer la dimension gendrent une hétérogénéité des logiques
Garant de l’égal accès aux soins des socio-organisationnelle de l’hôpital, de professionnelles qui nuit à l’émergence
personnes, le service public se doit d’or- développer une approche stratégique, d’une vision commune et équilibrée des
ganiser, dans une approche communau- ouverte sur l’environnement, de travailler nécessaires interactions entre acteurs.
taire, une réponse adaptée à la demande à la mise en synergie des réseaux de soins. Dans un contexte où l’offre structure
et aux besoins des personnes incluses le marché plus que la demande, l’hôpital
dans ces filières. peut perdre de vue les attentes de ceux qui
L’action de planification peut contri- Appuyer le projet d’établissement recourent à ses services et se refermer sur
buer à renforcer les mécanismes d’exclu- sur une démarche stratégique lui-même, diminuant ainsi ses facultés
sion, en classant certaines populations d’adaptation. Face à un renforcement des
dites « à risque » dans un dispositif figé. En quatre ans, seuls ou assistés par des contraintes pesant sur l’organisation, il
Plus fondamentalement, le régime des consultants, les établissements hospita- risque de voir ses membres les plus in-
autorisations, couplé à des programmes liers ont donc, pour la plupart, produit des fluents adopter une position prescriptrice
fléchés (urgences, sida, maladies cardio- documents sur l’impact desquels il con- rigide, destinée à les protéger de toute
vasculaires…) peut conduire au dévelop- vient de s’interroger. ingérence, et développer un discours
pement d’activités reposant sur l’expres- Le projet d’établissement ne peut en idéologique et moralisateur pour rejeter
sion de rapports de pouvoirs n’apportant effet se résumer à la production d’un do- les évolutions qui leurs sont proposées.
pas de réponse à moyen et long terme aux cument répondant à une obligation régle- L’une des conclusions de la démarche
besoins de santé de la population. mentaire. Un tel document, support de stratégique appliquée à l’hôpital est que
communication et référence, tant sur le pour être performant dans un contexte de
La critique interne : l’insuccès plan interne qu’externe, n’est qu’une ressources limitées, l’établissement ne
des solutions gestionnaires phase d’un processus qui poursuit une peut ni ne doit tout faire. Une analyse de
double ambition : son positionnement par rapport à l’envi-
L’implantation du « budget global » a • expliciter les choix et identifier les ronnement est nécessaire, pour mettre en
permis de limiter le montant des ressour- actions permettant de concilier trois di- évidence ses forces et faiblesses, dans un
ces allouées aux établissements publics et mensions qui ont tendance, spontané- contexte où menaces et opportunités doi-
privés concernés. Il a généré des gains de ment, à s’exprimer de façon contradic- vent être appréciés au regard d’un projet
productivité au cours des dix dernières toire : l’intérêt des usagers, l’intérêt de commun.
années par redéploiement de personnel et l’institution et l’intérêt des professionnels Elle met aussi en évidence que si l’ina-
rationalisation des activités logistiques, qui y travaillent ; daptation de certaines structures est une
mais dont le potentiel s’épuise. • engager, par le développement source incontestable de surcoûts et de
Au début des années 80, des efforts d’une approche intégratrice, une évolu- non-qualité, les défauts d’intégration au
d’organisation et de gestion ont été entre- tion culturelle ayant pour but d’ouvrir de sein des filières de soins sont une source
pris afin d’accroître la capacité des éta- nouvelles voies à la recherche de plus de surcoûts encore plus considérables.
blissements à maîtriser leur consomma- d’efficacité et d’efficience. Duplication d’examens, dégradation
tion de ressources. Dans le même temps, C’est tout le sens du management stra- de l’état des patients, coûts de transfert
la médicalisation du système d’informa- tégique hospitalier, que de tirer partie du abusifs en sont les conséquences les plus
tion, base d’un système de tarification système professionnel en place, pour fréquentes. La ressource la plus rare, le
rénové, se mettait en place. aboutir à des choix médicaux articulés en temps médical, est ainsi mal employée,
Ces différentes tentatives se sont réseaux, au service de la population*. ce qui génère une cascade de conséquen-
soldées par des échecs ou des retards plus En effet, l’hôpital est une institution ces pour les autres acteurs de l’hôpital.
ou moins importants, liés pour l’essentiel « professionnelle », composée d’indivi- L’approche du management stratégi-
à la non-prise en compte du fonctionne- dus souscrivant à une déontologie et que a pour objet la définition des choix
ment et de la culture des établissements ; possédant un patrimoine de savoirs, de d’orientations médicales les plus appro-
la loi « portant réforme hospitalière » du priés aux missions qui sont les siennes
* sur ce thème, se reporter à M. Cremadez-F. Grateau
31 juillet 1991 a donc cherché à dépas- Le management stratégique hospitalier. Interéditions,
(recours, recherche en particulier). Ce qui
ser cette limite en articulant planification 1992, qui présente l’analyse complète de cette appro- suppose le développement d’actions de
sanitaire et projet d’établissement. che, et sur lequel est fondé cet article. partenariat, en vue notamment de :